Les pionniers de Côte-d’Ivoire

 


Robert L. Mercer

 

 

     

      Alors qu'il se trouve en Afrique en 1992, James E. Faust, du Collège des douze apôtres, déclare : « L'Esprit du Seigneur plane sur l'Afrique » (conférence des présidents de mission, Nairobi, Kenya, les 10 et 11 novembre 1992). En effet, les missionnaires à plein temps qui œuvrent alors en Côte-d’Ivoire peuvent voir l'influence de l'Esprit car les gens commencent à accepter le message du Rétablissement en nombre grandissant.

     

      La révélation de 1978, qui accorde la prêtrise à tout homme fidèle et digne, n'a pas un effet aussi immédiat en Côte-d'Ivoire que dans certains pays africains anglophones. Les livres de l'Église en anglais parviennent par exemple au Ghana et au Nigeria, ce qui pousse les gens à demander à l'Église d'envoyer des missionnaires. Mais pour la Côte-d'Ivoire, qui est francophone et qui se trouve entre le Liberia et le Ghana sur la côte occidentale de l'Afrique, l'Évangile entre par une autre porte.

 

      L'histoire des pionniers de l'Église de Côte-d'Ivoire est une histoire de difficultés et de sacrifices, de diligence et de persévérance. C'est surtout une histoire de foi et d'amour du Sauveur.

 

      Dans les années 1970 et 1980, des étudiants ivoiriens ont connaissance de l'Évangile en Europe. En retournant dans leur pays natal, ces saints des derniers jours permettent à l'Évangile de prendre racine et de se faire connaître.

 

 

Philippe et Annelies Assard

 

      L'un de ces Ivoiriens est Philippe Assard. Il part à Cologne, en Allemagne, en 1971 pour entrer dans une école d'ingénieurs. Pendant ses études, il rencontre Annelies Margitta à un bal à Remscheid, où elle habite. Peu après, ils se marient, Philippe trouve un emploi et ils ont un enfant.

 

      En 1980, deux missionnaires à plein temps frappent à leur porte et leur présentent le message du Rétablissement. Les Assard acceptent rapidement l'Évangile. Ils se font baptiser sans attendre et, selon Philippe Assard, ils reçoivent « une abondance de bénédictions ». Philippe et Annelies sont scellés dans le temple de Zollikofen, en Suisse, et Philippe trouve un nouvel emploi qui lui permet de mieux subvenir aux besoins de sa famille grandissante qui comprend alors un fils, Alexandre Joseph, et une fille, Dorothée Anne.

 

      Malgré l'amélioration de la situation financière de sa famille et sa vie de plus en plus confortable en Allemagne, Philippe Assard commence à se sentir attiré par sa Côte-d’Ivoire natale. Il se rend compte que le développement dont son pays a le plus besoin ne vient que par l'Évangile de Jésus-Christ, et il est déterminé à jouer un rôle dans l'implantation de l'Évangile dans son pays. Sa candidature à un emploi dans une entreprise qui recherche des ingénieurs en Côte-d'Ivoire n'aboutit pas, mais en 1984, il décide d'aller passer des vacances dans son pays natal et d'explorer personnellement les possibilités d'emploi. Il est déçu d'apprendre que l'entreprise à laquelle il a proposé sa candidature a des difficultés financières. Aucune autre possibilité d'emploi n'aboutit.

 

      Il raconte : « Je suis retourné à Cologne, mais j'avais une foi totale au Seigneur parce que j'avais fait un rêve d'après lequel l'Évangile devait être établi en Côte-d'Ivoire. Alors en 1986, après avoir prié et jeûné avec ma femme, j'ai décidé de retourner dans mon pays pour y donner ce que j'avais reçu, pour améliorer la situation de ma famille et de mon peuple ». Avant de quitter l'Allemagne, les Assard reçoivent leur bénédiction patriarcale, retournent au temple de Zollikofen et se rendent à Francfort où ils rencontrent des membres de la présidence de l'interrégion d'Europe : Joseph B. Wirthlin, devenu depuis membre du Collège des douze apôtres, et Russell C. Taylor, devenu depuis soixante-dix émérite. Philippe Assard raconte : « Je leur ai expliqué mon désir de partir en Côte-d'Ivoire et ces dirigeants ont béni et encouragé ma famille. Frère Wirthlin m'a donné la liste de tous les membres connus de l'Église vivant dans ce pays, il n'y en avait qu'une poignée ».

