JÉSUS LE CHRIST
James
E. Talmage (1862-1933)
Président
de l'université d'Utah de 1894 à 1897
Membre
du Collège des Douze de 1911 à 1933
Note
de la Rédaction : L'ouvrage de James E. Talmage,
JÉSUS LE CHRIST, a été édité
pour la première fois 1915. L'édition que nous vous
présentons est une révision de l'édition de 1965
traduite par Marcel et Paulette Kahne. Lorsque l'auteur cite les
Écritures modernes, nous en donnons autant que possible la
traduction de 1998.
Page
de titre
Préface
Avertissement
des traducteurs
Table
des matières
JÉSUS
LE CHRIST
Étude
sur le Messie et sa mission selon les saintes Écritures
anciennes et modernes
par
James E. Talmage, membre du Collège des douze apôtres de
l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours
PRÉFACE
La
page de titre exprime l'envergure du sujet présenté
dans cet ouvrage. Le lecteur pourra constater sans peine que l'auteur
s'est éloigné de la méthode ordinairement suivie
par les écrivains qui traitent de la vie de Jésus-Christ,
méthode qui consiste généralement à
commencer par la naissance de l'enfant de Marie et à terminer
au moment où le Seigneur mis à mort et ressuscité
monte au ciel depuis le mont des Oliviers. Outre l'histoire de la vie
du Seigneur dans la chair, le traité développé
dans ces pages comprend l'existence et les activités
pré-mortelles du Rédempteur du monde, les révélations
et les manifestations en personne du Fils de Dieu, glorifié et
exalté, au cours de la période apostolique de jadis et
dans les temps modernes ; cette histoire nous assure que le
second avènement du Seigneur est proche et nous rapporte les
événements prédits au-delà - tout cela
dans la mesure où les saintes Écritures le révèlent.
Il
est particulièrement opportun que l'Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours - la seule Église
qui se réclame d'une autorité fondée sur des
révélations bien déterminées et se
prétende habilitée à utiliser le saint nom du
Seigneur dans son intitulé - expose ses enseignements
concernant le Messie et sa mission.
L'auteur
de cet ouvrage a entrepris, avec grand plaisir, son travail à
la demande des autorités présidentes de l'Église ;
l'œuvre terminée a été lue à la
Première Présidence et au Conseil des Douze et
approuvée par eux. Elle représente cependant la foi
personnelle et la plus profonde conviction de l'auteur quant à
la vérité de ce qu'il a écrit. Le livre est
publié par l'Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours.
Un
trait caractéristique de l'ouvrage, ce sont les directives qui
ont été fournies par les Écritures modernes et
l'explication de l'Écriture sainte des temps anciens à
la lumière de la révélation moderne, qui, comme
un rayon puissant et bien dirigé, illumine beaucoup de
passages ténébreux de composition ancienne.
L'esprit
de sainteté inhérent au sujet a été le
compagnon constant de l'auteur pendant toute la durée de son
agréable travail, et il l'invoque respectueusement pour servir
les lecteurs de cet ouvrage.
Salt
Lake City, Utah
Septembre
1915
James
E. Talmage
PRÉFACE
À LA SIXIÈME ÉDITION ANGLAISE
La
deuxième édition de cet ouvrage a paru en décembre
1915, et la troisième en mars 1916. La troisième
édition présentait plusieurs corrections mineures de
formule et contenait des notes et des références
supplémentaires. Les éditions suivantes, y compris la
cinquième qui a été imprimée sur papier
bible, et l'édition actuelle sont pratiquement semblables à
la troisième.
Salt
Lake City, Utah
Octobre
1922
James
E. Talmage
AVERTISSEMENT
DES TRADUCTEURS
Dans
la traduction nous avons employé la nouvelle version Segond
révisée de la Bible (Bible à la Colombe,
1978). Cependant quand le sens de la version du roi Jacques, utilisée
par l'auteur, diffère de la version française, nous
avons traduit le texte anglais littéralement. Pour les
citations des Articles de Foi, nous avons utilisé l'édition
de 1962.
TABLE
DES MATIÈRES
1.
INTRODUCTION
Historicité
de Jésus le Christ. - Étendue et objectif du présent
traité.
2.
PRÉEXISTENCE ET PRÉORDINATION DU CHRIST
Existence
pré-mortelle des esprits. - Le conseil primitif des cieux. -
Révolte de Lucifer. - Sa défaite et son expulsion. - Le
libre arbitre de l'homme est assuré. - Le Fils bien-aimé
choisi comme Sauveur et Rédempteur de l'humanité.
3.
BESOIN D'UN RÉDEMPTEUR
Esprits
de capacités diverses. - L'introduction du péché
dans le monde est prédite. - La prescience de Dieu n'est pas
une cause déterminante. - Création de l'homme dans la
chair. - Chute de l'homme. - L'Expiation est nécessaire. -
Jésus-Christ, seul Être éligible comme Rédempteur
et Sauveur. - La résurrection universelle est prévue.
4.
DIVINITÉ PRÉMORTELLE DU CHRIST
La
Divinité - Jésus-Christ, Parole de la puissance. -
Jésus-Christ, le Créateur. - Jéhovah. -
L'Éternel, Je Suis. - Proclamations sur Jésus-Christ
par le Père.
5.
PRÉDICTION DE L'AVÈNEMENT TERRESTRE DU CHRIST
Prophéties
bibliques. - Révélation à Énoch. -
Prédiction du prophète par Moïse. - Les sacrifices
sont des préfigurations. Prédictions du Livre de
Mormon.
6.
LE MIDI DES TEMPS
Signification
de cette expression. - Sommaire de l'histoire d'Israël. - Les
juifs, vassaux de Rome. -Scribes et rabbis. - Pharisiens et
Sadducéens. - Autres confessions et partis.
7.
GABRIEL ANNONCE JEAN ET JÉSUS
Visitation
angélique à Zacharie. - Naissance de Jean le
précurseur. - Annonciation à Marie la Vierge. - Marie
et Joseph. - Leurs généalogies. - Jésus-Christ
héritier du trône de David.
8.
L'ENFANT DE BETHLÉHEM
Naissance
de Jésus-Christ. - Sa présentation au temple. - Visite
des mages. - Les desseins mauvais d'Hérode. - L'Enfant emmené
en Égypte. - La naissance du Christ révélée
aux Néphites. - Date de la naissance.
9.
LE JEUNE GARÇON DE NAZARETH
Jésus
sera appelé Nazaréen. - Au temple à l'âge
de douze ans. - Jésus et les docteurs de la loi. - Jésus
de Nazareth.
10.
DANS LE DÉSERT DE JUDÉE
Jean-Baptiste.
- La voix dans le désert. - Baptême de Jésus. -
Proclamation du Père. - Descente du Saint-Esprit. - Le signe
de la colombe. - Tentation du Christ.
11.
DE JUDÉE EN GALILÉE
Témoignage
de Jean-Baptiste sur le Christ. - Premiers disciples. - Le Fils de
l'homme, signification du titre. - Le miracle de la transformation de
l'eau en vin. - Les miracles en général.
12.
PREMIERS INCIDENTS DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE SEIGNEUR
Première
purification du temple. - Jésus et Nicodème. - Les
disciples de Jean-Baptiste en conflit. - Jean fait l'éloge du
Christ et répète son témoignage à son
sujet.
13.
HONORÉ DES ÉTRANGERS, REJETÉ DES SIENS
Jésus
et la Samaritaine. - Parmi les Samaritains. - Pendant qu'il est à
Cana, le Christ guérit le fils d'un noble à Capernaüm.
- À Nazareth, le Christ prêche à la synagogue. -
Les Nazaréens essaient de le tuer. - Démons soumis à
Capernaüm. - Possession par les démons.
14.
SUITE DU MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN GALILÉE
Guérison
d'un lépreux. - La lèpre. - Un paralytique guéri
et pardonné. - Accusation de blasphème. - Les
publicains et les pécheurs. - Les vieux vêtements, les
vieilles outres et les nouvelles. - Appel préliminaire de
disciples. - Pêcheurs d'hommes.
15.
SEIGNEUR DU SABBAT
Le
sabbat tout particulièrement sacré pour Israël. -
Un invalide guéri le jour du sabbat. - Accusation des Juifs et
réponse du Seigneur. - Des disciples accusés
d'enfreindre le sabbat. - Guérison d'un homme à la main
sèche le jour du sabbat.
16.
LE CHOIX DES DOUZE
Leur
appel et leur ordination. - Les Douze examinés l'un après
l'autre. - Leurs caractéristiques en général. -
Disciples et apôtres.
17.
LE SERMON SUR LA MONTAGNE
Les
béatitudes. - Dignité et responsabilité dans le
ministère. - La loi mosaïque remplacée par
L'Évangile du Christ. - La sincérité
d'intentions. - L'oraison dominicale. - La véritable richesse.
- Promesse et nouvelle assurance. - Écouter et agir.
18.
AVEC AUTORITÉ
Guérison
du serviteur du centurion. - Résurrection du jeune homme de
Naïn. - Message de Jean-Baptiste à Jésus. -
Commentaires du Seigneur à ce sujet. - Mort de Jean-Baptiste.
- Jésus dans la maison de Simon le Pharisien. - Une femme
pénitente pardonnée. - L'autorité du Christ
attribuée à Béelzébul. - Le péché
contre le Saint-Esprit. - Ceux qui cherchent un signe.
19.
« IL LEUR PARLA EN PARABOLES SUR BEAUCOUP DE CHOSES »
Le
semeur. - Le blé et l'ivraie. - La semence qui grandit en
secret. - Le grain de sénevé. - Le levain - Le trésor
caché. - La perle de grand prix. - Le filet de l'Évangile.
- La raison pour laquelle le Seigneur enseigne par paraboles. - Les
paraboles en général.
20.
« SILENCE ! TAIS-TOI ! »
Candidats
disciples. - Jésus calme la tempête. - Il apaise les
démons dans la région de Gadara. - Résurrection
de la fille de Jaïrus. - Rendre à la vie et ressusciter.
- Une femme guérie au milieu de la foule. - Les aveugles
voient et les muets parlent.
21.
LA MISSION APOSTOLIQUE ET LES ÉVÉNEMENTS QUI S'Y
RAPPORTENT
Jésus
retourne à Nazareth. Les Douze chargés de mission et
envoyés. - Leur retour. - Première multiplication des
pains. - Le miracle de la marche sur l'eau. - Les gens cherchent le
Christ pour avoir encore du pain et des poissons. - Le Christ, pain
de vie. - Beaucoup de disciples se détournent de lui.
22.
UNE PÉRIODE D'OPPOSITION CROISSANTE
Ablutions
cérémonielles. - Les Pharisiens réprimandés.
- Jésus sur le territoire de Tyr et de Sidon. - Guérison
de la fille d'une Syro-phénicienne. - Miracles accomplis sur
les côtes de la Décapole. - Deuxième
multiplication des pains. - Encore des chercheurs de signes. - Le
levain des Pharisiens, des Sadducéens et des Hérodiens.
- La grande confession de Pierre : « Tu es le
Christ ».
23.
LA TRANSFIGURATION
Visitation
de Moïse et d'Élie. - Le Père proclame de nouveau
le Fils. - Les apôtres reçoivent temporairement
l'interdiction de témoigner au sujet de la Transfiguration. -
Élias et Élie. - La moindre prêtrise et la
prêtrise supérieure.
24.
DU SOLEIL À L'OMBRE
Un
jeune démoniaque guéri. - Autre prédiction de la
mort et de la résurrection du Christ. - L'argent du tribut
fourni par un miracle. - L'humilité illustrée par un
petit enfant. - Parabole de la brebis perdue. - Au nom du Christ. -
Mon frère et moi. - Parabole du serviteur impitoyable.
25.
JÉSUS DE RETOUR À JÉRUSALEM
Départ
de Galilée. - À la fête des Huttes. - Autre
accusation de profanation du sabbat. - L'eau vive pour ceux qui ont
spirituellement soif. - Plans pour arrêter Jésus. -
Nicodème proteste. - Une femme prise en flagrant délit
d'adultère. - Le Christ, lumière du monde. - La vérité
affranchira les hommes. - Le Christ plus ancien qu'Abraham. - La vue
rendue un jour de sabbat. - La cécité physique et
spirituelle. - Berger et gardien de troupeaux. Le Christ, le bon
berger. - Son pouvoir inhérent sur la vie et la mort. - Des
brebis d'une autre bergerie.
26.
LE MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN PÉRÉE ET EN
JUDÉE
Jésus
rejeté en Samarie. - Jacques et Jean réprimandés
pour leur désir de vengeance. - Les soixante-dix chargés
de mission et envoyés. - Leur retour. - Question d'un docteur
de la loi. - Parabole du bon Samaritain. - Marthe et Marie. -
Demandez et vous recevrez. - Parabole de l'ami à minuit. -
Critique contre les Pharisiens et les docteurs de la loi. - Parabole
du mauvais riche. - Ceux qui ne se repentent pas périront. -
Parabole du figuier stérile. Une femme guérie le jour
du sabbat. - Y en aura-t-il beaucoup ou peu qui seront sauvés ?
- Jésus averti du dessein d'Hérode.
27.
SUITE DU MINISTÈRE PÉRÉEN ET JUDÉEN
Chez
l'un des principaux Pharisiens. - Parabole du grand banquet. - Le
calcul des frais. - Le salut même pour les publicains et les
pécheurs. - Répétition de la parabole de la
brebis perdue. - De la drachme perdue. - Du fils prodigue. - Du
serviteur paresseux. - Du riche et de Lazare. - Des serviteurs
inutiles. - Guérison de dix lépreux. - Parabole du
Pharisien et du publicain. - Sur le mariage et le divorce. - Jésus
et les petits enfants. - Le jeune homme riche. - Les premiers peuvent
être les derniers et les derniers les premiers. - Parabole des
ouvriers de la vigne.
28.
LE DERNIER HIVER
À
la fête de la Dédicace. - Les brebis connaissent la voix
du berger. - Le Seigneur se retire en Pérée. - Lazare
ressuscité des morts. - La hiérarchie juive agitée
par le miracle. - Prophétie de Caïphe, le souverain
sacrificateur. - Jésus se retire en Éphraïm.
29.
EN ROUTE POUR JÉRUSALEM
Jésus
prédit de nouveau sa mort et sa résurrection. - Demande
ambitieuse de Jacques et de Jean. - Un aveugle retrouve la vue près
de Jéricho. - Zachée, chef des péagers. -
Parabole des mines. - Le souper dans la maison de Simon le lépreux.
- Hommage de Marie oignant Jésus. - Protestation de
l'Iscariot. - L'entrée triomphale du Christ à
Jérusalem. - Certains Grecs cherchent un entretien avec Jésus.
- La voix du ciel.
30.
JÉSUS RETOURNE QUOTIDIENNEMENT AU TEMPLE
Malédiction
d'un figuier feuillu mais stérile. - Deuxième
purification du temple. - Des enfants crient Hosanna. - L'autorité
du Christ mise en question par les dirigeants. - Parabole des deux
fils. - De mauvais vignerons. - La pierre rejetée sera la
principale de l'angle. - Parabole des noces royales. - L'habit de
noce manque.
31.
FIN DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE SEIGNEUR
Conspiration
des Pharisiens et des Hérodiens. - César doit recevoir
son dû. - L'image sur la pièce de monnaie. - Les
Sadducéens et la résurrection. - Mariages, lévirat.
- Le grand commandement. - Jésus se fait questionneur. -
Dénonciation flétrissante des scribes et des Pharisiens
hypocrites. - Lamentation sur Jérusalem. - L'obole de la
veuve. - Le Christ quitte le temple pour la dernière fois. -
Prédiction de la destruction du temple.
32.
AUTRES ENSEIGNEMENTS AUX APÔTRES
Prophéties
relatives à la destruction de Jérusalem et à
l'avènement futur du Seigneur. - Veillez ! - Parabole des
dix vierges. - Des talents. - Le jugement inévitable. - Autre
prédiction précise de la mort imminente du Seigneur.
33.
LA DERNIÈRE CÈNE ET LA TRAHISON
Judas
Iscariot conspire avec les Juifs. - Préparation pour la
dernière Pâque du Seigneur. - La dernière cène
de Jésus avec les Douze. - Le traître est désigné.
- L'ordonnance du lavement des pieds. - Le sacrement de la Cène
du Seigneur. - Le traître sort dans la nuit. - Un discours
après la Cène. - La prière sacerdotale. -
L'agonie du Seigneur à Gethsémané. - La trahison
et l'arrestation.
34.
LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION
Le
procès juif. - Le Christ devant Anne et Caïphe. - Le
jugement illégal pendant la nuit. - La session du matin. -
Faux témoins et condamnation injuste. - Pierre renie son
Seigneur. - Le Christ amené pour la première fois
devant Pilate. - Devant Hérode. Deuxième comparution
devant Pilate. - Pilate cède aux clameurs juives. - La
sentence de la crucifixion. - Suicide de Judas Iscariot.
35.
LA MORT ET L'ENSEVELISSEMENT
Sur
le chemin du Calvaire. - Le Seigneur s'adresse aux filles de
Jérusalem. - La crucifixion. - Événements qui se
déroulent entre la mort et l'ensevelissement du Seigneur. -
L'ensevelissement. - Le sépulcre gardé.
36.
DANS LE ROYAUME DES ESPRITS DÉSINCARNÉS
Réalité
de la mort du Seigneur. - État des esprits entre la mort et la
résurrection. - Le Sauveur parmi les morts. - L'Évangile
prêché aux esprits en prison.
37.
LA RÉSURRECTION ET L'ASCENSION
Le
Christ ressuscité. - Les femmes au sépulcre. -
Communications angéliques. - Le Seigneur ressuscité vu
par Marie-Madeleine. - Et par les autres femmes. - La conspiration du
mensonge par les prêtres. - Le Seigneur et deux disciples sur
la route d'Emmaüs. - Il apparaît à des disciples à
Jérusalem et il mange en leur présence. - Thomas
l'incrédule. - Le Seigneur apparaît aux apôtres au
lac de Tibériade. - Autres manifestations en Galilée. -
La dernière directive aux apôtres. - L'ascension.
38.
LE MINISTÈRE APOSTOLIQUE
Ordination
de Matthias à l'apostolat. - Le Saint-Esprit est donné
à la Pentecôte. - La prédication des apôtres.
- Emprisonnés et mis en liberté. - Recommandation de
Gamaliel au conseil. - Étienne, son martyre. - Saul de Tarse,
sa conversion. - Il devient Paul l'apôtre. - Le livre de Jean
le Révélateur. - Fin du ministère apostolique.
39.
LE MINISTÈRE DU CHRIST RESSUSCITÉ SUR LE CONTINENT
AMÉRICAIN
La
mort du Seigneur signalée par de grandes calamités sur
le continent américain. - On entend la voix du Seigneur
Jésus-Christ. - Ses visites aux Néphites. - Les douze
Néphites. - Le baptême parmi les Néphites. -
Accomplissement de la loi de Moïse. - Le discours aux Néphites
comparé au sermon sur la montagne. - Le sacrement du pain et
du vin institué parmi les Néphites. - Nom de l'Église
du Christ. - Les trois Néphites. - Croissance de l'Église.
- Apostasie finale de la nation néphite.
40.
LA LONGUE NUIT DE L'APOSTASIE
La
grande apostasie prédite. - Apostasie individuelle depuis
l'Église. - Apostasie de l'Église. - Constantin fait du
christianisme la religion d'État. - Prétentions papales
à l'autorité séculière. - La tyrannie de
l'Église. - L'âge des ténèbres. - La
révolte inévitable. - La Réforme. - Naissance de
l'Église anglicane. - Le catholicisme et le protestantisme. -
Affirmation de l'apostasie. - La mission de Colomb et des Pères
Pèlerins prédite dans les Écritures anciennes. -
Accomplissement des prophéties. - L'établissement de la
nation américaine prévu.
41.
MANIFESTATIONS PERSONNELLES DE DIEU, LE PÈRE ÉTERNEL,
ET DE SON FILS, JÉSUS-CHRIST, DANS LES TEMPS MODERNES
Une
nouvelle dispensation de l'Évangile. - La perplexité de
Joseph Smith à propos des luttes des Églises. - Le Père
éternel et son Fils Jésus-Christ apparaissent à
Joseph Smith et l'instruisent personnellement. - Les apparitions de
Moroni. - Le Livre de Mormon. - Rétablissement de la Prêtrise
d'Aaron par Jean-Baptiste, - Rétablissement de la Prêtrise
de Melchisédek par Pierre, Jacques et Jean. - L'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours. -
Manifestations divines dans le temple de Kirtland. - Apparition du
Seigneur Jésus-Christ. - L'autorité appropriée
des anciennes dispensations de l'Évangile conférée
par Moïse, Élias et Élie. - La sainte prêtrise
opère maintenant sur la terre.
42.
JÉSUS LE CHRIST REVIENDRA
Prédictions
anciennes du second avènement du Seigneur. - La révélation
moderne affirme la même chose. - Aujourd'hui et demain. - Le
jour grand et redoutable est proche. - Le royaume de Dieu et le
royaume des cieux. - Le millénium. - La fin céleste.
CHAPITRE
1 : INTRODUCTION
C'est
un fait historique que, au commencement ou vers le commencement de ce
que l'on a appelé, depuis, l'ère chrétienne,
l'homme Jésus, surnommé le Christ, naquit à
Bethléhem en Judée [1]. Les données
principales de sa naissance, de sa vie et de sa mort sont tellement
bien attestées qu'il serait déraisonnable de les mettre
en doute ; ce sont des faits consignés par écrit,
que le monde civilisé en général accepte comme
essentiellement authentiques. Il y a, il est vrai, des diversités
d'interprétation provenant de ce que l'on a découvert
de prétendues divergences dans les documents du passé
sur des détails secondaires ; mais ces différences
sont d'une importance strictement mineure, car aucune d'elles ni leur
ensemble ne jette la moindre ombre de doute rationnel sur
l'historicité de l'existence terrestre de l'homme que l'on
appelle dans la littérature Jésus de Nazareth.
Quant
au point de savoir qui et ce qu'il était, des dissensions
profondes et importantes séparent les opinions des hommes ;
et ces divergences de conception et de foi sont les plus prononcées
dans les domaines les plus importants. Les témoignages
solennels de millions de morts et de millions de vivants s'accordent
pour le proclamer divin, Fils du Dieu vivant, Rédempteur et
Sauveur du genre humain, juge éternel des âmes des
hommes, l'Élu et l'Oint du Père - bref, le Christ. Il
en est d'autres qui nient sa divinité tout en exaltant ses
qualités humaines sans pareilles.
Pour
l'historien, cet homme d'entre les hommes se tient premier, sublime
et seul : personnalité directrice dans le progrès
du monde. Jamais l'humanité n'a produit de chef de son
envergure. Si on le considère exclusivement comme personnage
historique, il est unique. Estimé à l'étalon du
jugement humain, Jésus de Nazareth est suprême parmi les
hommes en raison de l'excellence de sa personnalité, de la
simplicité, de la beauté et de la valeur réelle
de ses préceptes, ainsi que de l'influence de son exemple et
de ses enseignements sur le progrès du genre humain. À
ces caractéristiques distinctives d'une grandeur sublime,
l'âme chrétienne pieuse ajoute un attribut qui surpasse
de loin la somme de tous les autres : la divinité de
l'origine du Christ et la réalité éternelle de
son état de Seigneur et de Dieu.
L'incroyant
et le chrétien reconnaissent sa suprématie comme homme
et respectent l'importance historique de sa naissance. Le Christ
naquit au midi des temps [2] et sa vie sur la terre marqua
immédiatement le point culminant du passé et
l'inauguration d'une ère qui allait se distinguer par
l'espoir, l'effort et les réalisations humaines. Son avènement
détermina un nouvel ordre dans le calcul des années ;
et par consentement commun, les siècles qui ont précédé
sa naissance ont été comptés en rétrogradant
à partir de l'événement pivot et sont désignés
en conséquence. L'accession des dynasties au pouvoir et leur
chute, la naissance et la dissolution des nations, tous les cycles de
l'histoire : guerres et paix, prospérité et
adversité, santé et épidémies, périodes
d'abondance et de famine, tremblements de terre et tempêtes
terribles, triomphes de l'invention et de la découverte, les
importantes périodes où l'homme a progressé vers
le divin et les longues périodes où il est tombé
dans l'incroyance - tous les événements qui font
l'histoire - sont enregistrés dans toute la chrétienté
par rapport à l'année précédant ou
suivant la naissance de Jésus-Christ.
Sa
vie terrestre couvrit une période de trente-trois ans ;
et il n'en passa que trois comme maître reconnu ouvertement
engagé dans les activités du ministère public.
Il subit une mort violente avant de parvenir à ce que nous
considérons maintenant comme la force de l'âge. Peu le
connurent personnellement, et sa célébrité de
personnage mondial ne devint générale qu'après
sa mort.
Un
bref récit de quelques-unes de ses paroles et de ses oeuvres
nous a été conservé ; et ce document,
quelque fragmentaire et incomplet qu'il soit, est estimé à
bon droit comme le plus grand trésor du monde. L'histoire la
plus ancienne et la plus étendue de son existence mortelle se
trouve dans la compilation des Écritures que l'on appelle le
Nouveau Testament ; en effet les historiens laïques de son
temps ne disent pas grand-chose de lui. Mais si peu nombreuses et si
brèves que soient les allusions que font sur lui les écrivains
non scripturaires de l'époque qui suivit immédiatement
celle de son ministère, on en trouve suffisamment pour
confirmer le document sacré en ce qui concerne la réalité
et la période de l'existence terrestre du Christ.
Aucune
biographie adéquate de Jésus enfant ou homme n'a été
ni ne peut être écrite, pour la bonne raison que nous
n'avons pas toutes les données. Néanmoins il n'a jamais
vécu d'homme à propos duquel on ait parlé et
chanté davantage, à qui une plus grande proportion de
la littérature du monde ait été consacrée.
Il est exalté par les chrétiens, les musulmans et les
juifs, par les sceptiques et les infidèles, par les plus
grands poètes, philosophes, hommes d'État, savants et
historiens du monde. Même le pécheur impie acclame, dans
le sacrilège misérable de son juron, la suprématie
divine de celui dont il profane le nom.
Le
but du présent traité est d'examiner la vie et la
mission de Jésus en sa qualité de Christ. Dans cette
entreprise nous serons guidés par la lumière des
Écritures anciennes et modernes ; et ainsi conduits, nous
découvrirons, dès les premiers stades de notre
itinéraire, que la parole de Dieu révélée
à notre époque éclaire d'une manière
efficace les Écritures saintes des temps anciens, et ce, dans
beaucoup de domaines du plus profond intérêt [3].
Au
lieu de commencer notre étude par la naissance terrestre du
saint Enfant de Bethléhem, nous allons examiner le rôle
que joua le Premier-Né de Dieu dans les conseils primitifs des
cieux, à l'époque où il fut élu et
ordonné Sauveur de la race à naître des mortels,
Rédempteur d'un monde qui était alors dans les stades
formatifs de son développement. Nous allons l'étudier
en ses qualités de Créateur du monde, Parole de la
Puissance par l'intermédiaire de laquelle les objectifs du
Père éternel furent réalisés dans la
préparation de la terre pour servir de demeure à ses
myriades d'enfants spirituels au cours de la période désignée
pour l'épreuve mortelle. Jésus-Christ était et
est Jéhovah, le Dieu d'Adam et de Noé, le Dieu
d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu d'Israël, le Dieu au nom
duquel les prophètes de tous les temps ont parlé, le
Dieu de toutes les nations et celui qui régnera sur la terre
comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
Sa
naissance étonnante, et cependant naturelle, sa vie immaculée
dans la chair et sa mort volontaire, sacrifice consacré pour
les péchés de l'humanité, réclameront
notre respectueuse attention, de même que le service rédempteur
qu'il a rendu au monde des esprits désincarnés, sa
résurrection littérale de la mort corporelle à
l'immortalité, ses diverses apparitions aux hommes sur deux
continents et son ministère constant en tant que Seigneur
ressuscité, le rétablissement de son Église
grâce à sa présence personnelle et à celle
du Père éternel dans les derniers jours (« les
derniers jours », expression scripturale ; voir Actes
2:17 ; 2 Tim. 3:1 ; 2 P. 3:3, ndlr), et son
apparition dans son temple à notre époque. Tous ces
événements du ministère du Christ sont déjà
du passé. Les recherches que nous nous proposons de faire nous
conduiront encore plus loin, dans l'avenir sur lequel les écrits
nous donnent la parole de la révélation divine. Nous
examinerons les conditions qui régneront lors du retour du
Seigneur en puissance et en gloire pour inaugurer la domination du
royaume des cieux sur la terre, et pour introduire le millénium
de paix et de justice qui a été prédit. Et nous
le suivrons plus loin encore, à travers le conflit
post-millénaire entre les puissances du ciel et les puissances
de l'enfer, jusqu'à la fin de sa victoire sur Satan, le péché
et la mort, au moment où il présentera la terre
glorifiée et ses armées sanctifiées, sans tache
et célestialisées au Père.
L'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours affirme qu'elle
possède l'autorité divine d'utiliser le nom sacré,
Jésus-Christ, comme partie essentielle de son intitulé.
Étant donné cette prétention sublime, il est
pertinent de demander quel message spécial ou particulier
l'Église a pour le monde à propos du Rédempteur
et du Sauveur du genre humain, et ce qu'elle peut dire pour justifier
son affirmation solennelle, ou pour prouver son nom et son titre. À
mesure que nous progresserons dans notre étude, nous verrons
que l'on trouve, parmi les enseignements particuliers de l'Église
concernant le Christ, ce qui suit :
1)
Sa mission est constante et identique à toutes les époques :
cela implique nécessairement sa préexistence et sa
préordination ; 2) il était Dieu dans sa vie
prémortelle ; 3) sa naissance dans la chair fut le
résultat naturel de l'union d'un être divin et d'un être
mortel ; 4) il mourut et ressuscita littéralement,
événement dont le résultat est que le pouvoir de
la mort sera finalement vaincu ; 5) l'expiation qu'il accomplit
fut littérale et indique que si l'individu veut parvenir au
salut, il est absolument nécessaire qu'il se soumette aux lois
et aux ordonnances de son Évangile ; 6) sa prêtrise
a été rétablie ainsi que son Église à
notre époque ; 7) il reviendra assurément sur la
terre dans un proche avenir, en puissance et avec grande gloire,
régner en personne dans son corps comme Seigneur et Roi.
[1]
Pour l'année où le Christ est né, voir chapitre
8.
[2]
Voir chapitre 6.
[3]
La sainte Bible, le Livre de Mormon, Doctrine et Alliances et la
Perle de grand prix constituent les ouvrages canoniques de l'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Nous les
citerons au même titre comme Écritures dans les pages
suivantes, car c'est ce qu'ils sont.
CHAPITRE
2 : PRÉ-EXISTENCE ET PRÉ-ORDINATION DU CHRIST
Nous
affirmons, en vertu des saintes Écritures, que l'être
qui est connu parmi les hommes sous le nom de Jésus de
Nazareth, et par tous ceux qui reconnaissent sa divinité comme
Jésus-Christ, existait avec le Père avant sa naissance
dans la chair ; et que dans l'état pré-existant il
fut choisi et ordonné pour être le seul et unique
Sauveur et Rédempteur du genre humain. Pour qu'il y ait
pré-ordination, la condition essentielle est qu'il y ait
préexistence ; c'est pourquoi les Écritures qui se
rapportent à l'une se rapportent également à
l'autre ; en conséquence, dans notre présentation
nous n'essayerons pas de séparer les preuves qui s'appliquent
à la préexistence du Christ ou à sa
pré-ordination.
Jean,
le Révélateur, contempla en vision certaines des scènes
qui s'étaient produites dans le monde spirituel avant le
commencement de l'histoire humaine. Il vit des luttes et des
querelles entre la loyauté et la révolte, les armées
qui défendaient la première conduites par Michel,
l'archange, et les forces rebelles gouvernées par Satan, que
l'on appelle également le diable, le serpent et le dragon.
Nous lisons : « Il y eut une guerre dans le ciel.
Michel et ses anges combattirent le dragon. Le dragon combattit, lui
et ses anges. » [1]
Dans
ce combat entre armées non incarnées, les forces
étaient inégalement réparties ; Satan
n'attira sous sa bannière que le tiers des enfants de Dieu,
qui sont symbolisés par le titre les « étoiles
du ciel » [2] ; la majorité combattit
avec Michel, ou du moins s'abstint de toute opposition active,
accomplissant ainsi l'objectif de leur « premier état » ;
tandis que les anges qui se rangeaient aux côtés de
Satan « ne gardèrent pas leur premier état » [3]
et se disqualifièrent ainsi pour obtenir des possibilités
glorieuses d'un état avancé ou « second
état » [4]. La victoire sourit à Michel
et à ses anges ; et Satan ou Lucifer, qui était
jusqu'alors un « fils du matin », fut chassé
du ciel, oui, « il fut précipité sur la
terre, et ses anges furent précipités avec lui » [5].
Le prophète Ésaïe, à qui ces événements
capitaux avaient été révélés
quelque huit siècles avant l'époque des écrits
de Jean, se lamente en une douleur inspirée sur la chute d'un
être si grand et indique que la cause en fut l'ambition
égoïste : « Quoi donc ! tu es tombé
du ciel, (Astre) brillant, fils de l'aurore ! Tu es abattu à
terre, toi le dompteur des nations ! Tu disais en ton cœur :
je monterai au ciel, j'élèverai mon trône
au-dessus des étoiles de Dieu, je siégerai sur la
montagne de la Rencontre (des dieux) au plus profond du nord ;
je monterai sur le sommet des nues, je serai semblable au Très-Haut.
Mais tu as été précipité dans le séjour
des morts au plus profond d'une fosse [6] »
On
verra pourquoi nous citons ces Écritures dans le cadre de
notre présente étude, si l'on examine la cause de cette
grande lutte : la situation qui amena cette guerre dans les
cieux. D'après les paroles d'Ésaïe, il est clair
que Lucifer, qui possédait déjà un rang exalté,
chercha à s'agrandir sans tenir compte des droits et de la
liberté des autres. Le problème est présenté,
en des termes sur lesquels nul ne peut se méprendre, dans une
révélation donnée à Moïse et répétée
par l'intermédiaire du premier prophète de notre
époque : « Et moi, le Seigneur Dieu, je parlai
à Moïse, disant : Ce Satan que tu as commandé
au nom de mon Fils unique, est celui-là même qui était
dès le commencement, et il vint devant moi disant : Me
voici, envoie-moi, je serai ton fils et je rachèterai toute
l'humanité, de sorte que pas une âme ne sera perdue, et
je le ferai certainement ; c'est pourquoi donne-moi ton honneur.
Mais, voici, mon Fils bien-aimé, qui était mon
Bien-aimé et mon Élu depuis le commencement, me dit :
Père, que ta volonté soit faite, et que la gloire
t'appartienne à jamais. C'est pourquoi, parce que Satan
s'était révolté contre moi, qu'il avait cherché
à détruire le libre arbitre de l'homme, que moi, le
Seigneur Dieu, je lui avais donné, et aussi parce qu'il
voulait que je lui donne mon pouvoir, par le pouvoir de mon Fils
unique, je le fis précipiter du ciel ; et il devint
Satan, oui, à savoir le diable, le père de tous les
mensonges, pour tromper et aveugler les hommes, et mener captifs à
sa volonté tous ceux qui ne voudraient pas écouter ma
voix. » [7]
Nous
voyons ainsi qu'avant que l'homme ne soit placé sur la terre,
combien de temps avant, nous ne le savons pas, le Christ et Satan, en
même temps que les armées des enfants spirituels de
Dieu, existaient en tant qu'individus intelligents [8],
possédant la faculté et le pouvoir de choisir la voie
qu'ils poursuivraient et les dirigeants qu'ils se donneraient et
auxquels ils obéiraient [9]. Il ne fait pas de doute que,
dans cette grande assemblée d'intelligences spirituelles, on
discuta du plan du Père selon lequel ses enfants devaient être
avancés à leur deuxième état. La
possibilité qui fut ainsi placée à la portée
des esprits qui devaient avoir l'avantage de prendre un corps sur la
terre était si transcendantalement glorieuse que ces
multitudes célestes éclatèrent en chants
d'allégresse et poussèrent des cris de joie [10].
Le
plan dictatorial de Satan, aux termes duquel tous seraient amenés
sains et saufs à travers la vallée de la mortalité,
privés de la liberté d'agir et du libre arbitre de
choisir, tellement limités qu'ils seraient obligés de
faire le bien - qu'aucune âme ne serait perdue - fut rejeté ;
et l'humble offre de Jésus, le Premier-Né, d'assumer la
mortalité et de vivre parmi les hommes pour être leur
Exemple et leur Maître, respectant la sainteté du libre
arbitre de l'homme mais enseignant aux hommes à utiliser
correctement cet héritage divin, fut accepté. Cette
décision amena la guerre, qui eut pour résultat la
défaite de Satan et de ses anges, lesquels furent chassés
et privés des avantages sans limites afférents à
l'état mortel ou deuxième état.
L'être
qui naquit plus tard dans la chair, Fils de Marie, Jésus, joua
un rôle important dans cet auguste conseil des anges et des
Dieux, et c'est là qu'il fut ordonné par le Père
pour être le Sauveur de l'humanité. Du point de vue du
temps, le terme étant utilisé dans le sens de toute la
durée du passé, c'est la première mention que
nous ayons de la présence du Premier-Né parmi les fils
de Dieu ; pour nous qui lisons, cela marque le début de
l'histoire écrite de Jésus le Christ [11].
Bien
que les Écritures de l'Ancien Testament abondent en promesses
que le Christ viendra réellement dans la chair, elles sont
moins claires au sujet de son existence pré-mortelle. Vivant
encore sous la loi et n'étant pas encore prêts à
recevoir l'Évangile, les enfants d'Israël considéraient
le Messie comme quelqu'un qui naîtrait dans le lignage
d'Abraham et de David, ayant le pouvoir de les libérer de
leurs fardeaux personnels et nationaux et de vaincre leurs ennemis.
En général le peuple ne se rendait que très
vaguement compte, à supposer qu'il pût même le
concevoir, que le Messie était bel et bien le Fils élu
de Dieu, qui était avec le Père depuis le commencement.
Être déjà revêtu de puissance et de gloire
dans son existence pré-mortelle ; et bien que la grande
vérité fût révélée [12]
à des prophètes spécialement commissionnés
dans les responsabilités et les droits de la sainte prêtrise,
ceux-ci la transmettaient au peuple plutôt dans le langage de
l'image et de la parabole qu'en des paroles claires et directes.
Néanmoins les témoignages des évangélistes
et des apôtres, l'attestation du Christ lui-même tandis
qu'il était dans la chair et les révélations
données à notre époque nous fournissent des
preuves scripturaires en suffisance.
Dans
les lignes introductrices de l'évangile de Jean, l'apôtre,
nous lisons : « Au commencement était la
Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était
Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Tout a été
fait par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été
fait sans elle... La Parole a été faite chair, et elle
a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ;
et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du
Fils unique venu du Père. » [13]
Ce
passage est simple, précis et sans équivoque. Nous
pouvons raisonnablement donner à l'expression « Au
commencement » la même signification qui y est
attachée dans la première ligne de la Genèse ;
et pareil sens doit indiquer une époque antérieure aux
stades les plus reculés de l'existence humaine sur la terre.
Le passage affirme clairement que la Parole est Jésus-Christ,
qui était avec le Père dans ce commencement et qui
était revêtu lui-même du pouvoir et du rang de la
Divinité, qu'il vint dans le monde et demeura parmi les
hommes. Ces déclarations sont confirmées par une
révélation donnée à Moïse dans
laquelle il lui fut permis de voir un grand nombre d'entre les
créations de Dieu et d'entendre la voix de Dieu commenter les
choses qui avaient été faites : « Et je
les ai créées par la parole de mon pouvoir, qui est mon
fils unique, lequel est plein de grâce et de vérité. » [14]
Jean
l'apôtre affirme à plusieurs reprises la préexistence
du Christ et son autorité et sa puissance dans l'état
prémortel [15]. Le témoignage de Paul [16] et
celui de Pierre sont formulés dans le même sens.
Instruisant les saints du fondement de leur foi, le dernier apôtre
nommé souligna qu'ils n'assureraient pas leur rédemption
par des choses corruptibles ni par l'observance extérieure de
rites prescrits par la tradition, « mais par le sang pré
cieux de Christ, comme d'un agneau sans défaut et sans tache ;
il a été désigné d'avance, avant la
fondation du monde, et manifesté à la fin des temps, à
cause de vous » [17].
Il
y a quelque chose de plus impressionnant et d'encore plus concluant :
les témoignages personnels du Sauveur sur sa vie pré-mortelle
et la mission dont il avait été chargé parmi les
hommes. Nul ne peut accepter que Jésus est le Messie et
rejeter logiquement ces preuves de sa nature éternelle. Un
jour que les Juifs se disputaient entre eux dans la synagogue et
murmuraient parce qu'ils ne parvenaient pas à comprendre
correctement ce qu'il disait sur lui-même, et en particulier ce
qui touchait sa parenté avec le Père, Jésus leur
dit : « car je suis descendu du ciel pour faire, non
ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. »
Poursuivant ensuite la leçon qu'il basait sur le contraste
entre la manne avec laquelle leurs pères avaient été
nourris dans le désert et le pain de vie qu'il avait à
offrir, il ajouta : « Moi, je suis le pain vivant
descendu du ciel », et il déclara encore :
« Le Père qui est vivant m'a envoyé. »
Un grand nombre de ses disciples furent incapables de comprendre ses
enseignements, et leurs plaintes lui arrachèrent les paroles :
« Cela vous scandalise ? Et si vous voyiez le Fils de
l'homme monter où il était auparavant ? » [18]
À
certains Juifs corrompus, enveloppés du manteau de l'orgueil
racial, qui se vantaient de descendre d'Abraham et qui cherchaient à
excuser leurs péchés en se servant mal à propos
du nom du grand patriarche, notre Seigneur proclama ainsi sa propre
prééminence : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût,
moi, je suis » [19]. Nous traiterons plus loin du
sens profond de cette remarque. Qu'il nous suffise pour les besoins
présents de considérer que cette Écriture est
une affirmation claire et nette de l'antériorité et de
la suprématie du Seigneur par rapport à Abraham. Mais
comme la naissance d'Abraham avait précédé celle
du Christ de plus de dix-neuf siècles, cette antériorité
devait se rapporter à un état d'existence précédant
celui de la mortalité.
Lorsque
le moment approcha où il devait être trahi, dans le
dernier entretien qu'il eut avec les apôtres avant son
expérience déchirante de Gethsémané,
Jésus les consola en disant : « Car le Père
lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé, et que
vous avez cru que je suis sorti d'auprès de Dieu. Je suis
sorti du Père et je suis venu dans le monde ; maintenant,
je quitte le monde et je vais vers le Père » [20].
En outre, lorsqu'il déversa son cœur en prières
pour ceux qui avaient été fidèles à leur
témoignage de sa mission messianique, il fit au Père
une invocation solennelle : « Or, la vie éternelle,
c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu
as envoyé, Jésus-Christ. Je t'ai glorifié sur la
terre ; j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée
à faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès
de toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi,
avant que le monde fût. » [21]
Les
Écritures du Livre de Mormon prouvent en termes tout aussi
clairs que le Christ eut une existence pré-mortelle et qu'il
fut pré-ordonné à sa mission. Nous ne citerons
ici qu'une des nombreuses preuves que l'on y trouve. Un ancien
prophète, que le document appelle le frère de
Jared [22], implora un jour le Seigneur en une supplication
ardente : « Et le Seigneur lui dit : Crois-tu
aux paroles que je dirai ? Et il répondit : Oui,
Seigneur, je sais que tu dis la vérité, car tu es un
Dieu de vérité, et tu ne peux mentir. Et quand il eut
dit ces mots, voici, le Seigneur se montra à lui et dit :
Parce que tu sais ces choses, tu es racheté de la chute ;
c'est pourquoi tu es ramené en ma présence ; c'est
pourquoi, je me montre à toi. Voici, je suis celui qui fut
préparé depuis la fondation du monde pour racheter mon
peuple. Voici, je suis Jésus-Christ. Je suis le Père et
le Fils. En moi, toute l'humanité aura la lumière, et
cela éternellement, même ceux qui croiront en mon nom ;
et ils deviendront mes fils et mes filles. Et je ne me suis jamais
montré à l'homme que j'ai créé, car
jamais l'homme n'a cru en moi comme toi. Vois-tu que tu es créé
à mon image ? Oui, même tous les hommes furent
créés au commencement à ma propre image. Voici,
ce corps, que tu vois maintenant, est le corps de mon esprit ;
et j'ai créé l'homme selon le corps de mon esprit ;
et j'apparaîtrai à mon peuple dans la chair exactement
comme je t'apparais dans l'esprit » [23]. Les faits
principaux que cette Écriture atteste et qui portent
directement sur notre sujet actuel sont que le Christ se manifesta
tandis qu'il se trouvait encore dans son état prémortel
et qu'il déclara avoir été choisi pour être
le Rédempteur, avant la fondation du monde.
La
révélation qui nous a été transmise par
les prophètes de Dieu à notre époque abonde en
passages prouvant que le Christ fut désigné et ordonné
dans le monde originel ; et le contenu tout entier de Doctrine
et Alliances peut être cité comme témoin. Les
exemples suivants sont particulièrement opportuns. Dans une
révélation qu'il fit à Joseph Smith, le
prophète, en mai 1833, le Seigneur déclara qu'il était
celui qui était venu précédemment dans le monde
venant du Père, et dont Jean avait témoigné
qu'il était la Parole ; et il répète la
vérité solennelle que lui, Jésus-Christ, « était
au commencement, avant que le monde fût », et en
outre qu'il était le Rédempteur qui était « venu
dans le monde, parce que le monde avait été fait par
lui », et qu'en lui étaient la vie et la lumière
des hommes. On l'appelle encore le « Fils unique du Père,
plein de grâce et de vérité, savoir l'Esprit de
vérité qui vint demeurer dans la chair ». Au
cours de la même révélation, le Seigneur dit :
« Et maintenant, en vérité, je vous le dis,
j'étais au commencement avec le Père et je suis le
Premier-né » [24]. Selon ce qu'atteste le
prophète moderne, lors d'une précédente
occasion, l'un de ses compagnons et lui furent éclairés
par l'Esprit de telle sorte qu'ils furent à même de voir
et de comprendre les choses de Dieu. Il précise : « À
savoir ce qui était dès le commencement avant que le
monde fût, qui fut institué par le Père, par
l'intermédiaire de son Fils unique, qui était dès
le commencement dans le sein du Père, de qui nous rendons
témoignage ; et le témoignage que nous rendons est
la plénitude de l'Évangile de Jésus-Christ, qui
est le Fils, que nous avons vu et avec qui nous avons conversé
dans la vision céleste » [25].
Le
témoignage d'Écritures composées dans les deux
hémisphères, celui des documents anciens et modernes,
les paroles inspirées de prophètes et d'apôtres
et les paroles du Seigneur lui-même proclament d'une seule voix
la préexistence du Christ et son ordination comme Sauveur et
Rédempteur de l'humanité choisi au commencement, oui,
avant même la fondation du monde.
[1]
Ap 12:7, voir aussi versets 8 et 9.
[2]
Ap 12:4, voir aussi D&A 29:36-38 et 76:25-27.
[3]
Jude 6 (version du roi Jacques).
[4]
PGP, Abr 3:26.
[5]
Ap 12:9.
[6]
Es 14:12-15, comparer avec D&A 29:36-38 et 76:23-27.
[7]
PGP, Moïse 4:1-4, voir aussi Abr 3:27,28.
[8]
On trouvera une étude plus approfondie de la préexistence
des esprits dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 234-238.
[9]
Note 1, fin du chapitre.
[10]
Jb 38:7 (version du roi Jacques).
[11]
Note 2, fin du chapitre.
[12]
Ps 25:14 ; Am 3:7.
[13]
Jn 1:1-3,14 ; voir aussi 1 Jn 1:1, 5:7 ; Ap 19:13 ;
cf. D&A 93:1-17,21.
[14]
PGP, Moïse 1:32,33 ; voir aussi 2:5.
[15]
1 Jn 1:1-3, 2:13,14, 4:9 ; Ap 3:14.
[16]
2 Tm 1:9,10, Rm 16:25 ; Ep 1:4,3:9,11 ; Tt 1:2. Voir
surtout Rm 3:25.
[17]
1 P 1: 19,20.
[18]
Jn 6:38, 51, 57, 61, 62.
[19]
Jn 8:58 ; voir aussi 17:5,24 et comparer avec Ex 3:14.
[20]
Jn 16:27,28 ; voir aussi 13:3.
[21]
Jn 17:3-5 ; voir aussi versets 24,25.
[22]
Note 3, fin du chapitre.
[23]
LM, Eth 3:11-16. Voir aussi 1 Né 17:30, 19:7 ; 2 Né
9:5, 11:7, 25:12, 26:12 ; Mos 3:5, 4:2, 7:27, 13:34, 15: 1 ;
AI 11: 40 ; HéI 14:12 ; 3 Né 9:15.
[24]
D&A 93:1-17,21.
[25]
D&A 76:13,14.
NOTES
DU CHAPITRE 2
1.
Intelligences hiérarchisées dans l'état
prémortel : Une révélation divine à
Abraham montre très clairement que les esprits des hommes
existaient sous forme d'intelligences personnelles, à divers
degrés de capacité et de force, avant l'inauguration de
l'état mortel sur cette terre et même avant la création
du monde comme demeure pouvant convenir aux êtres humains :
« Or, le Seigneur m'avait montré, à moi,
Abraham, les intelligences qui furent organisées avant que le
monde fût ; et parmi toutes celles-là, il y en
avait beaucoup de nobles et de grandes ; et Dieu vit ces âmes,
il vit qu'elles étaient bonnes, et il se tint au milieu
d'elles et dit : De ceux-ci je ferai mes gouverneurs. Car il se
tint parmi ceux qui étaient esprits et il vit qu'ils étaient
bons ; et il me dit : Abraham, tu es l'un d'eux ; tu
fus choisi avant ta naissance » (PGP, Abraham 3:22,23).
Les
passages de la révélation qui suivent immédiatement
celui que nous venons de citer montrent que le Christ et Satan se
trouvaient parmi les intelligences exaltées, et que le Christ
fut choisi tandis que Satan fut rejeté, comme futur Sauveur de
l'humanité : « Il y en avait un parmi eux qui
était semblable à Dieu, et il dit à ceux qui
étaient avec lui : Nous descendrons, car il y a de
l'espace là-bas, nous prendrons de ces matériaux, et
nous ferons une terre sur laquelle ceux-ci pourront habiter ;
nous les mettrons ainsi à l'épreuve, pour voir s'ils
feront tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera ;
ceux qui gardent leur premier état recevront davantage ;
ceux qui ne gardent pas leur premier état n'auront point de
gloire dans le même royaume que ceux qui gardent leur premier
état ; et ceux qui gardent leur second état
recevront plus de gloire sur leur tête pour toujours et à
jamais. Le Seigneur dit : Qui enverrai-je ? Un, qui était
semblable au Fils de l'Homme, répondit : Me voici,
envoie-moi. Et un autre répondit et dit : Me voici,
envoie-moi. Le Seigneur dit : J'enverrai le premier. Le second
fut irrité, et il ne conserva pas son premier état ;
et ce jour-là beaucoup d'autres le suivirent »
(versets 24-28).
2.
Le conseil primitif des cieux : « Le Livre de la
Genèse dit clairement que Dieu déclara : « Faisons
l'homme à notre image selon notre ressemblance » ;
une autre fois encore, lorsque Adam eut pris le fruit défendu,
le Seigneur dit : « Maintenant [ ... ] l'homme
est devenu comme l'un de nous » ; et on peut en
conclure directement que dans tout ce qui avait rapport à
l'œuvre de la création du monde il y a eu consultation ;
et bien que ce soit Dieu qui ait parlé comme la Bible le
rapporte, il est cependant évident qu'il consultait d'autres
personnages. Les Écritures nous disent qu'il y a « beaucoup
de dieux et beaucoup de seigneurs, néanmoins pour nous, il n'y
a qu'un seul Dieu, le Père » (1 Co 8:5). Et pour
cette raison, bien que d'autres personnes aient été
impliquées dans la création des mondes, celle-ci nous
est rapportée dans la Bible sous la forme où elle se
trouve ; car la plénitude de ces vérités
n'est révélée qu'à des personnes
hautement favorisées pour certaines raisons que Dieu connaît ;
comme les Écritures nous le disent : « La
pensée secrète de l'Éternel est pour ceux qui le
craignent, et (cela) pour leur faire connaître son alliance »
(Psaumes 25:14).
« Il
est logique de croire que dans ce conseil des cieux on examina comme
il se devait le plan qui devait être adopté à
propos des fils de Dieu qui étaient alors esprits et n'avaient
pas encore obtenu de tabernacles. Car à ce moment-là,
nous dit-on, à la perspective de la création du monde
et de son peuplement par des hommes pour leur permettre d'obtenir des
tabernacles, d'obéir dans ces tabernacles aux lois de la vie,
et d'être avec eux à nouveau exaltés parmi les
Dieux, « Ies étoiles du matin éclataient en
chants de triomphe, et [...] tous les fils de Dieu lançaient
des acclamations ». La question se posa alors de savoir
comment et selon quel principe le salut, l'exaltation et la gloire
éternelle des fils de Dieu seraient réalisés. Il
est évident que certains plans avaient été
proposés et discutés à ce conseil, et qu'après
une discussion complète de ces principes et la déclaration
de la volonté du Père relativement à son
dessein, Lucifer se présenta au Père avec un plan à
lui, disant : « Me voici, envoie-moi, je serai ton
fils et je rachèterai toute l'humanité, de sorte que
pas une âme ne sera perdue, et je le ferai certainement ;
c'est pourquoi donne-moi ton honneur. » Mais quand Jésus
entendit cette déclaration de Lucifer, il dit : « Père,
que ta volonté soit faite, et que la gloire t'appartienne à
jamais. » Nous déduisons naturellement, à
partir des remarques faites par le Fils bien-aimé, que dans la
discussion de ce sujet, le Père avait révélé
sa volonté et exposé son plan et son dessein, et tout
ce que son Fils bien-aimé voulait faire c'était mettre
à exécution la volonté de son Père,
laquelle, semble-t-il, avait été exprimée
précédemment. Il voulait aussi que la gloire en fût
donnée à son Père qui, en sa qualité de
Dieu le Père et d'auteur et de créateur du plan, avait
droit à tout l'honneur et à toute la gloire. Lucifer
voulait introduire un plan contraire à la volonté de
son Père, et voulait ensuite son honneur et dit : « Je
rachèterai toute l'humanité, de sorte que pas une âme
ne sera perdue, c'est pourquoi donne-moi ton honneur. » Il
voulait s'opposer à la volonté de son Père et
chercha présomptueusement à priver l'homme de son libre
arbitre, faisant de lui un serf, et le mettant ainsi dans une
position dans laquelle il lui serait impossible d'obtenir
l'exaltation que Dieu prévoyait pour l'homme, par l'obéissance
à la loi qu'il avait proposée ; en outre Lucifer
voulait l'honneur et la puissance de son Père, pour mettre à
exécution des principes qui étaient contraires au désir
du Père. » - John Taylor - Mediation and Atonement,
p. 93, 94.
3.
Les Jarédites : « Des deux nations dont
l'histoire constitue le Livre de Mormon, la première, dans
l'ordre chronologique, est le peuple de Jared, qui suivit son chef
depuis la tour de Babel à l'époque de la confusion des
langues. Son histoire fut écrite sur vingt-quatre plaques d'or
par Éther, le dernier de ses prophètes qui, prévoyant
la destruction de son peuple à cause de ses iniquités,
cacha les annales historiques. Celles-ci furent
retrouvées, [ultérieurement], vers 123 avant
Jésus-Christ, par une expédition envoyée par le
roi Limhi, un souverain néphite. Les annales gravées
sur ces plaques furent abrégées [par la suite] par
Moroni, et ce dernier annexa ensuite le récit condensé
aux annales du Livre de Mormon ; il apparaît dans la
traduction moderne sous le nom de Livre d'Éther.
« Le
premier et principal prophète des Jarédites n'est pas
mentionné par son nom dans les annales telles qu'elles ont été
transmises ; il est connu seulement sous le nom de frère
de Jared. Au sujet de son peuple, nous apprenons que, au milieu de la
confusion de Babel, Jared et son frère [prièrent
avec insistance] le Seigneur pour qu'il leur épargnât, à
eux, à leurs parents et à leurs amis, la dislocation
imminente. Leur prière fut entendue et le Seigneur les
conduisit avec un groupe important de personnes qui, comme
eux, [n'étaient pas touchées par la] corruption de
l'idolâtrie, loin de chez eux, promettant de les guider dans un
pays de choix, supérieur à tous les autres pays. Leur
itinéraire n'est pas donné avec exactitude, nous
apprenons seulement qu'ils atteignirent l'océan et qu'ils y
construisirent huit navires appelés barques, dans lesquels ils
s'engagèrent sur les eaux. Ces navires étaient petits
et sombres à l'intérieur ; mais le Seigneur rendit
certaines pierres lumineuses et celles-ci donnèrent de la
lumière aux voyageurs emprisonnés. Après une
navigation de trois cent quarante-quatre jours, la colonie débarqua
sur les rivages de l'Amérique du Nord, probablement à
un endroit situé au sud du golfe de Californie et au nord de
l'isthme de Panama.
« [Et
ils] devinrent une nation florissante ; mais cédant, avec
le temps, à des dissensions [intestines], ils se
divisèrent en factions, qui se firent la guerre entre elles
jusqu'à leur destruction totale. Cette destruction, qui eut
lieu près de la colline de Ramah, appelée plus tard
Cumorah par les Néphites, eut probablement lieu à
l'époque du débarquement de Léhi, vers 590 av.
J.-C. » - L'auteur, Articles de Foi, p. 322-323.
CHAPITRE
3 : LE BESOIN D'UN RÉDEMPTEUR
Jusqu'à
présent nous avons montré que le genre humain tout
entier existait sous forme d'êtres d'esprit dans le monde
primitif, et que cette terre fut créée afin de leur
permettre de connaître les expériences de la mortalité.
Alors qu'ils n'étaient que des esprits, ils étaient
dotés des facultés du libre arbitre ou du choix ;
et le plan divin prévoyait qu'ils naîtraient libres dans
la chair, héritiers du droit inaliénable par la
naissance de la liberté de choisir par eux-mêmes dans la
mortalité. Il est indéniable qu'il est essentiel à
la progression éternelle des enfants de Dieu qu'ils soient
soumis aux influences du bien et du mal, qu'ils soient mis à
l'épreuve, « pour voir s'ils feront tout ce que le
Seigneur, leur Dieu, leur commandera » [1]. Le libre
arbitre est un élément indispensable de cette mise à
l'épreuve.
Le
Père éternel comprenait très bien les natures
diverses et les capacités variées de ses enfants
d'esprit. Sa prescience infinie lui montrait clairement, dès
le début, que dans l'école de la vie certains de ses
enfants réussiraient et d'autres échoueraient ;
les uns seraient fidèles, les autres trahiraient ; les
uns choisiraient le bien, les autres le mal, les uns chercheraient le
chemin de la vie tandis que les autres décideraient de suivre
le chemin de la destruction. Il prévit en outre que la mort
entrerait dans le monde et que ses enfants ne posséderaient
leur corps personnel que pendant un temps très réduit.
Il vit que l'on désobéirait à ses commandements
et que l'on violerait sa loi ; et que les hommes, exclus de sa
présence et laissés à eux-mêmes,
s'enfonceraient plutôt qu'ils ne s'élèveraient,
reculeraient plutôt qu'ils n'avanceraient et seraient perdus
pour les cieux. Il était nécessaire qu'un moyen de
rédemption fût prévu, rédemption qui
permettrait à l'homme pécheur de faire amende honorable
et de parvenir, en se soumettant à la foi établie, au
salut et finalement à l'exaltation dans les mondes éternels.
Le pouvoir de la mort devait être vaincu, de sorte que, même
si les hommes devaient nécessairement mourir, ils vivraient de
nouveau, leur esprit revêtu d'un corps immortel sur lequel la
mort ne pourrait plus prévaloir.
Ne
permettons pas à l'ignorance et au manque de réflexion
de nous faire supposer erronément que la prescience du Père
de ce qui serait, dans des conditions données, allait
déterminer que ces choses devaient être. Il ne rentrait
pas dans ses desseins que les âmes des hommes fussent perdues ;
au contraire son oeuvre et sa gloire étaient de « réaliser
l'immortalité et la vie éternelle de l'homme » [2].
Néanmoins il vit le mal dans lequel ses enfants tomberaient
assurément ; et avec un amour et une miséricorde
éternels, il prévit les moyens de détourner les
effets terribles, à condition que le transgresseur décide
d'en profiter [3]. L'offre du Premier-Né d'établir
l'Évangile de salut par son ministère parmi les hommes
et de se sacrifier, par le travail, l'humiliation et la souffrance
jusqu'à la mort, fut acceptée et devint le plan
pré-ordonné grâce auquel l'homme serait racheté
de la mort, serait finalement sauvé des effets du péché
et pourrait être exalté par une vie d'activité et
de justice.
Conformément
au plan adopté dans le conseil des Dieux, l'homme fut créé
sous forme d'esprit incarné ; son tabernacle de chair fut
composé des éléments de la terre [4]. Il
reçut des commandements et des lois et fut libre d'obéir
ou de désobéir avec la stipulation juste et inévitable
qu'il bénéficierait ou souffrirait des résultats
naturels de son choix [5]. Adam, le premier homme [6] placé
sur la terre en exécution du plan établi, et Ève,
qui lui fut donnée comme épouse et partenaire
indispensable pour pouvoir s'acquitter de la mission dont il avait
été chargé, peupler la terre, désobéirent
aux commandements formels de Dieu et réalisèrent ainsi
la « chute de l'homme », par laquelle l'état
mortel, dont la mort est un élément essentiel,
commença [7]. Nous n'avons pas l'intention d'examiner ici
dans les détails la doctrine de la chute ; pour nos
besoins il nous suffit d'établir cet événement
capital et ses importantes conséquences [8]. La femme fut
trompée et, en violation directe du commandement, prit de la
nourriture qui avait été interdite ; il résulta
de cet acte que son corps dégénéra et devint
sujet à la mort. Adam se rendit compte de la différence
qui était intervenue entre sa femme et lui, et sachant dans
une certaine mesure ce qu'il faisait, la suivit, devenant ainsi
dégénéré comme elle. Remarquez à
ce propos les paroles de Paul l'apôtre : « Ce
n'est pas Adam qui a été séduit, c'est la femme
qui, séduite, s'est rendue coupable de transgression. » [9]
L'homme
et la femme étaient maintenant devenus mortels ; en
absorbant une nourriture qui ne convenait pas à leur nature et
à leur état et contre laquelle ils avaient été
clairement avertis, et comme résultat inévitable de
leur désobéissance à la loi et aux commandements
divins, ils devinrent sujets aux maladies physiques et aux faiblesses
corporelles dont l'humanité hérite naturellement depuis
ce temps-là [10]. Ces corps étaient maintenant
sujets à la dissolution finale ou à la mort. Le maître
tentateur qui trompa Ève par ses sophismes, ses demi-vérités
et ses mensonges infâmes, n'était autre que Satan, ou
Lucifer, ce « fils du matin » rebelle et déchu,
dont la proposition, qui impliquait la destruction de la liberté
de l'homme, avait été rejetée dans le conseil
des cieux et qui avait été « chassé
sur la terre » avec tous ses anges, sous la forme
d'esprits non incarnés, destinés à ne jamais
recevoir de corps à eux [11]. Rejeté du conseil,
battu par Michel et les armées célestes, expulsé
ignominieusement du ciel, Satan, par un acte de représailles
diabolique, se fixa pour but de détruire les corps dans
lesquels les esprits fidèles - ceux qui avaient conservé
leur premier état - naîtraient ; et la manœuvre
de tromperie à laquelle il se livra sur la personne d'Ève
n'était que le début de ce plan infernal.
La
mort est devenue l'héritage universel ; elle peut venir
chercher sa victime dans la tendre enfance ou la jeunesse, dans la
force de l'âge, ou son appel peut être différé
jusqu'à ce que les cheveux soient blanchis par les ans ;
elle peut se produire à la suite d'un accident ou d'une
maladie, par la violence ou, comme nous disons, à la suite de
causes naturelles ; mais elle doit venir, comme Satan le sait
bien ; et c'est cette connaissance qui fait son triomphe actuel
et temporaire. Mais les objectifs de Dieu sont, comme ils l'ont
toujours été et comme ils le seront toujours,
infiniment supérieurs aux desseins les plus profonds des
hommes ou des démons ; et les machinations sataniques
pour rendre la mort inévitable, perpétuelle et suprême
avaient été contrecarrées avant même que
le premier homme eût été créé dans
la chair. L'expiation qui devait être faite par Jésus-Christ
fut prévue pour vaincre la mort et fournir un moyen de payer
la rançon qui libérerait les hommes du pouvoir de
Satan.
Comme
le châtiment de la chute s'abattit sur le genre humain à
la suite de l'acte d'une seule personne, il serait manifestement
injuste et par conséquent impossible dans le cadre du plan
divin d'en faire subir les résultats à tous les hommes
sans prévoir leur délivrance [12]. En outre,
puisque le péché était entré dans le
monde et que la mort était devenue le lot de tous par la
transgression d'un seul homme, il est conforme à la raison que
l'expiation ainsi rendue nécessaire fût accomplie par un
seul homme [13]. « C'est pourquoi, de même que
par un seul homme le péché est entré dans le
monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort a
passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché...
Ainsi donc, comme par une seule faute la condamnation s'étend
à tous les hommes, de même par un seul acte de justice,
la justification qui donne la vie s'étend à tous les
hommes [14]. » C'est ce qu'enseignait Paul, qui
ajoutait : « Car, puisque la mort est venue par un
homme, c'est aussi par un homme qu'est venue la résurrection
des morts. Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous
revivront en Christ. » [15]
Il
est clair que l'Expiation devait être un sacrifice par
procuration, volontaire et inspiré par l'amour chez le
Sauveur, universel dans son application à l'humanité
dans la mesure où les hommes accepteraient le moyen de
délivrance ainsi placé à leur portée.
Seul quelqu'un qui était sans péché pouvait être
éligible pour une telle mission. Même les victimes de
l'autel dans l'ancien Israël offertes à titre de
propitiation provisoire pour les offenses du peuple sous la loi de
Moïse devaient être pures et exemptes de défauts ou
de taches ; sinon elles étaient inacceptables, et essayer
de les offrir constituait un sacrilège [16]. Jésus-Christ
était le seul Être qui répondait aux exigences du
grand sacrifice :
1.
Étant le seul et unique homme sans péché ;
2.
Étant le Fils unique du Père et par conséquent
le seul être né sur la terre possédant dans leur
plénitude les attributs de la Divinité et du genre
humain ;
3.
Étant celui qui avait été choisi dans les cieux
et pré-ordonné à ce service.
Quel
autre homme a été sans péché, et par
conséquent pleinement exempt de la domination de Satan, et à
qui la mort, salaire du péché, n'est pas naturellement
due ? Si Jésus-Christ avait trouvé la mort comme
les autres hommes - à la suite du pouvoir que Satan a acquis
sur eux par leurs péchés - sa mort n'aurait été
qu'une expérience individuelle, qui n'expierait absolument
aucune autre faute ou offense que les siennes. L'innocence absolue du
Christ le rendait éligible, son humilité et sa bonne
volonté le rendaient acceptable au Père, pour être
le sacrifice expiatoire par lequel la propitiation pourrait être
faite pour les péchés de tous les hommes.
Quel
autre homme a vécu avec le pouvoir de résister à
la mort, sur lequel la mort ne pouvait pas prévaloir s'il ne
s'y soumettait lui-même ? Et pourtant il était
impossible de tuer Jésus-Christ avant que son « heure
soit venue », à savoir, l'heure à laquelle
il abandonnerait volontairement sa vie et permettrait sa propre mort
par un acte de volonté. Né d'une mère mortelle,
il héritait de la capacité de mourir ; engendré
par un Seigneur immortel, il possédait en héritage le
pouvoir de résister indéfiniment à la mort. Il
donna littéralement sa vie ; c'est ce qu'il affirme
lui-même : « Le Père m'aime, parce que
je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne me l'ôte,
mais je la donne de moi-même ; j'ai le pouvoir de la
donner et j'ai le pouvoir de la reprendre » [17]. Et
encore : « En effet comme le Père a la vie en
lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en
lui-même » [18]. Seul un Être comme
celui-là pouvait vaincre la mort ; ce n'est qu'en Jésus
le Christ qu'était réalisée la condition
nécessaire pour être Rédempteur du monde.
Quel
autre homme est venu sur la terre avec une telle mission, revêtu
de l'autorité d'une telle pré-ordination ?
Jésus-Christ ne prit pas sur lui d'expier pour les hommes. Il
s'était offert, il est vrai, lorsque l'appel fut fait dans les
cieux ; il avait été accepté, cela est
également vrai, et vint en son temps sur la terre pour mettre
à exécution les termes de cette acceptation ; mais
il fut choisi par quelqu'un de plus grand que lui. Lorsqu'il
affirmait son autorité, la teneur de ses déclarations
était toujours qu'il agissait sous la direction du Père,
comme en témoignent les paroles suivantes : « Car
je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la
volonté de celui qui m'a envoyé » [19].
« Ma nourriture est de faire la volonté de celui
qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre » [20].
« Moi, je ne peux rien faire par moi-même :
selon ce que j'entends, je juge ; et mon jugement est juste,
parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté
de celui qui m'a envoyé. » [21]
Grâce
au sacrifice expiatoire accompli par Jésus-Christ - un service
rédempteur, rendu par procuration en faveur des hommes qui se
sont tous éloignés de Dieu par les effets du péché
tant hérités que commis individuellement - le chemin
d'une réconciliation est ouvert, réconciliation qui
permettra à l'homme de rentrer en communion avec Dieu et
d'être rendu apte à demeurer de nouveau et éternellement
dans la présence de son Père éternel. D'une
manière pratique, on peut considérer que l'effet de
l'Expiation est double :
1.
La rédemption universelle du genre humain de la mort provoquée
par la chute de nos premiers parents ; et
2.
Le salut, qui fournit le moyen de nous libérer des résultats
de nos péchés personnels.
La
victoire sur la mort se manifesta dans la résurrection du
Christ crucifié ; il fut le premier à passer de la
mort à l'immortalité, et c'est pourquoi il est connu à
juste titre comme « Ies prémices de ceux qui sont
décédés » [22].
Les
preuves scripturaires abondent pour montrer que la résurrection
des morts ainsi inaugurée doit s'étendre à tous
ceux qui ont vécu ou auront vécu. À la suite de
la résurrection du Seigneur, d'autres qui avaient dormi dans
la tombe se levèrent et beaucoup les virent, non pas comme des
apparitions d'esprits mais comme des êtres ressuscités
possédant des corps immortalisés : « Les
tombeaux s'ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient
décédés ressuscitèrent. Ils sortirent des
tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après la
résurrection (de Jésus) et apparurent à un grand
nombre de personnes » [23].
Ceux
qui ressuscitèrent ainsi dès le début sont
appelés « les saints » ; et
d'autres Écritures confirment le fait que seuls les justes
seront ressuscités dans les premiers stades de la résurrection
qui n'a pas encore eu lieu ; mais la parole révélée
fait disparaître tous les doutes quant au fait que tous les
morts reprendront, quand leur tour viendra, leur corps de chair et
d'os. L'affirmation directe du Sauveur devrait être
concluante : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, l'heure vient - et c'est maintenant - où les
morts entendront la voix du Fils de Dieu ; et ceux qui l'auront
entendue vivront... Ne vous en étonnez pas ; car l'heure
vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa
voix. Ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection
et la vie, ceux qui auront pratiqué le mal pour la
résurrection et le jugement » [24]. Les
apôtres d'autrefois [25], ainsi que les prophètes
néphites [26] enseignèrent la doctrine de la
résurrection universelle ; et celle-ci est confirmée
par la révélation moderne [27]. Même les
païens qui n'ont pas connu Dieu seront ressuscités de
leur tombe ; et étant donné qu'ils ont vécu
et sont morts dans l'ignorance de la loi salvatrice, un moyen est
prévu pour leur faire connaître le plan de salut.
« Alors les nations païennes seront rachetées
et ceux qui n'ont pas connu de loi auront part à la première
résurrection » [28].
Jacob,
prophète néphite, enseigna que la résurrection
serait universelle et expliqua pourquoi un rédempteur était
absolument nécessaire, car sans lui les desseins poursuivis
par Dieu en créant l'homme seraient rendus futiles. Ses
paroles constituent un résumé concis et puissant de la
vérité révélée portant directement
sur notre sujet actuel :
« De
même que la mort a passé sur tous les hommes pour
accomplir le dessein miséricordieux du grand Créateur,
il est nécessaire qu'il y ait un pouvoir de résurrection ;
et la résurrection doit venir aux hommes par suite de la
chute ; et la chute est venue de la transgression, et parce que
l'homme est tombé, il a été retranché de
la présence du Seigneur. C'est pourquoi il faut qu'il y ait
une expiation infinie ; et si l'expiation n'était pas
infinie, cette corruption ne pourrait pas revêtir
l'incorruptibilité, et le premier jugement qui a frappé
l'homme aurait eu nécessairement une durée éternelle.
Et s'il en avait été ainsi, notre chair serait rendue à
la terre pour y pourrir et y tomber en poussière sans jamais
se relever. O la sagesse de Dieu, sa miséricorde et sa grâce !
Car voici, si la chair ne devait plus se relever, notre esprit serait
devenu esclave de cet ange qui est tombé de la présence
du Dieu éternel, et qui est devenu le diable, pour ne jamais
se relever. Notre esprit serait devenu semblable à lui, et
nous serions devenus des diables, des anges du diable, pour être
retranchés de la présence de notre Dieu, et pour
demeurer avec le père du mensonge dans la misère, comme
lui ! oui comme cet être qui trompa nos premiers parents,
qui se transforme presque en un ange de lumière, qui porte les
enfants des hommes à des combinaisons secrètes pour
commettre des meurtres et toute espèce d'œuvres secrètes
de ténèbres. O, combien grande est la bonté de
notre Dieu, qui prépare une voie pour nous soustraire aux
griffes de ce monstre horrible ; oui de ce monstre, la mort et
l'enfer, que j'appelle la mort du corps et aussi la mort de l'esprit.
Et à cause du moyen de délivrance de notre Dieu, le
Très-Saint d'Israël, cette mort dont j'ai parlé,
qui est la mort temporelle, rendra ses morts ; laquelle mort est
le tombeau. Et cette mort dont j'ai parlé, qui est la mort
spirituelle, rendra ses morts ; et cette mort spirituelle est
l'enfer. Ainsi, la mort et l'enfer doivent rendre leurs morts ;
l'enfer doit rendre ses esprits captifs ; et le tombeau doit
rendre ses corps captifs ; et le corps et l'esprit des hommes
seront rendus l'un à l'autre ; et cela se fera par le
pouvoir de la résurrection du Très-Saint d'Israël.
O, que le plan de notre Dieu est grand ! Car, d'un autre côté,
le paradis de Dieu doit rendre les esprits des justes, et le tombeau
les corps des justes ; et l'esprit et le corps sont rendus l'un
à l'autre ; et tous les hommes deviennent incorruptibles
et immortels, et ils sont des âmes vivantes, ayant une
connaissance parfaite comme nous dans la chair, seulement avec cette
différence que notre connaissance sera parfaite » [29].
Les
Écritures attestent d'une manière concluante que
l'Expiation s'applique aux transgressions de chaque individu,
permettant aux pécheurs d'obtenir l'absolution à
condition qu'ils se conforment aux lois et aux ordonnances de
l'Évangile de Jésus-Christ. Comme il est impossible
d'obtenir le pardon des péchés d'une autre façon,
étant donné qu'il n'y a dans le ciel ni sur la terre
d'autre nom que celui de Jésus-Christ par lequel le salut
puisse être apporté aux enfants des hommes [30],
toutes les âmes ont besoin de la médiation du Sauveur,
puisque toutes sont pécheresses. « Car il n'y a pas
de distinction : tous ont péché et sont privés
de la gloire de Dieu », disait Paul autrefois [31] et
Jean l'apôtre ajouta son témoignage en ces termes :
« Si nous disons que nous n'avons pas de péché,
nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité
n'est pas en nous » [32].
Qui
doutera de la justice de Dieu, qui refuse le salut à tous ceux
qui ne se conformeront pas aux conditions prescrites auxquelles il
est affirmé que l'on peut l'obtenir ? Le Christ est
« pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un
salut éternel » [33], et Dieu « rendra
à chacun selon ses œuvres : la vie éternelle
à ceux qui, par la persévérance à bien
faire, cherchent la gloire, l'honneur et l'incorruptibilité ;
mais la colère et la fureur à ceux qui, par esprit de
dispute, désobéissent à la vérité
et obéissent à l'injustice. Tribulation et angoisse
pour toute âme humaine qui pratique le mal » [34] !
Tel
est donc le besoin d'un Rédempteur, car sans lui l'humanité
resterait éternellement dans un état déchu et
aurait inévitablement perdu toute possibilité de
progresser éternellement [35]. L'épreuve mortelle
nous est donnée comme une occasion d'avancement ; mais
les difficultés et les dangers sont tels, l'influence du
diable est tellement forte dans le monde, et l'homme est si faible à
y résister que, sans l'aide d'une puissance supérieure
à celle de l'homme, aucune âme ne pourrait retourner à
Dieu dont elle vient. Le besoin d'un Rédempteur réside
dans l'incapacité de l'homme à s'élever du plan
temporel au plan spirituel, du royaume inférieur au royaume
supérieur. Dans cette conception les analogies ne manquent pas
dans le monde naturel. Nous reconnaissons une distinction
fondamentale entre la matière inanimée et la matière
vivante, entre l'inorganique et l'organique, entre le minéral
sans vie d'une part et la plante ou l'animal vivant d'autre part. Le
minéral mort grandit, dans les limites de son ordre, par
l'acquisition de substances et peut parvenir à un état
relativement parfait de structure et de forme, comme on peut le
constater pour le cristal. Mais la matière minérale,
même si les forces de la nature - la lumière, la
chaleur, l'énergie électrique et autres - agissent
favorablement sur elle, ne peut jamais devenir un organisme vivant ;
et il est impossible aux éléments morts de
s'introduire, par un processus quelconque de combinaison chimique
dissocié de la vie, dans les tissus de la plante pour en
devenir des parties essentielles. Mais la plante, qui appartient à
un ordre supérieur, plonge ses racines dans la terre, étend
ses feuilles dans l'atmosphère et absorbe par ses organes les
solutions du sol, aspire les gaz de l'air, et à partir de
cette matière sans vie fabrique le tissu de sa merveilleuse
structure. Aucune particule minérale, aucune substance
chimique morte n'est jamais devenue partie constituante d'un tissu
organique autrement que par l'action de la vie. Nous pouvons
peut-être pousser avec profit l'analogie une étape plus
loin. Il est impossible à la plante de faire progresser son
tissu jusqu'au niveau animal. Bien que l'ordre reconnu de la nature
soit que le « règne animal » dépend
du « règne végétal » pour
se nourrir, la substance de la plante ne peut devenir partie
intégrante de l'organisme de l'animal que lorsque ce dernier
descend de son plan supérieur et incorpore, par son action
vitale propre, les éléments végétaux aux
siens. À son tour, la matière animale ne peut jamais
devenir, même temporairement, partie intégrante d'un
corps humain, sans que l'homme vivant ne l'assimile et élève
provisoirement, par les processus vitaux de son être, la
substance de l'animal qui lui a donné la nourriture au plan
supérieur de sa propre existence. La comparaison employée
ici, nous le reconnaissons, est faible si on la porte au-delà
des limites raisonnables de son application ; car l'élévation
de la matière minérale au niveau de la plante, du tissu
végétal au niveau de l'animal, et l'élévation
de l'un ou de l'autre au plan humain, n'est qu'un changement
temporaire ; avec la dissolution des tissus supérieurs,
la matière qui les constitue retombe au niveau de l'inanimé
et de ce qui est mort. Mais l'analogie peut ne pas être
entièrement sans valeur pour servir d'illustration.
Ainsi
donc, pour permettre à l'homme de passer de son état
déchu et relativement dégénéré
actuel à l'état supérieur de la vie spirituelle,
il a besoin de la coopération d'un pouvoir supérieur au
sien. L’homme peut être touché et élevé
par l'opération des lois qui règnent dans le royaume
supérieur ; il ne peut se sauver par son seul effort sans
aide [36]. Un Rédempteur et Sauveur de l'humanité
est indubitablement essentiel à l'accomplissement du plan du
Père éternel, « réaliser
l'immortalité et la vie éternelle de l'homme » [37] ;
et ce Rédempteur et Sauveur est Jésus le Christ, en
dehors de qui il n'y a et il ne peut y avoir personne d'autre.
[1]
PGP, Abr 3:25. On trouvera une étude plus approfondie du libre
arbitre de l'homme dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 71-74 et
les nombreuses références qui y sont données.
[2]
PGP, Moïse 1:39, cf. 6:59. Note 1, fin du chapitre.
[3]
Note 2, fin du chapitre.
[4]
Gn 1:26,27 ; cf. PGP, Moise 2:26,27 ; 3:7, Abr 4:26-28,
5:7.
[5]
Gn 1:28-31, 2:16,17 ; cf. PGP, Moise 2:28-31, 3:16,17 ; Abr
4:28-31, 5:12,13.
[6]
Gn 2:8 ; cf. le passage du verset 5, disant qu'avant ce
moment-là il n'y avait « point d'homme pour
cultiver le sol ». Voir aussi PGP, Moïse 3:7 ;
Abr 1:3 ; LM, 1 Né 5:11.
[7]
Gn, chapitre 3 ; cf. PGP, Moïse, chap 4.
[8]
Voir Articles de Foi, p. 83-90. 1 Tm 2:14 ; voir aussi 2 Co
11:3. Note 3, fin du chapitre.
[9]
1 Tm 2:14 ; voir aussi 2 Co 11:3.
[10]
Note 3, fin du chapitre.
[11]
Voir chap. 2.
[12]
Note 4, fin du chapitre.
[13]
Note 5, fin du chapitre.
[14]
Rm 5:12,18.
[15]
1 Co 15:21,22.
[16]
Lv 22:20 ; Dt 15:21,17:1 ; M 1:8,14 ; cf. Hé
9:14 ; 1 P 1:19.
[17]
Jn 10:17,18.
[18]
Jn 5:26.
[19]
Jn 6:38.
[20]
Jn 4:34.
[21]
Jn 5:30 ; voir aussi verset 19 ; aussi Mt 26:42 ; cf.
D&A 19:2, 20:24.
[22]
1 Co 15:20 ; voir aussi Ac 26:23 ; Co 1:18 ; Ap 1:5.
[23]
Mt 27:52,53.
[24]
Jn 5:25,28,29. Une Écriture moderne, qui atteste la même
vérité, dit : « Ceux qui ont fait le
bien pour la résurrection des justes et ceux qui ont fait le
mal pour la résurrection des injustes. » - D&A
76:17.
[25]
Exemples, voir Ac 24:15, Ap 20:12,13.
[26]
Exemples, voir LM, 2 Né 9:6, 12, 13, 21, 22, Hél
14:15-17 ; Mos 15:20-24 ; AI 40:2-16 ; Morm 9:13,14.
[27]
Exemples, voir D&A 18:11,12 ; 45:44,45 ; 88:95-98.
[28]
D&A 45:54.
[29]
LM, 2 Né 9:6-13 ; lire tout Ie chapitre.
[30]
PGP, Moise 6:52 ; cf. LM, 2 Né 25:20 ; Mos 3:17,
5:8 ; D&A 76: 1. f Rm 3:23 ; voir aussi verset 9 ;
Ga 3:22.
[31]
1 Jn 1:8.
[32]
Hé 5:9.
[33]
Rm 2:6-9
[34]
Rm 2:6-9
[35]
Nous n'avons pas essayé ni eu l'intention d'essayer d'étudier
spécialement, dans ce chapitre, la Chute, l'Expiation ou la
Résurrection. Le lecteur qui désire trouver pareille
étude est prié de se reporter aux ouvrages de doctrine
qui traitent de ces sujets. Voir « Articles de Foi »
de l'auteur, chap. 3, 4, et 21.
[36]
Dans sa dissertation « Biogenesis », que le
lecteur pourra étudier avec profit, Henry Drummond traite en
détail une comparaison semblable à celle que nous
donnons dans le texte.
[37]
PGP, Moïse 1:39.
NOTES
DU CHAPITRE 3
1.
La prescience de Dieu n'est pas une cause déterminante :
« Quant à la prescience de Dieu, qu'il ne soit pas
dit que cette omniscience divine est en soi une cause déterminante
qui amène inévitablement le déroulement des
événements. Un père mortel qui connaît les
faiblesses et les défauts de son fils peut, en raison de cette
connaissance, voir à l'avance avec tristesse les calamités
et les souffrances qui attendent son enfant égaré. Il
peut prévoir, dans la vie future de ce fils, la perte de
bénédictions qu'il aurait pu gagner, la perte de son
état, de son respect de soi, de sa réputation et de son
honneur ; même les recoins sombres de la cellule d'un
criminel et les ténèbres de la tombe d'un ivrogne
peuvent apparaître en visions attristantes à l'âme
aimante de ce père ; néanmoins, convaincu par
expérience de l'impossibilité d'amener ce fils à
se réformer, il prévoit les conséquences
redoutées et ne [tire] que chagrin et angoisse [de]
sa connaissance. Peut-on dire que la prescience du père est la
cause de la vie pécheresse du fils ? Le fils, [quand
il atteint l'âge adulte, est] maître de sa destinée ;
il dispose librement de lui-même. Le père est impuissant
à contrôler par la force ou à diriger par une
discipline arbitraire ; et, tandis qu'il serait heureux de faire
n'importe quel effort ou sacrifice pour sauver son fils du destin qui
l'attend, il craint ce qui semble être une terrible certitude.
Mais certainement, ce père attentionné, adonné à
la prière et aimant, ne contribue pas à l'égarement
de son fils par sa connaissance. Tenir un autre raisonnement
consisterait à dire qu'un père négligent, qui ne
prend pas la peine d'étudier la nature et le caractère
de son fils, qui ferme les yeux sur ses tendances pécheresses
et qui reste d'une indifférence négligente quant à
l'avenir probable, aura, par son manque de cœur même, un
effet bienfaisant sur son enfant, parce que son manque de prévision
ne peut pas intervenir comme élément concourant à
la déchéance.
« Notre
Père céleste est pleinement conscient de la nature et
des dispositions de chacun de ses enfants, conscience acquise à
la suite d'une longue observation [et d'une longue] expérience
dans l'éternité passée de notre première
enfance ; [conscience, comparée à laquelle,
celle que des parents terrestres acquièrent par l'expérience
terrestre, est infime]. En raison de cette connaissance supérieure,
Dieu lit dans l'avenir de chacun de ses enfants, des hommes au niveau
individuel ou au niveau collectif en tant que communautés et
nations ; il sait ce que chacun fera dans des conditions données
et voit la fin dès le début. Sa prescience est basée
sur l'intelligence et sur la raison ; il voit l'avenir comme un
état qui arrivera naturellement et sûrement ; non
pas comme un état qui doit arriver parce qu'il en a
arbitrairement décidé ainsi » (La Grande
apostasie, de l'auteur, p. 20-22).
2.
L'homme libre de choisir par lui-même : « Le
Père des âmes a doté ses enfants de l'héritage
divin du libre arbitre ; il ne veut pas exercer et n'exerce pas
de contrôle sur eux par la force arbitraire ; il ne pousse
aucun homme dans le sens du péché ; il ne
contraint aucun à la justice. L'homme a reçu la liberté
d'agir pour lui-même ; et, associé à cette
indépendance, est le fait de la responsabilité stricte
et l'assurance de la responsabilité individuelle. Dans le
jugement que nous subirons, toutes les conditions et circonstances de
notre vie seront prises en considération. Les tendances innées
dues à l'hérédité, l'effet de
l'environnement, faste ou néfaste, les enseignements sains de
la jeunesse ou l'absence d'une bonne [éducation], ces
éléments et tous les éléments [qui
interviennent] doivent être pris en considération pour
rendre un verdict juste quant à la culpabilité ou à
l'innocence de l'âme. Néanmoins, la sagesse divine
explique clairement le résultat, étant donné les
conditions affectant la nature et les dispositions connues des
hommes ; alors que chacun est libre de choisir le bien ou le mal
dans les limites des nombreuses conditions qui existent et qui
influent » (La Grande apostasie, p. 22 ; voir
également Articles de Foi, p. 71-76).
3.
La Chute, processus de dégénérescence physique :
Une révélation moderne donnée à l'Église
en 1833 (D&A section 89) prescrit les règles de vie
correcte, en particulier en ce qui concerne l'usage de stimulants, de
produits toxiques et d'aliments qui ne conviennent pas au corps. En
ce qui concerne les causes physiques qui provoquèrent la chute
et les rapports étroits entre ces causes et les violations
actuelles de la Parole de sagesse contenues dans la révélation
mentionnée ci-dessus, il convient de citer la déclaration
suivante. « Cette révélation [la Parole
de sagesse], comme les autres qui ont été données
à notre époque, n'est pas entièrement nouvelle.
Elle est aussi vieille que le genre humain. Le principe de la Parole
de sagesse fut révélé à Adam. Tous les
éléments essentiels de la Parole de sagesse lui furent
révélés dans son état immortel, avant
qu'il eût absorbé les aliments qui en firent une chose
de la terre. Il fut mis en garde contre cette pratique même. On
ne lui dit pas de traiter son corps comme quelque chose que l'on
devait torturer. On ne lui dit pas de le considérer comme le
fakir des Indes considère son corps, ou professe le
considérer, comme une chose à mépriser
entièrement ; mais on lui dit qu'il ne devait pas lui
faire ingérer certaines choses qu'il avait sous la main. Il
fut averti que, s'il le faisait, son corps perdrait la force qu'il
avait de vivre éternellement, et qu'il serait assujetti à
la mort. On lui fit remarquer, comme on vous l'a fait remarquer,
qu'il y a beaucoup de bons fruits à cueillir, à manger,
à savourer. Nous croyons que nous devons savourer la bonne
nourriture. Pensons que ces bonnes choses nous sont données
par Dieu. Nous croyons que nous devons tirer de la nourriture tout le
plaisir que nous pouvons ; c'est pourquoi, nous devons éviter
la gloutonnerie, et nous devons éviter des extrêmes dans
le manger ; et ce qui a été dit à Adam nous
est dit également : Ne touche pas à ces choses ;
car le jour où tu en mangeras, ta vie sera raccourcie et tu
mourras.
« Qu'il
me soit permis de dire ici que c'est en cela qu'a consisté la
chute : le fait de manger des choses qui ne convenaient pas,
l'ingestion de choses qui ont fait de ce corps une chose de la
terre ; et je profite de l'occasion pour élever la voix
contre la fausse interprétation de l'Écriture, que
certaines personnes ont adoptée, et qui est courante dans leur
esprit, et dont on parle à mi-voix et d'une manière à
moitié secrète, que la chute de l'homme a consisté
en quelque offense contre les lois de la chasteté et de la
vertu. Pareille doctrine est une abomination. Quel droit avons-nous
de détourner les Écritures de leur sens et de leur
signification propres ? Quel droit avons-nous de déclarer
que Dieu ne voulait pas dire ce qu'il a dit ? Cela a été
un processus naturel, résultant de l'incorporation dans le
corps de nos premiers parents des choses qui venaient d'une
nourriture qui ne leur convenait pas, par la violation du
commandement de Dieu concernant ce qu'ils devaient manger. N'allez
pas chuchoter partout que la chute consiste en ce que la mère
du genre humain a perdu sa chasteté et sa vertu. Ce n'est pas
vrai ; le genre humain n'est pas né de la fornication.
Ces corps qui nous sont donnés le sont de la manière
que Dieu a prévue. Qu'on ne nous dise pas que le patriarche du
genre humain, s'il se tenait auprès des dieux avant de venir
sur cette terre, et son épouse tout aussi royale, se sont
rendus coupables d'une infraction vile de cette sorte. L'adoption de
cette croyance a amené beaucoup de gens à excuser leurs
écarts de conduite qui les éloignent du sentier de la
chasteté et de la vertu, en disant que c'est le péché
du genre humain, qu'il est aussi vieux qu'Adam. Il n'a pas été
introduit par Adam. Il n'a pas été commis par Ève.
C'est le démon qui l'a introduit, et ce afin de semer les
germes d'une mort précoce dans le corps des hommes et des
femmes, afin que le genre humain dégénère comme
il a dégénéré toutes les fois que les
lois de la vertu et de la chasteté ont été
transgressées.
« Nos
premiers parents étaient purs et nobles, et quand nous
passerons derrière le voile, nous apprendrons peut-être
quelque chose de leur situation élevée, plus que nous
n'en savons maintenant. Mais que l'on sache qu'ils étaient
purs ; ils étaient nobles. Il est vrai qu'ils ont désobéi
à la loi de Dieu en mangeant des choses qu'on leur avait dit
de ne pas manger ; mais qui parmi vous peut se lever et
condamner ? » (Tiré d'un discours de l'auteur
à la 84e conférence générale d'octobre de
l'Église, le 6 octobre 1913 ; publié dans le
procès-verbal de la conférence, p. 118,119).
4.
Le Christ nous a rachetés de la chute : « Le
Sauveur devient ainsi maître de la situation - la dette est
payée, la Rédemption accomplie, l'alliance remplie, la
justice satisfaite, la volonté de Dieu faite, et tout pouvoir
est maintenant remis entre les mains du Fils de Dieu - le pouvoir de
la résurrection, le pouvoir de la rédemption, le
pouvoir du salut, le pouvoir de décréter des lois pour
exécuter et accomplir son dessein. Par conséquent la
vie et l'immortalité sont révélées,
l'Évangile est introduit et il devient l'auteur de la vie
éternelle et de l'exaltation. Il est le Rédempteur, le
Ressusciteur, le Sauveur de l'homme et du monde ; et il a
désigné la loi de l'Évangile comme moyen auquel
il faut se soumettre en ce monde ou dans l'au-delà, comme il
s'est soumis à la loi de son Père ; en conséquence
« celui qui croira sera sauvé et celui qui ne
croira pas sera damné ». Le plan, l'arrangement,
l'accord, l'alliance ont été faits, contractés
et acceptés avant la fondation du monde ; ils ont été
préfigurés par des sacrifices et ont été
mis à exécution et consommés sur la croix. C'est
pourquoi, étant le médiateur entre Dieu et l'homme, il
devient de plein droit le dictateur et le gouverneur sur la terre et
dans le ciel pour les vivants et pour les morts, pour le passé,
le présent et l'avenir, en ce qui concerne l'homme associé
avec cette terre ou les cieux, dans le temps ou l'éternité,
Capitaine de notre salut, Apôtre et Grand prêtre que nous
professons, Seigneur et Donneur de vie » (John Taylor
Mediation and Atonement, p. 171).
5.
La rédemption des effets de la chute : « Le
‘mormonisme’ accepte la doctrine de la chute et
l'histoire de la chute en Eden racontée par la Genèse ;
mais il affirme que nul autre qu'Adam n'est ou ne sera responsable de
la désobéissance d'Adam ; que l'humanité en
général est absolument absoute de toute responsabilité
pour ce « péché originel » et que
chacun rendra compte de ses transgressions personnelles uniquement ;
que la chute était connue de Dieu à l'avance, qu'elle
fut transformée en une source de bien puisqu'elle introduisait
la condition nécessaire de la mortalité, et qu'un
Rédempteur était prévu avant que le monde ne
fût, que le salut général, dans le sens de rachat
des effets de la chute, est apporté à tous sans qu'ils
le demandent ; mais que chacun doit rechercher lui-même le
salut individuel ou la libération des effets des péchés
personnels par la foi et les bonnes œuvres grâce à
la rédemption accomplie par Jésus-Christ »
(Tiré de The Story and Philosophy of « Mormonism »,
de l'auteur, p. 111).
CHAPITRE
4 : DIVINITÉ PRÉMORTELLE DU CHRIST
Notre
but sera maintenant de nous informer de la place et de la situation
de Jésus, le Christ, dans le monde prémortel, depuis la
période du conseil solennel dans les cieux, pendant lequel il
fut choisi pour être le futur Sauveur et Rédempteur de
l'humanité, jusqu'au moment où il naquit dans la chair.
Nous
nous reposons sur l'autorité des Écritures lorsque nous
affirmons que Jésus-Christ fut et est Dieu le Créateur,
le Dieu qui se révéla à Adam, à Énoch,
et à tous les patriarches et prophètes antédiluviens
jusqu'à Noé, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le
Dieu d'Israël lorsqu'il était un peuple uni, et le Dieu
d'Éphraïm et de Juda après le démembrement
de la nation hébraïque, le Dieu qui se révéla
aux prophètes, de Moïse à Malachie, le Dieu de
l'Ancien Testament et le Dieu des Néphites. Nous affirmons que
Jésus-Christ était et est Jéhovah, l'Éternel.
Les
Écritures distinguent trois personnages dans la Divinité :
(1) Dieu, le Père éternel, (2) son Fils, Jésus-Christ,
et (3) le Saint-Esprit. Ils constituent la Sainte Trinité, qui
comporte trois individus physiquement séparés et
distincts, qui composent à eux trois le conseil président
des cieux [1]. Deux d'entre eux, au moins, apparaissent comme
participant à l'œuvre de la création ; ce
fait est démontré par la pluralité exprimée
dans la Genèse : « Dieu dit : Faisons
l'homme à notre image selon notre ressemblance » ;
et plus loin, au cours d'une consultation concernant la transgression
d'Adam : « L'Éternel Dieu dit :
Maintenant [...] l'homme est devenu comme l'un de nous » [2].
Les paroles de Moïse, révélées de nouveau à
notre époque, nous instruisent d'une manière plus
complète sur les Dieux qui s'occupaient activement de la
création de cette terre : « Et moi, Dieu, je
dis à mon Fils unique, qui était avec moi depuis le
commencement : Faisons l'homme à notre image, selon notre
ressemblance. » Puis, plus loin, à propos de l'état
d'Adam après la chute : « Et moi, le Seigneur
Dieu, je dis à mon Fils unique : Voici, l'homme est
devenu comme l'un de nous » [3]. Dans le récit
de la création écrit par Abraham, « les
Dieux » sont mentionnés de multiples fois [4].
Comme
nous l'avons montré jusqu'ici dans un autre ordre d'idées,
le Père a agi dans l'œuvre de la création par
l'intermédiaire du Fils, qui est devenu ainsi l'exécutif
par l'intermédiaire duquel la volonté, le commandement
ou la parole du Père étaient mis en vigueur. C'est donc
avec beaucoup d'exactitude que l'apôtre Jean pouvait dire du
Fils, Jésus-Christ, qu'il était la Parole ;
c'est-à-dire, « la Parole de mon pouvoir » [5].
Le rôle que Jésus-Christ joua dans la création,
un rôle si important que c'est à juste titre que nous
l'appelons le Créateur, est exposé dans un grand nombre
d'Écritures. L'auteur de l'épître aux Hébreux
fait ainsi une nette distinction entre le Père et le Fils, les
traitant comme des êtres séparés bien
qu'associés : « Après avoir autrefois,
à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé
à nos pères par les prophètes, Dieu nous a parlé
par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Il l'a établi
héritier de toutes choses, et c'est par lui qu'il a fait les
mondes » [6]. Paul est encore plus explicite dans sa
lettre aux Colossiens, où, parlant de Jésus, le Fils,
il dit : « Car en lui tout a été créé
dans les cieux et sur la terre, ce qui est visible et ce qui est
invisible, trônes, souverainetés, principautés,
pouvoirs. Tout a été créé par lui et pour
lui. Il est avant toutes choses, et tout subsiste en lui » [7].
Et il convient d'ailleurs de répéter ici le témoignage
de Jean, que toutes les choses ont été faites par la
Parole qui était avec Dieu, et qui était Dieu dès
le commencement ; « et rien de ce qui a été
fait n'a été fait sans elle » [8].
Le
fait que le Christ qui devait venir était en réalité
Dieu le Créateur fut clairement révélé
aux prophètes du continent américain. Samuel, le
Lamanite converti, prêchant aux Néphites incrédules,
justifia son témoignage comme suit : « Et afin
que vous soyez au courant de la venue de Jésus-Christ, le Fils
de Dieu, le Père du ciel et de la terre, le Créateur de
toutes choses depuis le commencement ; et afin que vous
connaissiez les signes de sa venue pour que vous croyiez en son
nom » [9].
À
ces citations des Écritures anciennes, il convient tout
particulièrement d'ajouter le témoignage personnel du
Seigneur Jésus lorsqu'il fut devenu un être ressuscité.
