Notre condition mortelle

 


Marcel Kahne




 

Nous sommes venus de la vie prémortelle sur cette terre pour les raisons suivantes :

 

1. Obtenir un corps de chair et d’os et faire les expériences qu’il rend possibles :

 

– Assujettir la matière (en vue de créer un jour des univers. Adam et Ève reçoivent ce commandement : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez », Genèse 1:28)

 

– Fonder une famille et élever des enfants (en vue de prendre un jour en charge des intelligences)

 

– Maîtriser les passions et les tendances propres au corps de chair (en vue de le posséder éternellement dans un état glorieux)

 

– Affronter les conditions que nous impose le monde matériel : maladies, catastrophes naturelles, accidents, conditions climatiques, etc. L’humanité progresse grâce à l’ingéniosité qu’elle déploie à affronter la nature.

 

2. Montrer si nous sommes disposés à faire tout ce que le Seigneur, notre Dieu, nous commandera (voir Abraham 3:25). Il convient de noter ici qu’on appelle à tort « épreuves » les difficultés, les contrariétés et les revers que nous rencontrons dans la vie. Le texte d’Abraham 3:25 est clair : il n’y a qu’une épreuve à laquelle nous soyons soumis : c’est la façon dont nous allons réagir aux situations que nous rencontrons. C’est cela l’épreuve et non les situations elles-mêmes. Allons-nous rester fidèles à notre programme éternel face aux obstacles, aux injustices, à toutes les choses mauvaises qui nous arrivent et que nous ne comprenons pas ou allons-nous nous aigrir et abandonner notre idéal de vie ?

 

Autant que nous puissions en juger, notre passage sur cette terre est une sorte de plaque tournante sur laquelle nous choisissons la direction que notre vie – ici-bas et dans l’au-delà – va prendre. Le type d’existence pour lequel nous optons va engendrer des comportements qui vont se cristalliser peu à peu en nous et figer notre personnalité. Comme le dit le Livre de Mormon :

 

« Je vous supplie donc de ne pas différer le jour de votre repentir jusqu'à la fin ; car après ce jour de vie, qui nous est donné pour nous préparer pour l'éternité, voici, si nous ne faisons pas meilleur usage de notre temps pendant que nous sommes dans cette vie, alors vient la nuit de ténèbres où aucun travail ne peut être accompli. Vous ne pouvez pas dire, lorsque vous êtes amenés à cette crise affreuse : Je vais me repentir, je vais retourner à mon Dieu. Non, vous ne pouvez pas le dire ; car ce même esprit qui possède vos corps au moment où vous quittez cette vie, ce même esprit aura le pouvoir de posséder votre corps dans le monde éternel » (Livre de Mormon, Alma 34:33-34).

 

Nous ne sommes bien entendu pas livrés à nous-mêmes à un moment aussi critique de notre devenir. Même si Dieu doit se faire aussi discret que possible pour que nous ayons les coudées franches et choisissions en toute liberté ce que nous voulons, il nous envoie les prophètes, les Écritures et son Église et surtout la possibilité d'avoir la compagnie du Saint Esprit pour nous avertir et nous montrer le chemin. Ceci est nécessaire, car, sans repères, les hommes s’égarent vite. Le nombre de pratiques et d’idéologies aberrantes ainsi que de vies gâchées que nous voyons autour de nous en sont la preuve.

 

L’apôtre Paul a décrit avec beaucoup de précision le rôle que l’Église doit jouer dans le devenir de l’homme :

 

« Et il [le Christ] a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l'œuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ, jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction, mais que, professant la vérité dans la charité, nous croissions à tous égards en celui qui est le chef, Christ » (Éphésiens 4:11-15).

 

Il vaut la peine d’examiner ce passage avec soin. Paul nous dit clairement que le Christ, contrairement à ce que d’aucuns pensent, a bel et bien organisé son Église.

 

Pourquoi des apôtres, des prophètes, etc. ? Parce qu’ils sont capables de donner aux hommes les repères dont ils ont besoin pour s’orienter dans la vie. Qu’est-ce qui leur confère cette capacité ? Le fait qu’ils jouissent de la révélation divine. Matthieu 16:13-18 est très clair là-dessus :

 

« Jésus, étant arrivé dans le territoire de Césarée de Philippe, demanda à ses disciples : Qui dit-on que je suis, moi, le Fils de l'homme ? Ils répondirent : Les uns disent que tu es Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie, ou l'un des prophètes. Et vous, leur dit-il, qui dites-vous que je suis ? Simon Pierre répondit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. »

 

Qu’est-ce qui faisait que Simon était aussi ferme qu’une pierre ? C’était le fait que sa connaissance ne lui venait pas des hommes (la chair et le sang), mais de la révélation du Père. Et Jésus enchaîne en disant que c’est sur la pierre de la révélation qu’il bâtira son Église, ce qui veut dire qu’elle doit être dirigée par des hommes qui reçoivent la révélation divine et être constituée de personnes qui reçoivent la révélation pour leur propre domaine.

 

Quelle est la raison d’être de l’Église ? Premièrement, perfectionner les saints jusqu’à ce qu’ils deviennent des « hommes faits », des hommes qui soient « à la mesure de la stature parfaite du Christ », qui « croissent à tous égards en… Christ », des hommes ayant suffisamment absorbé les caractéristiques voulues par Dieu pour pouvoir rentrer en sa présence. Deuxièmement, leur fournir une connaissance suffisante pour leur éviter d’être « emportés à tout vent de doctrine ». Il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte que rejeter l’Évangile révélé, c’est créer un vide dans lequel vont s’engouffrer toutes sortes d’idéologies de moindre valeur dont beaucoup sont aberrantes. Troisièmement, amener tous les hommes « à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu » et non à une diversité de doctrines et d’églises, parce que le but ultime est « l’édification du corps de Christ », c’est-à-dire l’établissement du Royaume de Dieu.

 

Cette Église, encore faut-il la trouver et la reconnaître une fois qu’on la rencontre. Comme Paul l’a dit : « Il [Dieu] a voulu qu'ils [les hommes] cherchassent le Seigneur, et qu'ils s'efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu'il ne soit pas loin de chacun de nous » (Actes 17:27). Pareille recherche est loin d’être simple. Il faut pour cela être disposé à remettre en question les traditions dans lesquelles on a été élevé et se trouver dans des conditions de vie permettant une telle recherche. Il y a les barrières dressées par l’éducation reçue, par les circonstances géographiques, économiques et culturelles dans lesquelles on se trouve. La plupart des hommes sont trop pris par le quotidien pour lever la tête et se poser des questions. Et si on s’en pose, encore faut-il pouvoir s’y retrouver dans le concert des voix discordantes qui se revendiquent de la Vérité. L’Église va bien entendu à la rencontre des hommes par son œuvre missionnaire, mais celle-ci est loin de donner à toute l’humanité l’occasion d’être exposée au message de l’Évangile.

 

Il est toutefois clair que tout homme sera jugé selon le choix de valeurs qu’il aura fait et qu’il aura mises en application dans sa vie, en fonction de la lumière dont il dispose. Comme le dit Paul dans 2 Corinthiens 5:10 : « Car il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive selon le bien ou le mal qu'il aura fait, étant dans son corps. »


 
(Source : Marcel Kahne, Le plan de salut)