 

      Philippe Assard quitte son emploi. Sa femme et lui vendent leur maison et tous leurs biens. Le 10 avril 1986, la famille part pour la Côte-d'Ivoire. Ils s’installent avec les parents de Philippe, dans un petit village près d'Abidjan, la plus grande ville et le centre industriel du pays. Ni sa femme, ni ses enfants ne parlent le français. Néanmoins, Alexandre et Dorothée sont inscrits à l'école, tandis que leur mère apprend le français avec sa belle famille.

 

      Pendant une année entière, Philippe Assard cherche sans succès du travail. Toutefois, il ne laisse pas la difficulté de trouver un emploi l'empêcher de faire avancer l'œuvre du Seigneur. Sa femme et lui écrivent aux membres de l’Église dont le nom se trouve sur la liste qu'on leur avait donnée en Allemagne. La famille de Lucien Affoué, d'Abidjan, est la première à répondre. Les deux familles se réjouissent de savoir qu'elles ne sont pas seules. D'autres membres de l’Église de Côte-d'Ivoire répondent aussi, mais ils habitent trop loin pour se joindre à eux.

 

      Philippe Assard dirige la branche qui grandit jusqu'à ce que Marvin J. Ashton, du Collège des douze apôtres, et Alexander B. Morrison, des soixante-dix, viennent dans le pays en 1987. À ce moment-là, Terry Broadhead, employé de l'ambassade des États-Unis, est mis à part comme premier président de branche, avec Philippe Assard comme conseiller. Quand Marvin J. Ashton consacre la Côte-d’Ivoire à la prédication de l'Évangile en septembre 1987, le pays compte seize membres de l'Église.

 

      Philippe Assard devient par la suite le premier président de branche natif de Côte-d'Ivoire. Il sert également comme président de district. Sa femme devient présidente de la Société de secours et des Jeunes Filles de leur branche, puis présidente de la Société de secours de district. Ses talents musicaux sont d'une valeur inestimable pour aider les gens à apprendre les cantiques de l'Église.  

     

      Les bénédictions matérielles suivent bientôt les bénédictions spirituelles. Après être resté au chômage pendant un an, Philippe Assard est embauché à Abidjan par un fabricant automobile européen. Sa connaissance du français et de l'allemand, ajoutée à son diplôme d'ingénieur, convient parfaitement. Plus tard, il devient directeur technique adjoint de cette entreprise.

 

      Les membres de la famille Assard sont extrêmement reconnaissants de leurs bénédictions et de l'esprit qui les a poussés à aller en Côte-d'Ivoire. Grâce à cela, Philippe a vu l'accomplissement de son rêve de voir l'Évangile établi parmi son peuple. Il se réalise en partie le 17 août 1997 quand le pieu d'Abidjan est créé, avec Philippe Assard comme président. Moitié pleurant, moitié souriant, sa femme dit alors de la création de ce premier pieu dans son pays d'adoption : « Cela fait onze ans que nous travaillons et prions pour voir arriver ce jour ».

 

 

Lucien et Agathe Affoué

 

      Lorsque Lucien Affoué arrive à Lyon, en France, avec sa famille pour étudier le stylisme industriel, il ne se doute pas que l'enseignement le plus important qu'il y recevra sera d'ordre spirituel. Lucien, sa femme Agathe et leurs deux filles acceptent l'Évangile en 1980, peu après que deux missionnaires à plein temps aient frappé à leur porte. Ils sont accueillis dans l'Église à la branche de Bordeaux et, plus tard, sont scellés au temple de Zollikofen. Lorsqu'elle retourna en Côte-d'Ivoire en 1984, la famille Affoué qui compte alors en plus un petit garçon de quelques mois, est déçue de ne pas trouver d'autres membres de l'Église. Elle tient néanmoins diligemment des réunions au foyer et prie pour trouver une autre famille de saints des derniers jours.

 

      Les temps sont alors difficiles. En Côte-d'Ivoire, colonie française jusqu'en 1964, les emplois bien payés sont rares. L'industrie se compose principalement de compagnies étrangères. Le chômage atteint 80 pour cent dans ce pays, où la plupart des gens vivent de l'agriculture dans des petits villages.

 

      Malgré leur situation financière difficile, les Affoué se réjouissent lorsqu'ils reçoivent une lettre des Assard en avril 1986. Rapidement les deux familles tiennent ensemble des réunions du dimanche dans le jardin des Assard. En faisant des démarches, en adorant ensemble et en priant ensemble pour trouver du travail, les deux familles se rapprochent et se fortifient spirituellement mutuellement. Agathe et Annelies deviennent aussi proches que deux sœurs.