Dans sa visitation aux Néphites, il proclama : « Voici,
je suis Jésus-Christ le Fils de Dieu. J'ai créé
les cieux et la terre, et toutes les choses qu'ils contiennent.
J'étais avec le Père dès le commencement. Je
suis dans le Père et le Père est en moi ; et en
moi, le Père a glorifié son nom » [10].
Aux Néphites qui ne comprenaient pas le rapport entre
l'Évangile que le Seigneur ressuscité leur annonçait
et la loi mosaïque qu'ils considéraient par tradition
être en vigueur, et qui s'étonnaient de ce qu'il disait
que les choses anciennes étaient passées, il expliqua
de la manière suivante : « Voici, je vous dis
que la loi qui fut donnée à Moïse est accomplie.
Voici, c'est moi qui ai donné la loi et c'est moi qui ai fait
alliance avec mon peuple, Israël ; c'est pourquoi, la loi
est accomplie en moi, parce que je suis venu pour accomplir la loi ;
c'est pourquoi, elle est finie » [11].
La
voix de Jésus-Christ, Créateur du ciel et de la terre,
s'est fait entendre de nouveau par la révélation à
notre époque qui est dernière : « Prête
l'oreille, ô peuple de mon Église, à qui le
royaume a été donné ; écoute et
prête l'oreille à celui qui a posé les fondations
de la terre, qui a fait les cieux et toutes leurs armées et
par qui fut fait tout ce qui a la vie, le mouvement et l'être » [12].
Et encore : « Voici, je suis Jésus-Christ, le
Fils du Dieu vivant, qui a créé les cieux et la terre ;
une lumière qui ne peut être cachée dans les
ténèbres » [13].
La
divinité de Jésus-Christ est indiquée par les
noms et les titres précis qui lui ont été
appliqués par l'autorité. D'après le jugement de
l'homme, on ne peut attacher de grande importance aux noms ;
mais dans la nomenclature des Dieux, tout nom est un titre de
puissance ou de position. Dieu a un zèle juste pour la
sainteté de son nom [14] et des noms donnés sur
son ordre. Dans le cas des enfants de promesse, des noms ont été
prescrits avant leur naissance ; cela est vrai de notre Seigneur
Jésus et du Baptiste, Jean, qui fut envoyé préparer
la voie au Christ. Des noms de personnes ont été
changés sur commandement divin, lorsqu'ils ne constituaient
pas des titres suffisamment définis pour dénoter les
services particuliers auxquels leurs porteurs étaient appelés,
ou les bénédictions particulières qui leur
étaient conférées [15].
Jésus
est le nom personnel du Sauveur, et, tel qu'on l'écrit, vient
du grec ; son équivalent hébreu était
Yehoshua ou Yeshua ou, comme nous le rendons en français,
Josué. Dans l'original on comprenait parfaitement bien que le
nom voulait dire « auxiliaire de Jéhovah »,
ou « Sauveur ». Bien que le nom fût aussi
courant que Jean, Henri ou Charles aujourd'hui, il fut, comme nous
l'avons déjà dit, divinement prescrit. C'est ainsi que
l'ange dit à Joseph, le fiancé de la Vierge : « Et
tu lui donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son
peuple de ses péchés » [16].
Christ
est un titre sacré, non pas une appellation ordinaire ou un
nom quelconque ; il vient du grec et il a le même sens que
son équivalent hébreu Messiah ou Messias, signifiant
l'Oint [17]. On trouve dans les Écritures d'autres titres
possédant chacun une signification précise, comme
Emmanuel, Sauveur, Rédempteur, Fils unique, Seigneur, Fils de
l'Homme ; mais la chose la plus importante pour nous
actuellement est que ces divers titres expriment l'origine et la
nature divine de notre Sauveur, Comme on le voit, les noms ou titres
essentiels de Jésus, le Christ, furent communiqués
avant sa naissance et furent révélés à
des prophètes qui le précédèrent dans
l'état mortel [18].
Jéhovah
est la forme anglicisée de l'hébreu Yahveh ou Jahveh,
signifiant Celui qui existe par lui-même ou l'Éternel.
La version anglaise de l'Ancien Testament traduit généralement
ce nom par LORD (Seigneur) [19]. L'hébreu Ehyeh
signifiant Je suis, a un sens apparenté au terme Yahveh ou
Jéhovah dont il est dérivé ; voici en quoi
réside la signification de ce nom sous lequel le Seigneur se
révéla à Moïse quand ce dernier reçut
la mission d'aller en Égypte délivrer les enfants
d'Israël de l'esclavage : « Moïse dit à
Dieu : J'irai donc vers les Israélites, et je leur
dirai : le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.
Mais s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je ?
Dieu dit à Moïse : je suis celui qui suis. Et il
ajouta : c'est ainsi que tu répondras aux Israélites :
(Celui qui s'appelle) ‘Je suis’ m'a envoyé vers
vous » [20]. Dans le verset suivant, le Seigneur
déclare qu'il est « le Dieu d'Abraham, le Dieu
d'Isaac et le Dieu de Jacob ». Pendant que Moïse
était en Égypte, le Seigneur se révéla
encore davantage, disant : « Je suis l'Éternel
(le SEIGNEUR dans la version anglaise, ndt) Je suis apparu à
Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu
Tout-Puissant ; mais je n'ai pas été reconnu par
eux sous mon nom : l'Éternel (JEHOVAH dans la version
anglaise, ndt) » [21]. Le fait central indiqué
par ce nom, le Suis, ou Jéhovah, les deux ayant
essentiellement la même signification, c'est l'idée
d'une existence ou d'une durée qui n'aura pas de fin, et qui,
jugée suivant tous les critères de jugement humain,
peut ne pas avoir eu de commencement ; ce nom est apparenté
à d'autres titres tels que Alpha et Oméga, le premier
et le dernier, le commencement et la fin [22].
Un
jour, alors que certains Juifs, qui considéraient que, du fait
qu'ils descendaient d'Abraham, ils étaient certains d'être
préférés de Dieu, assaillaient Jésus de
questions et de critiques, il répondit à leurs insultes
par la déclaration : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham fût,
moi, je suis » [23]. Le vrai sens de cette parole
serait exprimé plus clairement si la phrase était
tournée comme suit : « En vérité,
en vérité, je vous le dis : Avant Abraham, était
Je suis » [24]. C'est comme s'il avait dit :
Avant Abraham, j'étais, moi, Jéhovah. Les juifs
chicaneurs furent si grandement offensés de l'entendre
utiliser un nom que, par une interprétation erronée
d'une Écriture plus ancienne [25], ils considéraient
ne pas devoir être prononcé sous peine de mort, qu'ils
saisirent immédiatement des pierres dans l'intention de le
tuer. Les juifs considéraient Jéhovah comme un nom
ineffable, qui ne devait pas être prononcé ; ils
l'avaient remplacé par le nom sacré bien que non
interdit pour eux d'Adonaï, qui veut dire le Seigneur.
L'original des termes Éternel et Dieu tels qu'ils apparaissent
dans l'Ancien Testament était soit Yahveh soit Adonaï ;
et comme le montrent les Écritures citées, l'Être
divin désigné par ces noms sacrés était
Jésus, le Christ. Jean, évangéliste et apôtre,
identifie formellement Jésus-Christ avec Adonaï, ou le
Seigneur qui parla par la voix d'Ésaïe [26], et avec
Jéhovah qui parla par Zacharie [27].
Le
nom Élohim se rencontre fréquemment dans les textes
hébreux de l'Ancien Testament, bien qu'on ne le trouve pas
dans les versions anglaises. La forme du mot est celle d'un nom
hébreu au pluriel [28] ; mais il représente
un pluriel de majesté ou d'intensité plutôt que
la pluralité numérique. Il exprime l'exaltation et la
puissance absolues. Élohim, tel qu'on le comprend et qu'on
l'utilise dans l'Église rétablie de Jésus-Christ,
est le nom titre de Dieu, le Père éternel, dont le
Premier-Né dans l'esprit est Jéhovah : le Fils
unique dans la chair, Jésus-Christ.
Jésus
de Nazareth, qui en un témoignage solennel déclara être
le Je suis ou Jéhovah, qui était Dieu avant qu'Abraham
vécût sur la terre, était ce même Être
qu'on proclame à maintes reprises comme le Dieu qui fit
alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, le Dieu qui fit sortir Israël
de l'esclavage d'Égypte dans la liberté de la terre
promise, le seul et unique Dieu que les prophètes hébreux
en général connaissaient par la révélation
directe.
Les
prophètes néphites savaient que Jésus-Christ
était identique au Jéhovah des Israélites, et la
véracité de leurs enseignements fut confirmée
par le Seigneur ressuscité lorsqu'il se manifesta à eux
peu après son ascension d'entre les apôtres à
Jérusalem. Voici le passage : « Et le Seigneur
leur parla, disant : Levez-vous et venez à moi afin de
mettre les mains dans mon côté, et aussi toucher la
marque des clous dans mes mains et mes pieds, afin que vous sachiez
que je suis le Dieu d'Israël et le Dieu de toute la terre, et
que j'ai été mis à mort pour les péchés
du monde » [29].
Il
ne nous paraît pas nécessaire de présenter
davantage de citations pour étayer notre affirmation que
Jésus-Christ était Dieu avant même de prendre un
corps de chair. Au cours de cette période prémortelle,
il y avait une différence essentielle entre le Père et
le Fils en ce que le premier avait déjà traversé
les expériences de la vie mortelle, y compris la mort et la
résurrection, et était de ce fait un être doté
d'un corps parfait et immortalisé de chair et d'os, tandis que
le Fils n'était pas encore incarné. Par sa mort et sa
résurrection, Jésus, le Christ, est actuellement un
être semblable au Père dans toutes les caractéristiques
essentielles.
Un
examen général des données scripturaires nous
amène à la conclusion que Dieu le Père éternel
s'est manifesté en très peu d'occasions aux prophètes
ou révélateurs terrestres, et quand il l'a fait,
c'était surtout pour attester l'autorité divine de son
Fils, Jésus-Christ. Comme nous l'avons montré
précédemment, le Fils était l'exécuteur
actif de l'œuvre de la création ; dans toutes les
scènes de la création le Père apparaît
surtout comme celui qui dirige ou que l'on consulte. Le Père
se révéla à Adam, à Énoch, à
Noé, à Abraham et à Moïse, attestant la
divinité du Christ, et le fait que le Fils était le
Sauveur élu de l'humanité [30]. Lors du baptême
de Jésus, on entendit la voix du Père dire :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis
toute mon affection » [31] ; et lors de la
transfiguration le Père donna un témoignage
semblable [32]. Plus tard encore, tandis que Jésus
priait, l'âme pleine d'angoisse, se soumettant pour que les
desseins du Père s'accomplissent et que le nom du Père
soit glorifié, « une voix vint alors du ciel :
je l'ai glorifié, et je le glorifierai de nouveau » [33].
Le Père annonça le Christ ressuscité et glorifié
aux Néphites sur le continent américain en ces termes :
« Voici mon Fils bien-aimé, en qui je me complais,
en qui j'ai glorifié mon nom - écoutez-le [34] »
À partir du dernier événement cité, la
voix du Père ne s'est plus fait entendre parmi les hommes, du
moins d'après les Écritures, jusqu'au printemps de
1820, date à laquelle le Père et le Fils apparurent au
prophète Joseph Smith, le Père disant : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé. Écoute-le [35] ! »
Tels sont les cas enregistrés où le Père éternel
s'est manifesté à l'homme séparément du
Fils, soit en s'exprimant personnellement, soit par une autre
révélation. Dieu le Créateur, le Jéhovah
d'Israël, le Sauveur et Rédempteur de toutes les nations,
tribus et langues, ne font qu'une seule personne, qui est Jésus,
le Christ.
[1]
Voir « Dieu et la Divinité », dans les
Articles de Foi, de l'auteur, chap. 2.
[2]
Gn 1:26 et 3:22.
[3]
PGP, Moïse 2:26 et 4:28.
[4]
PGP, Abraham, chapitres 4 et 5.
[5]
Voir chap. 2 du présent ouvrage ; Jean 1:1 ; PGP, Moïse
1:32.
[6]
Hé 1:1, 2, version du roi Jacques, ndt ; voir aussi 1 Co
8:6. 9
[7]
Col 1: 16, 17.
[8]
Jean 1: 1-3.
[9]
LM, Hélaman 14:12 ; voir aussi Mosiah 3:8, 4:2 ;
Alma 11:39.
[10]
LM, 3 Néphi 9:15.
[11]
LM, 3 Néphi 15:4, 5.
[12]
D&A 45:1.
[13]
D&A 14:9 ; voir aussi 29:1,31 ; 76:24.
[14]
Ex 20:7 ; Lv 19:12 ; Dt 5: 11.
[15]
Note 1, fin du chapitre.
[16]
Mt 1:21 ; voir aussi versets 23, 25 ; Luc 1:31.
[17]
Jean 1:41, 4:25.
[18]
Luc 1:31, 2:21 ; Mt 1:21, 25 ; voir aussi verset 23 et cf.
Es 7:14 ; Luc 2:11. Voir en outre PGP, Moïse 6:51, 57,
7:20, 8:24. LM, 1 Néphi 10:4, 2 Néphi 10:3, Mosiah 3:8.
[19]
Ce nom apparaît ainsi dans Gn 2:5 ; voir aussi Ex 6:2-4 et
lire à titre de comparaison Gn 17:1, 35: 11.
[20]
Ex 3:13, 14 ; cf. à propos de la durée éternelle
exprimée par ce nom, Es 44:6, Jean 8:58, Col 1:17 ; Hé
13:8, Ap 1:4 ; voir aussi PGP, Moïse 1:3 et les références
qui y sont données.
[21]
Ex 6:2, 3. Note 2, fin du chapitre.
[22]
Ap 1:11, 17, 2:8, 22:13 ; cf. Es 41:4, 44:6, 48:12.
[23]
Jean 8:58.
[24]
Dans le texte anglais, la nuance réside uniquement dans une
question de ponctuation. La Version du roi Jacques dit :
« Before Abraham was, I am. » L'auteur supprime
la ponctuation de cette phrase : « Before Abraham was
I am » (ndt).
[25]
Lv 24:16. Note 3, fin du chapitre.
[26]
Es 6:8-11 ; cf. Jean 12:40, 41.
[27]
Za 12: 10 ; cf. Jean 19:37.
[28]
Le singulier « Eloah » n'est employé
qu'en poésie.
[29]
LM, 3 Néphi 11: 13, 14 ; 1 Néphi 17:40 également
et notez - verset 30 - que le Rédempteur est appelé le
Dieu qui a racheté Israël. Voir en outre Mosiah 7:19.
Chapitre 39, infra.
[30]
PGP, Moïse 1:6, 31-33, 2:1, 4:2, 3, 6:57 ; cf. 7:35, 39,
47, 53-59, 8:16, 19, 23, 24 ; Abraham 3:22-28. Voir chapitre 5,
infra.
[31]
Mt 3:17 ainsi que Marc 1:11 et Luc 3:22.
[32]
Mt 17:5, Luc 9:35.
[33]
Jean 12:28.
[34]
LM, 3 Néphi 11:7.
[35]
PGP, Joseph Smith 2:17.
NOTES
DU CHAPITRE 4
1.
Noms donnés par Dieu : L'importance des noms quand ils
sont donnés par Dieu trouve son illustration dans beaucoup
d'exemples scripturaires. Voici quelques exemples : « Jésus »
signifiant Sauveur (Mt 1:21 ; Luc 1:31) ; « Jean »,
signifiant don de Jéhovah, appliqué expressément
au Baptiste, qui fut envoyé sur la terre préparer la
voie pour la venue de Jéhovah dans la chair (Luc 1: 13) ;
« Ismaël », signifiant Dieu l'entendra (Gn
16: 11) ; « Isaac », signifiant rire (Gn
17:19, comparer avec 18:10-15). Voici quelques exemples de noms
changés par l'autorité divine pour exprimer un surcroît
de bénédictions ou des appels particuliers :
« Abram », qui voulait dire noblesse ou
exaltation et, comme on le traduit habituellement, Père
d'élévation, fut changé en « Abraham »,
Père d'une multitude, qui exprimait la raison du changement
apporté à l'époque : « Car je te
rends père d'une foule de nations » (Gn 17:5).
« Saraï », le nom de la femme d'Abraham,
dont le sens précis est incertain, fut remplacé par
« Sara » qui signifiait la princesse (Gn
17:15). « Jacob », nom donné au fils
d'Isaac et faisant allusion à un événement qui
se produisit lors de sa naissance, et signifiant celui qui supplante,
fut remplacé par « Israël » voulant
dire un soldat de Dieu, un prince de Dieu ; comme l'expriment
les mots qui effectuèrent le changement : « Jacob
ne sera plus le nom qu'on te donnera, mais tu seras appelé
Israël ; car tu as lutté avec Dieu et avec des
hommes, et tu as été vainqueur » (Gn 32:28 ;
comparer avec 35:9, 10). « Simon », signifiant
celui qui écoute, nom de l'homme qui devint l'apôtre
principal de Jésus-Christ, fut changé par le Seigneur
en « Céphas » (araméen) ou
« Pierre » (grec) signifiant un roc (Jean
1:42 ; Mt 16:18 ; Luc 6:14). À Jacques et à
Jean, les fils de Zébédée, le Seigneur conféra
le nom ou titre « Boanergès » signifiant
fils du tonnerre (Marc 3:17).
L'extrait
suivant est instructif : « Le nom, dans les
Écritures, n'est pas seulement ce par quoi on désigne
une personne, mais souvent tout ce que l'on sait appartenir à
la personne ainsi désignée, et la personne elle-même.
Ainsi de nom de Dieu » ou « de Jéhovah »,
etc. indique son autorité (Dt 18:20 ; Mt 21:9, etc.), sa
dignité et sa gloire (Ésaïe 48:9, etc.), sa
protection et sa faveur (Pr 18:10, etc.), sa personnalité (Ex
34:5, 14, comparer avec 6, 7, etc.), ses attributs divins en général
(Mt 6:9, etc.), etc. On dit que le Seigneur pose son nom là où
la révélation ou la manifestation de ses perfections
est donnée (Dt 12:5, 14:24, etc.). Croire au nom du Christ
c'est le recevoir et le traiter conformément à la
révélation que les Écritures donnent de lui
(Jean 1:12 ; 2:23), etc. » - Comprehensive Dictionary
of the Bible, Smith, article « Name ».
2.
Jésus-Christ, Dieu d'Israël : « Tous les
écrits inspirés, et la Bible plus que tous, montrent
que Jésus-Christ était ce même être qui fit
sortir Abraham de son pays natal, qui conduisit Israël hors
d'Egypte avec des miracles et des prodiges puissants, qui lui révéla
sa loi au milieu du tonnerre du Sinaï, qui le délivra de
ses ennemis, qui le châtia de sa désobéissance,
qui inspira ses prophètes, et dont la gloire remplit le temple
de Salomon. »
Ses
lamentations sur Jérusalem prouvent que, dans son humanité,
il n'avait pas oublié sa position exaltée antérieure :
« Jérusalem, Jérusalem, qui tues les
prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés,
combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants... et vous ne
l'avez pas voulu ! » (Mt 23:37). C'est ce Créateur
du monde, ce Gouverneur puissant, ce Régulateur des destinées
de la famille humaine qui, dans ses derniers moments, s'écria
dans l'agonie de son âme : « Mon Dieu, mon
Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Marc
15:34.) - tiré de Compendium of the Doctrines of the Gospel,
Franklin D. Richards et James A. Little.
3.
« Jéhovah », nom que les juifs ne
prononçaient pas : Longtemps avant le temps du Christ,
certaines écoles parmi les Juifs, infatigablement zélées
à observer la lettre de la loi, sans toutefois en mépriser
l'esprit, avaient enseigné que le simple fait de prononcer le
nom de Dieu était blasphématoire, et que le péché
de celui qui le faisait constituait un crime capital. Cette
conception extrême naquit de l'interprétation acceptée
quoique non inspirée de Lv 24:16: « Celui qui
blasphémera le nom de l'Éternel sera puni de mort :
toute la communauté le lapidera. Qu'il soit immigrant ou
autochtone, il mourra, pour avoir blasphémé le Nom (de
Dieu). » Le Comprehensive Dictionary of the Bible, de
Smith, indique à l'article « Jéhovah » :
« La vraie prononciation de ce nom [Yehovah], par
lequel Dieu était connu des Hébreux, a été
entièrement perdue, les juifs eux-mêmes évitant
scrupuleusement de jamais le mentionner et le remplaçant par
l'un ou l'autre des mots avec les points-voyelles avec lesquels il
peut s'écrire [Adonaï, Seigneur, ou Élohim,
Dieu]... Selon la tradition juive, il n'était prononcé
qu'une fois par an par le grand prêtre, le jour des expiations,
lorsqu'il entrait dans le saint des saints ; mais il règne
un certain doute à ce sujet. »
CHAPITRE
5 : PREDICTION DE L'AVÈNEMENT TERRESTRE DU CHRIST
La
venue du Christ sur la terre pour entrer dans un tabernacle de chair
n'était ni inattendue ni imprévue. Des siècles
avant le grand événement, les juifs professaient
attendre l'avènement de leur Roi ; et dans les rites
prescrits du culte comme dans les dévotions privées, la
venue du Messie promis était l'un des sujets principaux des
supplications d'Israël à Jéhovah. Il y avait, il
est vrai, beaucoup de divergences dans les opinions laïques et
dans les exposés rabbiniques quant au temps et à la
manière dont il apparaîtrait ; mais la certitude du
fait était profondément enracinée dans les
croyances et les espoirs de la nation hébraïque.
Les
documents que nous appelons les livres de l'Ancien Testament, de même
que d'autres écrits inspirés considérés
autrefois comme authentiques mais exclus des compilations ultérieures
comme n'étant pas strictement canoniques, étaient
courants parmi les Hébreux à l'époque de la
naissance du Christ et longtemps avant. Ces Écritures tirent
leur origine de la proclamation de la loi par Moïse [1],
qui écrivit celle-ci et remit le texte écrit à
la garde officielle des prêtres avec le commandement formel de
le lire dans les assemblées du peuple à des époques
prescrites. Au cours des siècles, on ajouta à ces
premiers écrits les déclarations de prophètes
divinement nommés, les notes d'historiens officiels et les
cantiques de poètes inspirés ; de sorte qu'à
l'époque du ministère de notre Seigneur, les Juifs
possédaient une grande accumulation d'écrits qu'ils
acceptaient et respectaient comme faisant autorité [2].
Ces documents sont riches en prédictions et en promesses
relatives à l'avènement terrestre du Messie, comme le
sont d'autres Écritures auxquelles l'Israël d'autrefois
n'avait pas accès.
Adam,
le patriarche du genre humain, se réjouit lorsqu'il fut mis au
courant du ministère dont le Sauveur avait été
chargé, assuré qu'il était que s'il l'acceptait,
il pourrait, lui, le transgresseur, obtenir la rédemption. Une
brève mention du plan de salut, dont l'auteur est
Jésus-Christ, apparaît dans la promesse donnée
par Dieu après la chute : certes le diable, représenté
par le serpent en Eden, aurait le pouvoir de blesser le talon de la
postérité d'Adam, mais par la postérité
de la femme viendrait la puissance qui écraserait la tête
de l'adversaire [3]. Il est significatif que cette assurance de
la victoire finale sur le péché et son effet
inévitable, la mort, qui furent tous deux introduits sur la
terre par l'intermédiaire de Satan, l'ennemi juré de
l'humanité, devait être assurée par la postérité
de la femme ; la promesse ne fut pas faite formellement à
l'homme, ni au couple. Le seul cas où la postérité
de la femme est dissociée de la paternité mortelle est
la naissance de Jésus, le Christ, qui était le fils
terrestre d'une mère mortelle, engendré par un Père
immortel. Il est le seul engendré du Père éternel
dans la chair et naquit d'une femme.
Des
Écritures autres que celles qui se trouvent dans l'Ancien
Testament nous informent d'une manière plus complète de
la révélation de Dieu à Adam concernant la venue
du Rédempteur. Conséquence naturelle et inévitable
de sa désobéissance, Adam avait perdu la grande
bénédiction dont il bénéficiait
précédemment : celle d'être en rapport
direct et personnel avec son Dieu ; néanmoins dans son
état déchu il reçut la visite d'un ange du
Seigneur, qui lui révéla le plan de la rédemption :
« Et après de nombreux jours, un ange du Seigneur
apparut à Adam, et lui dit : Pourquoi offres-tu des
sacrifices au Seigneur ? Et Adam lui dit : je ne le sais,
si ce n'est que le Seigneur me l'a commandé. Alors l'ange
parla, disant : C'est une similitude du sacrifice du Fils unique
du Père, qui est plein de grâce et de vérité.
C'est pourquoi tu feras tout ce que tu fais au nom du Fils, tu te
repentiras, et invoqueras dorénavant Dieu au nom du Fils. Ce
jour-là, le Saint-Esprit, qui rend témoignage du Père
et du Fils, tomba sur Adam, disant : je suis le Fils unique du
Père, depuis le commencement, dorénavant et à
jamais, afin que de même que tu es tombé, tu puisses
être racheté, ainsi que toute l'humanité, à
savoir tous ceux qui le veulent » [4].
La
révélation du Seigneur à Adam communiquant le
plan officiel selon lequel le Fils de Dieu devait se munir de chair
au midi des temps, et devenir le Rédempteur du monde, fut
attestée par Énoch, fils de Jéred et père
de Metuschélah. Les paroles d'Énoch nous apprennent que
le nom par lequel le Sauveur serait connu parmi les hommes lui fut
révélé aussi bien qu'à son grand ancêtre,
Adam, en ces termes : « Jésus-Christ, le seul
nom qui sera donné sous les cieux par lequel le salut viendra
aux enfants des hommes » [5]. L'alliance écrite
de Dieu avec Abraham, et sa répétition et sa
confirmation avec Isaac et ensuite avec Jacob - que par leur
postérité toutes les nations de la terre seraient
bénies - présageait la naissance du Rédempteur
par ce lignage élu [6]. Son accomplissement est
l'héritage béni des siècles.
En
donnant sa bénédiction patriarcale à Juda, Jacob
prophétisa : « Le bâton (de
commandement) ne s'écartera pas de Juda, ni l'insigne du
législateur d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le
Chilo et que les peuples lui obéissent [et c'est auprès
de lui que le peuple se rassemblera - Version du roi Jacques,
ndt] » [7]. On a la preuve que Chilo désignait
le Christ parce que la stipulation décrite dans la prédiction
s'accomplit dans l'État de la nation juive à l'époque
de la naissance de notre Seigneur [8].
Moïse
proclama la venue d'un grand prophète en Israël, dont le
ministère devait être tellement important que tous les
hommes qui ne l'accepteraient pas seraient sous la condamnation ;
et des Écritures ultérieures prouvent d'une manière
concluante que cette prédiction ne pouvait se rapporter qu'à
Jésus-Christ. Ainsi parla le Seigneur à Moïse :
« Je leur susciterai du milieu de leurs frères un
prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche, et
il leur dira tout ce que je lui commanderai. Et si quelqu'un n'écoute
pas mes paroles qu'il dira en mon nom, c'est moi qui lui en
demanderai compte » [9]. Le système de
sacrifices formellement imposé dans le code mosaïque
était essentiellement un prototype de la mort sacrificatoire
que le Sauveur devait accomplir sur le Calvaire. Le sang
d'innombrables victimes sur l'autel, tuées par les prêtres
d'Israël au cours des rituels prescrits, coula pendant tous les
siècles qui séparèrent Moïse du Christ
comme un flot prophétique à la ressemblance du sang du
Fils de Dieu qui devait être versé comme sacrifice
expiatoire pour la rédemption du genre humain. Mais, comme
nous l'avons déjà montré, l'institution du
sacrifice sanglant pour représenter la mort future de
Jésus-Christ remonte au commencement de l'histoire humaine,
depuis que l'offrande de sacrifices d'animaux par l'effusion de sang
fut requise d'Adam, à qui l'importance de l'ordonnance, « une
similitude du sacrifice du Fils unique du Père »,
fut expressément définie [10].
L'agneau
pascal, tué pour chaque foyer israélite lors de la fête
annuelle de la Pâque, était un type particulier de
l'Agneau de Dieu qui serait sacrifié en son temps pour les
péchés du monde. La crucifixion du Christ se produisit
à l'époque de la Pâque ; et la consommation
du Sacrifice suprême, dont les agneaux de la Pâque
n'avaient été que des prototypes secondaires, amena
Paul l'apôtre à affirmer plus tard : « Car
Christ, notre Pâque, a été immolé » [11].
À
l'époque de ses cruelles afflictions, Job se réjouit du
témoignage qu'il pouvait rendre du futur Messie et déclara
avec une conviction prophétique : « Je sais
que mon Rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera le
dernier sur la terre. » « [Je sais que mon
Rédempteur vit, et qu'il se tiendra sur la terre au dernier
jour - Version du roi Jacques, ndt] » [12]. Les
cantiques de David, le psalmiste, abondent en allusions répétées
à la vie terrestre du Christ, dont beaucoup de circonstances
sont décrites en détails et sont confirmées dans
les Écritures du Nouveau Testament [13].
Ésaïe,
dont l'office prophétique fut honoré du témoignage
personnel du Christ et des apôtres, manifesta en de nombreux
passages sa conviction que le Sauveur viendrait exercer son ministère
sur la terre. Avec la force de la révélation directe,
il parla de la maternité divine de la Vierge, de qui naîtrait
Emmanuel, et sa prédiction fut répétée
par l'ange du Seigneur, plus de sept siècles plus tard [14].
Contemplant les siècles futurs, le prophète vit
l'accomplissement des desseins divins comme si c'était déjà
fait et chanta triomphalement : « Car un enfant nous
est né, un fils nous est donné, et la souveraineté
(reposera) sur son épaule ; on l'appellera Admirable,
Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la
paix. Renforcer la souveraineté et donner une paix sans fin au
trône de David et à son royaume, l'affermir et le
soutenir par le droit et par la justice dès maintenant et à
toujours » [15].
Immédiatement
avant sa réalisation, la promesse bénie fut répétée
par Gabriel, envoyé de la présence de Dieu à la
Vierge élue de Nazareth [16]. Comme cela avait été
révélé au prophète et proclamé par
lui, le Seigneur futur était le Rameau vivant qui jaillirait
de la racine immortelle représentée par la famille
d'Isaï [17], la Pierre de fondement assurant la stabilité
de Sion [18], le Berger de la maison d'Israël [19], la
Lumière du monde [20], pour le Gentil aussi bien que pour
le Juif ; le Chef et Dominateur de son peuple [21]. La même
voix inspirée prédit l'avènement du précurseur
qui crierait dans le désert : « Ouvrez le
chemin de l'Éternel, nivelez dans la steppe une route pour
notre Dieu » [22].
Il
fut permis à Ésaïe de lire dans le parchemin de
l'avenir les nombreuses conditions spéciales qui
accompagneraient l'humble vie et la mort expiatoire du Messie. Le
prophète vit en lui quelqu'un qui serait méprisé
et rejeté des hommes, un Homme de douleur, accoutumé à
la souffrance, quelqu'un qui serait blessé et meurtri pour les
transgressions du genre humain, sur qui serait placée notre
iniquité à tous : un sacrifice patient et
volontaire, silencieux dans l'affliction, comme un agneau amené
à l'abattoir. La mort du Seigneur, avec des pécheurs,
et son ensevelissement dans le tombeau du riche furent annoncés
de même avec une certitude prophétique [23].
Jérémie
reçut clairement la parole du Seigneur, déclarant la
venue certaine du Roi qui assurerait la sécurité de
Juda et d'Israël [24] ; le Prince de la Maison de
David, par l'intermédiaire duquel la promesse divine faite au
fils d'Isaï serait réalisée [25].
Ézéchiel [26], Osée [27] et
Michée [28] prophétisèrent dans le même
esprit. Zacharie s'arrêta au milieu d'une prédiction
sinistre pour chanter le cantique joyeux d'actions de grâce et
de louange en contemplant en vision la procession toute simple de
l'entrée triomphale du Roi dans la ville de David [29].
Puis le prophète se lamenta sur la douleur de la nation
frappée par sa conscience, par qui, comme il avait été
prévu, le Sauveur de l'humanité serait percé,
jusqu'à en mourir [30] ; il montra que, une fois
soumis par la contrition, son propre peuple demanderait :
« Qu'est-ce que ces blessures que tu as aux mains ? »,
le Seigneur répondrait : « C'est dans la
maison de ceux qui m'aimaient que j'ai été
frappé » [31]. Même le prix qui serait
payé pour trahir le Christ et le livrer à la mort fut
prédit comme dans une parabole [32].
Il
ne fait aucun doute que ces prédictions des prophètes
de l'Ancien Testament concernaient Jésus-Christ et lui seul :
le Seigneur ressuscité l'affirme lui-même. Il dit aux
apôtres assemblés : « C'est là ce
que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous ; il
fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la
loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes.
Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Écritures.
Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ
souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre les morts le troisième
jour » [33].
Jean-Baptiste,
dont le ministère précéda immédiatement
celui du Christ, proclama la venue de Quelqu'un qui serait plus
puissant que lui, de Quelqu'un qui baptiserait du Saint-Esprit, et
reconnut formellement Jésus de Nazareth comme étant ce
Quelqu'un, le Fils de Dieu, l'Agneau qui prendrait sur lui le fardeau
des péchés du monde [34].
Les
prédictions que nous avons citées jusqu'à
présent et qui ont trait à la vie, au ministère
et à la mort du Seigneur Jésus sont les paroles
prononcées par des prophètes qui, à l'exception
d'Adam et d'Énoch, vécurent et moururent au
Moyen-Orient. À l'exception de Jean-Baptiste, ils
appartiennent tous à l'Ancien Testament, et Jean-Baptiste,
contemporain du Christ dans la mortalité, apparaît dans
les premiers chapitres des évangiles. Il est important de
savoir que les Écritures des Amériques déclarent
d'une manière tout aussi explicite la grande vérité
que le Fils de Dieu naîtrait dans la chair. Le Livre de Mormon
contient l'histoire d'une colonie d'Israélites, de la tribu de
Joseph, qui quitta Jérusalem en 600 av. J.-C. durant le règne
de Sédécias, roi de Juda, à la veille de la
conquête de Juda par Nebucadnetsar et de la captivité
babylonienne. Cette colonie fut conduite par la direction divine vers
les Amériques, où elle s'accrut pour former un peuple
nombreux et puissant ; toutefois, divisé par la
dissension, celui-ci donna naissance à deux nations opposées,
les Néphites et les Lamanites. Ceux-là cultivèrent
les arts de l'industrie et du raffinement et conservèrent un
document écrit contenant à la fois de l'histoire et des
Écritures, tandis que ceux-ci dégénérèrent
et s'avilirent. L'extinction des Néphites se produisit vers
400 ap. J.-C., mais les Lamanites continuèrent à
exister dans leur état dégénéré.
Leurs descendants sont aujourd'hui les Amérindiens [35].
Dès
leur début, et jusqu'à l'époque de la naissance
de notre Seigneur, les annales néphites prédisent et
promettent abondamment la venue du Christ ; et cette chronique
est suivie d'un récit rapportant la visite en personne du
Sauveur ressuscité aux Néphites et l'établissement
de son Église parmi eux. Le Seigneur révéla à
Léhi, chef de la colonie, l'époque, le lieu et la
manière dont se produirait l'avènement alors futur du
Christ, en même temps que beaucoup de faits importants de son
ministère et l'œuvre préparatoire de Jean le
Précurseur. Cette révélation fut donnée
tandis que le groupe voyageait dans le désert d'Arabie avant
de traverser les grandes eaux.
Voici
comment Néphi, fils de Léhi et son successeur à
l'appel prophétique, formule la prophétie : « Et
aussi, que six cents ans après le départ de mon père
de Jérusalem, le Seigneur Dieu susciterait un prophète
parmi les juifs, même un Messie, ou, en d'autres termes, un
Sauveur du monde. Et il leur parla aussi des prophètes, leur
montrant combien était considérable le nombre de ceux
qui avaient rendu témoignage de ce Messie, ou de ce Rédempteur
du monde dont il avait parlé. Et que tout le genre humain
était dans un état de chute et de perdition et le
serait toujours, à moins qu'il n'ait recours à ce
Rédempteur. Et il parla aussi d'un prophète qui devait
précéder le Messie afin de préparer la voie du
Seigneur. Et qui irait, criant dans le désert : Préparez
la voie du Seigneur ; aplanissez ses sentiers, car il y en a un
parmi vous que vous ne connaissez point ; et il est plus
puissant que moi ; et je ne suis pas digne de délier la
courroie de ses chaussures. Et mon père parla beaucoup de
cela. Mon père dit que celui-là baptiserait à
Béthabara, au-delà du Jourdain ; et il dit aussi
qu'il baptiserait d'eau ; et même qu'il baptiserait d'eau
le Messie. Et que lorsqu'il aurait baptisé d'eau le Messie, il
verrait et rendrait témoignage d'avoir baptisé l'Agneau
de Dieu, qui allait effacer les péchés du monde. Et
lorsque mon père eut dit ces paroles, il parla à mes
frères de l'Évangile qui serait prêché
parmi les Juifs, et aussi de l'incrédulité dans
laquelle les Juifs tomberaient. Et qu'ils tueraient le Messie qui
devait venir, et qu'après avoir été tué,
il ressusciterait d'entre les morts et se manifesterait par le
Saint-Esprit aux Gentils » [36].
Néphi
écrit encore plus tard, n'agissant plus en qualité de
scribe de son père mais comme prophète et révélateur,
héraut de la parole de Dieu qui lui a été
révélée. Il lui permit d'avoir une vision et
d'exposer à son peuple les circonstances de la naissance du
Messie, son baptême par Jean et le ministère du
Saint-Esprit avec le signe de la colombe qui l'accompagnerait ;
il vit notre Seigneur parmi le peuple, comme un Maître de
justice, guérissant les affligés et réprimandant
les esprits du mal ; il vit et rapporta les scènes
terribles du Calvaire ; il vit et prédit l'appel des
douze élus, les apôtres de l'Agneau, car c'est ainsi que
les nommait Celui qui lui accordait cette vision. Il parla en outre
de l'iniquité des Juifs, qu'il vit en conflit avec les
apôtres ; et ainsi prend fin cette importante prophétie :
« Et l'ange du Seigneur me parla de nouveau, disant :
C'est ainsi que seront détruites toutes les nations, toutes
les familles, langues et peuples qui combattront les douze apôtres
de l'Agneau » [37]. Peu après la défection
qui établit la distinction entre les Néphites et les
Lamanites, Jacob, frère de Néphi, poursuivit la lignée
prophétique en assurant que le Messie viendrait, précisant
que son ministère se situerait à Jérusalem et
affirmant que sa mort expiatoire était nécessaire,
c'était le moyen prévu pour racheter les hommes [38].
Le prophète Abinadi, dénonçant hardiment les
péchés du méchant roi Noé, prêcha à
propos du Christ qui devait venir [39] ; et Benjamin, le
juste, qui était à la fois prophète et roi,
proclama la même vérité à son peuple vers
125 av. J.-C. C'est ce qu'enseigna encore Alma [40] dans son
exhortation inspirée à son fils dépravé,
Corianton ; et c'est ce que fit également Amulek [41]
dans sa querelle avec Zeezrom. Le prophète lamanite, Samuel,
proclama la même chose, cinq ans seulement avant que
l'événement même ne se produisît ; en
outre, il précisa les signes qui révéleraient
aux peuples des Amériques la naissance de Jésus en
Judée. Il dit : « Voici, je vous donne un
signe ; encore cinq ans, et voici, le Fils de Dieu vient
racheter tous ceux qui croiront à son nom. Et voici, je vous
donnerai ceci comme signe au moment de sa venue ; car voici, il
y aura de grandes lumières dans les cieux, au point que la
nuit qui précédera sa venue, il n'y aura pas de
ténèbres, en sorte qu'il semblera à l'homme
qu'il fait jour. C'est pourquoi, il y aura un jour, une nuit et un
jour, comme si c'était un jour sans nuit ; et ce sera
pour vous un signe ; car vous verrez le lever du soleil et son
coucher ; c'est pourquoi, on saura avec certitude qu'il y aura
deux jours et une nuit ; néanmoins, la nuit ne sera pas
assombrie ; et ce sera la nuit qui précédera sa
naissance. Et voici, une nouvelle étoile se lèvera,
telle que vous n'en avez jamais vue, et cela aussi vous sera un
signe. Et voici, ce n'est pas tout, il y aura beaucoup de signes et
de prodiges dans le ciel » [42].
Ainsi
donc les Écritures de l'Ancien et du Nouveau monde et à
toutes les époques pré-chrétiennes témoignèrent
solennellement que l'avènement du Messie était
certain ; c'est ainsi que les saints prophètes de jadis
proclamèrent la parole de la révélation
prédisant la venue du Roi et du Seigneur du monde, par qui
seul la révélation est donnée, et la rédemption
de la mort assurée. Il est caractéristique des
prophètes envoyés de Dieu qu'ils possèdent et
proclament l'assurance personnelle concernant le Christ, car de
témoignage de Jésus est l'esprit de la
prophétie » [43]. Jamais aucune parole de la
prophétie inspirée relative au grand événement
ne s'est avérée vaine. L'accomplissement littéral
des prédictions atteste amplement que leur origine se trouve
dans la révélation divine et prouve de manière
concluante la divinité de celui dont la venue fut prédite
si abondamment.
[1]
Dt 31:9, 24-26 ; cf. 17:18-20.
[2]
Articles de Foi, p. 298-301.
[3]
Gn 3:15 ; cf. Hé 2:14, Ap 12:9, 20:3.
[4]
PGP, Moïse 5:6-9. Note 1, fin du chapitre.
[5]
PGP, Moïse 6:52, étudier les versets 50-56 ; voir
aussi Gn 5:18, 21-24, Jude 14. Note 4, fin du chapitre.
[6]
Gn 12:3, 18:18, 22:18, 26:4, 28:14 ; cf. Actes 3:25, Ga 3:8.
[7]
Gn 49:10.
[8]
Note 2, fin du chapitre.
[9]
Dt 18:15-19 ; cf. Jean 1:45, Actes 3:22, 7:37 ; voir aussi
la confirmation formelle de notre Seigneur après sa
résurrection, 3 Néphi 20:23.
[10]
Note 1, fin du chapitre.
[11]
1 Co 5:7. On trouvera le Christ qualifié d'Agneau de Dieu dans
Jean 1:29, 36, 1 Pierre 1:19, Ap chap. 5, 6, 7, 12, 13, 14, 15, 17,
19, 21, 22 ; en outre LM, 1 Néphi 10:10, et les chap. 11,
12, 13, 14 ; 2 Néphi 31:4, 5, 6 ; 33:14, Alma 7:14,
Mormon 9:2, 3, D&A 58:11, 132:19.
[12]
Job 19:25 ; voir aussi versets 26-27.
[13]
Exemples : Ps 2:7 ; cf. Actes 13:33, Hé 1:5, 5:5. Ps
16:10 ; cf. Actes 13:34-37. Ps 22:18 ; cf. Mt 27:35, Marc
15:24, Luc 23:34, Jean 19:24. Ps 41:9 ; cf. Jean 13:18. Ps 69:9
et 21 ; cf. Mt 27:34, 48, Marc 15:23, Jean 19:29 et Jean 2:17.
Ps 110:1 et 4 ; cf. Mt 22:44, Marc 12:35-37, Luc 20:41-44 et Hé
5:6. Ps 118:22, 23 ; cf. Mt 21:42, Marc 12:10, Luc 20:17, Actes
4:11, Ep 2:20, 1 Pierre 2:4, 7. Les psaumes suivants sont considérés
comme psaumes messianiques : 2, 21, 22, 45, 67, 69, 89,
96, 110, 132 ; le psalmiste y exalte poétiquement les
excellences du Messie et la certitude de sa venue.
[14]
Es 7:14 ; cf. Mt 1:21-23.
[15]
Es 9:5, 6.
[16]
Luc 1:26-33.
[17]
Es 11:1 et 10 ; cf, Rm 15:12, Ap 5:5,22:16 ; aussi Jr
23:5,6.
[18]
Es 28:16 ; cf. Ps 118:22, Mt 21:42, Actes 4:11, Rm 9:33, 10:11,
Ep 2:20, 1 Pierre 2:6-8.
[19]
Es 40:9-11 ; cf. jean 10: 11, 14, Hé 13:20, 1 Pierre
2:25, 5:4 ; voir aussi Ez 34:23.
[20]
Es 42:1 ; voir aussi 9:2, 49:6, 60:3 ; cf. Mt 4:14-16, Luc
2:32, Actes 13:47 ; 26:18, Ep 5:8,14.
[21]
Es 55:4 ; cf. Jean 18:37.
[22]
Es 40:3 ; cf. Mt 3:3, Marc 1:3, Luc 3:4, Jean 1:23.
[23]
Es 53 ; étudier le chapitre entier ; cf. Actes
8:32-35.
[24]
Jr 23:5, 6 ; voir aussi 33:14-16.
[25]
Jr 30:9.
[26]
Ez 34:23, 37:24, 25.
[27]
Os 11:11 ; cf. Mt 2:15
[28]
Mi 5:2 ; cf. Mt 2:6, Jean 7:42.
[29]
Za 9:9 ; cf. Mt 21:4-9.
[30]
Za 12:10 ; cf. Jean 19:37.
[31]
Za 13:6.
[32]
Za 11: 12,13 ; cf. Mt 26:15, 27:3-10.
[33]
Luc 24:44, 46 ; voir aussi versets 25:27.
[34]
Mt 3:11, Marc 1:8, Luc 3:16, Jean 1:15, 26,27, 29-36 ; voir
aussi Actes 1:5, 8, 11:16,19:4.
[35]
Note 3, fin du chapitre.
[36]
LM, 1 Néphi 10:4-11.
[37]
LM, 1 Néphi chapitres 11 et 12 ; voir aussi 19:10.
[38]
LM, 2 Néphi 9:5, 6 ; 10:3. Voir aussi la prophétie
de Néphi 25:12-14 ; et chap.26.
[39]
LM, Mosiah 13:33-35 ; 15:1-13.
[40]
LM, Alma 39:15, 40:1-3.
[41]
LM, Alma 11:31-44.
[42]
LM, Hélaman 14:1-6 ; cf. 3 Néphi 1:4-21.
[43]
Ap 19: 10.
NOTES
DU CHAPITRE 5
1.
Le sacrifice, prototype de la mort expiatoire du Christ, est très
ancien : Bien que le texte biblique atteste expressément
que des sacrifices étaient offerts longtemps avant l'exode
d'Israël hors d'Égypte - par exemple par Abel et par Caïn
(Gn 4:3,4), par Noé après le déluge (Gn 8:20),
par Abraham (Gn 22:2, 13), par Jacob (Gn 31:54, 46: 1) - il garde le
silence sur l'origine divine du sacrifice, exigence propitiatoire qui
préfigurait la mort expiatoire de Jésus-Christ. Tous
les chercheurs, à part ceux qui reconnaissent la validité
de la révélation moderne, reconnaissent leur difficulté
à déterminer l'époque et les circonstances dans
lesquelles l'offrande de sacrifices symboliques prit naissance parmi
les hommes. Beaucoup de savants spécialistes de la Bible ont
affirmé la nécessité de supposer que Dieu donna
très tôt des instructions à l'homme à ce
sujet. C'est ainsi que l'auteur de l'article « Sacrifice »,
dans le Bible Dictionary, de Cassel dit : « L'idée
de sacrifice est dominante dans toutes les Écritures ;
c'est l'un des rites les plus anciens et les plus généralement
reconnus de la religion dans le monde entier. Il existe aussi une
similarité remarquable dans le développement et les
applications de cette idée. Pour cette raison et pour d'autres
encore on a conclu que le sacrifice faisait partie intégrante
du culte originel de l'homme, et que son universalité n'est
pas uniquement un argument indirect en faveur de l'unité du
genre humain, mais également une illustration et une
confirmation des premières pages inspirées de
l'histoire du monde. On ne peut guère considérer l'idée
de sacrifice comme le produit de la nature humaine livrée à
elle-même, et on doit par conséquent la faire remonter à
une source plus élevée et la considérer comme
une révélation divine à l'homme primitif. »
Le
Dictionary of the Bible, de Smith, déclare ce qui suit :
« Lorsque nous retraçons l'histoire du sacrifice de
son origine à son développement parfait dans le rituel
mosaïque, nous nous trouvons immédiatement face à
la question longuement controversée de l'origine du sacrifice,
le point étant de savoir s'il naquit d'un instinct naturel de
l'homme, sanctionné et guidé par Dieu, ou s'il fut le
sujet d'une révélation originelle distincte. Il est
indubitable que le sacrifice a été sanctionné
par la Loi de Dieu, dans le sens particulier et typique du sacrifice
expiatoire du Christ ; le fait qu'on le retrouve partout,
indépendamment des raisonnements naturels de l'homme sur ses
rapports avec Dieu et souvent en opposition à ceux-ci, montre
qu'il est très ancien et était profondément
enraciné dans les instincts de l'humanité. Quant à
savoir s'il fut imposé au début par un commandement
externe ou fut basé sur le sentiment de péché et
de perte de la communion avec Dieu que sa main a gravé dans le
cœur de l'homme - cela est une question historique, peut-être
insoluble. »
La
difficulté disparaît, et la « question
historique » quant à l'origine du sacrifice est
définitivement résolue par les révélations
de Dieu à notre époque, grâce auxquelles des
parties du Livre de Moïse qui ne se trouvent pas dans la Bible -
ont été rendues à la connaissance humaine.
L'Écriture citée dans le texte (p. 51, 52) montre
clairement qu'après sa transgression, Adam reçut
l'ordre d'offrir des sacrifices et que le sens de ce rite divinement
établi fut pleinement expliqué au patriarche du genre
humain. L'effusion du sang d'animaux en sacrifice à Dieu comme
préfiguration « du sacrifice du Fils unique du
Père » remonte à l'époque qui suivit
immédiatement la chute. Son origine se base sur une révélation
précise faite à Adam. Voir PGP, Moïse 5:5-8.
2.
Prophétie de Jacob concernant le « Chilo » [ou
Silo] : La prédiction du patriarche Jacob - que le
sceptre ne s'éloignerait point de Juda avant la venue du Chilo
- a donné lieu à beaucoup de discussions parmi les
spécialistes de la Bible. Certains prétendent que
« Silo » est un nom de lieu et pas un nom de
personne. Il ne fait aucun doute qu'il existait un lieu de ce nom
(voir Josué 18:1, 19:51, 21:2, 22:9, 1 S 1:3, Jr 7:12) ;
mais le nom qui apparaît dans Gn 49:10 est clairement un nom de
personne. On doit savoir que l'utilisation du mot dans la version du
roi Jacques ou version autorisée de la Bible est considérée
comme correcte par beaucoup d'autorités éminentes. Nous
lisons ainsi, dans le Commentary on the Holy Bible, par Dummelow :
« Juifs et chrétiens ont toujours considéré
ce verset comme une prophétie remarquable de la venue du
Messie... Selon la définition donnée plus haut, le
verset tout entier prédit que Juda conserverait l'autorité
jusqu'à l'avènement du souverain légitime, le
Messie, auprès de qui tous les peuples se rassembleraient. Et
on peut dire d'une manière générale que les
dernières traces de pouvoir législatif juif (qui
reposait sur le sanhédrin) ne disparurent pas avant la venue
du Christ et la destruction de Jérusalem, date à partir
de laquelle son royaume a été établi parmi les
hommes. »
Adam
Clarke, dans l'ouvrage très approfondi qu'est son Commentaire
de la Bible, analyse brièvement les objections élevées
par ceux qui considèrent que l'on ne peut pas admettre que ce
passage s'applique à l'avènement du Messie, et les
rejette en affirmant qu'elles n'ont aucun fondement. Voici ce qu'il
conclut concernant la signification du passage : « Juda
continuera d'exister comme une tribu distincte jusqu'à
l'avènement du Messie, et c'est ce qui est arrivé ;
et après sa venue il fut confondu avec les autres, de sorte
que toute distinction a été perdue depuis lors. »
Le
professeur Douglas, cité dans le Dictionnaire de Smith,
« affirme que quelque chose est resté du sceptre de
Juda - une éclipse totale ne prouvant pas que le jour est
terminé - que l'accomplissement proprement dit de la prophétie
ne commença qu'à l'époque de David et fut
consommée dans le Christ selon Luc 1:32, 33 ».
Le
sens accepté du mot par dérivation est « paisible »,
et cela peut s'appliquer aux attributs du Christ qui, dans Es 9:5,
est appelé le Prince de la paix.
Eusèbe,
qui vécut entre 260 et 339 ap. J.-C., et que l'on connaît
dans l'histoire ecclésiastique comme l'évêque de
Césarée, écrivit : « À
l'époque du règne d'Hérode, qui fut le premier
étranger à gouverner le peuple juif, la prophétie
rapportée par Moïse reçut son accomplissement, à
savoir qu'un prince ne manquerait jamais en Juda, ni un souverain de
ses reins, jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel cela est
réservé. Celui que les nations attendent. »
(Le passage que nous venons de citer se trouve dans la version des
Septante de la Gn 49:10.)
Certains
critiques ont prétendu qu'en se servant du mot « Chilo »
Jacob n'avait pas du tout l'intention de l'utiliser comme nom propre.
L'auteur de l'article « Chilo » dans le Bible
Dictionary, de Cassell, dit : « La majorité
des preuves est en faveur de l'interprétation messianique,
mais les opinions sont très divergentes quand il s'agit de
considérer le mot « Chilo » comme nom
propre... En dépit de toutes les objections que l'on soulève
contre l'idée de le considérer ainsi, nous sommes
d'avis que c'est à bon droit qu'on le considère comme
nom propre, et que la version anglaise représente le sens
véritable de ce passage. Nous recommandons à ceux qui
désirent approfondir davantage une question que l'on ne peut
guère discuter sans la critique hébraïque les
excellentes notes sur Gn 49:10 dans le « Commentary on the
Pentateuch », par Keil & Delizsch. Le texte y est
rendu de la manière suivante : « Le sceptre ne
s'éloignera point de Juda, ni le bâton du souverain
d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne le Chilo, et que les
nations lui rendent volontairement obéissance. »
« En
dépit de l'objection de certains auteurs, même de la
part de ceux de qui on ne l'attendrait pas, contre l'interprétation
messianique, nous voyons que les événements de
l'histoire confirment cette explication au lieu de l'affaiblir. Le
texte n'est pas pris dans le sens que Juda ne serait jamais privé
d'un souverain à lui, mais que le pouvoir royal ne
disparaîtrait finalement de Juda que lorsque le Chilo serait
venu. Les objections basées sur la captivité
babylonienne et autres interruptions de ce genre n'ont aucun
fondement, parce que c'est de la fin définitive qu'il est
question, et celle-ci ne se produisit qu'après l'époque
du Christ. » Voir en outre The Book of
Prophecy, par G. Smith LL.D. ; p. 320. Voir aussi Compendium of
the Doctrines of the Gospel, par Franklin D. Richards et James A.
Little, article « Christ's First Coming ».
3.
Néphites et Lamanites : Les ancêtres de la nation
néphite furent emmenés de Jérusalem, en 600 av.
J.-C., par Léhi, prophète juif de la tribu de Manassé.
Sa famille immédiate, à l'époque de leur départ
de Jérusalem, comprenait sa femme, Sariah, et leurs fils,
Laman, Lémuel, Sam et Néphi ; à un stade
ultérieur de leur histoire des filles sont mentionnées,
mais on ne nous dit pas s'il y en eut parmi elles qui naquirent avant
l'exode de la famille. Outre sa propre maison, la colonie de Léhi
comprenait Zoram et Ismaël, ce dernier étant Israélite
de la tribu d'Éphraïm ; Ismaël et sa famille se
joignirent au groupe de Léhi dans le désert, et ses
descendants furent comptés avec la nation dont nous parlons.
Il apparaît qu'ils voyagèrent plus ou moins vers le
sud-est, en restant à proximité du rivage de la mer
Rouge ; ensuite, changeant leur orientation vers l'est, ils
traversèrent la péninsule arabique, et là, sur
les rives de la mer d'Oman, ils construisirent un navire, qu'ils
chargèrent de provisions et dans lequel ils s'en remirent à
la providence divine sur les flots. Leur navigation les emmena vers
l'est, à travers l'océan Indien, puis à travers
le Pacifique jusqu'à la côte occidentale de l'Amérique,
où ils débarquèrent (590 av. J.-C.)... Le peuple
s'établit sur ce qui était pour lui la Terre Promise ;
de nombreux enfants naquirent et, après quelques générations,
le pays fut occupé par une postérité nombreuse.
Après la mort de Léhi, le peuple se divisa, une partie
reconnaissant comme chef Néphi, qui avait été
dûment désigné à l'office de prophète,
tandis que l'autre partie proclamait Laman, le fils aîné
de Léhi, comme son chef. Dès lors les deux groupes de
ce peuple maintenant divisé prirent respectivement le nom de
Néphites et de Lamanites. Par intervalles, ils observaient
entre eux un semblant de relations amicales ; mais généralement,
ils furent ennemis, les Lamanites manifestant une hostilité et
une haine implacables envers leurs frères Néphites. Les
Néphites se développèrent dans les arts de la
civilisation, bâtirent de grandes villes et des royaumes
prospères. Cependant ils tombaient souvent en transgression,
et le Seigneur les châtiait en permettant à leurs
ennemis héréditaires de les vaincre. Ils se répandirent
vers le nord pour occuper un territoire considérable en
Amérique Centrale et s'étendirent ensuite vers l'est et
vers le nord sur une partie de ce qui est maintenant les États-Unis
d'Amérique. Les Lamanites, tout en croissant en nombre,
subirent la malédiction du courroux divin ; ils devinrent
sombres de peau et enténébrés d'esprit,
oublièrent le Dieu de leurs pères, menèrent une
vie nomade, sauvage et dégénérée pour en
arriver à l'état déchu dans lequel les
Amérindiens - leurs descendants en ligne directe - furent
trouvés par ceux qui redécouvrirent les Amériques
beaucoup plus tard (voir les Articles de Foi, de l'auteur, p.
320-322).
4.
La première dispensation de l'Évangile :
L'Évangile de Jésus-Christ fut révélé
à Adam. La foi en Dieu le Père éternel, et en
son Fils, le Sauveur d'Adam et de toute sa postérité,
le repentir du péché, le baptême d'eau par
immersion et le don divin du Saint-Esprit furent proclamés au
commencement de l'histoire humaine comme étant les éléments
essentiels du salut. Les Écritures suivantes attestent ce
fait. « Et ainsi l'Évangile commença à
être prêché dès le commencement, étant
proclamé par des saints anges envoyés de la présence
de Dieu, par sa propre voix et par le don du Saint-Esprit »
(Moïse 5:58). Le prophète Énoch témoigna de
la manière suivante : « Mais Dieu a fait
savoir à nos pères que tous les hommes doivent se
repentir. Et il appela notre père Adam de sa propre voix,
disant : « Je suis Dieu ; j'ai fait le monde, et
les hommes avant qu'ils ne fussent dans la chair. Et il lui dit
également : Si tu veux te tourner vers moi, écouter
ma voix, croire, te repentir de toutes tes transgressions et être
baptisé, même dans l'eau, au nom du Fils unique, qui est
plein de grâce et de vérité, lequel est
Jésus-Christ, le seul nom qui sera donné sous les cieux
par lequel le salut viendra aux enfants des hommes, tu recevras le
don du Saint-Esprit, et tu demanderas tout en son nom, et tout ce que
tu demanderas te sera donné » (Moïse 6:50-52 ;
lire également 53-61). « Et maintenant, voici, je
vous le dis, tel est le plan de salut pour tous les hommes par le
sang de mon Fils unique qui viendra au midi des temps (62). »
« Lorsque le Seigneur eut parlé avec Adam, notre
père, Adam invoqua le Seigneur, fut enlevé par l'Esprit
du Seigneur, emporté dans l'eau, immergé sous l'eau et
sorti de l'eau. C'est ainsi qu'il fut baptisé, et l'Esprit du
Seigneur descendit sur lui et c'est ainsi qu'il naquit de l'Esprit,
et il fut vivifié dans l'homme intérieur. Et il
entendit une voix venant des cieux, disant : Tu es baptisé
de feu et du Saint-Esprit. C'est là le témoignage du
Père et du Fils, dorénavant et à jamais »
(64-66). Comparez D&A 29:42.
CHAPITRE
6 : LE MIDI DES TEMPS
L'histoire
du genre humain, passée et future par rapport à son
époque, fut révélée à Moïse,
à qui le Seigneur parla « face à face, comme
un homme parle à son ami » [1]. Et Moïse
reconnut que l'avènement du Rédempteur était
l'événement le plus important parmi tous ceux dont la
terre et ses habitants seraient témoins. La malédiction
de Dieu était déjà tombée sur les
méchants, et sur la terre à cause d'eux, « car
ils ne voulaient pas écouter sa voix ni croire en son Fils
unique, à savoir celui qu'il avait déclaré
devoir venir au midi des temps, et qui était préparé
dès avant la fondation du monde » [2]. C'est
dans cette Écriture très ancienne qu'apparaît
pour la première fois le nom expressif et profondément
significatif qui devait désigner la période à
laquelle le Christ apparaîtrait - le midi des temps. Si l'on
considère l'expression comme figurée, que l'on se
souvienne que l'image provient du Seigneur.
Le
terme « midi » tel qu'on l'utilise
habituellement, exprime l'idée d'une division majeure du
temps [3] ; c'est ainsi que nous parlons du matin (avant
midi) et de l'après-midi. De même les années et
les siècles de l'histoire humaine sont divisés par le
grand événement de la naissance de Jésus-Christ.
Les années précédant cet événement
central sont maintenant désignées comme ayant eu lieu
avant Jésus-Christ (av. J.-C.) ; et les années qui
le suivent, par l'expression après Jésus-Christ (ap.
J.-C.). C'est ainsi que la chronologie du monde a été
adaptée et calculée systématiquement par rapport
au moment de la naissance du Sauveur, et cette méthode de
calcul est utilisée parmi toutes les nations chrétiennes.
Il est instructif de remarquer qu'un système semblable fut
adopté par la branche isolée de la Maison d'Israël
qui avait été amenée de la Palestine au
continent américain ; car à partir de l'apparition
du signe promis parmi le peuple, indiquant la naissance de Celui qui
avait été si abondamment prédit par ses
prophètes, le calcul néphite des années, qui
commençait avec le départ de Léhi et de sa
colonie de Jérusalem, fut remplacé par les annales de
la nouvelle ère [4].
L'époque
de l'avènement du Sauveur avait été choisie à
l'avance, et elle avait été exactement révélée
par l'intermédiaire de prophètes autorisés dans
chacun des deux mondes. La longue histoire de la nation israélite
s'était déroulée en une succession d'événements
qui trouvèrent un point culminant relatif dans la mission
terrestre du Messie. Afin de mieux comprendre le sens véritable
de la vie et du ministère du Seigneur tandis qu'il était
dans la chair, nous devons étudier un peu la situation
politique, sociale et religieuse du peuple parmi lequel il apparut,
vécut et mourut. Cette étude exige que nous fassions au
moins une brève révision de l'histoire antérieure
de la nation hébraïque. La postérité
d'Abraham par Isaac et Jacob avait pris très tôt le
titre dont elle devait tirer une fierté immortelle et où
elle devait trouver une promesse édifiante : Israélites
ou enfants d'Israël [5]. C'est ainsi qu'on les désignait
collectivement pendant les jours sombres de leur esclavage en
Égypte [6] ; c'est ainsi qu'on les appela pendant
les quatre décennies de l'exode et le retour à la terre
de promission [7] ; et on continua à les appeler
ainsi pendant toute la période de leur prospérité,
lorsqu'ils étaient un peuple puissant sous l'administration
des Juges, et une monarchie unie pendant les règnes successifs
de Saül, David et Salomon [8].
Immédiatement
après la mort de Salomon, vers 975 av. J.-C. selon la
chronologie la plus généralement acceptée, la
nation fut démembrée par la révolte. La tribu de
Juda, une partie de la tribu de Benjamin et de petits restants de
quelques autres tribus restèrent fidèles à la
succession royale et acceptèrent Roboam, fils de Salomon, pour
roi ; tandis que le reste, que l'on appelle ordinairement les
dix tribus, rompirent leur serment de fidélité à
la maison de David et firent de Jéroboam, un Éphraïmite,
leur roi. Les dix tribus conservèrent le titre de Royaume
d'Israël bien qu'on les ait également appelées
Éphraïm [9]. Pour les distinguer, on appela Roboam
et ses adhérents le Royaume de Juda. Pendant deux cent
cinquante ans environ, les deux royaumes conservèrent leur
autonomie séparée ; puis, vers 722 ou 721 av.
J.-C., l'indépendance du Royaume d'Israël fut détruite,
et le peuple captif fut déporté en Assyrie par
Salmanasar et d'autres. Par la suite il disparut si complètement
qu'on l'appela les Tribus Perdues. Le Royaume de Juda fut reconnu
comme nation pendant cent trente ans encore ; puis, vers 588 av.
J.-C., il fut asservi par Nebucadnetsar, qui inaugura la captivité
babylonienne. À la suite de sa transgression, Juda fut
maintenu en exil et en esclavage virtuels pendant soixante-dix ans
comme cela avait été prédit par l'intermédiaire
de Jérémie [10]. Puis le Seigneur adoucit le cœur
de ses vainqueurs, et son rétablissement fut commencé
sous le décret de Cyrus le Perse, qui avait vaincu le royaume
babylonien. Le peuple hébreu reçut la permission de
retourner en Juda et d'entreprendre le travail de reconstruction du
temple à Jérusalem [11].
Une
grande compagnie des Hébreux exilés profitèrent
de cette occasion de retourner sur les terres de leurs pères,
mais beaucoup choisirent de demeurer dans le pays de leur captivité,
préférant Babylone à Israël. « L'assemblée
tout entière » des Juifs qui retournèrent de
l'exil de Babylone ne se composait que de « quarante-deux
mille trois cent soixante personnes, sans compter leurs serviteurs et
leurs servantes, au nombre de sept mille trois cent trente-sept ».
L'importance numérique relativement réduite de la
nation émigrante est encore montrée par la nomenclature
de leurs animaux de bât [12]. Bien que ceux qui
retournèrent s'efforçassent vaillamment de se reformer
en Maison de David et de regagner une certaine mesure de leur
prestige et de leur gloire passés, les Juifs ne furent plus
jamais un peuple vraiment indépendant. La Grèce,
l'Égypte et l'Assyrie en firent tour à tour leur
proie ; mais vers 164-163 av. J.-C., le peuple rejeta, du moins
en partie, le joug étranger, à la suite de la révolte
patriotique conduite par les Maccabées, dont le plus important
était Judas Maccabée. Le service du temple, qui avait
été pratiquement aboli par la proscription des ennemis
victorieux, fut rétabli [13]. En 163 av. J.-C., le
bâtiment sacré fut redédié, et cette
joyeuse occasion fut célébrée dès lors
dans une fête annuelle appelée fête de la
Dédicace [14]. Mais pendant le règne des Maccabées
le temple tomba en ruines, plus à cause de l'incapacité
du peuple réduit et appauvri de l'entretenir que par déclin
du zèle religieux. Dans l'espoir d'assurer une plus grande
protection nationale, les Juifs firent alliance avec les Romains et
finirent par devenir leurs tributaires. La nation juive continua
d'exister dans cet état pendant toute la période du
ministère de notre Seigneur. Au midi des temps, Rome était
virtuellement la maîtresse du monde. Lorsque le Christ naquit,
César Auguste [15] était empereur de Rome, et
Hérode l'Iduméen, surnommé le Grand, était
le roi vassal de Judée.
Les
Juifs conservèrent un semblant d'autonomie nationale sous la
domination romaine, et leur cérémonial religieux ne fut
pas sérieusement entravé. Les ordres établis de
la prêtrise étaient reconnus, et les actes officiels du
conseil national ou sanhédrin [16] étaient
considérés par les Romains comme faisant force de loi ;
toutefois les pouvoirs judiciaires de cette assemblée ne lui
permettaient pas d'infliger de peine capitale sans la sanction de
l'exécutif impérial. La politique traditionnelle de
Rome était d'accorder à ses peuples tributaires et
vassaux la liberté de culte tant que les divinités
mythologiques, chères aux Romains, n'étaient pas
maltraitées ni leurs autels profanés [17].
Il
n'est pas besoin de dire que les Juifs n'acceptèrent pas de
bon gré la domination étrangère, quoiqu'ils
eussent été formés à cette expérience
pendant de nombreuses générations, leur état
d'asservissement ayant oscillé entre la vassalité de
nom et l'esclavage réel. Ils étaient déjà
en grande partie un peuple dispersé. Tous les Juifs de
Palestine à l'époque de la naissance du Christ ne
constituaient qu'un petit reste de la grande nation davidique. Les
dix tribus, qui constituaient l'ancien royaume d'Israël, étaient
perdues depuis longtemps pour l'histoire, et le peuple de Juda avait
été éparpillé au loin parmi les nations.
Dans
leurs rapports avec les autres peuples, les Juifs s'efforçaient
généralement de rester une société
hautainement renfermée, ce qui les fit ridiculiser par les
Gentils. Sous la loi mosaïque, Israël avait reçu
l'ordre de se tenir à part des autres nations ; les Juifs
attachaient une importance suprême à leur lignage
abrahamique qui faisait d'eux les enfants de l'alliance, « un
peuple saint pour l'Éternel », qu'il avait choisi
pour qu'il fût « un peuple qui lui appartienne en
propre parmi tous les peuples qui sont à la surface de la
terre » [18]. Juda avait fait l'expérience des
effets désastreux du badinage avec les nations païennes,
et à l'époque que nous considérons pour le
moment, un Juif qui se permettait des relations inutiles avec un
Gentil devenait un être impur qui avait besoin d'être
purifié cérémoniellement pour être délivré
de sa souillure. Ce n'est que dans un isolement strict que les
dirigeants trouvaient l'espoir d'assurer la perpétuité
de la nation.
Il
n'est pas exagéré de dire que les Juifs haïssaient
tous les autres peuples et étaient réciproquement
méprisés par tous les autres. Ils manifestaient une
haine toute spéciale pour les Samaritains, peut-être
parce que ce peuple persistait dans ses efforts pour établir
une prétention à une parenté raciale. Ces
Samaritains étaient un peuple mêlé, et les juifs
les considéraient comme des bâtards indignes d'un
respect vrai. Quand les dix tribus furent emmenées en
captivité par le roi d'Assyrie, des étrangers furent
envoyés peupler la Samarie [19]. Ceux-ci se marièrent
avec les Israélites qui avaient échappé à
la captivité, et des modifications de la religion d'Israël,
comprenant au moins la profession du culte de Jéhovah,
survécurent en Samarie. Les Juifs considéraient les
rituels samaritains comme peu orthodoxes, et le peuple comme des
réprouvés. À l'époque du Christ,
l'inimitié entre Juif et Samaritain était si intense
que les voyageurs qui allaient de Judée en Galilée
faisaient de longs détours pour ne pas traverser la province
de Samarie qui se trouvait entre les deux. Les Juifs ne voulaient
rien avoir de commun avec les Samaritains [20].
Le
fier sentiment d'indépendance, l'obsession du repli sur
soi-même et de l'isolement - traits si caractéristiquement
juifs à l'époque - étaient inculqués dès
l'enfance et soulignés à la synagogue et à
l'école. Le Talmud [21] qui, sous sa forme codifiée,
est ultérieur à l'époque du ministère du
Christ, interdisait à tous les Juifs la lecture des livres de
nations étrangères, déclarant qu'aucun de ceux
qui commettaient pareille faute ne pouvait logiquement espérer
la faveur de Jéhovah [22]. Josèphe approuve ce
commandement et écrit que la sagesse pour les Juifs signifiait
uniquement : bien connaître la loi et être capable
d'en discuter [23]. La connaissance approfondie de la loi était
exigée aussi formellement que les autres études étaient
interdites. C'est ainsi que la limite entre les savants et les
ignorants devint rigidement fixée ; et il s'ensuivit
inévitablement que ceux que l'on estimait savants, ou qui se
considéraient comme tels, regardaient leurs congénères
non cultivés comme une classe distincte et inférieure [24].
Longtemps
avant la naissance du Christ, les Juifs avaient cessé d'être
un peuple uni, même en matière de loi, bien qu'ils se
reposassent principalement sur la loi pour conserver leur solidarité
nationale. Soixante ans après le retour de l'exil babylonien
déjà, et nous ne savons pas exactement combien de temps
auparavant, on avait commencé à reconnaître, en
tant qu'hommes ayant l'autorité, certains savants que l'on
appela plus tard scribes et que l'on nomma rabbis [25] ou
docteurs. À l'époque d'Esdras et de Néhémie,
ces spécialistes de la loi constituaient une classe noble, à
qui on rendait respect et honneur. On appelle Esdras « sacrificateur
et scribe, qui transcrivait les paroles commandées et
prescrites par l'Éternel au sujet d'Israël » [26].
Les scribes de l'époque rendirent des services précieux
sous la direction d'Esdras, et plus tard sous la direction de
Néhémie, à compiler les écrits sacrés
qui existaient à l'époque ; et dans l'usage juif,
ceux qui étaient chargés d'être les gardiens et
les interprètes de la loi prirent le nom de membres de la
Grande Synagogue ou Grande Assemblée, au sujet desquels les
voies canoniques nous donnent peu de renseignements. Selon le Talmud,
l'organisation se composait de cent vingt savants éminents.
L'ampleur de leurs travaux, selon l'exhortation qu'ils perpétuaient
traditionnellement eux-mêmes, est définie de la manière
suivante : Soyez prudents dans le jugement, établissez de
nombreux savants et dressez une clôture autour de la loi. Ils
suivaient ce commandement en étudiant attentivement et en
examinant soigneusement tous les détails traditionnels de
l'administration, en multipliant les scribes et les rabbis, et, selon
l'interprétation que certains d'entre eux donnaient à
leurs devoirs d'établir de nombreux savants, en écrivant
beaucoup de livres et de traités ; en outre, ils
établirent une clôture autour de la loi en ajoutant de
nombreuses règles qui prescrivaient avec une grande précision
les conventions officielles pour chaque occasion.
Le
peuple tenait les scribes et les rabbis en très haute estime,
supérieure encore à celle qu'ils manifestaient pour
l'ordre des lévites ou des prêtres ; et les décrets
rabbiniques prenaient le pas sur les paroles des prophètes,
puisqu'on ne considérait ces derniers que comme des messagers
ou des porte-parole, tandis que les savants vivants étaient
d'eux-mêmes des sources de sagesse et d'autorité. Les
pouvoirs séculiers que la société romaine
permettait aux juges de conserver reposaient sur la hiérarchie
dont les membres étaient capables de s'octroyer pratiquement
tous les honneurs officiels et professionnels. Le résultat
naturel de cette situation fut qu'il n'y avait pratiquement aucune
distinction entre la loi civile et la loi ecclésiastique, que
ce fût quant au code ou quant à l'administration. Un
élément essentiel du rabbinisme était la
doctrine selon laquelle la tradition rabbinique orale avait une
autorité égale à la parole écrite de la
loi. L'exaltation que provoquait l'application du titre « rabbi »
et l'orgueil manifesté par ceux qui recevaient ce genre
d'adulation étaient particulièrement interdits par le
Seigneur, qui se proclamait lui-même le seul Maître ;
et, pour ce qui est de l'interprétation du titre de « père »
que certains détenaient, Jésus proclama qu'il n'y avait
qu'un seul Père et qu'il se trouvait au ciel : « Mais
vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre
Maître, et vous êtes tous frères. Et n'appelez
personne sur la terre père, car un seul est votre Père,
celui qui est dans les cieux. Ne vous faites pas appeler directeurs,
car un seul est votre Directeur, le Christ » [27].
Les
scribes, qu'ils aient été nommés de la sorte ou
par l'appellation plus distinguée de rabbi, furent dénoncés
de multiples fois par Jésus, parce que leurs enseignements
n'étaient que lettre morte, et que l'esprit de justice et de
moralité viriles en était absent ; et dans ses
dénonciations, les Pharisiens sont souvent accolés aux
scribes. Le jugement que le Christ portait sur eux est suffisamment
exprimé par son imprécation flétrissante :
« Malheur à vous, scribes et Pharisiens
hypocrites [28] ! »
L'époque
ou les circonstances de l'origine des Pharisiens ne sont pas fixées
par une autorité indiscutable ; bien qu'il soit probable
que cette confession ou ce parti naquit lors du retour des Juifs de
la captivité babylonienne. Les Juifs qui s'étaient
imprégnés de l'esprit de Babylone promulguèrent
de nouvelles idées et des conceptions supplémentaires
quant à la signification de la loi, et les innovations qui en
résultèrent furent acceptées par les uns et
rejetées par les autres. Le nom « Pharisien »
n'apparaît pas dans l'Ancien Testament ni dans les apocryphes,
bien qu'il soit probable que les Assidéens mentionnés
dans les livres des Maccabées [29] aient été
les Pharisiens originels. Par dérivation le nom exprime l'idée
de séparatisme ; le Pharisien, comme l'estimait sa
classe, était tout spécialement mis à part du
commun, auquel il se considérait aussi véritablement
supérieur que les Juifs se considéraient eux-mêmes
par rapport aux autres nations. Les Pharisiens et les scribes étaient
unis dans tous les points essentiels de ce qu'ils professaient, et le
rabbinisme était leur doctrine officielle.
Dans
le Nouveau Testament, les Pharisiens sont souvent mentionnés
en opposition aux Sadducéens ; et les rapports entre les
deux partis étaient tels qu'il est plus facile de les opposer
les uns aux autres que de les étudier séparément.
Les Sadducéens naquirent sous forme d'organisation
réactionnaire au cours du deuxième siècle avant
Jésus-Christ, lors d'un mouvement d'insurrection contre le
parti maccabéen. Leur programme consistait en une campagne
d'opposition à la masse sans cesse croissante de pratiques
traditionnelles, qui non seulement entouraient la loi d'une clôture
pour la protéger, mais sous lesquelles elle était
également ensevelie. Les Sadducéens étaient
partisans de la sainteté de la loi telle qu'elle avait été
écrite et conservée, et rejetaient toute la masse des
préceptes rabbiniques, tant ceux qui avaient été
transmis oralement que ceux qui avaient été
collationnés et codifiés dans les écrits des
scribes. Les Pharisiens constituaient le parti le plus populaire, les
Sadducéens représentaient une minorité
aristocratique. À l'époque de la naissance du Christ,
les Pharisiens constituaient un corps organisé au nombre de
plus de six mille hommes, les femmes juives étant
sympathisantes et collaborant généralement avec
eux [30] tandis que les Sadducéens étaient une
faction tellement réduite et au pouvoir si limité que,
lorsqu'on les plaçait dans des postes officiels, ils suivaient
généralement la politique des Pharisiens parce que
c'était plus profitable. Les Pharisiens étaient les
Puritains de l'époque, exigeant d'une manière
inflexible que l'on se conformât aux règles
traditionnelles aussi bien qu'à la loi originelle de Moïse.
Notez à ce propos la profession de foi et de pratique de Paul
lorsqu'il fut mis en accusation devant Agrippa : « J'ai
vécu en Pharisien, selon le parti le plus rigide de notre
religion » [31]. Les Sadducéens se targuaient
de se conformer strictement à la loi, telle qu'ils la
comprenaient, en dépit de tous les scribes ou rabbis. Les
Sadducéens étaient partisans du temple et de ses
ordonnances prescrites, les Pharisiens, de la synagogue et de ses
enseignements rabbiniques. Il est difficile de décider
lesquels étaient les plus techniques si nous jugeons chaque
parti par le critère de sa propre profession. Voici une
illustration : les Sadducéens étaient pour
l'application littérale et complète du châtiment
mosaïque : oeil pour oeil, dent pour dent [32], tandis
que les Pharisiens disaient, en vertu des décrets rabbiniques,
que cette formule devait être comprise au sens figuré,
et que, par conséquent, le châtiment pouvait consister
en une amende d'argent ou de biens.
Pharisiens
et Sadducéens différaient sur beaucoup de sujets
importants sinon fondamentaux de croyance et de pratique, y compris
la préexistence des esprits, la réalité d'un
état futur impliquant la récompense et la punition, la
nécessité de l'abnégation personnelle,
l'immortalité de l'âme et la résurrection d'entre
les morts, points sur lesquels les Pharisiens étaient
affirmatifs tandis que les Sadducéens optaient pour la
négative [33]. Josèphe déclare que la
doctrine des Sadducéens est que l'âme et le corps
périssent ensemble ; la loi est tout ce qu'ils se
soucient d'observer [34]. Ils étaient « une
école sceptique de traditionalistes aristocratiques,
n'adhérant qu'à la loi mosaïque » [35].
Parmi
les nombreux autres partis et confessions établis à la
suite de différences religieuses ou politiques ou des deux, il
faut compter les Esséniens, les naziréens, les
Hérodiens et les Galiléens. Les Esséniens se
caractérisaient par des professions d'une extrême
piété ; ils considéraient que même la
profession stricte des Pharisiens était faible et
insuffisante ; pour devenir membre de leur ordre, il fallait se
soumettre à des exigences sévères s'étendant
tout au long d'un premier et d'un second noviciat ; il leur
était même interdit de toucher de la nourriture préparée
par des étrangers ; ils pratiquaient une tempérance
stricte et une abnégation rigide, se livraient à un
travail dur - de préférence à l'agriculture, et
il leur était interdit de faire du commerce comme marchands,
de participer à la guerre ou de posséder ou d'employer
des esclaves [36]. Les naziréens ne sont pas cités
dans le Nouveau Testament, bien qu'ils soient mentionnés
officiellement dans les Écritures plus anciennes [37] ;
et dans des sources autres que scripturaires nous apprenons leur
existence à l'époque du Christ et après. Le
naziréen pouvait être de sexe masculin ou féminin ;
il était astreint à l'abstinence et au sacrifice par un
vœu volontaire de servir spécialement Dieu ; la
durée du vœu pouvait être limitée ou à
vie. Alors que les Esséniens cultivaient une fraternité
ascétique, les naziréens étaient consacrés
à une discipline solitaire.
Les
Hérodiens constituent un parti politique ou religieux qui
favorisait les plans des Hérode tout en professant croire que
ce n'était que par cette dynastie que les statuts du peuple
juif devaient être maintenus et que le rétablissement de
la nation pouvait être assuré. Nous voyons les Hérodiens
laisser de côté leurs antipathies partisanes et agir de
concert avec les Pharisiens pour essayer de condamner le Seigneur
Jésus et le conduire à la mort [38]. Les Galiléens
ou peuple de Galilée se distinguaient de leurs compatriotes de
Judée par une simplicité plus grande et une dévotion
moins criarde en matière de loi. Ils étaient opposés
aux innovations, et cependant ils étaient généralement
plus libéraux ou plus larges d'esprit que certains des Judéens
qui se disaient dévots. Ils étaient bien connus comme
défenseurs capables dans les guerres du peuple et s'étaient
acquis une réputation de bravoure et de patriotisme. On parle
d'eux à propos de certains événements tragiques
qui se produisirent du vivant de notre Seigneur [39].
Les
juifs reconnaissaient extérieurement l'autorité de la
prêtrise à l'époque du Christ, et l'ordre des
services requis pour les prêtres et les lévites était
dignement observé. Pendant le règne de David, les
descendants d'Aaron, qui étaient les prêtres
héréditaires d'Israël, avaient été
répartis en vingt-quatre classes [40], et chaque classe
assurait tour à tour les travaux du sanctuaire. Les
représentants de quatre classes seulement revinrent de
captivité, mais on reconstitua de parmi ceux-ci les ordres
suivant le plan originel. Du temps d'Hérode le Grand, les
cérémonies du temple se déroulaient avec un
grand déploiement de fastes extérieurs, cela étant
essentiel pour assurer la conformité avec la splendeur de
l'édifice, qui surpassait en magnificence tous les sanctuaires
précédents [41]. C'est pourquoi on avait
constamment besoin de prêtres et de lévites, bien que
les individus fussent changés à de brefs intervalles
selon le système établi. Aux yeux du peuple, les
prêtres étaient inférieurs aux rabbis, et on
attribuait plus d'honneur à l'érudition du scribe qu'à
l'ordination à la prêtrise. La religion de l'époque
était une question de cérémonies et de
conventions, de rituels et d'actions ; elle avait perdu l'esprit
même du culte, et la vraie conception des rapports entre Israël
et le Dieu d'Israël n'était plus qu'un rêve du
passé.
Tels
étaient en bref les traits principaux de l'état du
monde, en particulier en ce qui concerne le peuple juif, lorsque
Jésus, le Christ, naquit au midi des temps.
[1]
Ex 33:11 ; voir aussi Nb 12:8, Dt 34:10 ; cf. PGP, Moïse
1:2, 11, 31.
[2]
PGP, Moïse 5:57 ; on trouvera mention ultérieure du
« midi des temps » 6:56-62 et 7:46 ; et
cf. D&A 20:26 et 39:3.
[3]
« Méridien (ou midi) : . . . au figuré,
le point le plus haut ou point culminant de tout le zénith ;
comme : le méridien (midi) de la vie. » - New
Stand. Dict.
[4]
LM, 3 Néphi 2:8 ; cf. 4 Néphi 1:1, 21 ;
Mormon 8:6, Moroni 10:1.
[5]
Gn 32:28 ; 35:10.
[6]
Ex 1:1, 7, 9:6, 7, 12:3, etc.
[7]
Ex 12:35, 40, 13:19, 15: 1, Nb 20:1, 19, 24, etc.
[8]
Voir mentions partout dans les livres des Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et
2 Rois et les références qui y sont données.
[9]
Es 11: 13, 17:3, Ez 37:16-22, Os 4:17.
[10]
Jr 25:11,12 ; voir aussi 29:10.
[11]
Esd 1:1-4 ; l'auteur, La Maison du Seigneur, p. 46-50 ;
aussi, Articles de Foi, chap. 17.
[12]
Esd 2:64-67.
[13]
La Maison du Seigneur, p. 50, 51.
[14]
Josèphe, Ant. XII :6 et 7, 2 Maccabées 2:19,
10:1-8, ainsi que Jean 10:22.
[15]
Luc 2: 1.
[16]
Note 1, fin du chapitre.
[17]
Note 6, fin du chapitre.
[18]
Dt 7:6 ; voir aussi 10: 15, Ex 19:5,6, Ps 135:4, Es 41:8, 45:4 ;
cf. 1 Pierre 2:9.
[19]
2 Rois 17:24.
[20]
Jean 4:9, Luc 9:51-53. Chap. 13 du présent ouvrage.
[21]
Note 2, fin du chapitre.
[22]
Talmud Bab., Sanhédrin, 90.
[23]
Josèphe, Antiquités XX, 11:2.
[24]
Notez combien cette distinction est soulignée dans Jean
7:45-49 ; voir aussi 9:34.
[25]
Note 3, fin du chapitre.
[26]
Esd 7:11 ; voir aussi versets 6, 10, 12.
[27]
Mt 23:8-10 ; voir aussi Jean 1:38, 3:2.
[28]
Mt 23:13, 14, 15, 23, etc. lire tout le chapitre ; cf. Marc
12:38-40, Luc 20:46 ; voir aussi les exemples de dénonciation
spéciale des Pharisiens dans Luc 11:37-44. Remarquez aussi que
les docteurs de la loi qui étaient professionnellement
associés aux scribes sont inclus dans cette critique sévère :
versets 45-54.Voir chap. 31 du présent ouvrage.
[29]
Maccabées 2:42, 7:13-17, 2 Maccabées 14:6.
[30]
Josèphe, Antiquités XVII, 2:4.
[31]
Actes 26:5 ; voir aussi 23:6, Ph 3:5.
[32]
Ex 21:23-35, Lv 24:20, Dt 19:21 ; contraster Mt 5:38-44.
[33]
Note 4, fin du chapitre.
[34]
Josèphe, Antiquités XVIII, 1:4.
[35]
New Stand. Dict., sous « Sadducees ».
[36]
Josèphe, Antiquités XVIII, 1:5.
[37]
Nb 6:2-21, Juges 13:5, 7, 16:17, Amos 2:11, 12. Chap. 7 du présent
ouvrage, notes.
[38]
Mt 22:15, 16, Marc 12:13.
[39]
Luc 13:1, 2 ; voir aussi Jean 4:45, Marc 14:70, Actes 2:7.
[40]
1 Ch 24:1-18.
[41]
Note 5, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 6
1.
Le sanhédrin : Cette institution, tribunal suprême
ou grand conseil des Juifs, tire son nom du grec sunedrion,
signifiant « conseil ». Le Talmud fait remonter
l'origine de cette assemblée à l'appel des soixante-dix
anciens que Moïse prit avec lui, faisant soixante et onze en
tout, pour administrer Israël en tant que juges (Nb Il :
16,17). À l'époque du Christ, comme déjà
longtemps auparavant, le sanhédrin se composait de soixante et
onze membres, y compris le grand prêtre qui dirigeait
l'assemblée. Il semble avoir été appelé,
dans sa période la plus ancienne, « Sénat »,
et à l'occasion c'est ainsi qu'on l'appela après la
mort du Christ (Josèphe, Antiquités XII 3:3 ;
comparer avec Actes 5:21) ; le nom sanhédrin entra dans
l'usage au cours du règne d'Hérode le Grand.
L'extrait
suivant du Standard Bible Dictionary est instructif : « Ceux
qui étaient qualifiés pour être membres
appartenaient généralement à la caste des
prêtres et tout particulièrement à la noblesse
sadducéenne. Mais à partir de l'époque de la
reine Alexandra (69-68 av. J.-C.), il s'y trouva également,
outre ces prêtres principaux, beaucoup de Pharisiens sous les
noms de scribes et d'anciens. Ces trois classes sont combinées
dans Mt 27:41, Marc 11:27,14:43, 53, 15: 1. Nous ne savons pas bien
comment on nommait ces membres. Le caractère aristocratique de
cette assemblée et l'histoire de son origine nous interdisent
de croire que cela se faisait par élections. Son noyau se
composait probablement des membres de certaines familles anciennes
auxquelles les gouverneurs séculiers en ajoutaient cependant
d'autres de temps en temps. L'officier président était
le souverain sacrificateur, qui exerça tout d'abord plus que
l'autorité d'un membre, réclamant une voix égale
à celle du reste de l'assemblée. Mais lorsque la haute
prêtrise fut réduite, de l'office héréditaire
qu'elle était, à un office conféré par le
gouverneur politique selon son plaisir, et après les
changements fréquents dans l'office introduits par le nouveau
système, le souverain sacrificateur perdit naturellement son
prestige. Au lieu de tenir entre ses mains le « gouvernement
de la nation », il finit par ne plus être que l'un
de ceux, et ils étaient nombreux, qui se partageaient ce
pouvoir ; ceux qui avaient été souverains
sacrificateurs étaient toujours estimés par la nation,
et, ayant perdu leur office pour une raison que le sentiment
religieux de la communauté ne pouvait considérer comme
valide, exerçaient une profonde influence sur les décisions
de l'assemblée. Dans le Nouveau Testament, on les considère
comme les souverains (Mt 26:59, 27:41, Actes 4:5,8, Luc 23:13,35,
Jean 7:26), et le témoignage de Josèphe confirme ce
point de vue. Les fonctions du sanhédrin étaient
religieuses et morales, et aussi politiques. En cette dernière
qualité, il exerçait en outre des fonctions
administratives aussi bien que judiciaires. Tribunal religieux, le
sanhédrin exerçait une influence puissante sur le monde
juif tout entier (Actes 9:2) ; mais en qualité de
tribunal, après la division du pays à la mort d'Hérode,
sa juridiction fut limitée à la Judée. Mais là
son pouvoir était absolu au point même de prononcer la
sentence de mort (Josèphe, Ant. XIV, 9:3, 4 Mt 26:3, Actes
4:5, 6:12, 22:30), bien qu'il n'eût pas l'autorité
d'exécuter la sentence tant que celle-ci n'était pas
approuvée et commandée par le représentant du
gouvernement romain. La loi selon laquelle le sanhédrin
gouvernait était naturellement la loi juive, et pour
l'appliquer ce tribunal avait une police à lui et procédait
à des arrestations à sa discrétion (Mt 26:47)...
Bien que l'autorité générale du sanhédrin
s'étendit sur toute la Judée, les villes du pays
avaient des conseils locaux à elles (Mt 5:22, 10:17, Marc
13:9, Josèphe, B. J. 11, 14: 1), pour l'administration des
affaires locales. Ceux-ci se composaient d'anciens (Luc 7:3), au
nombre de sept au moins (Josèphe, Ant. IV, 8:14, B. J. 11,
20:5), pouvant aller jusqu'à vingt-trois dans les grandes
villes. On ne connaît pas exactement les rapports qu'ils
entretenaient avec le conseil central de Jérusalem... Ils se
reconnaissaient mutuellement dans une certaine mesure, car lorsque
les juges du tribunal local ne pouvaient pas se mettre d'accord, il
semble qu'ils avaient l'habitude de soumettre leur cas au sanhédrin
de Jérusalem (Josèphe, Ant. IV, 8:14, Michna, Sanh.
11:2). »
2.
Talmud : « Ensemble des lois civiles et religieuses
juives (et les discussions qui s'y rapportent directement ou de loin)
qui ne sont pas contenues dans le Pentateuque, comprenant communément
la Michna et la Guémara, mais limitées parfois à
cette dernière ; écrit en araméen. Il
existe en deux grandes collections, le Talmud palestinien, ou Talmud
du pays d'Israël, ou Talmud de l'Ouest, ou, plus populairement,
le Talmud de Jérusalem, comprenant les discussions de la
Michna des docteurs palestiniens du deuxième jusqu'au milieu
du cinquième siècle ; et le babylonien comprenant
les docteurs juifs de Babylonie, de 190 environ jusqu'au 7e siècle. »
- New Standard Dict. La Michna comprend les parties les plus
anciennes du Talmud ; la Guémara est composée
d'écrits ultérieurs et consiste surtout en une
explication de la Michna. À elle seule une édition du
Talmud babylonien (publiée à Vienne en 1682) comprenait
vingt-quatre tomes (Geikie).
3.
Rabbis : Le titre « rabbi » est équivalent
à nos appellations « docteur » ou
« maître ». Par dérivation, il
signifie « maître » ou « mon
maître », comportant ainsi une idée de
dignité et de rang associée à une manière
polie de s'adresser à l'intéressé. Jean (1:38)
explique clairement le terme, et il faut lui donner le même
sens dans l'usage qu'en fait Matthieu (23:8). Il fut appliqué
en plusieurs occasions comme titre de respect à Jésus
(Mt 23:7,8 ; 26:25, 49 ; Marc 9:5, 11:21, 14:45, Jean 1:38,
49 ; 3:2, 26 ; 4:31 ; 6:25 ; 9:2 ; 11:8). À
l'époque du Christ, le titre était d'un usage
relativement récent, car il semble n'être entré
dans l'usage que durant le règne d'Hérode le Grand,
bien que les docteurs antérieurs, qui étaient de la
classe des rabbis, sans en porter le nom, fussent universellement
respectés ; c'est plus tard que l'usage leur décerna
ce titre. Rab était un titre inférieur à celui
de « rabbi », et « rabban »
lui était supérieur. Rabbouni exprimait le respect,
l'amour et l'honneur les plus profonds (voir Jean 20:16). À
l'époque du ministère de notre Seigneur, les rabbis
étaient tenus en haute estime et se réjouissaient de la
précédence et des honneurs que les hommes leur
accordaient. Ils appartenaient presque exclusivement au puissant
parti pharisien.
Ce
qui suit est tiré de Life and Words of Christ, de Geikie, vol.
1, chap. 6: « Si les personnages les plus importants de la
société à l'époque du Christ étaient
les Pharisiens, c'est parce qu'ils étaient des rabbis ou
docteurs de la Loi. Comme tels on les honorait superstitieusement, ce
qui était en fait pour beaucoup la grande raison pour laquelle
ils courtisaient le titre ou se joignaient au parti. Les rabbis
étaient classés avec Moïse, les patriarches et les
prophètes, et prétendaient être respectés
autant qu'eux. On disait que Jacob et Joseph avaient été
rabbis tous les deux. Le Targum de Jonathan substitue rabbis ou
scribes au mot « prophètes » là
où ce dernier apparaît. Josèphe appelle les
prophètes de l'époque de Saül des rabbis. Dans le
Targum de Jérusalem, tous les patriarches sont des rabbis
savants... Ils devaient être plus chers à Israël
que leurs père et mère - parce que les parents ne
servent que dans ce monde [comme on l'enseignait alors], mais le
rabbi était pour l'éternité. On les plaçait
au-dessus des rois, car n'est-il pas écrit : « À
travers moi règnent les rois » ? Leur
apparition dans une maison apportait une bénédiction ;
vivre ou manger avec eux était la plus grande des bonnes
fortunes... Les rabbis allaient encore plus loin pour exalter leur
ordre. La Michna déclare que c'est un crime plus grand de dire
quoi que ce soit en leur défaveur que de parler contre les
paroles de la Loi... Cependant, selon les apparences extérieures,
la Loi était l'objet d'honneurs sans limite. Toutes les
paroles des rabbis devaient être basées sur des paroles
de la Loi, lesquelles étaient cependant expliquées à
leur manière. L'esprit des temps, le fanatisme farouche du
peuple et leur propre parti pris les poussaient à n'accorder
d'importance qu'à des cérémonies et à des
formalités extérieures sans valeur, négligeant
absolument l'esprit des écrits sacrés. Cependant on
considérait que la Loi n'avait pas besoin d'être
confirmée, tandis que les paroles des rabbis devaient l'être.
Dans la mesure où l'autorité romaine sous laquelle ils
vivaient les laissait libres, les Juifs mettaient de bon cœur
tous pouvoirs entre les mains des rabbis. Eux ou ceux qu'ils
nommaient remplissaient tous les offices, des plus élevés
dans la prêtrise jusqu'aux plus bas dans la communauté.
Ils étaient les casuistes, les instructeurs, les prêtres,
les juges, les magistrats et les médecins de la nation... La
caractéristique centrale et dominante de l'enseignement des
rabbis était la certitude de l'avènement d'un grand
Libérateur national - le Messie ou Oint de Dieu ou, dans la
traduction grecque du titre, le Christ. Chez aucune nation autre que
les Juifs, pareille conception n'a jamais pris racine à ce
point ou n'a montré autant de vitalité... Les rabbis
s'accordaient pour dire que le lieu de sa naissance devait être
Bethléhem et qu'il devait sortir de la tribu de Juda. »
Des
rabbis isolés réunissaient des disciples autour d'eux,
et inévitablement des rivalités s'ensuivaient. Des
écoles et des académies rabbiniques furent établies,
la popularité de chacune dépendant de la grandeur de
quelque rabbi. Les plus célèbres de ces institutions à
l'époque d'Hérode 1er furent l'école de Hillel
et celle de son rival Chammaï. Plus tard, la tradition leur
conféra le titre « Ies anciens pères ».
À en juger par les points insignifiants sur lesquels les
disciples de ces deux rabbis se disputaient, ce n'était que
grâce à l'opposition que l'un et l'autre pouvaient
conserver un statut distinct. Hillel est considéré
comme le grand-père de Gamaliel, le rabbi et docteur de la loi
aux pieds duquel Saül de Tarse, plus tard Paul l'apôtre,
reçut sa première formation (Actes 22:3). Dans la
mesure où les documents historiques des points de vue,
principes ou croyances défendus par les écoles rivales
de Hillel et Chammaï nous permettent d'en juger, il semble que
le premier ait été partisan d'une plus grande mesure de
libéralité et de tolérance, tandis que le
dernier insistait sur une interprétation stricte et
probablement étroite de la loi et des traditions qui lui
étaient associées. Le fait que les écoles
rabbiniques dépendaient de l'autorité de la tradition
est illustré par un incident rapporté par des documents
montrant que même le prestige du grand Hillel ne le protégea
pas contre une émeute un jour qu'il parlait sans citer de
précédent ; ce n'est que quand il eut ajouté
que ses maîtres Abtalion et Chemajah avaient parlé de
même que le tumulte s'apaisa.
4.
Les Sadducéens nient la résurrection : Comme le
texte le déclare les Sadducéens formaient une
association dont l'importance numérique était réduite
par comparaison avec les Pharisiens plus populaires et plus
influents. Dans les évangiles, les Pharisiens sont souvent
cités et sont très communément associés
aux scribes, tandis que les Sadducéens sont nommés
moins fréquemment. Dans les Actes des Apôtres, les
Sadducéens apparaissent souvent comme adversaires de l'Église.
