La dîme



James E. Talmage (1862-1933)
 
Président de l'université d'Utah de 1894 à 1897
Membre du Collège des Douze de 1911 à 1933




L'Église actuelle suit la doctrine du payement de la dîme, semblable, en toutes ses dispositions générales, à celle qui fut enseignée et pratiquée autrefois. Avant de considérer la pratique autorisée actuelle en la matière, il peut être instructif d'étudier l'ancienne pratique du paiement de la dîme. Au sens étroit, la dîme est un dixième, et cette proportion des biens individuels semble avoir été considérée autrefois comme revenant au Seigneur [9]. L'institution de la dîme précède même l'époque mosaïque, car nous trouvons que les patriarches Abraham et Jacob payèrent la dîme. Abraham, revenant d'une bataille victorieuse, rencontra Melchisédek, roi de Salem, et « sacrificateur du Dieu Très-Haut », et reconnaissant son autorité sacerdotale, « lui donna la dîme de tout » [10]. Jacob, de son plein gré, fit le vœu de donner au Seigneur un dixième de tout ce qu'il posséderait [11].
 
Les statuts mosaïques étaient explicites en requérant la dîme : « Toute dîme de la terre, soit des récoltes de la terre, soit du fruit des arbres, appartient à l'Éternel ; c'est une chose consacrée à l'Éternel... Toute dîme de gros et de menu bétail, de tout ce qui passe sous la houlette, sera une dîme consacrée à l'Éternel » [12]. La dîme devait être payée comme elle se présentait, sans chercher ce qui était bon ou ce qui était mauvais. Cependant, dans certaines conditions, un homme pouvait racheter la dîme en payant sa valeur d'une autre façon, mais dans ce cas, il devait ajouter un cinquième de la dîme. Le dixième de tous les biens en Israël devait être payé aux Lévites, comme héritage accordé en signe de reconnaissance pour leurs services ; et les Lévites, à leur tour, devaient payer la dîme de ce qu'ils recevaient, et cette dîme de la dîme revenait aux prêtres [13]. Une seconde dîme était réclamée d'Israël, qui servait pour les fêtes fixes ; et une troisième dîme, payable tous les trois ans, était consacrée à la nourriture et au logement des nécessiteux, des veuves, des orphelins et des Lévites [14].
 
Il est évident que, bien qu'aucun châtiment particulier ne soit rapporté pour la négligence de la loi de la dîme, l'observation correcte de cette loi était considérée comme un devoir sacré. Au cours de la réforme opérée par Ezéchias, le peuple manifesta sa repentance en payant immédiatement la dîme [15] et il donna si libéralement qu'un surplus considérable fut accumulé, ce que voyant, Ezéchias demanda quelle était la source d'une telle abondance. Alors le souverain sacrificateur Azaria, de la maison de Tsadok, lui répondit : « Depuis qu'on a commencé d'apporter les offrandes dans la maison de l'Éternel, nous avons mangé, nous nous sommes rassasiés, et nous en avons beaucoup laissé, car l'Éternel a béni son peuple ; et voici la grande quantité qu'il y a de reste ». Néhémie veilla à régler la façon de payer la dîme [16] et Amos [17] et Malachie [18] réprimandèrent tous deux le peuple parce que celui-ci avait négligé ce devoir.

Par la bouche du dernier prophète cité, le Seigneur accusa le peuple de l'avoir trompé ; mais il lui promit des bénédictions au-delà de ses capacités d'en recevoir, s'il retournait à sa fidélité : « Un homme trompe-t-il Dieu ? Car vous me trompez, et vous dites : En quoi t'avons-nous trompé ? Dans les dîmes et les offrandes. Vous êtes frappés par la malédiction et vous me trompez, la nation tout entière. Apportez à la maison du trésor toutes les dîmes, afin qu'il y ait de la nourriture dans ma maison ; mettez-moi de la sorte à l'épreuve, dit l'Éternel des armées et vous verrez si je n'ouvre pas pour vous les écluses des cieux, si je ne répands pas sur vous la bénédiction en abondance » [19]. En visitant les Néphites, après sa résurrection, le Sauveur leur parla de ces paroles de Malachie, et leur répéta les mots du prophète juif [20]. Les Pharisiens, à l'époque du ministère du Christ, se montraient particulièrement scrupuleux dans le paiement de la dîme, au point de négliger « les choses plus importantes de la loi », et pour ce manque de logique, ils se firent réprimander par le Maître [21].
 
