L'existence prémortelle de l'homme
 

Marcel Kahne
  
 
 
 
La Révélation apporte sur l’homme des informations-clefs pour la compréhension du plan de salut de Dieu à son égard :
 
« Et maintenant, en vérité, je vous le dis, j'étais au commencement avec le Père et je suis le Premier-né… Vous étiez aussi au commencement avec le Père ; ce qui est Esprit, c'est-à-dire l'Esprit de vérité… L'homme était aussi au commencement avec Dieu. L'intelligence, ou la lumière de la vérité, n'a été ni créée ni faite et ne peut assurément pas l'être. Toute vérité est indépendante dans la sphère dans laquelle Dieu l'a placée, libre d'agir par elle-même ; et il en va de même pour toute intelligence ; sinon il n'y a pas d'existence… Car l'homme est esprit. Les éléments sont éternels, et l'esprit et l'élément, inséparablement liés, reçoivent une plénitude de joie ; et lorsqu'ils sont séparés, l'homme ne peut recevoir de plénitude de joie. » (D&A 93:21, 23, 29-30, 33-34)
 
« Moi, le Seigneur Dieu, je créai spirituellement toutes les choses dont j'ai parlé, avant qu'elles fussent naturellement sur la surface de la terre. Car moi, le Seigneur Dieu, je n'avais pas fait pleuvoir sur la surface de la terre. Et moi, le Seigneur Dieu, j'avais créé tous les enfants des hommes. » (Moïse 3:5)
 
« S'il y a deux esprits, et que l'un soit plus intelligent que l'autre, cependant ces deux esprits, malgré que l'un soit plus intelligent que l'autre, n'ont pas de commencement ; ils ont existé avant, ils n'auront pas de fin, ils existeront après, car ils sont 'olam, ou éternels » (Abraham 3:18).
 
« Dieu se tient dans l'assemblée de Dieu ; Il juge au milieu des dieux… Vous êtes des dieux, Vous êtes tous des fils du Très-Haut » (Psaumes 82:1, 6).
 
« Jésus leur répondit : N'est-il pas écrit dans votre loi : J'ai dit : Vous êtes des dieux ? Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l'Écriture ne peut être anéantie, celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, vous lui dites : Tu blasphèmes ! Et cela parce que j'ai dit : Je suis le Fils de Dieu » (Jean 10:34-36).
 
De ces passages d’Écriture découlent les faits suivants :
 
1. L’homme – du moins son « moi » fondamental – est éternel. Il n’a jamais eu de commencement. Ce qui veut aussi dire qu’il existait avant sa naissance ici-bas.
 
2. Jésus-Christ est le Premier-né, ce qui signifie que son Intelligence primordiale éternelle a été dotée d’un corps d’esprit par Dieu, établissant ainsi la filiation de l’un par rapport à l’autre. Le fait qu’il ait été le Premier-né implique que d’autres intelligences primordiales éternelles – le reste de l’humanité – ont acquis cette même filiation, un fait qui donne un relief singulier à cette parole du Christ : « Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20:17). Paul confirme : « Il [Jésus] a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères » (Hébreux 2:17) et « D'ailleurs, puisque nos pères selon la chair nous ont châtiés, et que nous les avons respectés, ne devons-nous pas à bien plus forte raison nous soumettre au Père des esprits, pour avoir la vie ? » (Hébreux 12:9).
 
3. Le libre arbitre, c’est-à-dire la faculté de choisir et de s’autodéterminer, est un élément essentiel et donc inaliénable de l’existence.
 
4. La matière (l’élément) – du moins sous sa forme fondamentale – est éternelle.
 
5. Pour accéder à une joie complète, l’esprit de l’homme et son corps de chair (d’élément) doivent être inséparablement liés (comme cela nous est promis à la résurrection).
 
Pour nous résumer, les hommes, en tant qu’entités intelligentes primordiales, n’ont jamais eu de commencement. Dieu a fait d’eux ses enfants en les dotant d’un corps d’esprit (un peu comme nos parents terrestres font de notre esprit leur enfant en le dotant d’un corps de chair et d’os). Ces êtres d’esprit conservaient leur pleine liberté de choix, mais ne pouvaient accéder à la perfection qu’en étant inséparablement unis à un corps de chair et d’os.
 