Cette situation provenait certainement de l'insistance que les thèmes
de la prédication apostolique apportait à la
résurrection des morts, les Douze témoignant
constamment de la réalité de la résurrection du
Christ. La doctrine des Sadducéens niait la réalité
et la possibilité d'une résurrection corporelle, leurs
prétentions reposant principalement sur le fait que Moïse,
qui était considéré comme le législateur
mortel suprême d'Israël, et le porte-parole principal de
Jéhovah, n'avait rien écrit sur la vie après la
mort. Ce qui suit est tiré du Dictionary of the Bible, de
Smith, article « Sadducees », à ce
propos : « L'idée que la résurrection
de l'homme après la mort était impossible était,
dans la conception des Sadducéens, la conclusion logique de
leur refus d'admettre que Moïse avait révélé
la loi orale aux Israélites. Car sur un sujet aussi capital
qu'une deuxième vie au-delà de la tombe, aucun parti
religieux parmi les Juifs ne se serait considéré obligé
d'accepter une doctrine quelconque comme article de foi, si elle
n'avait été proclamée par Moïse, leur grand
législateur ; et il est certain que dans la loi écrite
du Pentateuque, Moïse ne dit absolument rien sur la résurrection
des morts. Le fait est présenté aux chrétiens
d'une manière frappante par les paroles bien connues du
Pentateuque que cite le Christ lorsqu'il discute avec les Sadducéens
à ce sujet (Ex 3:6, 16 ; Marc 12:26,27 ; Mt
22:31,32 ; Luc 20:37). Il est indubitable qu'en pareil cas le
Christ citerait à ses puissants adversaires le texte le plus
applicable de la Loi ; et cependant le texte qu'il cite ne fait
guère plus que suggérer une allusion à cette
grande doctrine. Il est vrai que des passages en d'autres parties de
l'Ancien Testament expriment une croyance en la résurrection
(Es 26:19, Dn 12:2, Job 19:26, et dans certains des Psaumes) ;
et il peut paraître surprenant, à première vue,
que les Sadducéens n'aient pas été convaincus
par l'autorité de ces passages. Mais bien que les Sadducéens
considérassent les livres qui contenaient ces passages comme
sacrés, il est plus que douteux qu'aucun des Juifs les ait
considérés comme sacrés dans exactement le même
sens que la loi écrite. Pour les Juifs, Moïse était
et est une figure colossale dont l'autorité surpasse celle de
tous les prophètes ultérieurs. »
5.
Le temple d'Hérode : « Le but que poursuivait
Hérode en entreprenant cette grande oeuvre était de se
grandir lui-même et de grandir la nation, plutôt que de
rendre hommage à Jéhovah. Sa proposition de
reconstruire ou de restaurer le temple sur une échelle plus
grande et plus magnifique fut considérée comme suspecte
et accueillie avec méfiance par les Juifs : quand
l'ancien édifice serait démoli, ce monarque arbitraire
était bien capable d'abandonner son projet et de laisser le
peuple dépourvu de temple. Pour dissiper ces craintes, le roi
se mit en devoir de reconstruire et de restaurer le vieil édifice,
partie par partie, en dirigeant le travail de telle manière
qu'à aucun moment le service du temple ne fût
sérieusement perturbé. On ne conserva cependant que si
peu de l'ancienne construction, que le temple d'Hérode doit
être regardé comme une création nouvelle. L'œuvre
fut entreprise environ seize ans avant la naissance du Christ ;
et, alors que la maison sainte proprement dite était
pratiquement achevée en un an et demi - cette partie de
l'ouvrage ayant été exécutée par un
millier de prêtres spécialement entraînés
dans ce but - l'emplacement du temple fut témoin de travaux
ininterrompus de construction jusqu'en 63 après J.-C. Nous
apprenons qu'à l'époque du ministère du Christ,
le temple était en reconstruction depuis quarante-six ans ;
et à ce moment il n'était pas encore achevé.
« Le
texte biblique ne nous donne guère de renseignements
concernant ce dernier temple, le plus grand de l'antiquité ;
ce que nous en savons, nous le devons principalement à
Josèphe, avec à l'appui quelques témoignages
trouvés dans le Talmud. Dans tous ses traits essentiels, la
maison sainte, ou temple proprement dit, était semblable aux
deux maisons ou sanctuaires antérieurs, quoiqu'il fût,
extérieurement, bien plus compliqué et plus imposant
qu'eux ; le temple d'Hérode, en effet, les surclassait de
loin sur le chapitre des cours d'enceinte et des bâtiments
annexes... Et pourtant, sa beauté, sa grandeur, résidaient
plutôt dans sa perfection architecturale que dans la sainteté
du culte ou dans la manifestation de la présence divine à
l'intérieur de ses murs. Le rituel, les cérémonies
étaient surtout d'inspiration humaine, car, tandis que l'on se
targuait d'observer la lettre de la loi de Moïse, cette loi
avait été complétée et sur de nombreux
points remplacée par la tradition et les prescriptions
sacerdotales. Les Juifs affectaient de le considérer comme
saint, et ce sont eux qui le proclamaient « maison du
Seigneur ». Quoiqu'il fût dépourvu des
manifestations divines qui avaient accompagné les autres
sanctuaires acceptés par Dieu, et quoiqu'il fût souillé
par l'arrogance des prêtres usurpateurs aussi bien que par des
intérêts mercenaires égoïstes, il fut
cependant reconnu, même par notre Seigneur Jésus-Christ,
comme la maison de son Père (Mt 21:12 ; comparer avec
Marc 11:15 et Luc 19:45)... Pendant encore trente ans ou davantage
après la mort du Christ, les Juifs continuèrent
d'aménager et d'embellir les bâtiments du temple. Le
plan complexe conçu et projeté par Hérode avait
été pratiquement mené à bien ; le
temple était pour ainsi dire achevé et, comme il
apparut bientôt après, il était prêt pour
la destruction. Son destin avait été nettement prédit
par le Sauveur lui-même. » - (La Maison du Seigneur,
de l'auteur, p. 43-49.)
6.
État du monde à l'époque de la naissance du
Sauveur : Au commencement de l'ère chrétienne, les
Juifs, comme la plupart des autres nations, étaient sujets de
l'empire romain. On leur accordait une mesure considérable de
liberté dans la préservation de leurs observances
religieuses et de leurs coutumes nationales en général,
mais leur statut était loin d'être celui d'un peuple
libre et indépendant. L'époque était une période
de paix relative, un temps marqué par moins de guerres et
moins de dissensions que l'empire n'en connaissait depuis de
nombreuses années. Cette situation était favorable à
la mission du Christ et à la fondation de son Église
sur la terre. Les systèmes religieux qui existaient à
l'époque du ministère terrestre du Christ peuvent être
classifiés d'une manière générale sous
les rubriques Juif et Païen, avec un système mineur - le
Samaritain - qui était essentiellement un mélange des
deux autres. Seuls les enfants d'Israël proclamaient l'existence
du Dieu vrai et vivant ; eux seuls espéraient et
attendaient l'avènement du Messie qu'ils considéraient
erronément comme un futur conquérant qui viendrait
écraser les ennemis de leur nation. Toutes les autres nations,
langues et peuples se prosternaient devant les divinités
païennes, et leur culte ne se composait de rien d'autre que des
rites sensuels de l'idolâtrie païenne. Le paganisme était
une religion de formes et de cérémonies, basée
sur le polythéisme - croyance en l'existence d'une multitude
de dieux, divinités sujettes à tous les vices et à
toutes les passions de l'humanité et se distinguant par leur
immunité à la mort. La morale et la vertu étaient
étrangères au service païen ; et l'idée
dominante du culte païen était de se rendre les dieux
favorables dans l'espoir d'écarter leur colère et
d'acheter leurs faveurs. (Voir La grande apostasie, de l'auteur,
1:2-4, et les notes suivant le chapitre cité.)
CHAPITRE
7 : GABRIEL ANNONCE JEAN ET JÉSUS
JEAN,
LE PRÉCURSEUR
Parallèlement
aux prophéties sur la naissance du Christ, on trouve des
prédictions concernant un homme qui le précéderait,
allant devant lui pour préparer la voie. Il n'est pas
surprenant que l'annonciation de l'avènement du Précurseur
ait été rapidement suivie par celle du Messie, ni que
les proclamations aient été faites par le même
ambassadeur céleste, Gabriel, envoyé de la présence
de Dieu [1].
Quelque
quinze mois avant la naissance du Sauveur, Zacharie, prêtre de
l'ordre aaronique, officiait selon les fonctions de son office au
temple de Jérusalem. Sa femme, Elisabeth, était
également d'une famille de prêtres, puisqu'elle comptait
parmi les descendants d'Aaron. Elizabeth et Zacharie n'avaient jamais
eu la bénédiction d'avoir des enfants, et à
l'époque dont nous parlons, ils étaient tous deux
avancés en âge et avaient tristement abandonné
l'espoir d'avoir une postérité. Zacharie appartenait à
la classe de prêtres nommés selon Abija et connus plus
tard sous le nom de classe d'Abia. C'était la huitième
dans l'ordre des vingt-quatre classes établies par David, le
roi, chaque classe étant chargée de servir tour à
tour pendant une semaine au sanctuaire [2].
On
se souviendra que lorsque le peuple revint de Babylone, quatre
seulement des classes étaient représentées, mais
que chacune de ces quatre classes comptait en moyenne plus de mille
quatre cents hommes [3].
Au
cours de sa semaine de service, il était requis de chaque
prêtre qu'il conservât scrupuleusement un état de
pureté cérémonielle de sa personne ; il
devait s'abstenir de tout autre vin et de toute autre nourriture que
ceux qui étaient spécialement prescrits ; il
devait se baigner fréquemment ; il vivait dans l'enceinte
du temple et était ainsi séparé de sa famille ;
il ne lui était pas permis de s'approcher des morts ni de
prendre le deuil officiel si la mort le privait même de sa
parenté la plus proche et la plus chère. Nous apprenons
que la sélection quotidienne du prêtre qui devait entrer
dans le Saint et y brûler de l'encens sur l'autel doré
était déterminée par le sort [4] ;
l'histoire non scripturaire nous apprend en outre qu'à cause
du grand nombre des prêtres, l'honneur de remplir pareil office
tombait rarement deux fois sur la même personne.
Ce
jour-là, le sort était tombé sur Zacharie.
C'était une occasion très solennelle dans la vie de
l'humble prêtre judéen - ce jour unique de sa vie
pendant lequel ce service spécial et particulièrement
sacré était requis de lui. Dans le Saint, seul le voile
du temple le séparait de l'Oracle ou Saint des Saints - le
sanctuaire intérieur dans lequel nul autre que le grand prêtre
ne pouvait entrer, et ce uniquement le jour des expiations, après
une longue préparation cérémonielle [5]. Le
lieu et le moment portaient aux sentiments les plus élevés
et les plus respectueux. Pendant que Zacharie remplissait ses
fonctions dans le Saint, le peuple qui se trouvait à
l'extérieur se prosternait en prières, attendant que
les nuages d'encens apparussent au-dessus de la grande cloison qui
formait la barrière entre le lieu de l'assemblée
générale et le Saint, et que le prêtre réapparût
et prononçât sa bénédiction.
Devant
le regard étonné de Zacharie, à cet instant
suprême de son service religieux, un ange du Seigneur apparut,
debout, à droite de l'autel des parfums. De nombreuses
générations s'étaient écoulées
parmi les Juifs depuis qu'une présence visible autre que
mortelle s'était manifestée dans le temple, soit dans
le Saint soit dans le Saint des Saints ; le peuple considérait
les visites personnelles d'êtres célestes comme des
événements du passé ; il en était
presque arrivé à croire qu'il n'y avait plus de
prophètes en Israël. Néanmoins, il y avait
toujours un sentiment de fièvre, proche de celui d'une attente
troublée, toutes les fois qu'un prêtre s'approchait du
sanctuaire intérieur, qui était considéré
comme la demeure particulière de Jéhovah, s'il devait
jamais condescendre de nouveau à rendre visite à son
peuple. Étant donné cette situation, c'est sans
surprise que nous lisons que cette présence angélique
troubla Zacharie et le remplit de crainte. Cependant le visiteur
céleste prononça des paroles réconfortantes bien
que surprenantes, puisqu'il l'assurait formellement que ses prières
avaient été entendues et que sa femme lui engendrerait
un fils, qui devrait être nommé Jean [6]. La
promesse allait plus loin encore, spécifiant que l'enfant qui
naîtrait d'Elisabeth serait une bénédiction pour
le peuple, que beaucoup se réjouiraient de sa naissance, qu'il
serait grand aux yeux du Seigneur et ne devrait pas boire de vin et
de boissons fortes [7] ; il serait rempli du Saint-Esprit,
serait l'agent qui tournerait beaucoup d'âmes vers Dieu et
préparerait le peuple à recevoir le Messie.
Il
ne fait aucun doute que Zacharie reconnut, dans cette prédiction
concernant l'avenir de l'enfant qui allait naître, le grand
précurseur dont les prophètes avaient parlé et
que le psalmiste avait chanté ; mais qu'un tel personnage
pût être leur enfant à lui et à sa femme
âgée lui semblait impossible en dépit de la
promesse de l'ange. L'homme douta et demanda comment il saurait que
ce que son visiteur avait dit était vrai : « L'ange
lui répondit : Moi, je suis Gabriel, celui qui se tient
devant Dieu ; j'ai été envoyé pour te
parler et t'annoncer cette bonne nouvelle. Voici tu seras muet, et tu
ne pourras parler jusqu'au jour où cela se produira, parce que
tu n'as pas cru à mes paroles qui s'accompliront en leur
temps » [8]. Quand ce prêtre hautement béni
bien que cruellement frappé sortit finalement et apparut
devant l'assistance qui l'attendait, déjà rendue
anxieuse par son retard, il ne put que renvoyer silencieusement
l'assemblée et indiquer par signes qu'il avait eu une vision.
Le châtiment du doute était déjà
appliqué : Zacharie était muet.
En
son temps, l'enfant naquit dans la région montagneuse de la
Judée [9] où Zacharie et Elisabeth avaient leur
demeure, et, le huitième jour après la naissance, la
famille s'assembla conformément à la coutume et aux
exigences mosaïques pour donner au bébé un nom
lors du rite de la circoncision [10]. Zacharie rejeta toutes les
suggestions visant à lui donner le nom de son père, et
écrivit avec une décision irrévocable :
« Jean est son nom. » Immédiatement la
langue du prêtre muet [11] fut déliée, et,
rempli du Saint-Esprit, il éclata en prophéties,
louanges et chants ; ses paroles inspirées ont été
mises en musique et sont chantées par beaucoup d'assemblées
chrétiennes dans leur culte :
« Béni
soit le Seigneur, le Dieu d'Israël,
De
ce qu'il a visité et racheté son peuple,
Et
nous a procuré une pleine délivrance
Dans
la maison de David, son serviteur,
Comme
il en avait parlé par la bouche de ses saints prophètes
depuis des siècles,
La
délivrance de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous
haïssent.
Ainsi
fait-il miséricorde à nos pères
Et
se souvient-il de sa sainte alliance,
Selon
le serment qu'il a juré à Abraham, notre père,
Ainsi
nous accorde-t-il, après avoir été délivrés
de la main de nos ennemis, de pouvoir sans crainte
Lui
rendre un culte dans la sainteté et la justice, en sa
présence, tout au long de nos jours.
Et
toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du
Très-Haut ;
Car
tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses voies,
Pour
donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de
ses péchés,
Grâce
à l'ardente miséricorde de notre Dieu.
C'est
par elle que le soleil levant nous visitera d'en haut
Pour
éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres
et dans l'ombre de la mort
Et
pour diriger nos pas dans le chemin de la paix. » [12]
Les
derniers mots que Zacharie avait prononcés avant d'être
puni de mutisme étaient des paroles de doute et d'incrédulité,
des paroles dans lesquelles il avait demandé un signe comme
preuve de l'autorité de quelqu'un qui venait de la présence
du Tout-Puissant ; les paroles par lesquelles il rompit son long
silence étaient des paroles de louanges à Dieu, en qui
il avait toute assurance, des paroles qui étaient comme un
signe pour tous ceux qui l'entendirent, et dont le bruit se répandit
dans toute la région.
Les
circonstances extraordinaires qui accompagnèrent la naissance
de Jean, et surtout les mois que son père passa dans le
mutisme et sa guérison lorsqu'il donna à son enfant le
nom qui lui avait été désigné d'avance,
firent que beaucoup s'étonnèrent et que certains
craignirent, demandant : « Que sera donc ce petit
enfant ? » Lorsque, devenu adulte, jean éleva
la voix dans le désert, de nouveau en accomplissement de la
prophétie, le peuple se demanda s'il n'était pas le
Messie [13]. Sur sa vie entre sa tendre enfance et le
commencement de son ministère public, période d'environ
trente ans, nous n'avons qu'un seul renseignement : « Or,
le petit enfant grandissait et se fortifiait en esprit. Il demeurait
dans les déserts, jusqu'au jour où il se présenta
devant Israël. » [14]
L'ANNONCIATION
À LA VIERGE
Six
mois après la visite de Gabriel à Zacharie, et trois
mois avant la naissance de Jean, le même messager céleste
fut envoyé à une jeune fille du nom de Marie, qui
vivait à Nazareth, ville de Galilée. Elle était
du lignage de David et, quoique célibataire, était
fiancée à un homme appelé Joseph, qui était
également de descendance royale par la ligne davidique. La
salutation de l'ange, bien que l'honorant et la bénissant, fit
que Marie s'étonna et se sentit troublée. « Je
te salue toi à qui une grâce a été faite ;
le Seigneur est avec toi » [15], c'est ainsi que
Gabriel salua la Vierge.
Comme
les autres filles d'Israël, et surtout celles de la tribu de
Juda et que l'on savait descendre de David, Marie avait pensé
sans aucun doute, avec une joie et une extase saintes, à la
venue du Messie par la ligne royale ; elle savait qu'une vierge
juive allait devenir la mère du Christ. Était-il
possible que les paroles que l'ange lui adressait se rapportent à
cette attente et à cet espoir suprêmes de la nation ?
Elle eut peu de temps pour méditer ces pensées dans son
esprit, car l'ange poursuivit : « Sois sans crainte
Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de
Dieu. Voici : tu deviendras enceinte, tu enfanteras un fils, et
tu l'appelleras du nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé
Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône
de David, son père. Il régnera sur la maison de Jacob
éternellement et son règne n'aura pas de fin. » [16]
Elle
ne comprit néanmoins alors qu'en partie la portée de
cette visite importante. Marie, consciente de son état de
célibataire et certaine de sa virginité demanda, non
pas dans l'esprit de doute, qui avait poussé Zacharie à
demander un signe, mais par un désir sincère d'être
informée et de recevoir des explications : « Comment
cela se produira-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? »
En réponse à sa question toute naturelle et toute
simple, l'ange annonça un miracle tel que le monde n'en avait
jamais connu - pas un miracle dans le sens d'un événement
contraire aux lois de la nature, mais néanmoins un miracle
opéré par l'intervention d'une loi supérieure,
une de ces lois que l'esprit humain ne peut ordinairement comprendre
ou considérer comme possibles. Marie fut informée
qu'elle concevrait et enfanterait le moment venu un Fils dont aucun
mortel ne serait le père : « L'ange lui
répondit : Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la
puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C'est
pourquoi le saint (enfant) qui naîtra sera appelé Fils
de Dieu. » [17]
Puis
l'ange lui parla de l'état béni de sa cousine
Elisabeth, qui jusque-là avait été stérile ;
et il ajouta cette explication finale et suffisante : « Car
rien n'est impossible à Dieu. » Se soumettant avec
douceur et acceptant sa mission avec humilité, la pure jeune
vierge répliqua : « Voici la servante du
Seigneur ; qu'il me soit fait selon ta parole. »
Son
message remis, Gabriel partit, laissant la Vierge élue de
Nazareth réfléchir à sa merveilleuse expérience.
Le Fils promis de Marie devait être « le
Seul-Engendré » du Père dans la chair ;
c'est ce qui avait été clairement et abondamment
prédit. L'événement, il est vrai, était
sans précédent ; il n'avait jamais eu non plus
d'égal, cela est vrai aussi ; et le caractère
unique de la naissance virginale était aussi essentiel à
l'accomplissement de la prophétie que la réalisation de
l'événement lui-même. Cet Enfant qui devait
naître de Marie fut engendré par Élohim, le Père
éternel, non pas en violation des lois naturelles, mais
conformément à une manifestation supérieure de
celles-ci ; et le fruit de cette union suprêmement sainte,
de cette parenté céleste, pur en dépit de sa
mère mortelle, avait le droit d'être appelé le
« Fils du Très-Haut ». Dans sa nature
seraient combinés les pouvoirs de la Divinité avec la
qualité et les possibilités de la mortalité ;
et ceci en vertu du fonctionnement ordinaire de la loi fondamentale
de l'hérédité, décrétée par
Dieu, démontrée par la science et admise par la
philosophie, que les êtres vivants se multiplieront selon leur
espèce. L'Enfant Jésus allait hériter des
traits, des tendances et des facultés physiques, mentales et
spirituelles qui caractérisaient ses parents - l'un immortel
et glorifié - Dieu, l'autre humain - la femme.
Jésus-Christ
allait naître d'une femme mortelle, mais n'était pas
directement l'enfant d'un homme mortel, si ce n'est dans la mesure où
sa mère était la fille à la fois d'un homme et
d'une femme. Ce n'est qu'en notre Seigneur et en lui seul que s'est
accomplie la parole de Dieu prononcée lors de la chute d'Adam,
selon laquelle la postérité de la femme aurait le
pouvoir de vaincre Satan en écrasant la tête du
serpent [18].
Pour
ce qui concerne le lieu, les conditions et le contexte général,
l'annonce de Gabriel à Zacharie contraste fortement avec la
remise de son message à Marie. Le futur précurseur du
Seigneur fut annoncé à son père dans le
magnifique temple et dans le lieu le plus exclusivement sacré
à l'exception d'un seul autre dans la maison sainte, sous la
lumière déversée par le chandelier d'or, et
illuminé en outre par l'éclat des charbons ardents sur
l'autel d'or ; le Messie fut annoncé à sa mère
dans une petite ville, loin de la capitale et du temple, très
probablement entre les murs d'une maisonnette galiléenne toute
simple.
VISITE
DE MARIE À SA COUSINE ÉLISABETH
Il
n'était que naturel que Marie, laissée maintenant à
elle-même avec un secret dans l'âme, plus saint, plus
grand et plus émouvant que jamais aucun autre gardé
avant ou depuis, recherchât de la compagnie, et que cette
compagnie fût celle de quelqu'un de son propre sexe à
qui elle pourrait se confier, de qui elle pourrait espérer
recevoir du réconfort et du soutien et à qui il ne
serait pas mal de dire ce qui, à l'époque, n'était
probablement connu d'aucun mortel qu'elle-même. Son visiteur
céleste avait en effet suggéré tout cela
lorsqu'il parla d'Elisabeth, la cousine de Marie, elle-même
objet d'une bénédiction extraordinaire, femme en qui un
autre miracle de Dieu avait été accompli. Marie quitta
Nazareth en hâte pour se rendre dans les collines de Judée,
voyage de cent cinquante kilomètres environ, si la tradition
dit vrai lorsqu'elle situe la demeure de Zacharie dans la petite
ville de Juttah. La joie fut partagée dans la réunion
entre Marie, la jeune Vierge, et Elisabeth déjà d'un
âge bien avancé. D'après ce que son mari lui
avait communiqué des paroles de Gabriel, Elisabeth devait
savoir que la naissance proche de son fils serait bientôt
suivie de celle du Messie, et que par conséquent le jour
qu'Israël avait attendu et pour lequel il avait prié
pendant les longs siècles de ténèbres était
sur le point de se lever. Lorsque la salutation de Marie parvint aux
oreilles d'Elisabeth, le Saint-Esprit lui rendit témoignage
que la mère élue du Seigneur se tenait devant elle en
la personne de sa cousine ; et, sentant son propre enfant
tressaillir en son sein, elle rendit respectueusement le salut de sa
visiteuse : « Tu es bénie entre les femmes, et
le fruit de ton sein est béni. Comment m'est-il accordé
que la mère de mon Seigneur vienne chez moi ? » [19].
Marie répondit par ce merveilleux cantique de louanges adopté
depuis dans le rituel musical des Églises sous le nom de
Magnificat :
« Mon
âme exalte le Seigneur
Et
mon esprit a de l'allégresse en Dieu, mon Sauveur,
Parce
qu'il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante.
Car
voici : désormais toutes les générations me
diront bienheureuse.
Parce
que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses.
Son
nom est saint,
Et
sa miséricorde s'étend d'âge en âge
Sur
ceux qui le craignent.
Il
a déployé la force de son bras ;
Il
a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées
orgueilleuses,
Il
a fait descendre les puissants de leurs trônes,
Élevé
les humbles.
Rassasié
de biens les affamés.
Renvoyé
à vide les riches.
Il
a secouru Israël, son serviteur,
Et
s'est souvenu de sa miséricorde,
-
Comme il l'avait dit à nos pères –
Envers
Abraham et sa descendance pour toujours. » [20]
MARIE
ET JOSEPH
La
visite dura environ trois mois, après quoi Marie retourna à
Nazareth. Elle allait maintenant devoir faire face à
l'embarras réel de sa situation. Chez sa cousine on l'avait
comprise, son état avait servi à confirmer le
témoignage de Zacharie et d'Elisabeth ; mais comment
recevrait-on sa parole chez elle ? Et surtout que penserait
d'elle son fiancé [21] ? Les fiançailles, à
cette époque, étaient à certains points de vue
aussi définitives que le vœu de mariage et ne pouvaient
être rompues que par une séparation cérémonielle
voisine du divorce ; cependant des fiançailles n'étaient
qu'un engagement à se marier, pas un mariage. Lorsque Joseph
retrouva sa future épouse après l'absence de trois
mois, il fut profondément désemparé lorsqu'il
s'aperçut qu'elle allait être mère. Or la loi
juive prévoyait deux modalités d'annulation des
fiançailles : par un jugement public, ou par un accord
privé attesté par un document écrit et signé
en la présence de témoins. Joseph était un
juste, strict observateur de la loi, sans être toutefois
extrémiste ; en outre il aimait Marie et voulait lui
épargner toute humiliation inutile, quels que pussent être
son propre chagrin et ses propres souffrances. Par amour pour Marie,
il craignait que la chose ne fût rendue publique et décida
pour cette raison de faire annuler les fiançailles d'une
manière aussi privée que la loi le permettait. Il était
troublé et pensait beaucoup à son devoir en cette
occasion, lorsque « voici qu'un ange du Seigneur lui
apparut en songe et dit : Joseph, fils de David, ne crains pas
de prendre avec toi Marie, ta femme, car l'enfant qu'elle a conçu
vient du Saint-Esprit, elle enfantera un fils, et tu lui donneras le
nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera son peuple de ses
péchés » [22].
Grand
fut le soulagement de Joseph, et grande sa joie de se rendre compte
que la venue depuis longtemps prédite du Messie était
proche ; les paroles du prophète s'accompliraient ;
une vierge, et ce serait celle qui lui était la plus chère
au monde, avait conçu et enfanterait, le moment venu, ce Fils
béni, Emmanuel, nom qui signifie par interprétation
« Dieu avec nous » [23]. La salutation de
l'ange fut significative, il l'appela : « Joseph,
fils de David » ; et l'emploi de ce titre royal dut
signifier pour Joseph que, bien qu'il fût de lignage royal, son
mariage avec Marie ne jetterait aucune ombre sur sa situation
familiale. Joseph n'attendit pas ; pour assurer à Marie
toute la protection possible et établir pleinement ses droits
légaux au titre de tuteur légitime, il hâta la
célébration du mariage et « fit ce que
l'ange du Seigneur lui avait ordonné, et il prit sa femme chez
lui. Mais il ne la connut point jusqu'à ce qu'elle eût
enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus » [24].
L'espoir
national d'un Messie, basé sur la promesse divine et les
prophéties, était devenu confus dans l'esprit juif à
cause de l'influence du rabbinisme avec ses nombreuses divagations,
et son « interprétation personnelle » [25]
qui retirait un semblant d'autorité du prestige
artificiellement entretenu des interprètes. Pourtant les
rabbins eux-mêmes avaient souligné que certaines
conditions étaient essentielles, et que c'étaient ces
éléments essentiels qui permettraient de juger les
prétentions de tout Juif qui pourrait se déclarer être
celui que l'on attendait depuis si longtemps. Il ne faisait aucun
doute que le Messie devait naître dans la tribu de Juda et dans
la lignée de David, et, étant de David, il devait
nécessairement être du lignage d'Abraham, à
travers la postérité duquel toutes les nations de la
terre devaient être bénies, conformément à
l'alliance [26].
On
trouve dans le Nouveau Testament deux documents généalogiques
qui affirment donner le lignage de Jésus, l'un au premier
chapitre de Matthieu, l'autre au troisième chapitre de Luc. Ce
document présente en apparence plusieurs divergences, mais
elles ont été expliquées de manière
satisfaisante par les recherches de spécialistes de la
généalogie juive. Nous n'essayerons pas de faire une
analyse détaillée de la question ici ; mais il
faut se rappeler que les chercheurs s'accordent à dire que le
document de Matthieu est celui du lignage royal, établissant
l'ordre de succession parmi les héritiers légaux au
trône de David, tandis que le document donné par Luc est
un arbre généalogique personnel, démontrant
l'appartenance à la lignée de David sans s'occuper de
la ligne de succession légale au trône par primogéniture
ou apparentée [27]. Cependant beaucoup considèrent
le document de Luc comme l'arbre généalogique de Marie,
tandis que l'on accepte celui de Matthieu comme celui de Joseph. Le
fait capital dont il faut se souvenir est que l'Enfant promis par
Gabriel à Marie, l'épouse virginale de Joseph, devait
naître de la lignée royale. La généalogie
personnelle de Joseph serait essentiellement celle de Marie, car ils
étaient cousins. Joseph est appelé fils de Jacob par
Matthieu, et fils d'Héli par Luc ; Jacob et Héli
étaient frères, et il semble que l'un des deux ait été
le père de Joseph et l'autre le père de Marie et par
conséquent le beau-père de Joseph. Beaucoup d'Écritures
déclarent clairement que Marie était de descendance
davidique ; car puisque Jésus devait naître de
Marie, sans avoir été engendré par Joseph, qui
était le père putatif, et selon la loi des Juifs, le
père légal, le sang de la postérité de
David fut donné au corps de Jésus par Marie seule.
Notre Seigneur, quoique appelé à de multiples reprises
Fils de David, ne rejeta jamais le titre et l'accepta comme
s'appliquant à lui à bon droit [28]. Le témoignage
des apôtres affirme formellement que le Christ est héritier
royal par son lignage terrestre, comme en témoigne
l'affirmation de Paul, le savant Pharisien : « Il
concerne son Fils, né de la descendance de David selon la
chair », et encore : « Souviens-toi de
Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts, issu de la
descendance de David » [29].
Dans
toutes les persécutions que lui infligèrent ses ennemis
implacables, dans toutes les accusations fausses relevées
contre lui, dans les accusations formelles de sacrilège et de
blasphème formulées contre lui parce qu'il affirmait
être le Messie, nous ne trouvons même pas la moindre
insinuation qu'il pût ne pas être le Christ parce
qu'inéligible à cause de son lignage. Les Juifs prirent
grand soin de la généalogie avant, pendant et après
le temps du Christ ; en fait leur histoire nationale était
en grande partie un document généalogique ; et
s'il y avait eu la moindre possibilité de nier le Christ parce
que sa lignée n'était pas confirmée, ce fait
aurait été exploité au maximum par le Pharisien
importun, le scribe érudit, le rabbi hautain et le Sadducéen
aristocrate.
À
l'époque de la naissance du Messie, Israël était
gouverné par des monarques étrangers. Les droits de la
famille royale de David n'étaient pas reconnus, et le
gouverneur des Juifs était un fonctionnaire de Rome. Si Juda
avait été une nation libre et indépendante,
gouvernée par son souverain légitime, Joseph le
charpentier aurait été son roi couronné, et son
successeur légal au trône aurait été Jésus
de Nazareth, roi des Juifs.
L'annonce
de Gabriel à Marie fut celle du Fils de David, sur la venue
duquel Israël reposait tous ses espoirs comme sur une fondation
sûre. Celui qui fut ainsi annoncé fut Emmanuel, Dieu
lui-même qui allait demeurer dans la chair parmi son
peuple [30], le Rédempteur du monde, Jésus, le
Christ.
[1]
Luc 1:19,26 ; voir aussi Dn 8:16, 9:21-23.
[2]
Luc 1:5 ; cf. 1 Ch 24:10
[3]
Esd 2:36-39.
[4]
Luc 1:8,9 ; lire tout le chapitre.
[5]
Lv chap. 16 ; Hé 9:1-7 ; voir aussi La Maison du
Seigneur, p. 47, et cf. p. 24 et 39. Note 6, fin du chapitre.
[6]
Chap. 5. Autres exemples d'enfants promis malgré une stérilité
due aux ans ou à d'autres causes : Isaac (Gn 17:16,17 et
21:1-3), Samson (Juges, chap. 13), Samuel (1 S chap. 1), le fils de
la Sunamite (2 Rois 4:14-17).
[7]
Note 1, fin du chapitre.
[8]
Luc 1:19,20.
[9]
Luc 1:57 ; cf. verset 39.
[10]
Note 2, fin du chapitre.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Luc 1:68-79.
[13]
Luc 1:65,66 ; voir aussi 3:15.
[14]
Luc 1:80.
[15]
Luc 1:28.
[16]
Luc 1:30-33.
[17]
Luc 1:35 ; voir aussi les versets précédents,
31-33.
[18]
Chap. 5 du présent ouvrage et Gn 3:15.
[19]
Luc 1:42 ; lire les versets 39-56.
[20]
Luc 1:46-55.
[21]
Note 4, fin du chapitre.
[22]
Mt 1:20,21 ; lire 18-25.
[23]
Mt 1:22,23 ; cf. Es 7:14 ; voir aussi 9:6.
[24]
Mt 1:24,25.
[25]
2 Pierre 1:20.
[26]
Gn 12:3,18:18, 22:18, 26:4 ; cf. Actes 3:25, Ga 3:8.
[27]
Note 5, fin du chapitre.
[28]
Exemples dans Mt 9:27, 15:22, 21:9, 20:30, 31 ; y comparer avec
Luc 18:38, 39.
[29]
Rm 1:3 ; 2 Tm 2:8 ; voir aussi Actes 2:30, 13:23 ; cf.
Ps 132:11 ; voir aussi Luc 1:32.
[30]
Mt 1:23.
NOTES
DU CHAPITRE 7
1.
Jean-Baptiste considéré comme naziréen :
L'ordre de l'ange Gabriel à Zacharie, selon lequel le fils
promis, Jean, ne devait boire « ni vin, ni boisson
enivrante », et la vie adulte de Jean dans le désert,
outre son habitude de porter des vêtements grossiers, ont amené
les commentateurs et les spécialistes de la Bible à
supposer qu'il était « naziréen à
vie ». Il faut toutefois se rappeler que Jean-Baptiste
n'est formellement appelé naziréen en aucun endroit des
Écritures existantes. Un naziréen, le nom signifiant
consacré ou séparé, était un homme qui,
suite à un vœu personnel ou à celui fait pour lui
par ses parents, était mis à part pour une œuvre
particulière ou une vie exigeant du renoncement (voir chap. 6
du présent ouvrage, note 5). Le Comp. Dict. of the Bible, de
Smith, dit : « Le Pentateuque ne parle nulle part de
naziréens à vie, mais les règlements pour le vœu
d'un naziréen de plusieurs jours sont donnés (Nb
6:1,2). Pendant la durée de sa consécration, le
naziréen était sous l'obligation de s'abstenir de vin,
de raisins et de tous produits de la vigne, ainsi que de toutes
espèces de boissons alcoolisées. Il lui était
interdit de se couper les cheveux ou de s'approcher d'un cadavre
quelconque, même celui de son parent le plus proche. »
Le seul exemple d'un naziréen à vie nommé dans
les Écritures est celui de Samson, dont la mère reçut
l'ordre de se mettre sous les lois naziréennes avant sa
naissance, et l'enfant devait être naziréen consacré
à Dieu dès sa naissance (juges 13:3-7, 14). Dans
l'ascétisme de sa vie, il faut reconnaître à
Jean-Baptiste toute la discipline personnelle requise des naziréens,
qu'il fût tenu par des vœux volontaires ou des vœux
de ses parents ou ne fût pas lié de cette manière.
2.
La circoncision : La circoncision n'était pas une
pratique exclusivement hébraïque ou israélite,
mais dans ses révélations à Abraham, Dieu en fit
une exigence bien précise, disant que c'était le signe
de l'alliance entre Jéhovah et le patriarche (Gn 17:9-14). Aux
termes de cette alliance, la postérité d'Abraham
deviendrait une grande nation, et à travers sa postérité
toutes les nations de la terre seraient bénies (Gn 22:18) -
promesse qui s'est avérée signifier que c'est dans ce
lignage que le Messie naîtrait. La circoncision était
obligatoire ; c'est pourquoi sa pratique devint une
caractéristique nationale. Tous les enfants masculins devaient
être circoncis huit jours après leur naissance (Gn
17:12, Lv 12:3). L'âge requis pour cette cérémonie
finit par être imposé d'une manière si rigide que
même si le huitième jour tombait un sabbat, le rite
devait être accompli ce jour-là (Jean 7:22,23). Tous les
esclaves masculins devaient être circoncis (Gn 17:12,13), et
même les étrangers qui séjournaient parmi les
Hébreux et désiraient prendre part à la Pâque
avec eux devaient se soumettre à cette condition (Ex 12:48).
Nous tirons ce qui suit du Standard Bible Dictionary : « La
cérémonie signifiait que l'intéressé se
débarrassait de ses impuretés, préparation
nécessaire pour être introduit dans les droits de ceux
qui faisaient partie d'Israël. Dans le Nouveau Testament, qui
faisait passer l'accent de l'aspect externe et formel sur le côté
intérieur et spirituel des choses, il fut déclaré
pour la première fois inutile que le Gentil converti à
l'Évangile fût circoncis (Actes 15:28), et par la suite,
même les chrétiens juifs abandonnèrent ce rite. »
On prit l'habitude de donner un nom à l'enfant au moment de la
circoncision, comme c'est le cas pour Jean, fils de Zacharie (Luc
1:59).
3.
L'affliction de Zacharie : Le signe que Zacharie demandait fut
donné comme suit par l'ange : « Voici :
tu seras muet, et tu ne pourras parler jusqu'au jour où cela
se produira, parce que tu n'as pas cru à mes paroles, qui
s'accompliront en leur temps » (Luc 1:20). Se basant sur
le récit de la circoncision où l'enfant reçut
son nom, Jean, certains avancent que le père affligé
était également sourd, puisque les personnes qui
étaient présentes lui « firent des signes »
pour lui demander quel nom il voulait donner à son fils
(verset 62).
4.
Les fiançailles juives : Le vœu de fiançailles
a toujours été considéré comme sacré
et liant les parties dans la loi juive. Dans un sens, il engageait
autant que la cérémonie du mariage, bien que
n'entraînant aucun des droits particuliers du mariage. Les
déclarations succinctes qui suivent sont tirées de Life
and Words of Christ, de Geikie, vol. 1, p. 99: « Parmi les
Juifs de l'époque de Marie c'était un engagement encore
bien plus réel [qu'il ne devint plus tard]. Les
fiançailles se faisaient officiellement avec des réjouissances
dans la maison de la fiancée sous une tente ou un baldaquin
léger dressé dans ce but. On appelait cela « rendre
sacré », car dorénavant la fiancée
était sacrée pour son mari dans le sens le plus strict.
Pour rendre les choses légales, le fiancé donnait à
sa fiancée une pièce d'argent, ou sa valeur, devant
témoins, avec les paroles : « Voici, tu es
fiancée à moi » ou rédigeait un écrit
officiel dans lequel des mots semblables et le nom de la jeune fille
étaient donnés, et celui-ci lui était remis de
la même manière devant témoins. »
5.
Généalogies de Joseph et Marie : « Il
est maintenant presque certain que les généalogies des
deux évangiles sont des généalogies de Joseph,
qui, si nous pouvons nous reposer sur des traditions anciennes quant
à leur consanguinité, sont également des
généalogies de Marie. La descendance davidique de Marie
est impliquée dans Actes 2:30, 13:23, Rm 1:3, Luc 1-32, etc.
Matthieu donne la descendance légale de Joseph par la ligne
aînée et royale, comme héritier du trône de
David. Luc donne la descendance naturelle. Ainsi donc, le père
réel de Salathiel était héritier de la maison de
Nathan, mais Jéconia, qui était sans enfant (Jr 22:30),
était le dernier représentant en droite ligne de la
lignée aînée royale. L'omission de certains noms
obscurs et l'arrangement symétrique en périodes de
quarante ans étaient des coutumes juives communes. Il n'est
pas exagéré de dire qu'après les travaux de Mill
(On the Mythical Interpretation of the Gospels, p. 147-217) et Lord
A. C. Hervey (On the Genealogies of our Lord, 1853), il ne reste plus
aucune difficulté à justifier des divergences
apparentes. Et c'est ainsi que, dans ce cas comme dans d'autres, les
divergences même qui semblent les plus contradictoires et les
plus fatales à l'exactitude historique des quatre
évangélistes, s'avèrent, lorsqu'on les examine
de plus près et avec plus de patience, être des preuves
nouvelles de ce qu'elles sont non seulement entièrement
indépendantes, mais également parfaitement dignes de
confiance. » - Farrar, Life of Christ, p. 27, note.
L'auteur
de l'article « Genealogy of Jesus-Christ » dans
le Bible Dict., de Smith, dit : « Le Nouveau
Testament nous donne la généalogie d'une personne
seulement, notre Sauveur (Mt 1 ; Luc 3)... Les éléments
suivants expliqueront la construction véritable de ces
généalogies (selon Lord A. C. Hervey) : 1. Toutes
deux sont les généalogies de Joseph, c'est-à-dire
de Jésus-Christ, fils putatif et légal de Joseph et
Marie. 2. La généalogie de Matthieu est, comme Grotius
l'a affirmé, la généalogie de Joseph en tant que
successeur légal au trône de David. Celle de Luc est la
généalogie privée de Joseph, indiquant sa
naissance réelle, comme Fils de David, et montrant ainsi
pourquoi il était héritier de la couronne de Salomon.
Le principe simple selon lequel l'un des évangélistes
présente la généalogie qui contenait les
héritiers successifs au trône de David et de Salomon,
tandis que l'autre présente la branche paternelle de celui qui
était l'héritier, explique toutes les anomalies des
deux arbres généalogiques, leurs accords aussi bien que
leurs divergences, et le fait qu'il y en a deux. 3. Marie, mère
de Jésus, était probablement fille de Jacob, et cousine
au premier degré de Joseph, son mari. »
Un
apport précieux aux traités relatifs à ce sujet
apparaît dans le journal of the Transactions of the Victoria
Institute, or Philosophical Society of Great Britain, 1912, vol. 44,
p. 9-36, sous forme d'un article : « The Genealogies
of our Lord », par Mrs. A. S. Lewis et une discussion de
celles-ci par beaucoup d'érudits aux compétences
reconnues. L'auteur, Mrs. Lewis, est une autorité en
manuscrits syriaques ; elle est l'une des deux femmes qui
découvrirent, en 1892, dans la bibliothèque du
monastère de Ste Catherine du mont Sinaï, le Palimpseste
syriaque des quatre évangiles. Cet auteur talentueux affirme
que le récit de Matthieu témoigne de l'arbre
généalogique royal de Joseph, et que le tableau
généalogique de Luc prouve la descendance également
royale de Marie. Mrs. Lewis dit : « Le Palimpseste du
Sinaï nous dit également que Joseph et Marie se rendirent
à Bethléhem pour y être recensés, parce
qu'ils étaient tous deux de la maison et du lignage de
David. »
Le
chanoine Girdlestone, en discutant cet article, dit, soulignant
pertinemment le fait que Marie était princesse de sang royal
par sa descendance de David : « Quand l'ange prédit
à Marie la naissance du saint Enfant, il dit : « Le
Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. »
Or, si Joseph, son fiancé, avait été, lui seul,
descendant de David, Marie aurait répondu : « Je
ne suis pas encore la femme de Joseph », alors qu'elle
répondit tout simplement : « Je ne connais
point d'homme », ce qui signifie clairement : Si
j'étais mariée, puisque je suis descendante de David,
je pourrais infuser mon sang royal à un fils, mais comment
puis-je avoir un fils royal puisque je suis vierge ? »
Après
avoir brièvement parlé de la loi juive relative à
l'adoption, qui prévoit (selon le code d'Hammourabi, section
188) que si un homme enseigne un métier au fils qu'il a
adopté, le fils est par là même confirmé
dans tous les droits à l'héritage, le chanoine
Girdlestone ajoute : « Si la couronne de David avait
été donnée à son successeur du temps
d'Hérode, elle aurait été placée sur la
tête de Joseph. Et qui aurait été le successeur
légal de Joseph ? Jésus de Nazareth aurait alors
été le Roi des Juifs, et le titre placé sur la
croix disait la vérité. Dieu l'avait suscité à
la maison de David. »
6.
Le sanctuaire intérieur du temple : Le Saint des Saints
conservait sa forme et ses dimensions originales qui en faisaient un
cube de vingt coudées dans tous les sens. Entre celui-ci et le
Saint était suspendu un double voile d'un tissu très
fin, orné d'une broderie compliquée. Le voile extérieur
s'ouvrait du côté nord, le voile intérieur
s'ouvrait du côté sud, de sorte que le grand prêtre
qui y pénétrait une fois l'an pouvait passer entre les
voiles sans exposer le Saint des Saints. Le local sacré était
vide à l'exception d'une grande pierre que le grand prêtre
aspergeait du sang du sacrifice le jour de l'expiation : cette
pierre occupait la place de l'arche et de son propitiatoire. À
l'extérieur du voile, dans le Saint, se trouvaient l'autel de
l'encens, le chandelier à sept branches et la table des pains
de proposition. - La Maison du Seigneur, p. 47.
CHAPITRE
8 : L'ENFANT DE BETHLÉHEM
LA
NAISSANCE DE JÉSUS
Les
prédictions qui déterminent le lieu de sa naissance à
Bethléhem, petite ville de Judée, sont aussi
catégoriques que les prophéties qui déclarent
que le Messie naîtrait de la lignée de David. Il semble
qu'il n'y ait pas eu de divergences d'opinion parmi les prêtres,
les scribes ou les rabbis à ce sujet, que ce soit avant ou
depuis le grand événement. Bethléhem, quoique
petite et de peu d'importance pour le commerce, était
doublement chère au cœur juif, étant le lieu de
naissance de David et celui du futur Messie. Marie et Joseph vivaient
à Nazareth de Galilée, loin de Bethléhem de
Judée ; et, à l'époque dont nous parlons,
la maternité de la Vierge approchait rapidement.
En
ce temps-là, Rome émit un édit ordonnant le
recensement des habitants de tous les royaumes et provinces
tributaires de l'empire ; le décret était de
nature générale, il prévoyait un « recensement
de toute la terre » [1]. Ce recensement des sujets
romains, une fois obtenu, permettrait de déterminer l'impôt
à prélever sur les divers peuples intéressés.
Le recensement en question était le deuxième des trois
recensements que les historiens déclarent s'être
produits à des intervalles de vingt ans environ. Si le
recensement avait été fait suivant la méthode
romaine habituelle, chaque personne aurait été
enregistrée dans sa ville de résidence ; mais la
coutume juive, que la loi romaine respectait, exigeait que le
recensement fût fait dans les villes que les familles
respectives considéraient comme celles de leurs ancêtres.
Il ne nous importe pas spécialement de savoir s'il était
absolument requis de chaque famille de se faire ainsi recenser dans
la ville de ses ancêtres ; mais il est certain que Joseph
et Marie se rendirent à Bethléhem, ville de David, pour
y être recensés suivant le décret impérial [2].
À
ce moment, la petite ville était bondée de monde, très
vraisemblablement par la multitude qui s'y était rendue
conformément au même édit ; Joseph et Marie
ne purent donc trouver à se loger convenablement et durent se
contenter d'un camp improvisé, comme d'innombrables voyageurs
l'avaient fait avant eux, et comme beaucoup d'autres l'ont fait
depuis, dans cet endroit-là comme ailleurs. Il ne serait pas
raisonnable de considérer que la situation dans laquelle ils
se trouvaient prouvait qu'ils étaient extrêmement
pauvres ; elle manquait certainement de confort mais ne nous
prouve absolument pas qu'ils se trouvaient dans une grande détresse
ou dans la misère [3]. C'est alors qu'elle se trouvait
dans cette situation que Marie, la Vierge, donna naissance à
son premier-né, le Fils du Très-Haut, le Seul-Engendré
du Père éternel, Jésus, le Christ.
Nous
n'avons que peu de détails sur ce qui se passa. On ne nous dit
pas combien de temps après l'arrivée de Marie et de son
mari à Bethléhem la naissance se produisit. Il se peut
que le but de l'évangéliste qui composa le document ait
été de ne mentionner les questions d'intérêt
purement humain que dans la mesure où cela était
nécessaire pour la narration des faits, afin que la vérité
centrale ne fût ni cachée, ni réduite au second
plan par des incidents sans importance. Dans les Écritures
saintes nous ne lisons que ceci sur la naissance proprement dite :
« Pendant qu'ils étaient là, le temps où
Marie devait accoucher arriva, et elle enfanta son fils premier-né.
Elle l'emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu'il
n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie » [4].
Contraste
frappant avec la simplicité et la brièveté du
récit scripturaire et son peu de détails secondaires,
l'imagination des hommes a ajouté tout un fatras de
circonstances dont une grande partie ne se fonde sur aucun document
autorisé et qui sont, à beaucoup de points de vue,
manifestement illogiques et faux. Vis-à-vis d'un sujet aussi
important, il est prudent et sage de séparer et de marquer
nettement la distinction entre les faits dont l'authenticité
est vérifiée et les commentaires imaginés
d'historiens, de théologiens et de romanciers, aussi bien que
les rhapsodies émotives de poètes et les extravagances
artistiques créées par le ciseau ou le pinceau.
Dès
son origine, Bethléhem avait été la résidence
de gens occupés, la plupart du temps, à des activités
pastorales et agricoles. À l'époque de la naissance du
Messie, qui se produisit au printemps de l'année, les
troupeaux se trouvaient nuit et jour dans les champs sous la garde de
leurs bergers ; cela est tout à fait en accord avec ce
que nous connaissons de la ville et de ses environs. C'est à
certains de ces humbles bergers que fut proclamée pour la
première fois la naissance du Sauveur. Voici ce que dit ce
récit tout simple : « Il y avait, dans cette
même contrée des bergers qui passaient dans les champs
les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. Un ange du
Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour
d'eux. Ils furent saisis d'une grande crainte. Mais l'ange leur dit :
Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d'une
grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd'hui, dans la
ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ,
le Seigneur. Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un
nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.
Et soudain il se joignit à l'ange une multitude de l'armée
céleste, qui louait Dieu et disait : « Gloire
à Dieu dans les lieux très hauts, Et paix sur la terre
parmi les hommes qu'il agrée [5] ! »
Jamais
nouvelle aussi importante n'avait été annoncée
par un ange ou reçue par l'homme - une bonne nouvelle qui
serait le sujet d'une grande joie, donnée à un petit
nombre seulement, et ce, parmi les plus humbles de la terre, mais
destinée à se répandre à tous les hommes.
La scène est d'une grandeur sublime, car l'auteur du message
est divin, et l'apothéose est telle que l'esprit de l'homme
n'aurait jamais pu le concevoir : l'apparition soudaine d'une
multitude de l'armée céleste chantant, de manière
que les oreilles humaines puissent les entendre, le plus court, le
plus logique et le plus réellement complet de tous les
cantiques de paix jamais entonnés par un chœur mortel ou
spirituel. Quel idéal désirable : la paix sur la
terre ! Mais comment peut-elle nous être donnée
s'il n'y a pas de bonne volonté parmi les hommes ? Et de
quelle manière pourrait-on rendre plus efficacement gloire à
Dieu dans les lieux très hauts ?
Les
bergers confiants et simples n'avaient pas demandé de signe ou
de confirmation ; leur foi était à l'unisson de la
communication céleste ; néanmoins l'ange leur
avait donné ce qu'il appelait un signe pour les guider dans
leurs recherches. Ils n'attendirent pas mais se mirent en route en
hâte, car, dans leur cœur, ils croyaient, oui, ils
faisaient plus que croire, ils savaient, et voici quelle était
la teneur de leur résolution : « Allons donc
jusqu'à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé,
ce que le Seigneur nous a fait connaître » [6].
Ils trouvèrent l'Enfant dans la crèche, sa mère
et Joseph près de lui ; et ayant vu, ils s'en allèrent
et témoignèrent de la vérité concernant
l'Enfant. Ils retournèrent à leurs troupeaux,
glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avaient entendu et vu.
La
remarque que Luc fait, apparemment au passage, est d'un sens aussi
profond que l'émotion qu'elle doit faire éprouver à
tous ceux qui la lisent. « Marie conservait toutes ces
choses, et les repassait dans son coeur » [7]. Il est
évident que la grande vérité relative à
la personnalité et à la mission de son Fils divin ne
s'était pas dévoilée pleinement à son
esprit. Tous les événements qui se déroulèrent
depuis la salutation de Gabriel jusqu'au témoignage pieux des
bergers concernant l'ange annonciateur et les armées célestes,
étaient en grande partie un mystère pour cette mère
et épouse sans tache.
LES
EXIGENCES DE LA LOI SONT STRICTEMENT OBSERVÉES
L'Enfant
naquit juif ; la mère était juive et le père
putatif et légal, Joseph, était juif. Seules quelques
personnes savaient qui était le vrai père de l'Enfant ;
seuls peut-être à l'époque Marie, Joseph et
probablement Elisabeth et Zacharie ; lorsqu'il grandit, le
peuple le considéra comme le fils de Joseph [8]. Les
exigences de la loi furent soigneusement respectées dans tout
ce qui concernait l'Enfant. Lorsqu'il eut huit jours, il fut
circoncis, comme cela était requis de tous les enfants de sexe
masculin nés en Israël [9] ; et en même
temps il reçut comme nom terrestre le nom qui avait été
prescrit lors de l'annonciation. On l'appela JÉSUS, ce qui,
par interprétation, signifie Sauveur ; ce nom lui
appartenait à bon droit, car il venait sauver le peuple de ses
péchés [10].
Une
partie de la loi donnée par l'intermédiaire de Moïse
aux Israélites dans le désert et appliquée au
cours des siècles avait trait à la procédure
prescrite pour les femmes après la naissance des enfants [11].
Conformément à celle-ci, Marie resta isolée
pendant quarante jours après la naissance de son Fils ;
puis son mari et elle présentèrent le Garçon
devant le Seigneur comme cela était prescrit pour le
premier-né masculin de toute famille. Il est manifestement
impossible que toutes les présentations de ce genre aient pu
avoir lieu au temple, car beaucoup de Juifs vivaient à de
grandes distances de Jérusalem ; il était
cependant de règle que les parents présentent leurs
enfants au temple quand c'était possible. Jésus naquit
à huit ou neuf kilomètres de Jérusalem ; il
fut donc emmené au temple pour la cérémonie qui
devait satisfaire à la loi relative aux premiers-nés de
tous les Israélites, à l'exception des Lévites.
On se souviendra que les enfants d'Israël avaient été
délivrés de l'esclavage d'Égypte avec
accompagnement de signes et de miracles. Pharaon ayant refusé
à plusieurs reprises de laisser partir le peuple, il s'était
abattu sur les Égyptiens des fléaux dont l'un fut la
mort des premiers-nés dans tout le pays, à l'exception
de ceux d'Israël. En souvenir de cette manifestation de
puissance, il fut exigé des Israélites qu'ils
consacrent leurs fils premiers-nés au service du
sanctuaire [12]. Par la suite, le Seigneur ordonna qu'au lieu
des premiers-nés de toutes les tribus, tous les enfants
masculins appartenant à la tribu de Lévi fussent
consacrés à cette tâche particulière ;
néanmoins le fils aîné était toujours
considéré comme appartenant particulièrement au
Seigneur et devait être exempté officiellement du
service requis antérieurement, par le paiement d'une
rançon [13].
Lors
de la purification, toutes les mères devaient fournir un
agneau d'un an à immoler en sacrifice, et un jeune pigeon ou
une jeune colombe en guise d'offrande pour les péchés ;
mais dans le cas d'une femme qui n'était pas à même
de fournir un agneau, un couple de colombes ou de pigeons pouvait
être offert. Nous apprenons que Joseph et Marie étaient
de situation modeste du fait qu'ils apportèrent l'offrande la
moins coûteuse, deux colombes ou pigeons, au lieu d'un oiseau
et d'un agneau.
Parmi
les Israélites justes et dévots il y en avait qui, en
dépit du traditionalisme, du rabbinisme et de la corruption
des prêtres, vivaient toujours dans cette attente du juste dont
la confiance est inspirée, espérant patiemment la
consolation d'Israël [14]. L'un de ceux-ci était
Siméon, qui vivait à l'époque à
Jérusalem. Il avait reçu par la puissance du
Saint-Esprit la promesse qu'il ne mourrait que lorsqu'il aurait vu le
Christ du Seigneur dans la chair. Poussé par l'Esprit, il se
rendit au temple le jour de la présentation de Jésus et
reconnut dans l'Enfant le Messie promis. Dès qu'il se rendit
compte que l'espoir de sa vie s'était magnifiquement réalisé,
Siméon éleva respectueusement l'Enfant dans ses bras,
et, avec l'éloquence simple mais immortelle qui vient de Dieu,
exprima une supplication splendide, dans laquelle l'action de grâce,
la résignation et la louange se mêlent si
magnifiquement :
« Maintenant,
Maître, tu laisses ton serviteur
« S'en
aller en paix selon ta parole.
« Car
mes yeux ont vu ton salut,
« Que
tu as préparé devant tous les peuples,
« Lumière
pour éclairer les nations
« Et
gloire de ton peuple, Israël. » [15]
Puis,
animé de l'esprit de prophétie, Siméon parla de
la grandeur de la mission de l'Enfant et de la souffrance que sa mère
serait appelée à endurer à cause de lui,
souffrance qui serait semblable à celle provoquée par
une épée qui lui percerait l'âme. Le témoignage
de l'Esprit quant à la divinité de Jésus
n'allait pas se limiter à un homme. Il y avait, à
l'époque, dans le temple, une sainte femme d'un âge très
avancé, Anne, prophétesse qui se consacrait
exclusivement au service du temple ; inspirée de Dieu,
elle reconnut son Rédempteur et témoigna de lui à
tous ceux qui se trouvaient autour d'elle. Joseph et Marie
s'étonnèrent des choses qui étaient dites de
l'Enfant ; ils n'étaient apparemment pas encore à
même de comprendre la majesté de celui qui leur avait
été donné par une conception aussi miraculeuse
et une naissance aussi merveilleuse.
DES
MAGES À LA RECHERCHE DU ROI
Quelque
temps après la présentation de Jésus au temple,
bien que la durée de ce temps ne nous soit pas connue,
quelques jours, ou peut-être des semaines, ou même des
mois, Hérode, roi de Judée, fut profondément
troublé, comme le fut le peuple de Jérusalem en
général, à la nouvelle de la naissance d'un
Enfant de la Prophétie, d'un enfant destiné à
devenir Roi des Juifs. Hérode professait la religion de Juda,
bien qu'étant Iduméen de naissance, de descendance
édomite, c'est-à-dire faisant partie de la postérité
d'Ésaü, tous personnages que les Juifs haïssaient ;
et de tous les Édomites, il n'en était pas un qui fût
aussi profondément détesté qu'Hérode, le
roi. Il était tyrannique et impitoyable, n'épargnant
personne, ami ou ennemi, qu'il venait à soupçonner de
constituer un obstacle à ses desseins ambitieux. Il avait fait
cruellement massacrer sa femme et plusieurs de ses enfants, ainsi que
d'autres de sa famille par le sang ; il mit également à
mort presque tous les membres du grand conseil national, le
sanhédrin. Son règne fut rempli de cruautés
révoltantes et d'oppressions sans frein. Ce n'est que quand il
courait le danger de provoquer une révolte nationale ou
lorsqu'il avait peur d'encourir le déplaisir de son maître,
l'empereur romain, qu'il s'arrêtait dans une entreprise
quelconque [16].
La
nouvelle de la naissance du Christ parvint aux oreilles d'Hérode
de la manière suivante. Certains hommes, des mages comme on
les appelait, vinrent à Jérusalem d'un pays lointain et
demandèrent : « Où est le roi des Juifs
qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile
en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer » [17].
Hérode convoqua « tous les principaux
sacrificateurs et les scribes du peuple », et leur demanda
où, d'après les prophètes, le Christ devait
naître. Ils lui répondirent : « À
Bethléhem en Judée, car voici ce qui a été
écrit par le prophète :
Et
toi, Bethléhem, terre de Juda
Tu
n'es certes pas la moindre parmi les principales villes de Juda ;
Car
de toi sortira un prince,
Qui
fera paître Israël, mon peuple [18].
Hérode
fit venir les mages en secret et les interrogea sur les sources de
leurs renseignements, et en particulier sur l'époque à
laquelle l'étoile, à laquelle ils accordaient tant
d'importance, était apparue. Puis il les dirigea vers
Bethléhem, disant : « Allez, et prenez des
informations précises sur le petit enfant ; quand vous
l'aurez trouvé, faites-le moi savoir, afin que j'aille moi
aussi l'adorer. » Lorsque les hommes se mirent en route de
Jérusalem pour la dernière étape de leur voyage
d'enquête et de recherche, ils se réjouirent à
l'extrême, car la nouvelle étoile qu'ils avaient vue à
l'orient était de nouveau visible. Ils trouvèrent la
maison dans laquelle Marie vivait avec son mari et l'Enfant, et, en
reconnaissant l'Enfant royal, ils « se prosternèrent
et l'adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors,
et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la
myrrhe » [19]. Ayant ainsi merveilleusement réalisé
le but de leur pèlerinage, ces voyageurs pieux et savants se
préparèrent à rentrer chez eux et se seraient
arrêtés à Jérusalem pour faire rapport au
roi comme il l'avait demandé, mais « divinement
avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils
regagnèrent leur pays par un autre chemin » [20].
On
a écrit beaucoup de choses, que ne justifie absolument rien
dans les Écritures, concernant la visite des mages, ou des
sages, qui cherchaient et trouvèrent ainsi le Christ enfant.
En fait, nous ne savons rien de leur pays, de leur nation ou de leur
tribu ; on ne nous dit même pas combien il y en avait,
bien qu'une tradition fausse les ait appelés « Ies
trois rois mages » et leur ait même donné des
noms ; les Écritures, le seul document véritable
existant à leur sujet, ne donne pas leurs noms ; il se
peut qu'ils n'aient été que deux seulement ou qu'ils
aient été plus nombreux. On a essayé
d'identifier l'étoile dont l'apparition dans le ciel oriental
avait assuré les mages que le Roi était né ;
mais l'astronomie ne fournit aucune confirmation satisfaisante.
L'apparition de l'étoile que l'on rapporte a été
associée, tant par les interprètes anciens que
modernes, à la prophétie de Balaam qui, quoique n'étant
pas Israélite, avait béni Israël et avait prédit,
poussé par l'inspiration divine : « Un astre
sort de Jacob, un sceptre s'élève d'Israël » [21].
En outre, comme nous l'avons déjà montré,
l'apparition d'une étoile nouvelle était un signe
prédit, reconnu et admis parmi les habitants des Amériques
comme témoin de la naissance du Messie [22].
LA
FUITE EN ÉGYPTE
La
perfidie d'Hérode, lorsqu'il commanda aux sages de revenir
l'informer du lieu où l'Enfant royal se trouvait, professant
hypocritement qu'il désirait l'adorer également, tandis
que dans son cœur il se proposait d'ôter la vie à
l'Enfant, fut contrecarrée par l'avertissement divin, donné,
comme nous l'avons déjà noté, aux mages. Après
leur départ, l'ange du Seigneur apparut à Joseph,
disant : « Lève-toi, prends le petit enfant et
sa mère, fuis en Égypte et restes-y jusqu'à ce
que je te parle ; car Hérode va rechercher le petit
enfant pour le faire périr » [23]. Obéissant
à ce commandement, Joseph prit Marie et son Enfant et se mit
en route de nuit vers l'Égypte ; et la famille y resta
jusqu'à ce qu'elle reçût de Dieu l'ordre de
revenir. Lorsque le roi s'aperçut que les mages avaient ignoré
ses ordres, il entra dans une violente colère ; et
calculant la date la plus reculée à laquelle la
naissance pouvait s'être produite d'après la date de
l'apparition de l'étoile que lui avaient fournie les mages, il
ordonna impitoyablement le massacre de « tous les enfants
de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléhem
et dans son territoire » [24]. Dans ce massacre des
innocents, l'évangéliste trouva l'accomplissement de la
parole du Seigneur prononcée par Jérémie six
siècles auparavant et exprimée avec force au passé
comme si elle avait déjà été accomplie :
« Une
voix s'est fait entendre à Rama,
« Des
pleurs et beaucoup de lamentations :
« C'est
Rachel qui pleure ses enfants ;
« Elle
n'a pas voulu être consolée,
« parce
qu'ils ne sont plus. » [25]
LA
NAISSANCE DE JÉSUS RÉVÉLÉE AUX NÉPHITES
Comme
nous l'avons montré jusqu'à présent, les
prophètes des Amériques avaient clairement prédit
l'avènement terrestre du Seigneur et avaient indiqué
exactement le temps, le lieu et les circonstances de sa
naissance [26]. Lorsque le temps fut proche, le peuple fut
divisé par des opinions contradictoires quant à la
véracité de ces prophéties ; des incrédules
intolérants persécutèrent cruellement ceux qui,
comme Zacharie, Siméon, Anne et d'autres justes de Palestine,
conservaient avec foi et confiance l'espoir inébranlable que
le Seigneur viendrait. Samuel, Lamanite juste qui, à cause de
sa fidélité et de son dévouement désintéressé
avait reçu l'esprit et la faculté de prophétiser,
proclama intrépidement que la naissance du Christ était
proche : « Voici, je vous donne un signe ;
encore cinq ans, et voici, le Fils de Dieu vient racheter tous ceux
qui croiront à son nom » [27]. Le prophète
dit que beaucoup de signes et de miracles marqueraient le grand
événement. À mesure que les cinq années
s'écoulaient, les croyants devenaient de plus en plus fermes,
les incroyants de plus en plus violents, jusqu'à l'aube du
dernier jour de la période spécifiée ; et
c'était là le jour fixé par les incrédules
« où tous ceux qui croyaient en ces traditions
seraient mis à mort, si le signe donné par Samuel, le
prophète, ne se montrait pas » [28].
Néphi,
prophète de l'époque, invoqua le Seigneur dans
l'angoisse de son âme à cause des persécutions
dont son peuple était la victime ; « et voici,
la voix de Dieu vint à lui, disant : Lève la tête
et prends courage ; car voici, le temps est proche, et cette
nuit le signe sera donné, et demain je viendrai au monde pour
montrer aux hommes que j'accomplirai tout ce que j'ai fait annoncer
par la bouche de mes saints prophètes. Voici, je viens parmi
les miens pour accomplir toutes les choses que j'ai fait connaître
aux enfants des hommes depuis la fondation du monde et pour faire la
volonté du Père et du Fils - du Père à
cause de moi, et du Fils à cause de ma chair. Et voici, le
temps est proche, et cette nuit le signe sera donné. » [29]
Les
paroles du prophète s'accomplirent cette nuit-là ;
car si le soleil se coucha dans son cours habituel, il n'y eut pas de
ténèbres, et le lendemain le soleil se leva sur un pays
déjà illuminé ; un jour et une nuit et un
autre jour s'étaient passés comme un seul jour, et ce
n'était là qu'un seul des signes. Une nouvelle étoile
apparut dans le firmament à l'ouest, comme celle que les mages
de l'orient avaient vue ; et il y eut beaucoup d'autres
manifestations merveilleuses comme les prophètes l'avaient
prédit. Tout cela se produisit sur ce que l'on appelle
maintenant le continent américain, six cents ans après
que Léhi et sa petite compagnie eurent quitté Jérusalem
pour se rendre là-bas.
ÉPOQUE
DE LA NAISSANCE DE JÉSUS
L'époque
de la naissance du Messie est un sujet sur lequel les spécialistes
de la théologie et de l'histoire, et ceux que l'on appelle
« les savants » ne s'accordent pas. Des
recherches ont été faites, suivant de nombreux
procédés, pour n'arriver qu'à des conclusions
divergentes, tant en ce qui concerne l'année qu'en ce qui
concerne le mois et le jour de l'année où « l'ère
chrétienne » a réellement commencé.
Le premier à choisir la date de la naissance du Christ comme
l'événement à partir duquel on devrait calculer
tous les événements chronologiques ultérieurs
fut Dionysius Exiguus, en 532 ap. J.-C. ; cette méthode
de calcul du temps a pris le nom de système dionysien et prend
pour date de base A. U. C. 753, c'est-à-dire 753 ans après
la fondation de Rome, comme année de la naissance de notre
Seigneur. Les érudits ultérieurs qui ont examiné
le sujet ne s'accordent que pour dire que le calcul dionysien est
erroné, en ce qu'il situe la naissance du Christ de trois à
quatre ans trop tard ; et que, par conséquent, notre
Seigneur est né dans la troisième ou la quatrième
année avant le commencement de ce que les savants d'Oxford et
de Cambridge appellent l'ère vulgaire, calculée en ans
de grâce.
Sans
essayer d'analyser la masse des données relatives à ce
sujet, nous acceptons la méthode dionysienne comme correcte en
ce qui concerne l'année, c'est-à-dire que nous croyons
que le Christ est né au cours de l'année que nous
appelons l'an 1 av. J.-C., et, comme nous le montrerons, au cours
d'un des premiers mois de cette année. Nous citons, en
confirmation de cette croyance, le document inspiré appelé
la « Révélation sur le gouvernement de
l'Église, donnée par l'intermédiaire de Joseph
le Prophète, en avril 1830 », qui commence par les
paroles : « Naissance de l'Église du Christ en
ces derniers jours, mille huit cent trente ans depuis l'avènement
de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ dans la
chair. » [30]
Une
autre preuve que la chronologie que nous acceptons communément
est correcte est fournie par le Livre de Mormon. Nous y lisons que
« au commencement de la première année du
règne de Sédécias, roi de Juda », le
Seigneur adressa la parole à Léhi, à Jérusalem,
lui ordonnant de prendre sa famille et de partir dans le désert [31].
Dans les premières étapes de leur voyage vers la mer,
Léhi prophétisa, comme le Seigneur le lui avait montré,
la destruction imminente de Jérusalem et la captivité
des Juifs. En outre, il prédit le retour final du peuple de
Juda de son exil à Babylone, et la naissance du Messie,
déclarant clairement que ce dernier événement se
produirait six cents ans après la date à laquelle son
peuple et lui avaient quitté Jérusalem [32]. Cette
précision quant au temps fut répétée par
des prophéties ultérieures [33], et le Livre
rapporte que quand les signes de l'accomplissement réel se
produisirent, « il y avait six cents ans que Léhi
avait quitté Jérusalem » [34]. Ces
Écritures fixent l'époque du commencement du règne
de Sédécias à six cents ans avant la naissance
du Christ. Selon le calcul communément accepté,
Sédécias fut couronné roi en 597 avant
Jésus-Christ [35]. Cela montre un désaccord
d'environ trois ans entre la date communément acceptée
de l'inauguration de Sédécias comme roi et celle donnée
par le Livre de Mormon ; et comme nous l'avons déjà
vu, il y a une différence d'environ trois à quatre ans
entre le calcul dionysien et la première possibilité
d'accord entre les savants à propos du commencement de l'ère
vulgaire. C'est pourquoi la chronologie du Livre de Mormon confirme
d'une manière générale que le système
dionysien ou commun est correct.
Quant
à l'époque de l'année où le Christ
naquit, il existe parmi les savants une diversité d'opinions
aussi grande que pour l'année elle-même. Beaucoup de
savants bibliques prétendent que le 25 décembre, jour
célébré par la chrétienté sous le
nom de Noël, ne peut être la date correcte. Nous croyons
que le 6 avril est la date de naissance de Jésus-Christ, comme
l'indique une révélation moderne déjà
citée [36] dans laquelle ce jour correspond exactement à
la fin de la mille huit cent trentième année depuis
l'avènement du Seigneur dans la chair. Nous admettons
naturellement que notre position est basée sur notre foi en la
révélation moderne et ne provient en aucune façon
de recherches ou d'analyses chronologiques. Nous croyons que
Jésus-Christ naquit à Bethléem de Judée,
le 6 avril de l'an 1 av. J.-C.
[1]
Lc 2:1 ; voir versets 2-4. Note 1, fin du chapitre.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Note 2, fin du chapitre.
[4]
Lc 2:6,7.
[5]
Lc 2:8-14.
[6]
Lc 2:15.
[7]
Lc 2:19.
[8]
Lc 4:22, Mt 13:55, Mc 6:3.
[9]
Gn 17:12,13, Lv 12:3 ; cf. Jn 7:22. Chap. 7 du présent
ouvrage, note 2.
[10]
Lc 2:21 ; cf. 1:31, Mt 1:21, 25.
[11]
Lv chap. 12.
[12]
Ex 12:29, 13:2, 12, 22:29,30.
[13]
Nb 8:15-18, 18:15,16.
[14]
Lc 2:25 ; voir aussi verset 38 ; Mc 15:43 ; cf. Ps
40.1.
[15]
Lc 2:29-32. Dans les cantiques chrétiens, ces versets sont
appelés le Nunc dimittis ; ils doivent leur nom aux deux
premiers mots de la version latine.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Mt 2:2 ; lire 1-10.
[18]
Mt 2:5,6 ; cf. Mi 5:2, Jn 7:42.
[19]
Note 4, fin du chapitre.
[20]
Note 5, fin du chapitre.
[21]
Nb 24:17.
[22]
LM, HéI 14:5 ; 3 Né 1:21. Chap. 5, 8 et 39 du
présent ouvrage.
[23]
Mt 2:13.
[24]
Mt 2:16.
[25]
Mt 2:17,18 ; cf. Jr 31:15.
[26]
Chap. 5.
[27]
LM, Hél 14:2 ; lire 1-9.
[28]
LM, 3 Né 1:9 ; lire versets 4-21.
[29]
LM, 3 Né 1:12-21.
[30]
D&A 20:1 ; cf. 21:3. Note 6, fin du chapitre.
[31]
LM, 1 Né 1:4 ; 2:2-4.
[32]
LM, 1 Né 10:4.
[33]
LM, 1 Né 19:8 ; 2 Né 25:19.
[34]
LM, 3 Né 1:1.
[35]
Standard Bible Dictionary ; édité par Jacobus,
Nourse et Zenos, pub. par Funk et Wagnalls Co., New York et Londres,
1909, p. 915, articIe « Zedekiah ».
[36]
D&A 20:1 ; cf. 21:3.
NOTES
DU CHAPITRE 8
1.
Le recensement : À propos de la présence de Joseph
et de Marie à Bethléem, loin de leur demeure de Galilée
et du décret impérial en vertu duquel ils avaient été
amenés à se trouver là, les notes suivantes
méritent considération. Farrar (Life of Christ, p. 24,
note), dit : « On ne sait pas avec certitude si le
voyage de Marie avec son mari était obligatoire ou
volontaire... si ce recensement entraînait également une
taxe, cela veut dire que les femmes étaient passibles d'un
impôt par tête. Mais, en dehors de toute nécessité
légale, on peut aisément imaginer qu'en un pareil
moment Marie ait désiré ne pas rester seule. Les
soupçons cruels dont elle avait été l'objet et
qui avaient presque provoqué la rupture de ses fiançailles
(Mt 1:19) la feraient s'attacher d'autant plus à la protection
de son mari. » L’extrait suivant est tiré de
Life and Words of Christ, de Geikie, vol. 1, chap. 9, p. 108: « La
nation juive payait tribut à Rome, par l'intermédiaire
de ses gouverneurs, depuis le temps de Pompée ; et
Auguste, le méthodique, qui régnait maintenant et
devait rétablir l'ordre dans les finances de l'empire et les
assainir après la confusion et l'épuisement des guerres
civiles, prit grand soin que cette obligation ne fût ni oubliée
ni évitée. Il avait coutume d'exiger un recensement qui
devait être fait périodiquement dans toutes les
provinces de ses vastes conquêtes, afin de connaître le
nombre de soldats qu'il pouvait lever dans chacune d'elles et le
montant des impôts dus au trésor... Dans un empire qui
embrassait le monde connu à l'époque, il était
impossible de faire un recensement pareil simultanément
partout, en une période de temps brève ou fixée ;
il est plus probable que c'était un travail qui durait des
années et qui était effectué dans les provinces
ou les royaumes successivement. Mais tôt ou tard, même
les domaines de rois vassaux comme Hérode devaient fournir les
statistiques requises par leur maître. Lorsqu'il avait reçu
son royaume, il était resté sujet de l'empereur et
dépendait de plus en plus d'Auguste à mesure que les
années passaient et qu'il lui demandait de sanctionner à
chaque instant les mesures qu'il se proposait de prendre. Il ne
serait donc que trop prêt à satisfaire ses désirs,
en se procurant les statistiques qu'il désirait comme on peut
en juger par le fait qu'au cours d'une des dernières années
de sa vie, juste avant la naissance du Christ, il obligea la nation
juive tout entière à faire un serment solennel
d'obéissance à l'empereur ainsi qu'à lui-même.
« Il
est tout à fait probable que la méthode pour obtenir
les statistiques requises fut laissée en grande partie à
Hérode, à la fois pour lui montrer du respect devant
son peuple et parce qu'on savait que les Juifs étaient déjà
opposés à tout ce qui ressemblait à un
recensement général, abstraction faite de l'imposition
à laquelle il devait mener. À l'époque où
se situe le récit, il semble qu'on ait procédé à
un simple enregistrement, suivant le vieux système hébraïque
qui consistait à s'inscrire par famille dans son district
ancestral, naturellement à usage futur ; et c'est ainsi
que les choses se passèrent en bon ordre... La proclamation
ayant été faite dans tout le pays, Joseph n'avait que
le choix d'aller à Bethlehem, ville de David, lieu où
ses origines familiales, de la maison et du lignage de David,
exigeaient qu'il fût inscrit. »
2.
Jésus né dans un entourage pauvre : Il ne fait
aucun doute que le lieu où Jésus naquit n'était
pas très confortable. Mais ces conditions, quand on les
examine à la lumière des coutumes du pays et du temps,
étaient loin de l'état de dénuement profond que
l'on pourrait imaginer en les comparant à nos coutumes
modernes et occidentales. Loger à la belle étoile
n'était pas quelque chose d'extraordinaire pour les voyageurs
de la Palestine à l'époque de la naissance de notre
Seigneur ; et ce ne l'est pas non plus aujourd'hui. Mais il ne
fait cependant aucun doute que Jésus naquit dans une famille
relativement pauvre, dans des conditions modestes liées à
l'inconfort provenant du voyage. Cunningham Geikie, Life and Words of
Christ, chap. 9, p. 112, 113, dit : « Joseph et Marie
se rendaient à Bethlehem, ville de Ruth et de Booz, et
ancienne résidence de leur propre grand ancêtre David.
En s'en approchant, après avoir quitté Jérusalem,
ils devaient passer, dans le dernier kilomètre, devant un
endroit sacré pour des Juifs, où le soleil de la vie de
Jacob s'éteignit, lorsque son premier amour, Rachel, mourut et
fut enterrée comme sa tombe le montre encore, « sur
le chemin d'Éphrata, qui est Bethléhem » (Gn
35:19). Voyager en Orient a toujours été très
différent des conceptions occidentales. Comme dans tous les
pays peu peuplés, l'hospitalité privée obviait,
dans les temps anciens, au manque d'auberges, mais ce qui est
particulier à l'Orient, c'est que cette coutume amicale se
poursuivit pendant une longue série d'époques. Sur les
grandes routes qui traversaient des régions désertiques
ou inhabitées, le besoin d'abri mena, très tôt, à
la construction de bâtiments grossiers et simples, de grandeur
variée, appelés khans, qui offraient aux voyageurs la
protection de murs et d'un toit, et de l'eau, mais pas grand-chose de
plus. Les bâtiments les plus petits ne se composaient parfois
que d'une seule pièce vide, sur le sol de laquelle le voyageur
pouvait étendre son tapis pour dormir ; les plus grands,
toujours construits dans un carré creux, entouraient une cour
pour les animaux, contenant de l'eau pour eux et leurs maîtres.
Depuis des temps immémoriaux cela a été un mode
favori de bienveillance que d'édifier de tels abris, comme
nous le voyons dès l'époque de David, quand Chinham
construisit un grand khan près de Bethléhem, sur la
route caravanière d'Égypte. »
Le
chanoine Farrar (Life of Christ, chap. 1) accepte la croyance
traditionnelle que l'abri dans lequel Jésus naquit était
une des nombreuses grottes calcaires qui abondent dans la région
et que les voyageurs utilisent encore comme lieu de repos. Il dit :
« Il n'est pas rare, en Palestine, que le khan tout
entier, ou tout au moins la partie de celui-ci où sont logés
les animaux, soit une de ces cavernes innombrables qui abondent dans
les rochers calcaires de ces collines centrales. Tel semble avoir été
le cas dans la petite ville de Bethléhem-Ephrata, dans le pays
de Juda. Justin, apologiste et martyr, qui, étant donné
sa naissance à Sichem, connaissait bien la Palestine et qui
vivait moins d'un siècle après l'époque de notre
Seigneur, situe la scène de la nativité dans une
grotte. C'est là, en effet, la tradition ancienne et constante
des Églises d'Orient et d'Occident, et c'est une des rares que
nous puissions considérer comme raisonnablement probable, bien
qu'elle ne soit pas rapportée dans l'histoire évangélique. »
3.
Hérode le Grand : L'histoire d'Hérode 1er,
également appelé Hérode le Grand, doit être
recherchée dans des ouvrages spéciaux, dans lesquels le
sujet est traité en détail. Certains des faits
principaux doivent être examinés dans notre étude
présente et, pour aider l'étudiant, nous présentons
ci-après quelques extraits tirés d'ouvrages considérés
comme dignes de foi.
Condensé
d'une partie d'un article du Standard Bible Dictionary, édité
par Jacobus Nourse et Zenos, publié par Funk and Wagnalls Co.,
1909: - Hérode 1er, fils d'Antipater, reçut très
tôt un office important de son père, qui avait été
nommé procurateur de Judée. Le premier office qu'Hérode
détint fut celui de gouverneur de la Galilée. C'était
alors un jeune homme de vingt-cinq ans environ, énergique et
athlétique. Il se mit immédiatement en devoir de
supprimer les bandes de pillards qui infestaient son district et
réussit bientôt à exécuter le chef pillard
Hézékiah et plusieurs de ses lieutenants. Pour cela il
fut convoqué à Jérusalem par le Sanhédrin,
jugé et condamné mais, de connivence avec Hyrcan II
(grand prêtre ethnarque), il prit la fuite pendant la nuit. -
Il se rendit à Rome où il fut nommé roi de Judée
par Antoine et Octave. - Pendant les deux années suivantes il
s'employa à lutter contre les forces d'Antigone, qu'il finit
par vaincre, et prit possession de Jérusalem en 37 av. J.-C. -
Une fois roi, Hérode dut faire face à de graves
difficultés. Les Juifs lui étaient opposés à
cause de sa naissance et de sa réputation. La famille des
Asmonéens le considérait comme un usurpateur, en dépit
du fait qu'il avait épousé Mariamne. Les Pharisiens
étaient choqués de ses sympathies hellénistiques
ainsi que de ses méthodes sévères de
gouvernement. D'autre part les Romains le considéraient comme
responsable de l'ordre de son royaume et de la protection de la
frontière orientale de la République. Hérode fit
face à ces difficultés diverses avec une énergie
et même une cruauté caractéristiques, et
généralement avec une sagacité froide. Bien
qu'il taxât le peuple sévèrement, il lui
remettait ses dettes en temps de famine et vendait même sa
vaisselle pour obtenir le moyen de lui acheter de la nourriture. Bien
qu'il n'eût jamais de relations vraiment amicales avec les
Pharisiens, ils profitaient de son hostilité envers le parti
des Asmonéens, ce qui conduisit au commencement de son règne
à l'exécution d'un certain nombre de Sadducéens
qui étaient membres du sanhédrin.
Tiré
du Comprehensive Dictionary of the Bible, de Smith : La dernière
partie « du règne d'Hérode ne souffrit pas
de troubles externes, mais sa vie domestique fut gâchée
par une série presque ininterrompue de blessures et d'actes
cruels de vengeance. Les terribles effusions de sang qu'Hérode
commit sur sa famille furent accompagnées par d'autres tout
aussi terribles parmi ses sujets, si on pense au nombre de personnes
qui en furent les victimes. Selon l'histoire bien connue, il ordonna
que les nobles qu'il avait fait venir auprès de lui à
ses derniers moments fussent exécutés immédiatement
après son décès, afin qu'ainsi au moins sa mort
s'accompagnât d'un deuil universel. C'est à l'époque
de sa maladie fatale qu'il dut ordonner le massacre des petits
enfants de Bethléhem » (Mt 2:16-18).
La
fin mortelle du tyran et massacreur est traitée de la manière
suivante par Farrar dans sa Life of Christ, p. 54,55: - « Hérode
dut mourir très peu après l'assassinat des innocents.
Cinq jours seulement avant sa mort, il avait frénétiquement
essayé de se suicider et avait ordonné l'exécution
de son fils aîné, Antipater. Son agonie, qui nous
rappelle une fois de plus Henri VIII, s'accompagna de circonstances
particulièrement horribles ; on a affirmé qu'il
mourut d'une maladie répugnante, qui n'est pour ainsi dire
jamais mentionnée dans l'histoire sinon dans le cas d'hommes
qui ont été rendus infâmes par les atrocités
qu'ils ont commises dans leur zèle à persécuter.
Sur son lit de douleurs intolérables dans ce palais splendide
et luxueux qu'il s'était construit, sous les palmiers de
Jéricho, enflé par la maladie et brûlant de soif,
ulcéré extérieurement et consommé
intérieurement par un « feu brûlant
lentement », entouré de fils qui complotaient et
d'esclaves qui pillaient, haïssant tout le monde et haï de
tous, aspirant au moment où la mort le délivrerait de
ses tortures et pourtant la craignant parce qu'elle serait le
commencement de terreurs pires encore, rongé par le remords et
pourtant pas encore rassasié de meurtre, horrible pour tous
ceux qui l'entouraient et pourtant plus terrifiant à lui-même
dans sa conscience coupable, dévoré par la corruption
prématurée d'une tombe qui l'attendait, mangé de
vers comme s'il était frappé visiblement par le doigt
de la colère de Dieu, après soixante-dix ans de
scélératesse prospère, le misérable
vieillard, que les hommes appelaient le Grand, était étendu
dans une frénésie sauvage attendant sa dernière
heure. Sachant que personne ne verserait une larme sur lui, il
décréta aux principales familles du royaume et aux
chefs des tribus, sous peine de mort, de se rendre à Jéricho.
Ils vinrent. Après les avoir fait enfermer dans l'hippodrome,
il commanda secrètement à sa sœur Salomé
de les faire tous massacrer au moment de sa mort. Et c'est ainsi que,
étouffant pour ainsi dire de sang, imaginant des massacres
dans son délire même, l'âme d'Hérode entra
dans la nuit. »
On
trouvera le temple d'Hérode mentionné à la note
5, après le chapitre 6.
4.
Dons des mages à l'Enfant Jésus : Le récit
scripturaire de la visite des mages à Jésus et à
sa mère déclare qu'ils « se prosternèrent
et l'adorèrent », et en outre qu'« ils
ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent
de l'or, de l'encens et de la myrrhe ». La présentation
de dons à un personnage de rang supérieur, que ce soit
par sa situation dans le monde ou par ses capacités
spirituelles reconnues, était une coutume des temps anciens et
est encore largement répandue dans beaucoup de pays orientaux.
Il est à noter que nous n'avons aucun document qui montre que
ces hommes d'Orient aient offert des dons à Hérode dans
son palais ; mais ils donnèrent une partie de leurs
trésors à l'humble Enfant en qui ils reconnaissaient le
Roi à la recherche duquel ils étaient partis. La
tendance à attribuer une signification occulte à des
détails même minuscules mentionnés dans les
Écritures, en particulier en ce qui concerne la vie du Christ,
a conduit à beaucoup de suggestions imaginaires concernant
l'or, l'encens et la myrrhe mentionnés dans cet incident.
Certains y ont vu un symbolisme à moitié caché :
l'or, tribut à sa royauté, l'encens comme offrande
reconnaissant sa prêtrise, et la myrrhe pour son
ensevelissement. Le livre sacré n'offre aucune base à
de pareilles suppositions. La myrrhe et l'encens sont des résines
aromatiques dérivées de plantes originaires des pays
d'Orient, et on les utilise depuis des temps extrêmement
reculés en médecine et dans la préparation de
parfums et de mélanges aromatiques. Ils comptaient
probablement parmi les produits naturels des pays dont les mages
venaient, bien qu'il soit probable que, même là, ils
étaient chers et très estimés. Avec l'or, qui
est un métal précieux dans toutes les nations, ils
constituaient des dons tout à fait appropriés pour un
roi. Quiconque désire attribuer une signification mystique à
ces présents doit se souvenir qu'elle ne sera rien de plus que
ses propres suppositions ou sa propre imagination et n'est pas
garantie par l'Écriture.
5.
Les témoignages des bergers et des mages : La note
instructive suivante sur les témoignages qui ont trait à
la naissance du Messie est tirée du Young Men's Mutual
Improvement Association Manual, de 1897 - 8 : « On
observera que les témoignages relatifs à la naissance
du Messie proviennent de deux extrêmes, les humbles bergers des
champs de Judée, et les mages érudits de
l'Extrême-Orient. Nous ne pouvons pas penser que c'est là
le résultat d'un simple hasard, mais que l'on peut y discerner
le dessein et la sagesse de Dieu. Israël tout entier espérait
la venue du Messie, et, dans la naissance de Jésus à
Bethléhem, l'espoir d'Israël bien qu'à l'insu de
celui-ci - se réalise. Le Messie dont leurs prophètes
parlaient est né. Mais il doit y en avoir qui témoignent
de cette vérité, c'est pourquoi un ange fut envoyé
aux bergers qui gardaient leurs troupeaux de nuit, pour dire :
‘Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle
d'une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd'hui,
dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le
Christ, le Seigneur.' Et comme signe de la véracité du
message, ils devaient trouver l'Enfant enveloppé de langes,
couché dans une crèche à Bethléhem. Et
ils allèrent en hâte et trouvèrent Marie et
Joseph, et le bébé couché dans une crèche ;
et lorsqu'ils l'eurent vu, ils révélèrent à
tout le monde ce qu'on leur avait dit concernant cet enfant. Dieu
s'était suscité des témoins parmi le peuple pour
témoigner que le Messie était né, que l'espoir
d'Israël s'était réalisé. Mais il y avait
parmi les Juifs des classes de gens que ces humbles témoignages
des bergers ne pouvaient atteindre, et qui, si on avait pu les
atteindre, auraient sans aucun doute considéré
l'histoire de la visite de l'ange et le concours d'anges chantant le
cantique magnifique de ‘Paix sur la terre parmi les hommes
qu'il agrée’, comme des contes futiles de gens
superstitieux, trompés par leur imagination exagérée
ou leurs songes vains. Dieu suscita donc une autre classe de témoins
- des mages de l'Orient - témoins qui pouvaient entrer dans le
palais royal du fier roi Hérode et demander hardiment :
‘Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus
l'adorer’ ; témoignage qui surprit Hérode et
troubla Jérusalem tout entière. De sorte que Dieu se
suscita, en effet, des témoins pour satisfaire toutes les
classes et tous les états des hommes : le témoignage
d'anges pour les pauvres et les humbles ; le témoignage
d'hommes sages pour le roi hautain et les prêtres orgueilleux
de la Judée. De sorte que ses disciples pouvaient dire, en
parlant des choses relatives à la naissance du Messie, tout
autant que des choses relatives à sa mort et à sa
résurrection d'entre les morts : ‘Ce n'est pas en
cachette qu'elles se sont passées.’
6.
L'année de la naissance du Christ : En traitant ce sujet,
le Dr Charles F. Deems (The Light of the Nations, p. 28), après
avoir soigneusement examiné les estimations, les calculs et
les suppositions d'hommes qui ont employé de nombreux moyens
dans leurs recherches pour ne parvenir qu'à des résultats
discordants, dit : « Il est ennuyeux de voir des
savants utiliser le même attirail à calculer pour
arriver aux résultats les plus divergents. C'est une chose
étourdissante que d'essayer de trouver un accord parmi ces
calculs divers. » Dans une note en appendice, le même
auteur déclare : « Par exemple : la
naissance de notre Seigneur est située en l'an 1 av. J.-C. par
Pearson et Hug, l'an 2av. J.-C. par Scalinger, 3 av. J.-C. par
Baronius et Paulus, 4 av. J.-C. par Bengel, Wieseler et Greswell, 5
av. J.-C. par Usher et Petavius, 6 av. J.-C. par Strong, Luvin et
Clark, 7 av. J.-C. par Ideler et Sanclemente. »
CHAPITRE
9 : LE JEUNE GARÇON DE NAZARETH
Joseph,
Marie et son Fils demeurèrent en Egypte jusqu'après la
mort d'Hérode le Grand, événement qui fut révélé
par une autre visitation angélique. Leur séjour à
l'étranger fut probablement bref, car Hérode ne
survécut pas longtemps aux bébés qu'il avait
massacrés à Bethléhem. Dans le retour d'Égypte
de la famille, l'évangéliste voit l'accomplissement de
la vision prophétique d'Osée de ce qui serait :
« J'ai appelé mon fils hors d'Égypte » [1].
Il
semble avoir été dans l'intention de Joseph d'établir
la demeure de la famille en Judée, peut-être à
Bethléhem - ville de ses ancêtres et lieu encore plus
cher pour lui maintenant qu'il était le lieu de naissance de
l'Enfant de Marie - mais, apprenant en route que le fils d'Hérode,
Archélaüs, régnait à la place de son
méchant père, Joseph changea d'avis et, « divinement
averti en songe, il se retira dans le territoire de la Galilée,
et vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que
s'accomplisse ce qui avait été annoncé par les
prophètes : Il sera appelé Nazaréen » [2].
Tandis
qu'Archélaüs, qui semble avoir hérité
naturellement de la méchanceté et de la cruauté
de son infâme père, régnait en roi pendant une
brève période en Judée [3], ensuite avec le
titre moins élevé d'ethnarque, qui lui avait été
conféré par décret par l'empereur, son frère
Antipas gouvernait comme tétrarque en Galilée. Hérode
Antipas était aussi vicieux et réprouvé que les
autres membres de son immorale famille, mais il était moins
vindicatif, et, à cette époque de son règne,
relativement tolérant [4].
Les
Écritures ne parlent que brièvement de la vie de foyer
de Joseph et de sa famille à Nazareth. Le silence dans lequel
les historiens inspirés maintiennent la jeunesse de Jésus
est impressionnant, alors que les récits fantaisistes écrits
dans les années ultérieures par des mains non
autorisées sont remplis de détails fictifs, dont une
grande partie est tout à fait révoltante dans son
manque de logique puéril. Nul autre que Joseph, Marie et les
autres membres de la famille immédiate ou les intimes du
ménage n'aurait pu décrire la vie quotidienne de
l'humble demeure de Nazareth ; et c'est de ces informateurs
qualifiés que Matthieu et Luc détenaient probablement
la connaissance de ce qu'ils écrivaient. Le récit fait
par ceux qui savaient est marqué par une brièveté
impressionnante. C'est dans cette absence de détails que nous
pouvons voir des preuves de l'authenticité du récit
scripturaire. Des écrivains imaginatifs auraient fourni, comme
d'autres le firent plus tard, ce que nous cherchons en vain dans les
chapitres des évangiles. Les écrivains inspirés
honorent l'enfance de leur Seigneur d'un silence sacré ;
celui qui cherche à inventer des détails et à
charger la vie du Christ d'additions inventées, le déshonore.
Lisez attentivement la vérité prouvée
relativement à l'enfance du Christ : « Or le
petit enfant grandissait et se fortifiait ; il était
rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur
lui. » [5]
C'est
avec cette simplicité que le développement normal et
naturel du jeune Jésus est révélé. Il
vint parmi les hommes pour faire l'expérience de toutes les
situations naturelles de la condition mortelle ; quand il
naquit, c'était un bébé aussi impuissant et
aussi dépendant de ses parents que n'importe quel autre ;
sa tendre enfance fut en tous points semblable à l'enfance des
autres, son enfance fut une enfance réelle, son développement
fut aussi nécessaire et aussi réel que celui de tous
les enfants. Sur son esprit était tombé le voile de
l'oubli commun à tous ceux qui sont nés sur la terre, à
cause duquel le souvenir de l'existence précédente est
exclu. L'Enfant grandit, et avec les ans son esprit s'étendit,
ses facultés se développèrent, et sa force et
son intelligence progressèrent. Il passa d'une grâce à
l'autre et non pas du manque de grâce à la grâce ;
du bien à un bien plus grand, et non pas du mal au bien ;
de la faveur de Dieu à une faveur plus grande, et non pas de
la rupture à cause du péché à la
réconciliation par le repentir et l'expiation [6].
Ce
que nous savons de la vie juive à l'époque justifie
notre supposition que le jeune garçon reçut un bon
enseignement de la loi et des Écritures, car telle était
la règle. Il accumula de la connaissance par l'étude et
acquit de la sagesse par la prière, la réflexion et
l'effort. Il ne fait aucun doute qu'il fut formé au travail,
car la paresse était considérée avec horreur à
l'époque comme elle l'est maintenant, et tout jeune Juif,
qu'il fût fils de charpentier, enfant de paysan ou héritier
de rabbi, était dans l'obligation d'apprendre et d'exercer un
métier pratique et productif. Jésus était tout
ce qu'un garçon devait être, car son développement
n'était pas retardé par le poids mort du péché ;
il aimait la vérité et y obéissait, et de ce
fait il était libre [7].
Joseph
et Marie, dévots et fidèles à toutes les
observances de la loi, se rendaient chaque année à
Jérusalem lors de la fête de la Pâque. Cette fête
religieuse, faut-il le rappeler, était l'une des plus
solennelles et des plus sacrées d'entre les nombreuses
commémorations cérémonielles des Juifs ;
elle avait été établie à l'époque
de l'exode du peuple hors d'Égypte, pour commémorer le
fait que Dieu avait étendu le bras de sa puissance pour
délivrer Israël après que l'ange de la destruction
eut mis à mort le premier-né de toutes les familles
égyptiennes et eut miséricordieusement épargné
les maisons des enfants de Jacob [8]. Elle était
tellement importante qu'on la choisit pour commencer l'année
nouvelle. La loi exigeait que tous les hommes se présentassent
devant le Seigneur à la fête. Il était de rigueur
que les femmes fussent également présentes, si elles
n'en étaient pas empêchées par une raison
légitime ; et il semble que Marie ait suivi à la
fois l'esprit de la loi et la lettre de la règle, car elle
accompagnait habituellement son mari à l'assemblée
annuelle de Jérusalem.
Lorsque
Jésus fut parvenu à l'âge de douze ans, sa mère
et Joseph l'emmenèrent à la fête, comme la loi
l'exigeait ; on ne nous dit pas si le jeune garçon avait
déjà assisté précédemment à
pareil événement. À l'âge de douze ans, le
jeune Juif était reconnu membre de sa communauté
d'origine ; on exigeait alors de lui qu'il se lançât
définitivement dans le métier qu'il avait choisi ;
il parvenait à une situation personnelle avancée en ce
sens que dorénavant ses parents ne pouvaient plus disposer de
lui arbitrairement comme d'un esclave ; on lui faisait faire des
études plus poussées à l'école et au
foyer, et, quand les prêtres l'acceptaient, il devenait « fils
de la loi ». Le désir commun et très naturel
des parents était que leurs fils assistassent à la fête
de la Pâque et fussent présents aux cérémonies
du temple en qualité de membres reconnus de l'assemblée,
lorsqu'ils avaient l'âge prescrit. C'est ainsi que le jeune
Jésus se rendit au temple.
La
fête proprement dite durait sept jours, et, à l'époque
du Christ, de grandes foules de Juifs y assistaient annuellement ;
Josèphe dit d'une assemblée de ce genre, lors de la
Pâque, que c'était « une multitude
innombrable » [9]. Les gens venaient de provinces
éloignées en grandes compagnies et en longues
caravanes, cela étant plus pratique et constituant un moyen de
protection commune contre les bandes de pillards que l'on sait avoir
infesté le pays. C'est dans une compagnie de ce genre que
Joseph et sa famille voyagèrent.