 

      Les Affoué reçoivent une réponse à leurs prières lorsque Lucien trouve un poste de professeur à Bouaké, la deuxième ville du pays, située à environ 370 kilomètres au nord ouest d'Abidjan. Ils doivent quitter le petit groupe de l'Église qui grandit à Abidjan. Mais avec un témoignage et une foi fortifiés, ils aident à l'établissement de l'Église à Bouaké en 1988. Là, ils répandent l'Évangile et finissent par recevoir l'aide bienvenue d'un couple missionnaire envoyé dans cette région.

 

      Lucien Affoué sert pendant quatre ans comme président de branche, puis il continue d'être président de branche après la division de la branche. Il est conseiller du président de mission. Agathe est présidente de la Société de secours, tandis que ses enfants enseignent des leçons et participent d'autres manières à la vie de leur petite branche.

 

 

Adolphe Mande Gueu

 

      Jusqu'à ce que le premier président de mission francophone de ce pays arrive en juillet 1992 et qu'une mission soit créée en Côte-d'Ivoire en 1993, l'œuvre missionnaire est dirigée depuis Accra, au Ghana, par un président de mission anglophone (la nouvelle mission s'appellera mission de Yaoundé Cameroun jusqu'à ce que le siège soit transféré à Abidjan en mai 1993 et que la mission soit alors appelée mission d'Abidjan Côte-d'Ivoire).

 

      Malgré cette difficulté du début, le nombre de membres de l'Église augmente de façon impressionnante.

 

      En 1989, Robert M. Et Lola Walker, couple missionnaire au Ghana, sont mutés en Côte-d'Ivoire. Ils ne parlent pas le français et ils ont pour instructions d'engager un interprète et de demander l'aide de familles américaines vivant sur place.

 

      Les Walker acceptent leur tâche avec appréhension mais avec la foi que le Seigneur les aidera à faire face à leur nouvelle responsabilité. Au début, ils ne comprennent des réunions de l'Église à Abidjan que ce que l'Esprit les aide à comprendre. Lors d'une réunion, un jeune homme s'adresse à eux dans un anglais parfait et leur demande s'il peut les aider. Ce jeune homme, Adolphe Mande Gueu, est le premier des quatre interprètes que les Walker engagent, instruisent et baptisent au cours des quatorze mois qu'ils passent en Côte-d'Ivoire.

 

      Avant son baptême, Adolphe se familiarise rapidement avec l'Évangile en interprétant pour des leçons et des discours. Son travail d'interprète pour les Walker le prépare à comprendre le Livre de Mormon, qu'il lit en trois jours, et à en obtenir le témoignage. Il dit que le Saint-Esprit lui a rendu un témoignage si puissant de la véracité de ce livre qu'il l’a lu d'un bout à l'autre presque sans s'arrêter.

 

      Adolphe Gueu dit aux Walker : « Ce livre me témoigne que votre message vient de Dieu ; ma famille et moi devons faire partie de l'Église ».

 

      Adolphe et sa femme, ainsi que leurs quatre enfants, sont vaillants dans l'Église depuis leur baptême en 1988. Adolphe sera président de branche et deviendra par la suite le premier instructeur du Département d'Éducation de l'Église en Côte-d'Ivoire. Il devient ensuite directeur régional du DEE. Sa femme remplira aussi de nombreuses responsabilités dont celle de présidente de l'organisation des Jeunes Filles de district.

 

 

Mammadou et Joséphine Zadi

 

      De nombreux saints des derniers jours de Côte-d'Ivoire ont connu un changement total de mode de vie. Le meilleur exemple de ce changement est peut-être l'histoire de Mammadou Zadi, douanier à la retraite.

 

      Avant que Mammadou ne se joigne à l'Eglise, il est en mauvaise santé principalement à cause de problèmes hépatiques liés à l'abus d'alcool ; malgré cela, il décide d'utiliser ses économies pour ouvrir un bar. Il achète un fonds de commerce bien situé et, rapidement, son bar marche bien. Il est loin de se douter du changement que va apporter dans leur vie la rencontre de sa femme, Joséphine, avec les missionnaires à plein temps. Elle est touchée par leur message, mais suivant la culture ivoirienne, elle a besoin de l'autorisation de son mari pour suivre les leçons missionnaires. Il lui donne son accord mais en lui disant qu'il ne veut rien avoir à faire avec l'Église. Il se rend compte que la vie qu'il a choisi de mener est incompatible avec les enseignements de l'Évangile.