Les intelligences primordiales devenues enfants de Dieu par l’acquisition d’un corps d’esprit ont connu une période de formation auprès de Dieu. Dans sa révélation concernant la rédemption des morts, Joseph F. Smith écrit à propos de certains esprits des morts :
 
« Avant même de naître, ils avaient reçu, avec bien d'autres, leurs premières leçons dans le monde des esprits et avaient été préparés pour paraître au temps fixé du Seigneur pour travailler dans sa vigne au salut de l'âme des hommes. » (D&A 138:56)
 
Cette période d’apprentissage va déboucher sur un grand rassemblement des esprits dans ce que les saints des derniers jours appellent le « Grand Conseil dans les cieux » au cours duquel la phase suivante de la progression des esprits prémortels vers la perfection divine va être présentée. À l’issue de ce Grand Conseil, la Divinité passera à l’action et, à cette occasion, nous apprenons quel est le dessein divin :
 
« Nous descendrons, car il y a de l'espace là-bas, nous prendrons de ces matériaux, et nous ferons une terre sur laquelle ceux-là pourront habiter ; nous les mettrons ainsi à l'épreuve, pour voir s'ils feront tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera ; ceux qui gardent leur premier état [vivent à la hauteur des principes appris dans la vie préterrestre] recevront davantage ; ceux qui ne gardent pas leur premier état n'auront pas de gloire dans le même royaume que ceux qui gardent leur premier état ; et ceux qui gardent leur second état [réussissent le test sur la terre] recevront plus de gloire sur leur tête pour toujours et à jamais » (Abraham 3:24-26).
 
Le passage sur terre est donc un examen, une mise en application de ce qui a été appris en la présence de Dieu, mais est resté sur le plan théorique. De toute évidence, l’homme va être éloigné de Dieu, de manière à pouvoir agir en toute indépendance, mais il ne va pas être laissé à lui-même, sans personne pour le guider :
 
« Or, le Seigneur m'avait montré, à moi, Abraham, les intelligences qui furent organisées avant que le monde fût ; et parmi toutes celles-là, il y en avait beaucoup de nobles et de grandes ; et Dieu vit que ces âmes étaient bonnes, et il se tint au milieu d'elles et dit : De ceux-ci je ferai mes dirigeants. Car il se tint parmi ceux qui étaient esprits et il vit qu'ils étaient bons ; et il me dit : Abraham, tu es l'un d'eux ; tu fus choisi avant ta naissance. » (Abraham 3:22-23)
 
C’est alors que se pose un problème qui va déboucher sur une crise grave. Trois passages d’Écriture l’abordent sous diverses facettes et nous en livrent une image composite :
 
« Le Seigneur dit : Qui enverrai-je ? Un, qui était semblable au Fils de l'Homme, répondit : Me voici, envoie-moi. Et un autre répondit et dit : Me voici, envoie-moi. Le Seigneur dit : J'enverrai le premier. Et le second fut en colère, et il ne garda pas son premier état ; et ce jour-là, beaucoup le suivirent. » (Abraham 3:27-28)
 
« Et moi, le Seigneur Dieu, je parlai à Moïse, disant : Ce Satan que tu as commandé au nom de mon Fils unique, est celui-là même qui était dès le commencement, et il vint devant moi, disant : Me voici, envoie-moi, je serai ton fils et je rachèterai toute l'humanité, de sorte que pas une seule âme ne sera perdue, et je le ferai certainement; c'est pourquoi donne-moi ton honneur. Mais voici, mon Fils bien-aimé, qui était mon Bien-aimé et mon Élu depuis le commencement, me dit : Père, que ta volonté soit faite, et que la gloire t'appartienne à jamais . C'est pourquoi, parce que Satan se rebellait contre moi, qu'il cherchait à détruire le libre arbitre de l'homme, que moi, le Seigneur Dieu, je lui avais donné, et aussi parce qu'il voulait que je lui donne mon pouvoir, par le pouvoir de mon Fils unique je le fis précipiter ; et il devint Satan, oui, le diable, le père de tous les mensonges, pour tromper et pour aveugler les hommes et pour les mener captifs à sa volonté, oui, tous ceux qui ne voudraient pas écouter ma voix. » (Moïse 4:1-4)
 
« Et il arriva qu'Adam fut tenté par le diable — car voici, le diable était avant Adam, car il se rebella contre moi, disant : Donne-moi ton honneur, qui est mon pouvoir; et il détourna également de moi le tiers des armées du ciel à cause de leur libre arbitre ; et ils furent précipités et devinrent ainsi le diable et ses anges ; Et voici, il y a un lieu préparé pour eux depuis le commencement, lieu qui est l'enfer. Et il faut que le diable tente les enfants des hommes, sinon ils ne pourraient pas agir par eux-mêmes ; car s'ils n'avaient jamais ce qui est amer, ils ne pourraient pas connaître ce qui est doux — » (D&A 29:36-39)
 
En quoi réside le conflit ? Privé de la présence divine et n’étant pas inhibé par elle, l’homme va pouvoir exercer sa liberté de choix, ce qui implique la faculté de choisir le mal plutôt que le bien. Or « rien d'impur ne peut demeurer auprès de Dieu » (1 Néphi 10:21). Il saute donc aux yeux que les pertes seront nombreuses. Tablant sur la réticence devant l’effort, la recherche de la facilité et la veulerie des masses, celui que l’on va appeler diversement Lucifer (le porteur de lumière), Satan ou le diable, propose la première des solutions démagogiques, un système attrayant grâce auquel tout le monde sera sauvé, une dictature absolue sous laquelle les hommes perdront leur libre arbitre et parviendront au bonheur parfait à l’état de zombies. Dans ce « Meilleur des Mondes » de son cru, Satan sera le maître absolu et, assuré de son succès, invite Dieu à lui céder sa place.
 