Lorsque,
après la fin de la Pâque, la compagnie galiléenne
eut accompli une journée du voyage de retour, Joseph et Marie
découvrirent, à leur surprise et à leur profonde
inquiétude, que Jésus n'était pas dans leur
compagnie. Après avoir vainement cherché parmi leurs
amis et leurs connaissances, ils retournèrent vers Jérusalem
à la recherche du jeune garçon. Leurs recherches ne
leur apportèrent ni réconfort ni aide pendant trois
jours ; puis, « ils le trouvèrent dans le
temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les
questionnant » [10]. Il n'était pas
extraordinaire qu'un jeune garçon de douze ans fût
interrogé par des prêtres, des scribes ou des rabbis, ni
qu'il lui fût permis de poser des questions à ces
interprètes professionnels de la loi, car cette procédure
faisait partie de la formation des jeunes Juifs ; il n'y avait
rien de surprenant non plus à ce que pareille réunion
d'étudiants et d'instructeurs se tînt dans les cours du
temple, car les rabbis de l'époque avaient coutume d'y
enseigner ; et les gens, jeunes et vieux, s'assemblaient autour
d'eux, assis à leurs pieds pour apprendre ; mais il y
avait beaucoup d'extraordinaire dans cette entrevue, comme le
montrait le comportement des savants docteurs, car on n'avait encore
jamais trouvé d'étudiant pareil, puisque « ceux
qui l'entendaient étaient surpris de son intelligence et de
ses réponses ». L'incident nous donne la preuve que
l'enfance de Jésus avait été bien employée
et qu'il était extraordinairement accompli [11].
L'étonnement
de Marie et de son mari de découvrir le jeune garçon en
une compagnie si distinguée, et de le voir être si
clairement un objet de déférence et de respect, et la
joie de revoir le Bien-Aimé qui avait été perdu
pour eux, ne bannirent pas complètement le souvenir de
l'angoisse que son absence leur avait causée. Sur un ton de
reproche doux mais indubitable, sa mère dit : « Enfant,
pourquoi nous as-tu fait cela ? Voici que ton père et moi
nous te cherchons avec angoisse. » La réponse du
jeune garçon les étonna, car elle révélait,
dans une mesure dont jusqu'à présent ils ne s'étaient
pas encore rendu compte, ses capacités rapidement mûrissantes
de jugement et de compréhension. Il dit : « Pourquoi
me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
m'occupe des affaires de mon Père ? »
Nous
ne pouvons pas dire que dans la réponse que ce fils
extrêmement respectueux fit à sa mère, il y avait
une réplique méchante ou un reproche insolent. Sa
réponse rappelait à Marie ce qu'elle semblait avoir
temporairement oublié : les faits relatifs au Père
de son Fils. Elle avait utilisé les mots « ton père
et moi » ; et la réponse de son Fils lui avait
rappelé à l'esprit la vérité que Joseph
n'était pas le père du jeune garçon. Elle semble
avoir été étonnée que quelqu'un de si
jeune ait pu comprendre si parfaitement sa position vis-à-vis
d'elle. Il lui avait fait remarquer l'inexactitude accidentelle de
ses paroles ; ce n'était pas son Père qui le
cherchait : n'était-il pas en ce moment même dans
la maison de son Père, et ne s'occupait-il pas en particulier
des affaires de son Père, de l'œuvre même dont
celui-ci l'avait chargé ?
Il
n'avait pas exprimé le moindre doute que Marie fût sa
mère, mais il avait montré d'une manière
indiscutable qu'il reconnaissait pour son Père, non pas Joseph
de Nazareth, mais le Dieu des cieux. Marie et Joseph furent
incapables de comprendre tout le sens de ses paroles. Bien qu'il
comprît que le fait d'être le Fils de Dieu l'obligeait à
rendre ses devoirs avant tout à son Père céleste,
et qu'il eût montré à Marie que son autorité
de mère terrestre était subordonnée à
celle de son Père immortel et divin, il lui obéit.
Aussi intéressés que fussent les docteurs à ce
garçon remarquable, autant qu'il leur eût donné à
réfléchir par ses questions profondes et ses réponses
sages, ils ne pouvaient le retenir, car la loi même qu'ils
professaient soutenir exigeait une obéissance stricte à
l'autorité des parents. « Puis il descendit avec
eux pour aller à Nazareth, et il leur était soumis. Sa
mère conservait toutes ces choses dans son cœur. »
Quels
secrets merveilleux et sacrés étaient précieusement
gardés dans ce cœur de mère, et quelles surprises
nouvelles, quels graves problèmes se dressaient devant elle de
jour en jour à mesure que son Fils plus que mortel manifestait
sa sagesse grandissante ! Bien qu'elle n'eût jamais pu
l'oublier entièrement, apparemment elle perdait parfois de vue
la personnalité supérieure de son Fils. Il était
peut-être de la volonté divine qu'il en fût ainsi.
Les rapports entre Jésus et sa mère, ou entre lui et
Joseph n'auraient jamais pu constituer une expérience vraiment
et pleinement humaine, si sa divinité avait toujours été
dominante ou même nettement apparente. Il semble que Marie
n'ait jamais pleinement compris son Fils ; à chaque
nouvelle preuve du caractère exceptionnel de sa personnalité,
elle recommençait à s'étonner et à
méditer. Il lui appartenait, et cependant d'une manière
très réelle, il ne lui appartenait pas pleinement. Il y
avait, dans leurs rapports mutuels, un mystère, terrible et
pourtant sublime, un secret sacré que cette mère élue
et bénie hésitait même à se répéter.
La crainte a dû lutter avec la joie dans son âme à
cause de lui. Le souvenir des promesses merveilleuses de Gabriel, le
témoignage des bergers en liesse et l'adoration des mages ont
dû lutter avec celui de l'importante prophétie de
Siméon, qui s'adressait à elle-même
personnellement : « Et toi-même, une épée
te transpercera l'âme » [12].
Pour
ce qui est des événements des dix-huit années
qui suivirent le retour de Jésus de Jérusalem à
Nazareth, les Écritures sont silencieuses à l'exception
d'une phrase d'une importance capitale : « Et Jésus
croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et
devant les hommes » [13]. Il est clair que ce Fils du
Très-Haut ne possédait pas, dès le berceau, une
plénitude de connaissance ni une sagesse parfaite [14].
Ce n'est que lentement que se développait en son âme
l'assurance que sa mission était d'être le Messie, dont
il avait lu, dans la loi, les prophètes et les psaumes, qu'il
viendrait ; et c'est en se préparant avec ferveur au
ministère qui devait culminer sur la croix qu'il passa ses
années d'adolescent et de jeune homme. Les chroniques des
années ultérieures nous apprennent qu'on le tenait sans
aucun doute pour le Fils de Joseph et de Marie et qu'on le
considérait comme le frère des autres enfants plus
jeunes de la famille. On l'appelait charpentier et fils de
charpentier, mais, jusqu'au commencement de son ministère
public, il semble ne pas avoir joué de rôle important,
même dans sa petite communauté natale [15].
Il
mena une vie simple, en paix avec ses semblables, en communion avec
son Père, croissant ainsi en faveur auprès de Dieu et
des hommes. Comme le montrent ses paroles publiques, lorsqu'il fut
devenu homme, ces années d'isolement se passèrent en
efforts actifs, tant physiques que mentaux. Jésus observait
attentivement la nature et les hommes. Il était capable de
souligner ses enseignements par des illustrations tirées des
divers métiers et des diverses professions ; les voies du
docteur de la loi et du médecin, les manières du
scribe, du Pharisien et du rabbi, les habitudes du pauvre, les
coutumes du riche, la vie du berger, du fermier, du vigneron et du
pêcheur, tout cela lui était connu. Il considérait
les lis des champs, et l'herbe dans les prés et sur les
coteaux, les oiseaux qui ne semaient ni ne moissonnaient mais
vivaient de l'abondance de leur Créateur, les renards dans
leurs tanières, le chien domestique gâté et le
roquet vagabond, la poule abritant sa couvée sous ses ailes
protectrices, tous avaient contribué à la sagesse qu'il
avait acquise en grandissant, aussi bien que les humeurs du temps, la
répétition des saisons et tous les phénomènes
des changements et de l'ordre de la nature.
Nazareth
fut la demeure de Jésus jusqu'à ce qu'il eut environ
trente ans ; et conformément à la coutume qui
désignait les individus par le nom de leur ville d'origine, en
plus de leur nom personnel [16], notre Seigneur commença
à être généralement connu sous le nom de
Jésus de Nazareth [17]. On l'appelle aussi Nazaréen,
ou originaire de Nazareth, et Matthieu cite le fait, disant que c'est
là l'accomplissement d'une prophétie antérieure,
bien que la compilation d'Écritures que nous possédons
actuellement dans l'Ancien Testament ne contienne aucune allusion à
pareille prophétie. Il est pratiquement certain que cette
prédiction se trouvait dans l'une des nombreuses Écritures
qui existaient dans les temps anciens mais qui ont été
perdues depuis [18]. On verra que Nazareth était un
village obscur, peu honoré et peu renommé, dans la
question presque méprisante de Nathanaël, qui, lorsqu'on
lui apprit qu'on avait trouvé le Messie en la personne de
Jésus de Nazareth, demanda : « Peut-il venir
de Nazareth quelque chose de bon ? [19] » Cette
question incrédule est devenue un proverbe, et celui-ci a
encore cours aujourd'hui même pour exprimer une source de bien
impopulaire ou peu prometteuse. Nathanaël habitait Cana, qui
n'était qu'à quelques kilomètres de Nazareth, et
la surprise qu'il manifesta à la nouvelle que lui apporta
Philippe à propos du Messie est une preuve indirecte de
l'isolement dans lequel Jésus avait vécu.
C'est
ainsi que se passèrent l'enfance, la jeunesse et les premières
années adultes du Sauveur de l'humanité.
[1]
Mt 2:15 ; cf. Os 11:1.
[2]
Mt 2:19-23. Note 5, fin du chapitre.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Lc 2:40.
[6]
Note 3, fin du chapitre.
[7]
Comparer avec ses enseignements quand il sera arrivé à
l'âge mûr, p. ex. Jn 8:32.
[8]
Dt 16:1-6 ; cf. Ex 12:2.
[9]
Josèphe, Guerres des Juifs, 11, 1:3.
[10]
Lc 2:46 ; lire 41-52.
[11]
Comparer avec Mt 7:28,29, 13:54, Mc 6:2, Lc 4:22.
[12]
Lc 2:35.
[13]
Lc 2:52.
[14]
Note 3, fin du chapitre.
[15]
Mt 13:55, 56, Mc 6:3, Lc 4:22 ; cf. Mt 12-46, 47, Ga 1:19.
[16]
Illustrations : Joseph d'Arimathée (Marc 15:43),
Marie-Madeleine appelée ainsi à cause de sa ville
natale, Magdala (Mt 27:56), Judas Iscariot, peut-être appelé
ainsi parce qu'il venait de Kérioth (Mt 10:4, voir chap. 18 du
présent ouvrage).
[17]
Mt 21:11, Jn 18:5,19:9, Ac 2:22,3:6 ; voir aussi Lc 4:16.
[18]
Note 4, fin du chapitre.
[19]
Jn 1:45,46.
NOTES
DU CHAPITRE 9
1.
Archélaüs régna à la place d'Hérode :
« À sa mort, Hérode [le Grand] laissa
un testament selon lequel son royaume devait être partagé
entre ses trois fils. Archélaüs devait avoir la Judée,
l'Idumée et la Samarie avec le titre de roi (Mt 2:22). Hérode
Antipas devait recevoir la Galilée et la Pérée,
avec le titre de tétrarque, Philippe devait prendre possession
du territoire transjordanien avec le titre de tétrarque (Lc
3:1). Ce testament fut ratifié par Auguste à
l'exception du titre donné à Archélaüs.
Après la ratification par Auguste du testament d'Hérode,
Archélaüs accéda au gouvernement de la Judée,
de la Samarie et de l'Idumée, avec le titre d'ethnarque la
promesse que, s'il gouvernait bien, il deviendrait roi. Cependant il
était très impopulaire, et son règne fut marqué
par des troubles et des actes d'oppression. Finalement, la situation
devint si intolérable que les Juifs en appelèrent à
Auguste, et Archélaüs fut déposé et envoyé
en exil. Cela explique la déclaration qui se trouve dans Mt
2:22, et peut avoir suggéré l'idée de la
parabole (Lc 19:12, etc.). » - Standard Bible Dictionary,
Funk and Wagnalls Co., article « Hérode ».
Dès le début de son règne, il exerça une
vengeance sommaire sur ceux qui s'aventuraient à protester
contre la poursuite des violences de son père, en en
massacrant trois mille ou davantage ; et cet ignoble carnage se
produisit en partie dans l'enceinte du temple (Josèphe,
Antiquités XVII, 9:1-3).
2.
Hérode Antipas : Fils d'Hérode I (le Grand) et
d'une Samaritaine, et frère d'Archélaüs. Selon le
testament de son père, il devenait tétrarque de Galilée
et de Pérée (Mt 14: 1 ; Lc 3:19, 9:7, Ac 13: 1,
comparez avec Lc 3:1). Il répudia sa femme, fille d'Aretas,
roi d'Arabie Pétrée, et contracta une union illégale
avec Hérodiade, femme de son demi-frère Hérode
Philippe 1 (pas le tétrarque Philippe). Jean-Baptiste fut mis
en prison et finalement mis à mort suite à la colère
d'Hérodiade, furieuse de ce qu'il dénonçait son
union avec Hérode. Hérodiade exhorta Antipas à
aller à Rome et à demander à César le
titre de roi (comparez avec Mc 6:14, etc.). Antipas est le Hérode
le plus souvent cité dans le Nouveau Testament (Mc 6:17 ;
8:15, Lc 3:1, 9:7, 13:31, Ac 4:27, 13:1). Il était le Hérode
à qui Pilate envoya Jésus pour qu'il l'examinât,
profitant de ce que l'on connaissait le Christ pour un Galiléen
et d'une coïncidence qui voulait que Hérode fût à
Jérusalem à l'époque, pour assister à la
Pâque (Lc 23:6, etc.). On trouvera d'autres détails dans
le Dictionnaire de Smith, celui de Cassel ou dans le Standard Bible
Dictionary.
3.
Témoignage de Jean l'apôtre concernant la croissance du
Christ en connaissance et en grâce : Dans une révélation
moderne, Jésus le Christ a confirmé le témoignage
de Jean l'apôtre, témoignage qui n'apparaît que
partiellement dans notre compilation d'Écritures anciennes.
Jean atteste de la manière suivante qu'il se produisit
réellement un développement naturel dans la croissance
de Jésus de l'enfance à la maturité : « Et
moi, Jean, je vis qu'il ne recevait pas la plénitude dès
l'abord, mais qu'il reçut grâce sur grâce ;
et il ne reçut pas la plénitude dès l'abord,
mais continua de grâce en grâce, jusqu'à ce qu'il
reçût une plénitude ; c'est ainsi qu'il fut
appelé le Fils de Dieu, parce qu'il n'avait pas reçu la
plénitude dès l'abord » (D&A 93:12-14).
En dépit de cette croissance et du développement
graduels après sa naissance dans la chair, on a associé
Jésus-Christ avec le Père dès le début,
comme l'explique la révélation citée. Nous y
lisons : « Et il [Jean] rendit témoignage,
disant : Je vis sa gloire, je vis qu'il était au
commencement, avant que le monde fût ; c'est pourquoi, au
commencement était la Parole, à savoir le messager du
salut - la lumière et le Rédempteur du monde ;
l'Esprit de vérité, qui est venu dans le monde, parce
que le monde avait été fait par lui, et en lui étaient
la vie et la lumière des hommes. Les mondes furent faits par
lui, les hommes furent faits par lui, tout fut fait par lui, par son
intermédiaire et de lui. Et moi, Jean, je rends témoignage
que je vis sa gloire, la gloire du Fils unique du Père, plein
de grâce et de vérité, savoir l'Esprit de vérité
qui vint demeurer dans la chair et demeura parmi nous »
(versets 7-11).
4.
Écritures manquantes : Le commentaire de Matthieu sur la
demeure de Joseph, de Marie et de Jésus à Nazareth,
« et [il] vint demeurer dans une ville appelée
Nazareth, afin que s'accomplisse ce qui avait été
annoncé par les prophètes : Il sera appelé
Nazaréen » (2:23), et le fait que l'on ne trouve
aucune parole de ce genre chez les prophètes dans aucun des
livres contenus dans la Bible, font ressortir la certitude que des
Écritures ont été perdues. Ceux qui sont opposés
à la doctrine de la révélation continue entre
Dieu et son Église, sous prétexte que la Bible est une
collection complète d'Écritures sacrées, et que
les prétendues révélations que l'on n'y trouve
pas doivent par conséquent être inauthentiques, peuvent
avoir avantage à noter les nombreux livres qui ne se trouvent
pas dans la Bible, et qui pourtant y sont mentionnés,
généralement de manière à ne laisser
aucun doute quant au fait qu'on les considérait autrefois
comme authentiques. Parmi ces Écritures extra-bibliques, on
peut citer les suivantes, dont certaines existent aujourd'hui et sont
classées parmi les Apocryphes, mais dont la plus grande partie
est inconnue. Nous lisons qu'il est question du livre de l'alliance
(Ex 24:7), du livre des Guerres de l'Éternel (Nb 21:14), du
livre du juste (Jos 10:13), du livre des Statuts (1 S 10:25), du
livre d'Énoch (Jude 14), du livre des actes de Salomon (1 R
11:41), du livre de Nathan le prophète et de celui de Gad le
Voyant (1 Ch 29:29), du livre d'Ahiya de Silo et des visions de Yéedo
(2 Ch 9:29), du livre de Chemaeya (2 Ch 12:15), du commentaire du
prophète Iddo (2 Ch 13:22), des Actes de Jéhu (2 Ch
20:34), des actes d'Ozias, par Ésaïe, fils d'Amots (2 Ch
26:22), du livre de Hozaï (2 Ch 33:19), d'une épître
manquante de Paul aux Corinthiens (1 Co 5:9), d'une épître
manquante aux Éphésiens (Ep 3:3), d'une épître
manquante aux Colossiens, écrite de Laodicée (Co 4:16),
d'une épître manquante de Jude (Jude 3).
5.
Nazareth : Ville de Galilée que la Bible ne mentionne que
dans le Nouveau Testament. Josèphe ne dit rien de cet endroit.
Le nom du village existant, ou la Nazareth d'aujourd'hui, est
En-Nazirah. Celui-ci occupe une colline sur le plan méridional
du Liban, et « on a de là une vue splendide de la
plaine d'Esdraelon et du mont Carmel, et, d'une manière
générale, l'endroit est très pittoresque »
(Zenos). L'auteur de l'article « Nazareth » du
Bible Dict., de Smith, identifie En-Nazirah moderne avec la Nazareth
d'autrefois pour les raisons suivantes : « Elle se
trouve sur les pentes inférieures d'une colline ou montagne
(Lc 4:29) ; elle se trouve dans les limites de la province de
Galilée (Mc 1:9) ; elle se trouve près de Cana (Jn
2:1, 2, 11), un précipice existe dans le voisinage (Lc 4:29),
et une série d'attestations remontant jusqu'à Eusèbe
assurent que l'endroit a occupé la même place. »
Le même auteur ajoute : « Elle a une population
de trois ou quatre mille habitants ; il y a quelques mahométans,
le reste se compose de chrétiens, latins et grecs. La plupart
des maisons sont bien construites et en pierre, et semblent propres
et confortables. Les rues ou plutôt les ruelles sont étroites
et tortueuses, et lorsqu'il a plu, elles sont si remplies de boue et
de fange qu'il est presque impossible de les traverser. »
Du vivant du Christ, la ville n'était pas seulement considérée
comme sans importance par les Judéens qui n'avaient que peu de
respect pour la Galilée ou les Galiléens, mais comme
une ville sans aucun honneur par les Galiléens eux-mêmes,
comme on peut en déduire du fait que la question apparemment
méprisante, « peut-il venir de Nazareth quelque
chose de bon ? » fut prononcée par Nathanaël
(Jn 1:46), qui était Galiléen et originaire de Cana,
ville voisine de Nazareth (Jn 21:2). Nazareth doit sa célébrité
au fait que des événements de la vie de Jésus-Christ
s'y déroulèrent (Mt 2.23, 13:54, Mc 1: 9, 6:1, Le 1:26,
2:4, 4:23, 34, Jn 1:45, 46, 19:19 ; Ac 2:22).
CHAPITRE
10 : DANS LE DÉSERT DE JUDÉE
LA
VOIX DANS LE DÉSERT
À
l'époque précisée comme étant la
quinzième année du règne de Tibère,
empereur de Rome, le peuple de Judée fut fortement ému
des prédications étranges d'un homme jusqu'alors
inconnu. Il était de descendance sacerdotale mais n'avait pas
été formé par les écoles, et, sans
autorisation des rabbis ni permission des principaux sacrificateurs,
il se proclamait envoyé de Dieu avec un message pour Israël.
Il apparaissait non dans les synagogues ni dans les cours du temple,
où les scribes et les docteurs enseignaient, mais criait à
haute voix dans le désert. Les populations de Jérusalem
et des régions avoisinantes allaient l'écouter en
grandes multitudes. Il dédaignait les vêtements doux et
les robes amples et confortables et prêchait dans son rude
vêtement du désert, qui se composait d'une tunique en
poil de chameau maintenue par une ceinture de cuir. La grossièreté
de son habillement était considérée comme
significative. Élie, le Tichbite, ce prophète intrépide
dont le désert avait été la demeure, était
connu de son temps comme « un homme avec un vêtement
de poil ; il avait une ceinture de cuir autour des reins » [1],
et on en était venu à considérer que les
vêtements primitifs étaient une caractéristique
distinctive des prophètes [2]. En outre, cet étrange
prédicateur ne mangeait pas la nourriture du luxe et de
l'aisance mais se nourrissait de ce que le désert offrait, des
sauterelles et du miel sauvage [3].
Il
avait étudié sous la tutelle d'instructeurs divins, et
c'est là, dans le désert de Judée, que la parole
du Seigneur lui parvenait [4], comme elle était parvenue
autrefois à Moïse [5] et à Élie [6]
dans un cadre semblable. C'est alors que l'on entendit « la
voix de celui qui crie dans le désert : préparez
le chemin du Seigneur, rendez droit ses sentiers » [7].
C'était la voix du héraut, du messager qui, comme les
prophètes l'avaient dit, irait devant le Seigneur pour lui
préparer la voie [8]. La teneur de son message était
« Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche ».
Et ceux qui avaient foi en ses paroles et professaient se repentir,
confessant leurs péchés, il leur administrait le
baptême par immersion dans l'eau - proclamant en même
temps : « Moi, je vous baptise dans l'eau, en vue de
la repentance, mais celui qui vient après moi est plus
puissant que moi, et je ne mérite pas de porter ses sandales.
Lui vous baptisera d'Esprit Saint et de feu. » [9]
On
ne pouvait ignorer ni l'homme, ni son message ; sa prédication
offrait des promesses bien précises à l'âme
repentante et dénonçait d'une manière cinglante
l'hypocrite et le pécheur endurci. Quand des Pharisiens et des
Sadducéens venaient à son baptême, jacassant sur
la loi, dont ils ne cessaient de transgresser l'esprit, et sur les
prophètes, qu'ils déshonoraient, il les traitait de
races de vipères et leur demandait : « Qui
vous a appris à fuir la colère à venir ? »
Il balayait leurs vantardises répétées, dans
lesquelles ils se disaient les enfants d'Abraham, en disant :
« Produisez donc du fruit digne de la repentance ; et
n'imaginez pas pouvoir dire : Nous avons Abraham pour père !
Car je vous déclare que de ces pierres-ci Dieu peut susciter
des enfants à Abraham » [10]. Sa façon
d'ignorer leurs prétentions à être préférés
en qualité d'enfants d'Abraham était une violente
rebuffade et blessait profondément tant les Sadducéens
aristocratiques que les Pharisiens pointilleux sur le code. Le
judaïsme affirmait que la postérité d'Abraham
avait une place assurée dans le royaume du Messie attendu et
qu'aucun converti d'entre les Gentils ne pouvait espérer
atteindre le rang et la distinction dont les « enfants »
étaient assurés. L'affirmation énergique de Jean
que Dieu pouvait susciter des enfants à Abraham à
partir des pierres des berges du fleuve, signifiait pour ceux qui
l'écoutaient que même les plus humbles de la famille
humaine pouvaient être préférés à
eux s'ils ne se repentaient pas et ne se réformaient pas [11].
Le temps de leur profession verbeuse était passé ;
ce qu'on demandait, c'était des fruits et non pas une
profusion stérile quoique feuillue ; la cognée
était prête, oui, à la racine même de
l'arbre ; et tous les arbres qui ne produisaient pas de bons
fruits seraient abattus et jetés au feu.
Les
gens étaient étonnés, et beaucoup, se voyant
dans leur état réel d'abandon et de péché,
tandis que Jean exposait leurs fautes en termes brûlants,
s'écrièrent : « Que ferons-nous
donc [12] ? » Dans sa réponse, il attaqua
le goût du cérémoniel qui avait desséché
la spiritualité dans le cœur des gens, presque jusqu'à
la tuer. Il exigeait une charité désintéressée :
« Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui
n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. »
Les péagers ou percepteurs d'impôts, sous les exactions
injustes et illégales desquels le peuple souffrait depuis si
longtemps, vinrent, demandant : « Maître, que
ferons-nous ? Il leur dit : N'exigez rien au-delà de
ce qui vous a été ordonné. » Aux
soldats qui demandaient ce qu'ils devaient faire, il répliqua :
« Ne faites violence à personne, et ne dénoncez
personne à tort, mais contentez-vous de votre solde. » [13]
L'esprit
de ses exigences était celui d'une religion pratique, la seule
qui puisse avoir une valeur quelconque : la religion d'une vie
droite. En dépit de toute sa vigueur, malgré sa
brusquerie, nonobstant ses attaques vigoureuses contre les coutumes
dégénérées du temps, ce Jean n'était
pas un agitateur excité qui s'en prenait aux institutions
établies, ni un provocateur d'émeutes, ni un partisan
de la révolte, ni un fomentateur de rébellions. Il ne
s'attaquait pas au système des impôts mais aux
extorsions des péagers corrompus et cupides ; il ne
dénonçait pas l'armée, mais les iniquités
des soldats, dont beaucoup avaient profité de leur position
pour rendre de faux témoignages afin d'obtenir du gain et de
s'enrichir par des saisies de force. Il prêchait ce que nous
appelons les premiers principes fondamentaux de l'Évangile, le
« commencement de l'Évangile de Jésus-Christ,
Fils de Dieu » [14], comprenant la foi, qui est une
croyance vivante en Dieu, le repentir sincère, qui implique la
contrition pour les offenses passées et la décision
ferme de se détourner du péché, le baptême
par immersion dans l'eau sous ses mains, étant les mains de
quelqu'un qui avait l'autorité, et le baptême supérieur
du feu ou l'octroi du Saint-Esprit par une autorité supérieure
à celle qu'il possédait lui-même. Son
enseignement était positif et opposé, à de
nombreux points de vue, aux conventions du temps ; il n'essayait
pas d'attirer le peuple par des manifestations miraculeuses [15] ;
et si beaucoup de ses auditeurs devinrent ses disciples [16], il
ne créa aucune organisation officielle et n'essaya pas non
plus de former une secte. Il demandait à chacun
personnellement de se repentir et administrait personnellement à
chaque candidat acceptable le rite du baptême.
Pour
les Juifs qui vivaient dans un état d'expectative, attendant
le Messie prédit depuis si longtemps, les paroles de cet
étrange prophète du désert étaient
lourdes de présages. Se pouvait-il qu'il fût le Christ ?
Il parlait de quelqu'un plus puissant que lui, qui devait encore
venir, dont il n'était pas digne de défier les
chaussures [17], Quelqu'un qui séparerait le peuple comme
le batteur, van à la main, séparait la balle du grain ;
et, ajoutait-il, cette personne toute puissante « amassera
le blé dans son grenier, mais brûlera la paille dans un
feu qui ne s'éteint pas » [18].
C'est
ainsi que le héraut, prédit du Seigneur, remit son
message. Il ne s'exaltait pas personnellement ; mais son office
lui était sacré, il ne tolérait aucune
intervention dans ses fonctions, que ce fût de la part d'un
prêtre, d'un Lévite ou d'un rabbi. Il ne faisait point
acception de personnes ; à dénonçait le
péché, écorchait les pécheurs, qu'ils
fussent revêtus de vêtements sacerdotaux, d'habits
paysans ou de robes royales. Tout ce que le Baptiste avait déclaré
de lui-même et de sa mission fut confirmé plus tard par
le témoignage formel du Christ [19]. Jean était
l'annonciateur, non seulement du Royaume, mais également du
Roi ; c'est à lui que vint le Roi en personne.
LE
BAPTÊME DE JÉSUS - POUR ACCOMPLIR TOUT CE QUI EST JUSTE
Quand
Jésus eut environ trente ans [20], il se rendit de sa
demeure de Galilée « au Jourdain vers Jean, pour
être baptisé par lui. Mais Jean s'y opposait en disant :
C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi et c'est
toi qui viens à moi ! Jésus lui répondit :
Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous
accomplissions ainsi toute justice. Alors Jean le laissa
faire » [21].
Jean
et Jésus étaient cousins au deuxième degré ;
on ne nous dit pas s'ils avaient eu des relations étroites
lorsqu'ils étaient enfants ou lorsqu'ils devinrent adultes.
Mais ce qui est certain, c'est que quand Jésus se présenta
pour être baptisé, Jean reconnut en lui un homme sans
péché qui n'avait aucun besoin de repentir ; et,
comme le Baptiste était chargé de baptiser pour la
rémission des péchés, il ne voyait pas la
nécessité d'administrer cette ordonnance à
Jésus. Lui qui avait reçu les confessions des
multitudes, se confessait maintenant avec respect à quelqu'un
qu'il savait être plus juste que lui. À la lumière
d'événements ultérieurs, il semble qu'à
cette époque Jean ne savait pas que Jésus était
le Christ, la Personne plus puissante qu'il attendait et dont il se
savait être le précurseur. Quand Jean exprima sa
conviction que Jésus n'avait pas besoin d'être purifié
par le baptême, notre Seigneur, connaissant sa propre
innocence, ne nia pas l'affirmation du Baptiste mais insista
néanmoins pour être baptisé, en donnant cette
explication significative : « Car il est convenable
que nous accomplissions ainsi toute justice. » Si Jean
était à même de comprendre le sens profond de
cette phrase, il dut y découvrir la vérité que
le baptême d'eau n'est pas seulement le moyen prévu pour
obtenir la rémission des péchés mais est
également une ordonnance indispensable établie en
justice et requise de tous les hommes comme condition essentielle
pour être membre du royaume de Dieu [22].
Jésus-Christ
se conforma ainsi humblement à la volonté du Père
et fut baptisé de Jean par immersion dans l'eau. Ce qui
s'ensuivit immédiatement atteste que son baptême fut
accepté comme un acte de soumission agréable et
nécessaire : « Aussitôt baptisé,
Jésus sortit de l'eau. Et voici : les cieux s'ouvrirent,
il vit l'Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et voici qu'une voix fit entendre des cieux ces paroles :
Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis toute mon
affection » [23]. Alors Jean reconnut son Rédempteur.
Les
quatre évangélistes rapportent que la descente du
Saint-Esprit sur Jésus baptisé s'accompagna d'une
manifestation visible « comme une colombe » ;
et il avait été révélé à
Jean que ce signe était le moyen prévu qui lui
révélerait le Messie ; et voilà qu'à
ce signe préalablement spécifié, le Père
ajoutait son témoignage suprême que Jésus était
littéralement son Fils. Matthieu rapporte les paroles du Père
à la troisième personne : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé », tandis que Marc et Luc
donnent la forme plus directe : « Tu es mon Fils
bien-aimé. » Cette variante, si minime et
essentiellement secondaire qu'elle soit, bien que portant sur un
sujet aussi capital, donne une preuve que les auteurs écrivaient
indépendamment les uns des autres et réfute toute
insinuation qu'il y aurait eu collusion entre les écrivains.
Les
incidents qui se produisirent lorsque Jésus sortit de la tombe
baptismale démontrent que les trois personnages de la Divinité
ont une individualité distincte. En cette occasion solennelle,
Jésus le Fils était présent dans la chair, la
présence du Saint-Esprit se manifesta par le signe
accompagnateur de la colombe, et la voix du Père éternel
se fit entendre des cieux. Si nous n'avions aucune autre preuve de ce
que chaque membre de la sainte Trinité a une personnalité
séparée, cet exemple serait concluant ; mais
d'autres Écritures confirment cette grande vérité [24].
LES
TENTATIONS DU CHRIST
Peu
après son baptême, immédiatement après,
selon Marc, Jésus fut poussé, par les incitations de
l'Esprit, à s'éloigner des hommes et des distractions
de la vie communautaire, en se retirant dans le désert où
il serait libre de communier avec son Dieu. L'influence de la force
qui le mouvait était si puissante qu'elle le conduisit, ou
pour employer les termes de l'évangéliste, le poussa, à
une retraite solitaire, où il demeura pendant quarante jours,
« avec les bêtes sauvages » du désert.
Trois des évangiles décrivent cet épisode de la
vie de notre Seigneur, bien que de manière inégale [25] ;
Jean le passe sous silence.
Les
circonstances qui accompagnèrent cette période d'exil
et d'épreuve ont dû être relatées par Jésus
lui-même, car il n'y avait pas d'autres témoins humains.
Les textes traitent surtout d'événements qui marquèrent
la fin de la période de quarante jours, mais considérés
dans leur ensemble, ils ne laissent subsister aucun doute quant au
fait que ce fut une période de jeûne et de prière.
Ce n'est que graduellement que le Christ se rendit compte qu'il était
le Messie choisi et pré-ordonné. Comme le montrent les
paroles qu'il adressa à sa mère le jour de ce mémorable
entretien avec les docteurs dans les cours du temple, il savait,
alors qu'il n'avait que douze ans, qu'il était Fils de Dieu
dans un sens tout particulier et personnel ; mais il est
cependant clair que la compréhension de l'objectif tout entier
de sa mission terrestre ne se développa en lui qu'à
mesure qu'il grandissait, étape par étape, en sagesse.
Le fait que son Père le reconnut et qu'il reçut la
compagnie constante du Saint-Esprit ouvrit son âme à la
conscience glorieuse de sa divinité. Il devait réfléchir
à beaucoup de choses, beaucoup de choses qui demandaient la
prière et la communion avec Dieu que seule la prière
peut assurer. Pendant tout le temps de sa retraite, il ne mangea
point mais décida de jeûner afin que son corps mortel en
fût plus assujetti à son esprit divin.
Puis,
lorsqu'il fut affamé et physiquement faible, le Tentateur vint
lui proposer sournoisement d'utiliser ses pouvoirs extraordinaires
pour se procurer de la nourriture. Satan avait choisi le moment le
plus propice pour ses desseins mauvais. Que ne font pas les mortels,
jusqu'où les hommes ne sont-ils pas allés, pour apaiser
les tortures de la faim ? Ésaü troqua son droit
d'aînesse pour un repas. Des hommes se sont battus comme des
brutes pour de la nourriture. Des femmes ont tué et mangé
leur propre bébé plutôt que d'endurer les affres
de la faim. Satan savait tout cela lorsqu'il s'approcha du Christ à
l'heure où il se trouvait dans un besoin physique extrême
et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces
pierres deviennent des pains. » Pendant les longues
semaines d'isolement, notre Seigneur avait été soutenu
par l'exaltation d'esprit qui accompagne normalement une
concentration mentale aussi absorbante que celle que produisirent
indubitablement sa méditation et sa communion prolongées
avec les cieux ; dans une dévotion aussi profonde, les
appétits corporels étaient étouffés et
assujettis, mais la réaction de la chair était
inévitable. Aussi affamé que fût Jésus, il
y avait dans les paroles de Satan des tentations plus grandes encore
que celles que déguisaient ses paroles lorsqu'il lui dit qu'il
devrait fournir de la nourriture à son corps affamé :
la tentation de mettre à l'épreuve le doute possible
qu'impliquait le « si » du Tentateur. Le Père
éternel avait proclamé que Jésus était
son Fils ; le diable essayait de faire douter le Fils de cette
parenté divine. Pourquoi ne pas mettre à l'épreuve
l'intérêt du Père pour son Fils à ce
moment de besoin pressant ? Était-il convenable que le
Fils de Dieu restât affamé ? Le Père
avait-il oublié si rapidement, qu'il laissait son Fils
bien-aimé souffrir de la sorte ? N'était-il pas
raisonnable que Jésus, rendu faible par sa longue abstinence,
pourvût à ses besoins, d'autant plus qu'il pouvait le
faire, et ce en donnant un simple ordre, si la voix entendue à
son baptême était celle du Père éternel.
Si tu es en réalité le Fils de Dieu, montre ton
pouvoir, et satisfais en même temps ta faim : tel était
l'objectif du conseil diabolique. S'il avait cédé, il
aurait montré qu'il doutait des paroles du Père.
En
outre, le pouvoir supérieur que Jésus possédait
ne lui avait pas été donné pour sa satisfaction
personnelle mais pour servir les autres. Il devait faire l'expérience
de toutes les épreuves de la mortalité ; un autre
homme, qui aurait été aussi affamé que lui,
n'aurait pas pu pourvoir à ses besoins par un miracle ;
et bien que l'on pût nourrir pareil homme par un miracle, la
nourriture miraculeuse devrait lui être donnée, il ne
pourrait la fournir. C'était un résultat nécessaire
de la nature double de notre Seigneur, participant aux attributs de
Dieu et de l'homme à la fois, de devoir endurer et souffrir
comme un mortel alors qu'il possédait à tout moment la
capacité d'invoquer la puissance de cette Divinité qui
pourrait satisfaire ou surmonter tous les besoins corporels. Sa
réponse au tentateur fut sublime et sans réplique :
« Il est écrit : l'homme ne vivra pas de pain
seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » [26].
La parole qui était sortie de la bouche de Dieu et sur
laquelle Satan voulait jeter le doute, était que Jésus
était le Fils bien-aimé en qui le Père avait mis
toute son affection. Le diable était défait, le Christ
triomphait.
Se
rendant compte qu'il avait échoué dans sa tentative de
convaincre Jésus d'utiliser sa puissance personnelle à
son propre service, et d'avoir confiance en lui-même plutôt
que de se reposer sur la providence du Père, Satan passa à
l'autre extrême et tenta Jésus d'obliger, sans motif, le
Père à le protéger [27]. Jésus se
tenait sur une des parties élevées du temple, une tour
ou un rempart, dominant les vastes cours, quand le diable lui dit :
« Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est
écrit : Il donnera des ordres à ses anges à
ton sujet : Et ils te porteront sur les mains, de peur que ton
pied ne heurte contre une pierre. » De nouveau apparaît
le doute sous-entendu [28]. Si Jésus était en fait
le Fils de Dieu, ne serait-il pas assuré que son Père
le sauverait, d'autant plus qu'il était écrit [29]
que des anges le garderaient et le porteraient ? La réponse
du Christ au Tentateur dans le désert contenait une citation
scripturaire, et il avait introduit celle-ci par la formule
impressionnante commune aux interprètes de l'Écriture
sainte : Il est écrit. » Dans la deuxième
tentative, le diable essaya de soutenir son conseil par ses Écritures
et employa une expression semblable : « Car il est
écrit. » Notre Seigneur répondit à la
citation du diable par une autre, disant : « D'autre
part il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton
Dieu » [30]. Dans sa tentation, le diable voulait
inciter le Seigneur à pécher, soit en se mettant sans
raison en danger afin d'obliger son Père à manifester
son amour en le sauvant miraculeusement, soit en refusant d'obliger
le Père à intervenir de la sorte, ce qui démontrerait
qu'il doutait être le Fils bien-aimé. En outre, dans
cette tentation, se cachait un appel à l'aspect humain de la
nature du Christ, puisqu'elle devait également l'amener à
penser à la célébrité que lui apporterait
l'exploit stupéfiant de sauter d'une hauteur aussi
vertigineuse que celle à laquelle une tourelle du temple se
trouvait et d'atterrir sain et sauf. Bien que nous n'ayons pas le
droit de dire qu'une idée de ce genre ait pu, même
momentanément, se glisser dans l'esprit du Sauveur, nous ne
pouvons nous empêcher de penser que le fait de suivre les
conseils de Satan, à condition naturellement que le résultat
fût celui qu'il avait indiqué, aurait eu pour résultat
de faire admettre au public que Jésus était un être
supérieur aux mortels. Ç'aurait été en
effet un signe et un miracle dont la renommée se serait
répandue comme une traînée de poudre ; et
toute la communauté juive aurait été enflammée
d'émotion et d'intérêt pour le Christ.
La
sophistique criarde de la citation scripturaire de Satan ne méritait
pas une réponse catégorique, sa doctrine ne méritait
ni logique ni argument, son application erronée de l'Écriture
était réduite à néant par une Écriture
apparentée, les vers du psalmiste étaient compensés
par le commandement formel du prophète de l'Exode, dans lequel
il avait interdit à Israël d'inciter ou de tenter le
Seigneur à faire des miracles parmi eux. Satan tenta Jésus
de tenter le Père. Imposer des limites ou fixer le temps ou le
lieu où la puissance divine se manifestera est une ingérence
aussi blasphématoire dans les prérogatives de la
Divinité que la tentative d'usurper cette puissance. C'est
Dieu seul qui doit décider quand et comment ces prodiges se
produiront. Une fois de plus les desseins de Satan étaient
contrecarrés, et le Christ était de nouveau vainqueur.
Dans
la troisième tentation, le diable s'abstint d'essayer encore
d'amener Jésus à mettre soit son propre pouvoir, soit
celui du Père à l'épreuve. Complètement
battu à deux reprises, le tentateur abandonna ce plan
d'attaque ; et, décidant de jouer cartes sur table, fit
une proposition précise. Du haut d'une montagne élevée,
Jésus contemplait le pays avec ses richesses : villes et
champs, vignobles et vergers, troupeaux de petit et gros bétail,
et en vision, il vit les royaumes du monde et en contempla la
richesse, la splendeur et la gloire terrestre. Puis Satan lui dit :
« Je te donnerai tout cela, si tu te prosternes et
m'adores. » C'est ce qu'écrivait Matthieu ;
voici la version plus détaillée de Luc : « Le
diable... lui dit : je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire
de ces royaumes ; car elle m'a été remise, et je
la donne à qui je veux. Si donc tu te prosternes devant moi
elle sera toute à toi. » Nous n'avons pas besoin de
nous demander si Satan aurait pu réaliser sa promesse au cas
où le Christ lui aurait rendu hommage ; il est certain
que le Christ aurait pu tendre la main et s'amasser la richesse et la
gloire du monde s'il avait voulu le faire, et aurait par là
échoué dans sa mission messianique. Cela, Satan le
savait très bien. Beaucoup d'hommes se sont vendus au diable
pour un royaume et pour moins, pour quelques misérables sous.
L'impudence
de son offre était diabolique en elle-même. Le Christ,
Créateur du Ciel et de la terre, revêtu comme il l'était
alors de chair mortelle, ne se rappelait peut-être pas son état
préexistant, ni le rôle qu'il avait joué dans le
grand conseil des Dieux [31], tandis que Satan, esprit non
incarné - lui, le déshérité, le fils
rebelle et rejeté - cherchant à tenter l'être par
lequel le monde avait été créé en lui
promettant une partie de ce qui appartenait entièrement à
ce dernier, pouvait encore avoir à cette époque, comme
il peut d'ailleurs encore l'avoir maintenant, le souvenir de ces
scènes des premiers temps. Dans ce passé lointain,
antérieur à la création de la terre, Satan, qui
était alors Lucifer, fils du matin, avait été
rejeté ; et c'était le Premier Né qui avait
été choisi. Maintenant que l'Élu était
soumis aux épreuves incidentes de la mortalité, Satan
pensait contrecarrer les objectifs divins en assujettissant le Fils
de Dieu. Lui qui avait été vaincu par Michel et ses
armées et rejeté comme un rebelle battu, demandait au
Jéhovah incarné de l'adorer. « Jésus
lui dit : Retire-toi, Satan ! Car il est écrit :
Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et à lui seul, tu rendras
un culte. Alors le diable le laissa. Et voici que des anges
s'approchèrent de Jésus pour le servir. » [32]
Il
ne faut pas penser que le fait que le Christ sortit victorieux des
nuées ténébreuses des trois tentations dont nous
avons parlé le mettait à l'abri d'attaques futures de
la part de Satan ou le dispenserait de faire face à des
épreuves ultérieures de sa foi, de sa confiance et de
son endurance. Luc termine son récit des tentations qui
suivirent le jeûne de quarante jours, comme suit : « Après
avoir achevé de le tenter, le diable s'éloigna de lui
jusqu'à une autre occasion » [33]. Cette
victoire sur le diable et ses ruses, ce triomphe sur les aspirations
de la chair, les doutes lancinants de l'esprit, le conseil de
rechercher la célébrité et la richesse
matérielles, furent des succès grands mais non pas
définitifs dans la lutte entre Jésus, le Dieu incarné,
et Satan, l'ange de lumière déchu. Le Christ affirma
expressément qu'il était sujet aux tentations pendant
la période où il vécut en compagnie des
apôtres [34]. Nous verrons, en poursuivant cette étude,
que ses tentations durèrent jusqu'à l'agonie même
de Gethsémané. Il ne nous est pas donné de
rencontrer l'adversaire, de nous battre contre lui et de le vaincre
en une seule rencontre, une fois pour toutes ; et cela ne fut
pas donné à Jésus non plus. La lutte entre
l'esprit immortel et la chair, entre l'enfant de Dieu d'une part, et
le monde et le diable d'autre part, dure pendant toute la vie. Peu
d'événements de l'histoire évangélique de
Jésus de Nazareth ont donné naissance à plus de
discussions, de théories fantaisistes et de spéculations
stériles que les tentations. Nous pouvons sans crainte ignorer
toutes ces théories. Pour toute personne qui croit aux saintes
Écritures, le récit des tentations qui s'y trouvent est
suffisamment explicite pour mettre les faits essentiels hors de
doute ; pour celui qui ne croit pas, ni le Christ, ni son
triomphe n'ont d'attrait. À quoi cela nous profitera-t-il de
spéculer sur le point de savoir si Satan apparut à
Jésus sous une forme visible, ou n'était là que
comme un esprit invisible, s'il parlait d'une voix audible ou
éveillait à l'esprit de celui dont il voulait faire sa
victime les pensées exprimées plus tard dans le texte,
si les trois tentations se succédèrent immédiatement
ou se produisirent à des intervalles plus longs ? Nous
pouvons rejeter en toute sécurité toutes les théories
qui veulent faire du récit scripturaire un mythe ou une
parabole et accepter le document tel qu'il est, et nous pouvons
affirmer avec une égale assurance que les tentations furent
réelles, et que les épreuves auxquelles le Seigneur fut
soumis furent réelles et cruciales. Pour croire autrement, on
doit considérer les Écritures comme n'étant que
de la fiction.
Dans
cet ordre d'idées, une question qui mérite une certaine
attention est celle de savoir si le Seigneur était capable de
pécher. S'il n'avait pas eu la possibilité de céder
aux pièges de Satan, il n'y aurait pas eu d'épreuve
réelle dans les tentations, pas de victoire réelle dans
le résultat. Notre Seigneur était sans péché,
tout en étant susceptible de pécher ; il avait la
capacité de pécher s'il avait voulu le faire. S'il
avait été privé de la faculté de pécher,
il aurait été dépouillé de son libre
arbitre ; et c'était pour sauvegarder et assurer la
liberté de l'homme qu'il s'était offert avant que le
monde fût, comme sacrifice rédempteur. Dire qu'il ne
pouvait pas pécher, parce qu'il était l'incarnation de
la justice, ne veut pas dire nier qu'il eut la possibilité de
choisir entre le bien et le mal. Un homme absolument sincère
ne peut pas mentir volontairement ; néanmoins le fait
qu'il est assuré contre la duplicité n'est pas le
résultat d'une compulsion externe, mais d'une retenue intense
due au fait qu'il a cultivé la compagnie de l'esprit de
vérité. Un homme vraiment honnête ne prendra ni
ne convoitera le bien de son prochain ; on pourra même
dire qu'il ne peut pas voler ; et cependant il est capable de
voler s'il choisit de le faire. Son honnêteté est une
armure contre la tentation, mais la cotte de mailles, le casque, le
pectoral et les jambières ne sont qu'une couverture
extérieure ; l'homme qui se trouve à l'intérieur
peut être vulnérable, si on peut le toucher.
Mais
pourquoi poursuivre un raisonnement fastidieux, qui ne peut mener
qu'à une seule conclusion, lorsque les propres paroles de
notre Seigneur et d'autres Écritures confirment le fait ?
Peu avant d'être trahi, alors qu'il exhortait les Douze à
l'humilité, il dit : « Vous, vous êtes
ceux qui avez persévéré avec moi dans mes
épreuves » [35]. Bien qu'ici on ne fasse pas
allusion en particulier aux tentations qui ont suivi immédiatement
son baptême, il est clair, d'après la citation, qu'il a
subi des tentations, et on peut en déduire qu'il en a eues
pendant tout son ministère. L'auteur de l'épître
aux Hébreux enseigna expressément que le Christ était
capable de pécher, en ce qu'il fut tenté « en
toutes choses » comme le reste de l'humanité.
Considérez cette déclaration sans ambiguïté :
« Puisque nous avons un grand souverain sacrificateur qui
a traversé les cieux, Jésus le Fils de Dieu, tenons
fermement la confession (de notre foi). Car nous n'avons pas un
souverain sacrificateur incapable de compatir à nos
faiblesses ; mais il a été tenté comme nous
à tous égards, sans (commettre de) péché » [36].
Et en outre : « il a appris, bien qu'il fût le
Fils, l'obéissance par ce qu'il a souffert. » [37]
[1]
2 R 1:8.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Mt 3:1-5 ; cf. Lv 11:22, voir aussi Mc 1:1-8. Note 2, fin du
chapitre.
[4]
Lc 3:2.
[5]
Ex 3:1,2.
[6]
1 R 17:2-7.
[7]
Mc 1:3.
[8]
Mc 1:2 ; cf. Es 40:3, Ml 3:1, Mt 11:10, Lc 7:27.
[9]
Mt 3:11.
[10]
Mt 3:7-10 ; voir aussi Lc 3:3-9.
[11]
Comparer avec une occasion ultérieure où le Christ
enseigna pareillement (Jn 8:33-59).
[12]
1 Lc 3: 10 ; cf. Ac 2:37.
[13]
Lc 3:10-15.
[14]
Mc 1:1.
[15]
Jn 10:41.
[16]
Jn 1:35, 37, Mt 11:2, Lc 7:18.
[17]
Note 3, fin du chapitre.
[18]
Lc 3:17, voir aussi Mt 3:12, cf. Ml 3:2.
[19]
Mt 11:11-14, 17:12, Lc 7:24-30.
[20]
Lc 3:23.
[21]
Mt 3:13-15.
[22]
On trouvera une étude montrant que le baptême est une
loi universelle dans les Articles de Foi, de l'auteur, p. 161-168.
Note 6, fin du chapitre.
[23]
Mt 3:16,17 ; cf. Mc 1:9-11, Lc 3:21,22.
[24]
Peu avant sa mort, le Sauveur promit aux apôtres que le Père
leur enverrait le Consolateur, qui est le Saint-Esprit (Jn 14:26 et
15:26). Voir les Articles de Foi, de l'auteur, p. 47.
[25]
Mt 4: 1-11, Mc 1:12,13, Lc 4:1-13.
[26]
Mt 4:4 ; cf. Dt 8:3.
[27]
Note 4, fin du chapitre.
[28]
Note 5, fin du chapitre. Chap. 35.
[29]
Mt 4:6, Ps 91:11,12.
[30]
Mt 4:5-7 ; cf. Dt 6:16.
[31]
Chap. 2.
[32]
Mt 4: 10, 11 ; cf. Ex 20:3, Dt 6:13, 10:20, Jos 24:14, 1 S 7:3.
[33]
Lc 4:13.
[34]
Lc 22:28.
[35]
Lc 22:28.
[36]
Hé 4:14,15.
[37]
Hé 5:8.
NOTES
DU CHAPITRE 10
1.
Vêtement en poil de chameau : Par l'intermédiaire
du prophète Zacharie (13:4) il fut prédit un temps où
ceux qui professaient être prophètes « ne
revêtiront plus un manteau de poil afin de tromper ».
À propos du vêtement en poil de chameau porté par
Jean-Baptiste, les notes marginales d'Oxford et autres rendent
l'expression « un vêtement de poil »
comme plus littérale que le texte biblique. Deems (Light of
the Nations, p. 74, note) dit : « Le vêtement
en poil de chameau n'était pas la peau du chameau avec les
poils, qui serait trop lourde à porter, mais un vêtement
tissé avec des poils de chameau, comme ceux dont parle Josèphe
(B. J. I. 24:3). »
2.
Sauterelles et miel sauvage : Les insectes de l'espèce
sauterelle ou criquet étaient officiellement déclarés
purs et bons à manger dans la loi donnée à
Israël dans le désert. « Mais, parmi tous les
reptiles qui volent et qui marchent sur quatre pieds, vous mangerez
celles qui ont des jambes au-dessus de leurs pieds, pour sauter sur
la terre. Voici celles que vous mangerez : la sauterelle, le
solam [sauterelle chauve], le hargol [scarabée] et
le hagab [criquet], selon leurs espèces » (Lv
11:21,22).
Actuellement
beaucoup de peuples orientaux, ordinairement les classes pauvres
seulement, utilisent les sauterelles comme nourriture. À
propos du du passage qui dit que les sauterelles faisaient partie de
la nourriture du Baptiste tandis qu'il vivait en reclus dans le
désert, Farrar (Life of Christ, p. 97, note), dit :
« L'impression qu'il s'agit là des gousses du
caroubier [Locust tree ou arbre à sauterelles en anglais]
est une erreur. On vend des sauterelles dans des magasins
d'alimentation spécialisés à Médine ;
on les plonge dans de l'eau salée bouillante, on les sèche
au soleil, et on les mange avec du beurre, mais seuls les mendiants
les plus pauvres en usent. » Geikie (Life and Words of
Christ, vol. 1, p. 354, 355) applique ce qui suit à la vie du
Baptiste : « Sa seule nourriture était les
sauterelles qui sautaient ou volaient sur les collines dénudées,
et le miel d'abeilles sauvages qu'il trouvait çà et là,
dans les fentes des rochers, et sa seule boisson était une
gorgée d'eau de quelque creux de rocher. Les sauterelles sont
toujours la nourriture des pauvres dans beaucoup de régions de
l'orient. ‘Tous les Bédouins, et les habitants de
certaines villes du Nedj et du Hedjaz, ont coutume de les manger',
dit Burckhardt. À Médine et à Ta'if, j'ai vu des
magasins de sauterelles, où on les vend au poids. En Égypte
et en Libye, seuls les mendiants les plus pauvres les mangent. Les
Arabes, quand ils les préparent pour la consommation, les
jettent vivantes dans de l'eau bouillante, à laquelle une
bonne quantité de sel a été mélangée,
les sortent au bout de quelques minutes et les font sécher au
soleil. La tête, les pattes et les ailes sont alors arrachées,
les corps débarrassés du sel et parfaitement séchés.
Parfois on les mange bouillies dans du beurre, ou étendues sur
du pain sans levain mélangé à du beurre. »
En Palestine, seuls les Arabes les mangent sur les frontières
extrêmes ; ailleurs on les considère avec dégoût,
et seuls les gens les plus pauvres en usent. Cependant, Tristram dit
qu'elles sont ‘très bonnes au goût'. ‘Je les
ai trouvées très bonnes', dit-il, ‘quand on les
mange à la manière arabe, étuvées dans du
beurre. Elles avaient un peu le goût de crevettes, mais plus
fade.’ Dans le désert de Judée, différentes
espèces abondent en toutes saisons, et à chaque pas que
l'on fait, on les voit sauter avec un bourdonnement, étendant
soudain leurs brillantes ailes postérieures, écarlates,
pourpres, bleues, jaunes, blanches, vertes ou brunes selon les
espèces. Elles étaient ‘pures’, sous la Loi
mosaïque, et Jean pouvait par conséquent les manger sans
commettre de péché. »
Pour
ce qui est du miel sauvage mentionné dans la nourriture
utilisée par Jean, l'auteur cité en dernier lieu dit
dans la suite du même paragraphe : « Les
abeilles sauvages de Palestine sont beaucoup plus nombreuses que
celles que l'on garde dans les ruches, et la plus grande partie du
miel vendu dans les régions du sud provient d'essaims
sauvages. En fait, peu de pays sont mieux adaptés pour les
abeilles. Le climat sec et la flore rabougrie mais variée, se
composant en grande partie de thym aromatique, de menthe et autres
plantes semblables, avec des crocus au printemps, leur sont très
favorables, tandis que les recoins secs des rochers calcaires que
l'on trouve partout leur fournissent abri et protection pour leurs
rayons. Dans le désert de Judée, les abeilles sont
beaucoup plus nombreuses que dans n'importe quel autre lieu de
Palestine, et le miel fait partie, de nos jours encore, de
l'ordinaire des Bédouins, qui l'extraient des rayons et le
conservent dans des peaux. »
3.
L'infériorité de Jean au plus puissant que lui qu'il
proclamait : « Il vient, celui qui est plus puissant
que moi, et je ne mérite pas de délier la courroie de
ses sandales » (Lc 3:16), ou « je ne mérite
pas de porter ses sandales » (Mt 3:11) ; c'est ainsi
que le Baptiste déclara son infériorité au plus
puissant qui devait lui succéder et le remplacer ; et il
serait difficile de trouver une illustration plus efficace. Détacher
le lacet du soulier ou la courroie de la sandale, ou porter les
souliers d'un autre, « était un travail servile
indiquant une grande infériorité chez la personne qui
l'accomplissait » (Dict. of the Bible, de Smith). Un
passage du Talmud (Tract. Kidduschin XXII :2) exige qu'un
disciple fasse pour son instructeur tout ce qu'on pourrait exiger
qu'un serviteur fasse pour son maître, sauf détacher la
courroie de sa sandale. Certains instructeurs recommandaient que les
disciples poussent l'humilité jusqu'à l'extrême
et portent les souliers de leurs maîtres. Quand on pense au
grand intérêt que son appel éveillait, l'humilité
du Baptiste est impressionnante.
4.
L'ordre dans lequel les tentations furent présentées :
Deux des évangélistes seulement précisent les
tentations auxquelles le Christ fut soumis immédiatement après
son baptême ; Marc se contente de mentionner le fait que
Jésus fut tenté. Matthieu et Luc placent en premier
lieu la tentation cherchant à convaincre Jésus de se
nourrir en créant miraculeusement du pain ; la séquence
des épreuves ultérieures n'est pas la même dans
les deux documents. L'ordre que nous avons suivi dans notre texte est
celui de Matthieu.
5.
Le « si » du diable : Notez l'utilisation
méprisante ultérieure de ce ‘si’ diabolique
lorsque le Christ fut sur la croix. Les gouverneurs des Juifs, se
moquant de Jésus crucifié, dans son agonie, dirent :
« Qu'il se sauve lui-même, s'il est le Christ. »
Et le soldat, lisant l'inscription au sommet de la croix, railla le
Dieu mourant disant : « Si tu es le roi des Juifs,
sauve-toi toi-même ! » Et encore, le malfaiteur
non repentant, qui était à son côté,
s'écria : « N'es-tu pas le Christ ?
Sauve-toi toi-même, et sauve-nous » (Lc 23:35-39).
Ces railleurs et ces moqueurs citaient littéralement les
paroles même de leur père, le diable (voir Jn 8:44) !
Voir plus loin, chap. 35 du présent ouvrage.
6.
Le baptême est requis de tous : Le baptême est
requis de toutes les personnes qui parviennent à l'âge
de responsabilité dans la chair. Nul n'est exempté.
Jésus-Christ, qui fut un homme sans péché au
sein d'un monde pécheur, fut baptisé « afin
d'accomplir toute justice ». Six siècles avant cet
événement, Néphi, prophétisant au peuple
des Amériques, prédit le baptême du Sauveur, et
en conclut, de la manière suivante, que le baptême était
nécessaire, parce que c'était une condition
universelle : « Et maintenant, si l'Agneau de Dieu,
qui est saint, a besoin d'être baptisé d'eau, pour
accomplir toute justice, ô alors, combien plus, nous, qui ne
sommes pas saints, n'avons-nous pas besoin d'être baptisés,
oui, même d'eau !... Ne savez-vous point qu'il était
saint ? Mais, bien que saint, il montre aux enfants des hommes
que, selon la chair, il s'humilie devant le Père, et témoigne
au Père qu'il lui sera obéissant à garder ses
commandements » (LM, 2 Né 31:5,7). Voir les
Articles de Foi, p. 161-168.
CHAPITRE
11 : DE JUDÉE EN GALILÉE
LE
BAPTISTE TÉMOIGNE DE JÉSUS
Pendant
la retraite de notre Seigneur dans le désert, le Baptiste
poursuivit son ministère, appelant au repentir tous ceux qui
voulaient s'arrêter pour l'entendre, et administrant le baptême
à ceux qui venaient dûment préparés et le
demandaient avec une intention réelle. Le peuple en général
s'inquiétait beaucoup de l'identité de Jean ; et à
mesure que la signification réelle de la voix [1]
s'imposait à son esprit, son souci s'approfondissait pour se
transformer en crainte. La question constamment reposée
était : Qui est ce nouveau prophète ? Puis
les Juifs, expression par laquelle nous pouvons entendre les
gouverneurs du peuple, envoyèrent une délégation
de prêtres et de Lévites du parti pharisien pour le
questionner personnellement. Il répondit sans détours :
« Je ne suis pas le Christ » ; il nia
d'une manière tout aussi décisive être Élias,
ou, plus exactement, Élie, le prophète qui, disaient
les rabbis, par une interprétation erronée de la
prédiction de Malachie, devait revenir sur la terre pour être
le précurseur immédiat du Messie [2]. En outre, il
déclarait qu'il n'était pas « ce prophète »,
voulant dire par là le prophète dont Moïse avait
prédit la venue [3], et que tous les juifs
n'identifiaient pas universellement avec le Messie attendu. « Ils
lui dirent alors : Qui es-tu ? afin que nous donnions une
réponse à ceux qui nous ont envoyés ; que
dis-tu de toi-même ? Il dit : Je suis la voix de
celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du
Seigneur, comme a dit le prophète Ésaïe » [4].
Les envoyés des Pharisiens lui demandèrent alors quelle
autorité il avait pour baptiser. En réponse, il affirma
que la validité de ce baptême serait attestée par
quelqu'un qui était à ce moment même parmi eux,
bien qu'ils ne le connussent point, et déclara : « Il
en est un... qui vient après moi ; je ne suis pas digne
de délier la courroie de sa sandale. » [5]
Le
témoignage de Jean, que Jésus était le
Rédempteur du monde, fut déclaré aussi hardiment
que l'avait été son message de la venue imminente du
Seigneur. « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché
du monde », proclama-t-il ; et, pour que tous
comprissent bien qu'il parlait du Christ, il ajouta : « C'est
celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a
précédé, car il était avant moi. Et moi,
je ne le connaissais pas, mais, afin qu'il soit manifesté à
Israël, je suis venu baptiser d'eau [6] Le témoignage
ultérieur de Jean fut convaincu de la présence du
Saint-Esprit par le témoignage de l'apparition matérielle
« comme une colombe » : « Jean
rendit ce témoignage : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel
comme une colombe et demeurer sur lui ; et moi, je ne le
connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'a
dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer,
c'est lui qui baptise d'Esprit Saint. Et moi, j'ai vu et j'ai rendu
témoignage que c'est lui le Fils de Dieu » [7].
Le lendemain du jour où il prononça les paroles citées
en dernier lieu, Jean répéta son témoignage à
deux de ses disciples, au moment où Jésus passait,
répétant : « Voici l'Agneau de
Dieu » [8].
LES
PREMIERS DISCIPLES DE JÉSUS [9]
Deux
des adeptes du Baptiste, appelés plus précisément
disciples, étaient avec lui lorsqu'il désigna
expressément, et pour la deuxième fois, Jésus
comme l'Agneau de Dieu. C'étaient André et Jean. Ce
dernier fut connu dans les années ultérieures comme
l'auteur du quatrième évangile. Le premier est
mentionné par son nom, tandis que le narrateur ne donne pas le
nom du deuxième disciple, qui est le sien. André et
Jean furent si impressionnés par le témoignage du
Baptiste qu'ils suivirent immédiatement Jésus ; et
lui, se retournant sur eux, demanda : « Que
cherchez-vous ? » Peut-être quelque peu
embarrassés par cette question, ou ayant le désir
d'apprendre où ils pourraient le trouver plus tard, ils
répondirent par une autre question : « Rabbi,
où demeures-tu ? » Le titre rabbi était
un signe d'honneur et de respect, devant lequel Jésus ne fit
aucune difficulté. Sa réponse courtoise à leur
question les assura que leur présence n'était pas
importune. « Il leur dit : Venez et vous
verrez » [10]. Les deux jeunes gens l'accompagnèrent
et demeurèrent avec lui pour en apprendre davantage. André,
rempli d'étonnement et de joie à propos de l'entrevue
si gracieusement accordée, et touché de l'esprit de
témoignage qui avait été allumé en son
âme, se hâta d'aller trouver son frère Simon, à
qui il dit : « Nous avons trouvé le Messie. »
Il amena Simon pour qu'il vit et entendît par lui-même ;
et Jésus posa les yeux sur le frère d’André,
l'appela par son nom et y ajouta une appellation distinctive, par
laquelle il était destiné à être connu à
travers toute l'histoire ultérieure : « Tu es
Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas. »
Le nouveau nom ainsi conféré est l'équivalent
araméen ou syro-chaldéen du grec « Petros »,
et du nom actuel « Pierre » [11].
Le
lendemain, Jésus se mit en route pour la Galilée,
accompagné probablement de certains de ses nouveaux disciples
ou de tous ; et, en chemin, il rencontra un homme nommé
Philippe, en qui il reconnut un autre fils remarquable d'Israël.
Il dit à Philippe : « Suis-moi. »
Il était de coutume pour les rabbis et les autres maîtres
de l'époque de rechercher la popularité, afin que
beaucoup de personnes fussent attirées à eux, prissent
place à leurs pieds et fussent connues comme leurs disciples.
Jésus, lui, choisit ses compagnons immédiats ; et
lorsqu'il les trouvait et discernait en eux les esprits qui, dans
leur état préexistant, avaient été
choisis pour la mission terrestre de l'apostolat, il les appelait.
Ils étaient les serviteurs, il était le Maître [12].
Philippe
trouva bientôt son ami Nathanaël, à qui il témoigna
que Celui sur lequel Moïse et les prophètes avaient écrit
avait enfin été trouvé et qu'il n'était
nul autre que Jésus de Nazareth. Nathanaël, comme son
histoire ultérieure le montre, était un juste, espérant
et attendant avec ferveur le Messie, et cependant apparemment imbu de
la croyance commune chez tous les Juifs - que le Christ devait venir
dans la splendeur royale comme cela paraissait convenable pour le
Fils de David. Le fait de dire que pareille Personne pût venir
de Nazareth, être connu comme étant le fils d'un humble
charpentier, provoqua l'étonnement sinon l'incrédulité
dans l'esprit sans fraude de Nathanaël, et il s'exclama :
« Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon ? »
Philippe répondit en répétant les paroles du
Christ à André et à Jean : « Viens
et vois. » Nathanaël quitta sa place en dessous du
figuier où Philippe l'avait trouvé et alla voir par
lui-même. Comme il approchait, Jésus dit : « Voici
vraiment un Israélite dans lequel il n'y a pas de fraude. »
Nathanaël vit que Jésus pouvait lire dans son âme
et demanda, surpris : « D'où me connais-tu ? »
Dans sa réponse, Jésus montra une puissance de
pénétration et de perception encore plus grande dans
des conditions qui rendaient l'observation ordinaire peu
vraisemblable sinon impossible : « Avant que Philippe
t'ait appelé, quand tu étais sous le figuier, je
t'avais vu. » Nathanaël répliqua avec
conviction : « Rabbi, toi tu es le Fils de Dieu, toi
tu es le roi d'Israël. » Aussi sérieux que fût
le témoignage de cet homme, il reposait principalement sur le
fait qu'il reconnaissait ce qu'il considérait comme un pouvoir
surnaturel en Jésus. Notre Seigneur l'assura qu'il verrait des
choses plus grandes encore : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert,
et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme. »
« LE
FILS DE L'HOMME »
Dans
la promesse et la prédiction faite par le Christ à
Nathanaël, nous voyons l'important titre - le Fils de l'homme -
apparaître pour la première fois, chronologiquement
parlant, dans le Nouveau Testament. On le retrouve cependant quelque
quarante fois, en excluant les répétitions que l'on
trouve dans les récits parallèles des différents
évangiles. Dans chacun de ces passages, il est utilisé
tout spécialement par le Sauveur pour se désigner. En
trois autres cas, le titre apparaît dans le Nouveau Testament,
en dehors des évangiles ; et dans chacun il est appliqué
au Christ avec référence toute particulière à
ses attributs exaltés de Seigneur et Dieu [13].
Dans
l'Ancien Testament, l'expression « fils de l'homme »
apparaît dans l'usage courant, dénotant un fils humain
quelconque [14], et elle apparaît plus de quatre-vingt-dix
fois comme une appellation dont Jéhovah se servit pour
s'adresser à Ézéchiel, bien qu'elle ne soit
jamais appliquée par le prophète à
lui-même [15]. Le contexte des passages dans lesquels Dieu
s'adresse à Ézéchiel par le titre « fils
de l'homme » indique l'intention divine de souligner la
condition humaine du prophète par contraste avec la divinité
de Jéhovah.
Le
titre est utilisé dans l'histoire de la vision de Daniel [16],
dans laquelle fut révélée la consommation encore
future, lorsque Adam - l'Ancien des Jours - siégera pour juger
sa postérité [17], occasion au cours de laquelle
le Fils de l'homme doit paraître et recevoir un royaume qui
sera éternel, supérieur par essence à celui de
l'Ancien des Jours et embrassant tous les peuples et toutes les
nations, tous ceux qui serviront le Seigneur, Jésus-Christ, le
Fils de l'homme [18].
En
s'appliquant le titre, le Seigneur utilise invariablement l'article
défini. « Le Fils de l'homme » était
et est expressément et exclusivement Jésus-Christ. Bien
qu'il soit absolument certain qu'il fut le seul être humain
masculin depuis Adam qui ne fût pas le fils d'un mortel, il
utilisa le titre pour démontrer de manière probante
qu'il était tout spécialement et uniquement le sien. Il
est parfaitement clair que l'expression est chargée d'un sens
qui dépasse celui que les mots ont dans l'usage courant.
Beaucoup ont vu dans cette appellation toute particulière une
indication de l'humble position de notre Seigneur comme mortel, et
l'idée qu'il représentait l'humanité type,
bénéficiant d'une parenté particulière et
unique par rapport à la famille humaine tout entière.
Cependant un sens plus profond est attaché à ce titre
de « Le Fils de l'homme » que le Seigneur
utilise ; celui-ci réside dans le fait qu'il savait que
son Père était le seul et unique homme suprêmement
exalté [19] dont Jésus était le Fils tant
dans l'esprit que dans le corps - le Premier-Né parmi tous les
enfants spirituels du Père, le Seul-Engendré dans la
chair - et pour cette raison, il était et est le Fils de
« l'Homme de Sainteté », Élohim [20],
le Père éternel. Dans les titres particuliers qu'il
s'attribue comme Fils, Jésus exprimait sa descendance
spirituelle et corporelle de ce Père exalté et la
soumission filiale qu'il lui vouait.
Comme
cela fut révélé à Énoch le Voyant,
« Homme de Sainteté », est l'un des noms
sous lesquels Dieu, le Père éternel, est connu « et
le nom de son Seul-Engendré est le Fils de l'homme, à
savoir Jésus-Christ ». Nous apprenons en outre que
le Père de Jésus-Christ se proclama à Énoch
de la manière suivante : « Voici, je suis
Dieu ; mon nom est Homme de Sainteté, Homme de Conseil ;
et aussi Infini et Éternel » [21]. « Le
Fils de l'Homme » est dans une grande mesure synonyme de
« Le Fils de Dieu », étant un titre qui
dénote la divinité, la gloire et l'exaltation,- car
d'Homme de Sainteté », dont Jésus-Christ se
reconnaît respectueusement être le Fils, est Dieu, le
Père éternel.
LE
MIRACLE DE CANA EN GALILÉE
Peu
après l'arrivée de Jésus en Galilée, nous
le voyons, avec son petit groupe de disciples, à une noce à
Cana, ville voisine de Nazareth. La mère de Jésus était
à la fête ; et pour une raison que le récit
de Jean n'explique pas [22], elle manifestait du souci et se
sentait une responsabilité personnelle dans le service des
invités. De toute évidence, sa position n'était
pas celle d'une personne présente sur invitation ordinaire. Ce
détail indique-t-il que le mariage était celui d'un
membre de sa famille immédiate, ou d'un parent plus éloigné ?
On ne nous le dit pas.
Il
était de coutume de fournir, lors des repas de noces, une
quantité suffisante de vin, produit pur quoique faible des
vignobles locaux, qui constituait la boisson de table ordinaire de
l'époque. À cette occasion la réserve de vin
était épuisée, et Marie parla à Jésus
de cette déficience. « Femme, dit-il, qu'y a-t-il
entre moi et toi ? Mon heure n'est pas encore venue. »
L'interjection « Femme », appliquée par
un fils à sa mère peut paraître assez dure sinon
irrespectueuse à nos oreilles, mais le fait de l'utiliser
exprimait en réalité une intention tout à fait
opposée [23]. Pour tout fils, sa mère devait être
avant tout la femme par excellence ; elle est la seule femme au
monde à qui le fils doive son existence terrestre, et, bien
que le titre de « Mère » appartienne à
toutes les femmes qui ont acquis les honneurs de la maternité,
cependant il n'y a pour aucun enfant plus d'une femme qu'il puisse, à
bon droit, appeler de ce titre. Lorsque, dans les dernières
terribles scènes de son expérience dans la mortalité,
le Christ agonisait sur la croix, il baissa les yeux sur Marie, sa
mère, qui était en pleurs, et la confia à
l'apôtre bien-aimé, Jean, en ces termes : « Femme,
voici ton fils [24] ! » Peut-on penser qu'en cet
instant suprême, le souci de notre Seigneur pour la mère
dont il était sur le point d'être séparé
par la mort, pût être inspiré par d'autres
sentiments que le respect, la tendresse et l'amour [25] ?
Néanmoins,
il a pu parler ainsi à Marie lors des noces, pour lui rappeler
avec douceur quelle était sa situation de mère d'un
Être supérieur à elle ; ceci répétait
ce qui s'était passé lors de la précédente
occasion où, lorsqu'elle avait trouvé son Fils, Jésus,
dans le temple, il lui avait remis en mémoire le fait que sa
juridiction sur lui n'était pas suprême. Le ton sur
lequel elle lui avait dit qu'il manquait du vin, laissait
probablement sous-entendre qu'il devait utiliser son pouvoir
surhumain et satisfaire ainsi le besoin. Il ne lui appartenait pas de
lui recommander l'exercice du pouvoir qui lui était inhérent
en tant que Fils de Dieu, pouvoir qu'il n'avait pas hérité
d'elle. « Qu'y a-t-il entre moi et toi ? »
demanda-t-il, et il ajouta : « Mon heure n'est pas
encore venue. » Cela ne veut pas dire qu'il se considérait
incapable de faire ce qu'elle semble avoir voulu qu'il fît,
mais il laissait entendre clairement qu'il n'agirait qu'en temps
opportun, et que c'était à lui, et non à elle,
de décider quand le moment serait venu. Elle comprit ce qu'il
voulait dire, du moins en partie, et se contenta d'ordonner aux
serviteurs de faire ce qu'il commanderait. De nouveau nous avons la
preuve que, lors de ces noces, elle avait une position qui lui
donnait des responsabilités et de l'autorité
domestique.
Le
moment de son intervention arriva bientôt. Il y avait, dans la
maison, six vases à eau [26] ; il ordonna aux
serviteurs de les remplir d'eau. Ensuite, il fit, pour autant que
nous le sachions, sans aucun ordre ou formule d'invocation audible,
se produire une transmutation dans les vases, et lorsque les
serviteurs les soutirèrent, ce fut du vin, et non de l'eau qui
en sortit. Lors d'une réunion juive, comme ces noces,
quelqu'un, ordinairement un parent de l'hôte ou de l'hôtesse,
ou une autre personne digne de cet honneur, était nommé
ordonnateur du repas, ou, comme nous l'appellerions maintenant,
maître de cérémonie. C'est à cette
personne que le nouveau vin fut servi en premier : celle-ci, à
son tour, appelant l'époux, qui était l'hôte
véritable, lui demanda pourquoi il avait réservé
son meilleur vin pour la fin, alors que la coutume était de
servir le meilleur au commencement, et le plus ordinaire plus tard.
Le résultat immédiat de ce prodige, qui est le premier
miracle de notre Seigneur à être rapporté,
l'évangéliste inspiré le formule de la manière
brève qui suit : « Tel fut à Cana, en
Galilée, le commencement des miracles que fit Jésus. Il
manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui » [27].
Il
est instructif d'examiner les circonstances qui entourèrent
cet acte miraculeux. Le fait que Jésus était présent
au mariage et qu'il contribua à la réussite de la fête
démontre qu'il approuvait l'union de l'homme et de la femme
par les liens du mariage ainsi que les amusements en société.
Il n'était ni reclus, ni ascète ; il fréquentait
les gens, mangeant et buvant, comme un être naturel et
normal [28]. Lors de la fête il reconnut les exigences de
l'hospitalité libérale du temps, s'y soumit et agit en
conséquence. Lui qui, quelques jours auparavant à
peine, s'était révolté contre la suggestion du
tentateur de donner du pain à son corps affaibli, utilisait
maintenant ce pouvoir pour procurer un luxe aux autres. Un effet de
ce miracle fut de confirmer la confiance de ceux dont la foi qu'il
était le Messie était encore naissante et n'avait pas
encore été mise à l'épreuve. « Ses
disciples crurent en lui » ; il est certain qu'ils
croyaient déjà en lui dans une certaine mesure, sinon
ils ne l'auraient pas suivi ; mais leur foi était
maintenant fortifiée et, si elle n'y parvenait pas, elle
approchait de la qualité d'une foi durable en leur Seigneur.
L'intimité relative qui accompagnait la manifestation est
frappante ; l'effet moral et spirituel fut réservé
à un petit nombre, le début du ministère du
Seigneur ne devait pas être marqué par un éclat
public.
MIRACLES
EN GÉNÉRAL
Il
est clair que l'acte de transmutation par lequel l'eau devint du vin
était un miracle, phénomène qui ne peut être
expliqué, et encore moins démontré, par ce que
nous considérons comme le fonctionnement ordinaire de la loi
naturelle. Ce fut le commencement de ses miracles, ou, comme
l'exprime la version révisée anglaise du Nouveau
Testament, « de ses signes ». Dans beaucoup
d'Écritures, les miracles sont appelés signes, ainsi
que prodiges, pouvoirs, œuvres, œuvres merveilleuses,
œuvres puissantes [29], etc. L'effet spirituel des
miracles ne serait pas atteint si les témoins n'étaient
pas poussés à s'étonner, à s'émerveiller,
à méditer et à s'interroger intérieurement ;
l'étonnement ou la surprise simples peuvent être
produits par la tromperie et la prestidigitation. Les manifestations
miraculeuses de la puissance divine seraient des moyens futiles de
produire des effets spirituels s'ils ne frappaient pas. En outre,
tout miracle est un signe de la puissance de Dieu ; et on a
demandé des signes dans ce sens des prophètes qui
professaient parler par l'autorité divine, bien que ces signes
n'aient pas été donnés dans tous les cas. On
n'attribua aucun miracle au Baptiste, bien que le Christ le déclara
être plus qu'un prophète [30] ; et les
chroniques de certains prophètes antérieurs [31]
ne mentionnent absolument aucun miracle. D'autre part, Moïse,
lorsqu'il fut chargé de délivrer Israël d'Égypte,
fut informé que les Égyptiens demanderaient le
témoignage de miracles, et il reçut des pouvoirs en
abondance en prévision de cela [32].
Les
miracles ne peuvent être en contradiction avec la loi
naturelle, ils s'accomplissent en vertu du fonctionnement de lois qui
ne sont pas universellement ou communément reconnues. La
gravitation opère partout, mais l'application locale et
spéciale d'autres agents peut sembler l'annuler - par exemple
lorsque par un effort musculaire ou une impulsion mécanique
une pierre est soulevée du sol, maintenue en l'air ou projetée
dans l'espace. Néanmoins la gravité exerce son action
pendant toutes les étapes de l'événement en
cours, bien que son effet soit modifié par celui d'une autre
énergie localement supérieure. L'impression que les
hommes ont du miraculeux disparaît à mesure qu'ils
comprennent mieux les processus qui interviennent. Les réalisations
qui permettent l'invention moderne du télégraphe et du
téléphone, avec ou sans fil, la transformation de la
force mécanique en électricité avec ses
multiples applications actuelles et ses possibilités encore
futures, l'invention du moteur à explosion, les réalisations
actuelles de la navigation aérienne - toutes ces découvertes
ne sont plus considérées comme des miracles dans le
jugement de l'homme, parce qu'on les comprend toutes dans une
certaine mesure, parce que les hommes les contrôlent, et en
outre, parce qu'elles opèrent de manière continue et
non de manière phénoménale. Arbitrairement, nous
ne classons comme miracles que les phénomènes qui sont
extraordinaires, particuliers, passagers et provoqués par une
force que ne peut contrôler le pouvoir de l'homme.
Dans
un sens plus général, toute la nature est un miracle.
L'homme a appris qu'en plantant la semence du raisin dans un terrain
favorable et en cultivant convenablement, il pourra faire pousser ce
qui sera une vigne mûre et fertile ; mais n'y a-t-il pas,
dans ce développement, un miracle, en ce sens même que
des processus inscrutables interviennent ? Le cours que nous
disons naturel du développement des plantes - la croissance de
la racine, de la tige, des feuilles et du fruit, avec l'élaboration
finale du savoureux nectar de la vigne - est-il moins miraculeux que
la transmutation apparemment surnaturelle de l'eau en vin à
Cana ?
Quand
nous contemplons les miracles accomplis par le Christ, nous devons
nécessairement y voir l'intervention d'une puissance qui
transcende notre intelligence humaine actuelle. Dans ce domaine, la
science n'a pas encore fait suffisamment de progrès pour
pouvoir analyser et expliquer. Affirmer que les miracles n'existent
pas sous prétexte que, étant donné que nous ne
pouvons comprendre les moyens employés, ceux que l'on rapporte
doivent être imaginaires, c'est prétendre que l'esprit
humain est omniscient, en impliquant que ce que l'homme ne peut
comprendre ne peut être, et que, par conséquent, il est
capable de comprendre tout ce qui est. Les miracles rapportés
dans les évangiles sont aussi parfaitement prouvés que
beaucoup d'événements historiques que nul ne conteste
et pour lesquels nul n'exige de preuves. Pour qui croit en la
divinité du Christ, les miracles sont suffisamment attestés ;
pour qui ne croit pas, ils n'apparaissent que comme des mythes et des
fables [33].
Pour
comprendre les œuvres du Christ, on doit savoir qu'il est le
Fils de Dieu ; l'invitation est là, pour l'homme qui n'a
pas encore appris à savoir, pour l'âme honnête qui
désire s'informer du Seigneur ; à celui-là
nous disons : « Venez et vous verrez. »
[1]
Lc 3:4.
[2]
Jn 1:21 ; cf. Ml 4:5. Note 1, fin du chapitre.
[3]
Dt 18:15,18, voir chap. 5 du présent ouvrage.
[4]
Jn 1:22,23 ; cf. Es 40:3.
[5]
Jn 1:25-27.
[6]
Jn 1:29-31.
[7]
Jn 1:32,34 et versets 35,36. Note 2, fin du chapitre.
[8]
Note 3, fin du chapitre.
[9]
Jn 1:35-51.
[10]
Note 4, fin du chapitre.
[11]
Le nom ainsi donné fut confirmé plus tard, avec
accompagnement de promesses, Mt 16:18
[12]
Le Seigneur dit plus tard aux apôtres : « Ce
n'est pas vous qui m'avez choisi, mais moi, je vous ai choisis »
(Jn 15:16 ; voir aussi 6:70).
[13]
Ac 7:56, Ap 1: 13, 14:14.
[14]
Jb 25:6, Ps 144:3, 146:3, voir aussi 8:4 et cf. Hé 2:6-9.
[15]
Ez 2:1,3,6,8 ; 3:1,3,4 ; 4: 1, etc.
[16]
Dn 7:13.
[17]
D&A 27:11, 78:15,16, 107:54-57 ; 116.
[18]
D&A 49:6, 58:65, 65:5, 122:8. Remarquez que dans la révélation
moderne le titre n'est utilisé que pour désigner le
Christ dans son état ressuscité et glorifié.
[19]
Note 5, fin du chapitre.
[20]
Chap. 4.
[21]
PGP, Moïse 6:57, 7:35 ; voir aussi 7:24, 47, 54, 59, 65.
Remarquez que Satan appelle Moïse « fils de l'homme »
dans une tentative blasphématoire de le forcer à
l'adorer en soulignant la faiblesse mortelle et l'infériorité
de l'homme par contraste avec ses propres prétentions
injustifiées à la divinité (Moïse 1:12).
[22]
Jn 2:1-11.
[23]
« L'appellation ‘Femme’ était aussi
respectueuse que possible et s'adressait à la plus grande des
reines. » - (Farrar, The Life of Christ, p. 134.)
[24]
Jn 19:26.
[25]
En quelques occasions Jésus utilisa le titre « Femme »
dans un sens général. Mt 15:28, Lc 13:12, Jn 4:21,
8:10, etc.
[26]
Note 6, fin du chapitre.
[27]
Jn 2: 11.
[28]
L'absence de toute austérité fausse et d'étalage
d'abstinence anormale dans sa vie donna à ses ennemis une
excuse imaginaire pour l'accuser sans raison de commettre des excès,
à savoir d'être un mangeur et un buveur (Mt 11:19, Lc
7:34).
[29]
Mt 7:22, 11:20, 12:38, 16:1, 24:24, Mc 6:14, Lc 10: 13, Jn 2:18,
7:21, 10:25, 14:11, Ac 6:8,8:6,14:3,19:11, Rm 15:19, Ap 13:13, etc.
[30]
Jn 10:41, Mt 11:9.
[31]
Par exemple Zacharie et Malachie.
[32]
Ex 3:20, 4:1-9. Note 8, fin du chapitre.
[33]
Note 7, fin du chapitre.
[34]
On trouvera la distinction à faire entre Élijah et
Élias au chapitre 23, ndt.
NOTES
DU CHAPITRE 11
1.
Malentendus sur la prédiction de Malachie : Dans le
dernier chapitre de la collection d'Écritures que nous
appelons l'Ancien Testament, le prophète Malachie décrit
comme suit une situation qui existera dans les derniers jours,
immédiatement avant la seconde venue du Christ : « Car
voici le jour : il vient, ardent comme une fournaise. Tous les
présomptueux et ceux qui pratiquent la méchanceté
seront (comme) du chaume ; ce jour qui vient les embrasera, dit
l'Éternel des armées, il ne leur laissera ni racine ni
rameau. Mais pour vous qui craignez mon nom se lèvera le
soleil de justice, et la guérison sera sous ses ailes. »
La prophétie se termine par cette magnifique promesse à
longue portée : « Voici : moi-même
je vous enverrai le prophète Élie avant la venue du
jour de l'Éternel, (jour) grand et redoutable. Il ramènera
le cœur des pères à leurs fils et le cœur
des fils à leurs pères, de peur que je ne vienne
frapper le pays d'interdit » (Ml 3:19, 23, 24). Des
théologiens et des commentateurs de la Bible ont prétendu
que cette prédiction avait trait à la naissance et au
ministère de Jean-Baptiste (comparer avec Mt 2:14, 17:11, Mc
9:11, Lc 1:17), sur lequel reposaient l'esprit et la puissance
d'Élie [Élias dans la version anglaise].
Cependant, nous n'avons aucun document disant qu'Élie [Elijah
dans la version anglaise] [34] ait instruit le Baptiste, et en
outre le ministère de ce dernier, quelque glorieux qu'il ait
été, ne nous permet pas de conclure que la prophétie
trouva sa pleine réalisation en lui. Il faut se souvenir, en
outre, que la déclaration que le Seigneur fit par
l'intermédiaire de Malachie à propos du jour ardent
comme une fournaise où les méchants seraient détruits
comme du chaume, attend encore son accomplissement. Il est par
conséquent clair que l'interprétation communément
acceptée est erronée et que nous devons chercher
l'accomplissement de la prédiction de Malachie à une
époque ultérieure à celle de Jean. Ce dernier
événement s'est produit ; il appartient à
l'époque actuelle et marque l'inauguration d'une oeuvre
réservée tout spécialement à l'Église
dans les derniers jours. Au cours d'une merveilleuse manifestation
accordée à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, au
temple de Kirtland, le 3 avril 1836, Élie [Elijah dans le
texte anglais], le prophète des temps anciens, qui avait été
enlevé de la terre tandis qu'il était encore dans son
corps, leur apparut. Il leur déclara : « Voici,
le temps est pleinement arrivé, ce temps dont a parlé
Malachie, lorsqu'il a témoigné qu'il [Élie]
serait envoyé avant que le jour de l'Éternel arrive, ce
jour grand et redoutable, pour tourner le cœur des pères
vers les enfants, et le cœur des enfants vers les pères,
de peur que la terre tout entière ne soit frappée de
malédiction. C'est pourquoi les clefs de cette dispensation
sont remises entre vos mains, et vous saurez par là que le
jour de l'Éternel, ce jour grand et redoutable, est proche, et
même à la porte » (D&A 110:14-16). Voir
également La Maison du Seigneur, p. 66,67.
2.
Le signe de la colombe : « Jean-Baptiste... eut la
bénédiction de voir le Saint-Esprit descendre sous la
forme d'une colombe, ou plutôt sous le signe de la colombe, en
témoignage du ministère. Le signe de la colombe fut
institué avant la création du monde, pour être
témoin du Saint-Esprit, et le diable ne peut pas venir sous le
signe d'une colombe. Le Saint-Esprit est un personnage, et il a la
forme d'un personnage. Il ne se limite pas à la forme de la
colombe, mais au signe de la colombe. Le Saint-Esprit ne peut pas
être transformé en colombe ; mais le signe de la
colombe fut donné à Jean pour lui signifier que l'acte
était authentique, car la colombe est emblème ou signe
de vérité et d'innocence. » - Tiré
d'un sermon de Joseph Smith, History of the Church, vol. 5, p.
260,261.
3.
Le témoignage de Jean-Baptiste : Observez que, selon les
Écritures, le Baptiste rendit son témoignage de la
divinité de la mission du Christ après la période
de jeûne et de tentation de quarante jours subie par notre
Seigneur, et, par conséquent, six semaines environ après
le baptême de Jésus. Lorsque la députation de
prêtres et de lévites du parti pharisien vint lui rendre
visite sur ordre du gouverneur, et probablement envoyée par le
Sanhédrin, Jean, après avoir nié être le
Christ ou l'un quelconque des prophètes cités dans la
question de la délégation, leur dit : « Au
milieu de vous, il en est un que vous ne connaissez pas et qui vient
après moi. » Le lendemain et les jours suivants
encore, il rendit publiquement son témoignage que Jésus
était l'Agneau de Dieu ; et le troisième jour
après la visite que les prêtres et les Lévites
firent à Jean, Jésus se mit en route pour la Galilée
(Jn 1:19-43).
Le
fait que Jean utilise l'expression « Agneau de Dieu »
implique qu'il savait que le Messie était quelqu'un destiné
à être sacrifié, et c'est lui qui est le premier
à employer ce terme dans la Bible. On trouvera des
applications bibliques ultérieures, directes ou sous-entendues
dans Actes 8:32 ; 1 Pierre 1:19 ; Ap 5:6,8,12,13 ;
6:1,16 ; 7:9,10,17, etc.
4.
« Venez et vous verrez » : L'esprit dans
lequel le Seigneur invita les jeunes chercheurs de vérité,
André et Jean, se manifeste dans une possibilité
semblable donnée à tous. L'homme qui veut connaître
le Christ doit venir à lui, pour voir et entendre, pour sentir
et connaître. Les missionnaires peuvent porter la bonne
nouvelle, le message de l'Évangile, mais la réaction
doit être personnelle. Doutez-vous de ce que ce message
signifie aujourd'hui ? Alors venez et voyez par vous-même.
Voulez-vous savoir où l'on trouve le Christ ? Venez et
vous verrez.
5.
Le Père éternel, Être ressuscité et
exalté : « Comme le Père a le pouvoir
en lui-même, de même le Fils a le pouvoir en lui-même
de donner sa vie et de la reprendre, et ainsi donc il a, lui aussi,
un corps. Le Fils fait ce qu'il a vu le Père faire : par
conséquent le Père a donné un jour sa vie et l'a
reprise ; donc, il a lui aussi, un corps ; chacun sera dans
son propre corps. » - Joseph Smith ; voir Hist. of
the Church, vol. 5, p. 426. « Dieu lui-même qui fut
autrefois ce que nous sommes maintenant, est un Homme exalté
et trône dans les cieux là-bas ! voilà le
grand secret. Si le voile était déchiré
aujourd'hui, et si le grand Dieu qui maintient ce monde dans son
orbite et soutient tous les mondes et toutes les choses par sa
puissance devait se rendre visible - si vous deviez, dis-je, le voir
aujourd'hui, vous le verriez sous la forme d'un homme - semblable à
vous dans toute la personne, l'image et la forme d'un homme ;
car Adam fut créé à l'image et à la
ressemblance de Dieu, reçut des instructions de lui, et
marcha, parla et conversa avec lui, comme un homme parle et communie
avec un autre. » - Joseph Smith ; voir Compendium, p.
190.
6.
Vases à eau pour les purifications cérémonielles :
Dans la maison de Cana se trouvaient, en un lieu spécialement
réservé dans ce but, six vases à eau en pierre
« destinés aux purifications des Juifs ».
Les demeures juives devaient obligatoirement posséder des
vases à eau, pour faciliter les ablutions cérémonielles
imposées par la loi. On retirait de ces vases ou jarres de
l'eau selon les besoins ; ils contenaient la réserve
d'eau mais n'étaient pas les vases utilisés dans
l'ablution elle-même.
7.
« L'attitude de la science vis-à-vis des
miracles » : tel est le sujet d'un article très
intéressant du professeur H. L. Orchard, publié dans le
Journal of the Transactions of the Victoria Institute, or
Philosophical Society of Great Britain, 1910, vol. 42, p. 81-122. Cet
article fut la dissertation qui reçut le Prix Gunning pour
1909. Après un long traitement analytique de son sujet,
l'auteur présente le résumé suivant, avec lequel
agréèrent tous ceux qui prirent part aux discussions
qui s'ensuivirent : « Nous terminons ici notre étude
scientifique des miracles bibliques. Elle a embrassé (1) la
nature du phénomène, (2) les conditions dans lesquelles
on affirme qu'il s'est produit, (3) la valeur des témoignages
qui attestent qu'il s'est produit. Quant à la question de
savoir si les miracles de la Bible sont probables, la science répond
par l'affirmative. Pour ce qui est de la question suivante. se
sont-ils réellement produits, la réponse de la science
est de nouveau et formellement affirmative. Si nous les comparons à
de l'or, elle l'a vérifié et dit que l'or est pur. On
peut encore comparer les miracles bibliques à un collier de
perles. Si la science cherche à savoir si les perles sont
authentiques, elle peut les soumettre à des épreuves
chimiques et autres pour examiner leur valeur ; elle peut
examiner les conditions et les circonstances dans lesquelles les
prétendues perles furent trouvées. Les a-t-on d'abord
trouvées dans une huître, ou dans un laboratoire
d'usine ? Et elle peut examiner les témoignages des
experts. Si les résultats de l'un de ces examens affirment
l'authenticité des perles, la science sera réticente à
croire qu'elles sont fausses ; si tous les résultats
déclarent leur authenticité, la science n'hésitera
pas à dire que ce sont de vraies perles. Tel est le cas, comme
nous l'avons vu, des miracles bibliques. Par conséquent, la
science affirme qu'ils se sont réellement produits. »
8.
Le témoignage des miracles : La promesse du Sauveur à
une époque antérieure (Mc 16:17,18), comme à
l'époque actuelle (D&A 84:65-73), est bien claire :
les dons de l'Esprit spécifiés doivent suivre le
croyant en signe d'approbation divine. La possession de tels dons
peut ainsi être considérée comme un trait
essentiel de l'Église de Jésus-Christ. Néanmoins,
nous ne sommes pas justifiés si nous considérons la
présence de miracles comme une preuve d'autorité
divine ; d'autre part, les Écritures affirment que des
pouvoirs spirituels d'un genre plus vil ont accompli des miracles et
continueront à en faire pour séduire beaucoup de gens
qui manquent de discernement. Si l'on accepte les miracles comme
preuves infaillibles de la présence de la puissance de Dieu,
les magiciens d'Égypte ont, du fait des prodiges qu'ils ont
accompli en vue de s'opposer au plan voulu pour la délivrance
d'Israël, autant de droit à notre respect que Moïse
(Ex 7: 11). Jean le Révélateur eut la vision d'une
puissance maligne accomplissant des miracles, et séduisant par
là beaucoup de gens, faisant de grands prodiges et attirant
même le feu du ciel (Ap 13:11-18). Il vit aussi trois esprits
impurs, qu'il savait être « des esprits de démons,
qui opèrent des signes » (Ap 16:13,14). À ce
propos, considérez la prédiction faite par le
Seigneur : « Car il s'élèvera de faux
Christs et de faux prophètes ; ils opéreront de
grands signes et des prodiges, au point de séduire si
possible, même les élus » (Mt 24:24). Le
Christ a déclaré, à propos des événements
relatifs au grand jugement, que les miracles n'ont aucune valeur pour
prouver qu'un ministère a été autorisé
par Dieu : « Beaucoup me diront en ce jour-là :
Seigneur, Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons
prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des
démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ?
Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus
retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité »
(Mt 7:22,23). Les Juifs, à qui ces enseignements
s'adressaient, savaient fort bien que des prodiges pouvaient être
accomplis par les puissances du mal, car ils accusèrent le
Christ de faire des miracles par l'autorité de Béelzébul,
prince des démons (Mt 12:22-30 ; Mc 3:22 ; Lc 11:15)
tiré de Les Articles de Foi, de l'auteur, p. 281,282.
CHAPITRE
12 : PREMIERS INCIDENTS DU MINISTÈRE PUBLIC DE NOTRE
SEIGNEUR
PREMIÈRE
PURIFICATION DU TEMPLE
Peu
après les festivités du mariage de Cana, Jésus,
accompagné de ses disciples, ainsi que de sa mère et
d'autres membres de la famille, se rendit à Capernaüm,
ville agréablement située près de l'extrémité
septentrionale du lac de Galilée ou de Génésareth [1]
et théâtre d'un grand nombre des œuvres
miraculeuses de notre Seigneur ; en effet on finit par la
considérer comme sa propre ville [2]. À cause de
l'incrédulité de ses habitants, elle devint un sujet de
lamentation pour Jésus lorsque, plein de tristesse, il prédit
le jugement qui tomberait sur ce lieu [3]. L'emplacement exact
de la ville est actuellement inconnu. Cette fois-là, Jésus
ne demeura que quelques jours à Capernaüm, car l'époque
de la Pâque était proche, et, conformément à
la coutume juive, il se rendit à Jérusalem.
Les
évangiles synoptiques [4], qui sont avant tout consacrés
à ce qu'a fait le Christ en Galilée, ne disent rien de
sa présence à la fête pascale entre sa douzième
année et l'époque de sa mort ; c'est à Jean
uniquement que nous devons le récit de cette visite au
commencement du ministère public du Christ. Il n'est pas
improbable que Jésus ait assisté à d'autres
Pâques au cours des dix-huit années que les évangélistes
passent sous un silence complet et respectueux ; mais, n'ayant
pas trente ans, il n'aurait pu, lors d'aucune de ses visites
précédentes, avoir assumé le droit ou les
prérogatives d'enseigner sans contrevenir aux coutumes
établies [5]. Il est à noter que lors de cette
apparition de Jésus au temple, la première qui nous est
rapportée après sa visite lorsqu'il était jeune
garçon, il a repris en main les affaires de son Père
dont il s'était occupé précédemment.
C'est au service de son Père qu'on l'avait trouvé en
discussion avec les docteurs de la loi [6], et c'est dans la
cause de son Père qu'il fut poussé à agir lors
de cette occasion ultérieure.
Nous
avons déjà parlé, en passant, des foules
nombreuses et mélangées qui assistaient à la
fête de la Pâque [7] ; il faut se rappeler
certaines des coutumes répréhensibles qui régnaient.