À notre époque, la loi de la dîme a reçu une place de grande importance, et des bénédictions particulières ont été promises à ceux qui l'observent fidèlement. Ce jour a été appelé par le Seigneur « un jour de sacrifice, et un jour où la dîme est levée sur mon peuple ; car celui qui est dîmé ne sera pas brûlé » [22]. Dans une révélation donnée par l'intermédiaire du prophète Joseph Smith, le 8 juillet 1838, le Seigneur a montré explicitement ce qu'il requérait du peuple à ce sujet [23].

La dîme du Seigneur. - Aujourd'hui, comme autrefois, la dîme est au Seigneur et pour cette raison est sainte. Les fonds de la dîme ou les biens de tout genre donnés comme dîme ne doivent pas être administrés par des mains inautorisées. Les prêtres de l'ancien Israël étaient chargés de ce devoir sacré ; et à notre époque le même ordre prévaut. La responsabilité du maniement des dîmes repose aujourd'hui sur les évêques, et eux, en officiant ainsi, agissent en leur qualité d'officiers présidents de la Prêtrise d'Aaron. En outre, aujourd'hui comme dans l'ancien temps, les dîmes doivent être payées aux endroits désignés et aux receveurs dûment ordonnés et commissionnés. Aujourd'hui, l'évêque de l'Église qui porte le nom d'évêque président, est aidé par un grand nombre d'évêques de paroisse, et c'est à ceux-ci, représentants ou assistants de l'évêque président, que la dîme doit être donnée et doit être transmise, par eux, au bureau de l'évêque président. L'ordre de l'Église, tel qu'il est constitué à présent, prévoit que les différents évêques peuvent convertir en argent la dîme donnée en nature, et en remettre le produit à l'évêque président.
 
C'est un fait intéressant que, pendant les années récentes, particulièrement au cours des vingt dernières années, des essais ont été faits par beaucoup d'Églises et de dénominations pour faire revivre cette ancienne pratique de la dîme. Les Églises organisent chez leurs membres des sociétés ou des clubs de « dîmeurs » qui s'engagent volontairement à payer à leur Église respective un dixième de leurs revenus individuels. Parmi quelques-unes de ces sociétés, il est permis aux dîmeurs d'indiquer le but auquel leurs contributions seront appliquées. La grande difficulté que nos amis affrontent en rétablissant cette pratique de la dîme dans leurs nombreuses Églises est - et ils s'en rendent compte en partie - qu'ils n'ont parmi eux ni prêtres ni Lévites autorisés pour recevoir la dîme et l'administrer strictement en accord avec le commandement divin. L'autorité de la sainte prêtrise est essentielle pour régler le système de la dîme du Seigneur. La dîme, c'est le système de revenus du Seigneur, et il l'exige du peuple, non parce qu'il manque d'or ou d'argent, mais parce que le peuple a besoin de la donner.
 
La dîme doit être un sacrifice volontaire et libre, non exigé par le pouvoir séculier, ni imposé par l'infliction d'amendes ou d'autres pénalités matérielles. Bien que dans un sens, l'obligation soit assumée par l'individu lui-même, c'est néanmoins une obligation qui doit être observée de tout cœur par celui qui professe tenir un rang honorable dans Église et se conformer à la parole révélée pour le développement spirituel de ses membres.
 
Il est essentiel que les hommes apprennent à donner. Si cette éducation n'était pas prévue, le programme de l'école de la vie mortelle serait gravement défectueux. La sagesse humaine n'a pas pu imaginer un moyen plus équitable de contribuer individuellement aux besoins de la communauté que le plan si simple de la dîme. Chacun doit donner un montant proportionné à ses revenus et donner ainsi régulièrement et systématiquement. L'esprit du don rend la dîme sainte ; et c'est par des moyens ainsi sanctifiés que les activités matérielles de l'Église sont gérées. Des bénédictions particulières et de choix sont placées à la portée de tous. Dans l’œuvre du Seigneur, l'obole de la veuve est aussi acceptable que la pièce d'or du millionnaire.
 
