Emprisonnés pour avoir prié



Les premiers missionnaires de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours arrivent en Polynésie française en 1844. Huit ans plus tard, en 1852, la politique française ne permet plus aux missionnaires de continuer leur travail. Les Elders Pratt, Grouard et les autres quittent les îles cette année-là. Les dirigeants locaux qui ont été formés par les missionnaires assument la pleine responsabilité de l'Église et de l'enseignement de l'Évangile. Avant leur départ, les missionnaires ont laissé dans le ministère un certain nombre d'anciens natifs qui se sont révélés être des hommes de Dieu dignes, oeuvrant fidèlement et de leur mieux. Les saints, quelque 1500 à 2000 âmes dispersées dans une vingtaine d'îles, sont, d'une manière générale, fidèles et zélés. Malgré une vive opposition et des conditions d'existence difficiles, beaucoup de communautés de saints non seulement survivent mais réussissent à préserver leur mode de vie évangélique.

Les responsables du gouvernement s'attendent à ce que, une fois les missionnaires américains partis, les saints insulaires abandonnent leur culte en tant que saints des derniers jours. Mais ceux-ci continuent à organiser leurs réunions et à adorer comme avant. Des représentants de l'Église catholique vont dans les îles pour installer leur foi, avec le soutien du gouvernement. Des conflits se produisent. Il est à diverses reprises commandé aux saints de cesser de prêcher et de prier, mais en vain. Les dirigeants de diverses branches et groupes insulaires sont amenés à de multiples reprises au siège du gouvernement à Tahiti, où on leur donne le choix entre abandonner leur foi et mettre fin à leurs réunions ou aller en prison.

Un président de branche, Tihoni d'Anaa, est emmené devant le juge et le choix lui est donné. Il dit au juge qu'il préférerait se faire trancher la gorge que d'abandonner sa religion.

Une autre fois, après 1862, à Anaa, l'officier résident du village se rend à Otepipi avec un escorte de dix soldats et arrête huit frères dirigeants et deux soeurs parce qu'ils prêchent et prient. Les soeurs sont enfermées dans le bâtiment gouvernemental et les frères mis en prison pendant une semaine avant d'être libérés. Ils s'habillent de leurs plus beaux vêtements et, Bible sous le bras, sont introduits en présence du gouverneur. Après un interrogatoire, les soeurs et les trois frères sont mis en liberté. Deux frères,Tihoni et Maihea, sont de nouveau emprisonnés mais libérés le lendemain avec la permission de rentrer chez eux et de prêcher et de prier autant qu'ils le veulent.

L'intolérance se manifeste aussi à Tubuaï, mais lorsqu'une affaire est transférée à Tahiti, le gouvernement ordonne la mise en liberté des prisonniers et leurs accusateurs sont condamnés par les autorités françaises. L'ère d'intolérance et de persécution religieuse prend fin au cours des années 1860. Dès 1867, la liberté de religion règne de nouveau dans tout le Protectorat.


Source : S. George Ellsworth et Kathleen C. Perrin, Chronique de la foi et du courage – Les saints derniers jours en Polynésie française (1843-1993), 1994, Sandy, Utah, p. 33-35