La loi de Moïse avait été complétée
par tout un fatras de règles, et les exigences rigidement
imposées au sujet des sacrifices et du tribut avaient donné
naissance à un système de ventes et de trocs à
l'intérieur de l'enceinte sacrée de la maison du
Seigneur. Dans les cours extérieures se trouvaient des étables
contenant des bœufs, des enclos de moutons, des cages de
colombes et de pigeons ; les vendeurs criaient tout haut la
valeur cérémonielle de ces victimes sacrificatoires et
faisaient payer en conséquence. Il était aussi de
coutume de payer à cette époque le tribut annuel du
sanctuaire - rançon requise de chaque personne de sexe
masculin d'Israël et se montant à un demi-sicle [8]
par personne, quelle que fût sa pauvreté ou sa richesse.
Cela devait être payé « selon le sicle du
sanctuaire », limitation qui, avaient décrété
les rabbis, signifiait que l'on devait payer selon la monnaie du
temple. L'argent ordinaire, dont les variétés portaient
des effigies et des inscriptions d'importation païenne, n'était
pas acceptable, et il en résulta que les changeurs exerçaient
un métier prospère dans l'enceinte du temple.
Animé
d'une juste indignation par ce qu'il voyait, plein de zèle
pour la sainteté de la maison de son Père, Jésus
se mit en devoir de nettoyer l'endroit [9] ; et, ne
s'arrêtant pas pour discuter, il appliqua promptement la force
physique, presque la violence : seule force de langage figuré
que ces troqueurs corrompus et cupides pouvaient comprendre.
Improvisant rapidement un fouet de petites cordes, il frappa de tous
les côtés, libérant et chassant moutons, bœufs
et trafiquants humains, renversant les tables des changeurs et
répandant leurs accumulations hétéroclites de
monnaies. Avec une considération tendre pour les oiseaux
emprisonnés et impuissants, il s'abstint d'attaquer leurs
cages ; mais il dit à leurs propriétaires :
« Ôtez cela d'ici » ; et à
tous les marchands cupides, il commanda d'une voix tonnante qui les
fit trembler : « Ne faites pas de la maison de mon
Père une maison de trafic. » Ses disciples virent
dans cet incident l'accomplissement du verset du psalmiste :
« Le zèle de ta maison me dévore » [10].
Les
Juifs, terme par lequel nous entendons les fonctionnaires
ecclésiastiques et les gouverneurs du peuple, n'osèrent
pas protester contre cette action vigoureuse en la taxant d'impie ;
connaissant la loi, ils se savaient coupables de corruption et de
cupidité et se rendaient compte qu'ils étaient
personnellement responsables de la profanation du temple. Tous
savaient que les lieux sacrés avaient grand besoin d'être
purifiés ; le seul point sur lequel ils osèrent
questionner le Purificateur était celui de savoir pourquoi il
prenait ainsi sur lui de faire ce qui était leur devoir. Ils
se soumirent pratiquement à son irrésistible
intervention, se disant qu'ils pourraient encore bien être
obligés de reconnaître l'autorité de cet homme.
Leur soumission provisoire était basée sur la crainte,
et celle-ci, quant à elle, provenait de ce que leur conscience
les accusait de péché. Le Christ l'emporta sur ces
Juifs marchandeurs en vertu du principe éternel que le bien
est plus puissant que le mal, et à cause de ce fait
psychologique que la conscience qu'il a de sa culpabilité
prive le coupable de courage lorsque l'imminence d'un juste châtiment
apparaît à son âme [11]. Cependant, craignant
qu'il ne se révèle être un prophète
puissant, tel qu'aucun prêtre ou rabbi vivant ne professait
l'être, ils lui demandèrent timidement les preuves de
son autorité : « Quel miracle nous montres-tu
pour agir de la sorte ? » Jésus répliqua
sèchement, faisant à peine attention à cette
demande, si commune chez les méchants et les adultères [12] :
« Détruisez ce temple, et en trois jours je le
relèverai » [13].
Aveuglés
par leur propre ruse, refusant de reconnaître l'autorité
du Seigneur, mais craignant la possibilité qu'ils fussent
occupés à s'opposer à quelqu'un qui avait le
droit d'agir, les fonctionnaires, troublés, virent dans les
paroles de Jésus une allusion au temple imposant de maçonnerie
dans les murs duquel ils se tenaient. Ils prirent courage ; cet
étrange Galiléen, qui faisait ouvertement fi de leur
autorité, parlait irrespectueusement de leur temple,
expression visible de la prétention qu'ils étalaient si
orgueilleusement dans leurs paroles - qu'ils étaient enfants
de l'alliance, adorateurs du Dieu vrai et vivant, et par conséquent
supérieurs à tous les peuples païens. Avec une
apparente indignation, ils répliquèrent : « Il
a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois
jours, tu le relèveras [14] ! » Bien que
déçus dans leur désir d'éveiller, à
ce moment-là, l'indignation populaire contre Jésus, les
Juifs refusèrent d'oublier ou de pardonner ces paroles.
Lorsque Jésus se présenta plus tard comme un prisonnier
sans défense, pour subir une parodie illégale de
jugement devant un tribunal pécheur, le parjure le plus noir
qui fut exprimé contre lui fut celui des faux témoins
qui attestèrent : « Nous l'avons entendu
dire : je détruirai ce temple fait par la main de l'homme
et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne sera pas fait
par la main de l'homme » [15]. Et tandis qu'il
agonisait, les railleurs qui passaient devant la croix secouaient la
tête et insultaient le Christ mourant, en ces termes :
« Hé ! toi qui détruis le temple et le
rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même et descends de
la croix [16] ! » Et pourtant cette réponse
de Jésus aux Juifs qui lui avaient demandé un miracle
comme preuve n'avait rien à voir avec le temple colossal
d'Hérode mais faisait allusion au sanctuaire de son propre
corps, dans lequel demeurait, plus véritablement que dans le
Saint des Saints bâti par les hommes, l'Esprit éternellement
vivant du Dieu éternel. « Le Père est en
moi », telle était sa doctrine [17].
« Mais
il parlait du temple de son corps », le tabernacle réel
du Très-Haut [18]. Cette allusion à la destruction
du temple de son corps et à son renouvellement après
trois jours, est sa première prédiction de sa mort et
de sa résurrection dont nous possédions une trace
écrite. Les disciples eux-mêmes ne comprirent le sens
profond de ces paroles qu'après sa résurrection d'entre
les morts ; alors ils se souvinrent et comprirent. Les religieux
juifs n'étaient pas aussi obtus qu'ils semblaient l'être,
car nous les voyons aller trouver Pilate tandis que le corps du
Christ crucifié se trouvait dans la tombe, disant :
« Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit,
quand il vivait encore : ‘Après trois jours je
ressusciterai’ » [19]. Bien que nous possédions
de nombreux passages où le Christ déclara qu'il
mourrait et ressusciterait le troisième jour, les plus claires
de ces déclarations furent faites aux apôtres plutôt
qu'ouvertement au public. Les Juifs qui allèrent trouver
Pilate avaient certainement à l'esprit les paroles que Jésus
prononça tandis qu'ils se trouvaient confondus devant lui lors
de la purification des cours du temple [20].
Une
action d'éclat telle que celle de défier les usages
religieux et de purifier par la force l'enceinte du temple ne pouvait
manquer de frapper, avec des effets divers, le peuple qui assistait à
la fête ; celui-ci, rentrant dans ses foyers, dans des
provinces éloignées et extrêmement disséminées,
répandit certainement la célébrité du
courageux prophète galiléen. Beaucoup d'habitants de
Jérusalem crurent en lui à ce moment-là, surtout
parce qu'ils étaient attirés par les miracles qu'il
opérait ; mais il « ne se fiait point à
eux », conscient que leur profession de foi était
fondée sur des bases incertaines. L'adulation du peuple
n'était pas ce qu'il recherchait ; il ne désirait
pas être suivi d'une foule hétérogène mais
préférait s'entourer de ceux qui recevaient du Père
le témoignage de son appel messianique. « Il les
connaissait tous, et... il n'avait pas besoin qu'on lui rende
témoignage de quelqu'un ; il savait lui-même ce qui
était dans l'homme » [21].
L'incident
au cours duquel le Christ purifia de force le temple est en
contradiction avec la conception que l'on a traditionnellement de lui
et qui fait de lui une personne d'un comportement si doux et si
réservé qu'il semble manquer de virilité. Aussi
doux qu'il fût et patient dans les afflictions, miséricordieux
et longanime envers les pécheurs contrits, il était
sévère et inflexible en présence de l'hypocrisie
et dénonçait impitoyablement les pécheurs
endurcis. Son humeur était adaptée aux situations
auxquelles il avait à faire ; ses lèvres
exprimaient aussi facilement des paroles douces d'encouragement que
des expressions brûlantes de juste indignation. Sa nature
n'était pas la douceur constante de chérubin imaginée
par les poètes mais celle d'un homme, avec les émotions
et les passions caractéristiques de la virilité. Lui
qui pleurait souvent de compassion, manifestait, à d'autres
moments, en paroles et en actions, la juste colère d'un Dieu.
Mais il fut toujours maître de toute cette passion, quelque
doucement ou quelque violemment qu'elle s'exprimât. Comparez le
doux Jésus poussé, par les besoins d'une fête à
Cana, à rendre un service au nom de l'hospitalité, au
Christ indigné maniant son fouet et chassant devant lui, au
milieu de l'émoi et de la confusion qu'il avait créée,
le bétail et les hommes comme un troupeau impur.
JÉSUS
ET NICODÈME [22]
Les
actions étonnantes accomplies par le Christ à l'époque
ou aux environs de cette Pâque mémorable amenèrent,
outre un grand nombre de gens du commun, certains érudits à
croire en lui ; nous en avons la preuve par le fait que
Nicodème, qui professait être Pharisien et occupait un
haut rang, étant l'un des gouverneurs des Juifs, vint le
trouver pour le questionner. Il est significatif que cette visite se
fit de nuit. Apparemment cet homme était poussé par le
désir sincère d'en savoir plus sur le Galiléen
dont on ne pouvait ignorer les œuvres ; cependant,
l'orgueil de son office et la peur qu'il pourrait être
soupçonné de s'être attaché au nouveau
prophète l'amenèrent à entourer son entreprise
du plus grand secret [23]. Décernant à Jésus
le titre qu'il portait lui-même, et qu'il considérait
lui-même comme une expression d'honneur et de respect, il dit :
« Rabbi, nous savons que tu es un docteur venu de la part
de Dieu ; car personne ne peut faire ces miracles que tu fais,
si Dieu n'est avec lui » [24]. Peu importe que le
pronom pluriel « nous » qu'il utilisa indique
qu'il était envoyé par le sanhédrin ou par la
société des Pharisiens dont les membres avaient coutume
de parler de la sorte en leur qualité de représentants
de l'ordre - ou qu'il ait employé un pluriel de majesté
n'ayant trait qu'à lui seul. Il reconnaissait Jésus
comme un « docteur venu de la part de Dieu » et
donna les raisons pour lesquelles il le considérait comme tel.
Quelque faible qu'ait été la foi qui fut éveillée
dans le cœur de cet homme, celle-ci était fondée
sur les preuves fournies par les miracles, soutenue par l'effet
psychologique des signes et des prodiges. Nous devons lui reconnaître
qu'il était sincère et honnête dans ses
intentions.
Sans
attendre des questions particulières, « Jésus
lui répondit : En vérité, en vérité
je te le dis, si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le
royaume de Dieu ». Il semble que Nicodème fut
embarrassé ; il demanda comment pareil rajeunissement
était possible. « Comment un homme peut-il naître
quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le
sein de sa mère et naître ? » Ce n'est
pas être injuste envers Nicodème que de considérer
qu'en sa qualité de rabbi, homme instruit dans les Écritures,
il aurait dû savoir que les paroles de Jésus avaient une
autre signification que celle de la naissance mortelle et littérale.
En outre, s'il était possible qu'un homme naquît
littéralement une seconde fois et dans la chair, comment
pareille naissance pourrait-elle lui profiter dans sa croissance
spirituelle ? Ce ne serait qu'une rentrée sur la scène
de l'existence physique, pas un avancement. Cet homme savait que
l'image d'une nouvelle naissance était commune dans les
enseignements de son temps. On appelait nouveau-nés tous les
Juifs au moment de leur conversion.
La
surprise manifestée par Nicodème fut probablement due,
du moins en partie, au fait que l'exigence annoncée par le
Christ était universelle. Les enfants d'Abraham y étaient-ils
compris ? Le traditionalisme des siècles s'opposait à
toute idée de ce genre. Les païens devaient renaître
en acceptant officiellement le judaïsme, s'ils voulaient avoir
ne serait-ce qu'une petite part des bénédictions qui
appartenaient par héritage à la maison d'Israël ;
mais Jésus semblait traiter tout le monde sur le même
pied, Juifs et Gentils, idolâtres païens et le peuple qui,
du bout des lèvres du moins, appelait Jéhovah Dieu.
Jésus
répéta sa déclaration avec précision,
soulignant par l'impressionnant « en vérité,
en vérité » la plus grande leçon qui
fût jamais parvenue aux oreilles de ce gouverneur d'Israël :
« En vérité, en vérité, je te
le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut
entrer dans le royaume de Dieu. » Cette nouvelle
naissance, que le Christ déclarait ainsi être une
condition absolument essentielle pour entrer dans le royaume de Dieu,
applicable à tous les hommes, sans limite ni modification,
était une régénérescence spirituelle ;
c'est ce qui fut expliqué ensuite au rabbi étonné :
« Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui
est né de l'Esprit est esprit. Ne t'étonne pas que je
t'aie dit : il faut que vous naissiez de nouveau. »
Malgré tout, le savant juif méditait et pourtant ne
comprenait pas. Il se peut que le bruit de la brise nocturne se fit
entendre à ce moment ; s'il en fut ainsi, Jésus ne
fit que se servir de cet incident comme le ferait un maître
habile pour enseigner une leçon d'une manière
frappante, lorsqu'il poursuivit : « Le vent souffle
où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais
d'où il vient, ni où il va. Il en est ainsi de
quiconque est né de l'Esprit. » En termes clairs,
il laissait entendre à Nicodème que sa science profane
et son poste officiel ne lui servaient à rien pour comprendre
les choses de Dieu ; son sens de l'ouïe lui permettait de
savoir que le vent soufflait ; sa vue pouvait l'informer de son
passage ; et cependant que savait-il de la cause ultime ne
fût-ce que de ce phénomène tout simple ? Si
Nicodème désirait réellement s'instruire des
choses de l'esprit, il devait se débarrasser de la déformation
due à sa connaissance de choses moins importantes.
Bien
que rabbi et sanhédriste éminent, il se trouvait, dans
l'humble logis du Maître de Galilée, en présence
de quelqu'un de plus fort que lui. Dans la confusion de son ignorance
il demanda : « Comment cela peut-il se faire ? »
La réponse dut sinon l'humilier du moins le rendre humble :
« Tu es le docteur d'Israël, et tu ne sais pas
cela ! » Il est clair qu'il aurait déjà
pu prendre connaissance antérieurement de certains des
principes fondamentaux de l'Évangile ; Jésus
reprochait d'autant plus à Nicodème son manque de
connaissance que celui-ci instruisait le peuple. Alors notre Seigneur
expliqua avec plus de détails, attestant qu'il parlait de
choses qu'il connaissait avec certitude, parce qu'il les avait vues,
tandis que Nicodème et ses congénères refusaient
d'accepter le témoignage de ses paroles. En outre, Jésus
affirma que sa mission était celle du Messie et prédit
explicitement sa mort et la manière dont elle se produirait :
qu'il devrait, lui, le Fils de l'Homme, être élevé,
de même que Moïse avait élevé le serpent
dans le désert comme prototype afin qu'Israël échappât
au fléau fatal [25].
L'objectif
de la mort prévue du Fils de l'homme était :
« Afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle » ;
car c'est à cela, dans son amour sans limite pour l'homme, que
le Père avait voué son Fils unique. Et en outre, il
était vrai que dans son avènement mortel le Fils
n'était pas venu pour juger mais pour enseigner, persuader et
sauver ; néanmoins la condamnation s'abattrait sûrement
sur ceux qui rejetteraient ce Sauveur, car la lumière était
venue, et les hommes méchants évitaient la lumière,
la haïssant parce qu'ils préféraient les ténèbres
dans lesquelles ils espéraient cacher leurs actions mauvaises.
Il se peut qu'ici, encore une fois, Nicodème ait éprouvé
du remords : en effet, n'avait-il pas craint de venir en plein
jour, et n'avait-il pas choisi les heures nocturnes pour sa visite ?
Les dernières paroles du Seigneur contenaient à la fois
un enseignement et un reproche : « Mais celui qui
pratique la vérité vient à la lumière,
afin qu'il soit manifeste que ses œuvres sont faites en Dieu. »
Le
récit de cet entretien entre Nicodème et le Christ
constitue une des Écritures les plus instructives et les plus
précieuses au sujet de la nécessité absolue
d'obéir sans réserve aux lois et aux ordonnances de
l'Évangile, moyens indispensables du salut. La foi que
Jésus-Christ est le Fils de Dieu, par l'intermédiaire
duquel seul les hommes peuvent acquérir la vie éternelle,
l'abandon du péché en se détournant résolument
des ténèbres grossières du mal pour se diriger
vers la lumière salvatrice de la justice, la nécessité
inconditionnelle d'une nouvelle naissance par le baptême dans
l'eau, et ce, par l'immersion exclusivement, puisque autrement
l'image de la naissance n'aurait aucun sens, et l'achèvement
de la naissance nouvelle dans le baptême par l'Esprit - tous
ces principes sont ici enseignés d'une manière si
simple et si claire que nul ne peut offrir d'excuse plausible de leur
ignorance.
Si
Jésus et Nicodème étaient les seules personnes
présentes à l'entretien, Jean, l'auteur, doit avoir été
mis au courant de celui-ci par l'un d'eux. Comme Jean était
l'un des premiers disciples, et par la suite l'un des apôtres,
et comme il se distinguait du groupe apostolique par ses rapports
étroits avec le Seigneur, il est plus que probable qu'il
entendit le récit des lèvres de Jésus. Le but de
Jean était de toute évidence de rapporter la grande
leçon que cet événement comportait plutôt
que de raconter l'histoire en détail. Le récit se
termine aussi brusquement qu'il a commencé ; les
incidents sans importance sont omis ; chaque ligne est
importante ; l'auteur était pleinement conscient de la
profonde importance de son sujet et le traita en conséquence.
Les allusions ultérieures à Nicodème tendent à
confirmer l'opinion que nous nous sommes formée de l'homme au
moment où il apparaît dans cette réunion avec
Jésus - à savoir que c'était un homme qui était
conscient d'éprouver une certaine croyance au Christ, mais
dont la croyance ne se transforma jamais en cette foi sincère
et virile qui pousse l'homme à accepter et à se
soumettre quels qu'en soient le prix ou les conséquences [26].
DE
LA VILLE À LA CAMPAGNE
Quittant
Jérusalem, Jésus et ses disciples se rendirent dans les
régions rurales de la Judée et y demeurèrent,
prêchant sans aucun doute quand ils en trouvaient ou en
créaient l'occasion ; et ceux qui croyaient en lui
étaient baptisés [27]. La note dominante de ses
premières paroles publiques était celle de son
précurseur du désert : « Repentez-vous
car le royaume des cieux est proche » [28]. Le
Baptiste poursuivait ses travaux ; il est cependant certain que,
depuis qu'il avait reconnu ce Plus Grand que lui dont il avait été
envoyé préparer la venue, il considérait que le
baptême qu'il administrait avait un sens quelque peu différent.
Il avait tout d'abord baptisé pour préparer à
Celui qui devait venir ; maintenant il baptisait les croyants
repentants en Celui qui était venu.
Des
discussions s'étaient élevées parmi certains des
adhérents zélés de Jean concernant la doctrine
de la purification. Le contexte [29] ne nous permet guère
de douter qu'il était question des mérites relatifs du
baptême de Jean et de celui qui était administré
par les disciples de Jésus. Avec une ardeur excusable et un
zèle bien intentionné pour leur maître, les
disciples de Jean, qui s'étaient mêlés à
la controverse, vinrent le trouver disant : « Rabbi,
celui qui était avec toi au-delà du Jourdain et à
qui tu as rendu témoignage, voici qu'il baptise et que tous
vont à lui. » Les partisans de Jean se souciaient
du succès de quelqu'un qu'ils considéraient dans une
certaine mesure comme un rival de leur maître bien-aimé.
Jean n'avait-il pas donné à Jésus le premier
témoignage que celui-ci possédait ? « Celui
à qui tu as rendu témoignage », dirent-ils,
ne daignant même pas appeler Jésus par son nom. Suivant
l'exemple d'André et de Jean, le futur apôtre, le peuple
quittait le Baptiste pour s'assembler autour du Christ. La réponse
de Jean à ses ardents disciples constitue un exemple sublime
d'abnégation. Il dit en substance : L'homme ne reçoit
que ce que Dieu lui donne. Il ne m'est pas donné d'accomplir
l'œuvre du Christ. Vous êtes vous-mêmes témoins
de ce que j'ai nié être le Christ et que j'ai dit avoir
été envoyé devant lui. Il est comme l'époux.
Je ne suis que comme l'ami de l'époux [30], son
serviteur ; et je me réjouis profondément d'être
ainsi près de lui ; sa voix me donne du bonheur, et ainsi
ma joie est complète. Celui dont vous parlez se trouve au
début de son ministère ; j'approche de la fin du
mien. Il doit croître mais je dois diminuer. Il est venu du
ciel, et pour cette raison il est supérieur à toutes
les choses de la terre ; néanmoins les hommes refusent
d'accepter son témoignage. L'Esprit de Dieu ne lui est pas
compté. Il en a la plénitude. Le Père l'aime,
lui, le Fils, et a tout remis entre ses mains, et : « Celui
qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne se
confie pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu
demeure sur lui » [31].
C'est
dans une telle réponse, donnée dans ces conditions, que
l'on doit trouver l'esprit de la véritable grandeur et d'une
humilité qui ne pouvait reposer que sur le fait que le
Baptiste avait reçu l'assurance divine de ce qu'il était
et de ce que le Christ était. C'est à plus d'un égard
que Jean fut grand parmi tous ceux qui sont nés de
femmes [32]. Il avait entrepris son œuvre lorsque Dieu
l'avait envoyé le faire [33]. Il se rendait compte que
son oeuvre était dans une certaine mesure dépassée,
et il attendait patiemment d'être déchargé,
continuant entre-temps dans le ministère, dirigeant des âmes
vers son Maître. Le commencement de la fin était proche.
Il fut bientôt saisi et jeté dans un cachot, où,
comme nous allons le montrer, il fut décapité pour
assouvir la vengeance d'une femme corrompue dont il avait dénoncé
hardiment les péchés [34].
Les
Pharisiens observaient avec une appréhension croissante la
popularité grandissante de Jésus, comme le prouvait le
fait que plus de personnes encore le suivaient et acceptaient le
baptême des mains de ses disciples qu'il n'y en avait eu pour
répondre à l'appel du Baptiste. On menaça
d'exercer une opposition ouverte, et comme Jésus désirait
éviter que son oeuvre subît les retards que pareille
persécution causerait à ce moment-là, il
s'éloigna de la Judée et se retira dans la Galilée,
en passant par la Samarie. Ce retour dans la province du nord se
produisit lorsque le Baptiste eut été jeté en
prison [35].
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Jn 2:12 ; cf. Mt 4:13 ; 9:1.
[3]
Mt 11:23 ; Lc 10: 15.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Note 3, fin du chapitre.
[6]
Chap. 9 du présent ouvrage ; Lc 2:46-49.
[7]
Chap. 9. Note 4, fin du présent chapitre.
[8]
Ex 30:11-16. Note 11, fin du chapitre.
[9]
Jn 2:14-17.
[10]
Comparer avec Ps 69:9.
[11]
Note 5, fin du chapitre.
[12]
Mt 12:38,39 ; cf. 16:1 ; Mc 8:11 ; Jn 6:30 ; 1 Co
1:22.
[13]
Jn 2:19 ; lire versets 18-22.
[14]
Note 6, fin du chapitre.
[15]
Mc 14:58. Chap. 34 du présent ouvrage.
[16]
Mc 15:29,30.
[17]
Jn 10:38, 17:21.
[18]
Jn 2:19-22 ; cf. 1 Co 3:16,17, 6:19 ; 2 Co 6:16 ; voir
en outre Col 2:9 ; Hé 8:2.
[19]
Mt 27:63. Chap. 35 du présent ouvrage.
[20]
Comme l'a écrit brièvement le chanoine Farrar :
« À moins que le ‘nous nous souvenons’
ait été un mensonge pur et simple, ils ne pouvaient
faire allusion qu'à cet événement »
(Life of Christ, p. 155).
[21]
Jn 2:23-25.
[22]
Jn 3:1-21.
[23]
Note 7, fin du chapitre.
[24]
Jn 3:2 ; lire versets 1-21.
[25]
Nb 21:7-9.
[26]
Note 8, fin du chapitre. Voir Articles de Foi, p. 123-127.
[27]
Jn 3:22 ; cf. 4:2.
[28]
Mt 4:17, cf. Mc 1: 15.
[29]
Jn 3:25-36.
[30]
Note 10, fin du chapitre.
[31]
Jn 3:27-36.
[32]
Mt 11:11.
[33]
Lc 3:2,3.
[34]
Mt 14:3-12.
[35]
Mt 4:12.
NOTES
DU CHAPITRE 12
1.
Le lac de Galilée : Ce lac, la plus grande masse d'eau
douce de Palestine, a plus ou moins la forme d'une poire et mesure
environ vingt et un kilomètres dans sa plus grande longueur
qui va approximativement du nord vers le sud et entre dix et douze
kilomètres de largeur maximum. Le Jourdain s'y jette dans son
extrémité nord-est et en sort au sud-ouest ; on
peut, par conséquent, considérer le lac comme une
grande extension du fleuve, bien que cette dépression remplie
d'eau ait environ 60 mètres de profondeur. Le Jourdain, une
fois sorti du lac de Galilée, le relie à la mer Morte,
cette dernière étant une masse d'eau extrêmement
saline qui, à cause de l'abondance de sel dissous qu'elle
contient et, par conséquent, de la densité de son eau
est comparable au grand lac Salé d'Utah, bien que la
composition chimique des eaux soit substantiellement différente.
Luc appelle la mer de Galilée un lac, ce qui est une
appellation plus appropriée (Lc 5:1,2, 8:22,23,33). Au
nord-ouest du lac se trouve une plaine, qui était extrêmement
cultivée dans les temps anciens : on l'appelait le pays
de Génésareth (Mt 14:34, Mc 6:53) ; et la masse
d'eau prit le nom de mer ou lac de Génésareth (Lc 5:1).
Du fait qu'une des villes qui se trouvaient sur ses rives
occidentales était importante, on l'appelait également
le lac de Tibériade (Jn 6:1,23 ; 21: 1). Dans l'Ancien
Testament on l'appelle la mer de Kinnéreth (Nb 34: 11, Jos
12:3) du nom d'une ville riveraine (Jos 19:35). La surface du lac ou
de la mer se trouve à plusieurs centaines de mètres en
dessous du niveau de la mer, deux cent quatre mètres plus bas
que la Méditerranée selon Zénos, ou deux cent
dix mètres selon d'autres. Cette situation extrêmement
basse donne à la région un climat semi-tropical. Zénos
dit dans le Standard Bible Dictionary : « Les eaux du
lac sont connues pour être très poissonneuses.
L'industrie de la pêche était par conséquent
l'une des ressources les plus stables du pays environnant... Une
autre caractéristique de la mer de Galilée est qu'elle
est sujette à des tempêtes soudaines. Celles-ci
proviennent en partie du fait qu'elle se trouve tellement plus bas
que les plateaux avoisinants (fait qui crée une différence
de température et par conséquent des perturbations dans
l'atmosphère), et en partie du fait que des bourrasques se
précipitent dans la vallée du Jourdain depuis les
hauteurs du Hermon. L'événement rapporté dans Mt
8:24 n'est pas un cas extraordinaire. Ceux qui manœuvrent des
bateaux sur le lac sont obligés d'être très
prudents pour éviter les dangers occasionnés par ces
tempêtes. Les rives de la mer de Galilée, de même
que le lac lui-même, furent le théâtre d'un grand
nombre des événements les plus remarquables rapportés
dans les évangiles. »
2.
Les quatre évangiles : Tous ceux qui ont soigneusement
étudié le Nouveau Testament doivent avoir observé
que les livres de Matthieu, Marc et Luc traitent d'une manière
plus détaillée des événements, des
paroles et des actions du Sauveur en Galilée qu'ils ne le font
de son œuvre en Judée ; d'autre part, le livre ou
évangile de Jean traite en particulier des incidents du
ministère judéen de notre Seigneur, sans toutefois
exclure les événements importants qui se produisirent
en Galilée. Au point de vue du style de l'écriture et
de la méthode utilisée pour leur sujet, les auteurs des
premiers évangiles (les évangélistes, comme la
littérature théologique les appelle collectivement, eux
et Jean) diffèrent d'une manière plus marquante de
l'auteur du quatrième évangile qu'entre eux. Les
événements que les trois premiers rapportent peuvent
être facilement classés, comparés ou arrangés
et, par conséquent, on appelle maintenant communément
les évangiles écrits par Matthieu, Marc et Luc les
Synoptiques ou évangiles synoptiques.
3.
Âgé de trente ans : Selon Luc (3:23), Jésus
avait environ trente ans à l'époque de son baptême,
et nous voyons que peu après, il entreprit publiquement
l'œuvre de son ministère. La loi prévoyait que
c'était à l'âge de trente ans que les Lévites
devaient entreprendre leur service spécial (Nb 4:3). Clarke,
Bible Commentary, traitant du passage qui se trouve dans Luc 3:23,
dit : « C'était l'âge légal
auquel les prêtres devaient parvenir avant de pouvoir être
installés dans leur office. » Il se peut que Jésus
ait tenu compte de ce qui était devenu une coutume de
l'époque, lorsqu'il attendit d'avoir atteint cet âge
pour entreprendre publiquement les travaux de Maître parmi le
peuple. N'étant pas de descendance lévitique, il
n'était pas éligible pour être ordonné à
la prêtrise selon l'ordre d'Aaron et, pour cette raison,
n'attendit certainement pas celle-ci pour commencer son ministère.
Avoir enseigné en public à un âge plus jeune
aurait provoqué des critiques et des objections qui auraient
pu avoir pour résultat de freiner gravement ou d'empêcher
son œuvre dès le début.
4.
Les multitudes et la confusion lors de la fête de la Pâque :
Bien qu'il soit, on l'admettra aisément, impossible qu'une
fraction même raisonnablement importante du peuple juif ait pu
être présente aux assemblées annuelles de la
Pâque à Jérusalem et qu'on ait, par conséquent,
prévu la possibilité d'observer la fête
localement, il est indubitable que le nombre de personnes qui
assistaient ordinairement aux célébrations du temple à
l'époque de Jésus était énorme. Josèphe
dit des foules de la Pâque qu'elles constituaient « une
multitude innombrable » (Guerres 11, 1:3), et en un autre
lieu (Guerres, VI, 9:3) déclare que l'assistance atteignit le
chiffre énorme de trois millions d'âmes ; c'est ce
qu'il dit, bien que beaucoup d'écrivains modernes considèrent
ce passage comme une exagération. Josèphe dit que pour
donner à l'empereur Néron des renseignements sur la
force numérique du peuple juif, en particulier en Palestine,
Cestius demanda aux principaux sacrificateurs de compter le nombre
d'agneaux qui avaient été immolés à la
fête, et le nombre qu'on lui rapporta fut de 256 500, ce qui,
en comptant de dix à onze personnes par table pascale,
indiquerait la présence, dit-il, d'au moins 2700200 personnes,
les visiteurs non Juifs non compris, non plus que ceux d'Israël
à qui était refusée toute participation au repas
pascal parce qu'ils n'étaient pas cérémoniellement
aptes.
Les
scènes de confusion inévitables dans les conditions qui
existaient à l'époque sont admirablement résumées
par Geikie (Life and Words of Christ, chap. 30), qui cite un grand
nombre d'autorités anciennes pour justifier ses déclarations :
« Les rues étaient bloquées par les foules
qui venaient de partout, qui devaient se diriger vers le temple,
passant devant des troupeaux de brebis et de bœufs, lesquels se
hâtaient dans la partie en contrebas de chaque rue réservée
pour eux, pour empêcher qu'il y ait contact et souillure. Des
colporteurs de toutes les marchandises possibles assaillaient les
pèlerins, car les grandes fêtes étaient, comme
nous l'avons dit, le temps de la moisson pour tous les commerces de
Jérusalem, de même que, à la Mecque, aujourd'hui
encore, l'époque de la grande affluence des fidèles à
la tombe du Prophète est celle où le commerce est le
plus affairé parmi les pèlerins marchands qui forment
les caravanes en provenance de toutes les parties du monde mahométan.
« À
l'intérieur de l'espace réservé au temple, le
bruit et la cohue étaient encore pis, si cela était
possible. On avait planté des poteaux indicateurs demandant de
garder sa droite ou sa gauche, comme dans les artères les plus
denses de Londres. La cour extérieure, dans laquelle d'autres
que des Juifs pouvaient entrer, et qui était, par conséquent,
appelée la cour des Païens, était partiellement
couverte d'enclos pour les brebis, les chèvres et le bétail,
pour la fête et les actions de grâce. Les vendeurs
criaient les mérites de leurs animaux, les brebis bêlaient
et les bœufs mugissaient. C'était en réalité
la grande foire annuelle de Jérusalem, et les foules
augmentaient le vacarme et le tumulte au point que les services des
cours voisines étaient affreusement troublés. Les
marchands de colombes, pour les femmes pauvres qui venaient de toutes
les parties du pays pour être purifiées, et pour les
autres, avaient un espace réservé. En effet, la vente
des colombes était, dans une grande mesure en secret, entre
les mains des prêtres eux-mêmes : Anne, le souverain
sacrificateur, se faisait particulièrement de grands bénéfices
grâce à ses colombiers du mont des Oliviers. La location
des enclos pour brebis et pour bétail et les bénéfices
qu'ils se faisaient sur les colombes, avaient amené les
prêtres à approuver ce non-sens de transformer le temple
lui-même en un marché bruyant. Et ce n'est pas tout :
les potiers essayaient de vendre aux pèlerins leurs plats et
leurs fours de terre cuite pour l'agneau pascal, des centaines de
marchands faisaient, en hurlant, la réclame de leurs
marchandises, des magasins de vin, d'huile, de sel et de tout ce dont
on avait encore besoin pour les sacrifices, invitaient les clients,
et en outre, des personnes traversant la ville avec toutes sortes de
fardeaux, raccourcissaient leur chemin en traversant les jardins du
temple. Ce qui ajoutait encore à la folie générale
était le fait qu'il fallait payer le tribut, imposé à
tous, pour entretenir le temple. Des deux côtés de la
porte est du temple, on permettait, depuis des générations,
l'existence de boutiques pour changer l'argent étranger.
Depuis le quinze du mois précédent, on permettait aux
changeurs d'argent de mettre leurs tables dans la ville, et à
partir du 21 - ou 20 jours avant la Pâque - d'exercer leur
commerce dans le temple lui-même. Ceux qui achetaient le
matériel nécessaire pour des sacrifices payaient leur
dû à des boutiques spéciales, à un
officier du temple, et recevaient un chèque de plomb pour la
valeur duquel ils obtenaient du marchand ce qu'ils achetaient. En
outre, on changeait de grosses sommes qui devaient être
lancées, comme offrandes volontaires, dans l'un des treize
coffres qui formaient le trésor du temple. Tous les Juifs,
quelque pauvres qu'ils fussent, devaient, en outre, payer un
demi-sicle - 18 pence environ - annuel comme rançon
d'expiation pour leur âme, et pour l'entretien du temple. Comme
celui-ci n'était acceptable qu'en une monnaie du pays, appelée
le sicle du temple, qui n'avait pas généralement cours,
les étrangers devaient changer leur argent romain, grec ou
oriental aux boutiques des changeurs pour obtenir la monnaie requise.
Ce commerce permettait aisément le vol, lequel n'était
que trop courant. On faisait payer un taux de change de 5 % qui était
augmenté à l'infini par des trucs et des chicaneries, à
cause desquels cette classe s'était acquis partout une si
mauvais réputation que son témoignage, comme celui des
publicains, n'était pas reçu devant un tribunal. »
En
ce qui concerne la pollution à laquelle les cours du temple
avaient été soumises par des trafiquants agissant avec
la permission des prêtres, Farrar (Life of Christ, p. 152) nous
dit ce qui suit : « Et c'était la cour
d'entrée du temple du Très-Haut ! La cour qui
était témoin que cette maison devait être une
maison de prière pour toutes les nations, avait été
souillée et était devenue un lieu qui, par sa saleté,
ressemblait plus à un abattoir et, par son commerce
bourdonnant, ressemblait davantage à un marché bourré
de monde ; pendant que le mugissement des bœufs, le
bêlement des brebis, la Babel aux nombreuses langues, les
marchandages, les querelles et le tintement de l'argent et des
balances (peut-être pas toujours justes), étaient
audibles dans les cours voisines, troublant les chants des Lévites
et les prières des prêtres ! »
5.
La servilité des Juifs en présence de Jésus :
Le texte qui nous rapporte l'exploit de Jésus débarrassant
les cours du temple de ceux qui avaient fait de la maison du Seigneur
un marché, ne contient rien qui nous permette de penser qu'il
fit preuve d'une force surhumaine ou d'une force plus que virile. Il
utilisa un fouet qu'il avait fait lui-même, chassa bêtes
et gens devant lui. Ils s'enfuirent pêle-mêle. D'après
le texte, personne n'a émis d'objections avant la fin de
l'expulsion. Pourquoi personne dans la multitude ne s'opposa-t-il ?
La soumission semble avoir été abjecte et servile à
l'extrême. Farrar (Life of Christ, p. 151,152) pose la question
et y répond par un raisonnement excellent et plein
d'éloquence : « Pourquoi cette multitude de
pèlerins ignorants ne résista-t-elle pas ?
Pourquoi ces marchandeurs cupides se contentèrent-ils de lui
lancer des regards sombres et de marmonner des malédictions,
tandis qu'ils laissaient chasser leurs bœufs et leurs brebis
dans les rues et se faisaient eux-mêmes expulser, tandis que
leur argent était lancé sur le sol par quelqu'un qui
était alors jeune et inconnu et vêtu comme les Galiléens
méprisés ? Pourquoi, pourrions-nous demander de la
même manière, Saül permit-il à Samuel de le
réprimander en présence même de son armée ?
Pourquoi David obéit-il abjectement aux ordres de Joab ?
Pourquoi Achab n'osa-t-il pas arrêter Élie à la
porte de la vigne de Naboth ? Parce que le péché
c'est de la faiblesse, parce qu'il n'y a rien d'aussi abject au monde
qu'une conscience coupable, rien d'aussi invincible que la marée
balayante d'une indignation divine contre tout ce qui est vil et
mauvais. Comment ces misérables acheteurs et vendeurs,
conscients de faire le mal, pouvaient-ils s'opposer à cette
réprimande ardente ou faire face aux éclairs de ces
yeux qu'allumait une sainteté outragée ? Lorsque
Phineas, le prêtre, plein de zèle pour l'Éternel
des armées, transperça le prince de Siméon et la
Madianite d'un coup glorieux de sa lance indignée, pourquoi
Israël coupable ne vengea-t-il pas ce meurtre splendide ?
Pourquoi tous les hommes de la tribu de Siméon ne
devinrent-ils pas un Goël pour cet assassin intrépide ?
Parce que le vice ne peut résister un seul instant devant le
bras levé de la vertu. Vils et rampants comme ils l'étaient,
ces Juifs faiseurs d'argent sentaient, dans tout ce qui en leur âme
n'était pas encore rongé par l'infidélité
et la cupidité, que le Fils de l'Homme avait raison.
« Oui,
même les prêtres et les Pharisiens, les scribes et les
Lévites, dévorés qu'ils étaient par
l'orgueil et le formalisme, ne pouvaient condamner un acte qui aurait
pu être accompli par un Néhémie ou un Judas
Maccabée et qui était conforme à tout ce qui
était pur et excellent dans leurs traditions. Mais lorsqu'ils
entendirent parler de cet acte ou en furent témoins, et eurent
le temps de se ressaisir du mélange d'admiration, de dégoût
et d'étonnement qu'il inspirait, ils s'approchèrent de
Jésus, et bien que n'osant pas condamner ce qu'il avait fait,
ils demandèrent cependant, à moitié indignés,
un signe montrant qu'il avait le droit d'agir ainsi. »
6.
Le respect des Juifs pour le temple : Les Juifs professaient un
grand respect pour le temple. « Une déclaration du
Sauveur, que les esprits obtus interprétèrent comme une
menace contre le temple, fut utilisée contre lui comme l'un
des principaux chefs d'accusation pour lesquels on exigeait sa
condamnation à mort. Quand les Juifs réclamaient une
preuve de son autorité, il prédit sa propre mort et sa
résurrection par ces mots : « Détruisez
ce temple, et en trois jours je le relèverai » (Jn
2:19-22 ; voir aussi Mt 26:61 ; 27:40 ; Mc 14:58:
15:29). Dans leur aveuglement, ils considérèrent cette
remarque comme une allusion irrespectueuse à leur temple, un
bâtiment construit de main d'homme, et ils se refusèrent
à l'oublier ou à la pardonner. Cette vénération
se poursuivit après la crucifixion de notre Seigneur ;
cela ressort avec évidence des accusations portées
contre Étienne, et plus tard contre Paul. Dans leur rage
meurtrière, ces gens accusèrent Étienne de
manque de respect pour le temple et produisirent de faux témoins
qui se parjurèrent en déclarant : « Cet
homme ne cesse de proférer des paroles contre le lieu saint et
contre la loi » (Ac 6:13). Là-dessus, Étienne
fut rangé au nombre des martyrs. Quand on proclama que Paul
avait introduit avec lui un Gentil dans les locaux du temple, toute
la ville fut ameutée, et une population furieuse arracha Paul
de ce lieu et chercha à le tuer (Ac 21:26-40). »
L'auteur, La Maison du Seigneur, p. 48,49.
7.
Plusieurs des « chefs » crurent : Nicodème
n'était pas le seul dans les classes dirigeantes qui crut en
Jésus ; mais nous ne savons rien de celles-ci qui nous
indique qu'elles ont eu assez de courage pour venir même de
nuit s'informer indépendamment et personnellement. Elles
craignaient de perdre, à la suite de cela, leur popularité
et leur position. Dans Jean 12:42,43, nous lisons : « Cependant,
même parmi les chefs, plusieurs crurent en lui ; mais à
cause des Pharisiens, ils ne le confessaient pas, pour ne pas être
exclus de la synagogue. Car ils aimèrent la gloire des hommes
plus que la gloire de Dieu. » Notez également
l'épisode du scribe qui offrit de devenir officiellement
disciple mais qui, probablement parce qu'il manquait dans une
certaine mesure de sincérité ou n'en était pas
capable, fut découragé plutôt qu'approuvé
par Jésus (Mt 8:19,20).
8.
Nicodème : Le comportement de cet homme montre
immédiatement qu'il croyait réellement que Jésus
était envoyé de Dieu et que sa croyance ne put se
transformer en foi véritable qui, s'il avait pu l'obtenir,
aurait pu l'amener à une vie de service dévoué à
la cause du Maître. Quand, à une époque
ultérieure à son entretien avec le Christ, les chefs
des prêtres et les Pharisiens réprimandèrent les
huissiers qu'ils avaient envoyés arrêter Jésus et
qui revenaient rapporter leur échec, Nicodème, membre
du Conseil, se hasarda à s'opposer timidement à la
détermination meurtrière des gouvernants, en formulant
une proposition générale sous la forme interrogative :
« Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu
et qu'on sache ce qu'il a fait ? » Ses collègues
lui répondirent avec mépris, et il semble avoir
abandonné son effort bien intentionné (Jn 7:50-53,
lisez les versets précédents 30-49). Nous le voyons
ensuite apporter une contribution coûteuse en myrrhe et en
aloès, cent livres environ, à utiliser pour
l'ensevelissement du corps alors crucifié du Christ ;
mais même dans cet acte de générosité et
de dévotion, dans lequel on ne peut douter de sa sincérité
et de ses intentions, il avait été précédé
par Joseph d'Arimathée, homme de haut rang, qui avait
hardiment demandé et obtenu le corps pour l'ensevelir
respectueusement (Jn 19:38-42). Néanmoins Nicodème fit
plus que la plupart de ses collègues croyants parmi les nobles
et les grands ; qu'on lui en laisse le crédit ; il
ne perdra pas sa récompense.
9.
L'ami de l'époux : La coutume matrimoniale judéenne
du temps du Christ exigeait que l'on nommât un garçon
d'honneur principal, qui s'occupait de tous les préliminaires
et prenait toutes les dispositions pour le festin des noces au nom de
l'époux. On l'appelait officiellement l'ami de l'époux.
Lorsque les formalités cérémonielles étaient
accomplies et que l'épouse avait été donnée
légalement et officiellement à son époux, la
joie de l'ami de l'époux était pleine en ce sens que
les devoirs dont il était chargé avaient bien été
exécutés (Jn 3:29). Selon Edersheim (Life and Times of
Jesus the Messiah, vol. 1 p. 148), en vertu des coutumes plus simples
qui régnaient en Galilée, on ne choisissait pas souvent
un « ami de l'époux », et (p. 663-4)
l'expression « enfant de la chambre de l'épouse »
(Mt 9:15, Mc 2:19, Lc 5:34 [dans la version anglaise, ndt]
toutes citations dans lesquelles l'expression est utilisée par
Jésus) s'appliquait collectivement à tous les invités
d'un festin de noces. Il dit : « Comme l'institution
des ‘amis de l'époux’ était courante en
Judée, mais pas en Galilée, cette distinction marquée
de ‘l'ami de l'époux’ dans la bouche du judéen
Jean et fils (enfants) de la chambre de l'épouse) dans celle
du Galiléen Jésus, est en elle-même une preuve
d'exactitude historique. »
10.
L'argent de l'expiation : Au cours de l'exode, le Seigneur
requit de toute personne masculine en Israël qui avait vingt ans
ou plus au moment d'un recensement, le paiement d'une rançon
se montant à un demi-sicle (Ex 30:12-16). Voir p. 419 et 433
infra. Quant à l'usage auquel l'argent était consacré,
le Seigneur donna le commandement suivant à Moïse :
« Tu recevras des Israélites l'argent de la rançon,
et tu l'emploieras au travail de la tente de la Rencontre ; ce
sera pour les fils d'Israël un souvenir devant l'Éternel
pour la rançon de leurs personnes » (Ex 30:16, voir
aussi 38:25-31). Avec le temps, cet impôt d'un demi-sicle fut
levé annuellement, bien que cette exaction ne repose sur
aucune autorité scripturaire. Cet impôt ne doit pas être
confondu avec l'argent du rachat, qui se montait à 5 sicles
pour chaque premier-né masculin, dont le paiement exemptait
l'individu du service du sanctuaire. Au lieu des fils premiers-nés
de toutes les tribus, le Seigneur désigna les Lévites
pour ce ministère spécial ; néanmoins il
continua à considérer les premiers-nés masculins
comme lui appartenant tout particulièrement et exigea le
paiement d'une rançon comme signe de leur rachat des devoirs
du service sacré. Voir Ex 13:2, 13-15 ; Nb 3:13, 40-51,
8:15-18, 18:15,16, ainsi que le chap. 8 du présent ouvrage.
CHAPITRE
13 : HONORÉ DES ÉTRANGERS, REJETÉ DES
SIENS
JÉSUS
ET LA SAMARITAINE
La
route directe reliant la Judée à la Galilée
passait par la Samarie ; mais beaucoup de Juifs, et surtout les
Galiléens, préféraient prendre une route
indirecte et plus longue plutôt que de traverser le pays d'un
peuple aussi méprisé d'eux que l'étaient les
Samaritains. Le ressentiment entre Juifs et Samaritains avait grandi
pendant des siècles, et à l'époque du ministère
terrestre de notre Seigneur s'était transformé en une
haine extrêmement intense [1]. Les habitants de la Samarie
étaient un peuple hétérogène, chez qui le
sang d'Israël était mêlé à celui des
Assyriens et d'autres nations ; et l'une des raisons de
l'animosité qui existait entre eux et leurs voisins tant au
nord qu'au sud était que les Samaritains prétendaient
être reconnus pour Israélites ; ils se vantaient
que Jacob était leur père, mais cela, les Juifs le
niaient. Les Samaritains avaient une version du Pentateuque qu'ils
révéraient comme étant la loi, mais ils
rejetaient tous les écrits prophétiques de ce qui est
maintenant l'Ancien Testament, parce qu'ils s'y considéraient
traités avec insuffisamment de respect.
Pour
les Juifs orthodoxes de l'époque, un Samaritain était
plus impur qu'un Gentil d'une autre nationalité. Il est
intéressant de remarquer les restrictions extrêmes et
absurdes qui étaient imposées à l'époque
dans la réglementation des rapports inévitables entre
les deux peuples. Le témoignage d'un Samaritain ne pouvait
être entendu devant un tribunal juif. Le fait pour un Juif de
manger de la nourriture préparée par un Samaritain fut
à un certain moment considéré par l'autorité
rabbinique comme une offense aussi grande que celle de manger la
chair du porc. On admettait que les produits d'un champ de Samarie
n'étaient pas impurs parce qu'ils sortaient directement du
sol, mais ces produits devenaient impurs s'ils étaient soumis
à un traitement quelconque entre les mains des Samaritains.
C'est ainsi que l'on pouvait acheter des raisins et du grain aux
Samaritains, mais on ne pouvait consommer ni le vin, ni la farine
fabriqués par des ouvriers samaritains à partir de ces
produits. Un jour on lança le qualificatif de « Samaritain »
à l'adresse du Christ dans l'intention de l'insulter.
« N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain
et que tu as en toi un démon [2] ? » La
conception samaritaine de la mission du Messie attendu était
relativement mieux fondée que celle des Juifs, car les
Samaritains accordaient plus d'importance au royaume spirituel que le
Messie établirait et étaient moins exclusifs dans leurs
conceptions de ceux à qui les bénédictions
messianiques seraient accordées.
Dans
son voyage en Galilée, Jésus prit le chemin le plus
court, qui traversait la Samarie ; et il ne fait aucun doute que
son choix fut guidé par un dessein, car nous lisons qu'il
« fallait qu'il traverse la Samarie » [3].
La route passait par ou près de la ville appelée
Sychard « près du champ que Jacob avait donné
à Joseph, son fils » [4]. Là se
trouvait le puits de Jacob, qui était tenu en haute estime,
non seulement pour sa valeur intrinsèque comme source d'eau
intarissable, mais aussi parce qu'il était lié à
la vie du grand patriarche. Jésus, las de son long voyage, se
reposa au puits, tandis que ses disciples se rendaient à la
ville pour acheter de la nourriture. Une femme vint remplir sa jarre
à eau, et Jésus lui dit : « Donne-moi à
boire. » En vertu des lois de l'hospitalité
orientale qui régnaient alors, demander de l'eau était
une requête qui ne devait jamais être refusée s'il
était possible de l'accorder ; cependant la femme hésita,
car elle était étonnée qu'un Juif demandât
une faveur à une Samaritaine, quelque grand que fût le
besoin. Elle exprima sa surprise par la question : « Comment
toi qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi qui suis
une Samaritaine ? Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations
avec les Samaritains. » Jésus, semblant oublier sa
soif dans son désir d'enseigner, lui répondit en
disant : « Si tu connaissais le don de Dieu, et qui
est celui qui te dit : Donne-moi à boire ! C'est toi
qui lui aurais demandé (à boire), et il t'aurait donné
de l'eau vive. » La femme lui rappela qu'il n'avait pas de
seau, ni de corde pour la retirer du puits profond et l'interrogea en
outre sur ce qu'il voulait dire, ajoutant : « Es-tu
plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce
puits et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses
troupeaux ? »
Jésus
découvrit dans les paroles de la femme un esprit semblable à
celui avec lequel le savant Nicodème avait reçu ses
enseignements ; il leur était impossible à l'un
comme à l'autre de saisir la leçon spirituelle qu'il
voulait donner. Il lui expliqua que l'eau du puits n'aurait qu'un
avantage temporaire ; celui qui en buvait aurait de nouveau
soif ; « mais, ajouta-t-il, celui qui boira de l'eau
que je lui donnerai, n'aura jamais soif, et l'eau que je lui donnerai
deviendra en lui une source d'eau qui jaillira jusque dans la vie
éternelle ». L'intérêt de la femme fut
vivement éveillé, que ce fût par curiosité
ou par une émotion plus profonde, car c'est elle maintenant
qui lui fit la demande, et, lui donnant un titre de respect, dit :
« Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus
soif et que je ne vienne plus puiser ici. » Elle ne
pouvait rien voir au-delà des avantages matériels que
pourrait donner une eau qui apaiserait la soif une fois pour toutes.
Le résultat de la boisson qu'elle avait à l'esprit
serait de lui donner une immunité contre un besoin corporel et
de lui épargner le travail de venir tirer de l'eau du puits.
Le
sujet de la conversation fut brusquement changé lorsque Jésus
lui dit d'aller appeler son mari et de revenir. Quand elle lui
répondit qu'elle n'avait pas de mari, Jésus lui révéla
son pouvoir surhumain de discernement en disant qu'elle avait dit la
vérité, étant donné qu'elle avait eu cinq
maris, tandis que l'homme avec lequel elle vivait alors n'était
pas son mari. Il est certain qu'aucun être ordinaire n'aurait
pu lire ainsi l'histoire déplaisante de sa vie ; elle
confessa impulsivement sa conviction, disant : « Seigneur,
je vois que tu es prophète. » Elle voulait
détourner la conversation et, indiquant le mont Guérizim,
sur lequel le prêtre sacrilège Manassé avait
érigé un temple samaritain, elle fit une réflexion
qui avait peu de rapport avec ce qui avait été dit
précédemment : « Nos pères ont
adoré sur cette montagne ; et vous dites, vous, que le
lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Jésus répliqua dans une veine encore plus profonde, lui
disant que le moment était proche où ce ne serait ni
cette montagne, ni Jérusalem qui seraient le lieu du culte par
excellence ; et il lui reprocha clairement de penser que les
croyances traditionnelles des Samaritains étaient aussi bonnes
que celles des Juifs ; car, dit-il : « Vous
adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que
nous connaissons, car le salut vient des Juifs. » Aussi
changée et corrompue que la religion juive fût devenue,
elle était meilleure que celle des Samaritains ; car les
Juifs acceptaient les prophètes, et c'était de Juda que
le Messie était venu. Mais, comme Jésus le lui
expliqua, le lieu du culte était moins important que l'esprit
de l'adorateur. « Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui
l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. »
Ne
pouvant pas ou ne voulant pas comprendre ce que le Christ voulait
dire, la femme chercha à mettre fin à la leçon
par une réflexion qui, pour elle, n'était probablement
que faite en passant : « Je sais que le Messie vient
- celui qu'on appelle Christ. Quand il sera venu, il nous annoncera
tout. » Alors, à son profond étonnement,
Jésus lui répondit par la déclaration terrible :
« Je le suis, moi qui te parle. » Le langage
était sans équivoque, l'affirmation ne demandait aucune
interprétation. La femme devait le considérer
dorénavant soit comme un imposteur, soit comme le Messie. Elle
laissa sa cruche au puits et, se hâtant de retourner à
la ville, parla de son expérience, disant : « Venez
voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; ne serait-ce
pas le Christ ? »
Vers
la fin de l'entretien entre Jésus et la femme, les disciples
arrivèrent avec les provisions qu'ils étaient allés
chercher. Ils s'étonnèrent de trouver le Maître
en conversation avec une femme, et une Samaritaine qui plus est ;
et cependant aucun d'eux ne lui demanda d'explications. Son attitude
dut leur faire sentir que l'événement était
grave et solennel, Lorsqu'ils l'exhortèrent à manger,
il dit : « J'ai à manger une nourriture que
vous ne connaissez pas. » Pour eux, ces paroles n'avaient
aucun sens au-delà du sens littéral, et ils se
demandèrent entre eux si quelqu'un lui avait apporté de
la nourriture au cours de leur absence ; mais il les éclaira
de cette manière : « Ma nourriture est de
faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir
son oeuvre. »
Une
foule de Samaritains apparut venant de la ville. Levant les yeux sur
eux et sur les champs de blé voisins, Jésus
poursuivit : « Ne dites-vous pas qu'il y a encore
quatre mois jusqu'à la moisson ? Eh bien ! je vous
le dis, levez les yeux et regardez les champs qui sont déjà
blancs pour la moisson. » La portée de cette parole
semble être que bien que des mois dussent se passer avant que
le blé et le seigle ne fussent prêts pour la faucille,
la moisson des âmes, représentées par la foule
qui s'approchait, était alors même prête, et que
les disciples pouvaient récolter ce qu'il avait semé,
pour leur profit inestimable, puisqu'ils auraient un salaire pour
leur travail et rassembleraient les fruits d'un travail fait par
quelqu'un d'autre qu'eux.
Un
grand nombre de Samaritains crurent au Christ, d'abord par la force
du témoignage de la femme, puis à cause de leur propre
conviction ; et ils dirent à la femme à
l'instigation de qui ils étaient tout d'abord allés le
trouver : « Ce n'est plus à cause de tes dires
que nous croyons ; car nous l'avons entendu nous-mêmes, et
nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Il accéda gracieusement à leur désir de le voir
rester et demeura deux jours avec eux. Il ne fait aucun doute que
Jésus n'éprouvait pas le préjugé national
que les Juifs avaient pour les Samaritains ; une âme
honnête était acceptable pour lui d'où qu'elle
vint. Il est probable que la semence qui fut plantée au cours
de ce bref séjour de notre Seigneur parmi le peuple méprisé
de Samarie fut celle dont une moisson si riche fut récoltée
par les apôtres dans les années ultérieur [5].
JÉSUS
RETOURNE EN GALILÉE : À CANA ET À NAZARETH
Après
les deux jours de séjour parmi les Samaritains, Jésus,
accompagné des disciples qui avaient voyagé avec lui
depuis la Judée, reprit le voyage en direction du nord, en
Galilée, province qu'il avait quittée depuis plusieurs
mois. Se rendant compte que le peuple de Nazareth, ville dans
laquelle il avait été élevé, aurait
probablement mauvais gré à le reconnaître comme
quelque chose d'autre que le charpentier, ou, comme il le déclara,
sachant qu'un « prophète n'est pas honoré
dans sa propre patrie » [6], il se rendit tout
d'abord à Cana. Le peuple de cette région, et de fait,
les Galiléens en général, le reçurent
avec plaisir ; en effet beaucoup d'entre eux avaient assisté
à la dernière Pâque et avaient probablement été
personnellement témoins des miracles qu'il avait accomplis en
Judée. Tandis qu'il était à Cana, il reçut
la visite d'un noble, probablement un fonctionnaire important de la
province, qui le supplia de se rendre à Capernaüm et de
guérir son fils, qui était sur le point de mourir.
Voulant probablement montrer à l'homme l'état véritable
de son esprit, car nous ne pouvons douter que Jésus pouvait
lire ses pensées, notre Seigneur lui dit : « Si
vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez donc
point [7] ! » Comme nous l'avons déjà
remarqué dans des exemples antérieurs, en particulier
lorsque Jésus refusa de se confier à ceux qui se
prétendaient croyants à Jérusalem et dont la foi
reposait uniquement sur leur étonnement des choses qu'il
faisait [8], notre Seigneur ne voulait pas considérer les
miracles, même ceux qu'il accomplissait, comme un fondement
suffisant et sûr de la foi. Le noble suppliant, angoissé
de l'état précaire de son fils, ne se vexa nullement de
la réprimande qu'un esprit chicaneur aurait pu déceler
dans la réponse du Seigneur ; avec une humilité
sincère qui montrait sa foi que Jésus pouvait guérir
l'enfant, il renouvela sa supplique avec insistance :
« Seigneur, descends avant que mon petit enfant ne
meure. »
Il
est probable que l'homme n'avait jamais réfléchi aux
moyens ou aux processus directs par lesquels les paroles d'un être
quelconque pouvaient détourner la mort et assurer la
guérison ; mais dans son cœur il croyait à
la puissance du Christ et supplia notre Seigneur avec une ferveur
pathétique d'intervenir en faveur de son fils mourant. Il
semblait considérer comme nécessaire que le Guérisseur
fût présent, et sa grande crainte était que le
garçon ne vécût point jusqu'à ce que Jésus
fût arrivé. « Va, ton fils vit. Cet homme
crut à la parole que Jésus lui avait dite et il s'en
alla. » La sincérité de la confiance de
l'homme se révèle dans le fait qu'il accepta avec
reconnaissance l'assurance du Seigneur et dans le contentement qu'il
manifesta immédiatement. Capernaüm, où son fils se
trouvait, était à environ trente kilomètres de
là ; s'il avait encore été soucieux et
sceptique, il aurait probablement essayé de retourner chez lui
le jour même, car il était une heure de l'après-midi
lorsque Jésus prononça les paroles qui lui avaient
procuré un tel soulagement ; mais il retourna à
l'aise, car le lendemain il était encore en route et rencontra
certains de ses serviteurs qui avaient été envoyés
pour le réjouir de la bonne nouvelle que son fils était
guéri. Il demanda quand le garçon avait commencé
à se sentir mieux, et on lui répondit que la fièvre
l'avait quitté à la septième heure de la veille.
C'était le moment où le Christ avait dit : « Ton
fils vit. » La croyance de l'homme mûrit rapidement,
et lui et sa maison acceptèrent l'Évangile [9].
C'est le deuxième miracle que Jésus accomplit à
Cana, bien que dans ce cas, le sujet béni se trouvât à
Capernaüm.
La
réputation de notre Seigneur se répandit dans toute la
région alentour. Pendant une période qui n'est pas
précisée, il enseigna dans les synagogues des villes et
fut reçu avec faveur, étant « glorifié
par tous » [10]. Il retourna ensuite à
Nazareth, son ancienne demeure et, comme c'était sa coutume,
assista au service de la synagogue le jour du sabbat. Enfant et jeune
homme, il s'était assis de nombreuses fois dans cette maison
de culte, écoutant la lecture de la loi et des prophètes
et les commentaires ou targoums [11] qui s'y rapportaient,
prononcés par des lecteurs désignés ; mais
maintenant, instructeur reconnu d'âge légal, il avait le
droit de prendre la place du lecteur. En cette occasion, il se leva
pour lire, lorsque le service fut parvenu au stade auquel des
extraits des livres prophétiques devaient être lus à
l'assemblée. L'officiant lui donna le rouleau ou livre
d'Ésaïe ; il l'ouvrit à la partie que nous
connaissons comme le début du soixante et unième
chapitre et lut : « L'Esprit du Seigneur est sur moi,
parce qu'il m'a oint [pour guérir ceux qui ont le cœur
brisé ;] pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ;
il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance,
et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les
opprimés, pour proclamer une année de grâce du
Seigneur » [12]. Tendant le livre à
l'officiant, il s'assit. Il était permis au lecteur, lors du
service de la synagogue juive, de faire des commentaires pour
expliquer ce qui avait été lu ; mais pour ce faire
il devait s'asseoir. Lorsque Jésus s'assit, le peuple sut
qu'il était sur le point d'expliquer le texte, et « Les
yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur
lui ». L'Écriture qu'il avait citée, toutes
les classes reconnaissaient qu'elle faisait tout particulièrement
allusion au Messie dont la nation attendait la venue. La première
phrase du commentaire de notre Seigneur fut stupéfiante ;
elle ne contenait aucune analyse laborieuse, aucune interprétation
scolastique, mais une application directe et sans ambiguïté :
« Aujourd'hui cette (parole de l')Écriture que vous
venez d'entendre, est accomplie. » Il y avait une telle
grâce dans ses paroles que tous s'étonnèrent, et
dirent : « N'est-ce pas le fils de Joseph [13] ? »
Jésus
connaissait leurs pensées, même s'il n'entendait pas
leurs paroles et, prévenant leurs critiques, il dit :
« Certainement, vous me citerez ce proverbe :
Médecin, guéris-toi toi-même ; tout ce qui
s'est produit à Capernaüm et que nous avons appris,
fais-le ici dans ta patrie. Il leur dit encore : En vérité,
en vérité, je vous le dis, aucun prophète n'est
bien reçu dans sa patrie. » Dans son cœur, le
peuple était vivement désireux de voir un signe, un
prodige, un miracle. Il savait que Jésus en avait accompli à
Cana et qu'un garçon de Capernaüm avait été
guéri par sa parole ; à Jérusalem
également, il avait étonné le peuple de ses
œuvres puissantes. Allaient-ils, eux, ses concitoyens, être
négligés ? Pourquoi ne leur faisait-il pas une
démonstration amusante de ses pouvoirs ? Il poursuivit
son discours, leur rappelant que du temps d'Élie où,
pendant trois ans et demi, il n'avait pas plu et où la famine
avait régné, le prophète avait été
envoyé à une seulement des nombreuses veuves, et ce, à
une femme de Sarepta, à Sidon, une Gentile qui n'était
pas une fille d'Israël. Et encore, bien qu'il y eût
beaucoup de lépreux en Israël du temps d'Élisée,
un seul lépreux, et ce, un Syrien, pas un Israélite,
avait été purifié par le ministère du
prophète, car Naaman seul avait manifesté la foi
requise.
Alors
leur colère fut grande. Osait-il les classer parmi les Gentils
et les lépreux ? Allaient-ils se laisser comparer à
des infidèles méprisés, et cela par le fils du
charpentier du village, qui avait grandi depuis son enfance dans leur
communauté ? En proie à une rage diabolique, ils
saisirent le Seigneur et l'emmenèrent au sommet de la colline
sur le versant de laquelle la ville était construite, décidés
à venger leur amour-propre blessé en le précipitant
du haut des falaises rocheuses. C'est ainsi que dès le début
de son ministère, les forces de l'opposition atteignirent une
intensité meurtrière. Mais le moment n'était pas
encore venu pour le Seigneur de mourir. La foule furieuse fut
impuissante à faire un pas de plus que leur victime ne voulait
lui permettre. « Mais lui, passant au milieu d'eux, s'en
alla. » Nous ne savons pas s'ils furent paralysés
par la grâce de sa présence, réduits au silence
par la puissance de ses paroles ou arrêtés par une
intervention encore plus effrayante. Il quitta les Nazaréens
incrédules, et dorénavant Nazareth ne fut plus sa
demeure.
À
CAPERNAÜM
Jésus
se dirigea vers Capernaüm [14], qui devint presque son lieu
de résidence en Galilée. C'est là qu'il
enseigna, surtout le jour du sabbat ; et le peuple était
étonné de sa doctrine, car il parlait avec autorité
et puissance [15]. Dans la synagogue, lors d'une de ces
occasions, il y avait un homme qui était possédé
et sujet aux ravages de l'esprit mauvais ou, comme le texte le
déclare d'une manière si frappante, qui « avait
un esprit de démon impur ». Il est significatif que
cet esprit mauvais, qui avait acquis un tel pouvoir sur cet homme,
qui contrôlait ses actions et ses paroles, fut terrifié
devant notre Seigneur et s'écria d'une voix forte, quoique
suppliante : « Hé ! que nous veux-tu,
Jésus de Nazareth ? Tu es venu nous perdre. Je sais qui
tu es : le Saint de Dieu. » Jésus réprimanda
l'esprit impur, lui commandant de se taire et de quitter l'homme ;
le démon obéit au Maître, et après avoir
jeté sa victime dans un paroxysme violent bien qu'inoffensif,
il le quitta. Devant ce miracle, les témoins s'étonnèrent
encore plus et s'exclamèrent : « Quelle est
cette parole ? Il commande avec autorité et puissance aux
esprits impurs, et ils sortent ! Et sa renommée se
répandait dans toute la région » [16]. Le
soir du même jour, lorsque le soleil se fut couché, et
par conséquent lorsque le sabbat fut terminé [17]
le peuple s'attroupa autour de lui, amenant amis et parents
affligés ; Jésus les guérit de leurs
maladies diverses, corporelles et mentales. Parmi ceux qui étaient
ainsi soulagés il y en avait beaucoup qui avaient été
possédés de démons, et ceux-ci s'écrièrent,
forcés de témoigner de l'autorité divine du
Maître : « Tu es le Fils de Dieu » [18].
En
ces occasions comme en d'autres, nous voyons des esprits mauvais
exprimer par la bouche de leurs victimes leur connaissance que Jésus
était le Christ ; et dans tous ces cas le Seigneur, d'un
mot, leur imposa silence ; car il ne voulait pas qu'un
témoignage tel que le leur attestât de sa divinité.
Ces esprits faisaient partie de la suite du diable, membres des
armées rebelles et battues qui avaient été
précipitées par la puissance de l'être même
dont ils reconnaissaient maintenant l'autorité et la puissance
dans leur frénésie démoniaque. Avec Satan
lui-même, leur chef vaincu, ils restaient désincarnés,
car les droits du deuxième état ou état mortel
leur avaient été refusés à tous [19] ;
leur souvenir des événements qui avaient culminé
dans leur expulsion du ciel était ravivé par la
présence du Christ, bien qu'il se trouvât dans un corps
de chair.
Beaucoup
d'auteurs modernes ont essayé d'expliquer le phénomène
de la possession par les démons ; outre ceux-ci il ne
manque pas de gens pour nier la possibilité qu'une victime
puisse être véritablement dominée par des
personnages d'esprit. Cependant les Écritures montrent
clairement le contraire. Notre Seigneur fit la distinction entre
cette forme d'affliction et la maladie corporelle simple dans ses
instructions aux Douze : « Guérissez les
malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez
les démons » [20]. Dans le récit
des incidents que nous examinons maintenant, Marc l'évangéliste
fait la même distinction, comme suit : « On lui
amena tous les malades et les démoniaques. » Dans
plusieurs cas, le Christ, en réprimandant des démons,
leur parla comme à des individus distincts de l'être
humain affligé [21], et à l'une de ces occasions,
il commanda au démon : « Sors de cet enfant et
n'y rentre plus » [22].
Dans
ce domaine comme dans les autres, l'explication la plus simple est la
vérité qui s'y rapporte ; les théories
basées sur des fondations autres que scripturaires sont
instables. Le Christ associait clairement les démons avec
Satan. Il le fit surtout dans son commentaire sur le rapport des
soixante-dix à qui il donna autorité et qu'il envoya,
et qui témoignèrent avec joie lors de leur retour que
même les démons leur avaient été soumis en
son nom. À ces serviteurs fidèles, il dit : « Je
voyais Satan tomber du ciel comme un éclair » [23]. Les
démons qui prennent possession des hommes, paralysant leur
libre arbitre et les forçant à obéir aux ordres
sataniques, sont les anges non incarnés du diable, dont le
triomphe est d'affliger les mortels, et si possible de les obliger à
pécher. Pour s'acquérir le plaisir transitoire de
posséder un corps de chair, ces démons sont avides
d'entrer même dans les corps d'animaux [24].
Il
se peut que ce soit dans l'intervalle entre la réprimande de
l'esprit mauvais de la synagogue et les miracles de guérison
et d'exorcisation le soir de ce jour de sabbat, que Jésus se
rendit à la maison de Simon, qu'il avait nommé
précédemment Pierre, et trouva la belle-mère de
son disciple, malade de la fièvre. Accédant à la
requête de la foi, il réprimanda la maladie ; la
femme fut immédiatement guérie, se leva de son lit et
offrit l'hospitalité de son foyer à Jésus et à
ceux qui étaient avec lui [25].
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Jn 8:48.
[3]
Jn 4:4 ; on trouvera les incidents qui suivent aux versets 5-43.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Ac 8:5, 9:31,15:3.
[6]
Jn 4:44 ; cf. Mt 13:57 ; Mc 6:4 ; Lc 4:24.
[7]
Jn 4:48 ; lire versets 46-54.
[8]
Jn 2:23,24.
[9]
Note 3, fin du chapitre.
[10]
Lc 4:14,15 ; lire versets 16-32.
[11]
Note 4, fin du chapitre.
[12]
Lc 4:18,19 ; cf. Es 61:1,2.
[13]
Lc 4:22 ; cf. Mt 13:55-57 ; Mc 6:3 ; Jn 6:42.
[14]
Note 5, fin du chapitre.
[15]
Lc 4:32 ; cf. Mt 7:28,29, 13:54 ; Mc 1:22.
[16]
Lc 4:33-37 et Mc 1:23-28. Note 6, fin du chapitre.
[17]
Le sabbat des Juifs commençait le vendredi au coucher du
soleil et prenait fin au crépuscule du samedi.
[18]
Lc 4-41 ; cf. Mc 1:34, 3:11,12, 5:1-18 ; Mt 8:28-34.
[19]
Chap. 2.
[20]
Mt 10:8 ; voir verset 1 ; cf. 4:24 ; Mc
1:32,16:17,18 ; Lc 9:1.
[21]
Mt 8:32 ; Mc 1:25 ; Lc 4:35.
[22]
Mc 9:25.
[23]
Lc 10:17,18 ; cf. Ap 12:7-9.
[24]
Mt 8:29-33 ; Mc 5:11-14 ; Lc 8:32-34.
[25]
Mt 8:14,15 ; Mc 1:29-31 ; Lc 4:38,39.
NOTES
DU CHAPITRE 13
1.
Animosité entre Juifs et Samaritains : Lorsque l'on
étudie les Samaritains, on doit se rappeler qu'une certaine
ville et la région ou province dans laquelle elle se trouvait
s'appelaient toutes deux Samarie. Les faits principaux relatifs à
l'origine des Samaritains et à l'explication de l'animosité
mutuelle qui existait entre ce peuple et les Juifs à l'époque
du Christ ont été admirablement résumés
par Geikie (Life and Words of Christ, vol. 1, p. 495,6). Omettant les
autorités auxquelles il se réfère, nous le
citons : « Après la déportation des dix
tribus en Assyrie, la Samarie avait été repeuplée
par des colons païens provenant de diverses provinces de
l'empire assyrien, par des gens qui avaient fui les autorités
de la Judée, et par les retardataires de l'une ou l'autre des
dix tribus, qui retournèrent chez eux. Les premiers colons
païens, terrifiés de la prolifération des animaux
sauvages, surtout des lions, et attribuant ce fait à ce qu'ils
ne connaissaient pas le culte véritable du Dieu de la région,
se firent envoyer l'un des prêtres exilés et, suivant
ses instructions, ajoutèrent le culte de Jéhovah à
celui de leurs idoles - incident de leur histoire dont les juifs
allaient se servir plus tard dans leur haine et leur dérision
lorsqu'ils voulaient les railler, les traitant de « prosélytes
des lions », à cause de leur origine assyrienne, en
les appelant Cuthites. Mais en fin de compte, ils devinrent encore
plus rigidement attachés à la loi de Moïse que les
Juifs eux-mêmes. Vivement désireux d'être reconnus
comme Israélites, ils mirent tous leurs efforts à
s'unir aux deux tribus, lorsque celles-ci revinrent de captivité,
mais le puritanisme sévère d'Esdras et de Néhémie
n'admettait aucune alliance entre le sang pur de Jérusalem et
la race ternie du nord. Il était naturel que cet affront
provoquât du ressentiment et que celui-ci en retour excitât
de la rancune, au point que, à l'époque du Christ, des
siècles de lutte et d'offenses mutuelles, intensifiées
par la haine théologique des deux partis, en eussent fait des
ennemis implacables. Les Samaritains avaient construit un temple sur
le mont Guérizim pour rivaliser avec celui de Jérusalem,
mais il avait été détruit par Jean Hyrcan, qui
avait également rasé Samarie. Ils prétendaient
que leur montagne était plus sainte que le mont Moriah,
accusaient les Juifs d'ajouter à la parole de Dieu en recevant
les écrits des prophètes et s'enorgueillissaient de ne
reconnaître que le Pentateuque comme inspiré,
favorisaient Hérode parce que les Juifs le haïssaient, et
lui étaient loyaux ainsi qu'aux Romains également haïs,
avaient allumé des lumières sur les collines pour
tromper le calcul juif des nouvelles lunes et mettre ainsi la
confusion dans leurs fêtes, et, dans la prime jeunesse de
Jésus, étaient allés jusqu'à souiller le
temple lui-même, en y semant des ossements humains lors de la
Pâque.
« Les
Juifs leur vouaient une haine égale. Pour eux les Samaritains
n'étaient que des Cuthites, ou païens de Cuth. ‘La
race que je hais n'est pas une race’, dit le fils de Sirach. On
prétendait qu'un peuple qui avait adoré autrefois cinq
dieux ne pouvait rien avoir de commun avec Jéhovah. On se
moquait avec mépris de la prétention des Samaritains
que Moïse aurait enseveli le Tabernacle et ses vases au sommet
de Guérizim. On disait que sous Antiochus Epiphane, ils
avaient consacré leur temple au Jupiter grec. On ne niait pas
qu'ils gardaient les commandements de Moïse plus strictement
encore que les Juifs, afin de paraître être réellement
d'Israël ; mais leur paganisme, disait-on, avait été
prouvé par la découverte d'une colombe d'airain, qu'ils
adoraient, au sommet de Guérizim. En outre ils se vantaient de
ce que Hérode était leur bon roi qui avait épousé
une fille de leur peuple ; que, dans leur pays, il avait pu
librement suivre ses goûts romains, tant haïs en Judée ;
ils étaient restés tranquilles après sa mort,
lorsque la Judée et la Galilée étaient en
révolte, et à cause de leur pacifisme, le quart de
leurs taxes leur avait été remis et ajouté aux
fardeaux de la Judée. Leur amitié vis-à-vis des
Romains était une provocation supplémentaire. Alors que
les Juifs ne se tenaient tranquilles que sous l'effet de la sévérité
la plus rigoureuse et s'efforçaient par tous les moyens de
s'opposer à l'introduction de tout ce qui était
étranger, les Samaritains se réjouissaient de
l'importance nouvelle que leur loyauté à l'empire leur
avait donnée. Sichem était florissante : c'était
tout près, à Césarée, que le procurateur
avait sa cour. Une division de cavalerie, dans une caserne à
Sébaste - la vieille Samarie - avait été levée
dans le territoire. Les étrangers romains étaient plus
que bienvenus à passer l'été dans leurs vallées
ombragées.
« La
haine sans bornes qui venait de tant de sources trouvait son
expression dans la tradition selon laquelle une malédiction
spéciale avait été prononcée contre les
Samaritains par Esdras, Zorobabel et Josué. On disait que ces
grands personnages avaient réuni toute l'assemblée
d'Israël dans le temple, et que trois cents prêtres, avec
trois cents trompettes et trois cents livres de la Loi, et trois
cents docteurs de la Loi avaient été employés à
répéter, au milieu du cérémonial le plus
solennel, toutes les malédictions de la Loi contre les
Samaritains. Ils avaient été soumis à toutes les
formes d'excommunication, par le nom incommunicable de Jéhovah,
par les tables de la Loi, et par les synagogues célestes et
terrestres. Le nom même devint un reproche. « Nous
savons que tu es un Samaritain et que tu as un démon »,
dirent les Juifs à Jésus à Jérusalem...
Un oeuf samaritain, tel que la poule le pondait, ne pouvait être
impur, mais un oeuf bouilli ? Cependant quand l'intérêt
et la convenance étaient en cause, on s'efforçait, par
une casuistique subtile, d'inventer des excuses pour les relations
qui étaient inévitables. Le pays des Cuthites était
pur, de sorte qu'un Juif pouvait, sans scrupule, en récolter
et en manger le produit. Les eaux de Samarie étaient pures, de
sorte qu'un Juif pouvait les boire et s'y laver. Leurs demeures
étaient pures, de sorte qu'ils pouvaient y entrer et manger ou
y loger. Leurs routes étaient pures, de sorte que la poussière
qui s'en élevait ne souillait pas les pieds des Juifs. Dans
leurs paroles contradictoires, les rabbis allaient jusqu'à
dire que les aliments des Cuthites étaient permis si on n'y
mêlait aucun de leurs vins ou de leurs vinaigres, et même
leur pain sans levain était considéré comme
pouvant être utilisé à la Pâque. Les
opinions étaient ainsi incertaines, mais en règle
générale, des sentiments assez durs régnaient. »
Frankl
et d'autres affirment que le sentiment d'hostilité s'est
poursuivi jusqu'aujourd'hui, du moins de la part des Juifs. Ainsi,
comme le cite Farrar (p. 166 notes) : « Êtes-vous
Juif ? » demanda Salameh Cohen, le grand prêtre
samaritain, au Dr Frankl ; « Et vous venez nous
trouver, nous, des Samaritains, qui sommes méprisés des
Juifs ? » (Jews in the East, 11, 329). Il ajouta
qu'ils étaient disposés à vivre en amitié
avec les Juifs, mais que les Juifs évitaient toutes relations
avec eux. Peu après, visitant des Juifs Sépharadiques
de Nablus, le Dr Frankl demanda à un membre de cette
confession, « s'il avait eu des rapports quelconques avec
les Samaritains ? » Les femmes reculèrent avec
un cri d'horreur, et l'une d'entre elles dit : « Avez-vous
été parmi les adorateurs des pigeons ? »
Je dis que oui. Les femmes reculèrent de nouveau avec la même
expression de répugnance, et l'une d'entre elles dit :
« Prenez un bain purificateur ! » (Idem,
p. 334). Le chanoine Farrar ajoute : « J'eus le
plaisir de passer un jour parmi les Samaritains campés sur le
mont Guérizim, pendant leur Pâque annuelle, et je ne pus
voir dans leurs habitudes, ni dans leur caractère apparent,
aucune cause justifiant toute cette horreur et toute cette haine. »
2.
Sychar : La ville où demeurait la Samaritaine avec qui
Jésus conversa au puits de Jacob est appelée Sychar
dans Jean 4:5 ; ce nom ne se retrouve nulle part ailleurs dans
la Bible. On a essayé d'identifier ce lieu avec Sichem, ville
chère au cœur juif à cause de son rôle
important dans la vie des anciens patriarches. Toutefois,
actuellement, on admet en général que Sychar était
un petit village situé sur l'emplacement de l'Askar actuelle,
qui est, dit Zénos, « un village avec une source et
quelques tombes antiques taillées dans le roc, situé à
un kilomètre environ au nord du puits de Jacob ».
3.
Le noble de Capemaüm : Le nom du noble dont le fils fut
guéri par la parole de Jésus n'est pas donné. On
a essayé de l'identifier avec Chuza, intendant d'Hérode
Antipas, mais cette théorie se base sur une tradition
incertaine. La famille du noble accepta les enseignements du Christ,
« Jeanne, femme de Chuza, intendant d'Hérode »
(Lc 8:3) se trouvait parmi les femmes reconnaissantes et honorables
qui avaient reçu le ministère guérisseur de
notre Seigneur et qui donnèrent de leurs biens pour
l'avancement de son oeuvre. Il ne faut pas confondre une tradition
non confirmée avec l'histoire authentique.
4.
Les targoums : Les targoums sont d'antiques paraphrases juives
sur les Écritures, qui étaient données dans les
synagogues dans la langue du commun. Du temps du Christ, la langue
parlée par les Juifs n'était pas l'hébreu mais
un dialecte araméen. Edersheim déclare que l'hébreu
pur était la langue des savants et de la synagogue, et que les
lectures de passages de l'Écriture faites au public, devaient
être données par un interprète. « En
effet, dit-il, dans les temps les plus reculés, il était
interdit au methourgeman [interprète] de lire sa
traduction ou d'écrire un targoum, de peur que la paraphrase
n'en soit considérée comme ayant une autorité
égale à l'original. » L'usage de targoums
écrits était « sanctionné par
l'autorité avant la fin du deuxième siècle après
Jésus-Christ. C'est l'origine de nos deux plus anciens
targoumim existants - celui d'Onkelos (comme on l'appelle) sur le
Pentateuque et celui des Prophètes, attribué à
Jonathan, le fils d'Uzziel. Bien sûr ces noms ne représentent
pas exactement les auteurs des targoumim les plus anciens, que l'on
peut à bon droit considérer comme des révisions
ultérieures et autorisées de ce qui avait existé
précédemment sous une forme ou sous une autre. Mais
bien que ces œuvres aient leur origine en Palestine, il est à
remarquer que dans la forme sous laquelle nous les possédons
actuellement, ils sont le produit des écoles de Babylone »
(Life and Times of Jesus the Messiah, vol. 1, p. 10,11).
5.
Capernaüm : « Le nom Capernaüm signifie,
selon certaines autorités, ‘le village de Nahum’,
et selon d'autres, ‘le village de la Consolation’. En
suivant l'histoire de Jésus, nous allons découvrir que
beaucoup de ses grandes oeuvres furent accomplies, et beaucoup de ses
paroles les plus importantes prononcées à Capernaüm.
L'infidélité des habitants, après tous les
discours et toutes les oeuvres merveilleuses qu'il avait faites parmi
eux, poussa Jésus à dire : « Et toi,
Capernaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel !
non, tu seras abaissée jusqu'au séjour des morts »
(Mt 11:23). Cette prédiction s'est accomplie si totalement
qu'il ne reste aucune trace de la ville, et que l'emplacement même
qu'elle occupe est maintenant matière à discussion, car
il n'y a même aucune tradition ecclésiastique sur ce
lieu. Actuellement, deux endroits s'en réclament, chacun
avançant des arguments de probabilité tels que cela
fait de la question tout entière le point le plus difficile de
la topographie sacrée... Nous ne pourrons probablement jamais
connaître le fait exact. Jésus la condamna à
entrer dans l'oubli, et elle y repose. Nous nous contenterons des
allusions qu'y fait le Nouveau Testament en parlant de l'œuvre
de Jésus.
« Nous
apprenons que c'est quelque part sur le territoire de Zabulon et de
Nephtali, sur la rive occidentale de la mer de Galilée
(comparer Mt 4:13 avec Jn 6:24). C'est près ou dans ‘le
pays de Génésareth’ (comparer Mt 14:34 avec Jn
6:17,20,24), plaine de cinq kilomètres de long sur un
kilomètre et demi de large environ, dont Josèphe nous a
dit que c'était l'une des régions les plus prospères
et les plus populeuses de Palestine. Il se trouvait probablement sur
la grand-route menant de Damas vers le sud, par ‘la contrée
voisine de la mer’ (Mt 4:15). C'était grande sagesse que
de choisir ce lieu pour commencer un grand ministère public.
Il s'y pressait une population affairée. La richesse extrême
de la magnifique plaine de Génésareth nourrissait la
masse des habitants qu'elle attirait. Josèphe (B. J., III,
10:8) donne une description enthousiaste de ce pays » -
Deems, Light of the Nations, p. 167,168.
6.
La connaissance n'assure pas le salut : « Jacques
autrefois réprimanda ses frères pour certaines
professions creuses (Jacques 2:19). Il dit en substance : Vous
tirez de l'orgueil et de la satisfaction à déclarer
votre foi en Dieu ; vous vous vantez de vous distinguer des
idolâtres et des païens parce que vous acceptez un seul
Dieu ; vous faites bien de professer cela, et de le croire ;
mais souvenez-vous que d'autres font de même : les démons
eux-mêmes croient, et, pouvons-nous ajouter, si fermement
qu'ils tremblent à la pensée du sort que cette foi rend
certaine. Ces confessions des démons que le Christ était
le Fils de Dieu étaient fondées sur la connaissance ;
cependant leur connaissance de la grande vérité ne
changeait pas leur nature mauvaise. Combien différent était
leur témoignage du Sauveur de celui de Pierre qui, à la
question du Maître : ‘Qui dites-vous que je suis ?’
répondit, utilisant pratiquement les termes employés
par les esprits impurs cités plus haut : (Tu es le
Christ, le Fils de Dieu vivant) (Mt 16:15,16, voir aussi Mc 8:29, Lc
9:20). La foi de Pierre avait déjà montré sa
force vivante. Elle l'avait poussé à abandonner
beaucoup de choses qui lui étaient chères, à
suivre le Seigneur dans les persécutions et les souffrances et
à abandonner la profanité avec toutes ses fascinations
pour la sainteté désintéressée que sa foi
rendait si désirable. Il ne savait probablement pas plus que
les esprits impurs que Dieu était le Père ou que le
Fils était le Rédempteur, mais alors que cette
connaissance n'était pour eux qu'une cause supplémentaire
de condamnation, pour lui, c'était un moyen de salut »
(Abrégé des Articles de Foi, p. 123-127).
CHAPITRE
14 : SUITE DU MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN GALILÉE
UN
LÉPREUX PURIFIÉ
Le
lendemain de ce sabbat mouvementé à Capernaüm,
notre Seigneur se leva « dès que le jour parut »
et partit en quête de solitude au-delà de la ville. Dans
un lieu solitaire il se livra à la prière, démontrant
ainsi que, bien qu'il fût le Messie, il était
profondément conscient qu'il dépendait du Père
dont il était venu accomplir l'œuvre. Simon Pierre et
d'autres disciples trouvèrent le lieu où il s'était
retiré et lui dirent que des foules impatientes le
cherchaient. Bientôt les gens s'assemblèrent autour de
lui et le supplièrent de rester avec eux ; mais « il
faut aussi que j'annonce aux autres villes la bonne nouvelle du
royaume de Dieu ; car c'est pour cela que j'ai été
envoyé » [1]. Et aux disciples il dit :
« Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que
j'y prêche aussi ; car c'est pour cela que je suis
sorti [2] ». Il partit de là, accompagné
de quelques-uns qu'il s'était déjà étroitement
associés, et exerça son ministère dans un grand
nombre de villes de Galilée, prêchant dans les
synagogues, guérissant les malades et chassant les démons.
Parmi
les affligés qui cherchaient l'aide que lui seul pouvait
donner, se présenta un lépreux [3], qui
s'agenouilla devant lui ou se prosterna le visage contre terre et
professa humblement sa foi, disant : « Si tu le veux,
tu peux me rendre pur. » La prière exprimée
par les paroles de ce pauvre homme était pathétique ;
la confiance qu'il manifesta est édifiante. La question qu'il
se posait n'était pas : Jésus peut-il me guérir ?
mais : Voudra-t-il me guérir ? Avec une miséricorde
compatissante, Jésus posa la main sur le malade, si impur
qu'il fût cérémoniellement et physiquement, car
la lèpre est une affliction répugnante, et nous savons
que chez cet homme, la maladie était à un stade avancé,
car on nous dit qu'il était « couvert de lèpre ».
Le Seigneur dit alors : « Je le veux, sois pur. »
Le lépreux fut immédiatement guéri. Jésus
lui ordonna de se montrer au sacrificateur et de faire les offrandes
prescrites par la loi de Moïse pour des cas comme le sien [4].
Dans
cette instruction nous voyons que le Christ n'était pas venu
détruire la loi, mais, comme il l'affirma à une autre
époque, pour l'accomplir [5] ; et à ce stade
de son oeuvre, l'accomplissement ne s'était pas encore tout à
fait réalisé. En outre, si les exigences légales
avaient été négligées dans une question
aussi grave que la réintégration d'un paria lépreux
dans la société de la communauté dont il avait
été exclu, l'opposition sacerdotale, qui grandissait
déjà et menaçait Jésus, en aurait été
augmentée et il aurait pu en résulter des entraves
supplémentaires à l'œuvre du Seigneur. L'homme
devait obéir aux instructions du Maître sans aucun
retard ; Jésus « le renvoya aussitôt
avec de sévères recommandations ». En outre
il ordonna explicitement à l'homme de ne parler à
personne de la manière dont il avait été guéri.
Il y avait peut-être de bonnes raisons de lui commander ainsi
de se taire, en plus de l'attitude très générale
de notre Seigneur qui était de refuser toute célébrité
indésirable ; en effet, si la nouvelle du miracle avait
précédé l'apparition de l'homme devant le
prêtre, on aurait pu dresser des obstacles pour empêcher
qu'il ne soit reconnu par les Lévites comme quelqu'un de pur.
Cependant l'homme ne put garder la bonne parole pour lui-même
mais s'en alla et « se mit à publier hautement la
nouvelle et à la colporter, de sorte que Jésus ne
pouvait plus entrer ouvertement dans une ville. Il se tenait dehors,
dans les lieux déserts, et l'on venait à lui de toutes
parts » [6].
GUÉRISON
ET PARDON D'UN PARALYTIQUE
Il
faut se souvenir qu'aucun des évangélistes n'essaie de
donner l'histoire détaillée de tous les actes de Jésus
et qu'ils ne relatent pas tous dans le même ordre les incidents
auxquels ils associent les grandes leçons de l'enseignement du
Maître. L'enchaînement réel des événements
est très incertain.
« Quelques
jours » après la guérison du lépreux,
Jésus se trouvait de nouveau à Capernaüm. Les
détails de ses préoccupations entre-temps au cours de
cet intervalle ne sont pas donnés, mais nous pouvons être
certains que son oeuvre se poursuivit, car son occupation
caractéristique était d'aller partout faisant le
bien [7]. Le lieu où il demeurait à Capernaüm
était bien connu, et la rumeur se répandit bientôt
qu'il était dans la maison [8]. Il se réunit une
si grande foule qu'il n'y avait pas de place pour la recevoir ;
même l'entrée était bondée de monde, et
les retardataires ne pouvaient s'approcher du Maître. Jésus
prêcha l'Évangile à tous ceux qui étaient
à portée de voix. Un petit groupe de quatre personnes
s'approcha de la maison, portant une civière ou un lit sur
lequel était couché un homme affligé d'une sorte
de paralysie qui privait le sujet de la capacité de se mouvoir
volontairement, et ordinairement de parler ; l'homme était
totalement désemparé. Ses amis, déçus de
se voir incapables de parvenir jusqu'à Jésus à
cause de la foule, eurent recours à un moyen peu ordinaire,
qui prouvait d'une manière indubitable leur foi que le
Seigneur pouvait réprimander et arrêter la maladie, et
leur détermination d'obtenir de ses mains la bénédiction
désirée.
Par
un moyen quelconque, ils portèrent l'homme affligé
jusqu'au toit plat de la maison, probablement par un escalier
extérieur ou en se servant d'une échelle, peut-être
en entrant dans une maison voisine, en montant l'escalier jusqu'à
son toit et en passant de là sur la maison dans laquelle Jésus
enseignait. Ils défoncèrent une partie du toit,
pratiquant une ouverture ou agrandissant celle de la trappe dont
étaient ordinairement pourvues les maisons de cet endroit et
de cette époque ; et, à la surprise de la foule
assemblée, ils descendirent alors le lit portatif sur lequel
le paralytique était couché. Jésus fut
profondément frappé de la foi et des œuvres [9]
de ceux qui avaient ainsi travaillé pour placer devant lui un
paralytique incapable de se mouvoir ; il connaissait
indubitablement aussi la foi confiante qui habitait le patient ;
et, regardant l'homme avec compassion, il dit : « Mon
enfant, tes péchés te sont pardonnés. »
Parmi
les gens qui étaient assemblés là, il y avait
des scribes, des Pharisiens et des docteurs de la loi, non seulement
des représentants de la synagogue locale mais également
des gens qui étaient venus de villes éloignées
de Galilée, et certains de Judée et même de
Jérusalem. Les notables s'étaient opposés à
notre Seigneur et à ses oeuvres précédemment, et
leur présence dans la maison à ce moment-là
annonçait de nouvelles critiques hostiles et peut-être
de l'obstruction. Ils entendirent les paroles qui furent dites au
paralytique et cela les mit en colère. Dans leur cœur,
ils accusèrent Jésus de la terrible offense qu'est le
blasphème, qui consiste essentiellement à attribuer à
un pouvoir humain ou démoniaque les prérogatives de
Dieu ou à déshonorer Dieu en lui supposant des qualités
inférieures à celles de la perfection [10]. Ces
savants incrédules, qui écrivaient et parlaient sans
cesse sur la venue du Messie et le rejetaient cependant lorsqu'il
était là, murmurèrent intérieurement,
disant : « Qui peut pardonner les péchés,
si ce n'est Dieu seul ? » Jésus connaissait
leurs pensées les plus intimes [11] et y répondit
en disant : « Pourquoi faites-vous de tels
raisonnements dans vos cœurs ? Qu'est-ce qui est plus
facile, de dire au paralytique : Tes péchés te
sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, prends ton
lit et marche ? » Et puis pour souligner et pour
mettre hors de question le fait qu'il avait l'autorité divine,
il ajouta : « Or, afin que vous sachiez que le Fils
de l'homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés :
Je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton
lit et va dans ta maison. » L'homme se leva, parfaitement
guéri et, prenant le matelas sur lequel on l'avait apporté,
sortit en leur présence. L'étonnement du peuple était
mêlé de respect, et beaucoup glorifièrent Dieu de
la puissance duquel ils étaient témoins.
Cet
incident réclame une étude plus approfondie de notre
part. Selon l'un des récits, les premières paroles du
Seigneur au patient furent : « Prends courage mon
enfant », suivies immédiatement de l'assurance
réconfortante et pleine d'autorité : « Tes
péchés te sont pardonnés » [12].
L'homme était probablement apeuré ; peut-être
savait-il que sa maladie était le résultat des péchés
auxquels il s'était livré ; néanmoins, en
dépit du fait qu'il ait pu penser à la possibilité
de n'entendre que condamner sa transgression, il eut la foi de se
faire amener. Dans la situation de cet homme, il y avait clairement
un lien étroit entre ses péchés passés et
son affliction présente ; et à ce point de vue,
son cas n'est pas unique, car nous lisons que le Christ en exhorta un
autre, qu'il guérit, à ne plus pécher de peur
que quelque chose de pire ne s'abattît sur lui [13]. Nous
n'avons cependant pas le droit de supposer que toutes les infirmités
corporelles sont le résultat du péché ; à
pareille conception s'opposent les instructions et la réprimande
que le Seigneur donna tout à la fois à ceux qui, dans
le cas de l'aveugle-né, demandaient qui avait péché,
de l'homme ou de ses parents, pour qu'une affliction aussi terrible
s'abattît sur lui. À cette question, notre Seigneur
répondit que la cécité de l'homme n'était
due ni à ses propres péchés ni à ceux de
ses parents [14].
Mais
dans beaucoup de cas, la maladie est le résultat direct des
péchés que l'intéressé a commis. Quelque
grands qu'aient pu être les péchés passés
de l'homme qui souffrait de paralysie, le Christ reconnut son
repentir ainsi que la foi qui l'accompagnait, et le Seigneur avait à
bon droit la prérogative de décider si l'homme était
digne de recevoir la rémission de ses péchés et
d'être soulagé de son affliction corporelle. La réponse
interrogative de Jésus à la critique muette des
scribes, des Pharisiens et des docteurs a été
interprétée de nombreuses manières. Il demanda
ce qui était le plus facile, de dire : « Tes
péchés te sont pardonnés », ou de
dire : « Lève-toi, prends ton lit et marche. »
N'est-il pas raisonnable de dire que, étant prononcées
avec autorité par lui, les deux expressions avaient un sens
apparenté ? L'événement aurait dû
être une démonstration suffisante pour tous ceux qui
entendaient, que lui, le Fils de l'homme, prétendait au droit
et à l'autorité de remettre les châtiments tant
physiques que spirituels, de guérir le corps de maladies
visibles et de purger l'esprit de la maladie non moins réelle
du péché, et que ce droit, il l'avait. En présence
de gens de toutes classes, Jésus affirmait ainsi ouvertement
sa divinité et confirmait celle-ci par une manifestation
miraculeuse de puissance.
L'accusation
de blasphème que les critiques rabbiniques formulèrent
dans leur esprit contre le Christ ne devait pas prendre fin comme une
conception mentale à eux, ni ne devait être rendue nulle
par les paroles ultérieures de notre Seigneur. C'est par le
parjure qu'on finit par le condamner injustement et par l'envoyer à
la mort [15]. Déjà, dans cette maison de
Capernaüm, l'ombre de la croix s'était placée en
travers du cours de sa vie.
PÉAGERS
ET GENS DE MAUVAISE VIE
Quittant
la maison, Jésus se rendit au bord de la mer, où le
peuple le suivit ; là il l'instruisit de nouveau. À
la fin de son discours il continua à avancer et vit un homme
du nom de Lévi, l'un des péagers [16] ou
collecteurs officiels d'impôts, assis au lieu des péages
où l'on devait payer l'impôt levé en vertu de la
loi romaine. Cet homme s'appelait aussi Matthieu, nom moins
typiquement juif que Lévi [17]. Il devint par la suite
l'un des Douze et l'auteur du premier des évangiles. Jésus
lui dit : « Suis-moi. » Matthieu quitta sa
place et suivit le Seigneur. Quelque temps plus tard le nouveau
disciple fit une grande fête chez lui, en l'honneur du Maître,
et à laquelle d'autres disciples assistèrent. Pour les
Juifs, le pouvoir de Rome, auquel ils étaient assujettis,
était tellement intolérable qu'ils avaient de
l'aversion pour tous les fonctionnaires employés par les
Romains. Ce qui était particulièrement humiliant pour
eux, c'était le système de l'impôt obligatoire,
selon lequel le peuple d'Israël devait payer tribut à une
nation étrangère qui, à leur avis, était
totalement païenne.