 

      Néanmoins, Joséphine a le désir de partager avec son mari sa connaissance grandissante de l'Évangile. Ce sont ses prières ferventes, assure Mammadou Zadi, qui amènent l'influence du Saint-Esprit à le pousser à écouter les missionnaires. Lui aussi est rapidement touché, au point qu'il commence à observer la Parole de Sagesse. Sa santé s'améliore alors de façon tellement spectaculaire qu'il est convaincu de la véracité de l'Évangile.

 

      Avec le baptême des Zadi, le nombre de membres de l’Église n'augmente pas seulement de deux, mais rapidement des dix-huit membres de la famille immédiate du couple. Ils font aussi connaître l'Évangile à de nombreuses personnes de leur famille éloignée, et plus tard ils ont un fils et un neveu qui font une mission à plein temps et portent le message du Rétablissement à d'autres Ivoiriens.

 

      L'Évangile étant devenu prioritaire dans sa vie, Mammadou ferme son bar et fait don du bâtiment pour les réunions de l'Église. Sa pension de retraite et les revenus de propriétés qu'il loue lui permettent de pourvoir aux besoins de sa famille.

 

      Joséphine et lui donnent aussi de nombreuses heures de service à l'Église. Mammadou sert comme président de district, et Joséphine comme présidente de la Société de secours de la branche de Dokui.

 

 

Christophe Mvomo

 

      Du fait de sa stabilité politique, la Côte-d'Ivoire, qui compte alors environ quatorze millions d'habitants, attire des immigrants de toute l'Afrique. Christophe Mvomo ne sera  pas l'un de ceux qui viendront chercher une vie meilleure, mais il la trouvera néanmoins.

 

      Au Cameroun, son pays natal, Christophe, qui est excellent élève, est choisi pour entrer dans un séminaire catholique. À la fin de ses études, il lui est demandé d'enseigner dans un séminaire catholique en Côte-d'Ivoire, où la plupart des gens pratiquent des religions locales traditionnelles. Environ 30 pour cent des Ivoiriens sont alors chrétiens.

 

      Une fois arrivé à Abidjan, Christophe apprend que beaucoup de jeunes sont touchés par les missionnaires de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Sa curiosité est encore plus éveillée lorsque plusieurs jeunes gens, dont trois qu'il connaît, sont appelés comme missionnaires à plein temps pour l'Église. Christophe se pose des questions sur cette nouvelle Église, et il décide de remettre sur la bonne voie ceux qui en répandent le message.

 

      Grace Mackay qui fait alors une mission à Abidjan avec son mari, Theron, se rappelle : « Au départ, son intention était de prouver que l'Église était fausse, mais il a toujours été sincère, il voulait apprendre ».

 

      Au cours de ses rencontres avec Grace et Theron Mackay, Christophe reçoit des réponses à des questions qu'il pensait être sans réponse. La beauté du plan de salut sonne juste et la signification de l'Expiation devient claire.

 

      Il écrit dans son journal : « Je me suis converti à l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours alors que j'enseignais encore à plein temps dans un luxueux séminaire catholique réservé à l'élite. Pour vivre en accord avec ma nouvelle foi, un an après avoir eu connaissance de l'Église, j'ai démissionné de mon poste d'enseignant. J'ai perdu tous les privilèges et autres avantages relatifs à mes neuf années de titularisation ».

 

      Les difficultés qui suivent éprouvent la foi et la persévérance de Christophe. Il se souvient : « Ma femme, qui était institutrice, a demandé le divorce. À trois reprises, des cambrioleurs se sont introduits dans mon appartement et m'ont volé tous mes biens. Ma belle voiture a été accidentée et réduite à l'état d'épave par un ami. Je me suis tout à coup retrouvé dans une situation désespérée, mais j'étais résolument engagé envers le Seigneur ».

 

      En juillet 1993, Christophe est appelé comme deuxième conseiller dans la présidence de la mission. Il se distingue par la manière dont il remplit son office, et il continue d'endurer ses difficultés, qui sont allégées quand il trouve un nouveau poste d'enseignant.

 

      « Je sais que mon Sauveur vit et qu'il est mort pour moi, pour chacun de nous », dit-il en faisant remarquer que les bénédictions du ciel sont beaucoup plus grandes que les difficultés terrestres. Plein de gratitude pour le Sauveur et son Évangile, il ajoute : « Je dois faire tout ce que je peux pour lui ».

 

 

Une longue et patiente attente

 

      En 1992, il y a près de 1000 membres de l’Église en Côte-d'Ivoire. Deux ans après, ils sont 2500. En 1999, l'Église compte approximativement 3500 membres, un pieu composé de onze paroisses et quatre branches à Abidjan, Bouaké et Yamoussoukro, capitale du pays.

 

 

Source : L’Étoile, mars 1999