Les saints des derniers jours croient que le système de la dîme a été divinement établi pour être observé par eux ; et ils s'estiment bénis en ce qu'il leur est permis de prendre part à l'avancement des buts de Dieu. Dans ce système les personnes ont prospéré individuellement et en tant que corps organisé. C'est le revenu, simple et efficace, de l'Église, et son fonctionnement a été un succès depuis le moment de son établissement. Parmi nous, elle obvie à la nécessité de faire des collectes dans les assemblées religieuses et rend possible la promulgation du message de l'Église par la parole imprimée et parlée, la construction et l'entretien de temples pour le bénéfice des vivants et des morts, et toute une gamme de services rendus à l'humanité et trop nombreux pour être mentionnés. Il y a une distinction importante entre les dîmes et les autres offrandes. Quoique l'observance de la loi de la dîme doive être volontaire et de plein gré, le paiement de la dîme est néanmoins requis, exigé en fait par le Seigneur, de ceux qui, par leur libre volonté, sont devenus ses enfants de l'alliance, par le baptême.
 
Une grande erreur, trop commune, c'est que nous considérons le paiement des dîmes comme l'offrande d'un don au Seigneur. Ceci n'exprime pas toute la vérité. Des offrandes libres sont prévues que tout homme peut décider de donner ; et s'il offre d'un cœur pur et sincère et est lui-même un donateur approuvé, son don sera accepté et lui sera imputé à justice ; mais cela n'est pas la dîme ; la dîme est plutôt une dette qu'un don.
 
Comme je vois la chose, c'est comme s'il y avait eu un contrat entre le Seigneur et moi et que, réellement, il m'aurait dit - « Vous avez besoin de beaucoup de choses dans ce monde - de la nourriture, des vêtements, d'un toit pour votre famille et pour vous-même, des conforts communs de la vie et de toutes choses qui sont propices au raffinement, au développement et au bonheur légitime. Vous désirez des biens matériels pour venir en aide à vos semblables, et par là gagner de plus grandes bénédictions pour vous-mêmes et les vôtres. Eh bien, vous aurez les moyens d'acquérir ces choses ; mais rappelez-vous qu'elles sont miennes, et je requiers de vous le paiement d'un loyer de ce que je vous donne dans vos mains. Néanmoins, votre vie ne sera pas une vie d'accroissement uniforme en biens et possessions ; vous aurez vos pertes, aussi bien que vos gains ; vous aurez vos périodes d'ennuis aussi bien que vos temps de paix. Certaines années seront pour vous des années d'abondance et d'autres seront des années de disette. Et maintenant, au lieu de faire comme les propriétaires mortels font - ils exigent que vous contractiez avec eux de payer à l'avance, quelles que puissent être votre fortune ou vos espérances, - vous ne me paierez pas à l'avance, mais lorsque vous aurez reçu ; et vous me paierez en rapport avec ce que vous aurez reçu. S'il se fait qu'une année vos rentrées soient abondantes, alors vous serez en état de me payer un peu plus ; et s'il se fait que l'année suivante soit une année de détresse et que vos rentrées ne soient pas ce qu'elles étaient, alors vous me payerez moins ; et s'il arrive que vous soyez réduits à la plus grande pénurie, de sorte que vous n'ayez aucun revenu, vous ne me payerez rien. »
 
Avez-vous jamais trouvé un propriétaire de cette terre qui veuille bien conclure ce genre de contrat avec vous ? Quand je considère toute la libéralité, et la considération que mon Seigneur a eue pour moi, je sens en mon cœur, que je pourrais à peine lever la face vers son ciel là-haut, si j'essayais de le tromper sur ce juste loyer.
 
Considérez en outre comment, par cette libéralité, il a permis que même le plus humble puisse recevoir abondamment des bénédictions de sa maison. La richesse du ciel n'est pas réservée aux riches de la terre ; même le plus pauvre peut être un détenteur de fonds dans la grande corporation de notre Dieu, organisée pour l'exécution de ses buts, en répandant l'Évangile, en construisant des temples et d'autres maisons de culte à son nom et en faisant du bien à toute l'humanité...
 