Naturellement,
les collecteurs de ces taxes étaient détestés ;
et ceux-ci, que l'on appelait péagers, éprouvaient
probablement du ressentiment pour le traitement grossier qui leur
était infligé et traduisaient ce sentiment en
appliquant exagérément les exigences de l'impôt,
et, comme les historiens l'affirment, pratiquaient souvent des
extorsions illégales sur le peuple. Si les péagers en
général étaient détestés, nous
pouvons comprendre aisément la violence du mépris que
les Juifs éprouvaient pour quelqu'un de leur propre nation qui
avait accepté d'être nommé à de pareilles
fonctions. C'est dans cette situation peu enviable que se trouvait
Matthieu lorsque Jésus l'appela. Les péagers formaient
une classe sociale distincte, car ils étaient pratiquement
exclus de la communauté en général. Tous ceux
qui avaient des rapports avec eux partageaient la haine populaire, et
il était d'usage d'appeler cette caste dégradée
« péagers, et gens de mauvaise vie ».
Beaucoup des amis de Matthieu et certains de ses collègues
furent invités à sa fête, de sorte que
l'assemblée était constituée en grande partie de
ces « péagers et gens de mauvaise vie »
méprisés. Et c'est à une telle assemblée
que Jésus se rendit avec ses disciples.
Les
scribes et les Pharisiens ne pouvaient laisser passer pareille
occasion de le critiquer et d'être sarcastiques. Ils hésitèrent
à s'adresser directement à Jésus ; mais ils
demandèrent avec dédain aux disciples : « Pourquoi
votre maître mange-t-il avec les péagers et les
pécheurs ? » Le Maître entendit et
répliqua sur un ton tranchant révélateur mêlé
d'une ironie splendide, citant l'un des aphorismes communs de
l'époque : « Ce ne sont pas les bien-portants
qui ont besoin de médecin, mais les malades. » À
cela il ajouta : « Je ne suis pas venu appeler des
justes, mais des pécheurs. » Il laissa les
Pharisiens hypercritiques tirer leurs conclusions de cette réponse,
dont certains peuvent avoir compris qu'elle signifiait que le Christ
attaquait leur hypocrisie et raillait leur prétention à
la supériorité. Contre le sarcasme voilé des
paroles du Maître, ils auraient dû percevoir la sagesse
contenue dans sa réponse et en faire leur profit. La place du
médecin n'est-elle pas parmi ceux qui sont affligés ?
Serait-il justifié s'il se tenait à l'écart des
malades et de ceux qui souffrent ? Sa profession est de
combattre la maladie, de l'empêcher lorsque c'est possible, de
la guérir lorsque c'est nécessaire, dans la pleine
mesure de ses possibilités. Si la fête chez Matthieu
comprenait réellement un certain nombre de pécheurs,
cet événement ne constituait-il pas une occasion rare
pour le Médecin des âmes d'exercer son ministère ?
Les justes n'ont pas besoin d'être appelés au repentir,
mais les pécheurs doivent-ils être laissés dans
leurs péchés, parce que ceux qui professent être
des maîtres spirituels ne veulent pas condescendre à
leur prêter une main secourable ?
L'ANCIEN
ET LE NOUVEAU
Peu
après la fête offerte par Matthieu, les Pharisiens
allaient exprimer une autre critique, et en cela ils furent secondés
par certains des disciples du Baptiste. Jean était en prison,
mais beaucoup de ceux qui avaient été attirés à
son baptême et avaient professé être ses disciples
restaient toujours attachés à ses enseignements et ne
pouvaient voir que le Personnage plus grand dont il avait témoigné
exerçait alors son ministère au milieu d'eux. Le
Baptiste avait observé scrupuleusement la loi ; son
ascétisme strict rivalisait avec la rigueur des pratiques
pharisaïques. Ses disciples bornés, maintenant sans chef,
s'unirent naturellement aux Pharisiens. Certains des disciples de
Jean vinrent trouver Jésus et l'interrogèrent
concernant son indifférence apparente à propos du
jeûne. Ils lui posèrent une question nette :
« Pourquoi nous et les Pharisiens jeûnons-nous,
tandis que tes disciples ne jeûnent pas [18] ? »
La réponse de notre Seigneur dut raviver dans l'esprit des
disciples du Baptiste maintenant emprisonné la mémoire
des paroles de leur chef bien-aimé, lorsqu'il s'était
comparé à l'ami de l'Epoux, et leur avait dit
clairement qui était le véritable Epoux [19]. « Et
Jésus leur répondit : Les amis de l'époux
peuvent-ils jeûner pendant que l'époux est avec eux ?
Aussi longtemps qu'ils ont l'époux avec eux, ils ne peuvent
jeûner. Les jours viendront où l'époux leur sera
enlevé, et alors ils jeûneront en ce jour-là » [20].
Si
ceux qui l'interrogeaient ne purent comprendre la portée
réelle de cette réponse, ils ne pouvaient s'empêcher
d'y voir l'intention du Christ d'abroger les observances purement
cérémonielles prévues par le code de lois
rabbinique et les nombreuses traditions associées à la
loi. Mais pour rendre le sujet plus clair à leur esprit
perverti, Jésus leur donna des exemples que l'on peut placer
parmi les paraboles. « Personne, dit-il, ne coud une pièce
de drap neuf à un vieil habit ; autrement le morceau neuf
emporterait le tout et la déchirure serait pire. Et personne
ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement le vin
fait rompre les outres, et le vin et les outres sont perdus ;
mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves » [21].
Notre
Seigneur proclama ainsi la nouveauté et la plénitude de
son Évangile. Ce n'était nullement un rapiéçage
du judaïsme. Il n'était pas venu réparer des
vêtements vieux et déchirés ; la toile qu'il
donnait était nouvelle, et la coudre sur l'ancienne n'aurait
fait que déchirer de nouveau le tissu complètement usé
et laisser une déchirure encore plus vilaine que précédemment.
Ou pour prendre un autre exemple, il n'était pas prudent de
confier du vin nouveau à de vieilles bouteilles. Les
bouteilles auxquelles il est fait allusion ici étaient en
réalité des outres faites de peaux d'animaux et qui se
détérioraient évidemment avec l'âge. Tout
comme le vieux cuir se fend ou se déchire sous une pression,
même légère, de même les vieilles peaux des
bouteilles éclateraient sous la pression du jus en
fermentation, et le bon vin serait perdu. L'Évangile enseigné
par le Christ était une révélation nouvelle qui
remplaçait une révélation passée et
marquait l'accomplissement de la loi ; ce n'était pas un
simple ajout ni une répétition de commandements
passés ; elle comportait une nouvelle alliance éternelle.
Les efforts pour rapiécer les vêtements du
traditionalisme juif avec la nouvelle étoffe de l'alliance ne
pouvaient avoir de plus beau résultat qu'une déchirure
de l'étoffe. Le vin nouveau de l'Évangile ne pouvait
être contenu dans les vieux récipients des libations
mosaïques usés par le temps. Le judaïsme serait
diminué et le christianisme perverti par tout mélange
incongru de ce genre [22].
PÉCHEURS
D'HOMMES
Il
est improbable que les disciples qui suivirent Jésus au cours
des premiers mois de son ministère étaient restés
constamment avec lui jusqu'à l'époque que nous
examinons maintenant. Nous voyons que certains de ceux qui furent
appelés plus tard à l'apostolat poursuivaient leur
métier de pêcheurs alors même que Jésus
enseignait activement dans leur région. Un jour que le
Seigneur se trouvait près du lac ou de la mer de Galilée,
le peuple se pressa en grand nombre autour de lui, avide d'entendre
davantage des paroles merveilleuses qu'il avait l'habitude de
prononcer [23]. Près de cet endroit se trouvaient deux
bateaux de pêche qui avaient été tirés sur
la plage ; les propriétaires en étaient tout près,
occupés à laver et à réparer leurs
filets. L'un des bateaux appartenait à Simon Pierre, qui
s'était déjà engagé dans l'œuvre du
Maître ; Jésus monta dans ce bateau, puis demanda à
Simon de s'éloigner un peu de la terre. S'asseyant, comme les
instructeurs de l'époque le faisaient lorsqu'ils prononçaient
leurs discours, le Seigneur prêcha de cette chaire flottante à
la multitude qui se trouvait sur la rive. Le sujet du discours ne
nous est pas donné.
Lorsque
le sermon fut terminé, Jésus commanda à Simon
d'avancer en pleine eau et de jeter ses filets pour pêcher.
André était probablement avec son frère, et il
se peut qu'il y ait eu d'autres aides dans le bateau. Simon répondit
à Jésus : « Maître, nous avons
travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais, sur ta
parole, je jetterai les filets. » Il fut bientôt
rempli de poissons, et la prise fut si grande que le filet commença
à rompre, et les pêcheurs affolés firent signe à
ceux qui se trouvaient dans l'autre bateau de venir à leur
rescousse. La prise remplit les deux bateaux à tel point
qu'ils paraissaient être prêts à couler. Simon
Pierre fut rempli d'étonnement de cette preuve nouvelle de la
puissance du Maître, et, tombant aux pieds de Jésus, il
s'exclama : « Seigneur, éloigne-toi de moi
parce que je suis un homme pécheur. » Jésus
lui répondit doucement par cette promesse : « Sois
sans crainte ; désormais tu seras pêcheur
d'hommes » [24]. Les occupants du deuxième
bateau étaient Zébédée et ses deux fils,
Jacques et Jean, ce dernier étant celui qui, avec André,
avait quitté le Baptiste pour suivre Jésus au
Jourdain [25]. Zébédée et ses fils étaient
les associés de Simon dans le commerce du poisson. Lorsque les
deux bateaux furent amenés à terre, les frères
Simon et André et les deux fils de Zébédée,
Jacques et Jean, quittèrent leurs bateaux et accompagnèrent
Jésus.
La
description ci-dessus est basée sur le texte de Luc ; les
récits plus courts et moins détaillés donnés
par Matthieu et Marc omettent l'incident de la pêche
miraculeuse et insistent sur l'appel des pêcheurs. Jésus
dit à Simon et à André : « Suivez-moi,
et je vous ferai pêcheurs d'hommes. » Le contraste
ainsi présenté entre leur métier précédent
et leur nouvel appel est d'une puissance frappante. Jusqu'alors ils
avaient attrapé du poisson, et le sort du poisson était
la mort ; dorénavant ils allaient attirer des hommes -
vers la vie éternelle. Pour Jacques et Jean l'appel ne fut pas
moins net, et ils quittèrent, eux aussi, tout ce qu'ils
possédaient pour suivre le Maître.
[1]
Lc 4:42-44.
[2]
Mc 1:38.
[3]
Mc 1:40-45, Mt 8:2-4, Lc 5:12-15.
[4]
Lv 14:2-10. Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 5:17.
[6]
Mc 1:45.
[7]
Ac 10:38.
[8]
Mc 2:1-12 ; cf. Mt 9:2-8, Lc 5:17-24.
[9]
Cf. Jc 2:14-18.
[10]
Note 2, fin du chapitre.
[11]
Voir un autre cas où notre Seigneur lut des pensées, Lc
7:39-50.
[12]
Mt 9:2. Note 5, fin du chapitre.
[13]
Jn 5:14. Chap. 15 du présent ouvrage.
[14]
Jn 9:1-3.
[15]
Cf. Jn 10:33 et 5:18, Mt 26:65,66.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Mt 9:9-13, Mc 2:13-17, Lc 5:27-32.
[18]
Mc 2:18-22, Mt 9:14-17, Le 5:33-39.
[19]
Chap. 12.
[20]
Mc 2:19,20.
[21]
Mc 2:21,22.
[22]
Voir La Grande apostasie, 7:5.
[23]
Lc 5:1-11 ; cf. Mt 4:18-22, Mc 1:16-20.
[24]
Note 4, fin du chapitre.
[25]
Chap. 11.
NOTES
DU CHAPITRE 14
1.
La lèpre : Dans l'usage biblique, ce nom s'applique à
plusieurs maladies ayant cependant toutes certains symptômes en
commun, tout au moins dans les premiers stades de la maladie. La
véritable lèpre est un fléau dans beaucoup de
pays orientaux d'aujourd'hui. Zénos dans le Stand. Bible
Dict., dit : « La vraie lèpre, telle que nous
la connaissons dans les temps modernes, est une affection qui se
caractérise par l'apparition de nodules dans les sourcils, les
joues, le nez et les lobes des oreilles, ainsi que dans les mains et
les pieds, où la maladie ronge les articulations, provoquant
la chute des doigts et des orteils. Si les nodules n'apparaissent
pas, ils sont remplacés par des taches blanches ou décolorées
sur la peau (lèpre masculaire). Ces deux formes sont dues à
la dégénérescence fonctionnelle des nerfs de la
peau. Hansen découvrit en 1871 le bacille qui en était
la cause. Cependant un régime alimentaire défectueux
semble constituer un état favorable à la culture du
bacille. La lèpre était l'un des rares états
anormaux du corps que la loi lévitique déclarait
impurs. On prévoyait par conséquent des formalités
compliquées pour détecter son existence et pour la
purification de ceux qui en étaient guéris. »
Deems,
Light of the Nations, p. 185, résumant la description des
stades avancés de cette terrible maladie, écrit :
« Les symptômes et les effets de cette maladie sont
horribles. Il se produit une enflure blanche ou dartre, et la couleur
des cheveux de la partie atteinte passe de sa couleur naturelle au
jaune ; puis c'est l'apparition d'une infection qui va plus
profondément que la peau, ou de la chair dénudée
apparaissant dans l'enflure. Puis elle s'étend et attaque les
parties cartilagineuses du corps. Les ongles se détachent et
tombent, les gencives sont absorbées, et les dents se gâtent
et tombent ; l'haleine est une puanteur, le nez se décompose,
les doigts, les mains, les pieds peuvent être perdus ou les
yeux rongés. La beauté humaine passe en corruption, et
le patient a le sentiment d'être mangé comme par un
démon qui le consume lentement en un long repas sans remords
qui ne prendra fin que lorsqu'il sera détruit. Il est exclu de
ses semblables. Quand ils approchent de lui, il doit crier :
« Impur ! Impur ! » pour que toute
l'humanité se détourne de lui. Il doit abandonner femme
et enfants. Il doit aller vivre avec d'autres lépreux, dans le
spectacle décourageant de misères semblables à
la sienne. Il doit demeurer dans des maisons abandonnées ou
dans les tombes. Il est, comme le dit Trench, une parabole terrible
de la mort. En vertu des lois de Moïse (Lv 13:45, Nb 6:9, Ez
24:17) il était obligé de porter sur lui, comme s'il
portait le deuil de son propre décès, les emblèmes
de la mort, les vêtements déchirés ; il
devait garder la tête nue et la lèvre couverte, comme
c'était la coutume de ceux qui étaient en communion
avec les morts. Quand les Croisés apportèrent la lèpre
de l'Orient, on revêtait habituellement le lépreux d'un
linceul, et on disait pour lui les messes des morts... À
toutes les époques cette maladie d'une horreur indescriptible
a été considérée comme incurable ;
les Juifs croyaient qu'elle était infligée directement
par Jéhovah en punition d'une perversité extraordinaire
ou d'un acte coupable odieux, et que Dieu seul pouvait la guérir.
Lorsque Naaman fut guéri, et que sa chair lui revint comme
celle d'un petit enfant, il dit : ‘Voici : je
reconnais qu'il n'y a point de Dieu sur toute la terre, si ce n'est
en Israël’ (2 R 5:14,15). »
Trench,
dans ses Notes on the Miracles, p. 165-168, souligne le fait que la
lèpre ne se communique ordinairement pas par simple contact
extérieur, et il considère que l'isolement des lépreux
requis par la loi mosaïque est une leçon de choses pour
illustrer l'impureté spirituelle. Il dit : « Je
parle de la théorie erronée que la lèpre était
contagieuse d'une personne à l'autre, et que les lépreux
étaient si soigneusement séparés de leurs
semblables de peur qu'ils ne communiquent la maladie à
d'autres, de même que les vêtements déchirés,
la lèvre couverte, le cri : « Impur, impur »
(Lv 13:45) étaient des avertissements à tous qu'on
devait se tenir à distance, de peur qu'en touchant
involontairement un lépreux ou en s'approchant trop, on soit
atteint par cette maladie. Pour ce qui est de savoir s'il existe un
danger quelconque de ce genre, pratiquement tous ceux qui ont étudié
la question de près s'accordent pour dire que la maladie ne se
communiquait pas par contact ordinaire d'une personne à une
autre. Un lépreux pouvait la transmettre à ses enfants,
ou la mère des enfants d'un lépreux pouvait la recevoir
de lui ; mais elle ne se communiquait pas par contact ordinaire
d'une personne à l'autre. Toutes les indications de l'Ancien
Testament, de même que d'autres livres juifs, confirment la
thèse selon laquelle nous avons à faire ici à
quelque chose de beaucoup plus élevé qu'une simple
règle d'hygiène. C'est ainsi que là où la
loi de Moïse n'était pas observée, on n'excluait
pas nécessairement les personnes atteintes ; Naaman, le
lépreux, commandait les armées de Syrie (2 R 5:1) ;
Guéhazi, avec sa lèpre qui ne devait jamais être
purifiée (2 R 5:27), parlait familièrement avec le roi
de l'Israël apostat (2 R 8:5)... D'ailleurs, si la maladie avait
été aussi contagieuse, comment les prêtres
lévitiques y auraient-ils jamais échappé
eux-mêmes, obligés qu'ils étaient de par leur
office même de soumettre le lépreux à une
manipulation réelle et à l'examen le plus soigneux ?...
La
lèpre n'était rien moins qu'une mort vivante, qu'une
corruption de toutes les humeurs, qu'un empoisonnement des sources
mêmes de la vie, une dissolution graduelle du corps tout
entier, de telle sorte qu'un membre après l'autre se
décomposait réellement et tombait. Aaron décrit
avec précision l'aspect que le lépreux présentait
aux yeux des spectateurs, lorsque, plaidant pour Miryam, il dit :
« Qu'elle ne soit pas comme (l'enfant) mort-né,
dont la chair est à moitié consumée quand il
sort du sein de sa mère ! » (Nb 12:12). En
outre la maladie était incurable par l'art et le savoir-faire
de l'homme ; non que le lépreux ne pût pas
recouvrer la santé, car, quoique rares, de tels cas sont
prévus par la loi lévitique... le lépreux,
portant d'une manière si terrible sur le corps les signes
extérieurs et visibles du péché de l'âme,
était traité entièrement comme un pécheur,
comme quelqu'un en qui le péché avait atteint son
paroxysme, comme quelqu'un de mort dans ses infractions et ses
péchés. Il était une parabole terrible de la
mort. Il portait sur lui les emblèmes de la mort (Lv 13:45),
les vêtements déchirés, portant le deuil pour
lui-même comme pour quelqu'un de mort, la tête nue comme
avaient l'habitude de la porter ceux qui étaient souillés
par la communion avec les morts (Nb 6:9, Ez 24:27) et la lèvre
couverte (Ez 24:17)... mais le lépreux était comme
quelqu'un de mort, et, comme tel, était exclu du camp (Lv
13:46, Nb 5:2-4) et de la ville (2 R 7:3), cette loi étant si
strictement imposée que même la sœur de Moïse
ne pouvait en être exemptée (Nb 12:14,15) et que des
rois, comme Ozias (2 Ch 26:21, 2 Rois 15:5), devaient s'y soumettre ;
cette exclusion enseignait aux hommes que ce qui se produisait
figurativement ici se produirait réellement en état de
péché mortel. »
On
trouvera dans Lv chap. 14 les cérémonies complexes
exigées pour la purification d'un lépreux guéri.
2.
Le blasphème : L'essence du péché terrible
du blasphème ne réside pas, comme beaucoup le pensent,
dans l'impiété seulement, mais comme le Dr Kelso,
Stand. Bible Dict., le résume : « Tout emploi
incorrect du nom divin (Lv 24:11), toute conversation défavorable
à la Majesté de Dieu (Mt 26:65), et les péchés
arbitraires, c'est-à-dire les transgressions préméditées
des principes fondamentaux de la théocratie (Nb 9:13, 15:30,
Ex 31:14), étaient considérés comme blasphèmes ;
le châtiment en était la mort par lapidation (Lv
24:16). » Le Smith's Bible Dict., déclare :
« Le blasphème, dans le sens technique du mot,
signifie dire du mal de Dieu, et on le trouve dans ce sens dans Ps
74:18, Es 52:5, Rm 2:24, etc. C'est sur cette accusation que notre
Seigneur et Étienne furent condamnés à mort par
les Juifs. Lorsqu'une personne entendait un blasphème, elle
posait la main sur la tête de l'offenseur pour indiquer qu'il
était seul responsable du péché et, se levant,
déchirait son vêtement, lequel ne pouvait plus jamais
être réparé » (voir Mt 26:65.)
3.
Péager : « Mot appliqué tard aux
Romains qui achetaient au gouvernement le droit de lever des impôts
dans un territoire donné. Ces acheteurs, toujours des
chevaliers (les sénateurs étaient exclus en vertu de
leur rang), devenaient des capitalistes et formaient de puissantes
compagnies d'actionnaires dont les membres recevaient un pourcentage
sur le capital investi. Les capitalistes provinciaux ne pouvaient
acheter les impôts, qui étaient vendus à Rome aux
plus offrants, lesquels, pour se dédommager, sous-louaient
leurs territoires (contre une grosse avance sur le prix payé
au gouvernement) aux péagers locaux ; ceux-ci, à
leur tour, devaient prendre un bénéfice sur l'argent
payé pour le rachat. Étant contrôleurs des biens
fonciers aussi bien que collecteurs d'impôts, ils avaient
abondamment l'occasion d'opprimer le peuple, qui les haïssait
tant pour cette raison que parce que l'impôt lui-même
était le signe de sa sujétion à des étrangers »
(J. R. Sterrett dans Stand. Bible Dict.).
4.
Pêcheurs d'hommes : « Suivez-moi, et je vous
ferai pêcheurs d'hommes », dit Jésus à
des pêcheurs qui devinrent plus tard ses apôtres (Mt
4:19). La version de Marc est presque la même (1:17), tandis
que celle de Luc (5: 10) dit : « Désormais tu
seras pêcheur d'hommes. » La version correcte est,
comme les commentateurs s'accordent pratiquement pour le dire :
« Dorénavant tu prendras des hommes vivants. »
Cette traduction souligne le contraste donné dans le texte -
celui qui existe entre la capture des poissons pour les tuer, et de
se gagner des hommes pour les sauver. Examinez, dans cet ordre
d'idées, la prédiction que le Seigneur fit par
l'intermédiaire de Jérémie (16:16), que, pour
toucher Israël dispersé il enverrait : « Une
multitude de pêcheurs, et ils les pêcheront »,
etc.
5.
« Tes péchés te sont pardonnés. » :
Le commentaire suivant d'Edersheim (Life and Times of Jesus the
Messiah, vol. 1, p. 505,506) relatif à l'incident étudié
est instructif : « Dans ce pardon des péchés,
il présenta sa personne et son autorité comme divines,
et les prouva telles par la guérison miraculeuse qui suivit
immédiatement. Si les deux avaient été
intervertis [c'est-à-dire si le Christ avait tout d'abord
guéri l'homme et lui avait dit après que ses péchés
étaient pardonnés], cela aurait évidemment
prouvé son pouvoir, mais pas sa personnalité divine, ni
le fait qu'il avait l'autorité de pardonner les péchés ;
et c'est cela, et non le fait qu'il accomplissait des miracles, qui
était l'objet de son enseignement et de sa mission, dont les
miracles n'étaient que des preuves secondaires. C'est ainsi
que le raisonnement intérieur des scribes, qui était
clair et connu de celui qui lit toutes les pensées, eut pour
résultat exactement l'opposé de ce qu'ils auraient pu
attendre. Bien injustifié était le sentiment de mépris
que nous découvrons dans leurs paroles silencieuses, que nous
les lisions comme disant ‘Pourquoi celui-ci dit-il des
blasphèmes ?’ ou, selon une transcription plus
correcte : ‘Pourquoi celui-ci parle-t-il ainsi ? Il
blasphème !’ Cependant, selon leur point de vue,
ils avaient raison, car Dieu seul peut pardonner les péchés ;
et ce pouvoir n'a jamais été donné ou délégué
à l'homme. Mais était-il simplement un homme, comme
l'était même le plus honoré des serviteurs de
Dieu ? Homme, il l'était ; mais ‘le Fils de
l'Homme’... Il semblait facile de dire : ‘Tes péchés
ont été pardonnés.’ Mais pour lui, qui
avait l'autorité de le faire sur terre, ce n'était ni
plus facile ni plus difficile de dire : ‘Lève-toi,
prends ton lit et marche.’ Cependant ce dernier prouvait
assurément le premier, et lui donnait aux yeux de tous les
hommes une réalité indubitable. Et c'est ainsi que ce
furent les pensées de ces scribes qui, appliquées au
Christ étaient ‘mauvaises’ - puisqu'ils
l'accusaient de blasphème - qui fournirent l'occasion de
donner une preuve réelle de ce qu'ils auraient accusé
et nié. L'objectif tant des miracles que de ce miracle
particulier n'aurait pu être atteint d'aucune autre manière
que par les « pensées mauvaises » de ses
scribes lorsque, mises miraculeusement en lumière, elles
exprimaient le doute le plus intime et montraient du doigt la
question la plus importante concernant le Christ. Et ce fut donc, une
fois de plus, la colère de l'homme qui fit l'éloge du
Christ. »
CHAPITRE
15 : SEIGNEUR DU SABBAT
LE
SABBAT, PARTICULIÈREMENT SACRÉ POUR ISRAËL
La
sanctification du jour du sabbat était l'un des commandements
les plus importants que le Seigneur donna à Israël, son
peuple, dès une époque très reculée de
l'histoire de cette nation. En fait le respect du jour du sabbat,
jour où l'on cessait le travail ordinaire, était une
caractéristique nationale qui distinguait les Israélites
des peuples païens, et ce, à juste titre, car la sainteté
du sabbat devint le signe de l'alliance entre le peuple élu et
son Dieu. La sainteté du sabbat avait été
préfigurée dans le récit de la création,
avant que l'homme ne fût placé sur la terre, comme le
montre le fait que Dieu se reposa après les six périodes
ou jours d'œuvre créatrice, et bénit le septième
jour et le sanctifia [1]. Au cours de l'exode d'Israël, le
septième jour fut mis à part comme jour de repos,
pendant lequel il n'était pas permis de rôtir, bouillir
ou cuire de la nourriture. On devait rassembler une ration double de
manne le sixième jour, tandis que les autres jours il était
expressément interdit de mettre de côté un
surplus de ce pain quotidien envoyé du ciel. Le Seigneur
observait la sainteté du jour sacré en ne donnant pas
de manne ce jour-là [2].
Le
commandement de célébrer le sabbat d'une manière
stricte fut précisé de manière explicite dans le
décalogue écrit de la main de Dieu au milieu de la
gloire terrible du Sinaï ; et cette injonction fut rappelée
au peuple par des proclamations fréquentes [3]. Il
n'était pas permis d'allumer de feu ce jour-là, et il
est rapporté qu'un homme fut mis à mort pour avoir
rassemblé des morceaux de bois le septième jour [4].
Sous l'administration de prophètes ultérieurs, la
sainteté du sabbat, les bénédictions promises à
ceux qui sanctifiaient le jour, et le péché de
profanation du sabbat furent réitérés en des
termes d'une force inspirée [5]. Néhémie
fit des exhortations et des réprimandes à ce sujet et
attribua l'affliction de la nation au fait qu'elle avait perdu la
faveur de Jéhovah en violant le sabbat [6]. Le Seigneur
affirma par la bouche d'Ézéchiel que l'institution du
sabbat était le signe de l'alliance entre lui et le peuple
d'Israël ; et il réprimanda sévèrement
ceux qui ne respectaient pas ce jour-là [7]. Le respect
de la sainteté du sabbat était une exigence aussi
impérieuse pour la branche séparée de la nation
israélite qui avait colonisé le continent
américain [8].
L'observance
requise était cependant l'opposé même de
l'affliction et du fardeau ; le sabbat était consacré
au repos et à un juste agrément, et devait être
un jour de fête spirituelle devant le Seigneur. Il n'avait pas
été établi comme jour d'abstinence ; on
pouvait manger, mais la maîtresse comme la servante devaient
être soulagées de la tâche de préparer la
nourriture ; ni maître ni serviteur ne devaient labourer,
bêcher ou travailler ; et le jour de repos hebdomadaire
était tout autant l'aubaine du bétail que celui de ses
propriétaires.
Outre
le sabbat hebdomadaire, le Seigneur, dans sa miséricorde,
prescrivit également une année sabbatique. Tous les
sept ans la terre devait se reposer, ce qui augmentait sa
fertilité [9]. Lorsque sept fois sept ans s'étaient
écoulés, la cinquantième année devait
être célébrée du commencement à la
fin comme une année de jubilé, au cours de laquelle le
peuple devait vivre sur l'accroissement accumulé des saisons
de prospérité précédentes et se réjouir
de cette libéralité en se relevant l'un l'autre des
hypothèques et des contrats, en accordant la remise des dettes
et un soulagement général des fardeaux - toutes choses
qui devaient être faites avec miséricorde et en
justice [10]. Les sabbats établis par le Seigneur, que ce
fussent des jours, des semaines ou des années, devaient être
des périodes de délassement, de soulagement, de
bénédiction, de générosité et
d'adoration.
Pour
ceux, nombreux, qui professent considérer que la nécessité
du travail fait partie de la malédiction causée par la
chute d'Adam, le sabbat doit être comme un jour de répit
temporaire, une période d'exemption de travail et comme
l'occasion bénie de s'approcher davantage de la Présence
dont le genre humain a été exclu par le péché.
Pour ceux qui adoptent une conception plus élevée de la
vie et trouvent dans le travail tant le bonheur que les bénédictions
matérielles, ce soulagement périodique apporte du
délassement et donne un enthousiasme renouvelé pour les
jours qui suivent.
Mais
longtemps avant l'avènement du Christ, le but originel du
sabbat avait cessé d'être connu par la majorité
d'Israël, et l'esprit de son observance avait été
étouffé sous le poids des injonctions rabbiniques et
sous le formalisme des restrictions. À l'époque du
ministère du Seigneur, les précisions techniques
prescrites comme règles annexées à la loi
étaient presque innombrables, et le fardeau ainsi imposé
au peuple était devenu quasi insupportable. Parmi les
nombreuses exigences saines de la loi mosaïque, que les
instructeurs et les gouverneurs spirituels des Juifs avaient rendues
ainsi lourdes à supporter, celle de l'observance du sabbat
avait une place particulièrement importante. La « haie »,
qu'en vertu d'une théorie que rien ne justifiait, ils
professaient placer autour de la loi [11], était
particulièrement épineuse dans les sections consacrées
au sabbat juif. Même des infractions minimes aux règles
traditionnelles étaient sévèrement punies, et on
maintenait devant les yeux du peuple la menace suprême de la
peine capitale en cas de profanation extrême [12].
GUÉRISON
D'UN INVALIDE LE JOUR DU SABBAT
Étant
donné cette situation, nous ne sommes pas surpris de voir
notre Seigneur accusé assez rapidement dans le cours de son
oeuvre publique d'enfreindre le sabbat. Un exemple qui eut beaucoup
de suites importantes est rapporté par Jean [13], dont le
récit relate un miracle très impressionnant. Jésus
était de nouveau à Jérusalem, à l'époque
de l'une des fêtes juives [14]. Il y avait, près du
marché aux brebis de la ville, une piscine appelée
Béthesda. D'après la description que nous avons, nous
pouvons conclure que c'était une piscine naturelle ; il
se peut que l'eau ait été riche en solides ou en gaz
dissous, ou des deux, ce qui en faisait ce que nous appellerions
aujourd'hui une source minérale ; car nous voyons que
l'eau avait la réputation de posséder des vertus
curatives et que beaucoup de gens affligés venaient s'y
baigner. La source était du genre périodique ; à
certains moments ses eaux s'élevaient avec un bouillonnement,
puis redescendaient au niveau normal. On connaît des sources
minérales de ce genre dans beaucoup de parties du monde.
Certains croyaient que le gonflement périodique des eaux de
Béthesda provenait d'une action surnaturelle, et on disait que
« celui qui y descendait le premier après que l'eau
avait été agitée, était guéri,
quelle qu'ait été sa maladie ». La piscine
de Béthesda était entièrement ou partiellement
fermée ; et cinq portiques avaient été
construits pour abriter ceux qui attendaient à la source le
bouillonnement intermittent de l'eau.
Un
jour de sabbat, Jésus se rendit à la piscine et y vit
beaucoup de personnes affligées qui attendaient. Parmi elles
se trouvait un homme qui était cruellement affligé
depuis trente-huit ans. Nous pouvons déduire de la manière
dont l'homme décrivit son impuissance que sa maladie était
la paralysie, ou peut-être une forme extrême de
rhumatisme ; quelle que fût son affliction, elle le
rendait à ce point impotent qu'il avait peu de chance
d'arriver à la piscine au moment critique, car d'autres moins
invalides le précédaient ; or, selon les légendes
qui couraient sur les propriétés curatives de la
source, seul le premier à entrer dans la piscine après
l'agitation de l'eau pouvait s'attendre à guérir.
Jésus
reconnut dans l'homme quelqu'un qui était digne d'être
béni et lui dit : « Veux-tu retrouver la
santé ? » La question était si simple
qu'elle pouvait presque paraître superflue. Il est évident
que l'homme voulait être guéri, et il attendait
patiemment, quoique avidement, la petite chance qu'il avait de
pouvoir arriver à l'eau au bon moment. Il y avait cependant
une intention dans les paroles du Maître comme dans toutes ses
autres paroles. L'attention de l'homme était attirée
sur lui, fixée sur lui ; la question plantée dans
le cœur du malade renouvelait son désir d'avoir la santé
et la force dont il était privé depuis le temps de sa
jeunesse. Sa réponse fut pitoyable et révéla
l'état presque désespéré de son esprit ;
il ne pensait qu'aux vertus célèbres de la piscine de
Béthesda, disant : « Seigneur, je n'ai
personne pour me jeter dans la piscine quand l'eau est agitée,
et pendant que j'y vais, un autre descend avant moi. »
Alors Jésus lui dit : « Lève-toi ;...
prends ton lit et marche. » Immédiatement la force
fut rendue à l'homme, qui, pendant près de quatre
décennies, avait été un grand invalide ; il
obéit au Maître, et, prenant le petit matelas ou grabat
sur lequel il reposait, s'en alla.
Il
n'était pas allé loin que les Juifs, c'est-à-dire
certains de la classe gouvernante, car c'est dans ce sens que
l'évangéliste Jean emploie le terme, le virent porter
son lit ; or c'était le jour de sabbat. À leurs
réprimandes péremptoires, il répliqua, dans la
gratitude et la simplicité honnête de son cœur,
que celui qui l'avait guéri lui avait dit de prendre son lit
et de marcher. L'intérêt des enquêteurs passa
immédiatement de l'homme à celui qui avait accompli le
miracle ; mais l'ancien invalide ne pouvait nommer son
Bienfaiteur, ayant perdu Jésus de vue dans la foule avant
d'avoir eu l'occasion de l'interroger ou de le remercier. L'homme qui
avait été guéri s'en alla au temple,
probablement poussé par le désir d'exprimer sa
gratitude et sa joie dans la prière. C'est là que Jésus
le trouva et lui dit : « Voici, tu as retrouvé
la santé, ne pèche plus, de peur qu'il ne t'arrive
quelque chose de pire. [15] » Cet homme s'était
probablement attiré son affliction par ses habitudes
pécheresses. Le Seigneur décida qu'il avait souffert
suffisamment dans son corps et mit fin à sa souffrance
physique en l'exhortant ensuite à ne plus pécher.
L'homme
s'en alla dire aux dirigeants quelle était la personne qui
l'avait guéri. Peut-être fit-il cela avec le désir
d'honorer et de glorifier celui qui lui avait donné sa
bénédiction ; rien ne permet de dire qu'il le fit
dans un but indigne même si, par son acte, il contribua à
augmenter la persécution de son Seigneur. Si intense était
la haine de la faction sacerdotale que les gouverneurs cherchèrent
le moyen de mettre Jésus à mort, sous le prétexte
spécieux qu'il enfreignait le sabbat. On pourrait se demander
pour quel acte ils auraient bien pu espérer le condamner, même
dans l'application la plus stricte de leurs règles. Il n'était
pas interdit de parler le jour du sabbat, et Jésus n'avait
fait que parler pour guérir. Il n'avait pas porté le
lit de l'homme et n'avait même pas essayé de faire le
plus léger travail physique. Leur propre interprétation
de la loi ne leur permettait pas de lui intenter de procès.
LA
RÉPONSE DE NOTRE SEIGNEUR AUX JUIFS ACCUSATEURS
Néanmoins,
les fonctionnaires juifs lancèrent des accusations contre
Jésus. Que l'entrevue se soit produite à l'intérieur
des murs du temple ou en pleine rue, sur la place du marché ou
dans la salle du jugement, cela n'a aucune importance. Sa réponse
à leurs accusations ne se limite pas à la question de
l'observance du sabbat ; elle représente le sermon le
plus complet des Écritures sur le sujet capital des rapports
entre le Père éternel et son Fils Jésus-Christ.
Sa
première phrase augmenta la colère déjà
intense des Juifs. À propos de l'œuvre qu'il avait
accomplie pendant le saint jour, il dit : « Mon Père
travaille jusqu'à présent. Moi aussi, je travaille. »
Ces paroles, ils les interprétèrent comme un
blasphème [16]. « À cause de cela, les
Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, non seulement
parce qu'il violait le sabbat, mais parce qu'il disait que Dieu était
son propre Père, se faisant lui-même égal à
Dieu. » À leurs protestations orales ou
inexprimées, Jésus répondit que lui, le Fils,
n'agissait pas indépendamment, et ne pouvait en fait rien
faire que ce qui était conforme à la volonté du
Père, et ce qu'il avait vu le Père faire, que le Père
aimait tellement le Fils qu'il lui montrait les oeuvres du Père.
Remarquons
que Jésus n'essaya nullement de réfuter leur
interprétation de ses paroles ; au contraire il confirma
que leurs déductions étaient correctes. Il s'associa
avec le Père en un rapport encore plus étroit et plus
exalté qu'ils ne l'avaient conçu. L'autorité que
le Père lui avait donnée ne se limitait pas à la
guérison des infirmités corporelles ; il avait
même le pouvoir de ressusciter les morts - « En
effet, comme le Père ressuscite les morts et les fait vivre,
de même aussi le Fils fait vivre qui il veut. » En
outre, le jugement des hommes lui avait été confié ;
et nul ne pouvait honorer le Père autrement qu'en honorant le
Fils. Venait ensuite cette déclaration tranchante : « En
vérité, en vérité, je vous le dis, celui
qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a
envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement,
mais il est passé de la mort à la vie. »
Le
royaume du Christ n'était pas limité par le tombeau ;
même le salut des morts dépendait entièrement de
lui ; et il proclama, aux oreilles terrifiées de ses
accusateurs abasourdis, la vérité solennelle qu'à
ce moment-là même, l'heure était proche où
les morts entendraient la voix du Fils de Dieu. Réfléchissez
à sa profonde affirmation : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, l'heure vient - et c'est
maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu ;
et ceux qui l'auront entendue vivront. » Il confondit les
Juifs pleins de rage meurtrière en déclarant qu'ils ne
pouvaient pas lui ôter la vie sans qu'il s'y soumît :
« En effet comme le Père a la vie en lui-même,
ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. »
Il prononça une autre parole tout aussi importante : « Et
il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement, parce qu'il
est le Fils de l'homme. » Lui, le Fils de l'Homme de
Sainteté exalté et glorifié et maintenant
lui-même homme mortel [17], allait être le juge des
hommes.
Il
n'est pas étonnant qu'ils aient été stupéfaits ;
jamais auparavant ils n'avaient entendu ni lu pareille doctrine ;
elle n'était ni des scribes ni des rabbis, pas plus que des
écoles pharisaïques ou sadducéennes. Mais il les
réprimanda pour leur étonnement, disant : « Ne
vous en étonnez pas ; car l'heure vient où tous
ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront
fait le bien en sortiront pour la résurrection et la vie, ceux
qui auront pratiqué le mal pour la résurrection et le
jugement. [18] »
Cette
énonciation de la résurrection, faite si clairement que
les plus illettrés pouvaient la comprendre, dut offenser les
Sadducéens qui étaient là, car ils niaient
formellement la résurrection. Le Christ affirme ici d'une
manière absolument certaine que la résurrection est
universelle ; ce ne sont pas seulement les justes, mais même
ceux qui méritent la condamnation qui doivent ressusciter de
leur tombe dans leur corps de chair et d'os [19].
Puis,
affirmant solennellement une fois de plus l'unité de la
volonté de son Père et de la sienne, le Christ parla de
la question des témoins de son œuvre. Il admit ce qui
était une doctrine reconnue de l'époque, à
savoir que le témoignage qu'un homme seul rendait de lui-même
ne suffisait pas ; mais il ajouta : « C'est un
autre qui rend témoignage de moi, et je sais que le témoignage
qu'il rend de moi est vrai. » Il cita Jean-Baptiste et
leur rappela qu'ils lui avaient envoyé une délégation
et que Jean avait répondu en rendant témoignage du
Messie ; et Jean avait été une lumière
brûlante et brillante, et beaucoup s'étaient
temporairement réjouis de son ministère. Il laissa les
Juifs voir par eux-mêmes que le témoignage de Jean était
valide selon leur interprétation la plus stricte des lois de
la preuve. « Pour moi, poursuivit-il, ce n'est pas d'un
homme que je reçois le témoignage... Moi, j'ai un
témoignage plus grand que celui de Jean ; car les œuvres
que le Père m'a donné d'accomplir, ces oeuvres mêmes
que je fais témoignent de moi que le Père m'a envoyé.
Et le Père qui m'a envoyé a lui-même rendu
témoignage de moi. »
Puis,
en des termes qui les condamnaient catégoriquement, il leur
dit qu'ils étaient privés de la parole du Père
parce qu'ils refusaient de l'accepter, lui, que le Père avait
envoyé. Sur un ton direct et humiliant, il exhorta ces savants
de la loi, ces interprètes des prophètes, ces
traducteurs professionnels des Écritures saintes à se
mettre à lire et à étudier. « Vous
sondez les Écritures, dit-il, parce que vous pensez avoir en
elles la vie éternelle : ce sont elles qui rendent
témoignage de moi. » Il ajouta sur un ton
accusateur qu'eux, qui reconnaissaient et enseignaient que c'est dans
les Écritures que se trouve le chemin de la vie éternelle,
refusaient de venir à lui de qui ces mêmes Écritures
témoignaient, alors qu'en venant ils pouvaient obtenir la vie
éternelle. « Je ne reçois pas de gloire des
hommes, ajouta-t-il, Mais je vous connais : vous n'avez pas en
vous l'amour de Dieu. » Ils savaient qu'ils recherchaient
les honneurs des hommes, recevaient les honneurs les uns des autres,
étaient nommés rabbis et docteurs, scribes et
instructeurs, par la réception de titres et de grades tous
d'hommes ; mais ils rejetaient celui qui venait au nom de
quelqu'un d'infiniment plus grand que toutes leurs écoles ou
sociétés - il venait au nom suprême du Père.
La cause de leur ignorance spirituelle fut relevée : ils
se reposaient sur les honneurs des hommes et ne recherchaient pas
l'honneur de servir réellement la cause de Dieu.
Il
avait parlé de l'autorité de juger qui lui avait été
confiée ; maintenant il expliquait qu'ils ne devaient pas
penser qu'il les accuserait devant le Père ; quelqu'un
d'inférieur à lui les accuserait, à savoir
Moïse, un autre de ses témoins en qui ils professaient
avoir tellement confiance, Moïse en qui ils disaient tous croire
et, leur jetant à la face tous les faits de sa puissante
accusation, le Seigneur poursuivit : « Car, si vous
croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, parce qu'il a écrit
à mon sujet. Mais si vous ne croyez pas à ses écrits,
comment croirez-vous à mes paroles ? » Tels
étaient les enseignements lumineux combinés à
une dénonciation ardente que ces hommes avaient provoqués
par leur tentative futile de condamner Jésus en l'accusant
d'avoir profané le sabbat. Ce n'était qu'une des
nombreuses machinations perverses par lesquelles ils complotaient
avec tant de détermination et s'efforçaient de
stigmatiser et d'invoquer le châtiment de l'infraction du
sabbat sur celui-là même qui avait ordonné le
sabbat et en était, en vérité, le seul et unique
Seigneur.
LES
DISCIPLES ACCUSÉS D'ENFREINDRE LE SABBAT
Il
peut être profitable d'examiner, à ce propos, d'autres
exemples de bonnes œuvres accomplies par notre Seigneur le jour
du sabbat ; et ceci, nous pouvons le faire sans nous préoccuper
inutilement de l'ordre chronologique des événements.
Nous retrouvons Jésus en Galilée, que ce soit avant ou
après sa visite à Jérusalem à l'époque
de la fête inconnue, occasion au cours de laquelle il accomplit
le miracle de la guérison à la piscine de Béthesda,
cela n'a aucune importance. Un certain jour de sabbat, ses disciples
et lui traversaient un champ de blé [20], et, ayant faim,
les disciples se mirent à cueillir quelques-uns des épis
mûrissants ; frottant les grains entre leurs mains, ils
mangèrent. Il n'y avait pas de vol dans ce qu'ils faisaient,
car la loi mosaïque prévoyait qu'en traversant la vigne
ou le champ de blé d'un autre on pouvait cueillir des raisins
ou du blé pour soulager sa faim ; mais il était
interdit d'utiliser une faucille dans le champ, ou d'emporter des
raisins dans un récipient [21]. La permission ne valait
que pour soulager le besoin du moment. Lorsque les disciples de Jésus
profitèrent de cet avantage légal, des Pharisiens
observaient la scène, et ceux-ci s'approchèrent
immédiatement du Maître et dirent : « Voici
que tes disciples font ce qu'il n'est pas permis de faire pendant le
sabbat. » Les accusateurs pensaient sans aucun doute au
dogme rabbinique qui voulait que frotter un épi de blé
entre les mains était une espèce de battage, que
souffler la balle était du vannage, et qu'il était
illégal de battre ou de vanner le jour du sabbat. En fait
certains rabbis savants avaient considéré que c'était
un péché de marcher sur l'herbe pendant le sabbat,
étant donné que l'herbe pouvait être en semence,
et que piétiner la semence reviendrait à battre le
grain.
Jésus
défendit les disciples en citant un précédent
applicable à ce cas, et beaucoup plus important. Cet exemple
était celui de David, qui avec une petite compagnie d'hommes
avait demandé du pain au sacrificateur Ahimélek, car
ils avaient faim et étaient pressés. Le sacrificateur
n'avait que du pain consacré, les pains de proposition qui
étaient placés périodiquement dans le
sanctuaire, et que nul autre que les sacrificateurs n'avait la
permission de manger. Étant donné l'état de
besoin urgent, le sacrificateur avait donné le pain de
proposition aux hommes affamés [22]. Jésus rappela
également aux Pharisiens critiques que les sacrificateurs du
temple travaillaient régulièrement beaucoup le jour du
sabbat lorsqu'ils immolaient les victimes sacrificatoires, et en
général dans le service de l'autel, et étaient
pourtant tenus pour innocents à cause des exigences
supérieures du culte qui rendaient ce genre de travail
nécessaire ; et il ajouta avec une insistance
solennelle : « Or, je vous le dis, il y a ici plus
grand que le temple. » Il cita la parole de Dieu exprimée
par Osée : « Je veux la miséricorde et
non le sacrifice » [23] et les réprimanda à
la fois pour leur ignorance et pour leur zèle pervers en leur
disant que s'ils avaient su ce que cette Écriture voulait
dire, ils n'auraient pas condamné des innocents. Que l'on s'en
souvienne, « le sabbat a été fait pour
l'homme, et non l'homme pour le sabbat » [24].
Sa
réprimande fut suivie de l'affirmation de sa suprématie
personnelle : « Car le Fils de l'homme est maître
du sabbat. » Que pouvons-nous déduire de cette
déclaration si ce n'est que lui, Jésus, qui était
présent, là dans la chair, était l'être
par l'intermédiaire duquel le sabbat avait été
ordonné, que c'était lui qui avait donné et
écrit sur la pierre le décalogue, y compris
« Souviens-toi du jour du sabbat, pour le sanctifier »,
et, « le septième jour est le sabbat de l'Éternel,
ton Dieu » ?
UN
COMPLOT PHARISIEN
De
nouveau, un jour de sabbat, Jésus entra dans une synagogue et
vit dans l'assemblée un homme dont la main droite était
sèche [25]. Des Pharisiens étaient là, et
ils regardèrent pour voir si Jésus guérirait
l'homme, leur but étant de l'accuser, s'il le faisait. Les
Pharisiens demandèrent : « Est-il permis de
faire une guérison les jours de sabbat ? »
Notre Seigneur rétorqua à leur dessein si mal voilé
en demandant : « Est-il permis, le jour du sabbat, de
faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la
tuer ? » Ils se turent, car c'était une
question à double tranchant. Répliquer par
l'affirmative, ç'aurait été justifier les
guérisons ; répondre par la négative
ç'aurait été se rendre ridicules. Il posa une
autre question : « Lequel d'entre vous, s'il n'a
qu'une brebis et qu'elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne
la saisira pour l'en retirer ? Combien un homme ne vaut-il pas
plus qu'une brebis ! »
Comme
les Pharisiens ne pouvaient ou ne voulaient pas répondre, il
résuma toute la question de la manière suivante :
« Il est donc permis de faire du bien les jours de
sabbat. » Il demanda à l'homme à la main
sèche de se tenir devant l'assemblée. La douleur et la
colère se mêlaient dans son regard pénétrant
qui balayait la foule ; mais, se tournant avec compassion vers
l'affligé, il lui commanda d'étendre la main ;
l'homme obéit, et voici que la main « redevint
saine comme l'autre ».
Les
Pharisiens déconfits étaient furieux ; « remplis
de fureur », dit Luc ; et ils s'en allèrent
comploter de nouveau contre le Seigneur. Leur haine était
tellement violente qu'ils s'allièrent aux Hérodiens,
parti politique généralement impopulaire chez les
Juifs [26]. Les gouverneurs du peuple étaient prêts
à se lancer dans n'importe quelle intrigue ou n'importe quelle
alliance pour parvenir à leurs fins, dont ils ne se cachaient
d'ailleurs pas, à savoir de faire mettre le Seigneur Jésus
à mort. Conscient des desseins pervers qui se tramaient contre
lui, Jésus se retira de la localité. Nous examinerons
plus loin [27] d'autres accusations de violation du sabbat que
formulèrent des casuistes juifs contre le Christ.
[1]
Gn 2:3.
[2]
Ex 16:16-31.
[3]
Ex 20:8-11, 23:12, 31:13-15, 34:21 ; Lv 19:3, 23:3 ; Dt
5:12-14.
[4]
Ex 35:3, Nb 15:32-36.
[5]
Es 56:2, 58:13 ; Jr 17:21-24.
[6]
Né 8:9-12,13:15-22.
[7]
Ez 20:12-24.
[8]
LM, Jarom 1:5 ; Mosiah 13:16-19,18:23.
[9]
Lv 25:1-8 ; cf. 26:34, 35.
[10]
Lv 25:10-55.
[11]
Chap. 6.
[12]
Note 1, fin du chapitre.
[13]
Jn, chapitre 5.
[14]
Note 2, fin du chapitre.
[15]
Voir un autre cas, chap. 14 du présent ouvrage.
[16]
Chap. 14 et note 2. On trouvera une autre justification de cet acte
de guérison le jour du sabbat dans Jean 7:21-24.
[17]
Chap. 11.
[18]
Cf. D&A 76:16,17. Voir chap. 3 du présent ouvrage.
[19]
Chap. 3.
[20]
Mt 12:1-8 ; cf. Mc 2:23-28 ; Lc 6:1-5.
[21]
Dt 23:24,25.
[22]
Note 3, fin du chapitre.
[23]
Os 6:6 ; cf. Mi 6:6-9.
[24]
Mc 2:27. Note 4, fin du chapitre.
[25]
Mt 12:10-13 ; Mc 3:1-6 ; Lc 6:6-8.
[26]
Chap. 6.
[27]
Exemples : Lc 13:14-16, 14:3-6 ; Jn 9:14-16.
NOTES
DU CHAPITRE 15
1.
Législations rabbiniques concernant l'observance du sabbat :
« Aucun trait du système juif n'était aussi
marqué que son extraordinaire sévérité
dans l'observance extérieure du sabbat, lequel devait être
un jour de repos total. Les scribes avaient élaboré, à
partir du commandement de Moïse, toute une foule de prohibitions
et d'injonctions, couvrant l'ensemble de la vie sociale, individuelle
et publique, et la portaient à l'extrême du ridicule et
de la caricature. Des règles sans fin étaient
prescrites quant au genre de nœuds que l'on pouvait légalement
faire le jour du sabbat. Le nœud du chamelier et du marin
étaient illégaux, et il était tout aussi illégal
de les défaire que de les faire. Un nœud que l'on
pouvait faire d'une main pouvait être défait. On pouvait
attacher un soulier ou une sandale, une coupe de femme, une outre à
vin ou à huile, un pot à viande. Lorsqu'on était
à une source, on pouvait attacher une cruche à
l'écharpe que l'on portait, mais non à une corde...
Allumer ou éteindre un feu le jour du sabbat constituait une
grande profanation du jour, et il n'était même pas
permis à la maladie d'enfreindre les règlements
rabbiniques. Il était interdit de donner un émétique
le jour du sabbat - de placer des attelles à un os cassé
ou de remettre en place une jointure disloquée, quoique
certains rabbis plus libéraux affirmassent que tout ce qui
mettait la vie en danger annulait la loi du sabbat. » Car
les commandements n'étaient donnés à Israël
que pour qu'il puisse les vivre. Si quelqu'un était enseveli
sous des ruines le jour du sabbat, on pouvait faire des fouilles pour
aller le retrouver et l'en sortir, s'il était vivant, mais,
s'il était mort, on devait le laisser où il était
jusqu'à ce que le sabbat fût terminé »
(Giekie, Life and Words of Christ, chap. 38).
2.
La fête dont le nom n'est pas donné : On a beaucoup
discuté pour savoir de quelle fête il s'agissait dans
Jean 5:1, à l'époque de laquelle Jésus guérit
le paralytique à la piscine de Béthesda. Beaucoup
d'auteurs affirment que c'était la Pâque, d'autres que
c'était la fête de Pourim ou quelqu'autre célébration
juive. Le seul semblant d'importance qui pourrait s'attacher à
la question, c'est la possibilité d'apprendre grâce à
ce fait, si on pouvait prouver celui-ci, quelque chose sur l'ordre
chronologique des événements à cette période
de la vie de notre Seigneur. On ne nous dit pas de quelle fête
il s'agit, pas plus que l'année ni l'époque de l'année
où elle se produisit. La valeur du miracle qui fut accompli à
cette occasion et du discours sur la doctrine qui fut prononcé
à la suite de cela, ne dépend en aucune façon de
la date à laquelle ils se situent.
3.
Les pains de proposition : Le nom signifie « pains de
la présence », signifiant qu'on les plaçait
en la présence de Jéhovah. Le pain ainsi sanctifié
consistait en douze pains faits sans levain. Ils devaient être
posés dans le Saint en deux colonnes de six pains chacune.
Zenos, dans le Stand. Bible Dict. écrit : « On
les y laissait une semaine entière, à la fin de
laquelle le prêtre les retirait et les mangeait sur un sol
saint, c'est-à-dire dans l'enceinte du sanctuaire. Le fait
pour d'autres personnes que des prêtres de manger du pain de
proposition était considéré comme sacrilège,
car il était « saint » (voir Ex 25:30,
Lv 24:5-9, 1 S 21:1-6).
4.
Le sabbat fut fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat :
Edersheim (vol. 1, p. 57,58) dit : « Lorsque, au
cours de sa fuite devant Saül, David, ‘lorsqu'il eut
faim’, mangea du pain de proposition et en donna à ceux
qui l'accompagnaient, bien que, selon la lettre de la loi lévitique,
seuls les prêtres pouvaient en manger, la tradition juive
défendit son comportement en prétendant que ‘lorsque
la vie est en danger, la loi du sabbat est suspendue’, et, par
conséquent, toutes les lois qui s'y rapportent... En vérité,
la raison pour laquelle David était exempt de tout reproche
lorsqu'il mangea le pain de proposition était la même
que celle qui rendait légal le travail des prêtres le
jour du sabbat. La loi du sabbat n'était pas une loi qui
imposait simplement le repos, mais le repos en vue du culte. L'objet
que l'on avait en vue était le service du Seigneur. Les
prêtres travaillaient le sabbat, parce que ce service était
l'objet du sabbat ; et David eut la permission de manger du pain
de proposition, non pas ‘uniquement’ parce qu'il courait
le danger de mourir de faim, mais parce qu'il argua qu'il était
au service du Seigneur et avait besoin de cette nourriture. Les
disciples, tandis qu'ils suivaient le Seigneur, étaient de
même à son service ; le servir, c'était plus
que servir au temple, car il était plus grand que le temple.
Si les Pharisiens avaient cru cela, ils n'auraient pas mis leur
conduite en doute et n'auraient pas, ce faisant, enfreint cette loi
supérieure qui commande la miséricorde, non pas le
sacrifice. »
CHAPITRE
16 : LE CHOIX DES DOUZE
LEUR
APPEL ET LEUR ORDINATION [1]
La
nuit précédant le matin où les douze apôtres
furent appelés et ordonnés, le Seigneur la passa dans
une retraite solitaire ; il « passa toute la nuit
dans la prière à Dieu » [2]. Puis, le
jour venu, et tandis que beaucoup de gens s'assemblaient pour en
apprendre davantage sur le nouvel et magnifique Évangile du
royaume, il demanda à certaines personnes qui, jusqu'alors,
l'avaient accompagné avec dévouement comme disciples,
de s'approcher, et, parmi eux, il en choisit douze qu'il ordonna et
nomma apôtres [3]. Avant cette époque, aucun
n'avait reçu d'autorité ou de charge qui le distinguait
des autres ; ils avaient été comptés avec
les disciples en général, bien que, comme nous l'avons
vu, sept d'entre eux eussent reçu un appel préliminaire
et y eussent promptement répondu en abandonnant entièrement
ou partiellement leurs affaires pour suivre le Maître.
C'étaient André, Jean, Simon, Pierre, Philippe,
Nathanaël, Jacques et Lévi Matthieu. Mais avant ce jour
important, aucun des Douze n'avait été ordonné
ou mis à part pour son office sacré.
Les
trois évangélistes qui rapportent l'organisation des
Douze placent Simon Pierre en tête et Judas Iscariot en dernier
dans la catégorie ; ils s'accordent également sur
la place relative de certains d'entre eux mais non de tous les
autres. En suivant l'ordre donné par Marc, et ceci est
peut-être le plus pratique puisque les trois premiers qu'il
nomme sont ceux qui devinrent plus tard les plus importants, nous
avons la liste suivante : Simon Pierre, Jacques (fils de
Zébédée), Jean (frère du dernier cité),
André (frère de Simon Pierre), Philippe, Barthélemy
(ou Nathanaël), Matthieu, Thomas, Jacques (fils d'Alphée),
Jude (également appelé Lebbée ou Thaddée),
Simon (qui se distingue par son surnom de Zélote, appelé
aussi le Cananite) et Judas Iscariot.
ÉTUDE
SÉPARÉE DES DOUZE
Simon,
le premier apôtre cité, est connu plus communément
sous le nom de Pierre - le nom que lui donna le Seigneur lors de leur
première rencontre, et qu'il confirma plus tard [4]. Il
était fils de Jona, ou Jonas, et était pêcheur de
métier. Son frère André et lui étaient
associés avec Jacques et Jean, fils de Zébédée ;
et selon toute apparence, leur affaire de pêche était
prospère, car ils possédaient leurs bateaux et
employaient d'autres hommes [5]. Pierre habita d'abord dans la
petite ville de pêche de Bethsaïda [6], sur la rive
occidentale du lac de Galilée ; mais vers l'époque
où il rencontra Jésus pour la première fois, ou
peu après, il alla s'installer avec d'autres membres de sa
famille à Capernaüm, où il semble être
devenu propriétaire indépendant [7]. Simon Pierre
était marié avant son appel au ministère.
Matériellement parlant, il était aisé ; et
lorsqu'il dit un jour qu'il avait tout quitté pour suivre
Jésus, le Seigneur ne nia pas que le sacrifice que Pierre
avait fait de ses biens matériels fût aussi grand qu'il
l'avait laissé entendre. Rien ne permet de penser qu'il était
illettré ou ignorant. Jean et lui, il est vrai, furent appelés
« des hommes du peuple sans instruction » [8]
par le conseil des dirigeants, mais quand ils disaient cela, ils
voulaient dire par là qu'ils n'avaient pas été
formés dans les écoles des rabbis ; et il convient
de remarquer que les membres de ce même conseil furent étonnés
de la sagesse et de l'autorité manifestées par les
douze apôtres qu'ils professaient mépriser.
Par
tempérament, Pierre était impulsif et sévère
et, jusqu'à ce qu'il eût été formé
par de dures expériences, manquait de fermeté. Il avait
beaucoup de faiblesses humaines, et cependant en dépit d'elles
toutes, il surmonta finalement les tentations de Satan et les
faiblesses de la chair et servit son Seigneur comme chef désigné
et reconnu des Douze. Les Écritures ne parlent pas du moment
ni du lieu de sa mort ; mais la manière dont il mourrait
fut préfigurée par le Seigneur ressuscité [9]
et fut prévue en partie par Pierre lui-même [10].
La tradition, qui trouve son origine dans les écrits des
premiers historiens chrétiens autres que les apôtres,
déclare que Pierre trouva la mort par crucifixion comme martyr
au cours de la persécution qui se produisit sous le règne
de Néron, probablement entre 64 et 68 après J.-C.
Origène déclare que l'apôtre fut crucifié
la tête en bas. Pierre, avec Jacques et Jean, ses compagnons
dans la présidence des Douze, apparut, ressuscité, à
notre époque, lorsqu'il rétablit sur la terre la
Prêtrise de Melchisédek, y compris le saint apostolat,
qui avaient été enlevés à cause de
l'apostasie et de l'incrédulité des hommes [11].
Jacques
et Jean, frères de naissance, associés dans les
affaires comme pêcheurs, frères dans le ministère,
furent partenaires avec Pierre dans l'appel apostolique. Le Seigneur
conféra à tous deux un titre commun - Boanergès
ou fils du tonnerre [12] - pensant peut-être au zèle
qu'ils montrèrent à son service, lequel dut en effet
être freiné à certains moments, comme lorsqu'ils
auraient voulu appeler le feu du ciel pour détruire les
villageois samaritains qui avaient refusé leur hospitalité
au Maître [13]. Leur mère et eux aspiraient aux
honneurs les plus hauts du Royaume, et ils demandèrent à
recevoir tous deux une place, l'un à la droite et l'autre à
la gauche du Christ dans sa gloire. Cette ambition fut doucement
réprimandée par le Seigneur, et cette demande offensa
les autres apôtres [14]. Avec Pierre, ces deux frères
furent témoins de beaucoup des événements les
plus importants de la vie de Jésus ; c'est ainsi qu'ils
furent tous les trois les seuls apôtres admis à être
témoins de la résurrection de la fille de Jairus [15] ;
ils furent les seuls membres des Douze qui assistèrent à
la transfiguration du Christ [16] ; ils étaient les
plus proches du Seigneur pendant son agonie mortelle à
Gethsémané [17] ; et, comme nous l'avons déjà
dit, ils participèrent dans nos temps modernes au
rétablissement du saint apostolat avec toute son ancienne
autorité et son pouvoir de bénir [18]. Jacques est
désigné communément dans la littérature
théologique comme Jacques 1er, pour le distinguer de l'autre
apôtre qui porte le même nom. Jacques, le fils de
Zébédée, était le premier des apôtres
qui trouva la mort violente du martyr ; il fut décapité
sur ordre du roi Hérode Agrippas [19]. Jean avait été
disciple du Baptiste et avait prouvé sa confiance dans le
témoignage que ce dernier rendit de Jésus en se
détournant promptement du précurseur pour suivre le
Seigneur [20]. Il devint un serviteur dévoué et se
qualifia à plusieurs reprises le disciple « que
Jésus aimait » [21]. À la dernière
Cène, Jean était assis à côté de
Jésus, reposant la tête sur la poitrine du Maître [22] ;
et le lendemain, tandis qu'il se tenait en dessous de la croix, il
reçut du Christ mourant la mission de prendre soin de la mère
du Seigneur [23] ; et il répondit promptement à
cette invitation en emmenant Marie en larmes chez lui. Il fut le
premier à reconnaître le Seigneur ressuscité sur
les rives de Galilée, et les lèvres immortelles
encouragèrent son espoir que sa vie se poursuivrait afin qu'il
pût servir parmi les hommes jusqu'à ce que le Christ
vienne dans sa gloire [24]. La révélation à
l'époque moderne a attesté que cet espoir fut
réalisé [25].
André,
fils de Jona et frère de Simon Pierre, est mentionné
moins fréquemment que les trois apôtres déjà
examinés. Il avait été l'un des disciples du
Baptiste, et, avec Jean, le fils de Zébédée, il
quitta le Baptiste pour s'instruire auprès de Jésus ;
et ayant appris, il partit à la recherche de Pierre, lui
affirma solennellement que le Messie avait été trouvé
et amena son frère aux pieds du Sauveur [26]. Il partagea
avec Pierre l'honneur d'être appelé par le Seigneur au
bord de la mer et la promesse « je vous ferai pêcheurs
d'hommes » [27]. Nous lisons qu'à une occasion
André était présent avec Pierre, Jacques et Jean
dans un entretien privé avec le Seigneur [28] ; et
il est cité lors de la première multiplication des
pains [29] et avec Philippe lorsqu'une entrevue fut arrangée
entre certains Grecs questionneurs et Jésus [30]. Il est
cité avec d'autres au moment de l'ascension de notre
Seigneur [31]. La tradition est pleine d'histoires au sujet de
cet homme, mais nous n'avons aucun document authentique sur l'étendue
de son ministère, la durée de sa vie ni les
circonstances de sa mort.
Philippe
a peut-être été le premier à recevoir
l'appel péremptoire « Suis-moi » des
lèvres de Jésus, et nous le voyons témoigner
immédiatement que Jésus était le Messie tant
attendu. Il habitait Bethsaïda, la ville de Pierre, d'André,
de Jacques et de Jean. On dit que Jésus le trouva [32]
tandis que les autres premiers disciples semblent être venus
séparément, d'eux-mêmes, au Christ. Il est
mentionné brièvement lors de la première
multiplication des pains, moment où Jésus lui demanda :
« Où achèterons-nous des pains pour que ces
gens aient à manger ? » Cela fut fait pour le
mettre à l'épreuve, car Jésus savait ce que l'on
ferait. Philippe basa sa réponse sur le peu d'argent dont ils
disposaient et montra qu'il ne s'attendait nullement à une
intervention miraculeuse [33]. C'est à lui que les Grecs
s'adressèrent lorsqu'ils cherchèrent à
rencontrer Jésus comme nous l'avons remarqué en parlant
d'André. Il fut réprimandé avec douceur pour son
manque de compréhension lorsqu'il demanda à Jésus
de leur montrer le Père, à lui et aux autres :
« il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as
pas connu, Philippe [34] ! » Les Écritures
parlent au passage de sa présence parmi les Onze après
la résurrection, mais, à part cela, elles ne disent
rien d'autres à son sujet.
Barthélemy
n'est appelé de ce nom dans les Écritures que lors de
son ordination à l'apostolat, et comme l'un des Onze après
l'ascension. Le nom veut dire fils de Tolmai. Il est cependant à
peu près certain qu'il est l'homme qui est appelé
Nathanaël dans l'évangile de Jean, celui que le Christ
appela « un Israélite dans lequel il n'y a point de
fraude » [35]. Il est de nouveau cité parmi
ceux qui allèrent pêcher avec Pierre après la
résurrection du Christ [36]. Il demeurait à Cana
en Galilée. Les raisons pour lesquelles on pense que
Barthélemy et Nathanaël étaient la même
personne sont les suivantes : Barthélemy est cité
comme apôtre dans chacun des trois évangiles
synoptiques, et Nathanaël n'est pas cité. Nathanaël
est deux fois dans l'évangile de Jean, et Barthélemy ne
l'est pas du tout ; Barthélemy et Philippe, ou Nathanaël
et Philippe, sont cités ensemble.
Matthieu
ou Lévi, fils d'Alphée, était l'un des sept qui
reçurent un appel à suivre le Christ avant l'ordination
des Douze. C'est lui qui donna une fête qui valut à
Jésus et aux disciples d'être violemment critiqués
par les Pharisiens pour y avoir assisté [37], ceux-ci
trouvant qu'il n'était pas convenable qu'il mangeât avec
des péagers et des gens de mauvaise vie. Matthieu était
péager ; c'est ainsi qu'il se désigne dans
l'évangile qu'il écrivit [38] ; mais les
autres évangélistes n'en parlent pas lorsqu'ils le
comptent parmi les Douze. Son nom hébreu, Lévi, est
considéré par beaucoup comme une indication de son
lignage sacerdotal. Nous n'avons aucun récit détaillé
de son ministère ; bien qu'il soit l'auteur du premier
évangile, il s'abstient de se mentionner en dehors de
l'occasion où il fut appelé et ordonné. Des
écrivains autres que scripturaires disent qu'il fut l'un des
apôtres les plus actifs après la mort du Christ et qu'il
œuvra dans des pays éloignés de Palestine.
Thomas,
également appelé Didyme, équivalent grec de son
nom hébreu, qui veut dire « un jumeau »,
est mentionné comme témoin de la résurrection de
Lazare. Son dévouement à Jésus se révèle
dans son désir d'accompagner le Seigneur à Béthanie,
bien qu'il fût presque certain d'être persécuté
dans cette région. Thomas dit aux autres apôtres :
« Allons, nous aussi, afin de mourir avec lui » [39].
Même à une période aussi avancée de son
expérience que la nuit précédant la crucifixion,
Thomas n'avait pu comprendre la nécessité imminente du
sacrifice du Sauveur ; et lorsque Jésus parla de s'en
aller et de laisser les autres suivre, Thomas demanda comment ils
connaîtraient le chemin. Il fut réprimandé de son
manque de compréhension. Il était absent lorsque le
Christ ressuscité apparut aux disciples assemblés le
soir du jour de sa résurrection ; et lorsqu'il fut
informé par les autres qu'ils avaient vu le Seigneur, il
exprima ses doutes avec force et déclara qu'il ne croirait que
s'il pouvait voir et sentir par lui-même les blessures du corps
crucifié. Huit jours plus tard, le Seigneur rendit de nouveau
visite aux apôtres alors que, comme lors de la première
occasion, ils étaient enfermés ; et le Seigneur
dit à Thomas : « Avance ici ton doigt, regarde
mes mains, avance aussi ta main et mets-la dans mon côté. »
Alors Thomas, ne doutant plus, mais l'âme remplie d'amour et de
respect, s'exclama : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Le Seigneur lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu as
cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru [40] ! »
Aucun autre passage du Nouveau Testament ne parle de Thomas, si ce
n'est de sa présence avec ses compagnons après
l'ascension.
Jacques,
fils d'Alphée, n'est mentionné dans les évangiles
que lors de son ordination à l'apostolat ; et une seule
fois encore par le Nouveau Testament sous le nom « fils
d'Alphée » [41]. Dans les récits autres
que scripturaires, on l'appelle parfois Jacques II pour éviter
de le confondre avec Jacques, le fils de Zébédée.
Il est reconnu que l'on ne sait pas si Jacques, le fils d'Alphée,
est le Jacques ou l'un des Jacques dont on parle dans les Actes et
dans les épîtres [42]. Et il existe un grand nombre
de textes de controverse à ce sujet [43].
Jude
est appelé Lebbée Thaddée par Matthieu, Thaddée
par Marc et Jude, fils de Jacques par Luc. La seule autre allusion
directe à cet apôtre est faite par Jean et se situe au
moment du dernier long entretien entre Jésus et les apôtres,
quand ce Jude, « non pas l'Iscariot », demanda
comment ou pourquoi Jésus se manifesterait aux serviteurs
qu'il avait choisis et non au monde en général. La
question de cet homme montre qu'il ne comprenait pas pleinement le
caractère vraiment distinctif de l'apostolat.
Simon
le zélote, ainsi nommé dans les Actes [44], et
nommé Simon appelé le zélote dans l'évangile
de Luc, est qualifié tant par Matthieu que par Marc de
cananite. La dernière désignation n'avait rien à
voir avec la ville de Cana ni avec le pays de Canaan, elle n'a aucune
signification géographique ; c'est l'équivalent
syro-chaldéen du mot grec que l'on rend dans le texte français
par « zélote ». C'est pourquoi les deux
mots ont le même sens fondamental et se rapportent chacun aux
zélotes, confession ou faction juive connue pour son zèle
à entretenir le rituel mosaïque. Il ne fait aucun doute
que Simon avait appris la modération et la tolérance
des enseignements du Christ ; sinon il n'aurait guère
convenu au ministère apostolique. Convenablement dirigée,
son ardeur zélée peut s'être transformée
en un trait de caractère très utile. Cet apôtre
n'est cité nulle part dans les Écritures séparément
de ses compagnons.
Judas
Iscariot est le seul judéen cité parmi les Douze ;
tous les autres étaient Galiléens. On croit
généralement qu'il avait habité Kérioth,
petite ville dans le sud de la Judée, mais à quelques
kilomètres à l'ouest de la mer Morte, bien que nous
n'ayons aucune autorité directe pour cette tradition, pas plus
que pour la signification de son surnom. De même, nous ne
savons rien de sa lignée, si ce n'est que le nom de son père
était Simon [45]. Il fut trésorier ou agent du
groupe apostolique, recevant et déboursant les offrandes qui
étaient faites par des disciples et des amis, et achetant ce
dont on avait besoin [46]. Jean atteste qu'il s'acquittait de
cette fonction sans scrupules et avec malhonnêteté. Sa
nature cupide et plaintive se révéla lorsqu'il murmura
contre ce qu'il appelait le gaspillage d'un parfum coûteux,
quand Marie oignit le Seigneur, quelques jours seulement avant la
crucifixion ; il suggéra hypocritement que le précieux
parfum aurait pu être vendu et le bénéfice donné
aux pauvres [47]. Le pire acte de perfidie de la carrière
d'Iscariot fut qu'il trahit délibérément son
Maître et le livra à la mort ; et cela, cette
créature infâme le fit pour de l'argent et accomplit le
méfait avec un baiser. Il mit fin à sa vie coupable par
un suicide révoltant, et son esprit s'en alla au destin
terrible réservé aux fils de perdition [48].
CARACTÉRISTIQUES
GÉNÉRALES DES DOUZE
L'examen
des caractéristiques et des qualités de ce groupe de
douze hommes révèle quelques faits intéressants.
Avant d'être choisis comme apôtres, ils étaient
tous devenus disciples intimes du Seigneur ; ils croyaient en
lui ; plusieurs d'entre eux, et peut-être tous, avaient
confessé ouvertement qu'il était le Fils de Dieu, et
cependant il est douteux qu'aucun d'eux ait compris pleinement le
sens réel de l'œuvre du Sauveur. À en juger par
les remarques ultérieures que beaucoup d'entre eux firent et
les instructions et les réprimandes qu'ils s'attirèrent
de la part du Maître, il est évident que l'attente
commune chez les Juifs d'un Messie qui régnerait en splendeur
comme roi terrestre après avoir soumis toutes les autres
nations, avait une place même dans le cœur de ces élus.
Après une longue expérience, le souci de Pierre était
encore : « Voici que nous avons tout quitté et
que nous t'avons suivi, qu'en sera-t-il pour nous [49] ? »
Ils étaient comme des enfants qui devaient être formés
et instruits ; mais ils étaient pour la plupart des
élèves dociles, à l'âme réceptive
et remplie du désir sincère de servir. Pour Jésus,
ils étaient ses petits, ses enfants, ses serviteurs et ses
amis, selon leurs mérites [50]. Ils étaient tous
du commun, ce n'étaient ni des rabbis, ni des savants, ni des
fonctionnaires sacerdotaux. C'est de leur nature intime et non de
leurs réalisations extérieures que le Seigneur tint
compte avant tout dans son choix. Le Maître les choisit ;
ils ne se choisirent pas eux-mêmes ; c'est par lui qu'ils
furent ordonnés [51], et en conséquence ils
pouvaient s'en remettre d'autant plus implicitement à sa
direction et à son soutien. Beaucoup leur fut donné,
beaucoup fut requis d'eux. À une noire exception près,
ils devinrent tous des lumières brillantes dans le royaume de
Dieu et confirmèrent le choix du Maître. Il reconnut en
chacun les caractéristiques de capacités qu'ils avaient
cultivées dans le monde lointain des esprits [52].
DISCIPLES
ET APÔTRES
La
qualité de disciple est quelque chose de général ;
quiconque suit un homme ou est dévoué à un
principe peut être appelé disciple. Le saint apostolat
est un office et un appel qui appartient à la prêtrise
supérieure ou de Melchisédek, à la fois exalté
et déterminé, comprenant comme fonction distinctive
celle d'être témoin personnel et spécial de la
divinité de Jésus-Christ, Rédempteur et Sauveur
unique de l'humanité [53]. L'apostolat est un don
individuel, et comme tel n'est conféré que par
l'ordination. Le fait que les Douze constituaient un conseil ou
« collège » ayant l'autorité dans
l'Église établie par Jésus-Christ, est révélé
par leur administration après la résurrection et
l'ascension du Seigneur. Leur premier acte officiel fut de remplir la
vacance produite dans leur organisation par l'apostasie et la mort de
Judas Iscariot. À propos de cette procédure, l'apôtre
président, Pierre, exposa les qualités essentielles de
celui qui serait choisi et ordonné, qui impliquaient une
connaissance telle de Jésus, de sa vie, de sa mort et de sa
résurrection qu'elle unirait le nouvel apôtre aux Onze
comme témoin spécial de l'œuvre du Seigneur [54].
L'ordination
des douze apôtres marqua l'inauguration d'une période
avancée dans le ministère terrestre de Jésus,
période caractérisée par l'organisation d'un
groupe d'hommes investis de l'autorité de la sainte prêtrise,
sur qui reposeraient, particulièrement après le départ
du Seigneur, le devoir et la responsabilité de continuer
l'œuvre qu'il avait commencée et d'édifier
l'Église établie par lui.
Le
mot « apôtre » est la forme francisée
du grec apostolos, signifiant littéralement « quelqu'un
qui est envoyé », et indiquant un envoyé ou
un messager officiel, qui parle et agit par l'autorité de
quelqu'un de supérieur à lui. C'est dans ce sens que
Paul appliqua plus tard le titre au Christ comme quelqu'un de
spécialement envoyé et commissionné par le
Père [55].
Le
but du Seigneur, en choisissant et en ordonnant les Douze, est énoncé
comme suit par Marc : « Il en établit douze
pour les avoir avec lui et pour les envoyer prêcher avec le
pouvoir de chasser les démons » [56]. Pendant
un certain temps après leur ordination, les apôtres
demeurèrent avec Jésus, étant spécialement
formés et instruits par lui pour l'œuvre qu'ils avaient
alors à accomplir ; après quoi ils furent
officiellement chargés de prêcher et d'administrer avec
l'autorité de leur prêtrise et envoyés le faire,
comme nous allons le voir plus loin [57].
[1]
Mt 10:1-4, Mc 3:13-19 ; Le 6:12-16.
[2]
Lc 6:12.
[3]
Lc 3:13 ; cf. Jn 15:16 ; voir aussi Ac 1:22.
[4]
Jn 1:42 ; cf. Mt 16:18.
[5]
Mc 1: 16-20 ; Lc 5: 10.
[6]
Jn 1:44, 12:21.
[7]
Mt 8:14 ; Mc 1:29 ; Lc 4:38.
[8]
Ac 4:13.
[9]
Jn 21:18, 19.
[10]
2 P 1:14.
[11]
D&A 27:12. Chap. 41 du
présent ouvrage.
[12]
Mc 3:17.
[13]
Lc 9:54. Voir aussi Mc 9:38, un exemple du zèle impulsif de
Jean.
[14]
Mc 10:35-41 ; cf. Mt 20:20-24.
[15]
Mc 5:37 ; Lc 8:51.
[16]
Mt 17:1,2 ; Lc 9:28,29.
[17]
Mt 26:36,37.
[18]
D&A 27:12 (chap. 41 du présent ouvrage).
[19]
Ac 12:1,2.
[20]
Jn 1:35-40 ; voir chap. 11 du présent ouvrage.
[21]
Jn 13:23, 19:26, 20:2.
[22]
Jn 13:23,25.
[23]
Jn 19:25-27.
[24]
Jn 21:7, 21-23.
[25]
D&A section 7 ; cf. LM, 3 Né 28:1-12.
[26]
Jn 1:35-40.
[27]
Mt 4:18,19.
[28]
Mc 13:3.
[29]
Jn 6:8.
[30]
Jn 12:20-22.
[31]
Ac 1:13.
[32]
Jn 1:43-45.
[33]
Jn 6:5-7.
[34]
Jn 14:8,9.
[35]
Jn 1: 14-51 (voir chap. 11 du présent ouvrage).
[36]
Jn 21:2,3.
[37]
Chap. 14.
[38]
Mt 10:3.
[39]
Jn 11:16.
[40]
Jn 20:24-29. Chap. 37 du présent ouvrage.
[41]
Ac 1:13. Note 3, fin du chapitre.
[42]
Ac 12:17, 15:13-21, 21:18, 1 Co 15:7, Ga 1:19, 2:9,12 et l'épître
de Jacques.
[43]
Pour ce qui est des Jacques cités dans le Nouveau Testament,
les spécialistes de la Bible sont en désaccord, le
problème étant de savoir s'il s'agit de deux ou de
trois personnes. Ceux qui prétendent qu'il y avait trois
hommes de ce nom les distinguent comme suit : (1) Jacques, fils
de Zébédée et frère de Jean, l'apôtre ;
toutes les références scripturaires à son sujet
sont explicites ; (2) Jacques, fils d'Alphée, et (3)
Jacques, frère du Seigneur (Mt 13-55, Mc 6:3, Ga 1:19). Si
nous acceptons cette classification, la référence
donnée deux notes plus haut s'applique à Jacques, frère
du Seigneur. Les « Auxiliaires » de la Bible
d'Oxford et de la Bible Bagster traitent Jacques, fils d'Alphée,
et Jacques, frère du Seigneur, comme une seule personne,
prenant l'expression « fils de » seulement au
sens général (voir chap. 18 du présent ouvrage,
note 13). L'appellation de Bagster est : « Jacques
II : fils d'Alphée, frère ou cousin de Jésus »
(voir note 3, fin du chapitre). La Nave « Student's
Bible » déclare (page 1327) que le point de savoir
si Jacques, frère du Seigneur, « est identique à
Jacques, fils d'Alphée, est l'une des questions les plus
difficiles de l'histoire biographique des évangiles ».
Fausset (dans sa « Cyclopedia Critical and Expository »)
soutient qu'il ne s'agit que d'un seul Jacques, et d'autres autorités
reconnues les traitent tous deux comme ne formant qu'une seule
personne. Le lecteur trouvera dans des ouvrages spéciaux des
études détaillées du sujet.
[44]
Note 1, fin du chapitre.
[45]
Ac 1:13 ; cf. Lc 6:15.
[46]
Jn 6:71, 12:4, 13:26.
[47]
Jn 12:6, 13:29.
[48]
Jn 12:1-7 ; cf. Mt 26:6-13 ; Mc 14:3-9.
[49]
Mt 27:5 ; cf. Ac 1:18 ; voir aussi Jn 17:12 ; D&A
76:31-48, 132:27.
[50]
Mt 19:27.
[51]
Mt 10: 42 ; Jn 21:5, 13:16 ; cf. verset 13, 15:14,15.
[52]
Jn 15:16.
[53]
Chap. 2 et 3.
[54]
D&A 18:27-33, 20:38-44, 107:1-9, 23, 24, 39.
[55]
Ac 1:15-26.
[56]
Hé 3:1 ; voir note 2, fin du chapitre.
[57]
Mc 3:14,15.
NOTES
DU CHAPITRE 16
1.
Jude Lebbée Thaddée : Ce Jude (pas l'Iscariot) est
appelé Jude fils de Jacques dans la version Segond de Lc 6:16
et d'Ac 1:13. Le texte originel dit « Jude de Jacques ».
Nous ne savons pas de quel Jacques il s'agit, ni si ce Jude était
le fils, le frère ou quelque autre parent du Jacques inconnu.
2.
La signification de « apôtre » :
« Le titre « apôtre » est
également un titre d'une signification et d'une sainteté
particulières ; il a été donné de
Dieu et n'appartient qu'à ceux qui ont été
appelés et ordonnés comme « témoins
spéciaux du nom du Christ dans le monde entier, différant
ainsi des autres officiers de l'Église dans les devoirs de
leur appel » (D&A 107:23). Par dérivation, le
mot « apôtre » est l'équivalent
français du grec « apostolos » indiquant
un messager, un ambassadeur ou littéralement « quelqu'un
qui est envoyé ». Il signifie que celui qui est
appelé ainsi à bon droit parle et agit, non de
lui-même, mais comme représentant d'une puissance
supérieure qui lui a donné sa mission ; et dans ce
sens le titre est celui d'un serviteur plutôt que d'un
supérieur. Cependant, même le Christ est appelé
apôtre quand il est question de son ministère dans la
chair (Hé 3: 1), et cette appellation est justifiée par
sa déclaration répétée qu'il vint sur la
terre non pour faire sa volonté mais celle de son Père
par qui il fut envoyé.
« Bien
que, comme on le voit, un apôtre soit essentiellement un envoyé
ou un ambassadeur, son autorité est grande, comme l'est aussi
la responsabilité qui y est associée, car il parle au
nom d'une puissance plus grande que la sienne : le nom de celui
dont il est le témoin spécial. Lorsque l'un des Douze
est envoyé exercer son ministère dans un pieu, une
mission ou une autre division de l'Église, ou travailler dans
les régions où l'Église n'a pas été
organisée, il agit comme représentant de la Première
Présidence et a le droit d'utiliser son autorité pour
faire tout ce qui est requis pour l'avancement de l'œuvre de
Dieu. Il a le devoir de prêcher l'Évangile, d'en
administrer les ordonnances et de mettre en ordre les affaires de
l'Église partout où il est envoyé. Si grande est
la sainteté de cet appel spécial que le titre
« apôtre » ne doit pas être utilisé
à la légère ni servir comme forme commune ou
ordinaire de titre quand on l'applique aux hommes vivants appelés
à cet office. Le Collège ou Conseil des douze apôtres,
tel qu'il existe dans l'Église d'aujourd'hui devrait plutôt
être appelé le « Collège des Douze »,
le « Conseil des Douze », ou simplement les
« Douze », plutôt que les « douze
apôtres », sauf lorsque des occasions particulières
justifient l'emploi du terme plus sacré. Nous recommandons que
le titre « apôtre » ne soit pas appliqué
comme préfixe au nom d'un membre du Collège des Douze ;
mais que l'on s'adresse à lui ou que l'on parle de lui en lui
appliquant le titre de « Frère untel »,
et quand c'est nécessaire ou désirable, comme quand on
annonce sa présence dans une assemblée publique, on
peut ajouter l'explication : « Frère untel,
membre du Collège des Douze » (tiré de « The
Honor and Dignity of Priesthood », par l'auteur,
Improvement Era, vol. 17, numéro 5, p. 409-410).
3.
« D'Alphée », ou « Fils
d'Alphée » : Dans tous les passages bibliques
qui spécifient « Jacques, fils d'Alphée »
(Mt 10:3 ; Mc 3:18 ; Lc 6:15 ; Ac 1: 13) le mot fils a
été ajouté par les traducteurs, et c'est
pourquoi, dans la version anglaise, on l'imprime en italique.
L'expression grecque dit « Jacques d'Alphée ».
Il ne faut pas souligner ce fait pour soutenir l'idée que le
Jacques dont il est parlé n'était pas le fils d'Alphée,
car le mot fils a été ajouté de même dans
la traduction d'autres passages, dans lesquels des italiques sont
utilisés pour indiquer les mots ajoutés, par exemple :
« Jacques, fils de Zébédée »
(Mt 10:2, voir Mc 3:17). Lisez à ce propos la note ci-dessus.
CHAPITRE
17 : LE SERMON SUR LA MONTAGNE
À
une époque très proche de celle de l'ordination des
Douze, Jésus fit un discours remarquable qui, à cause
du lieu où il fut donné, a pris le nom de sermon sur la
montagne. Matthieu présente un récit étendu qui
remplit trois chapitres du premier évangile ; Luc en
donne un résumé plus bref [1].
Les
différences de détail qui apparaissent dans les deux
textes sont d'importance mineure [2]. C'est au sermon lui-même
que nous pouvons consacrer notre attention avec profit. Luc introduit
dans différentes parties de ses écrits un grand nombre
des préceptes précieux donnés dans le cadre du
sermon rapporté comme un discours ininterrompu dans l'évangile
écrit par Matthieu. Dans notre étude actuelle, nous
nous laisserons guider principalement par le récit de
Matthieu. Certaines portions de ce vaste discours s'adressaient
expressément aux disciples, qui avaient été ou
seraient appelés à l'apostolat et devraient en
conséquence renoncer à tous leurs intérêts
du monde pour l'œuvre du ministère ; d'autres
parties étaient et sont d'application générale.
Jésus était monté sur le flanc de la montagne,
probablement pour échapper aux foules qui le pressaient dans
ou près des villes [3]. Les disciples s'assemblèrent
autour de lui, et c'est là qu'il s'assit et les
instruisit [4].
LES
BÉATITUDES [5]
Les
premières phrases sont riches en bénédictions,
et la première partie du discours est consacrée à
une explication de ce qui constitue la véritable béatitude ;
en outre, la leçon est rendue simple et dépourvue
d'ambiguïté par des applications déterminées,
chacun des êtres bénis étant assuré d'une
récompense en ce sens qu'il bénéficierait d'une
situation directement opposée à celle dont il avait
souffert. Les bénédictions que le Seigneur fait
ressortir en cette occasion ont été désignées
dans la littérature ultérieure comme les béatitudes.
Les pauvres en esprit doivent être rendus riches comme
héritiers légaux du royaume des cieux ; celui qui
pleure sera consolé car il verra le but divin de sa souffrance
et retrouvera les êtres aimés dont il a été
privé ; les humbles, qui se laissent spolier plutôt
que de mettre leur âme en danger dans les querelles, hériteront
la terre ; ceux qui ont faim et soif de vérité
seront nourris d'une grande abondance ; ceux qui font preuve de
miséricorde seront jugés avec miséricorde ;
ceux qui ont le cœur pur seront admis dans la présence
même de Dieu ; les pacifiques, qui essaient de se
préserver, eux et leurs semblables, des luttes, seront comptés
parmi les enfants de Dieu ; ceux qui souffrent la persécution
pour l'amour de la justice hériteront les richesses du royaume
éternel. Le Seigneur parla directement aux disciples, disant :
« Heureux serez-vous, lorsque l'on vous insultera, qu'on
vous persécutera et qu'on répandra sur vous toute sorte
de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans
l'allégresse, parce que votre récompense sera grande
dans les cieux, car c'est ainsi qu'on a persécuté les
prophètes qui vous ont précédés. [6] »
Il est évident que les bénédictions indiquées
et le bonheur qui y est contenu ne doivent être réalisés
dans leur plénitude qu'au-delà du tombeau, bien que la
joie que donne la conscience de mener une vie juste apporte, déjà
ici-bas, une belle récompense. Un élément
important de cet exposé splendide de l'état vraiment
béni est la distinction qu'il implique entre le plaisir et le
bonheur [7]. Le simple plaisir est tout au mieux passager ;
le bonheur est durable, car dans le souvenir de celui-ci réside
une joie renouvelée. Le bonheur suprême n'est pas une
réalisation terrestre ; la « plénitude
de joie » promise réside au-delà de la mort
et de la résurrection [8]. Tant que l'homme se trouve
dans cet état mortel, il a besoin de certaines des choses du
monde ; il doit avoir de la nourriture et des vêtements et
de quoi s'abriter ; et outre ces besoins essentiels, il peut
désirer en justice les facilités de l'instruction, les
avantages du progrès et les choses qui conduisent au
raffinement et à la culture ; cependant toutes ces choses ne
sont que des moyens vers une fin, et non le but à atteindre, pour lequel l'homme a été rendu mortel.
Les
béatitudes se rapportent aux devoirs de la vie mortelle, qui
doivent préparer à une existence plus grande, encore
future. Dans le royaume des cieux, nommé deux fois dans cette
partie du discours du Seigneur, on trouve la vraie richesse et un
bonheur certain. Le royaume des cieux constitue tout le sujet de ce
merveilleux sermon ; les moyens de parvenir au royaume et aux
gloires qui appartiennent à ceux qui en sont les citoyens
éternels sont les divisions principales de ce traité.
DIGNITÉ
ET RESPONSABILITÉ DANS LE MINISTÈRE
Le
Maître continua ensuite à instruire d'une manière
particulièrement directe ceux sur qui reposerait la
responsabilité du ministère, en qualité de
représentants envoyés par lui. « C'est vous
qui êtes le sel de la terre », dit-il. Le sel est le
grand conservateur ; c'est comme tel qu'on l'utilise depuis des
temps très reculés. La loi mosaïque prescrivait
qu'il était essentiel d'ajouter le sel à toute offrande
de chair [9]. Longtemps avant l'époque du Christ, le fait
d'employer du sel était symbole de fidélité,
d'hospitalité et d'alliance [10]. Pour être utile,
le sel devait être pur ; pour avoir une vertu salvatrice
en tant que sel, il fallait que ce fût du vrai sel et non le
produit d'une altération chimique ou d'un mélange
terreux, qui lui ferait perdre sa salinité ou sa
« saveur » [11] et, produit sans valeur,
il ne serait bon qu'à être jeté. C'est contre
pareil changement de foi, contre pareil mélange de sophismes,
de prétendues philosophies et d'hérésies de ce
temps-là que les disciples étaient spécialement
prévenus. Puis, changeant de comparaison, Jésus les
compara à la lumière du monde et leur imposa le devoir
de tenir leur lumière devant le peuple, d'une manière
aussi visible qu'une ville qui est bâtie sur une colline, pour
qu'on la voie de toutes parts, une ville que l'on ne peut cacher. À
quoi servirait une lumière allumée, si on la cachait en
dessous d'une boîte ? « Que votre lumière
brille ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos oeuvres
bonnes, et glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Afin
qu'ils ne commissent aucune erreur quant aux rapports devant exister
entre la loi ancienne et l'Évangile du royaume qu'il exposait,
Jésus leur assura qu'il n'était pas venu détruire
la loi ni rendre nuls les enseignements et les prédictions des
prophètes, mais les accomplir et établir ce que les
événements des siècles passés n'avaient
fait que préparer. On peut dire que l'Évangile ne
détruisit la loi mosaïque que dans la mesure où la
semence est détruite dans la croissance de la nouvelle plante,
que dans la mesure où le bourgeon est détruit par le
jaillissement des fleurs riches, pleines et odorantes, dans la mesure
où la tendre enfance et la jeunesse passent pour toujours
lorsque la maturité des années se développe. Il
ne se perdrait ni un iota, ni un trait de lettre de la loi. On ne
pourrait concevoir d'analogie plus efficace que cette dernière ;
l'iota ou yod et le trait de lettre étaient de petits signes
de l'écriture hébraïque ; pour le but qui
nous occupe nous pouvons les considérer comme équivalents
du point d'un « i » ou du trait que l'on trace
en travers d'un « t » ; notre mot français
« iota », signifiant une très petite
chose, est apparenté au premier. Pas même le moindre
commandement ne pouvait être enfreint sans punition ; mais
les disciples furent exhortés à faire attention à
ne pas garder les commandements à la manière des
scribes et des Pharisiens, dont l'observance était extérieure
et cérémonielle, dépourvue des éléments
essentiels de la dévotion sincère ; car ils
étaient assurés que par une méthode aussi peu
sincère, ils ne pourraient entrer « dans le royaume
des cieux ».
LA
LOI REMPLACÉE PAR L'ÉVANGILE [12]
La
partie suivante du sermon traite de la supériorité de
l'Évangile du Christ sur la loi de Moïse et compare les
exigences des deux dans des cas particuliers. Tandis que la loi
interdisait le meurtre mais prévoyait un châtiment juste
pour le crime, le Christ enseigna que se livrer à la colère,
qui pouvait amener à la violence ou même au meurtre,
était en soi un péché. User méchamment
d'une épithète offensante comme « Raca »
rendait le sujet passible de punition en vertu du décret du
sanhédrin, et appeler un autre insensé mettait le sujet
en danger « du feu de la géhenne ». Ces
termes répréhensibles étaient considérés
à l'époque comme particulièrement violents et
exprimaient par conséquent une intention haineuse. La main du
meurtrier est poussée par la haine de son cœur. La loi
prévoyait un châtiment de l'acte, l'Évangile
réprimandait la passion mauvaise à son stade primaire.
Soulignant ce principe, le Maître montra que la haine ne devait
pas être expiée par un sacrifice matériel ;
et que si, en venant faire une offrande à l'autel, on se
souvenait qu'on avait quelque chose contre son frère, on
devait d'abord aller trouver ce frère et se réconcilier
avec lui, même si cela entraînait une interruption du
cérémoniel, incident qui était particulièrement
grave selon les prêtres. Les différends et les querelles
devaient être réglés sans délai.
La
loi interdisait le terrible péché d'adultère ;
le Christ dit que le péché commençait dans le
regard convoiteur, la pensée sensuelle ; et il ajouta
qu'il valait mieux devenir aveugle que regarder avec un oeil mauvais,
qu'il valait mieux perdre une main que de commettre une iniquité
avec elle. À propos de la question du divorce, dans laquelle
existait un grand relâchement à l'époque, Jésus
déclara qu'à part l'infraction extrêmement grave
que constituait l'infidélité aux vœux du mariage,
nul ne pouvait divorcer de sa femme sans devenir offenseur lui-même,
en ce sens qu'en se remariant, alors qu'elle n'était encore
qu'une épouse injustement divorcée, elle serait
coupable de péché de même que l'homme avec qui
elle se marierait ainsi.
On
avait interdit anciennement de jurer ou de faire serment sauf
lorsqu'on faisait alliance solennelle devant le Seigneur ; mais
le Seigneur interdit aux hommes de jurer ; et la laideur des
jurons non motivés fut exposée. C'était et c'est
un péché grave que de jurer par le ciel, qui est la
demeure de Dieu, ou par la terre, qui est sa création et qu'il
appela son marchepied, ou par Jérusalem, qui était
considérée par ceux qui juraient comme la ville du
grand Roi, ou par sa propre tête, qui fait partie du corps que
Dieu a créé. Il recommanda la modération dans
les paroles, la décision et la simplicité, à
l'exclusion des mots inutiles, de la grossièreté et des
jurons.
Autrefois,
on tolérait le principe des représailles, en vertu
duquel quelqu'un qui avait subi une offense pouvait exiger ou
infliger un châtiment de même nature que l'offense. C'est
ainsi qu'on réclamait un oeil pour un oeil, une dent pour une
dent, une vie pour une vie". Le Christ, lui, enseigna que les
hommes devaient souffrir plutôt que faire le mal, jusqu'à
se soumettre sans résistance à certaines situations.
Ces illustrations puissantes - que si l'on était frappé
sur une joue, il fallait tendre l'autre à celui qui frappait,
que si un homme prenait la tunique d'un autre en vertu de la loi, le
perdant devait permettre qu'on lui prenne également son
manteau, que si l'on obligeait quelqu'un à porter le fardeau
d'un autre pendant un mille, il devrait être disposé à
en faire deux, que l'on devait être prêt à donner
ou à prêter quand on y était invité - ne
doivent pas être comprises comme si elles commandaient de se
soumettre servilement à des exigences injustes, ni comme une
suppression du principe de la protection de soi. Ces instructions
s'adressaient surtout aux apôtres, qui seraient officiellement
consacrés à l'œuvre du royaume à
l'exclusion de tous autres intérêts. Dans leur
ministère, il vaudrait mieux pour eux souffrir, subir des
pertes matérielles ou être maltraités
personnellement par des oppresseurs corrompus que perdre de leur
efficacité et empêcher l'œuvre par la résistance
et les querelles. C'est à des gens comme ceux-là que
les béatitudes s'appliquaient tout particulièrement :
heureux ceux qui sont doux, ceux qui procurent la paix et ceux qui
sont persécutés à cause de la justice.