Mais c’est vider le plan de salut de sa substance. Le seul bonheur véritable que l’homme peut atteindre, c’est celui qu’il conquiert à force de sacrifices et de ténacité, et parce qu’il le veut. C’est parce que c’est dans ce sens-là qu’il veut œuvrer, que c’est le futur Jésus-Christ qui va être envoyé.
 
Satan ne l’entend pas de cette oreille et fomente la première tentative de coup d’état. N’a-t-il pas déjà entraîné le tiers des esprits préexistants derrière lui ?
 
« Un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre… Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. » (Apocalypse 12:3-4, 8-9)
 
C’est sans doute à cet événement qu’Ésaïe, dont les prophéties jouent constamment à la fois sur l’actualité politique et sur le plan eschatologique, associe la chute du roi de Babylone, quand il écrit :
 
« Te voilà tombé du ciel, Astre brillant, fils de l'aurore ! Tu es abattu à terre, Toi, le vainqueur des nations ! Tu disais en ton cœur : Je monterai au ciel, J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu ; Je m'assiérai sur la montagne de l'assemblée, À l'extrémité du septentrion ; Je monterai sur le sommet des nues, Je serai semblable au Très-Haut » (Ésaïe 14:12-14).
 
Nous n’avons aucune idée de la nature du combat que les deux camps ont mené. Ce qui est clair, c’est que le diable et ceux qui ont pris parti pour lui se sont retrouvés exclus de la présence de Dieu et précipités sur la terre. Il n’est pas inutile ici d’examiner d’un peu plus près le chapitre 12 de l’Apocalypse, car il nous donne une idée de la partie qui se joue actuellement et dont nous sommes l’enjeu.
 
« Un grand signe parut dans le ciel : une femme enveloppée du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, étant en travail et dans les douleurs de l'enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu'elle aurait enfanté. Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône. Et la femme s'enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin qu'elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours. Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel. Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui … Malheur à la terre et à la mer ! car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il a peu de temps. Quand le dragon vit qu'il avait été précipité sur la terre, il poursuivit la femme qui avait enfanté l'enfant mâle … Et le dragon fut irrité contre la femme, et il s'en alla faire la guerre aux restes de sa postérité, à ceux qui gardent les commandements de Dieu et qui ont le témoignage de Jésus. »
 
La femme est l’Église. Elle mène à la gloire céleste, figurée par le soleil. À sa tête se trouvent les douze apôtres et elle porte une couronne, symbole de victoire. L’Église doit amener ses membres à un niveau de sainteté qui assurera leur salut et cela ne se fait pas sans mal. Le dragon est le diable. Les sept têtes symbolisent l’universalité de son règne et les diadèmes représentent son pouvoir politique. Le tiers des enfants d’esprit de Dieu l’ont suivi. Il est l’ennemi juré de l’Église. L’Église doit donner le jour au Royaume de Dieu, constitué de ceux de ses membres qui vivent vraiment l’Évangile. La verge de fer fait penser à la barre de fer du songe de Léhi. Le Royaume nourrira les nations en leur apportant l’Évangile. Mais l’opposition du diable est si forte que le Royaume a dû être retiré de la terre. L’apostasie étant consommée, il ne reste de l’Église qu’un pâle reflet qui subsistera jusqu’au Rétablissement. Le texte fait maintenant un retour en arrière vers le grand conflit prémortel pour expliquer qui est le diable et comment il s’est retrouvé sur la terre. Fin du retour en arrière. C’est Satan qui est derrière les persécutions dont souffre l’Église du Christ. Satan ne cesse de harceler les saints.
 
Battus dans leur tentative de révolte, Lucifer et ses partisans se retrouvent sur la terre avec un handicap majeur : ils n’ont pas de corps de chair et d’os, indispensable à l’acquisition d’un bonheur complet, comme nous l’avons vu plus haut. La prise de conscience de ce qu’ils ont ainsi perdu explique peut-être le curieux comportement des démons mentionnés dans Matthieu 8:28-32 :
 
« Lorsqu'il fut à l'autre bord, dans le pays des Gadaréniens, deux démoniaques, sortant des sépulcres, vinrent au-devant de lui. Ils étaient si furieux que personne n'osait passer par là. Et voici, ils s'écrièrent : Qu'y a-t-il entre nous et toi, Fils de Dieu ? Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? Il y avait loin d'eux un grand troupeau de pourceaux qui paissaient. Les démons priaient Jésus, disant : Si tu nous chasses, envoie-nous dans ce troupeau de pourceaux. Il leur dit : Allez ! Ils sortirent, et entrèrent dans les pourceaux. Et voici, tout le troupeau se précipita des pentes escarpées dans la mer, et ils périrent dans les eaux. »
 
(Source : Marcel Kahne, Le plan de salut)