Après tout, le grand but principal de l'établissement de la loi de la dîme est le développement de l'âme de celui qui paie la dîme, plutôt que la création de revenus. Cette dernière est un but d'importance capitale, car étant donné que l'argent est nécessaire à la poursuite de l’œuvre de l'Église, le Seigneur exige de l'argent qui soit sanctifié par la foi du donateur ; mais des bénédictions inestimables, évaluées en monnaie du royaume, sont assurées à celui qui se conforme strictement à la loi de la dîme parce que le Seigneur l'a commandé ainsi. - De The Lord's Tenth, par l'auteur, publié par l'épiscopat président, à Salt Lake City, 1923.


Références scripturaires

Abraham paya la dîme à Melchisédek - Gen. 14:20.
 
Jacob fit le vœu de payer la dîme au Seigneur - Gen. 28:22.
 
Toute la dîme du pays était sainte au Seigneur - Lév. 27:30 voir aussi verset 32.
 
Disposition des dîmes des enfants d'Israël - Nom. 18:24.
 
C'est là que vous présenterez vos holocaustes, vos dîmes - Deut. 12:6.
 
Tu lèveras la dîme de tout ce que produira la semence - Deut. 14:22, 23.
 
Hommes commissionnés pour prendre soin des dîmes - Néh. 13:11-13.
 
Du temps de Malachie, le peuple avait trompé Dieu dans les dîmes et les offrandes - Mal. 3:8 ; voir aussi versets 9-12.
 
La mention fréquente des offrandes, distinctes des dîmes dans l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome.
 
Voir mention des dîmes dans le Livre de Mormon : Alma 13:15 ; 3 Néphi 24:8-10. Pour la mention d'offrandes, voir 1 Néphi 5:9 ; 7:22 ; 2:7.
 
La dîme requise à notre époque - D&A sec. 119.
 
En vérité ce jour est un jour de sacrifice, et un jour où la dîme est levée sur mon peuple - D&A 64:23.
 
La maison du Seigneur sera érigée grâce à la dîme du peuple - D&A 97:11, 12.
 
Notez que les Néphites observaient strictement la loi de Moïse jusqu'au moment où celle-ci fut remplacée par ordre du Seigneur ressuscité, Jésus-Christ, qui les visita et les enseigna en personne et déclara que c'était lui qui avait donné la loi. Comme les références bibliques ci-dessus le montrent, les dîmes et les offrandes figurent visiblement dans les commandements de la loi de Moïse. Comme preuves que les Néphites observaient les commandements de la loi de Moïse, voir les versets suivants : Mosiah 3:14, 15 ; 12:28-37 ; 13:27-33 ; Hélaman 15:5 ; 3 Néphi 15:2-10.


Notes

[9] Voir The Law of the Tithe du même auteur, Deseret News, 31 janvier 1914 republié sous forme de brochure par l'épiscopat président, Salt Lake City ; aussi une version ultérieure intitulée The Lord's Tenth.
[10] Voir Genèse 14:18-20 ; Héb. 7:1-3, 5 et Alma 13:13-16
[11] Voir Genèse 28 22.
[12] Lév.itique27:30-34.
[13] Voir Nombres 18:21-28.
[14] Voir Deutéronome 12:5-17 ; 14:22, 23.
[15] Voir 2 Chroniques 31 5, 6.
[16] Voir Néhémie 10:37 ; 12:44.
[17] Voir Amos 4:4.
[18] Voir Malachie 3:7-10.
[19] Malachie 3:7-10 ; voir aussi 3 Néphi 24:7-12.
[20] Voir 3 Néphi 24. 7-10.
[21] Voir Matthieu 23:23 ; Luc 11:42 ; voir Jesus the Christ, p. 556.
[22] D&A 64:23, 24 ; voir aussi 85:3.
[23] D&A, sec. 119 


Source : James E. Talmage, Étude des Articles de foi de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, 1890, extrait du chapitre 24