Il
avait été dit autrefois : « Tu aimeras
ton prochain et tu haïras ton ennemi [13] » ;
mais maintenant le Seigneur enseignait : « Aimez vos
ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du
bien à ceux qui vous haïssent], et priez pour ceux [qui
vous maltraitent et] qui vous persécutent. »
C'était une doctrine nouvelle. Jamais encore il n'avait été
commandé à Israël d'aimer ses ennemis. Il n'y
avait aucune place pour l'amitié à l'égard des
ennemis dans le code mosaïque : en effet, le peuple avait
appris à considérer les ennemis d'Israël comme les
ennemis de Dieu ; et maintenant Jésus exigeait que l'on
fit preuve de tolérance, de miséricorde et même
d'amour pour ceux-là ! Il compléta son exigence
par une explication : grâce au moyen qu'il indiquait, les
hommes peuvent devenir enfants de Dieu, semblables à leur Père
céleste dans la mesure de leur obéissance ; car le
Père est bon, longanime et tolérant, faisant briller
son soleil sur les méchants et sur les bons, et envoyant la
pluie satisfaire les besoins des justes et des injustes [14]. En
outre, en quoi excelle l'homme qui ne donne que lorsqu'il reçoit,
ne reconnaît que ceux qui le saluent avec respect, n'aime que
lorsqu'il est aimé ? Même les péagers [15]
en faisaient autant. Il était attendu beaucoup plus des
disciples du Christ. L'exhortation qui conclut cette partie du
discours constitue un résumé efficace et complet de
tout ce qui avait précédé : « Soyez
donc parfaits, comme votre Père céleste est
parfait » [16].
LA
SINCÉRITÉ D'INTENTION [17]
À
propos des aumônes, le Maître prévint contre
l'ostentation et les démonstrations hypocrites, et les dénonça
implicitement. Donner aux nécessiteux est digne d'éloge ;
mais donner dans le but de gagner l'éloge des hommes c'est de
l'hypocrisie pure. Jeter des aumônes à un mendiant,
verser des offrandes dans les caisses du trésor du temple,
pour être vu des hommes [18], et les démonstrations
similaires d'une générosité affectée,
étaient à la mode dans certaines classes à
l'époque du Christ ; le même esprit se manifeste
aujourd'hui. Il y en a maintenant qui font sonner la trompette,
parfois dans les colonnes de la presse ou par d'autres moyens de
publicité, pour attirer l'attention sur ce qu'ils donnent,
afin de recevoir la gloire des hommes : pour gagner de la faveur
politique, pour augmenter leur volume d'affaires ou leur influence,
pour obtenir ce qui, dans leur esprit, vaut plus que ce dont ils se
séparent. D'une manière tranchante et logique, le
Maître démontra que pareils donateurs ont leur
récompense. Ils auront reçu ce qu'ils demandent ;
qu'est-ce que de tels hommes peuvent demander de plus, à quoi
peuvent-ils logiquement s'attendre encore ? « Mais »,
dit le Seigneur, « quand tu fais l'aumône, que ta
(main) gauche ne sache pas ce que fait ta (main) droite, afin que ton
aumône se fasse en secret, et ton Père, qui voit dans le
secret, te le rendra. »
Dans
le même esprit le Prédicateur dénonça les
prières hypocrites : dire des prières au lieu de
prier. Il y en avait beaucoup qui recherchaient les lieux publics
dans les synagogues et même aux coins des rues, afin d'être
vus et entendus des hommes tandis qu'ils disaient leurs prières.
Ils obtenaient la publicité qu'ils recherchaient ; que
pouvaient-ils demander de plus ? « En vérité
je vous le dis, ils ont reçu leur récompense. »
Celui qui veut vraiment prier - prier, autant que possible, comme le
Christ priait, prier en communion réelle avec Dieu, à
qui la prière s'adresse - recherchera la solitude,
l'isolement, la retraite ; s'il en a l'occasion, il se retirera
dans sa chambre, en fermera la porte, afin que nul ne puisse entrer ;
là il pourra prier, en effet, si l'esprit de prière est
dans son cœur ; et c'est ce procédé-là
que le Seigneur recommandait. Les suppliques verbeuses, composées
surtout de répétitions comme celles des païens,
pensant que leurs idoles seront heureuses de tant de paroles, étaient
interdites.
Il
est bon de savoir que la prière ne se compose pas de mots, de
mots qui peuvent ne pas exprimer ce que l'on veut dire, de mots qui
recouvrent souvent des inconséquences, de mots qui peuvent ne
pas avoir de source plus profonde que les organes physiques de la
parole, de mots qui peuvent être dits pour impressionner des
oreilles mortelles. Les muets peuvent parler, et ce avec l'éloquence
qui règne dans les cieux. La prière se compose de
battements de cœur et des aspirations justes de l'âme,
des suppliques basées sur la conscience du besoin, de la
contrition et du désir pur. Si un homme n'a jamais réellement
prié, il est séparé de l'ordre du divin dans la
nature humaine, étranger dans la famille des enfants de Dieu.
La prière sert à élever celui qui prie. Sans nos
prières, Dieu serait Dieu, mais nous, sans la prière,
nous ne pouvons être admis dans le royaume de Dieu. C'est
pourquoi le Christ enseigna : « Votre père
sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. »
Puis
il donna à ceux qui cherchaient la sagesse à ses pieds
une prière modèle, disant : « Voici
donc comment vous devez prier : Notre Père qui es aux
cieux ! Que ton nom soit sanctifié. » Ici,
nous reconnaissons les rapports qui existent entre notre Père
céleste et nous, et tout en respectant son grand et noble nom,
nous profitons de l'avantage inestimable de nous approcher de lui,
moins en pensant à sa gloire infinie, en tant que Créateur
de tout ce qui est, Être suprême planant au-dessus de
toute création, qu'en nous rendant compte avec amour qu'il est
Père et que nous sommes ses enfants. C'est l'écriture
biblique la plus ancienne qui donne des instructions, la permission
ou l'autorité de parler directement à Dieu comme à
« Notre Père ». C'est ici qu'est
exprimée la réconciliation que la famille humaine,
éloignée par le péché, peut obtenir,
grâce aux moyens fournis par le Fils bien-aimé. Cette
instruction démontre d'une manière également
claire la fraternité entre le Christ et l'humanité.
Comme il pria, de même nous prions le Père, nous comme
frères, et le Christ comme notre frère aîné.
« Que
ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur
la terre comme au ciel. » Le royaume de Dieu doit être
un royaume d'ordre, dans lequel la tolérance et la
reconnaissance des droits individuels régneront. Celui qui
prie réellement pour que ce règne vienne s'efforcera de
hâter sa venue en vivant conformément à la loi de
Dieu. Il s'efforcera de rester en harmonie avec l'ordre du royaume,
de soumettre la chair à l'esprit, l'égoïsme à
l'altruisme et d'apprendre à aimer les choses que Dieu aime.
Rendre la volonté de Dieu suprême sur la terre, comme
elle l'est au ciel, c'est s'allier avec Dieu dans les affaires de la
vie. Il y en a beaucoup qui professent croire que Dieu étant
omnipotent, tout ce qui est, est conformément à sa
volonté. Pareille supposition n'est pas scripturaire, est
déraisonnable et fausse [19]. La méchanceté
n'est pas conforme à sa volonté ; le mensonge,
l'hypocrisie, le vice et le crime ne sont pas les dons de Dieu à
l'homme. Ces monstruosités qui se sont développées
comme des malformations hideuses dans la nature et la vie humaines
seront abolies par sa volonté, et cette fin bénie
viendra lorsque, de leur propre choix, sans abandonner ni supprimer
leur libre arbitre, les hommes feront la volonté de Dieu.
« Donne-nous
aujourd'hui notre pain quotidien. » La nourriture est
indispensable à la vie. Nous devons la demander quand nous en
avons besoin. Notre Père sait ce dont nous avons besoin avant
que nous le demandions, cela est vrai, mais en demandant nous le
reconnaissons comme étant le Donateur, et cette demande nous
incite à être humbles, reconnaissants, contrits et
confiants. Bien que le soleil brille et que la pluie tombe également
sur les justes et les injustes, celui qui est juste est reconnaissant
de ces bénédictions ; l'impie reçoit les
bienfaits comme quelque chose de naturel, d'une âme qui est
incapable d'avoir de la reconnaissance. La capacité d'être
reconnaissant est une bénédiction, et nous devrions
être plus reconnaissants de la posséder. On nous
enseigne à prier jour après jour pour la nourriture
dont nous avons besoin, non pour obtenir une grande quantité à
mettre de côté pour l'avenir lointain. Israël dans
le désert recevait quotidiennement de la manne [20] et
cela lui rappelait qu'il dépendait de Celui qui donnait.
L'homme qui a beaucoup a plus de facilité à oublier sa
dépendance que celui qui est dans le besoin et qui doit
demander jour après jour.
« Pardonne-nous
nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont
offensés » [21]. Celui qui peut ainsi
prier avec une pleine intention et un but sans mélange mérite
le pardon. Dans cette condition requise de la supplication
personnelle, il nous est enseigné de n'attendre que ce que
nous méritons. Les égoïstes et les pécheurs
se réjouiraient d'être exemptés de leurs dettes
légales, mais être égoïste et pécheur
serait exiger le dernier sou de ceux qui sont endettés [22].
Le pardon est une perle trop précieuse pour qu'on la jette aux
pieds de ceux qui ne pardonnent pas [23] ; et, sans la
sincérité qui jaillit d'un cœur contrit, nul ne
peut demander en justice la miséricorde. Si d'autres doivent
quelque chose, que ce soit en argent ou en biens, ou en vertu d'une
infraction à nos droits, la manière dont nous agissons
envers eux sera prise en compte dans le jugement de nos propres
offenses.
« Ne
nous laisse pas entrer dans la tentation, mais délivre-nous du
Malin ». La première partie de cette demande a
provoqué des commentaires et des questions. Nous ne devons pas
entendre par là que Dieu induirait jamais un homme en
tentation, si ce n'est peut-être comme une permission sage,
pour le mettre à l'épreuve, lui donnant par là
l'occasion de vaincre et d'acquérir ainsi la force
spirituelle, qui est le seul avancement véritable dans le
progrès éternel de l'homme. Le seul but pour lequel des
corps ont été donnés pour les esprits
préexistants du genre humain et pour les avancer à
l'état mortel était : « Nous les
mettrons ainsi à l'épreuve, pour voir s'ils feront tout
ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera » [24]. Le
plan de la mortalité entraînait la certitude de la
tentation. L'intention de la supplication semble être que nous
soyons préservés de toute tentation située
au-delà de nos faibles capacités de résistance ;
que nous ne soyons pas abandonnés à la tentation sans
le soutien divin qui sera une mesure de protection aussi complète
que le permettra le choix que nous ferons.
Comme
il est donc illogique d'aller, comme beaucoup le font, en des lieux
où les tentations auxquelles ils sont le plus sensibles sont
les plus fortes ; pour l'homme affligé d'une passion pour
la boisson forte, de prier ainsi et puis de se rendre au bistrot ;
pour l'homme dont les désirs sont voluptueux, d'exprimer
pareille prière et puis d'aller là où la volupté
est attisée ; pour l'homme malhonnête, de dire la
prière, puis de se placer où il sait qu'il aura
l'occasion de voler ! Pareilles âmes peuvent-elles ne pas
être hypocrites lorsqu'elles demandent à Dieu de les
délivrer des maux qu'elles ont recherchés ? La
tentation se mettra sur notre chemin sans que nous la recherchions,
et le mal se présentera même lorsque nous avons le plus
grand désir de faire le bien ; c'est pour être
délivrés de cela que nous pouvons prier en nous
attendant à bon droit et avec assurance à être
exaucés.
« Car
c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le
règne, la puissance et la gloire. Amen ! » Ici
nous reconnaissons la suprématie de l'Être que nous
avons appelé au commencement le Père. Il est le
Tout-Puissant, en qui et par la volonté de qui nous avons la
vie, le mouvement et l'être [25]. Se prétendre
indépendant de Dieu est à la fois un sacrilège
et un blasphème ; le reconnaître est un devoir
filial et une confession juste de sa majesté et de sa
domination. Le Notre Père se termine par un « Amen »
solennel, placé comme sceau sur le document de la supplique,
attestant sa sincérité et l'expression véritable
de l'âme du suppliant ; réunissant en un mot le
sens de tout ce qui a été prononcé ou pensé.
Le sens littéral d'Amen est Ainsi soit-il.
Après
le sujet de la prière, le Maître aborda celui du jeûne
et souligna la vérité importante que pour servir à
quelque chose le jeûne doit être une affaire entre
l'homme et son Dieu, et non entre l'homme et ses semblables. Il était
d'usage courant, à l'époque du Maître, de voir
des hommes afficher leur abstinence pour faire voir à tout le
monde leur prétendue piété [26]. Afin
d'apparaître hagards et faibles, ces hypocrites se défiguraient
le visage, sortaient non coiffés et lançaient des
regards tristes. Le Seigneur dit de ceux-là aussi : « En
vérité je vous le dis, ils ont reçu leur
récompense. » Les croyants furent exhortés à
jeûner en secret, sans démonstration extérieure,
et à jeûner en Dieu, qui pouvait voir dans le secret et
entendrait leur sacrifice et leur prière.
LES
TRÉSORS DE LA TERRE ET DU CIEL [27]
Le
caractère transitoire de la richesse matérielle fut mis
ensuite en contraste avec la richesse durable de l'éternité.
Il y en avait et il y en a beaucoup dont l'effort principal dans la
vie vise à amasser les trésors de la terre, dont la
simple possession entraîne des responsabilités, des
soucis et des ennuis. Certaines espèces de richesses comme la
soie et le velours, le satin et les fourrures, sont mises en danger
par les ravages de la teigne, certaines l'argent, le cuivre et
l'acier - sont détruites par la corrosion et la rouille - en
outre, il n'est pas rare que celles-ci deviennent le butin des
voleurs. Infiniment plus précieux sont les trésors
d'une vie bien vécue, la richesse de bonnes actions, dont il
est tenu compte dans le ciel, où la richesse des œuvres
de justice est à l'abri de la teigne, de la rouille et des
voleurs. Puis vint la leçon pénétrante :
« Car là où est ton trésor, là
aussi sera ton cœur. »
Elle
montre que la lumière spirituelle est plus grande qu'aucun
luminaire physique. À quoi sert la lumière la plus
brillante à l'homme qui est aveugle ? C'est l'œil
physique qui discerne la lumière de la bougie, de la lampe ou
du soleil ; et l'œil spirituel voit par la lumière
spirituelle ; si donc l'œil spirituel de l'homme est en
bon état, c'est-à-dire pur et non terni par le péché,
il est rempli de la lumière qui lui montrera le chemin vers
Dieu ; tandis que si l'œil de son âme est mauvais,
il sera comme un oeil rempli de ténèbres. Le résumé
exprime un avertissement solennel : « Si donc la
lumière qui est en toi est ténèbres, combien
seront grandes les ténèbres ! » Ceux à
qui le Maître s'adressait avaient reçu la lumière
de Dieu ; le degré de foi qu'ils avaient déjà
professé en était la preuve. S'ils devaient se
détourner de la grande entreprise dans laquelle ils s'étaient
embarqués, la lumière serait perdue et les ténèbres
qui s'ensuivraient seraient plus denses que celles dont ils avaient
été libérés [28]. Il ne devait y
avoir aucune indécision chez les disciples. Aucun d'entre eux
ne pouvait servir deux maîtres, celui qui professait faire cela
serait un serviteur infidèle pour l'un ou pour l'autre.
Ensuite vint une autre généralisation profonde :
« Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon » [29].
Il
leur fut dit de se fier au Père pour leurs besoins, ne se
souciant ni de nourriture ni de boisson, ni de vêtements, ni
même de la vie elle-même, car tout cela serait donné
par des moyens supérieurs à leurs pouvoirs de contrôle.
Avec la sagesse d'un Maître entre les maîtres, le
Seigneur fit appel à leur cœur et à leur
intelligence en citant les leçons de la nature dans un langage
d'une éloquence si simple et pourtant si puissante que
l'amplifier ou le condenser ne ferait que le ternir :
« Regardez
les oiseaux du ciel : Ils ne sèment ni ne moissonnent,
ils n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste
les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? Qui de
vous, par ses inquiétudes, peut ajouter une seule coudée
à la durée de sa vie ? Et pourquoi vous inquiéter
au sujet du vêtement ? Observez comment croissent les lis
des champs : Ils ne travaillent, ni ne filent ; cependant
je vous dis que Salomon même, dans toute sa gloire, n'a pas été
vêtu comme l'un d'eux. »
Il
réprimanda la faiblesse de la foi en rappelant que le Père,
qui se souciait même de l'herbe des champs, qui pousse un jour
et est rassemblée le lendemain pour être brûlée,
ne manquerait pas de se souvenir des siens. C'est pourquoi le Maître
ajouta : « Cherchez premièrement son royaume
et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus. »
NOUVELLE
CONDAMNATION DE L'HYPOCRISIE [30]
Les
hommes ont tendance à juger leurs semblables et à faire
leur éloge ou leur critique sans considérer
suffisamment les faits ou les circonstances. Le Maître exprima
sa désapprobation des jugements tendancieux ou non fondés.
« Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés »,
exhorta-t-il ; c'est selon la manière dont on a jugé
les autres que l'on sera jugé soi-même. L'homme qui est
toujours prêt à corriger les erreurs de son frère,
à enlever la paille de l'œil de son prochain, afin que
ce prochain voie les choses comme l'ami intéressé et
importun voudrait qu'il les voie, fut dénoncé comme
hypocrite. Qu'était la poussière dans la vision de son
prochain en comparaison de la poutre de son propre oeil ? Les
siècles qui se sont écoulés entre le temps du
Christ et notre propre époque nous ont-ils rendus moins
ardents à guérir la mauvaise vue de ceux qui ne peuvent
ou ne veulent pas se ranger à notre point de vue et voir les
choses comme nous les voyons ?
Ces
disciples, dont certains allaient bientôt agir avec l'autorité
du saint apostolat, furent mis en garde contre la dissémination
inconsidérée et aveugle des vérités et
des préceptes sacrés qui leur étaient confiés.
Ils auraient pour devoir de discerner l'esprit de ceux qu'ils
essayaient d'instruire et de leur donner avec sagesse. Les paroles du
Maître furent fortes : « Ne donnez pas ce qui
est saint aux chiens et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux,
de peur qu'ils ne les foulent aux pieds et ne se retournent pour vous
déchirer » [31].
PROMESSE
ET ASSURANCE NOUVELLE [32]
Il
leur fit ensuite la belle promesse que leurs supplications seraient
entendues et exaucées. Ils devaient demander, et ils
recevraient ; ils devaient frapper, et la porte s'ouvrirait.
Leur Père céleste n'aurait certainement pas moins de
considération qu'un père humain ; et quel est le
père qui, si son fils lui demandait du pain, lui répondrait
en lui donnant une pierre ou qui lui donnerait un serpent s'il
demandait un poisson ? Il n'en serait que d'autant plus certain
que Dieu accorderait de bonnes choses à ceux qui demandaient
selon leurs besoins, avec foi. « Tout ce que vous voulez
que les hommes fassent pour vous, aussi, faites-le de même pour
eux, car c'est la loi et les prophètes. »
La
voie droite et étroite que l'homme peut suivre dans la
sainteté fut comparée avec la voie large qui mène
à la perdition. Il fallait éviter les faux prophètes,
tels qu'il y en avait parmi le peuple, qui, dans leurs prétentions,
étaient comparables à des brebis mais étaient en
réalité des loups dévorants. Ceux-ci, ils les
reconnaîtraient à leurs oeuvres et aux résultats
de celles-ci, tout comme on jugera qu'un arbre est bon ou mauvais
selon son fruit. Les épines ne produisent pas de raisin, et
les chardons ne peuvent porter de figues. De même, il est tout
aussi impossible à un bon arbre de produire du mauvais fruit
qu'à un arbre inutile et pourri de porter du bon fruit.
La
religion, c'est plus que confesser et professer du bout des lèvres.
Jésus affirma que le jour du jugement beaucoup prétendraient
être ses disciples, disant : « Seigneur,
Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé,
en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom
que nous avons fait beaucoup de miracles ? Alors je leur
déclarerai : Je ne vous ai jamais connus retirez-vous de
moi, vous qui commettez l'iniquité. » Ce n'est
qu'en faisant la volonté du Père que l'on peut obtenir
la grâce salvatrice du Fils. Vouloir parler et agir au nom du
Seigneur sans en avoir reçu l'autorité que seul le
Seigneur peut donner, c'est ajouter le sacrilège à
l'hypocrisie. Même les miracles qui seront accomplis ne
prouveront pas les prétentions de ceux qui professent
administrer les ordonnances de l'Évangile, s'ils n'ont pas
l'autorité de la sainte prêtrise [33].
ENTENDRE
ET FAIRE [34]
Le
sermon sur la montagne a traversé toutes les années qui
se sont écoulées depuis qu'il a été
prononcé sans qu'aucun autre ait pu rivaliser avec lui. Aucun
mortel n'a jamais prêché de discours de ce genre depuis
ce temps-là. L'esprit du discours est du début à
la fin celui de la sincérité et de l'action, par
opposition aux professions vides et à la négligence.
Dans les dernières phrases, le Seigneur montra l'inutilité
de se borner à entendre, par comparaison avec l'efficacité
de l'action. L'homme qui entend et agit est comme le constructeur
sage qui posa les fondations de sa maison sur du roc ; et en
dépit de la pluie, des torrents et des vents, la maison
résista. Celui qui entend et n'obéit pas est comparé
à l'insensé qui construisit sa maison sur le sable ;
et lorsque la pluie est tombée ou que les vents ont soufflé
ou que les torrents sont venus, voici, elle est tombée, et sa
ruine a été grande.
Pareils
enseignements étonnèrent le peuple. Le Prédicateur
n'avait cité pour ses enseignements originaux aucune autorité
autre que la sienne. Son discours ne présentait aucun cortège
de précédents rabbiniques ; la loi était
remplacée par l'Évangile : « Car il les
enseignait comme quelqu'un qui a de l'autorité et non pas
comme leurs scribes. »
[1]
Mt chap. 5, 6, 7 ; Lc 6:20-49 (voir aussi la version du sermon
prononcé par Jésus-Christ après sa résurrection,
aux Néphites du continent américain : LM, 3 Né,
chap. 12, 13, 14. Voir aussi chapitre 39 du présent ouvrage).
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Mt 4:23-25 ; lire ces versets avec 5:1 ; voir aussi Lc
6:17-19.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 5:3-12 ; cf. Lc 6:20-26 et LM, 3 Né 12:1-12.
[6]
Mt 5:11, 12 ; cf. Lc 6:26 ; LM, 3 Né 12:11,12.
[7]
Note 2, fin du chapitre.
[8]
D&A 93:33.
[9]
Lv 2:13 ; cf. Esd 6:9 ; Ez 43:24.
[10]
Notez l'expression « alliance du sel » [version
du roi Jacques, ndt] désignant l'alliance entre Jéhovah
et Israël, Lv 2:13, Nb 18:19 ; cf. 2 Ch 13:5.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Mt 5:21-48, Lc 6:27-36 ; cf. LM, 3 Né 12:21-48.
[13]
Cf. Lv 19:18 ; Dt 23:6 et Ps 41:10.
[14]
Comparer avec la leçon donnée dans la parabole de
l'ivraie, Mt 13:24-30.
[15]
Note 4, fin du chapitre ; voir aussi chap. 14, notes.
[16]
Note 5, fin du chapitre.
[17]
Mt 6:1-18 ; cf. Lc 11:2-4 ; LM, 3 Né 13:1-18.
[18]
Examiner l'incident du don du riche et de l'obole de la veuve, Mc
12:41-44 ; Lc 21:1-4.
[19]
Chap. 3.
[20]
Ex 16:16-21.
[21]
Version anglaise : « Pardonne-nous nos dettes, comme
nous pardonnons nos débiteurs », ndt.
[22]
Notez la leçon de la parabole du serviteur impitoyable, Mt
18:23-25.
[23]
Cf. Mt 7:6.
[24]
PGP, Abr 3:25 ; voir chap. 2 du présent ouvrage, notes.
[25]
Ac 17:28.
[26]
Comparer avec l'exemple donné à propos de la parabole
du Pharisien et du péager, Lc 18:10-14.
[27]
Mt 6:19-34 ; cf. Lc 12:24-34,16:13,18:22 ; LM, 3 Né
13:19-34.
[28]
Lc 11:34-36.
[29]
Cf. Ga 1:10 ; 1 Tm 6:17 ; Jc 4:4 ; 1 Jn 2:15.
[30]
Mt 7:1-5 ; Luc 6:37, 38, 41, 42 ; cf. LM, 3 Né
14:1-5.
[31]
Mt 7:6 ; cf. LM, 3 Né 14:6.
[32]
Mt 7:7-23 ; Lc 6:43-44,46, 11:9-13, 13:24-30 ; cf. LM, 3 Né
14:7-23.
[33]
Articles de Foi, p. 222-233, 281-283.
[34]
Mt 7:24-29 ; Lc 6:46-49 ; cf. LM, 3 Né 14:24-27.
NOTES
DU CHAPITRE 17
1.
Époque et lieu du sermon sur la montagne : Matthieu cite
très rapidement le discours, le plaçant même
avant d'indiquer son appel de la maison du péage - appel qui
précéda certainement l'ordination du groupe des Douze -
et avant de raconter un grand nombre de paroles et d'actions du
Seigneur déjà examinées dans ces pages. Luc
place son sommaire partiel du sermon après l'ordination des
apôtres. Matthieu nous dit que Jésus était monté
sur la montagne et qu'il était assis tandis qu'il parlait ;
le récit de Luc fait penser que Jésus et les Douze
descendirent tout d'abord des hauteurs de la montagne dans une
plaine, où la foule les rencontra, et que Jésus leur
prêcha debout. Les critiques qui s'amusent de petits détails,
négligeant souvent des choses plus importantes, ont essayé
de tirer le plus grand parti de ces divergences apparentes. N'est-il
pas probable que Jésus parla en détail à ses
disciples qui étaient alors présents, sur le flanc de
la montagne, et parmi lesquels il avait choisi les Douze, et qu'après
avoir terminé le discours qu'il leur avait fait, il descendit
avec eux dans la plaine où une multitude s'était
assemblée, et qu'il lui répéta certaines parties
de ce qu'il avait déjà dit ? L'abondance relative
du récit de Matthieu peut être due au fait que, étant
l'un des Douze, il assista au premier discours plus étendu.
2.
Le plaisir et le bonheur : « Le temps présent
est une période de recherche du plaisir, et les hommes perdent
le sens dans la folle course aux sensations qui ne font qu'exciter et
décevoir. À notre époque de contrefaçon,
de déformation et d'imitation viles, le démon est plus
occupé qu'il ne l'a jamais été au cours de
l'histoire humaine à fabriquer des plaisirs, tant vieux que
nouveaux ; et ceux-ci, il les met en vente d'une manière
extrêmement attrayante, portant faussement l'étiquette :
Bonheur. Il n'a pas son égal dans cet art destructeur d'âmes ;
il a des siècles d'expérience et de pratique, et par
son habileté, il contrôle le marché. Il a appris
les ficelles du métier et sait comment attirer l'œil et
éveiller le désir de ses clients. Il emballe sa
marchandise dans des paquets aux couleurs vives, fermés par
des fils de clinquant et des pompons ; et les foules affluent
aux comptoirs de ses magasins, se bousculant et s'écrasant
mutuellement dans leur frénésie d'achat.
« Suivez
l'un des acheteurs tandis qu'il s'en va avec une satisfaction
méchante, son paquet criard sous le bras, et regardez-le
l'ouvrir. Que trouve-t-il à l'intérieur de l'emballage
doré ? Il s'était attendu à un bonheur
parfumé, mais il ne découvre qu'une forme inférieure
de plaisir dont la puanteur est écœurante.
« Le
bonheur comprend tout ce qui est réellement désirable
et de valeur réelle dans le plaisir et beaucoup d'autres
choses en plus. Le bonheur est de l'or véritable, le plaisir
n'est que de l'airain doré, qui se corrode dans la main et se
transforme bientôt en vert-de-gris empoisonné. Le
bonheur est comme le diamant véritable qui, brut ou poli,
brille de son lustre inimitable ; le plaisir est comme
l'imitation en toc qui ne brille que lorsqu'on l'embellit
artificiellement. Le bonheur est comme le rubis, rouge comme le sang
du cœur, dur et durable ; le plaisir comme du verre de
couleur, fragile, cassant et de beauté passagère.
« Le
bonheur, c'est la nourriture véritable, saine, nutritive et
douce ; elle édifie le corps et apporte de l'énergie
pour l'action, physique, mentale et spirituelle ; le plaisir
n'est qu'un stimulant trompeur qui, comme les spiritueux, fait croire
qu'on est fort alors qu'en réalité on est affaibli,
fait imaginer qu'on est en bonne santé alors qu'on est en fait
frappé d'une maladie mortelle.
« Le
bonheur ne laisse pas de mauvais arrière-goût, il n'est
suivi d'aucune réaction déprimante ; il ne demande
aucun repentir, n'apporte aucun regret, n'implique aucun remords ;
le plaisir rend trop souvent le repentir, la contrition et la
souffrance nécessaires ; et, si on s'y livre à
l'extrême, il apporte la dégradation et la destruction.
« Le
vrai bonheur se revit constamment en mémoire, toujours avec un
renouveau du bien originel ; un moment de plaisir impie peut
laisser un aiguillon barbelé qui, comme une épine dans
la chair, est une source éternellement présente
d'angoisse.
« Le
bonheur n'est pas apparenté à la légèreté
ni à la gaieté frivole. Il jaillit des sources
profondes de l'âme, et il n'est pas rare qu'il s'accompagne de
larmes. N'avez-vous jamais été heureux au point d'en
pleurer ? Moi si. » (Tiré d'un article de
l'auteur, Improvement Era, vol. 17, numero 2, p. 172, 173).
3.
Le sel de la terre : Le Commentary on the Holy Bible, de
Dummelow, sur Matthieu 5:13, dit : « En Palestine, le
sel, étant recueilli dans un état impur, subit souvent
des changements chimiques qui détruisent sa saveur tandis que
son aspect subsiste. » Nous pourrons peut-être
suggérer une interprétation raisonnable de l'expression
« Si le sel perd sa saveur » en disant que le
sel mêlé à des impuretés insolubles peut
être dissous par l'humidité, ne laissant le résidu
insoluble que légèrement salé. La leçon
de l'illustration du Seigneur est que le sel gâté est
incapable de conserver. Le passage correspondant dans le sermon que
Jésus fit aux Néphites après sa résurrection
dit : « En vérité, en vérité,
je vous le dis : Je vous donne d'être le sel de la terre ;
mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la terre sera-t-elle salée ?
Le sel désormais ne serait plus bon à rien qu'à
être jeté et foulé aux pieds des hommes »
(3 Né 12:13).
4.
Allusion aux péagers : Observez que Matthieu, qui avait
été péager, rapporte franchement cette allusion
(5:46,47) faite à la classe méprisée, à
laquelle il appartenait. Luc écrit « pécheurs »
au lieu de « péagers » (6:32-34).
Naturellement, si les récits des deux auteurs font allusion à
des discours séparés (voir note 1 ci-dessus), ils
peuvent avoir raison tous les deux. Mais nous trouvons que Matthieu
se donne à lui-même le nom de péager lorsqu'il
fait la liste des apôtres (10:3) et que les autres évangélistes
omettent avec tact ce titre peu enviable (Mc 3:18, Lc 6:15).
5.
La perfection relative : On ne peut interpréter
raisonnablement l'exhortation que notre Seigneur fit aux hommes de
devenir parfaits comme le Père est parfait (Mt 5:48) que comme
sous-entendant la possibilité de pareilles réalisations.
Il est cependant clair que l'homme ne peut devenir parfait dans la
mortalité dans le sens dans lequel Dieu est parfait en tant
qu'Être suprêmement glorifié. Il est cependant
possible à l'homme d'être parfait dans sa sphère
dans un sens analogue à celui dans lequel les intelligences
supérieures sont parfaites dans leurs sphères
respectives ; cependant la perfection relative de celles qui
sont plus bas est infiniment inférieure à celle de ceux
qui sont plus haut. Un universitaire de première ou de
deuxième année peut être parfait en tant
qu'étudiant de première ou de deuxième année ;
il peut avoir 100% d'efficacité et de réalisations ;
cependant les honneurs de l'étudiant de troisième ou de
quatrième années sont au-delà de sa portée,
et le diplôme de licence est éloigné pour lui
mais constitue une possibilité certaine, s'il reste fidèle
et dévoué jusqu'à la fin.
CHAPITRE
18 : COMME AYANT AUTORITÉ
Le
récit que Matthieu fait du merveilleux discours que nous
appelons le sermon sur la montagne prend fin par une phrase puissante
dans laquelle il décrit l'effet des paroles du Maître
sur le peuple : « Car il les enseignait comme
quelqu'un qui a de l'autorité et non pas comme leurs
scribes » [1]. Une caractéristique
frappante du ministère du Christ était l'absence totale
de toute tentative de fonder ses paroles ou ses actes sur une
autorisation humaine quelconque ; l'autorité qu'il
professait avoir était celle du Père qui l'avait
envoyé. Ses discours, qu'ils fussent donnés à
des multitudes ou prononcés d'une manière relativement
intime pour quelques-uns, étaient dépourvus des
citations travaillées dans lesquelles les docteurs de l'époque
se complaisaient. Son « je vous le dis »
péremptoire prenait la place de l'appel à l'autorité
et surpassait tout déploiement possible de précédents
sous forme de commandements ou de déductions. En cela ses
paroles différaient essentiellement des formules érudites
des scribes, des Pharisiens et des rabbis. Pendant tout son
ministère, il manifesta une puissance et une autorité
inhérentes sur la matière et les forces de la nature,
sur les hommes et les démons, sur la vie et la mort. Il est
maintenant de notre intention d'examiner un certain nombre de cas
dans lesquels la puissance du Seigneur se manifesta en diverses
œuvres puissantes.
GUÉRISON
DU SERVITEUR DU CENTURION [2]
Du
mont des béatitudes, Jésus retourna à Capernaüm.
Il importe peu de savoir si ce fut directement ou par un chemin plus
long marqué par d'autres oeuvres puissantes et
miséricordieuses. Il y avait à l'époque une
garnison romaine dans la ville. Un officier, centurion [centenier
dans la version Segond, ndt] ou capitaine de cent hommes, y était
stationné. À la maison de cet officier était
attaché un serviteur pour lequel il avait beaucoup d'estime et
qui était malade, « sur le point de mourir ».
Le centurion avait la foi que le Christ pouvait guérir son
serviteur et invoqua l'intercession des anciens Juifs pour demander
au Maître la bénédiction désirée.
Ces anciens implorèrent Jésus avec la plus grande
ferveur et firent valoir la valeur de l'homme qui, bien que Gentil,
aimait le peuple d'Israël et, de ses richesses, avait construit
une synagogue pour eux dans la ville. Jésus alla avec les
anciens, mais le centurion, ayant probablement appris l'approche de
la petite compagnie, envoya en hâte d'autres envoyés
dire qu'il ne se considérait pas digne de faire entrer Jésus
chez lui, sentiment d'indignité qui lui avait interdit d'oser
faire sa requête en personne [3]. « Mais »,
disait la supplique, « dis un mot, et mon serviteur sera
guéri. » Nous pouvons comparer la conception que
cet homme avait de la puissance du Christ à celle du noble de
la même ville, qui avait demandé à Jésus
de se hâter en personne aux côtés de son fils
mourant [4].
Le
centurion semble avoir raisonné de la manière
suivante : il était lui-même un homme d'autorité,
bien que sous la direction d'officiers supérieurs. À
ses subordonnés il donnait des ordres auxquels ceux-ci
obéissaient. Il n'estimait pas nécessaire d'assister
personnellement à l'exécution de ses ordres. Il était
certain que quelqu'un qui avait un pouvoir tel que celui que Jésus
possédait pouvait commander et être obéi. En
outre, il se peut que l'homme ait entendu parler de la guérison
merveilleuse du fils mourant du noble, que le Seigneur accomplit en
prononçant la parole guérisseuse alors qu'il se
trouvait à des kilomètres du lit du patient. Nous ne
pouvons douter que la confiance et la foi du centurion aient été
sincères puisque Jésus les loua expressément.
L'homme affligé fut guéri. On nous dit que Jésus
admira [5] la manifestation de foi du centurion et dit, se
tournant vers les gens qui le suivaient : « Je vous
le dis, même en Israël je n'ai pas trouvé une aussi
grande foi. » Cette réflexion peut avoir provoqué
l'étonnement de certains auditeurs ; les Juifs n'avaient
pas l'habitude d'entendre exalter ainsi la foi d'un Gentil car, selon
le traditionalisme du temps, un Gentil, même converti ardent au
judaïsme, était considéré comme
essentiellement inférieur, même au plus indigne du
peuple choisi. Le commentaire de notre Seigneur montrait clairement
que les Gentils seraient préférés dans le
royaume de Dieu, s'ils excellaient en dignité. En prenant le
récit de Matthieu, nous trouvons cet enseignement
supplémentaire introduit comme d'habitude par « Je
vous le dis » - Que « plusieurs viendront de
l'Orient et de l'Occident, et se mettront à table avec
Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. Mais les fils du
royaume seront jetés dans les ténèbres du
dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de
dents » [6].
Cette
leçon, qu'Israël ne peut parvenir à la suprématie
qu'en excellant en justice est, comme nous le verrons, répétée
et soulignée dans les enseignements du Seigneur.
RÉSURRECTION
D'UN JEUNE HOMME DE NAÏN [7]
Le
lendemain du miracle que nous venons d'examiner, Jésus se
rendit dans la petite ville de Naïn et, comme d'habitude,
beaucoup de personnes l'accompagnèrent. Ce jour-là se
produisit ce qui, dans l'estimation des hommes, fut un miracle plus
grand que tous ceux qu'il avait accomplis auparavant. Il en avait
déjà guéri beaucoup, parfois d'un mot prononcé
en présence des affligés, et aussi alors qu'il était
loin du bénéficiaire de sa puissance bienfaitrice ;
des maladies corporelles avaient été vaincues et des
démons avaient été réprimandés sur
son ordre ; mais, bien que des malades qui étaient près
de mourir eussent été sauvés de la tombe, nous
n'avons pas de récit plus ancien où notre Seigneur ait
commandé à la mort terrible, elle-même, de rendre
quelqu'un qu'elle avait emporté [8]. Comme Jésus
et ses disciples approchaient de la ville, un cortège funèbre
d'un grand nombre de personnes vint à sa rencontre ; on
transportait au tombeau le fils unique d'une veuve ; le corps
était porté, selon la coutume du temps, sur une bière
ouverte. Notre Seigneur contempla avec compassion la mère
endeuillée, maintenant privée d'époux et de
fils ; et ressentant en lui-même [9] la douleur de sa
souffrance, il dit d'un ton doux : « Ne pleure
pas ! » Il toucha le brancard sur lequel le mort
était étendu, et les porteurs s'arrêtèrent.
Puis en s'adressant au cadavre, il dit : « Jeune
homme, je te le dis, lève-toi ! » Et le mort
entendit la voix de celui qui est le Seigneur de tous [10], et
se leva immédiatement et parla. Gracieusement Jésus
remit le jeune homme à sa mère. Nous lisons sans
étonnement que la crainte envahit tous ceux qui étaient
là et qu'ils glorifièrent Dieu, attestant qu'un grand
prophète se trouvait parmi eux et que Dieu avait visité
son peuple. La nouvelle de ce miracle parcourut tout le pays et
parvint même aux oreilles de Jean-Baptiste, qui se trouvait
dans la prison d'Hérode. L'effet que fit sur Jean la nouvelle
de ce miracle et d'autres miracles puissants du Christ réclame
maintenant notre attention.
LE
MESSAGE DE JEAN-BAPTISTE À JÉSUS
Avant
même le retour de Jésus en Galilée après
son baptême, et les quarante jours de solitude dans le désert,
Jean-Baptiste avait été emprisonné sur ordre
d'Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de
Pérée [11]. Au cours des mois suivants, pendant
lesquels notre Seigneur prêcha activement l'Évangile,
enseignant le sens véritable du Royaume, réprouvant le
péché, guérissant les affligés,
réprimandant les esprits mauvais et ressuscitant même
les morts, son précurseur, le pieux et courageux Jean, était
prisonnier dans les cachots de Machaerus, l'une des plus puissantes
citadelles d'Hérode [12].
Le
tétrarque avait un certain respect pour Jean, ayant constaté
que c'était un saint homme ; et Hérode avait fait
beaucoup de choses sur le conseil direct du Baptiste ou à
cause de l'influence de l'enseignement général de ce
dernier. En fait, Hérode avait écouté Jean avec
plaisir et ne l'avait emprisonné qu'en cédant à
contrecœur aux importunités d'Hérodiade,
qu'Hérode avait déclarée être sa femme
sous couvert d'un mariage illégal. Hérodiade avait été
et était encore légalement la femme de Philippe, frère
d'Hérode, dont elle n'avait jamais été
légalement divorcée ; son prétendu mariage
avec Hérode Antipas était à la fois adultère
et incestueux en vertu de la loi juive. Le Baptiste avait dénoncé
hardiment cette union pécheresse ; il avait dit à
Hérode : « Il ne t'est pas permis d'avoir la
femme de ton frère. » Bien qu'Hérode ait pu
ignorer cette sévère réprimande, ou ait pu du
moins permettre de la laisser passer sans châtiment, Hérodiade
ne voulut pas être indulgente. C'est elle, et non le tétrarque,
qui haïssait Jean le plus ; elle « avait du
ressentiment contre » Jean et réussit à
amener Hérode à faire saisir et incarcérer le
Baptiste, ce qui était une étape dans la consommation
de son plan vengeur de le faire mettre à mort [13]. En
outre, Hérode craignait que le peuple ne se révoltât
au cas où Jean serait tué sur son ordre [14]. Au
cours de son long emprisonnement, Jean avait beaucoup entendu parler
de la prédication et de l'œuvre merveilleuse du Christ ;
ces choses avaient dû lui être rapportées par
certains de ses disciples et de ses amis qui avaient la permission de
lui rendre visite [15]. Il fut, en particulier, informé
de la résurrection miraculeuse du jeune homme à
Naïn [16] ; et il chargea sur le champ deux de ses
disciples de porter un message dans lequel il demandait à
interroger Jésus [17]. Ceux-ci allèrent trouver le
Christ et lui expliquèrent le but de leur visite comme suit :
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre
un autre ? » Les messagers trouvèrent Jésus
occupé à des oeuvres bienveillantes ; et au lieu
de répondre immédiatement en paroles, il continua sa
tâche, soulageant à cette même heure un plus grand
nombre de personnes qui étaient affligées de cécité
ou d'infirmités, ou qui étaient troublées par
des esprits mauvais. Puis, se tournant vers les deux personnes qui
avaient communiqué la question du Baptiste, Jésus dit :
« Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et
entendu : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent,
les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les
morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux
pauvres. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de
chute ! »
La
question des disciples de Jean reçut la réponse d'actes
merveilleux de bienveillance et de miséricorde. Lorsque la
réponse fut rapportée à Jean, le prophète
emprisonné ne pouvait guère manquer de se rappeler les
prédictions d'Ésaïe, qui disaient que c'était
par ces signes de miracles et de bénédictions mêmes
que le Messie serait connu [18] ; et le reproche dut être
convaincant et accusateur lorsqu'il se rappela les citations qu'il
avait faites lui-même des prophéties d'Ésaïe,
lorsqu'il avait proclamé avec une éloquence ardente et
flétrissante l'accomplissement de cette prédiction
ancienne dans sa propre mission et dans celle du personnage
tout-puissant dont il avait rendu personnellement témoignage [19].
La
dernière phrase de la réponse de notre Seigneur à
Jean était l'apogée de ce qui avait précédé,
et une réprimande supplémentaire quoique douce du
manque de compréhension que le Baptiste montrait pour la
mission du Messie. « Heureux celui pour qui je ne serai
pas une occasion de chute », dit le Seigneur. Le manque de
compréhension est le prélude de la chute. Mesurée
selon le critère de la conception alors courante de ce que le
Messie serait, l'œuvre du Christ dut apparaître à
beaucoup comme un échec ; et ceux qui cherchaient quelque
manifestation soudaine de sa puissance dans la conquête des
oppresseurs d'Israël et le rétablissement de la maison de
David en splendeur profane, s'impatientaient, puis devinrent
sceptiques ; ensuite ils y trouvèrent une occasion de
chute et menacèrent de se rebeller ouvertement contre leur
Seigneur. Le Christ a été une occasion de chute pour un
grand nombre de personnes qui, n'étant pas en harmonie avec
ses paroles et ses oeuvres, y ont trouvé une occasion de
chute [20].
La
situation de Jean doit être considérée avec
justice par tous ceux qui prennent sur eux de juger le but qu'il
poursuivait en faisant demander au Christ : « Es-tu
celui qui doit venir ? » Jean comprenait parfaitement
que son oeuvre était un travail de préparation ;
il en avait témoigné et avait ouvertement rendu
témoignage que Jésus était celui pour lequel il
avait été envoyé préparer la voie. Avec
le commencement du ministère du Christ, l'influence de Jean
avait diminué, et pendant de nombreux mois il avait été
enfermé dans une cellule, s'énervant dans son
inactivité, aspirant sans aucun doute à la liberté,
et aux sauterelles et au miel sauvage du désert. Jésus
croissait tandis qu'il diminuait en popularité, en influence
et en possibilités ; et il avait affirmé que cette
situation était inévitable [21].
Mais,
laissé en prison, peut-être souffrant de dépression,
s'est-il laissé à se demander si ce personnage
tout-puissant l'avait oublié. Il savait que si Jésus en
donnait le commandement, la prison de Machaerus ne pourrait plus le
retenir ; néanmoins Jésus semblait l'avoir
abandonné à son sort, qui n'impliquait pas seulement
l'emprisonnement mais d'autres indignités, et la torture
physique [22]. Peut-être a-t-il été dans les
intentions de Jean d'attirer l'attention du Christ sur sa situation
pitoyable ; et à cet égard son message était
plutôt un rappel qu'une simple question basée sur un
doute réel. En effet, nous avons de bonnes raisons de conclure
que le but de Jean en envoyant des disciples interroger le Christ
était en partie, et peut-être en grande partie, de
confirmer chez ces disciples une foi durable au Christ. La commission
dont ils étaient chargés les mit en contact direct avec
le Seigneur, dont ils ne pouvaient manquer de comprendre la
suprématie. Ils furent témoins personnels de sa
puissance et de son autorité.
Le
commentaire de notre Seigneur sur le message de Jean indiquait que le
Baptiste n'avait pas pleinement compris ce que le royaume spirituel
de Dieu contenait. Lorsque les envoyés furent partis, Jésus
s'adressa au peuple qui avait été témoin de
l'entretien. Il ne voulait pas qu'il sous-estimât l'importance
du service du Baptiste [23]. Il lui rappela le temps de la
popularité de Jean, où certaines des personnes alors
présentes et des multitudes d'autres étaient allées
dans le désert écouter les exhortations sévères
du prophète, et où elles avaient vu qu'il n'était
pas un roseau agité par le vent mais un chêne ferme et
inflexible. Elles n'étaient pas allées voir un homme
habillé à la mode ; ceux qui portaient des
vêtements doux devaient être recherchés à
la cour du roi, et non dans le désert, ni dans le cachot où
Jean se trouvait maintenant. Elles avaient trouvé en Jean un
prophète, oui, plus qu'un prophète : « Je
vous le dis, affirma le Seigneur, parmi ceux qui sont nés de
femmes, il n'y en a pas de plus grand que Jean. Cependant, le plus
petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui » [24]. Quel
témoignage plus fort de l'intégrité du Baptiste
nous faut-il ? D'autres prophètes avaient parlé de
la venue du Messie, mais Jean l'avait vu, l'avait baptisé et
avait été pour Jésus ce qu'un page est pour son
maître. Néanmoins depuis le jour où Jean prêcha
jusqu'à l'époque à laquelle le Christ parlait
alors, le royaume des cieux avait été rejeté
avec violence, et ce alors que tous les prophètes et même
la loi fondamentale avaient parlé de sa venue, et bien que
Jean et le Christ eussent été abondamment prédits.
À
propos de Jean, le Seigneur continua : « Et, si vous
voulez l'admettre, c'est lui qui est l'Élie qui devait venir.
Que celui qui a des oreilles, entende » [25]. Il
est important de savoir que le terme Élie, appliqué ici
par Jésus au Baptiste, est un titre plutôt qu'un nom
personnel, et qu'il n'a rien à voir avec Élie, l'ancien
prophète que l'on appelait le Tichbite [26]. Beaucoup de
ceux qui entendirent l'éloge du Baptiste par le Seigneur se
réjouirent, car ils avaient accepté Jean et s'étaient
détournés de lui pour aller à Jésus,
passant du plus petit au plus grand, du prêtre au grand prêtre,
du héros au roi. Mais des Pharisiens et des docteurs étaient
présents, ceux de la classe que Jean avait dénoncée
avec tant de véhémence comme une génération
de vipères, et ceux qui avaient rejeté l'avis de Dieu
en refusant d'écouter l'appel du Baptiste au repentir [27].
À
ce moment-là, le Maître eut recours à une
analogie pour exprimer clairement ce qu'il voulait dire. Il compara
la génération incrédule et insatisfaite à
des enfants inconstants qui jouent et se disputent. Certains
voulaient jouer à la cérémonie de mariage, mais
pendant qu'ils jouaient de la flûte, les autres ne voulaient
pas danser. Ensuite, ils jouèrent à la procession
funèbre et essayèrent le rôle des pleureuses,
mais les autres ne voulaient pas pleurer comme les règles du
jeu le demandaient. Toujours critiques, toujours sceptiques,
médisants et diffamateurs de nature, durs d'oreille et de
cœur, ils grognaient. Jean-Baptiste était venu parmi eux
comme les prophètes ermites d'autrefois, aussi strict que le
plus strict des naziréens, refusant de manger avec les
festoyeurs ou de boire avec les bons convives, et ils avaient dit :
« Il a un démon. » Maintenant venait le
Fils de l'homme, sans austérité, sans manières
d'ermite, mangeant et buvant comme le ferait un homme normal, invité
dans les maisons des gens, participant aux festivités d'un
mariage, se mêlant aussi bien aux péagers qu'aux
Pharisiens - et ils se plaignaient de nouveau disant : « C'est
un homme qui fait bonne chère et un buveur de vin, un ami des
péagers et des pécheurs ! » Le Maître
expliqua que ce manque de logique, ce méchant galvaudage de
choses extrêmement sacrées, cette opposition décidée
à la vérité seraient certainement révélés
dans leur vraie lumière, et que l'inutilité d'une
érudition vantarde apparaîtrait. « Mais,
dit-il, la sagesse a été justifiée par tous ses
enfants. »
Laissant
les reproches aux individus incrédules, il se tourna vers les
communautés insensibles et réprimanda les villes dans
lesquelles il avait accompli tant d'œuvres puissantes et où
les gens ne se repentaient pas : « Malheur à
toi, Chorazin ! Malheur à toi, Bethsaïda ! Car,
si les miracles faits au milieu de vous avaient été
faits à Tyr et à Sidon, il y a longtemps qu'elles se
seraient repenties avec le sac et la cendre. C'est pourquoi je vous
le dis : au jour du jugement, Tyr et Sidon seront traitées
moins rigoureusement que vous. Et toi, Carpernaüm, seras-tu
élevée jusqu'au ciel ? (Non), tu seras abaissée
jusqu'au séjour des morts, car, si les miracles faits au
milieu de toi avaient été faits dans Sodome, elle
subsisterait encore aujourd'hui. C'est pourquoi je vous le dis :
Au jour du jugement, le pays de Sodome sera traité moins
rigoureusement que toi » [28].
Apparemment
découragé par l'incrédulité du peuple,
Jésus rechercha de la force en priant [29]. Avec
l'éloquence de l'âme que l'on recherche en vain ailleurs
que dans la communion chargée d'angoisse du Christ avec son
Père, il exprima avec respect sa reconnaissance de ce que Dieu
avait donné un témoignage de la vérité
aux humbles et aux simples plutôt qu'aux savants et aux
grands ; bien que les hommes ne le comprissent point, le Père
le connaissait pour ce qu'il était réellement. Se
tournant de nouveau vers le peuple, il l'exhorta encore à
l'accepter, lui et son Évangile, et son invitation est l'un
des épanchements les plus grandioses d'émotion
spirituelle connus de l'homme : « Venez à moi,
vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je
vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes
instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé,
et mon fardeau léger » [30]. Il les invitait à
passer du travail pénible à un service agréable ;
des fardeaux presque insupportables des exactions ecclésiastiques
et du formalisme traditionnel, à la liberté du culte
vraiment spirituel, de l'esclavage à la liberté, mais
ils ne le voulaient point. L'Évangile qu'il leur offrait était
l'incarnation de la liberté, mais pas de la licence ; il
imposait l'obéissance et la soumission ; mais même
si on pouvait comparer cela à un joug, qu'était son
fardeau en comparaison du fardeau sous lequel ils gémissaient ?
MORT
DE JEAN-BAPTISTE
Revenant
à Jean-Baptiste dans la solitude de son cachot, nous n'avons
aucun renseignement quant à la manière dont il reçut
et comprit la réponse à sa question que lui
rapportèrent ses messagers. Sa captivité était
destinée à prendre bientôt fin, mais pas par une
mise en liberté terrestre. La haine qu'Hérodiade
éprouvait pour lui augmenta. L'occasion de mettre à
exécution les complots démoniaques qu'elle ourdissait
contre sa vie se présenta bientôt [31]. Le roi
célébrait son anniversaire par une grande fête, à
laquelle ses seigneurs, ses hauts capitaines et les principaux
fonctionnaires de Galilée étaient invités. Pour
honorer l'événement, Salomé, fille d'Hérodiade,
mais non d'Hérode, entra et dansa devant le groupe. Hérode
et ses invités en furent tellement enchantés que le roi
invita la jeune fille à demander ce qu'elle voulait et jura
qu'il le lui donnerait, même si c'était la moitié
de son royaume.
Elle
se retira pour consulter sa mère sur ce qu'elle devait
demander, et, sur les instructions de celle-ci, revint avec cette
terrible demande : « Je veux que tu me donnes tout de
suite, sur un plat, la tête de Jean-Baptiste. » Le
roi fut stupéfait ; son étonnement fut suivi de
chagrin et de regret ; néanmoins, il craignait
l'humiliation qui s'ensuivrait s'il enfreignait le serment qu'il
avait fait en présence de sa cour ; et ainsi, appelant un
bourreau, il donna immédiatement l'ordre fatal ; et Jean
fut décapité sur-le-champ dans le cachot. Le bourreau
revint, portant un plat sur lequel était posé le
trophée atroce de la vengeance de la reine dépravée.
Le cadeau sanglant fut donné à Salomé, qui le
porta avec un triomphe inhumain à sa mère. Des
disciples de Jean vinrent, se firent remettre le corps, le déposèrent
dans un tombeau et allèrent porter la nouvelle de sa mort à
Jésus. Hérode fut profondément troublé du
meurtre qu'il avait ordonné ; et lorsque les prodiges
accomplis par Jésus lui furent rapportés plus tard, il
eut peur et dit : « Jean-Baptiste est ressuscité
d'entre les morts et c'est pour cela qu'il a le pouvoir de faire des
miracles. » À ceux qui n'étaient pas
d'accord avec lui, le roi terrifié répliquait :
« Ce Jean que j'ai fait décapiter, c'est lui qui
est ressuscité » [32].
Ainsi
prit fin la vie du prophète-prêtre, précurseur
immédiat du Christ ; ainsi fut réduite au silence
la voix mortelle de celui qui avait crié si puissamment dans
le désert : « Préparez le chemin du
Seigneur. » Après de nombreux siècles, sa
voix s'est de nouveau fait entendre, voix d'un personnage racheté
et ressuscité ; et sa main s'est de nouveau fait sentir
en notre époque, époque de rétablissement et de
plénitude. En mai 1829, un personnage ressuscité
apparut à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, s'annonçant
comme étant Jean, que l'on appelait autrefois le Baptiste,
posa les mains sur les deux jeunes gens, et leur conféra la
Prêtrise d'Aaron, qui comprend l'autorité de prêcher
et d'administrer l'Évangile de repentir et le baptême
par immersion pour la rémission des péchés [33].
DANS
LA MAISON DE SIMON LE PHARISIEN
« Un
des Pharisiens pria Jésus de manger avec lui. Jésus
entra dans la maison du Pharisien et se mit à table » [34].
D'après
la place que prend cet incident dans le récit des événements
fait par Luc, il semble qu'il a pu se produire le jour où il
reçut la visite des messagers de Jean. Jésus accepta
l'invitation du Pharisien, comme il avait accepté les
invitations d'autres personnes, y compris même des péagers,
et ceux que les rabbis appelaient les gens de mauvaise vie. Sa
réception chez Simon semble avoir manqué quelque peu de
chaleur, d'hospitalité et de respect. Le récit fait
penser que l'hôte avait une attitude de condescendance. Il
était de coutume à l'époque de traiter un hôte
distingué avec une attention marquée, de le recevoir
par un baiser d'accueil, de lui donner de l'eau pour laver la
poussière de ses pieds et de l'huile pour oindre les cheveux
et la barbe. Toutes ces attentions courtoises furent omises par
Simon. Jésus prit sa place, probablement sur l'un des divans
ou sofas sur lesquels il était habituel d'être
partiellement assis, partiellement incliné tandis qu'on
mangeait [35]. Cette position plaçait les pieds de la
personne à l'extérieur de la table. Outre ces faits
relatifs aux usages de l'époque, il faut se souvenir que les
demeures de ce temps-là n'étaient pas protégées
contre les intrusions par les dispositions que nous avons maintenant.
En Palestine, il n'était pas extraordinaire de voir des
visiteurs et même des étrangers, cependant à
l'ordinaire des hommes, entrer dans une maison au moment du repas,
regarder ce qui s'y passait et même parler aux hôtes,
tout cela sans y être invités.
Parmi
ceux qui entrèrent dans la maison de Simon, tandis que le
repas était en cours, il y avait une femme ; et la
présence d'une femme, bien que quelque peu inhabituelle,
n'était pas à strictement parler un manque de
convenance sociale et ne pouvait guère être interdite en
pareille occasion. Mais cette femme faisait partie de la classe
déchue, c'était une femme qui n'avait pas été
vertueuse et qui devait supporter, comme châtiment de ses
péchés, le mépris extérieur et la mise en
quarantaine virtuelle de la part de ceux qui professaient lui être
moralement supérieurs. Elle s'approcha de Jésus par
derrière et se prosterna pour lui baiser les pieds en signe
d'humilité de sa part et d'hommage respectueux à son
égard. Peut-être était-elle l'une des personnes
qui entendirent ses paroles pleines de grâce, peut-être
prononcées ce jour-là : « Venez à
moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et
je vous donnerai du repos. » Quelle qu'ait été
sa raison de venir, elle était certainement arrivée
dans un état d'esprit repentant et profondément
contrit. Tandis qu'elle se penchait sur les pieds de Jésus,
ses larmes tombèrent sur eux. Oubliant apparemment tout ce qui
l'entourait et les yeux désapprobateurs qui observaient ses
mouvements, elle sortit ses tresses et essuya de ses cheveux les
pieds du Seigneur. Et, ouvrant un vase d'albâtre contenant un
parfum, elle les oignit, comme un esclave pourrait le faire pour son
maître. Jésus laissa gracieusement faire la femme sans
la réprimander et sans l'interrompre dans son humble service
inspiré par la contrition et l'amour respectueux.
Simon
avait observé toute la scène ; d'une façon
ou d'une autre, il connaissait la classe à laquelle cette
femme appartenait ; et bien que ne parlant pas à haute
voix, il se dit : « Si cet homme était
prophète, il saurait qui est la femme qui le touche et ce
qu'elle est : une pécheresse. » Jésus
lut dans les pensées de l'homme et dit : « Simon,
j'ai quelque chose à te dire », à quoi le
Pharisien répondit : « Maître, parle. »
Jésus poursuivit : « Un créancier avait
deux débiteurs ; l'un devait cinq cents deniers et
l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur fit
grâce de leur dette à tous les deux. Lequel l'aimera le
plus ? » Une seule réponse pouvait être
raisonnablement donnée, et Simon la donna bien que,
apparemment avec une certaine hésitation ou réserve. Il
craignait peut-être de se compromettre. « Celui, je
suppose », risqua-t-il, « auquel il a fait
grâce de la plus grosse somme. » Jésus dit :
« Tu as bien jugé », et il poursuivit :
« Vois-tu cette femme ? Je suis entré dans ta
maison, et tu ne m'as pas donné d'eau pour mes pieds ;
mais elle, elle a mouillé mes pieds de ses larmes et les a
essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de
baiser, mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a pas
cessé de me baiser les pieds. Tu n'as pas répandu
d'huile sur ma tête ; mais elle, elle a répandu du
parfum sur mes pieds. »
Le
Pharisien ne pouvait manquer de noter un rappel si direct de ce qu'il
avait omis les rites ordinaires de respect envers un invité
spécialement convié. La leçon de l'histoire
avait trouvé son application en lui, tout comme la parabole de
Nathan avait tiré du roi David une réponse qui le
condamnait lui-même [36]. « C'est pourquoi,
poursuivit Jésus, je te le dis, ses nombreux péchés
sont pardonnés, puisqu'elle a beaucoup aimé. Mais celui
à qui l'on pardonne peu aime peu. » Puis il dit à
la femme les paroles qui lui donnaient le soulagement auquel elle
aspirait : « Tes péchés sont
pardonnés. » Simon et les autres personnes qui
étaient à table murmurèrent en eux-mêmes :
« Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés. »
Comprenant leur protestation muette, le Christ s'adressa de nouveau à
la femme, disant : « Ta foi t'a sauvée, va en
paix. »
La
dernière partie du récit rappelle une autre occasion où
le Christ accorda la rémission des péchés, et
où, à cause de l'opposition qui existait dans l'esprit
de certains auditeurs, opposition qui, pour être muette n'en
était pas moins réelle, il avait ajouté à
sa parole péremptoire une autre déclaration [37].
Le
nom de la femme qui vint ainsi trouver le Christ et dont le repentir
était si sincère qu'il apporta à son âme
reconnaissante et contrite l'assurance de la rémission n'est
pas rapporté. Rien ne prouve qu'elle figure dans un autre
incident rapporté par les Écritures. Certains écrivains
prétendent qu'elle est la Marie de Béthanie qui, peu
avant que le Christ ne fût trahi, oignit la tête de Jésus
de parfums [38]. Mais la supposition qu'il s'agit là
d'une seule et même personne n'est pas du tout fondée [39]
et constitue une critique injustifiable de la vie passée de
Marie, sœur dévouée et aimante de Marthe et de
Lazare. La tentative que d'autres font d'identifier cette pécheresse
repentante et pardonnée avec Marie-Madeleine est également
fausse, aucune période de la vie de celle-ci n'ayant été
marquée par le péché d'impureté, du moins
s'il faut en croire les Écritures. Le fait qu'il est important
de se garder de commettre des erreurs dans l'identité de ces
femmes fait estimer sage d'ajouter ce qui suit à l'étude
ci-dessus.
Dans
le chapitre qui suit, celui où sont rapportés les
incidents que nous venons d'étudier, Luc [40] déclare
que Jésus traversa la région, visitant toutes les
villes et tous les villages, prêchant l'Évangile et
annonçant la bonne nouvelle. Les Douze l'accompagnaient ainsi
que « quelques femmes qui avaient été
guéries d'esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée
Madeleine, de qui étaient sortis sept démons, Jeanne,
femme de Chuza, intendant d'Hérode, Suzanne, et plusieurs
autres, qui les assistaient de leurs biens. » Les
Écritures parlent encore de certaines de ces femmes honorables
ou d'elles toutes à propos de la mort, de l'ensevelissement et
de la résurrection de notre Seigneur, et il est
particulièrement fait mention de Marie-Madeleine [41].
Marie-Madeleine dont le deuxième prénom est
probablement dérivé de sa ville natale, Magdala, avait
été guérie, par une administration de Jésus,
de maladies physiques et mentales, ces dernières
s'accompagnant de possession par des esprits mauvais.
On
nous dit que le Christ avait chassé d'elle sept démons [42],
mais même une affliction aussi terrible ne permet nullement
d'affirmer que cette femme était sans vertu ou sans chasteté.
Marie-Madeleine
devint l'une des amies les plus intimes que le Christ avait parmi les
femmes ; la dévotion qu'elle avait pour son guérisseur
et celui qu'elle adorait comme le Christ était inébranlable ;
elle se tint près de la croix tandis que les autres femmes
restaient à distance au moment de son agonie mortelle. Elle
fut parmi les premières au sépulcre de la résurrection
et fut la première mortelle à contempler et à
reconnaître un Être ressuscité : le Seigneur
qu'elle avait aimé de toute la ferveur d'une adoration
spirituelle. Dire que cette femme, élue d'entre les femmes
pour mériter des honneurs aussi éminents, était
autrefois une créature déchue, l'âme flétrie
par le feu d'une volupté impie, c'est contribuer à la
perpétuation d'une erreur pour laquelle il n'y a aucune
excuse. Néanmoins la fausse tradition, née d'une
théorie ancienne et injustifiable, selon laquelle cette femme
noble qui était tout particulièrement une amie du
Seigneur, est la même qui, reconnue pécheresse, lava et
oignit les pieds du Sauveur dans la maison de Simon le Pharisien et
gagna la récompense du pardon par sa contrition, a gardé
avec tant de ténacité sa place dans l'esprit populaire
au cours des siècles, que le nom Madeleine est devenu le terme
générique désignant les femmes qui perdent leur
vertu et se repentent par la suite. Nous n'examinons pas si la
miséricorde du Christ aurait pu être accordée à
la pécheresse que l'on fait à tort de Marie de
Magdala ; l'on ne peut pas mesurer les limites ni sonder les
profondeurs du pardon divin ; mais s'il était exact que
cette Marie et la pécheresse repentante qui servit Jésus
assis à la table du Pharisien fussent une seule et même
personne, nous aurions reconnu que la réponse affirmative à
cette question était correcte, car cette femme qui avait été
pécheresse était pardonnée. Nous traitons ici du
document scripturaire comme d'un document historique, et rien de ce
qui s'y trouve ne justifie l'accusation réellement répugnante,
bien que commune, que l'âme dévouée de
Marie-Madeleine ne fût pas chaste.
L'AUTORITÉ
DU CHRIST ATTRIBUÉE À BEELZÉBUL [43]
À
l'époque du ministère terrestre de notre Seigneur, la
guérison des aveugles, des sourds ou des muets était
considérée comme l'une des réalisations les plus
grandes qui fussent possibles à la science médicale ou
au traitement spirituel ; et assujettir ou chasser les démons
était rangé parmi les prouesses impossibles à
l'exorcisme rabbinique. Lorsque le Seigneur montra son pouvoir de
guérir et de rétablir, même dans des cas
considérés universellement comme incurables, cela eut
pour effet d'intensifier l'hostilité des classes
sacerdotales ; et celles-ci, représentées par le
parti pharisien, formulèrent la théorie absolument
illogique et ridicule que Jésus accomplissait ses miracles par
le pouvoir du prince des démons, avec qui il était
ligué [44].
Tandis
que le Seigneur faisait sa deuxième tournée
missionnaire de la Galilée, traversant « toutes les
villes et les villages, [enseignant] dans leurs
synagogues, [prêchant] l'Évangile du royaume
et [guérissant] toute maladie et toute infirmité [45] »,
la théorie absurde que le Christ était lui-même
victime de possession démoniaque et qu'il agissait par le
pouvoir du démon fut avancée et amplifiée
jusqu'à devenir l'explication généralement
acceptée parmi les Pharisiens et ceux de leur espèce.
Jésus s'était retiré pendant un certain temps
des centres populeux, où il était constamment observé
par des émissaires que les classes dirigeantes avaient envoyés
de Jérusalem en Galilée, car les Pharisiens
conspiraient contre lui, cherchant une excuse et une occasion pour
lui ôter la vie ; mais même dans les très
petites villes et les régions rurales, il était suivi
et assiégé par de grandes multitudes qu'il guérissait
de leurs maux tant physiques que spirituels [46].
Il
recommandait au peuple de s'abstenir de répandre sa célébrité.
Peut-être le faisait-il pour la bonne raison qu'à ce
stade de son oeuvre une rupture ouverte avec la hiérarchie
juive aurait été une sérieuse entrave ;
peut-être encore désirait-il laisser aux dirigeants qui
complotaient contre lui, le temps et l'occasion de laisser fermenter
leur violente inimitié et de remplir à ras bord les
vases de leur iniquité consciente. Dans les injonctions du
Seigneur, demandant qu'aucune publicité ne soit faite,
Matthieu voit l'accomplissement de la prophétie d'Ésaïe,
disant que le Messie élu ne ferait aucun effort, ni ne
crierait dans les rues pour attirer l'attention, ni n'utiliserait son
pouvoir pour briser le roseau cassé, ni pour éteindre
le lumignon qui fume ; il n'échouerait ni ne serait
découragé mais établirait victorieusement la
justice sur la terre pour les Gentils aussi bien, par déduction,
que pour Israël [47]. L'image du roseau cassé et du
lumignon qui fume exprime d'une manière frappante la tendresse
avec laquelle le Christ traitait la manifestation même la plus
faible de foi et de désir sincère d'apprendre la
vérité, qu'elle fût manifestée par un Juif
ou par un Gentil.
Peu
après son retour de la tournée missionnaire dont nous
avons parlé, les Pharisiens trouvèrent une excuse pour
l'attaquer, lorsqu'il guérit un homme qui se trouvait sous
l'influence d'un démon, à la fois aveugle et muet.
Cette combinaison d'afflictions cruelles, affectant le corps et
l'esprit, fut réprimandée, et le démoniaque
aveugle et muet fut soulagé de son triple fardeau [48].
Devant ce triomphe sur les puissances du mal, le peuple fut d'autant
plus étonné et dit : « N'est-ce pas là
le Fils de David ? » En d'autres termes :
celui-ci peut-il être quelqu'un d'autre que le Christ que nous
attendons depuis si longtemps ? Le jugement populaire ainsi
exprimé mit les Pharisiens en colère, et ils dirent au
peuple qui était presque en adoration : « Cet
homme ne chasse les démons que par Béelzébul,
prince des démons. » Jésus releva cette
accusation maligne et y répondit, non pas avec colère
mais dans les termes d'une raison calme et d'une logique saine. Il
posa les bases de sa défense en formulant la vérité
évidente qu'un royaume divisé contre lui-même ne
peut subsister mais doit subir la destruction. Si leur théorie
était fondée aussi peu que ce fût sur la vérité,
Satan serait occupé à s'opposer à Satan par
l'intermédiaire de Jésus. Puis, faisant allusion aux
pratiques superstitieuses et aux exorcismes de l'époque, par
lesquels on obtenait certains des effets que nous classons
aujourd'hui parmi les guérisons mentales, il demanda :
« Si moi, je chasse les démons par Béelzébul,
vos fils par qui les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront
eux-mêmes vos juges. » Et pour rendre la
démonstration plus claire par contraste, il poursuivit :
« Mais, si c'est par l'Esprit de Dieu, que moi, je chasse
les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu'à
vous. » Qu'ils acceptassent l'une ou l'autre de ces deux
propositions, et il était certain que l'une des deux était
vraie, car le fait que Jésus chassait bien les démons
était connu dans tout le pays et reconnu par les termes mêmes
de l'accusation qui était maintenant portée contre lui,
les Pharisiens accusateurs étaient battus et condamnés.
Mais
l'illustration allait plus loin. Jésus poursuivit : « Ou,
comment quelqu'un peut-il entrer dans la maison d'un homme fort et
piller ses biens sans avoir auparavant lié cet homme fort ?
Alors seulement il pillera sa maison. » Le Christ avait
attaqué le bastion de Satan, avait chassé ses esprits
mauvais du tabernacle humain dont ils avaient pris possession sans
aucun droit ; comment le Christ aurait-il pu faire cela, s'il
n'avait tout d'abord soumis « l'homme fort »,
le maître des démons, Satan lui-même ? Et
cependant ces savants ignorants osaient dire, face à une
réfutation aussi évidente de leurs propres théories,
que les pouvoirs de Satan étaient soumis par un pouvoir
satanique. Il ne pouvait y avoir ni accord, ni trêve, ni
armistice entre les pouvoirs en conflit du Christ et de Satan.
Proposant à ses accusateurs de juger eux-mêmes, afin de
décider chacun pour soi du côté sur lequel ils
s'alignaient, Jésus ajouta : « Celui qui n'est
pas avec moi est contre moi et celui qui n'assemble pas avec moi,
disperse. »
Alors,
la démonstration étant terminée, et l'absurdité
de la théorie de ses adversaires prouvée, le Christ
dirigea leurs pensées vers le péché horrible qui
consiste à condamner le pouvoir et l'autorité par
lesquels Satan avait été vaincu. Il leur avait prouvé,
en se servant de leurs propres propositions, qu'ayant soumis Satan,
il était l'incarnation de l'Esprit de Dieu, et que c'était
par lui que le royaume de Dieu leur était apporté. Ils
rejetaient l'Esprit de Dieu et cherchaient à détruire
le Christ par lequel cet Esprit était manifesté. Quel
blasphème pouvait être plus grand ? Parlant avec
autorité, avec l'affirmation solennelle « Je vous
dis », il poursuivit : « Tout péché
et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le
blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné.
Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné,
mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera
pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle à
venir. »
Qui
d'entre les hommes peut formuler un avertissement plus solennel et
plus terrible contre le danger de commettre ce terrible péché
impardonnable [49] ? Jésus fut miséricordieux
en assurant que les paroles prononcées contre lui, Homme,
pouvaient être pardonnées, mais que parler contre
l'autorité qu'il possédait, et en particulier attribuer
ce pouvoir et cette autorité à Satan, c'était
pratiquement blasphémer contre le Saint-Esprit, péché
pour lequel il ne pouvait y avoir de pardon. Puis, en des termes plus
forts, qui se transformaient en une invective coupante, il leur dit
d'être logiques - s'ils admettaient que le résultat de
ses oeuvres était bon, comme l'était certainement
l'expulsion des démons, et comparable à du bon fruit -
pourquoi ne reconnaissaient-ils pas que le pouvoir par lequel pareil
résultat était obtenu, en d'autres termes que l'arbre
lui-même, était bon ? « Dites que
l'arbre est bon et que son fruit est bon, ou dites que l'arbre est
mauvais et que son fruit est mauvais, car on connaît l'arbre à
son fruit. » En des termes enflammés qui
condamnaient ouvertement, il poursuivit : « Races de
vipères, comment pourriez-vous dire de bonnes choses, mauvais
comme vous l'êtes ? Car c'est de l'abondance du cœur
que la bouche parle. » Les vérités qu'il
avait exprimées si clairement montraient nettement que les
paroles accusatrices sortaient de cœurs remplis de trésors
mauvais. En outre, il leur montra que leurs paroles n'étaient
pas seulement méchantes mais également insensées,
creuses et vaines, et par conséquent doublement pécheresses.
Une autre déclaration péremptoire suivit : « Je
vous le dis : au jour du jugement, les hommes rendront compte de
toute parole vaine, qu'ils auront proférée. »
LES
CHERCHEURS DE MIRACLES [50]
La
leçon du Maître, bien que renforcée par des
illustrations et des analogies, par une application directe et par un
aveu péremptoire, tomba dans des oreilles qui étaient
pratiquement sourdes à la vérité spirituelle ;
elle ne trouva aucune place dans des cœurs déjà
remplis de mal. À la profonde sagesse et à
l'enseignement sauveur de la parole de Dieu qu'ils avaient entendues,
ils répondirent par une question désinvolte :
« Maître, nous voudrions voir un signe de ta part. »
N'avaient-ils pas déjà vu des signes en abondance ?
Les aveugles et les sourds, les muets et les infirmes, les paralysés
et les hydropiques et des gens affligés de toutes sortes de
maladies n'avaient-ils pas été guéris dans leurs
maisons, dans leurs rues et dans leurs synagogues ? Les démons
n'avaient-ils pas été chassés et leurs paroles
perverses réduites au silence par sa parole ? Et les
morts n'avaient-ils pas été ressuscités, et tout
cela par celui qu'ils importunaient pour qu'il leur donnât un
miracle ? Ils voulaient faire accomplir un prodige étonnant
pour satisfaire la curiosité ou peut-être pour leur
donner une autre excuse d'agir contre lui : ils voulaient des
miracles pour repaître leurs désirs [51]. Il n'est
guère étonnant qu'il soupirât « profondément
en son esprit » lorsqu'on lui adressait pareilles
demandes [52]. Il répondit aux scribes et aux Pharisiens
qui avaient montré si peu d'attention à ses paroles :
« Une génération mauvaise et adultère [53]
recherche un signe ; il ne lui sera donné d'autre signe
que celui du prophète Jonas. »
Le
signe du prophète Jonas fut que pendant trois jours il avait
été dans le ventre du poisson et que la liberté
lui avait été ensuite rendue ; c'est ainsi que le
Fils de l'Homme serait emmuré dans la tombe, après quoi
il ressusciterait. Ce serait le seul signe qu'il leur donnerait, et
c'est celui-là qui les condamnerait. Les hommes de Ninive se
dresseraient pour les juger, eux et leur génération,
car, aussi méchants qu'ils eussent été, ils
s'étaient repentis lorsque Jonas leur prêcha ; et
voici, il y avait parmi eux quelqu'un de plus grand que Jonas [54].
La reine de Saba se dresserait pour les juger, car elle avait fait un
long voyage pour profiter de la sagesse de Salomon ; et voici,
quelqu'un de plus grand que Salomon se trouvait parmi eux [55].
Puis,
revenant sur la question des esprits impurs et mauvais, à
propos desquels ils avaient répandu l'accusation qu'il était
l'un de ceux qui appartenaient au diable, il leur dit que lorsqu'un
démon est chassé, il essaie, après une période
de solitude, de rentrer dans la maison ou dans le corps dont il a été
expulsé ; et, voyant que cette maison est en ordre, belle
et pure depuis que sa malpropre personne a été forcée
de l'évacuer, il appelle d'autres esprits plus méchants
que lui, et ils prennent possession de l'homme, et rendent son état
pire qu'il n'était au commencement [56]. Cet exemple
singulier décrit l'état de ceux qui ont reçu la
vérité et ont été, grâce à
elle, libérés des influences impures de l'erreur et du
péché, de sorte qu'ils sont, en esprit et en corps,
comme une maison balayée, ornée et mise proprement en
ordre mais qui renoncent par la suite au bien, ouvrent leur âme
aux démons du mensonge et de la tromperie et deviennent plus
corrompus qu'auparavant. « Il en sera de même, dit
le Seigneur, pour cette génération mauvaise. »
Bien
que la plupart des scribes et les Pharisiens ne fussent pas
convaincus, et peut-être même pas vraiment impressionnés
par ses enseignements, le Seigneur ne manquait pas entièrement
d'auditeurs qui l'appréciaient. Une femme du groupe éleva
la voix, invoquant des bénédictions sur la mère
qui avait donné naissance à pareil Fils, et sur les
mamelles qui l'avaient allaité. Sans rejeter cet éloge
déférent qui s'appliquait tant à la mère
qu'au Fils, Jésus répondit : « Heureux
plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la
gardent [57] ! »
LA
MÈRE ET LES FRÈRES DU CHRIST VIENNENT LE VOIR [58]
Tandis
que Jésus était engagé avec les scribes et les
Pharisiens, et un grand nombre d'autres personnes, peut-être à
la fin ou vers la fin des enseignements que nous venons d'examiner,
on lui fit passer la nouvelle que sa mère et ses frères
étaient présents et désiraient lui parler.
C'était à cause de la foule qu'il leur avait été
impossible de parvenir à son côté. Se servant de
cet événement pour faire comprendre à tous que
son œuvre avait priorité sur les exigences de la famille
et de la parenté, et expliquant par là qu'il ne pouvait
rencontrer sa famille à ce moment-là, il demanda :
« Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? »
Répondant à sa propre question et exprimant dans la
réponse sa pensée profonde, il dit montrant ses
disciples : « Voici ma mère et mes frères.
En effet, quiconque fait la volonté de mon Père qui est
dans les cieux, celui-là est mon frère et ma sœur
et ma mère. »
Cet
incident rappelle la réponse qu'il fit à sa mère,
lorsque Joseph et elle le découvrirent au temple après
leurs longues recherches angoissées : « Pourquoi
me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je
m'occupe des affaires de mon Père [59] ? »
C'est de ces affaires qu'il s'occupait lorsque sa mère et ses
frères voulurent lui parler tandis qu'il était assis au
milieu de la foule. Les exigences supérieures de l'œuvre
de son Père l'obligeaient à différer toutes les
questions secondaires. Rien ne justifie qu'on interprète ces
remarques comme une preuve de manque de respect, et encore moins de
déloyauté filiale et familiale. Il exigeait une
dévotion semblable, du moins du même genre, des apôtres
qui étaient appelés à consacrer sans réserve
leur temps et leurs talents au ministère [60]. Le but
dans lequel les parents de Jésus étaient venus le voir
ne nous est pas révélé ; nous pouvons par
conséquent en déduire qu'il n'avait pas grande
importance au-delà du cercle familial [61].
[1]
Mt 7:29 ; cf. Lc 4:32, Jn 7:46.
[2]
Lc 7:11 ; cf. Mt 8:5-13.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Jn 4:46-53, voir chap. 13 du présent ouvrage.
[5]
Note 2, fin du chapitre.
[6]
Mt 8:11,12 ; voir aussi Lc 13:28,29 ; cf. Ac 10:45.
[7]
Lc 7:11-17.
[8]
Note 3, fin du chapitre.
[9]
Mt 8:17 ; cf. Es 53:4.
[10]
Lc 20:36, 38 ; cf. Ac 10:42, 2 Tm 4:1 ; 1 P 4:5 ; Rm
14:9.
[11]
Mt 4:12 ; Mc 1:14 ; Lc 3:19,20 ; voir note 2, chap. 9
du présent ouvrage, et note 4, fin de ce chapitre.
[12]
Note 5, fin du chapitre.
[13]
Mc 6:17-20.
[14]
Mt 14:5.
[15]
Mt 11:2. Noter qu'une liberté semblable fut accordée à
Paul en prison, Ac 24:23.
[16]
Lc 7:18 ; Mt 11:2.
[17]
Mt 11: 2-6 ; Lc 7:18-23.
[18]
Es 35:5,6.
[19]
Mt 3:3 ; cf. Es 40:3, Mt 3:7 ; cf. Es 59:5 ; Lc 3:6 ;
cf. Es 52:10.
[20]
Mt 13:57, 24:10, 26:31 ; Mc 6:3, 14:27 ; jn 6:61. Note 6,
fin du chapitre.
[21]
Jn 3:30.
[22]
Noter que Jésus décrit les souffrances de Jean en
prison comme partiellement comparables à celles qu'il devrait
endurer lui-même, en ce qu'ils traitèrent Jean « comme
ils l'ont voulu » (Mt 17:12 ; Mc 9:13).
[23]
Luc 7:24-30 ; voir aussi Mt 11:7-14 ; comparer le
témoignage que le Christ rendit de Jean-Baptiste à
Jérusalem, Jn 5:33-35.
[24]
Lc 7:28 ; voir note 7, fin du chapitre.
[25]
Mt 11:12-15 ; cf. 17:12 ; Lc 1:17.
[26]
Note 8, fin du chapitre.
[27]
Mt 3:7 ; Lc 7:30.
[28]
Mt 11:20-24 ; cf. Lc 10:13-15.
[29]
Mt 11:25-27 ; cf. Lc 10:21,22.
[30]
Mt 11: 28-30.
[31]
Mc 6:21-29.
[32]
Mc 6:14-16.
[33]
Articles de Foi, p. 232-233 et le chapitre 41, infra.
[34]
Lc 7:36 ; voir en outre versets 37-50.
[35]
Note 9, fin du chapitre.
[36]
2 S 12:1-7.
[37]
Mt 9:2-6 ; Mc 2:5-7 ; Chap. 14 du présent ouvrage.
[38]
Mt 26:6, 7 ; Mc 14:3 ; Jn 11:2.
[39]
Note 10, fin du chapitre.
[40]
Lc 8:1-3.
[41]
Mt 27:55, 56, 61 ; 28:1,5 ; Mc 15:40, 47 ; 16:1,9 ;
Lc 23:49, 55 ; 24:10,22 ; Jn 19:25, 20:1, 13, 18.
[42]
Mc 16:9 ; Lc 8:2.
[43]
Mt 12:24, 25 ; cf. 9:33, 34 ; voir aussi Mc 3:22-30 ;
Lc 11:14-26.
[44]
Mt 9:34.
[45]
Mt 9:35.
[46]
Mt 12:14-15.
[47]
Mt 12:17-20 ; cf. Es 42:1.
[48]
Mt 12:22,23.
[49]
Note 11, fin du chapitre.
[50]
Mt 12:38-45 ; cf. 16:1 ; Mc 8:11 ; Lc 11:16,29 ;
Jn 2:18 ; 1 Co 1:22.
[51]
D&A 46:9 ; cf. 63:7-12.
[52]
Marc 8:12.
[53]
Note 12, fin du chapitre.
[54]
Jn chap. 1-4.
[55]
1 R 10:1, 2 Ch 9:1 ; cf. Lc 11:31.
[56]
Mt 12:43-45 ; Lc 11:24-26.
[57]
Lc 11:27,28.
[58]
Mt 12:46-50 ; Mc 3:31-35 ; Lc 8:19-21.
[59]
Lc 2:49. Chap. 9 du présent ouvrage.
[60]
Mt 10:37 ; cf. Lc 14:26.
[61]
Note 13, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 18
1.
Les deux récits du miracle : Dans le commentaire sur la
guérison miraculeuse du serviteur du centurion donné
dans le texte, nous avons suivi en grande partie le récit plus
détaillé de Luc. Dans le bref récit que Matthieu
fait de la demande de l'officier et de la réponse gracieuse du
Seigneur, nous voyons l'homme s'adresser en personne à Jésus ;
tandis que Luc dit que c'étaient les anciens de la synagogue
locale qui présentaient la requête. Il n'y a pas ici de
divergence réelle. Il était permis alors, comme ce
l'est aujourd'hui, de parler de quelqu'un qui fait faire quelque
chose comme s'il faisait cette chose lui-même. Il est correct
de dire que l'on avertit quelqu'un d'autre, alors qu'on envoie
l'avertissement par un tiers. Un homme peut dire qu'il s'est
construit une maison, alors qu'en réalité ce sont
d'autres qui ont accompli le travail de construction à sa
demande. Un architecte peut dire à juste titre qu'il a
construit un bâtiment alors qu'en réalité il en a
fait les plans et a dirigé d'autres personnes qui ont, elles,
élevé l'édifice.
2.
Jésus s'étonna : Matthieu et Luc disent tous deux
que Jésus s'étonna de la foi montrée par le
centurion, qui pria pour que son serviteur bien-aimé fût
guéri (Mt 8:10, Lc 7:9). Certains ont demandé comment
le Christ, qu'ils considèrent avoir été
omniscient au cours de sa vie dans la chair, a pu s'étonner de
quoi que ce soit. Le sens du passage est évident :
lorsque la foi du centurion fut soumise à son attention, il
réfléchit et le contempla, probablement parce qu'il
formait un contraste agréable avec l'absence de foi qu'il
rencontrait si généralement. D'une manière
similaire, bien qu'il se soit agi là de chagrin au lieu de
joie, on dit qu'il s'étonna de l'incrédulité du
peuple (Mc 6:6).
3.
Ordre des résurrections miraculeuses : Comme nous l'avons
déclaré et répété dans le texte,
la chronologie des événements du ministère de
notre Seigneur tels que les rapportent les évangélistes
est incertaine. Les livres écrits à ce propos
contiennent beaucoup de controverses et montrent que les savants
bibliques sont loin d'être d'accord. Trois cas de résurrection
miraculeuse sur un mot de Jésus nous sont rapportés :
la résurrection du fils de la veuve de Naïn, la
résurrection de la fille de Jaïrus et la résurrection
de Lazare ; et l'on n'est pas d'accord quant à la
succession de deux d'entre eux. Le fait qu'on a placé la
résurrection de Lazare en dernière position est
naturellement basé sur une certitude. Le Dr Richard C. Trench,
dans ses savantes et très précieuses Notes on the
Miracles of our Lord, affirme nettement que la résurrection de
la fille de Jaïrus est la première des trois oeuvres de
résurrection. Le Dr John Laidlaw, dans The Miracles of our
Lord, traite ce miracle, qui est le premier de son espèce,
sans affirmer s'il vient chronologiquement en premier lieu ;
beaucoup d'autres écrivains en font le deuxième des
trois. La raison pour laquelle on a arrangé les trois miracles
de ce groupe dans l'ordre indiqué peut résider dans le
désir de les présenter dans l'ordre croissant de
grandeur apparente : la résurrection de la jeune fille
étant un exemple dans lequel était rappelée à
la vie une personne qui venait de mourir (« à peine
décédée » suivant la description que
font certains, à tort, de son état), la résurrection
du jeune homme de Naïn étant le rétablissement de
quelqu'un qui était sur le chemin du tombeau, et la
résurrection de Lazare un exemple du rappel à la vie de
quelqu'un qui avait séjourné quatre jours au sépulcre.
Nous ne pouvons concevoir logiquement que ces cas offraient des
degrés de difficulté plus ou moins grande à la
puissance du Christ ; dans chaque cas la parole de son autorité
suffit pour réunir l'esprit et le corps du mort. Luc, le seul
qui rapporte le miracle de Naïn, place cet événement
avant celui de la résurrection de la fille de Jaïrus et
intercale un grand nombre d'incidents entre les deux événements.
La grande majorité des preuves est en faveur de l'ordre que
nous avons suivi dans ce livre pour les trois miracles : 1) La
résurrection du jeune homme de Naïn, 2) celle de la jeune
fille de Jaïrus et 3) celle de Lazare.
4.
Tétrarque : Ce titre, par dérivation du terme et
tel qu'il était utilisé originellement, était
appliqué au gouverneur d'un quart, ou d'une des quatre
divisions d'une région qui avait été
précédemment un seul pays. Il désigna plus tard
tout gouverneur d'une partie d'un pays divisé, quel que fût
le nombre ou l'étendue des fractions. Hérode Antipas
est appelé explicitement le tétrarque dans Mt 14: 1, Lc
3:1, 19, 9:7, et Ac 13:1, et est appelé roi dans Mt 14:9, Mc
6:14, 22, 25, 26.
5.
Machaerus : Selon l'historien Josèphe (Antiquités
XVIII, 5:2), la prison dans laquelle Jean-Baptiste fut enfermé
par Hérode Antipas était la puissante forteresse de
Machaerus.
6.
Le Christ, pierre d'achoppement pour beaucoup : La dernière
partie du message que notre Seigneur adressa au Baptiste emprisonné
en réponse à la question de ce dernier, était :
« Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de
chute ! » Il peut être bon d'observer en
passant que quels qu'aient été le reproche ou la
réprimande impliqués par ces paroles, la leçon
fut donnée de la manière la plus douce et sous la forme
la plus aisée à comprendre. Comme Deems l'écrit :
« Au lieu de dire ‘Malheur à celui pour qui
je serai une occasion de chute’, il exprima sa pensée
d'une manière plus douce ‘Heureux celui pour qui je ne
serai pas une occasion de chute.’ » Dans notre
version anglaise de la Sainte Bible [qui rend les paroles du
Christ comme suit : « Béni celui qui n'est pas
offensé en moi », ndt] le mot « offensé »
et les mots qui lui sont apparentés sont utilisés en
lieu et place de plusieurs expressions différentes que l'on
trouve dans le grec original. C'est ainsi que les infractions
ouvertes à la loi, le péché et la méchanceté
en général sont appelés offenses, et ceux qui
s'en rendent coupables sont des offenseurs qui méritent d'être
châtiés. Dans d'autres cas, même les oeuvres de
justice constituent des causes d'offenses pour les méchants ;
mais il en est ainsi, non pas parce que les bonnes œuvres
étaient d'une manière quelconque des offenses contre la
loi ou la justice, mais parce que celui qui enfreint la loi s'en
offense. L'homme malhonnête condamné, s'il ne se repent
pas et a toujours l'esprit mauvais, s'offense et se fâche
contre la loi qui l'a fait comparaître : pour lui la loi
est une cause d'offense. Dans un sens très réel,
Jésus-Christ est le plus grand offenseur de l'histoire ;
car tous ceux qui rejettent son Évangile s'en offensent. La
nuit où il fut trahi, Jésus dit aux apôtres
qu'ils seraient offensés à cause de lui [« Je
serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute »,
dans la version Segond, ndt] (Mt 26:31, voir aussi verset 33). Le
ministère personnel du Seigneur offensa non seulement les
Pharisiens et les adversaires ecclésiastiques, mais un grand
nombre de personnes qui avaient professé croire en lui (Jn
6:61, comparez 16:1). Pierre dit de l'Évangile de Jésus-Christ
que c'est « une pierre d'achoppement et un rocher de
scandale. Ils s'y achoppent en désobéissant à la
parole » (1 P 2:8, comparez les paroles de Paul, Rm 9:33).
Béni en effet est celui auprès de qui l'Évangile
est le bienvenu et qui n'y trouve aucune raison de s'offenser.
7.
La grandeur de la mission du Baptiste : Jésus attesta
comme suit la nature exaltée de la mission de Jean-Baptiste :
« En vérité je vous le dis, parmi ceux qui
sont nés de femmes, il ne s'en est pas levé de plus
grand que Jean-Baptiste. Cependant le plus petit dans le royaume des
cieux est plus grand que lui » (Mt 11: 11, comparez Lc
7:28). Expliquant la première partie de ce témoignage,
le prophète Joseph Smith dit, lors d'un sermon qu'il fit le 24
mai 1843 (Hist. of the Church, sous la date citée) : « Ce
ne pouvait être à cause des miracles que Jean accomplit,
car il n'accomplit aucun miracle, mais c'était - premièrement,
parce qu'il avait reçu la mission divine de préparer la
voie devant la face du Seigneur. À qui fut confiée
pareille mission avant ou après ? À aucun homme.
Deuxièmement, il lui fut confié, et cela fut requis de
lui, de baptiser le Fils de l'Homme. Qui fit jamais chose pareille ?
Qui eut jamais un privilège ou une gloire si grande ? Qui
conduisit jamais le Fils de Dieu dans les eaux du baptême,
voyant le Saint-Esprit descendre sur lui sous le signe d'une
colombe ? Personne. Troisièmement, à l'époque,
Jean était le seul administrateur légal sur terre à
détenir les clefs de l'autorité. Les clefs, le royaume,
l'autorité, la gloire avaient quitté les juifs ;
et jean, fils de Zacharie, en vertu de la sainte onction et du décret
du ciel, détenait les clefs de l'autorité à
cette époque. »
La
dernière partie de la déclaration de notre Seigneur :
« Cependant, le plus petit dans le royaume des cieux est
plus grand que lui » (Jean) a provoqué des
interprétations et des commentaires divers. Le vrai sens
pourrait être que quelque éminente qu'ait pu être
la distinction de Jean parmi les prophètes, il n'avait pas
appris, à l'époque de l'incident que nous étudions,
tout l'objet de la mission du Messie, et cela il devrait sûrement
l'apprendre avant de pouvoir être admis dans le royaume des
cieux ; c'est pourquoi, le plus petit de ceux qui, par la
connaissance acquise et l'obéissance manifestée, se
seraient préparés à une place dans le royaume
que Jésus enseignait, était plus grand que ne l'était
Jean-Baptiste à l'époque. Par l'inspiration moderne
nous apprenons qu'« il est impossible à un homme
d'être sauvé dans l'ignorance » (D&A
131:6) et que « la gloire de Dieu c'est l'intelligence ou,
en d'autres termes, la lumière et la vérité »
(D&A 93:36). La question du Baptiste montrait qu'il manquait
alors de connaissance, était imparfaitement éclairé
et incapable de comprendre la vérité tout entière
sur la mort à laquelle le Sauveur était destiné
et sa résurrection en tant que Rédempteur du monde.
Mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que Jésus ne
laissa aucunement entendre que Jean resterait inférieur au
plus petit dans le royaume des cieux. En acquérant davantage
de connaissance sur les vérités capitales du royaume et
en s'y soumettant, il avancerait certainement et deviendrait grand
dans le royaume des cieux comme il était grand parmi les
prophètes de la terre.
8.
Jean-Baptiste, l'Élie qui devait venir : Du temps du
Christ le peuple était attaché à la croyance
traditionnelle que l'ancien prophète Élie devait
revenir en personne. Concernant cette tradition, le Commentary, de
Dummelow, dit, à propos de Matthieu 11:14: « On
supposait que son activité particulière [Élie]
consisterait à régler les questions, les doutes et les
difficultés cérémonielles et rituelles et qu'il
rendrait à Israël 1) le vase d'or de la manne, 2) le vase
contenant l'huile pour les onctions, 3) le vase contenant les eaux de
la purification, 4) la verge d'Aaron qui bourgeonna et porta des
fruits. » Cette croyance ne se basait sur aucune
affirmation scripturaire. Que Jean devait aller devant le Messie dans
l'esprit et avec la puissance d'Élias, c'est ce que déclara
l'ange Gabriel dans son annonciation à Zacharie (Lc 1:17) ;
et notre Seigneur expliqua clairement que Jean était l'Élias
prédit. « Élias » est à la
foi un nom et le titre d'un office. La révélation
moderne nous apprend qu'Élias et Élie sont des
individus séparés, dont chacun apparut en personne et
remit à des prophètes modernes les pouvoirs
particuliers appartenant à leur office respectif (D&A
110:12,13). Nous apprenons que l'office d'Élias est celui du
rétablissement (D&A 27:6,7, 76: 100 ; 77:9,14). En
date du 10 mars 1844, le témoignage suivant du prophète
Joseph Smith est rapporté (Hist. of the Church) :
« L'esprit
d'Élias a pour but de préparer la voie à une
révélation plus grande de Dieu, c'est la prêtrise
d'Élias, ou la prêtrise à laquelle Aaron fut
ordonné. Et lorsque Dieu envoie un homme dans le monde pour
préparer une oeuvre plus grande, détenant les clefs du
pouvoir d'Élias, c'est ce qui a été appelé
la doctrine d'Élias dès les premiers temps du monde.
« La
mission de Jean se limitait à prêcher et à
baptiser ; mais ce qu'il faisait était légitime ;
lorsque Jésus-Christ rencontrait les disciples de Jean, il les
baptisait de feu et du Saint-Esprit.
« Nous
trouvons les apôtres dotés d'une puissance plus grande
que Jean. Leur office se trouvait davantage dans l'esprit et la
puissance d'Élie que d'Élias.
« Dans
le cas de Philippe, lorsqu'il descendit en Samarie, alors qu'il était
sous l'esprit d'Élias, il baptisa les hommes aussi bien que
les femmes. Lorsque Pierre et Jean apprirent cette nouvelle, ils
descendirent tous deux et leur imposèrent les mains, et ils
reçurent le Saint-Esprit. Cela montre la distinction entre les
deux puissances.
« Lorsque
Paul rencontra certains disciples, il demanda s'ils avaient reçu
le Saint-Esprit ? Ils dirent : Non. Qui vous a baptisés
alors ? Nous fûmes baptisés du baptême de
Jean. Non, vous n'avez pas été baptisés du
baptême de Jean, sinon vous auriez été baptisés
par Jean. C'est pourquoi Paul alla les baptiser, car il savait ce
qu'était la doctrine vraie, et il savait que Jean ne les avait
pas baptisés. Et il me semble étrange que des hommes
qui ont lu les Écritures du Nouveau Testament en soient si
éloignés.
« Ce
que je veux vous faire saisir est la différence de puissance
qui existe dans les différentes parties de la prêtrise,
de sorte que lorsqu'un homme viendra parmi vous en disant :
‘J'ai l'esprit d'Élias’, vous sachiez s'il dit la
vérité ou non ; car si un homme quelconque vient
avec l'esprit et la puissance d'Élias, il ne dépassera
pas les limites qui lui sont fixées.
« Jean
ne dépassa pas les limites qui lui étaient fixées
mais accomplit fidèlement le rôle qui incombait à
son office ; et toute partie du grand bâtiment doit être
préparée convenablement et placée à
l'endroit qui convient ; et il est nécessaire de savoir
qui détient les clefs de la puissance et qui ne les détient
pas, sinon il est vraisemblable que l'on nous trompera.
« La
personne qui détient les clefs d'Élias a une oeuvre
préparatoire.
« Tel
est l'Élias dont il est parlé dans les derniers jours,
et telle est la pierre sur laquelle beaucoup trébuchent,
pensant que ce temps était passé à l'époque
de Jean et du Christ et ne devait plus être. Mais l'esprit
d'Élias m'a été révélé, et
je sais qu'il est vrai ; c'est pourquoi je parle avec hardiesse,
car je sais en vérité que ma doctrine est vraie. »
9.
À la table du Pharisien : L'expression « se
mit à table » comme dans Lc 7:36 et dans d'autres
exemples est considérée par de bonnes autorités
comme un contresens ; on devrait la rendre par « se
coucha » ou « s'étendit »
(voir le Comp. Dict. of the Bible, de Smith, article « Meals »).
Nous ne mettons pas en doute le fait que la position assise ait été
la position des anciens Hébreux (Gn 27:19, Jude 19:6, 1 S
16:11, 20:5, 18, 24 ; 1 R 13:20) ; mais la coutume de
s'étendre sur des lits placés autour des tables semble
remonter à une époque très antérieure à
Jésus (Am 3:12, 6:4). L'usage romain, qui consistait à
arranger les tables et les lits contigus sur trois côtés
d'un carré, laissant le quatrième côté
ouvert pour laisser passer les domestiques qui servaient les repas,
était commun en Palestine. Les tables et les lits placés
de cette manière constituaient le triclinium. À propos
du cérémonial des Pharisiens prescrivant que les
articles utilisés pour le repas devaient être lavés,
Mc (7:4) spécifie des « tables » [dans
la version anglaise, ndt ] ; on considère ce terme comme
un contresens, car l'expression grecque indique des couches ou
littéralement des lits (voir lecture marginale, « beds »
dans la Bible d'Oxford et d'autres). Une personne couchée à
table aurait les pieds dirigés vers l'extérieur. Il
était donc facile à la femme contrite de s'approcher de
Jésus par derrière et d'oindre ses pieds sans déranger
les autres à table.
10.
L'identité de la femme n'est pas donnée : Le fait
d'essayer d'identifier la pécheresse contrite qui oignit les
pieds de Jésus dans la maison de Simon le Pharisien avec Marie
de Béthanie est fortement condamné par Farrar, de la
manière suivante (p. 228, note) : « Ceux qui
identifient cette fête de la maison de Simon le Pharisien, en
Galilée, avec la fête qui se déroula beaucoup
plus tard dans la maison de Simon le lépreux, à
Béthanie, et l'onction des pieds par une pécheresse de
la ville, avec l'onction de la tête par Marie, sœur de
Marthe, adoptent des principes de critique tellement osés et
arbitraires que les accepter d'une manière générale
enlèverait aux évangiles toute crédibilité
et ne les rendrait guère dignes d'être étudiés
comme des récits authentiques. Pour ce qui est des noms de
Simon et de Judas, qui ont conduit à identifier tant de
personnes différentes et d'incidents différents, ils
étaient au moins aussi communs parmi les Juifs de l'époque
que Dupont et Durand parmi nous. Il y a cinq ou six Jude [ou
Judas, ndt] et neuf Simon dans le Nouveau Testament, et deux Jude [ou
Judas, ndt] et deux Simon rien que parmi les apôtres. Josèphe
parle d'une dizaine de Jude et de vingt Simon dans ses écrits,
et il doit par conséquent y avoir eu des milliers d'autres
hommes qui portaient à l'époque l'un de ces deux noms.
L'incident (de l'onction avec du parfum) est tout à fait
conforme aux coutumes de l'époque et de ce pays, et il n'est
pas du tout improbable qu'il ait pu se répéter en des
circonstances différentes (Ec 9:8, Ct 4:10, Am 6:6). La
coutume existe encore. »
Le
savant chanoine est pleinement justifié dans sa vigoureuse
critique ; néanmoins il confirme l'identification
communément acceptée de la femme mentionnée à
propos du repas chez Simon le Pharisien avec Marie-Madeleine, tout en
admettant que la base de cette identification supposée est
« une tradition antique - régnant surtout dans
l'Église d'occident, et suivie par la traduction de notre
version anglaise » (p. 233). Comme le rapporte notre
texte, nous ne possédons absolument aucun élément
digne de confiance laissant croire que Marie-Madeleine ait jamais été
souillée du péché dont la femme repentante chez
le Pharisien fut si gracieusement pardonnée par notre
Seigneur.
11.
Le péché impardonnable : La nature du terrible
péché contre le Saint-Esprit, contre lequel le Seigneur
avertit les accusateurs pharisaïques qui cherchaient à
attribuer sa puissance divine à Satan, est expliquée
d'une manière plus complète et ses résultats
effroyables sont exposés d'une manière plus explicite
dans la révélation moderne. Le Tout-Puissant a dit à
leur sujet et au sujet de leur sort terrible : « Je
déclare qu'il aurait mieux valu pour eux qu'ils ne fussent
jamais nés ; car ils sont des vases de colère,
condamnés à subir la colère de Dieu dans
l'éternité avec le diable et ses anges ; à
propos desquels j'ai dit qu'il n'y a pas de pardon dans ce monde ni
dans le monde à venir... Ils s'en iront au châtiment
perpétuel, qui est le châtiment sans fin, qui est le
châtiment éternel, pour régner avec le diable et
ses anges pour l'éternité, là où leur ver
ne meurt pas, là où le feu ne s'éteint pas, ce
qui est leur tourment - et nul n'en connaît la fin, ni le lieu,
ni leur tourment. Et cela n'a pas été révélé
à l'homme, ne l'est pas et ne le sera jamais, si ce n'est à
ceux qui y sont condamnés. Néanmoins, moi, le Seigneur,
je le montre en vision à beaucoup, mais je la referme
immédiatement ; c'est pourquoi, ils n'en comprennent pas
la fin, la largeur, la hauteur, la profondeur et la misère, ni
personne, si ce n'est ceux qui sont destinés à cette
condamnation » (D&A 76:32-48 ; voir aussi Hé
6:4-6 ; LM, Al 39:6.)
12.
Une génération adultère cherchant des miracles :
La réponse de notre Seigneur à ceux qui réclamaient
à grands cris un miracle, qu'« une génération
mauvaise et adultère recherche un signe » (Mt
12:39 ; voir aussi 16:4, Mc 8:38) ne pouvait être
interprétée par les Juifs que comme un reproche
suprême. Ils savaient tous que le terme descriptif « adultère »
s'appliquait littéralement à l'immoralité
généralisée de l'époque. Adam Clarke,
dans son commentaire sur Mt 12:39, dit de cet aspect de notre sujet :
« Leurs écrits [des Juifs] prouvent
formellement qu'à l'époque de notre Seigneur, ils
étaient d'une manière absolument littérale une
race de gens adultères ; car à ce moment même,
Rabbi Jachanan ben Zacchi abrogeait l'épreuve par les eaux
amères de la jalousie, parce que de cette manière on en
trouvait tant qui étaient coupables de ce genre de crime. »
On trouvera dans Nb 5:11-31 les renseignements sur l'épreuve
des accusés par les eaux amères. Bien que Jésus
appelât adultère la génération dans
laquelle il vivait, il n'est écrit nulle part que les
dirigeants juifs qui, en demandant un miracle, avaient fourni
l'occasion de cette accusation, se soient aventurés à
nier ou se soient efforcés de réfuter cette accusation.
Le péché d'adultère comptait parmi les péchés
capitaux (Dt 22:22-25). La sévérité de
l'accusation appliquée par Jésus fut cependant
intensifiée par le fait que les Écritures anciennes
représentent l'alliance entre Jéhovah et Israël
comme un serment de mariage (Es 54:5-7, Jr 3:14,31:32 ; Os
2:19,20) ; de même que les Écritures ultérieures
comparent l'Église à une épouse, et le Christ à
l'époux (2 Co 11:2, comparez Ap 21:2). Être
spirituellement adultère, ainsi que les rabbis comprenaient
les paroles des prophètes, c'était trahir l'alliance
par laquelle les nations juives prétendaient se distinguer
comme adoratrices de Jéhovah, et être entièrement
apostat et réprouvé. Condamnés par une pareille
accusation, ces Pharisiens et ces scribes qui cherchaient des
miracles comprirent que Jésus les considérait comme
pires que les païens idolâtres. Les mots « adultère »
et « idolâtrie » sont d'origine
apparentée, chacun exprimant l'acte d'infidélité
et le fait de s'éloigner pour suivre de faux objets
d'affection ou de culte.
13.
La mère et les frères de Jésus : Par la
tentative de Marie et de quelques membres de sa famille de converser
avec Jésus lors de l'événement dont nous avons
parlé dans le texte, certains écrivains comprennent
qu'elle voulait dire que la mère et les fils étaient
venus protester contre l'énergie et le zèle avec
lesquels Jésus accomplissait son œuvre. En fait,
certains sont allés jusqu'à dire que les membres de la
famille qui venaient lui rendre visite étaient venus pour le
refréner et arrêter, s'ils le pouvaient, la marée
de l'intérêt, de la critique et des offenses populaires
qui montait autour de lui. Le récit scripturaire ne permet
même pas de suggérer la moindre conception de ce genre.
L'objectif de l'entretien demandé n'est pas donné.
Comme nous le montrerons plus loin, il est de fait que certains
membres de la maison de Marie avaient été incapables de
comprendre la grande importance de l'œuvre que Jésus
poursuivait avec tant d'assiduité ; et on nous dit que
certains des membres de sa famille se mirent un jour en route dans le
but de mettre la main sur lui et de faire cesser de force ses
activités publiques, car disaient-ils « il a perdu
le sens » (Mc 3:21) ; en outre nous apprenons que ses
frères ne croyaient pas en lui (Jn 7:5). Cependant ces faits
ne nous autorisent guère à penser que le désir
de Marie et de ses fils de converser avec lui lors de l'événement
dont nous avons parlé ait été autre que
pacifique. Et penser que Marie, sa mère, ait oublié les
scènes merveilleuses de l'annonciation angélique, la
conception miraculeuse, les événements célestes
dont s'accompagna la naissance, la sagesse et la puissance
surhumaines qu'il montra dans sa jeunesse et son âge adulte, au
point de croire que son Fils divin était un enthousiaste
déséquilibré qu'elle devrait refréner,
c'est prendre la responsabilité de commettre une injustice
envers la personne que l'ange Gabriel avait déclarée
bénie entre les femmes et hautement favorisée du
Seigneur.
La
déclaration que les frères de Jésus ne croyaient
pas en lui à l'époque dont parle l'écrivain (Jn
7:5) ne prouve pas que certains de ces mêmes frères ou
même tous ne crurent pas plus tard en leur Frère divin.
Immédiatement après l'ascension du Seigneur, Marie,
mère de Jésus, et ses frères étaient
occupés à adorer et à supplier avec les Onze et
d'autres disciples (Ac 1: 14). Le fait attesté que le Christ
était ressuscité convertit beaucoup de personnes qui
avaient jusqu'alors refusé de l'accepter comme le Fils de
Dieu. Paul rapporte une manifestation particulière du Christ
ressuscité à Jacques (1 Co 15:7), et le Jacques dont il
est question ici peut avoir été la même personne
qui est appelée ailleurs « le frère du
Seigneur » (Ga 1:19 ; comparez Mt 13:55, Mc 6:3). Il
semble que « les frères du Seigneur »
étaient occupés aux travaux du ministère à
l'époque du service actif de Paul (1 Co 9:5). On a jeté
le doute sur les rapports familiaux particuliers de notre Seigneur
avec Jacques, Joseph, Simon, Jude et les sœurs mentionnées
par Mt (13:55, 56) et Mc (6:3) ; et on a inventé
plusieurs théories pour défendre des vues divergentes.
C'est ainsi que l'hypothèse orientale ou épiphanique
prétend, en ne se basant sur rien d'autre qu'une théorie,
que les frères de Jésus étaient enfants de
Joseph de Nazareth et d'une autre femme, et non les enfants de Marie,
mère du Seigneur. La théorie du lévirat suppose
que Joseph de Nazareth et Clopas (ce dernier nom, il est intéressant
de le noter, est considéré comme l'équivalent
d'Alphée, voir note chap. 16) étaient frères ;
et que, après la mort de Clopas ou Alphée, Joseph
épousa la veuve de son frère selon la loi du lévirat
(chap. 31). L'hypothèse hiéronymique est basée
sur la croyance que les personnes appelées frères et
sœurs de Jésus étaient enfants de Clopas (Alphée)
et Marie, sœur de la mère du Seigneur, et par conséquent
cousins de Jésus (voir Mt 27:56 ; Mc 15:40 ; Jn
19:25). Il est raisonnablement hors de doute que Jésus était
considéré par ceux qui connaissaient la famille de
Joseph et de Marie comme proche parent par le sang des autres fils et
filles appartenant au ménage. Si ces autres étaient
enfants de Joseph et de Marie, ils étaient tous cadets de
Jésus, car il était indubitablement le premier-né
de sa mère. L'acceptation de cette parenté entre Jésus
et ses « frères » et « sœurs »
cités par les synoptiques constitue ce que l'on appelle en
théologie le point de vue helvidien.
CHAPITRE
19 : « IL LEUR PARLA EN PARABOLES SUR BEAUCOUP DE
CHOSES »
Pendant
toute la période du ministère du Christ que nous avons
traitée jusqu'à présent, sa réputation
s'était constamment accrue à cause de l'autorité
avec laquelle il parlait et des nombreuses œuvres puissantes
qu'il accomplissait. Sa popularité était devenue telle
que toutes les fois qu'il se déplaçait, de grandes
multitudes le suivaient. À certains moments le peuple
s'attroupait à tel point qu'il l'empêchait de se
mouvoir, certains animés du désir d'en apprendre
davantage sur la nouvelle doctrine, d'autres pour le supplier de leur
accorder le soulagement de maux physiques ou autres ; et il y en
avait beaucoup qui avaient foi que s'ils pouvaient seulement
l'atteindre, ou même toucher le bord de sa robe, ils seraient
guéris [1]. L'un des effets de l'ardeur du peuple, qui le
poussait à se presser et à s'attrouper autour de lui,
fut qu'à certains moments elle rendait tout discours difficile
sinon impossible. Son lieu habituel pour enseigner en plein air
tandis qu'il restait dans le voisinage de la mer ou lac de Galilée
était la rive ; et c'est là que s'attroupaient les
foules pour l'entendre. Sur sa demande les disciples avaient amené
une « petite barque » qui était tenue
prête sur le rivage [2], et il avait l'habitude de
s'asseoir dans le bateau à une courte distance du rivage et de
prêcher au peuple comme il l'avait fait lorsque, dans les
premiers jours, il appela les pêcheurs élus à
quitter leurs filets et à le suivre [3].
Lors
d'une occasion de ce genre il employa un moyen d'instruction qui,
jusque là, n'avait pas caractérisé son
enseignement ; celui-ci consistait à utiliser des
paraboles [4] ou des histoires simples pour illustrer ses
enseignements. Nous allons maintenant examiner brièvement
quelques-unes d'entre elles, dans l'ordre le plus avantageux pour les
traiter, et, pour autant que nous le sachions, dans ce qui a pu être
l'ordre dans lequel elles furent données.
« UN
SEMEUR SORTIT POUR SEMER »
La
première dans l'ordre est la parabole du semeur. C'est un
exemple splendide des paraboles de notre Seigneur en général ;
elle est particulièrement précieuse pour sa grande
valeur intrinsèque et parce que nous en possédons
l'interprétation complète par l'Auteur divin. Voici
l'histoire :
« Le
semeur sortit pour semer. Comme il semait, quelques (grains)
tombèrent le long du chemin ; les oiseaux vinrent et les
mangèrent. D'autres tombèrent dans les endroits
pierreux, où ils n'avaient pas beaucoup de terre : ils
levèrent aussitôt, parce qu'ils ne trouvèrent pas
une terre profonde ; mais, quand le soleil se leva, ils furent
brûlés et séchèrent faute de racines.
D'autres tombèrent parmi les épines : les épines
montèrent et les étouffèrent. D'autres tombèrent
dans la bonne terre : ils donnèrent du fruit, un (grain)
cent, un autre soixante, un autre trente. Que celui qui a des
oreilles entende [5] ! »
Cette
nouvelle méthode d'enseignement, cet abandon de la première
méthode du Maître qui était de faire des exposés
de doctrine, poussa même les plus dévoués des
disciples à s'étonner. Les Douze et quelques autres
vinrent trouver Jésus lorsqu'il était isolé de
la multitude et lui demandèrent pourquoi il avait parlé
de cette manière au peuple, et quel était le sens de
cette parabole en particulier. Nous allons examiner maintenant la
réponse de notre Seigneur à la première partie
de la question ; pour ce qui est de la seconde, il demande :
« Vous ne comprenez pas cette parabole ; comment donc
comprendrez-vous toutes les (autres) paraboles [6] ? »
Il indiquait ainsi la simplicité de cette première
parabole, en même temps que son caractère typique et
fondamental, et fit comprendre en même temps que d'autres
paraboles suivraient dans le cours de son enseignement. Puis il en
donna l'interprétation :
« Vous
donc, écoutez (ce que signifie) la parabole du semeur.
Lorsqu'un homme écoute la parole du royaume et ne la comprend
pas, le Malin vient et enlève ce qui a été semé
dans son cœur : c'est celui qui a reçu la semence
le long du chemin. Celui qui a reçu la semence dans les
endroits pierreux, c'est celui qui entend la parole et la reçoit
aussitôt avec joie, mais il n'a pas de racine en lui-même,
il est l'homme d'un moment et, dès que survient une
tribulation ou une persécution à cause de la parole, il
y trouve une occasion de chute. Celui qui a reçu la semence
parmi les épines, c'est celui qui entend la parole mais en qui
les soucis du monde et la séduction des richesses étouffent
la parole et la rendent infructueuse. Celui qui a reçu la
semence dans la bonne terre, c'est celui qui entend la parole et la
comprend ; il porte du fruit et un (grain) en donne cent, un
autre soixante et un autre trente » [7].
Il
peut paraître superflu de donner davantage d'explications ;
cependant il peut être à propos de donner quelques
indications quant à l'application individuelle des leçons
qui y sont contenues. Remarquez que le trait saillant de l'histoire,
c'est l'état préparé ou non préparé
du terrain. La semence était la même, qu'elle tombât
sur du bon terrain ou du mauvais, sur une argile friable ou parmi les
pierres et les ronces. La méthode primitive des semis, qui fut
encore poursuivie de nombreux siècles plus tard, consistait en
ce que le semeur lançait le grain à poignées,
face au vent, ce qui assurait un grand éparpillement. Les
champs galiléens étaient traversés de sentiers
battus par les pieds des hommes et des animaux. Bien que le grain pût
tomber sur ces chemins, il ne pouvait pousser ; les oiseaux
picoraient les graines vivantes posées sans racines et non
couvertes, et certaines d'entre elles étaient écrasées
et foulées aux pieds. Il en va de même pour la semence
de la vérité tombant sur le cœur endurci ;
ordinairement elle ne peut pas prendre racine, et Satan, comme un
corbeau maraudeur, l'emporte de crainte que par hasard une graine ne
trouve une fente dans le sol piétiné, n'envoie sa
petite racine et ne puisse éventuellement se développer.
La
semence tombant dans une terre plus profonde reposant sur une couche
de pierres non brisées ou une carapace calcaire peut prendre
racine et prospérer pendant un court laps de temps ; mais
lorsque, en descendant, les petites racines atteignent la couche
impénétrable, elles se recroquevillent et la plante se
fane et meurt, car les sucs nutritifs sont insuffisants lorsque la
terre n'est pas profonde [8]. Il en est de même pour
l'homme dont l'ardeur n'est que superficielle, dont l'énergie
cesse lorsqu'il rencontre des obstacles ou lorsqu'il doit affronter
une opposition ; bien qu'il manifeste de l'enthousiasme pendant
un certain temps, la persécution le détourne ; il
est offensé et n'endure pas. La graine semée où
les ronces et les épines abondent est bientôt tuée
par leur croissance qui les étouffe ; il en est de même
dans un cœur humain tourné vers les richesses et les
attraits du plaisir : même s'il reçoit la semence
vivante de l'Évangile, il ne produira pas de moisson de bon
grain, mais au lieu de cela, un mélange prolifique de
mauvaises herbes. La production abondante de ronces épineuses
démontre que le terrain est capable de produire une meilleure
moisson, à condition d'être débarrassé des
mauvaises plantes qui l'encombrent. La semence qui tombe dans une
terre bonne et profonde, sans de mauvaises herbes et prête à
l'ensemencement prend racine et grandit ; la chaleur du soleil
ne la brûle pas, car celle-ci l'emmagasine ; elle mûrit
et produit pour le moissonneur selon la richesse de la terre,
certains champs produisant trente, d'autres soixante et quelques-uns
jusqu'à cent fois autant de grain qu'il en a été
semé.
Selon
les canons littéraires eux-mêmes, et en la jugeant par
les principes reconnus de la construction rhétorique et de
l'arrangement logique de ses parties, cette parabole prend la
première place parmi les productions de son espèce.
Bien que nous l'appelions communément la parabole du semeur,
on pourrait donner à l'histoire le titre expressif de parabole
des quatre espèces de terre. C'est sur le terrain où
l'on sème que l'histoire attire le plus notre attention ;
il symbolise d'une manière frappante le cœur endurci ou
adouci, la terre envahie ou non de ronces. Remarquez les qualités
de terre données dans l'ordre croissant de leur fertilité :
(1) la route battue, le sentier latéral sur lequel, sauf par
une combinaison de circonstances fortuites constituant pratiquement
un miracle, il est impossible à aucune semence de prendre
racine ou de grandir, (2) la mince couche de terre couvrant un fond
rocheux impénétrable, dans laquelle la semence peut
germer mais ne pourra jamais venir à maturité, (3) le
champ encombré de mauvaises herbes, qui pourrait produire une
riche récolte s'il n'y avait pas la forêt vierge de
ronces et d'épines, et (4) l'humus riche et propre, réceptif
et fertile. Cependant même les terres considérées
comme bonnes ont divers degrés de productivité,
produisant un accroissement de trente, soixante ou même cent
fois avec beaucoup de gradations intermédiaires.
Certains
exégètes de la Bible ont professé trouver dans
cette splendide parabole la preuve d'un net fatalisme dans la vie des
individus, de sorte que ceux dont l'état spirituel est
comparable au sentier battu ou au terrain au bord des routes, à
la terre peu profonde sur un soubassement pierreux ou au lopin de
terre négligé et envahi par les ronces, sont
désespérément et irrévocablement
mauvais ; tandis que les âmes que l'on peut comparer à
de la bonne terre sont à l'abri de toute détérioration
et produiront inévitablement de bons fruits. Il ne faut pas
oublier qu'une parabole n'est qu'une esquisse, et non une image finie
dans le détail ; et que l'on ne peut logiquement donner à
la similitude exprimée ou sous-entendue dans l'enseignement
par paraboles une valeur dépassant les limites de
l'illustration. Dans la parabole que nous examinons, le Maître
décrivait les divers degrés de réceptivité
spirituelle qui existaient parmi les hommes et caractérisa
avec une brièveté tranchante chacun des degrés
spécifiés. Il ne dit ni ne laissa entendre que la terre
durcie du bord de la route ne pouvait être labourée,
hersée, fertilisée et rendue ainsi productive, ni que
l'obstacle à la croissance constitué par les pierres ne
pouvait être détruit et enlevé, ou que l'on ne
pouvait augmenter la bonne terre en y ajoutant, ou que les ronces ne
pouvaient jamais être déracinées et leur ancien
habitat rendu capable de supporter de bonnes plantes. La parabole
doit être étudiée à la lumière du
but pour lequel elle a été donnée, et les
déductions ou les prolongements forcés ne sont pas
justifiés. Une métaphore puissante, une comparaison
frappante ou tout autre figure de rhétorique expressive n'est
utile que lorsqu'on l'applique raisonnablement ; si on les
pousse au-delà des limites d'une intention raisonnable, les
meilleures d'entre elles peuvent perdre tout sens ou même
devenir absurdes.
LE
BLÉ ET L'IVRAIE
Le
Maître proposa une autre parabole, assez bien apparentée
à la précédente pour ce qui est de l'histoire,
parlant de nouveau de semences et de semailles, et accompagnée,
comme la première, d'une interprétation :
« Le
royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé
de la bonne semence dans son champ. Mais, pendant que les gens
dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie au milieu du blé
et s'en alla. Lorsque le blé eut poussé en herbe et
donné du fruit, l'ivraie parut aussi. Les serviteurs du maître
de la maison vinrent lui dire : Seigneur, n'as-tu pas semé
de la bonne semence dans ton champ ? D'où vient donc
qu'il y ait de l'ivraie ? Il leur répondit : C'est
un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent :
Veux-tu que nous allions l'arracher ? Non, dit-il, de peur qu'en
arrachant l'ivraie, vous ne déraciniez en même temps le
blé. Laissez croître ensemble l'un et l'autre jusqu'à
la moisson, et, à l'époque de la moisson, je dirai aux
moissonneurs : Arrachez d'abord l'ivraie, et liez-la en gerbes
pour la brûler, mais amassez le blé dans mon
grenier » [9].
Lorsque
Jésus se fut retiré dans la maison où il
logeait, les disciples vinrent le trouver, disant :
« Explique-nous la parabole de l'ivraie du champ. »
« Il
leur répondit : Celui qui sème la bonne semence,
c'est le Fils de l'homme ; le champ, c'est le monde, la bonne
semence, ce sont les fils du royaume ; l'ivraie, ce sont les
fils du Malin ; l'ennemi qui l'a semée, c'est le diable ;
la moisson, c'est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont
les anges. Or comme on arrache l'ivraie pour la jeter au feu, il en
sera de même à la fin du monde. Le Fils de l'homme
enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales
et ceux qui commettent l'iniquité et ils les jetteront dans la
fournaise de feu, où il y aura des pleurs et des grincements
de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le
royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles
entende » [10].
Selon
l'explication de l'Auteur, le semeur, c'était lui-même,
le Fils de l'homme ; comme la situation du blé et de
l'ivraie croissant ensemble devait se poursuivre jusqu'à « la
fin du monde », ceux qui étaient ordonnés
pour poursuivre le ministère après lui sont, nous
pouvons le déduire immédiatement, également des
semeurs. La semence représentée ici n'est pas, comme
dans la dernière parabole, l'Évangile lui-même,
mais les enfants des hommes, la bonne semence représentant
ceux qui ont le cœur pur, les enfants à l'esprit droit
du Royaume ; tandis que l'ivraie, ce sont les âmes qui se
sont livrées au mal et sont comptées parmi les enfants
du Malin. Inspirés par le zèle au profit de leur
Maître, les serviteurs voulaient déraciner les mauvaises
herbes de force mais furent arrêtés, car leur procédé
insensé, bien que partant d'une bonne intention, aurait mis en
danger le blé tandis qu'il était encore tendre. En
effet, dans les premiers stades de la croissance, il aurait été
difficile de distinguer l'un de l'autre, et l'entrelacement des
racines aurait provoqué une grande destruction du précieux
grain.
Outre
qu'elle décrit la situation présente et future du
monde, la parabole enseigne une leçon capitale, à
savoir celle de la patience, de la longanimité et de la
tolérance : chacune étant un attribut de la
Divinité et un trait de caractère que tous les hommes
doivent cultiver. L'ivraie mentionnée dans l'histoire peut
être considérée comme une espèce
quelconque d'herbe nocive, en particulier ce genre d'herbe qui, au
début de la croissance, ressemble au bon grain [11]. Le
fait de semer de mauvaises herbes dans un champ déjà
ensemencé de bon grain est une espèce d'acte de
mauvaise foi qui n'est pas inconnu même aujourd'hui
encore [12]. Dans son exposé, le Seigneur lui-même
met hors de doute le fait qu'il viendra un temps de séparation,
où le blé sera rassemblé dans le grenier du
Seigneur et l'ivraie brûlée, afin que ses semences
vénéneuses ne se reproduisent plus.
La
leçon contenue dans cette parabole est si importante et
l'accomplissement littéral des prédictions qu'elle
contient est tellement assuré que le Seigneur nous en a donné
une autre explication par révélation à notre
époque, époque où son application est directe et
immédiate. Par l'intermédiaire de Joseph Smith le
prophète, en 1832, Jésus-Christ déclara :
« Mais
voici, dans les derniers jours, à savoir maintenant que le
Seigneur commence à répandre la parole et que la pousse
croît et est encore tendre - voici, en vérité, je
vous le dis, les anges qui sont prêts et attendent d'être
envoyés moissonner les champs, invoquent le Seigneur jour et
nuit, mais le Seigneur leur dit : N'arrachez pas l'ivraie alors
que les pousses sont encore tendres (car en vérité
votre foi est faible), de peur de détruire le bon grain aussi.
Que le bon grain et l'ivraie croissent donc ensemble jusqu'à
ce que la moisson soit tout à fait mûre ; alors
vous rassemblerez d'abord le bon grain d'entre l'ivraie, et lorsque
le bon grain aura été rassemblé, voici, l'ivraie
sera liée en tas et le champ restera pour être
brûlé » [13].
LA
SEMENCE QUI POUSSE EN SECRET
Matthieu
rapporte la parabole de l'ivraie immédiatement après
celle du semeur ; Marc place dans le même ordre une
parabole que l'on ne trouve que dans ses écrits. Elle est
présentée dans les grandes lignes, et les exégètes
bibliques la classeraient plutôt comme une simple analogie
qu'une parabole typique. Lisez-la :
« Il
dit encore : Il en est du royaume de Dieu comme d'un homme qui
jette de la semence en terre ; qu'il dorme ou qu'il veille, nuit
et jour, la semence germe et croit sans qu'il sache comment. La terre
produit d'elle-même, premièrement l'herbe, puis l'épi,
enfin le blé bien formé dans l'épi ; et dès
que le fruit est mûr, on y met la faucille, car la moisson est
là » [14].
Aucun
document ne nous indique que les disciples aient demandé ou
que le Maître ait donné une interprétation de
cette parabole ni d'aucune autre parabole ultérieure [15].
Dans cette histoire nous trouvons une belle illustration de la
vitalité de la semence de vérité, bien que les
processus secrets de sa croissance constituent un mystère pour
tous sauf Dieu seul. Un homme, lorsqu'il a lancé la semence,
doit la laisser à elle-même. Il peut cultiver le champ,
arrachant les mauvaises herbes, protégeant les plantes du
mieux qu'il peut, mais la croissance elle-même dépend de
conditions et de forces qu'il n'est pas en son pouvoir de contrôler.
Paul planta, Apollos arrosa, mais Dieu seul pouvait assurer la
croissance [16]. Celui qui a semé peut s'occuper de ses
autres affaires, car le champ ne réclame pas une attention
constante ou exclusive ; néanmoins, sous l'influence du
soleil et de la pluie, de la brise et de la rosée, la pousse
se développe, puis l'épi et en son temps le blé
complet dans l'épi. Lorsque le grain est mûr, l'homme
est heureux de moissonner sa récolte.
Le
semeur de cette histoire est le prédicateur de la parole de
Dieu doté d'autorité ; il plante la semence de
l'Évangile dans le cœur des hommes, ne sachant pas quel
en sera le résultat. Passant à un ministère
semblable ou différent en un autre endroit, s'occupant des
devoirs dont il est chargé dans d'autres domaines, il laisse à
Dieu, avec foi et espérance, le résultat de son semis.
Il s'enrichit et se réjouit de la moisson des âmes
converties par son labeur [17]. Cette parabole s'adressait sans
doute plus particulièrement aux apôtres et aux plus
dévoués des autres disciples, plutôt qu'à
la multitude en général ; c'est une leçon
pour les instructeurs, pour les ouvriers dans les champs du Seigneur,
pour les semeurs et les moissonneurs élus. Elle a une valeur
éternelle, et est aussi d'application aujourd'hui que
lorsqu'elle fut donnée. Que la semence soit plantée,
même si le semeur est appelé immédiatement à
d'autres champs ou à d'autres devoirs ; il trouvera sa
récompense dans la moisson joyeuse qu'il aura.
LE
GRAIN DE MOUTARDE
« Il
leur proposa une autre parabole et il dit : Le royaume des cieux
est semblable à un grain de moutarde qu'un homme a pris et
semé dans son champ. C'est la plus petite de toutes les
semences ; mais, quand elle a poussé, elle est plus
grande que les plantes potagères et devient un arbre, de sorte
que les oiseaux du ciel viennent habiter dans ses branches » [18].
Cette
petite histoire, racontée à la multitude assemblée,
doit avoir poussé beaucoup de personnes à réfléchir,
à cause de la simplicité de l'incident raconté
et de l'application entièrement non juive qui en fut faite.
Pour l'esprit formé par les instructeurs de l'époque,
le royaume devait être grand et glorieux dès son début ;
il devait être inauguré à coups de trompette et
dans le martèlement des armées, avec le Messie-Roi à
sa tête ; cependant, ce nouvel instructeur disait de lui
que son début était si petit qu'il était
comparable à un grain de moutarde. Pour rendre l'illustration
plus efficace encore, il précisa que la semence dont il était
parlé était « la plus petite de toute les
semences ». Cette expression superlative fut faite dans un
sens relatif ; car il y a des semences plus petites que la
moutarde, même parmi les plantes de jardin, parmi lesquelles on
peut citer la rue et le pavot ; mais chacune de ces plantes est
petite quand elle arrive à maturité, tandis que la
moutarde bien cultivée est l'une des plus grandes d'entre les
herbes communes et présente un grand contraste dans sa
croissance d'une semence minuscule à un gros arbuste.
En
outre, la comparaison « petit comme un grain de
moutarde », était d'usage courant chez les Juifs de
l'époque. La comparaison employée par des Juifs en
d'autres occasions en montre l'usage courant, comme lorsqu'il dit :
« Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde...
rien ne vous sera impossible » [19]. Il faut
savoir que le plant de moutarde atteint en Palestine une taille plus
grande que dans les régions septentrionales [20]. La
leçon de la parabole est facile à voir. La semence est
une entité vivante. Quand on la plante correctement, elle
absorbe et assimile les matières nutritives de la terre et de
l'atmosphère, grandit et, en son temps, est à même
de fournir logement et nourriture aux oiseaux. De même la
semence de la vérité est vivante, vivace et capable de
se développer au point de fournir de la nourriture et un abri
spirituel à tous ceux qui vont à sa recherche. Dans les
deux conceptions, la plante mûre produit de la semence en
abondance, et à partir d'un seul grain on peut couvrir un
champ tout entier.
LE
LEVAIN
« Il
leur dit cette autre parabole : Le royaume des cieux est
semblable à du levain qu'une femme a pris et introduit dans
trois mesures de farine, jusqu'à ce que (la pâte) soit
toute levée » [21].
On
peut facilement discerner des points de ressemblance et de contraste
entre cette parabole et la précédente. Chacune illustre
la vitalité et la capacité de développement
inhérentes qui sont si essentiellement caractéristiques
du royaume de Dieu. Cependant, le grain de moutarde montre comment un
être vivant peut croître en tirant les substances de
valeur de l'extérieur tandis que le levain ou la levure répand
et diffuse vers l'extérieur son influence à travers la
masse de la pâte dense et détrempée. Chacun de
ces processus représente un moyen par lequel l'esprit de
vérité s'exerce efficacement. La levure n'est pas moins
réellement un organisme vivant qu'un grain de moutarde. À
mesure que la plante microscopique de la levure se développe
et se multiplie à l'intérieur de la pâte, les
milliers de cellules vivantes dont elle est composée
imprègnent la masse, et chaque morceau de la masse levée
est à même d'affecter de la même manière
une autre quantité de farine convenablement préparée.
Le processus qui fait « lever » la pâte
par la fermentation de la levure placée dans la masse est lent
et en outre aussi silencieux et apparemment secret que celui de la
semence plantée qui grandit sans que le semeur continue à
y faire attention ou à s'en soucier [22].
LE
TRÉSOR CACHÉ
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un trésor
caché dans un champ. L'homme qui l'a trouvé le cache
(de nouveau) ; et, dans sa joie, il va vendre tout ce qu'il a et
achète ce champ » [23].
Cette
parabole et les deux suivantes ne sont rapportées que par
Matthieu ; d'autre part, la place qui leur est assignée
dans ce récit montre qu'elles ne furent données qu'aux
disciples seuls, dans la maison, lorsque la multitude s'en fut allée.
La chasse au trésor est toujours passionnante. À
l'époque dont nous parlons il n'était pas rare que l'on
trouvât des objets précieux ensevelis, puisque la
pratique de cacher ainsi les trésors était coutumière
chez des gens exposés aux incursions des bandits et aux
invasions hostiles. Remarquez que l'homme à qui échoit
cette fortune nous est montré trouvant le trésor
apparemment par accident plutôt qu'à la suite d'une
recherche diligente. Il vendit avec joie tout ce qu'il possédait
pour pouvoir acheter le champ. Le trésor caché est le
royaume des cieux ; lorsqu'un homme le trouve, il devrait être
prêt à sacrifier tout ce qu'il a si, ce faisant, il peut
en obtenir la possession. La joie qu'il aura de cette nouvelle
acquisition sera sans limite ; et, s'il en reste le possesseur
digne, ses richesses s'étendront au-delà du
tombeau [24].
Des
casuistes ont soulevé la question de savoir si le comportement
de l'homme dans cette histoire était correct, étant
donné qu'il cacha sa découverte au possesseur du champ
à qui, disent-ils, le trésor appartenait de droit.
Quelle que soit l'opinion que l'on puisse avoir quant à la
valeur morale du procédé de cet homme, son acte n'était
pas illégal, puisque la loi juive prévoyait
expressément que l'acheteur d'une terre devenait le
propriétaire légal de tout ce que le sol
contenait [25]. Il est certain que Jésus ne recommandait
aucun procédé malhonnête ; et si l'histoire
n'avait pas été probable dans ses moindres détails,
son effet en tant que parabole aurait été perdu. Le
Maître enseigna par cette illustration qu'une fois qu'on a
trouvé le trésor du royaume, on ne doit pas perdre de
temps ni reculer devant aucun sacrifice nécessaire pour s'en
assurer la propriété.
LA
PERLE DE GRAND PRIX
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui
cherche de belles perles. Ayant trouvé une perle de grand
prix, il est allé vendre tout ce qu'il avait, et l'a
achetée » [26].
Les
perles ont toujours occupé une place élevée
parmi les joyaux, et longtemps avant le temps du Christ, de même
que depuis ce moment-là, les marchands de perles ont recherché
activement et avec diligence les plus grandes et les plus précieuses
que l'on pouvait trouver. Contrairement à l'homme de la
parabole précédente, qui découvrit un trésor
caché en cherchant peu ou pas, le marchand de cette histoire
consacra toute son énergie à rechercher de belles
perles, que c'était son métier de trouver et de se
procurer. Quand il vit enfin la perle supérieure à
toutes les autres, il vendit avec plaisir toutes ses autres pierres
précieuses, bien qu'elle fût, comme elle devait l'être
à juste titre, à vendre pour un prix élevé ;
en fait il sacrifia tout ce qu'il avait - pierres précieuses
et autres biens - et acheta la perle de grand prix. Ceux qui
cherchent la vérité peuvent acquérir beaucoup de
choses qui sont bonnes et désirables, sans trouver la plus
grande de toutes les vérités, la vérité
qui les sauvera. Mais s'ils cherchent avec persistance et avec une
intention réelle, s'ils sont réellement à la
recherche de perles et non d'imitations, ils trouveront. Des hommes
qui, en cherchant, découvrent les vérités du
royaume des cieux peuvent avoir à abandonner un grand nombre
de traditions auxquelles ils tenaient, et même les théories
de leur philosophie imparfaite et de « la fausse
science » [27], s'ils veulent prendre possession de
la perle de grand prix. Remarquez que dans cette parabole comme dans
celle du trésor caché, le prix de cette possession est
tout ce que l'on a. Nul ne peut devenir citoyen du royaume en
abandonnant partiellement les choses auxquelles il était
précédemment attaché ; il doit renoncer à
tout ce qui est étranger au royaume, sinon il ne pourra jamais
y être compté. S'il sacrifie de bon cœur tout ce
qu'il a, il verra qu'il a assez. Le coût du trésor caché
et de la perle n'est pas un montant fixe, égal pour tous ;
c'est tout ce que l'on a. Même le plus pauvre peut obtenir la
possession durable ; tout ce qu'il a constitue un prix d'achat
suffisant.
LE
FILET DE L'ÉVANGILE
« Le
royaume des cieux est encore semblable à un filet jeté
dans la mer et qui ramasse (des poissons) de toute espèce.
Quand il est rempli, on le tire sur le rivage, puis on s'assied, on
recueille dans des vases ce qui est bon et l'on jette ce qui est
mauvais. Il en sera de même à la fin du monde. Les anges
s'en iront séparer les méchants du milieu des justes et
ils les jetteront dans la fournaise de feu, où il y aura des
pleurs et des grincements de dents » [28].
L'Évangile
du royaume touche des hommes de toutes mentalités, des hommes
bons et mauvais, de toutes nationalités et de toutes races.
Les « pêcheurs d'hommes » [29] sont
habiles, actifs et universels dans leurs coups de filet. Le triage se
produit lorsque le filet est amené à terre ; et,
de même que le pêcheur rejette tous les mauvais poissons,
conservant les bons, de même les anges qui exécutent les
ordres du Fils de l'homme sépareront les justes des méchants,
accordant la vie éternelle à une espèce,
condamnant l'autre à la destruction. Des efforts insensés
de porter l'application de la parabole au-delà de l'intention
de l'Auteur ont poussé certains à formuler cette
critique que les poissons meurent, qu'ils soient bons ou mauvais.
Cependant les bons meurent utiles, les mauvais sont entièrement
gaspillés. Bien que tous les hommes meurent, ils ne meurent
pas de la même façon ; certains rendent l'âme
pour se reposer et se lèveront à la résurrection
des justes ; d'autres vont dans un état de douleur et de
tourments pour y attendre avec angoisse et terreur la résurrection
des méchants [30]. On peut voir que cette parabole a une
application semblable à celle de l'ivraie en ce qu'elle
souligne qu'une séparation est décrétée
entre les justes et les injustes, et dans le sort terrible de ceux
qui sont voués à la condamnation. On remarquera un
autre parallèle dans le fait que le jugement est remis à
« la fin du monde », expression dans laquelle
nous pouvons comprendre la consommation de l'œuvre du
Rédempteur après le millénium et la résurrection
finale de tous ceux qui ont existé sur la terre [31].
Après
avoir donné cette parabole, la dernière du groupe
rapporté au chapitre treize de Matthieu, jésus demanda
aux disciples : « Avez-vous compris tout cela ?
- Oui, répondirent-ils. » Il leur fit comprendre
qu'ils devaient être prêts, comme des instructeurs bien
formés, à apporter, du grenier de leur âme, des
trésors de vérité tant anciens que nouveaux,
pour l'édification du monde [32].
POURQUOI
LE CHRIST FIT USAGE DE PARABOLES
Comme
nous l'avons déjà dit, les Douze et les autres
disciples furent surpris de l'innovation du Seigneur lorsqu'il
commença à enseigner par paraboles. Avant cela ses
enseignements avaient été exposés clairement et
sans détour, comme en témoignent les enseignements
explicites du sermon sur la montagne. Il est à remarquer que
les paraboles furent introduites au moment où l'opposition
contre Jésus était forte, et lorsque les scribes, les
Pharisiens et les rabbis veillaient à surveiller étroitement
ses mouvements et ses oeuvres, toujours prêts à faire de
lui un transgresseur pour un mot. Les paraboles étaient
d'usage courant parmi les instructeurs juifs ; et en adoptant ce
mode d'instruction, Jésus suivait une coutume du temps, bien
qu'entre les paraboles qu'il donnait et celles des savants aucune
comparaison ne soit possible si ce n'est sous forme de contraste
extrêmement prononcé [33].
Le
Maître expliqua aux disciples élus et dévoués
qui vinrent lui demander pourquoi il était passé de
l'exposé direct aux paraboles [34], que s'ils avaient,
eux, le bonheur de recevoir et de comprendre les vérités
profondes de l'Évangile, « les mystères du
royaume des cieux » comme il les appelait, il était
par contre impossible aux gens en général, qui
n'étaient pas réceptifs ni préparés, de
comprendre les choses aussi parfaitement. Il fallait donner plus aux
disciples qui avaient déjà accepté joyeusement
les premiers principes de l'Évangile du Christ ; tandis
qu'à ceux qui avaient rejeté le bienfait qui leur était
offert, on enlèverait même ce qu'ils avaient possédé
jusqu'alors [35]. « C'est pourquoi, dit-il, je leur
parle en paraboles, parce qu'en voyant ils ne voient pas, et qu'en
entendant ils n'entendent ni ne comprennent. » L'état
de ténèbres spirituelles qui existait alors parmi les
Juifs avait été prévu, comme le montre une
citation des paroles d'Ésaïe, dans lesquelles l'ancien
prophète avait dit que le peuple deviendrait aveugle, sourd et
dur de cœur en ce qui concerne les choses de Dieu, raison pour
laquelle, tout en entendant et en voyant dans un sens physique, il ne
comprendrait cependant pas [36].
Un
élément de miséricorde se révèle
clairement dans le mode d'instruction par paraboles que notre
Seigneur adopta, étant donné la situation qui existait
à l'époque. S'il avait toujours enseigné par des
déclarations explicites qui n'avaient pas besoin
d'interprétation, beaucoup de ses auditeurs seraient tombés
sous la condamnation, étant donné qu'ils avaient une
foi trop faible et que leur cœur n'était pas
suffisamment préparé pour briser les liens du
traditionalisme et des préjugés engendrés par le
péché, de manière à accepter la parole
salvatrice et d'y obéir. Leur incapacité de comprendre
les exigences de l'Évangile permettrait dans une juste mesure
à la miséricorde d'avoir quelque droit sur eux, tandis
que s'ils avaient rejeté la vérité en comprenant
pleinement ce qu'ils faisaient, la rigueur de la justice exigerait
certainement leur condamnation [37].
L'exhortation
du Maître : « Que celui qui a des oreilles
entende » implique que la leçon des paraboles
pouvait être comprise par l'étude, la prière et
la recherche. Pour les chercheurs plus studieux, le Maître
ajouta : « Prenez garde à ce que vous
entendez. On vous mesurera avec la mesure avec laquelle vous mesurez
et on y ajoutera pour vous. Car on donnera à celui qui a ;
mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il
a » [38]. Deux hommes peuvent entendre les mêmes
paroles ; l'un d'eux écoute avec indolence et
indifférence, l'autre, l'esprit actif, est décidé
à apprendre tout ce que les paroles peuvent lui révéler ;
ayant entendu, l'homme diligent s'en va tout droit faire ce qui lui
est recommandé, tandis que l'insouciant néglige et
oublie. L'un est sage, l'autre insensé ; l'un a entendu
pour son profit éternel, l'autre pour sa condamnation
éternelle [39].
Un
autre exemple de l'adaptation miséricordieuse de la parole de
la vérité aux capacités diverses des gens qui
entendaient les paraboles réside dans ce fait psychologique
que les incidents d'une histoire frappante quoique simple
demeureront, même dans des esprits qui, au moment même,
sont incapables de comprendre tout sens au-delà de l'histoire
elle-même. Maint paysan qui avait entendu le petit incident du
semeur et des quatre espèces de terre, de l'ivraie semée
par un ennemi le soir, de la semence qui grandit, bien que le
planteur l'ait temporairement oublié, s'en souviendrait grâce
aux situations sans cesse renouvelées de son travail
quotidien ; le jardinier se souviendrait de l'histoire du grain
de moutarde toutes les fois qu'il planterait de nouveau, ou en
regardant la plante ombrageuse avec des oiseaux nichés dans
ses branches ; la ménagère serait frappée
de nouveau par l'histoire du levain en mélangeant, en
pétrissant et en cuisant ; le pêcheur à ses
filets penserait de nouveau aux bons poissons et aux mauvais et
comparerait le tri de sa prise avec le jugement qui doit venir. Et
puis, lorsque le temps et l'expérience, ainsi que peut-être
la souffrance, les auraient préparés à penser
plus profondément, ils trouveraient le grain vivant de vérité
évangélique sous la balle de l'histoire toute simple.
LES
PARABOLES EN GÉNÉRAL
Le
trait essentiel d'une parabole c'est la comparaison ou la similitude,
selon laquelle on utilise un incident ordinaire et bien compris pour
illustrer un fait ou un principe que l'histoire n'exprime pas
directement. L'idée populaire qu'une parabole repose
nécessairement sur un incident fictif est incorrecte ; en
effet, étant donné que l'histoire ou les circonstances
de la parabole doivent être simples et certainement ordinaires,
elle peut être réelle. Il n'y a rien d'imaginaire dans
les paraboles que nous avons étudiées jusqu'à
présent ; les histoires fondamentales sont prises sur le
vif, et les circonstances données sont des faits vécus.
Le récit ou l'incident sur lequel une parabole est construite
peut être un événement réel ou
imaginaire ; mais, s'il est imaginaire, l'histoire doit être
logique et vraisemblable et ne doit se mêler à rien
d'extraordinaire ou de miraculeux. Dans ce domaine, la parabole
diffère de la fable, cette dernière étant
construite par l'imagination, sur des faits exagérés et
invraisemblables ; en outre, l'intention de l'une et de l'autre
n'est pas la même, puisque la parabole est destinée à
enseigner une grande vérité spirituelle, tandis que ce
que l'on appelle la morale de la fable suggère tout au plus
des accomplissements profanes et des avantages personnels. Les
histoires, qui représentent des arbres, des animaux et des
objets inanimés parlant ensemble ou avec des hommes, sont
entièrement imaginaires ; ce sont des fables ou des
apologues, que la conclusion en soit bonne ou mauvaise ;
vis-à-vis de la parabole ils présentent un contraste,
non une similarité. Le but avoué de la fable est plutôt
d'amuser que d'enseigner. La parabole peut contenir un récit
comme dans le cas du semeur et de l'ivraie, ou simplement un incident
isolé comme dans le cas du grain de moutarde et du levain.
Les
allégories se distinguent des paraboles par le fait qu'elle
sont plus longues et que l'histoire est plus détaillée,
ainsi que par le mélange intime existant entre le récit
et la leçon qu'il a pour but d'enseigner ; ces deux
éléments restent séparés et distincts
dans la parabole. Les mythes sont des histoires fictives, dont les
faits sont parfois basés sur l'histoire mais ne symbolisent
aucune valeur spirituelle. Un proverbe est une parole brève et
sentencieuse, ayant la nature d'une maxime, contenant une vérité
déterminée ou une suggestion par comparaison. Les
proverbes et les paraboles sont étroitement apparentés,
et dans la Bible les termes sont parfois utilisés l'un pour
l'autre [40]. L'Ancien Testament contient deux paraboles,
quelques fables et allégories, et de nombreux proverbes ;
nous possédons un livre entier de ces derniers [41].
Nathan, le prophète, réprimanda le roi David en lui
racontant la parabole de la brebis du pauvre, et l'histoire fut
tellement efficace que le roi décréta un châtiment
pour le riche transgresseur et fut écrasé de chagrin et
de contrition lorsque le prophète appliqua sa parabole par les
paroles fatales : « Tu es cet homme-là [42] ! »
L'histoire de la vigne, qui, quoique entourée d'une clôture
et bien soignée, ne produisit cependant que du fruit sauvage
et inutile, fut utilisée par Ésaïe pour décrire
l'état pécheur d'Israël, lorsqu'il essaya
d'éveiller le peuple à une vie de justice [43].
Les
paraboles du Nouveau Testament, prononcées par le Maître
des maîtres, sont d'une beauté, d'une simplicité
et d'une efficacité telles qu'elles n'ont pas leurs pareilles
dans la littérature.
[1]
Mc 3:10 ; cf. Mt 9:20,21, 14:36 ; Mc 6:56 ; Lc 6:19.
[2]
Mc 3:9.
[3]
Luc 5:10 ; Chap. 14 du présent ouvrage.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Mt 13:3-9 ; cf. Mc 4:3-9 ; Lc 8:5-8.
[6]
Mc 4:13.
[7]
Mt 13:18-23 ; cf. Mc 4:13-20 ; Lc 8:11-15.
[8]
Note 2, fin du chapitre.
[9]
Mt 13:24-30.
[10]
Versets 36-43.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Note 4, fin du chapitre.
[13]
D&A 86:4-7 ; lire toute la section.
[14]
Mc 4:26-29.
[15]
Note 5, fin de chapitre.
[16]
1 Co 3:6.
[17]
Lire la promesse donnée très tôt par le Seigneur
que les âmes sont le salaire des moissonneurs désignés :
Jn 4:35-38 ; voir aussi Mt 9:37,38 ;
[18]
Lc 10:2. Mt 13:31, 32 ; cf. Mc 4:30-32 ; Lc 13:18, 19.
[19]
Mt 17:20 ; cf. Lc 17:6.
[20]
Note 6, fin du chapitre.
[21]
Mt 13:33 ; cf. Lc 13:20,21.
[22]
Note 7, fin du chapitre.
[23]
Mt 13:44.
[24]
Cf. Mt 6:19,20.
[25]
Note 8, fin du chapitre.
[26]
Mt 13:45, 46.
[27]
1 Tm 6:20.
[28]
Mt 13:47-50.
[29]
Mt 4:19 ; Mc 1: 17 ; Lc 5:10.
[30]
Jn 5:29 ; voir aussi LM, Al 40:11-14, et l'auteur, Articles de
Foi, p. 463-475.
[31]
Voir chapitre 42.
[32]
Mt 13:51,52.
[33]
Note 9, fin du chapitre.
[34]
Mt 13:10-17 ; cf. Mc 4:10-13, Lc 8:9, 10.
[35]
Mt 13:12 ; cf. 25:29 ; Mc 4:25 ; Lc 8:18, 19:26.
[36]
Es 6:9 ; voir aussi 42:20, 43:8, Ez 12:2 ; Jn 12:40, Ac
28:26,27.
[37]
Voir les Articles de Foi, de l'auteur, p. 76-78 ; LM, 2 Né
9:25-27 ; Rm 2:12 ; D&A 45:54, 76:72.
[38]
Mt 13:9,43 ; voir aussi 11:15 ; Mc 4:9.
[39]
Mc 4:24, 25.
[40]
Note 10, fin du chapitre.
[41]
Note 11, fin du chapitre.
[42]
2 S 12:1-7,13.
[43]
Es 5:1-7.
NOTES
DU CHAPITRE 19
1.
Le premier groupe de paraboles : Beaucoup de spécialistes
de la Bible affirment que les sept paraboles rapportées au
chapitre treize de Matthieu furent prononcées à des
époques différentes et devant des personnes
différentes, et que l'auteur du premier évangile les
groupa pour en faciliter la rédaction et en tenant compte
avant tout de leur intérêt subjectif. Ce point de vue
semble confirmé par le fait que Luc mentionne certaines de ces
paraboles dans des cadres différents quant au temps et au
lieu ; c'est ainsi que les paraboles du grain de moutarde et du
levain sont données (Lc 13:18,21) directement après la
guérison de la femme infirme à la synagogue et la
réprimande du gouverneur hypocrite. Si nous devons reconnaître
que Matthieu peut avoir groupé avec les paraboles prononcées
ce jour-là certaines prononcées à d'autres
moments, il est probable que Jésus répéta
certaines de ses paraboles, comme il le fit certainement pour
d'autres enseignements, et présenta ainsi la même leçon
plus d'une fois. En fait chaque parabole est une leçon en
elle-même et conserve sa grande valeur intrinsèque,
qu'on la considère comme une histoire isolée ou de
concert avec les enseignements apparentés. Faisons attention à
la leçon que chacune d'elles contient, quelles que soient les
opinions que les hommes peuvent promulguer quant aux circonstances où
elles furent données pour la première fois.
2.
Le décor de la parabole du semeur : Le Dr R. C. Trench,
dans son ouvrage Notes on the Parables of our Lord (p. 57, note),
cite la description faite par Dean Stanley de l'endroit où
Jésus donna la parabole du semeur ; comme nous avons des
raisons de croire que le cadre n'a guère changé depuis
le temps du Christ, nous en reproduisons ici le récit :
« Un léger renfoncement au flanc de la colline près
de la plaine révélait immédiatement en détails,
et avec une conjonction que je ne me souviens d'avoir rencontrée
nulle part ailleurs en Palestine, tous les traits de la grande
parabole. Il y avait le champ de blé ondoyant qui descendait
jusqu'au bord de l'eau. Il y avait le sentier battu qui le traversait
par son milieu, sans clôture ni haie pour empêcher la
semence de tomber çà et là de part et d'autre du
chemin ou dessus - celui-ci étant durci sous le piétinement
constant des chevaux, des mules et des pieds humains. Il y avait la
« bonne » terre riche qui distingue toute cette
plaine et son voisinage des collines dénudées ailleurs,
descendant dans le lac et qui, là où il n'y a aucune
interruption, produit une grande quantité de blé. Il y
avait les terrains rocheux du flanc de la colline faisant saillie çà
et là dans les champs de blé, comme ailleurs, sur les
pentes herbeuses. Il y avait les gros buissons de ronces, le
« nabk »... jaillissant, comme les arbres
fruitiers des régions situées plus à l'intérieur
des terres, au centre même du blé ondoyant. »
3.
L'ivraie : Ce terme ne se retrouve nulle part dans la Bible
ailleurs que dans le cas de la parabole. Il est clair que n'importe
quel genre de mauvaise herbe, en particulier une espèce
vénéneuse, de nature telle qu'elle déprécierait
gravement la moisson engrangée, répondrait à
l'intention du Maître lorsqu'il utilisa cette illustration. On
croit traditionnellement et communément que la plante dont il
est parlé dans la parabole est l'ivraie, que les botanistes
appellent le Lollum temulentum, une espèce d'ivraie aristée.
Cette plante ressemble beaucoup au blé dans les premiers
stades de la croissance et constitue un fléau pour les
fermiers en Palestine aujourd'hui ; les Arabes l'appellent
« Zowan » ou « Zawan »,
nom qui, dit Arnot, citant Thompson, « ressemble quelque
peu au terme originel du texte grec ». L'auteur de
l'article « Tares » [Ivraie], dans le
dictionnaire de Smith dit : « Les critiques et les
exégètes s'accordent pour dire que le pluriel grec
zizania, A. V. « ivraie », de la parabole (Mt
13:25) indique la plante appelée « ivraie aristée »
(Lolium temulentum), une herbe très répandue, et la
seule espèce du genre qui a des propriétés
toxiques. Avant de monter en épi, l'ivraie aristée a un
aspect très semblable au blé, et les racines des deux
sont souvent entrelacées ; c'est ce qui explique le
commandement que « l'ivraie » devait être
laissée jusqu'à la moisson, de peur qu'en l'arrachant,
les hommes « ne déracinent en même temps le
blé ». Lorsqu'elle est en épi, cette ivraie
se distingue facilement du blé et de l'orge, mais lorsqu'ils
sont tous deux moins développés, « l'examen
le plus attentif sera souvent incapable de la découvrir. Même
les fermiers, qui sarclent généralement leurs champs
dans ce pays, n'essayent pas de séparer l'un de l'autre... Le
goût en est amer, et, quand on la mange isolément, même
lorsqu'elle est mêlée au pain ordinaire, elle provoque
des étourdissements et agit souvent comme un émétique
violent ». La seconde citation est de The Land and the
Book, de Thompson, 11, 111, 112. On a prétendu que l'ivraie
est une espèce dégénérée de blé ;
et on a essayé, en introduisant cette idée, d'ajouter
une signification supplémentaire à la parabole
instructive de notre Seigneur ; cette conception forcée
n'est cependant pas justifiée scientifiquement, et les
étudiants sérieux ne se laisseront pas égarer
par elle.
4.
La méchanceté du semeur d'ivraie : On a essayé
de discréditer la parabole de l'ivraie en prétendant
qu'elle repose sur une pratique peu ordinaire sinon inconnue. Trench
répond à cette critique de la manière suivante
(Notes on the Parables, p. 72, 73) : « Notre Seigneur
n'imaginait pas là une forme de méchanceté sans
précédent, mais en produisit une qui a pu être
suffisamment connue de ses auditeurs, qu'il était si facile
d'exécuter, qui comportait si peu de risques et qui produisait
cependant un mal si grand et si durable qu'il n'est pas étrange,
lorsque la lâcheté et la méchanceté se
rencontrent, qu'elles se soient souvent manifestées sous cette
forme-là. Nous en trouvons des traces en de nombreux endroits.
La loi romaine prévoyait la possibilité de cette forme
de dommage ; et un auteur moderne, illustrant les Écritures
d'après les us et coutumes de l'Orient, qu'il avait appris à
connaître lors d'un séjour qu'il y avait fait, affirme
qu'on pratique maintenant la même chose en Inde. »
L'auteur ajoute en note : « Cette forme de méchanceté
ne manque pas, plus près de chez nous. C'est ainsi qu'en
Irlande, j'ai connu un locataire chassé qui, furieux de son
expulsion, sema de la folle avoine dans les champs qu'il quittait.
Comme l'ivraie de la parabole, il devint pratiquement impossible de
l'extirper lorsqu'elle eut mûri et fut montée en semence
avant le blé auquel elle était mêlée. »
5.
La parabole de la semence poussant en secret : Cette parabole a
provoqué beaucoup de discussions parmi les exégètes,
la question étant de savoir qui on entend par l'homme qui
lança la semence dans la terre. Si, comme dans les paraboles
du semeur et de l'ivraie, c'était le Seigneur Jésus qui
était le planteur, alors, demandent certains, comment peut-on
dire : « La semence germe et croît sans qu'il
sache comment », alors que toutes choses lui sont
connues ? Si d'autre part le planteur représente
l'instructeur ou le prédicateur autorisé de l'Évangile,
comment peut-on dire qu'au moment de la moisson il « y met
la faucille » puisque la moisson finale des âmes est
la prérogative de Dieu ? Les perplexités des
critiques proviennent de ce qu'ils essaient de trouver dans la
parabole un littéralisme qui n'existait pas du tout dans
l'intention de l'Auteur. Que la semence ait été plantée
par le Seigneur lui-même, comme lorsqu'il enseignait en
personne, ou par l'un quelconque de ses serviteurs autorisés,
la semence est vivante et grandira. Il faut du temps ; la pousse
apparaît d'abord et est suivie de l'épi, et l'épi
mûrit en sa saison, sans l'attention constante qui serait
nécessaire si les différentes parties de la plante
devaient être formées à la main. L'homme qui
figure dans la parabole est présenté comme un fermier
ordinaire, qui plante et attend, et récolte en son temps. La
leçon qui est donnée est la vitalité de cette
chose vivante qu'est la semence, dotée par son Créateur
de la capacité de grandir et de se développer.
6.
Le grain de moutarde : Le sénevé sauvage, qui,
dans les régions tempérées, atteint rarement une
hauteur de plus de quatre vingt-dix centimètres à un
mètre vingt, monte dans les pays semi-tropicaux à la
hauteur d'un cheval et de son cavalier (Thompson, The Land and the
Book, 11, 100). Ceux qui entendirent la parabole comprirent de toute
évidence le contraste entre la grandeur de la semence et celle
de la plante pleinement développée. Arnot (The
Parables, p. 102) dit très justement : « Le
Seigneur choisit de toute évidence cette plante, non point à
cause de sa grandeur absolue, mais parce qu'elle était, et
qu'on la reconnaissait comme telle, un exemple frappant de croissance
du très petit au très grand. Elle paraît avoir
été en Palestine, à l'époque, la semence
la plus petite que l'on savait produire une plante aussi grande. Il y
avait peut-être des semences plus petites, mais les plantes qui
en sortaient n'étaient pas aussi grandes ; et il y avait
des plantes plus grandes, mais les semences dont elles naissaient
n'étaient pas aussi petites. » Edersheim (I, p.
593) dit que la taille minuscule du grain de sénevé
était utilisée communément dans les comparaisons
des rabbis, « pour indiquer la plus petite quantité
comme la plus petite goutte de sang, la plus petite souillure,
etc. ». Le même auteur poursuit, à propos de
la plante adulte : « En effet, elle ne ressemble plus
à une grande herbe de jardin ou à un arbuste, mais
‘devient’ ou plutôt apparaît comme ‘un
arbre’, comme le dit Luc, pas à comparer, naturellement,
avec d'autres arbres, mais par rapport à des arbustes de
jardin. Cette grande croissance du grain de sénevé
était également un fait bien connu à l'époque,
et, de fait, peut encore s'observer en Orient... Et le sens général
en serait d'autant plus facilement compris qu'un arbre, dont les
longues branches fournissaient un logement aux oiseaux du ciel, est
une image bien connue de l'Ancien Testament pour désigner un
royaume puissant qui constituait un abri pour les nations (Ez
31:6,12 ; Dn 4:12,14,21,22). On l'utilise tout particulièrement,
en effet, pour illustrer le royaume messianique » (Ez
17:23).
7.
Le symbolisme du levain : Dans la parabole, le royaume des cieux
est comparé au levain. Dans d'autres Écritures, le
levain est cité dans un sens figuré pour représenter
le mal, comme par exemple le « levain des Pharisiens et
des Sadducéens » (Mt 16:6, voir également Lc
12:1), le « levain d'Hérode » (Mc 8:15).
Ces exemples, et d'autres encore (1 Co 5:7, 8) sont des illustrations
de ce que le mal est contagieux. Dans l'incident où la femme
utilise du levain pour faire son pain, l'effet contagieux, pénétrant
et capital de la vérité est symbolisé par le
levain. On peut très bien utiliser différents aspects
de la même chose pour représenter le bien dans un cas et
le mal dans l'autre.
8.
Le trésor appartient à celui qui le trouve : Voici
ce que dit Edersheim (i, p. 595-6) sur le point de savoir si on peut
justifier l'homme qui découvrit un trésor caché
dans le champ d'un autre puis, taisant sa découverte, acheta
le champ afin de posséder le trésor : « On
a fait quelque difficulté quant à la valeur morale de
pareille transaction. Nous pouvons faire observer, pour répondre
à cela, que c'était du moins entièrement
conforme à la loi juive. Si un homme avait trouvé un
trésor en pièces de monnaie libres parmi le blé,
il lui appartiendrait certainement, s'il achetait le blé. S'il
l'avait trouvé dans le sol ou dans la terre, il lui
appartiendrait certainement, s'il pouvait se rendre propriétaire
de la terre, et même si le champ n'était pas à
lui, à moins que d'autres ne pussent prouver qu'ils y avaient
droit. La loi allait jusqu'à adjuger à l'acheteur de
fruits tout ce qui se trouvait parmi ces fruits. Cela suffira pour
régler une question de détail qui, en tout cas, ne doit
pas être analysée de trop près dans une
parabole. »
9.
Supériorité des paraboles de notre Seigneur : Il
n'était pas d'autre mode d'enseignement qui fût aussi
courant parmi les Juifs que celui par paraboles. Seulement, dans leur
cas, elles étaient presque entièrement des
illustrations de ce qui avait été dit ou enseigné ;
tandis que dans le cas du Christ, elles constituaient la base de son
enseignement... Dans le premier cas, elles avaient pour but de donner
à l'enseignement spirituel un caractère juif et
national, dans l'autre de transmettre un enseignement spirituel sous
une forme adaptée au point de vue des auditeurs. On verra que
cette distinction persiste même dans les cas où le
parallélisme le plus proche semble exister entre une parabole
rabbinique et une parabole évangélique... Faut-il le
dire, il n'est guère possible de comparer ces paraboles en ce
qui concerne leur esprit, si ce n'est pour les mettre en contraste »
(Edersheim, I, p. 580-1). Geikie dit d'une manière concise :
« D'autres ont prononcé des paraboles, mais Jésus
les dépasse à tel point qu'on peut à juste titre
l'appeler le créateur de cette méthode d'enseignement »
(11, p. 145).
10.
Paraboles et autres formes d'analogie : « La parabole
se distingue clairement du proverbe aussi, bien qu'il soit vrai que,
dans une certaine mesure, ces deux termes sont utilisés l'un
pour l'autre, comme équivalents, dans le Nouveau Testament.
C'est ainsi que « Médecin, guéris-toi toi
même » (Lc 4:23) est qualifié de
parabole [dans la version anglaise], bien que cette expression
soit à proprement parler un proverbe [nom qui lui est
donné dans la version Segond, ndt], de même, lorsque le
Seigneur eut utilisé le proverbe, que ses auditeurs
connaissaient probablement déjà bien : « Si
un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une
fosse », Pierre dit : « Explique-nous
cette parabole » (Mt 15:14,15) ; et Lc 5:36 est un
proverbe ou une expression proverbiale, plutôt qu'une parabole,
nom qu'il porte... D'un autre côté, Jean appelle
« proverbes » [la version Segond emploie
le terme « paraboles », ndt] des expressions
qui, tout en n'étant pas strictement des paraboles, ont
cependant une affinité beaucoup plus grande avec la parabole
qu'avec le proverbe, parce qu'elles sont en fait des allégories ;
c'est ainsi que lorsque le Christ compare ses relations avec son
peuple à celles d'un berger avec ses brebis, cette figure de
langage est appelée « proverbe », bien
que les traducteurs, s'en tenant au sens plutôt qu'à la
lettre, l'aient rendue par « parabole » (Jn
10:6 ; comparez 16:25,29). Il est facile d'expliquer cet échange
de mots. Il provient en partie du fait que le même mot hébreu
signifie à la fois parabole et proverbe » (Trench,
Notes on the Parables, p. 9, 10).
Au
profit des lecteurs qui n'ont pas de dictionnaire sous la main en
lisant, nous donnons les définitions suivantes :
Allégorie
- Exposé d'un sujet sous l'aspect d'un autre sujet ou d'une
comparaison qui le suggère bien.
Apologue
- Fable ou histoire morale, en particulier dans laquelle des animaux
ou des objets inanimés parlent ou agissent, et qui enseignent
ou proposent une leçon utile.
Fable
- Histoire ou conte bref inventé de manière à
contenir une morale et dont les personnages et les acteurs sont des
animaux et parfois même des objets inanimés doués
de raison ; légende ou mythe.
Mythe
- Récit fictif présenté comme historique, mais
non fondé.
Parabole
- Court récit ou allégorie descriptive fondée
sur des événements réels qui se produisent dans
la nature et la vie humaine et s'appliquant ordinairement dans le
domaine moral ou religieux.
Proverbe
- Expression courte, concise, condensant sous une forme spirituelle
ou frappante la sagesse de l'expérience ; dicton
populaire bien connu sous une forme concise.
11.
Paraboles de l'Ancien Testament, etc : « L'Ancien
Testament ne contient que deux paraboles au sens strict du terme »
(2 S 12:1 et sqq. et Es 5:1 et sqq.). « D'autres
histoires, comme celles des arbres assemblés pour élire
un roi (Juges 9:8) et de l'épine et du cèdre (2 R
14:9), sont plus strictement des fables. D'autres encore, comme le
récit d'Ézéchiel sur les deux aigles et la vigne
(17:2 et sqq.), et de la chaudière (24:3 et sqq.) sont des
allégories. Il ne faut cependant pas croire que le fait que
l'on ne trouve qu'un petit nombre de récits paraboliques dans
l'Ancien Testament prouve que l'on ne considérait pas cette
forme littéraire comme propre à l'enseignement oral.
Leur nombre n'est petit qu'en apparence. En réalité,
les comparaisons, qui, bien que ne se présentant pas sous la
forme de récit fictif, proposent et fournissent la matière
de récits de ce genre, sont abondantes »
(Zenos, Stand. Bible Dict., article « Parables »).
En
appliquant le terme « parabole » dans son sens
le plus large, comprenant toutes les formes ordinaires d'analogie,
nous pouvons considérer les paraboles suivantes comme les plus
impressionnantes de l'Ancien Testament. Les arbres élisant un
roi (Juges 9:7 et sqq.), la petite brebis du pauvre (2 S 12:1 et
sqq.), les frères querelleurs et les vengeurs (2 S 14:1 et
sqq.), l'histoire du captif échappé (1 R 20:35 et
sqq.), l'épine et le cèdre (2 R 14:9), la vigne et ses
mauvais raisins (Es 5:1 et sqq.), le seigle et la vigne (Ez 17:3 et
sqq.), les lionceaux (Ez 19:2 et sqq.), la chaudière (Ez 24:3
et sqq.).
CHAPITRE
20 : « SILENCE ! TAIS-TOI ! »
INCIDENTS
PRÉCÉDANT LE VOYAGE
Vers
la fin du jour où Jésus avait instruit pour la première
fois les multitudes par paraboles, il dit aux disciples :
« Passons sur l'autre rive » [1]. La
destination ainsi indiquée est la rive est du lac de Galilée.
Tandis que l'on préparait le bateau, un scribe vint trouver
Jésus et dit : « Je te suivrai partout où
tu iras. » Jusqu'alors, peu d'hommes appartenant à
la classe titrée ou gouvernante avaient offert de s'allier
ouvertement avec Jésus. Si le Maître avait été
un politique, désireux d'être officiellement reconnu, il
aurait soigneusement examiné, sinon accepté
immédiatement cette occasion de s'attacher une personne aussi
influente qu'un scribe ; mais lui qui pouvait lire l'esprit et
connaître le cœur des hommes, choisissait plutôt
qu'il n'acceptait. Il avait appelé loin de leurs bateaux et de
leurs filets de pêche des hommes qui devaient être
dorénavant siens et compté l'un des péagers
ostracisés parmi les Douze ; mais il connaissait chacun
d'eux et choisit en conséquence. L'Évangile était
offert gratuitement à tous ; mais il ne suffisait pas de
demander pour obtenir l'autorité d'y officier comme
représentant officiel ; pour cette œuvre sacrée,
on devait être appelé de Dieu [2].
Dans
ce cas, le Christ connaissait la personnalité de cet homme, et
sans heurter ses sentiments en le rejetant sèchement, fit
ressortir le sacrifice qui était exigé de quelqu'un qui
voudrait suivre le Seigneur partout où il allait, disant :
« Les renards ont des tanières, et les oiseaux du
ciel ont des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas où
reposer sa tête. » Comme Jésus n'avait pas de
lieu de résidence fixe mais allait là où son
devoir l'appelait, il était de même nécessaire
que ceux qui le représentaient, des hommes ordonnés ou
mis à part à son service, fussent prêts à
se refuser la jouissance de leurs demeures et le réconfort des
relations familiales, si les devoirs de leur appel l'exigeaient. On
ne nous dit pas si le scribe candidat maintint son offre.
Un
autre homme se montra disposé à suivre le Seigneur mais
demanda d'abord le temps d'aller ensevelir son père ;
Jésus lui dit : « Suis-moi ; laisse les
morts ensevelir leurs morts. » Certains lecteurs ont eu le
sentiment que cet ordre était sévère, bien que
pareille déduction ne se justifie guère. C'eût
été manifestement un manque de piété
filiale chez un fils de s'absenter, dans des conditions ordinaires,
lors des funérailles de son père ; néanmoins,
si ce fils avait été mis à part pour un service
dont l'importance transcendait toutes les obligations personnelles ou
familiales, les devoirs du ministère l'emporteraient à
juste titre. En outre, la condition requise par Jésus n'était
pas plus grande que celle qui était exigée de tous les
prêtres pendant la durée de leur service actif et
n'était pas plus astreignante que l'obligation du vœu
naziréen [3], sous lequel beaucoup de personnes se
plaçaient volontairement. Les devoirs du ministère dans
le royaume avaient trait à la vie spirituelle ; quelqu'un
qui s'y consacrait pouvait très bien laisser à ceux qui
négligeaient les choses spirituelles et qui étaient,
dans un sens figuré, spirituellement morts, le soin
d'ensevelir leurs morts.
On
nous présente un troisième cas ; un homme qui
voulait être disciple du Seigneur demanda à recevoir,
avant d'entreprendre ses devoirs, la permission d'aller chez lui
faire ses adieux à sa famille et à ses amis. La réponse
de Jésus est devenue un aphorisme dans la vie et la
littérature : « Quiconque met la main à
la charrue et regarde en arrière, n'est pas bon pour le
royaume de Dieu » [4].
Le
texte de Matthieu nous donne l'impression que les deux premiers de
ces candidats disciples s'offrirent à notre Seigneur comme il
se tenait sur le rivage ou dans le bateau, prêt à
traverser le lac pendant la soirée. Luc place ces événements
dans un cadre différent et ajoute aux offres du scribe et de
l'homme qui désirait rentrer chez lui et puis revenir au
Christ. Il peut être profitable d'examiner ces trois incidents
ensemble, qu'ils se soient tous produits le soir de ce même
jour mouvementé ou à des moments différents.
LA
TEMPÊTE APAISÉE [5]
Jésus
donna l'ordre de mettre la barque à l'eau et de passer de
l'autre côté du lac, désirant probablement un
répit après les travaux ardus de la journée. On
n'avait perdu aucun temps à faire des préparatifs
inutiles ; « ils l'emmenèrent dans la barque
où il se trouvait » et se mirent en route sans
retard. Jusque sur l'eau, plusieurs personnes avides essayèrent
de le suivre ; car un certain nombre de petits bateaux, « des
barques » comme Marc les appelle, accompagnaient
l'embarcation sur laquelle Jésus se trouvait ; mais il se
peut que ces petites barques aient fait demi-tour, peut-être à
cause de la tempête qui s'approchait. Quoi qu'il en soit, nous
n'entendons plus parler d'elles. Jésus trouva un lieu de repos
près de la poupe du bateau et s'endormit bientôt. Une
grande tempête se Ieva [6], et il continuait à
dormir. Cet événement est instructif, car il est la
preuve des qualités physiques du Christ et de l'état
sain et normal de son corps. Il était sujet à la
fatigue et à l'épuisement corporel pour d'autres
causes, comme le sont tous les hommes ; sans nourriture il avait
faim, sans boisson il avait soif, le travail le fatiguait. Le fait
qu'après un jour d'efforts ardus il ait pu dormir calmement,
même au milieu des remous d'une tempête, indique un
système nerveux en parfaite condition et en bonne santé.
Nulle part nous ne voyons Jésus malade. Il vivait selon les
lois de la santé et cependant ne permit jamais au corps de
dominer l'esprit, et ses activités quotidiennes, qui étaient
de nature à mettre fortement l'énergie physique et
mentale à contribution, n'entraînèrent aucun
symptôme de dépression nerveuse ni de troubles
fonctionnels. Dormir après avoir travaillé est quelque
chose de naturel et de nécessaire. Ayant terminé le
travail de la journée, Jésus dormait.
Entre-temps
la furie de la tempête augmentait ; le vent faisait perdre
le contrôle du bateau, des vagues dépassaient ses
flancs, le navire embarqua tant d'eau qu'il semblait sur le point de
couler par le fond. Les disciples étaient frappés de
terreur, et cependant Jésus continuait à se reposer en
paix.
Dans
la peur extrême où ils se trouvaient, les disciples
l'éveillèrent, s'écriant, suivant les divers
récits indépendants : « Maître,
maître, nous périssons ! », « Seigneur,
sauve-(nous), nous périssons ! » Et « Maître,
tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? »
Ils étaient misérablement terrifiés et
oublièrent au moins partiellement qu'ils avaient avec eux
quelqu'un à la voix duquel la mort même devait obéir.
Le rappel terrifié n'était pas entièrement
dépourvu d'espoir ni de foi : « Seigneur,
sauve », crièrent-ils. Calmement il répondit
à leur pitoyable appel : « Pourquoi avez-vous
peur, gens de peu de foi ? »
Puis
il se leva ; et la voix du Seigneur s'éleva dans les
ténèbres de cette nuit terrifiante, dans le vent
rugissant, sur la mer fouettée par la tempête et
« menaça le vent et dit à la mer :
Silence, tais-toi. Le vent cessa et un grand calme se fit ».
Se tournant vers les disciples, il leur demanda sur un ton de
reproche, doux mais indubitable : « Où est
votre foi ? » Et « Comment n'avez-vous pas
de foi ? » D'abord pleins de gratitude pour avoir été
sauvés de ce qui, un instant auparavant à peine, avait
semblé être une mort imminente, ils furent pris ensuite
d'étonnement et de crainte. « Quel est donc
celui-ci, disaient-ils, car même le vent et la mer lui
obéissent ? »
Parmi
les miracles du Christ qui nous sont rapportés, aucun n'a
donné naissance à une diversité plus grande de
commentaires et de tentatives d'explications que cet exemple
merveilleux de maîtrise sur les forces de la nature. La science
n'offre aucune explication. Le Seigneur de la terre, de l'air et de
la mer parla et fut obéi. C'est lui, parmi le sombre chaos des
premiers stades de la création, qui avait commandé avec
un effet immédiat : que la lumière soit, qu'il y
ait un firmament au milieu des eaux, que le sec apparaisse, et comme
il l'avait décrété, ainsi en était-il. La
domination du Créateur sur la création est réelle
et absolue. Une petite partie de cette domination a été
confiée à l'homme [7] ; postérité
de Dieu, incarné à l'image même de son Père
divin. Mais l'homme exerce ce contrôle, qui lui a été
délégué, par l'intermédiaire des forces
secondaires et au moyen de mécanismes compliqués. Le
pouvoir que l'homme possède sur les objets qu'il a inventés
lui-même est limité. Cela est conforme à la
malédiction qu'entraîna la chute d'Adam, qui fut
provoquée par la transgression et qui veut que ce soit par
l'effort de ses muscles, par la sueur de son front et par l'effort de
son esprit qu'il réussisse. Son ordre n'est qu'une vibration
sonore dans l'air, s'il n'est suivi de travail. C'est par l'esprit
qui émane de la personne même de la Divinité et
qui imprègne tout l'espace, que les ordres de Dieu opèrent
immédiatement.
Ce
n'est pas l'homme seulement, mais également la terre et toutes
les forces élémentaires qui s'y rapportaient qui
tombèrent sous la malédiction adamique [8] ;
et de même que la terre ne produisait plus seulement des fruits
bons et utiles mais donna de sa substance pour nourrir des ronces et
des épines, de même les forces diverses de la nature
cessèrent d'obéir à l'homme et d'être des
forces assujetties à son contrôle direct. Ce que nous
appelons forces naturelles - la chaleur, la lumière,
l'électricité, les affinités chimiques - sont
des manifestations de l'énergie éternelle par laquelle
les objectifs du Créateur sont mis à exécution ;
et ces quelques forces, l'homme n'est à même de les
diriger et de les utiliser qu'à l'aide de machines et
d'adaptations physiques. Mais la terre sera un jour « renouvelée
et recevra sa gloire paradisiaque » ; alors la terre,
l'eau, l'air et les forces qui agissent sur eux répondront
directement aux ordres de l'homme glorifié, comme ils
obéissent maintenant à la parole du Créateur [9].
LES
DÉMONS CALMÉS [10]
Jésus
et les disciples qui l'accompagnaient abordèrent sur le côté
oriental, péréen, du lac, dans une région que
l'on appelait le pays des Gadaréniens ou des Géraséniens.
L'endroit exact n'a pas été identifié, mais
c'était de toute évidence une région rurale
éloignée des villes [11]. Comme le groupe quittait
le bateau, deux fous, qui étaient cruellement tourmentés
par des esprits mauvais, s'approchèrent. Matthieu dit qu'il y
en avait deux ; les autres écrivains ne parlent que d'un
seul ; il se peut que l'un des deux hommes affligés se
trouvait dans un état tellement plus grave que son compagnon,
que c'est à lui que l'on fait attention dans le récit ;
il se peut encore que l'un d'eux se soit enfui tandis que l'autre est
resté. Le démoniaque se trouvait dans une situation
pitoyable. Sa frénésie était devenue si violente
et la force physique que lui donnait sa folie était si grande
que toutes les tentatives que l'on avait faites de le maintenir
captif avaient échoué. On l'avait lié par des
chaînes et des entraves, mais il avait brisé celles-ci
grâce à sa force démoniaque, et il s'était
enfui dans les montagnes, dans les cavernes qui servaient de tombes,
et c'était là qu'il vivait, plus comme une bête
sauvage que comme un homme. Nuit et jour on entendait ses hurlements
étranges et terrifiants, et, de peur de le rencontrer, les
gens prenaient d'autres chemins plutôt que de passer près
de son repaire. Il se promenait tout nu, et dans sa folie se blessait
la chair de pierres pointues.
Voyant
Jésus, la pauvre créature courut à lui et,
poussée par le pouvoir des démons qui la contrôlaient,
se prosterna devant le Christ tout en criant d'une voix forte :
« Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? »
Lorsque Jésus commanda aux esprits mauvais de partir, l'un
d'eux ou plusieurs d'entre eux le supplièrent, par la voix de
l'homme, de les laisser tranquilles et s'exclamèrent avec une
présomption blasphématoire : « Je t'en
conjure (au nom) de Dieu, ne me tourmente pas. » Matthieu
rapporte une autre question qui fut posée à Jésus :
« Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps ? »
Les démons, par lesquels l'homme était possédé
et contrôlé, reconnaissaient le Maître, auquel ils
savaient devoir obéir ; mais ils supplièrent qu'il
les laissât tranquilles jusqu'à ce que vint le moment
décrété pour leur châtiment final [12].
Jésus
demanda : « Quel est ton nom ? » Et
les démons qui se trouvaient à l'intérieur de
l'homme répondirent : « Légion est mon
nom, car nous sommes plusieurs. » On voit bien ici que
l'homme était doté d'un conscient double ou d'une
personnalité multiple. Il était à ce point
possédé par des esprits mauvais qu'il ne pouvait plus
distinguer entre sa personnalité à lui et la leur. Les
démons implorèrent Jésus de ne pas les bannir de
ce pays ; ou comme le rapporte Luc en des termes
impressionnants : de ne pas leur ordonner « d'aller
dans l'abîme ». Dans leur situation misérable
et leur impatience diabolique de trouver une demeure dans des corps
de chair même si ce n'était que des animaux, ils
supplièrent d'avoir la permission, étant obligés
de quitter l'homme, d'entrer dans un troupeau de pourceaux qui
paissaient tout près. Cette permission, Jésus la
donna ; les démons impurs entrèrent dans les
pourceaux, et le troupeau tout entier, se composant d'environ deux
mille têtes, fut saisi de folie, prit la fuite, terrifié,
se précipita au bas d'une pente abrupte dans la mer et se
noya. Les gardiens des pourceaux furent effrayés, et, se
hâtant vers la ville, racontèrent ce qui était
arrivé aux pourceaux.
Les
gens vinrent en foule pour voir eux-mêmes ; et ils furent
tous étonnés de voir l'homme autrefois fou dont ils
avaient tous eu peur, maintenant vêtu et rendu à un état
d'esprit normal, silencieusement et respectueusement assis aux pieds
de Jésus. Ils craignaient celui qui pouvait accomplir de
pareils miracles, et, conscients de leur indignité pécheresse,
le supplièrent de quitter leur pays [13].
L'homme
qui avait été débarrassé des démons
ne craignait pas ; dans son cœur, l'amour et la gratitude
remplaçaient tous les autres sentiments ; et lorsque
Jésus retourna au bateau il demanda à le suivre aussi.
Mais Jésus le lui interdit, disant : « Va dans
ta maison, vers les tiens, et raconte-leur tout ce que le Seigneur
t'a fait et comment il a eu pitié de toi. » L'homme
devint missionnaire, non seulement dans sa ville natale mais dans
toute la Décapole, la région des dix villes ;
partout où il allait il racontait le changement merveilleux
que Jésus avait opéré sur lui.
Le
témoignage rendu par des esprits mauvais et impurs de la
divinité du Christ, Fils de Dieu, ne se limite pas à ce
cas-ci. Nous avons déjà étudié le cas du
démoniaque à la synagogue de Capernaüm [14] ;
un autre cas se présenta lorsque Jésus, se retirant des
villes de Galilée, se rendit au bord de la mer et fut suivi
d'une grande multitude composée de Galiléens, de
Judéens et de gens de Jérusalem, d'Idumée et
d'au-delà du Jourdain (c'est-à-dire de la Pérée),
et des habitants de Tyr et de Sidon, parmi lesquels il en avait guéri
beaucoup de maladies diverses ; et ceux qui étaient
asservis à des esprits impurs étaient tombés à
genoux et l'adoraient, tandis que les démons s'écriaient :
« Tu es le Fils de Dieu » [15].
Au
cours du bref voyage étudié dans ce chapitre, la
puissance de Jésus, Maître de la terre, des hommes et
des démons se manifesta en des œuvres miraculeuses du
genre le plus impressionnant. On ne peut classifier les miracles du
Seigneur ni comme petits et grands, ni comme faciles ou difficiles à
accomplir ; ce que l'un peut considérer comme un détail
peut revêtir l'importance la plus grande pour un autre. La
parole du Seigneur suffisait dans chaque cas. Il n'avait qu'à
parler au vent et aux vagues, et à l'esprit affligé par
les démons de l'homme possédé pour être
obéi. « Silence, tais-toi. »
LA
RÉSURRECTION DE LA FILLE DE JAÏRUS [16]
Jésus
et ceux qui l'accompagnaient retraversèrent le lac, quittant
le pays de Gadara pour aborder aux environs de Capernaüm, où
une multitude de gens le reçurent avec acclamations, « car
tous l'attendaient ». Tout de suite après son
débarquement, Jésus vit s'approcher de lui Jaïrus,
l'un des dirigeants de la synagogue locale, qui « le
supplia instamment en disant : Ma fillette est à toute
extrémité ; viens, impose-lui les mains, afin
qu'elle soit sauvée et qu'elle vive ».
Le
fait que cet homme soit venu trouver Jésus dans un esprit de
foi et de supplication est une preuve de l'impression profonde que le
ministère du Christ avait faite jusque dans les cercles
sacerdotaux et ecclésiastiques. Beaucoup d'entre les Juifs,
gouverneurs et fonctionnaires aussi bien que le commun du peuple,
croyaient en Jésus [17], bien que peu de ceux qui
appartenaient aux classes supérieures fussent disposés
à sacrifier prestige et popularité en se reconnaissant
ses disciples. Le fait que Jaïrus, l'un des gouverneurs de la
synagogue, ne vint que lorsqu'il y fut poussé par la douleur
causée par la mort imminente de sa fille unique, une petite
fille de douze ans, ne prouve pas qu'il ne soit pas devenu croyant
avant ce moment-là ; il est certain qu'en ce moment sa
foi était réelle et sa confiance sincère, comme
le prouvent les détails du récit. Il s'approcha de
Jésus avec le respect dû à quelqu'un qu'il
considérait capable d'accorder ce qu'il demandait et tomba aux
pieds du Seigneur, ou comme Matthieu le dit, l'adora. Lorsque l'homme
avait quitté sa maison pour demander à Jésus son
aide, la petite fille était sur le point de mourir ; il
craignait qu'elle ne fût morte entre-temps. Dans le récit
très bref que nous donne le premier évangile, on lui
fait dire à Jésus : « Ma fille est
morte il y a un instant, mais viens, impose-lui les mains, et elle
vivra » [18]. Jésus accompagna le père
implorant, et beaucoup les suivirent.
Sur
le chemin de la maison, un incident se produisit qui les arrêta.
Une femme cruellement affligée fut guérie, dans des
circonstances particulièrement intéressantes ;
c'est cet événement que nous allons examiner
maintenant. Rien n'indique que Jaïrus ait montré de
l'impatience ou du déplaisir à cause de ce retard. Il
avait mis sa confiance dans le Maître et attendait son bon
plaisir ; et tandis que le Christ s'occupait de la femme
affligée, des messagers vinrent de la maison du haut
fonctionnaire avec la triste nouvelle que la petite fille était
morte. Nous pouvons conclure que même cette nouvelle terrible
qui lui apportait la certitude ne put détruire la foi de cet
homme ; il semble avoir continué à attendre l'aide
du Seigneur, et ceux qui apportaient le message demandèrent :
« Pourquoi importuner encore le maître ? »
Jésus entendit ce que l'on disait et encouragea la foi
cruellement mise à l'épreuve de l'homme par cet ordre
encourageant : « Sois sans crainte, crois
seulement. » Jésus ne permit à aucun de ceux
qui le suivaient, excepté à trois d'entre les apôtres,
d'entrer dans la maison avec lui et au père éploré
mais confiant. Pierre et les deux frères Jacques et Jean
furent admis.
La
maison n'était pas le lieu où régnait le silence
respectueux ou le calme forcé que nous considérons
maintenant être de mise au moment et au lieu où la mort
a frappé ; au contraire, c'était une scène
de tumulte, mais cette situation était coutumière dans
l'observance orthodoxe du deuil à l'époque [19].
Des pleureuses professionnelles, des chanteurs de lamentations
étranges et des ménestrels qui faisaient beaucoup de
bruit avec des flûtes et d'autres instruments avaient déjà
été invités dans la maison. Jésus dit à
tous ces gens en entrant : « Pourquoi ce tumulte, et
ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte, mais elle dort. »
C'était de fait une répétition du commandement
qu'il avait prononcé lors d'une occasion récente :
Silence, tais-toi. Ces paroles provoquèrent le mépris
et les railleries de ceux qui étaient payés pour le
bruit qu'ils faisaient, et qui, si ce qu'il disait se vérifiait,
perdraient cette occasion d'exercer leur profession. En outre, ils
savaient que la petite fille était morte ; les
préparatifs des funérailles, qui, selon la coutume,
devaient suivre la mort aussitôt que possible, étaient
déjà en cours. Jésus ordonna à ces gens
de sortir et ramena la paix dans la maison [20]. Il entra dans
la chambre mortuaire, accompagné seulement des trois apôtres
et des parents de la petite fille. Prenant la petite fille morte par
la main, il lui dit : Talitha koumi, ce qui se traduit :
jeune fille, lève-toi, je te le dis ». À
l'étonnement de tous, sauf du Seigneur, la petite fille se
leva, quitta son lit et marcha. Jésus ordonna de lui apporter
de la nourriture, car les besoins corporels, suspendus par la mort,
étaient revenus avec le retour de la petite fille à la
vie.
Le
Seigneur ordonna le silence, commandant à tous ceux qui
étaient là de s'abstenir de raconter ce qu'ils avaient
vu. Les raisons de cet ordre ne sont pas données. Dans
d'autres cas, des instructions semblables furent données à
ceux qui avaient été bénis par le Christ ;
tandis qu'en de nombreuses occasions où il y eut des
guérisons, aucun ordre de ce genre n'est rapporté, et
dans un cas au moins, l'homme qui avait été soulagé
des démons reçut l'ordre d'aller raconter la grande
chose qui avait été faite pour lui [21]. Dans sa
sagesse, le Christ savait quand il était prudent d'interdire
et quand il fallait permettre la publication de ce qu'il faisait.
Bien que les parents reconnaissants, la jeune fille elle-même
et les trois apôtres qui avaient été les témoins
de la résurrection aient pu avoir été tous
loyaux au commandement du Seigneur de garder le silence, le fait que
la jeune fille avait été ressuscitée ne pouvait
être gardé secret, et le moyen par lequel pareil miracle
s'était accompli ferait certainement l'objet de questions. Les
ménestrels et les pleureuses qui avaient été
expulsés du lieu alors qu'il était encore une maison de
deuil et qui avaient ri avec mépris à l'affirmation du
Maître que la jeune fille dormait et n'était pas morte
comme ils le pensaient, répandraient indubitablement la
nouvelle. Il n'est donc pas surprenant de lire dans la brève
version que Matthieu fait de l'histoire, que la nouvelle du miracle
se « répandît dans toute la contrée ».
RENDRE
À LA VIE ET RESSUSCITER
Il
faut faire grande attention à la distinction fondamentale
qu'il y a entre ramener un mort à la vie mortelle et
ressusciter le corps de la mort à un état
d'immortalité. Dans chacun des exemples que nous avons
examinés jusqu'à présent - celui de la
résurrection de l'homme mort de Naïn [22] et celui
de la fille de Jaïrus, de même que dans la résurrection
de Lazare, que nous étudierons plus loin - le miracle
consistait à réunir l'esprit au corps pour que tous
deux poursuivent le cours interrompu de l'existence mortelle. Il est
certain que le bénéficiaire de chacun de ces miracles
devait mourir par la suite. Jésus-Christ fut le premier de
tous les hommes qui ont jamais vécu sur la terre à se
lever du tombeau en tant qu'Être immortalisé ; il
est donc correct de l'appeler « Ies prémices de
ceux qui sont décédés » [23].
Bien
qu'Élie et Élisée servissent d'intermédiaires,
de nombreux siècles avant l'époque du Christ, pour
rendre des morts à la vie, l'un, le fils de la veuve de
Sarepta, l'autre l'enfant de la Sunamite [24], dans ces anciens
miracles la résurrection était pour l'existence
mortelle et non pour l'immortalité. Il est instructif
d'observer la différence des procédés employés
par chacun des prophètes de l'Ancien Testament cités et
de les comparer à ceux du Christ dans des miracles analogues.
Le changement miraculeux, Élie et Élisée ne le
réalisèrent qu'après des efforts longs et
difficiles et en invoquant ardemment la puissance et l'intervention
de Jéhovah ; mais Jéhovah, incarné dans la
chair sous le nom de Jésus-Christ, ne faisait extérieurement
rien d'autre que commander, et les liens de la mort étaient
immédiatement brisés. Il parlait en son propre nom et
par une autorité inhérente, car la puissance dont il
était investi lui permettait de contrôler tant la vie
que la mort.
UNE
GUÉRISON REMARQUABLE EN CHEMIN [25]
Tandis
que Jésus se dirigeait vers la maison de Jaïrus, une
grande foule se pressant autour de lui, la progression du groupe fut
arrêtée par un autre cas d'affliction. Dans la foule il
y avait une femme qui était affligée depuis douze ans
d'une grave maladie, qui provoquait des hémorragies
fréquentes. Elle avait dépensé en traitements
médicaux tout ce qu'elle possédait, et « avait
beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins »,
mais son état avait régulièrement empiré.
Elle se fraya un chemin à travers la foule et, s'approchant de
Jésus par derrière, toucha son manteau ; « car
elle disait : Si je puis seulement toucher ses vêtements,
je serai guérie ». L'effet fut plus que magique ;
immédiatement elle sentit la vague de santé lui
traverser le corps et sut qu'elle était guérie de son
affliction. Son objectif ayant été atteint, la
bénédiction qu'elle demandait lui ayant maintenant été
donnée, elle essaya de ne pas se faire remarquer, en se
perdant en hâte dans la foule. Mais son contact n'avait pas
échappé au Seigneur. Il se retourna pour regarder
par-dessus la foule et demanda : « Qui a touché
mes vêtements ? » Ou pour employer les termes
de Luc : « Qui m'a touché ? »
Comme le peuple niait, l'impétueux Pierre, parlant pour
lui-même et pour les autres, dit : « Maître,
la foule t'entoure et te presse ! Mais Jésus répondit :
Quelqu'un m'a touché, car je sais qu'une force est sortie de
moi. »
La
femme, voyant qu'elle ne manquerait pas d'être reconnue,
s'avança en tremblant et, s'agenouillant devant le Seigneur,
confessa ce qu'elle avait fait, la raison pour laquelle elle avait
fait cela et le résultat bienfaisant. Si elle s'était
attendue à une réprimande, ses craintes furent
promptement apaisées, car Jésus, s'adressant à
elle par un terme de respect et de bonté, dit : « Prends
courage, ma fille, ta foi t'a guérie », et comme
Marc l'ajoute : « Sois guérie de ton mal. »
La
foi de cette femme était sincère et sans duplicité,
néanmoins, dans un certain sens, il lui manquait quelque
chose. Elle croyait que l'influence de la personne du Christ, et même
celle qui s'attachait à son vêtement, était un
pouvoir de guérison suffisant pour vaincre sa maladie ;
mais elle ne se rendait pas compte que le pouvoir de guérir
était un attribut inhérent qui ne devait s'exercer qu'à
la volonté de son détenteur et selon que l'influence de
la foi le réclamait. Sa foi, il est vrai, avait déjà
été partiellement récompensée, mais ce
qui aurait pour elle une plus grande valeur que la guérison
physique d'une maladie serait l'assurance que le Guérisseur
divin lui avait accordé le désir de son cœur, et
que la foi qu'elle avait manifestée était acceptée
de lui. Pour corriger sa méprise et confirmer sa foi, Jésus
la soumit avec douceur à l'épreuve nécessaire de
la confession, qui dut être facilitée par le fait
qu'elle se rendait compte du grand soulagement qu'elle éprouvait
déjà. Il confirma la guérison et la laissa
partir avec l'assurance rassurante que sa guérison était
permanente.
En
contraste avec les nombreux cas de guérison lors desquels le
Seigneur ordonna aux bénéficiaires de ne parler à
personne de la manière dont ils avaient été
guéris ni par qui, nous voyons ici que la publicité
était assurée par sa propre action, et ce, alors même
que la bénéficiaire de la bénédiction
désirait la discrétion. Les desseins et les motifs de
Jésus peuvent n'être que faiblement compris de l'homme ;
mais dans le cas de cette femme, nous voyons le risque que des
histoires étranges et fausses soient inventées, et il
semble que la solution la plus sage était de révéler
la vérité sur-le champ. En outre la valeur spirituelle
du miracle était fortement soulignée par la confession
de la femme et par l'assurance gracieuse du Seigneur. Remarquez
l'affirmation significative : « Ta foi t'a guérie. »
La foi est en elle-même un principe de puissance [26] ;
et sa présence ou son absence, sa plénitude ou sa
parcimonie influençaient et influencent même le
Seigneur, et constituaient et constituent dans une grande mesure le
critère selon lequel il accorde ou refuse les bénédictions ;
car il le faisait selon la loi, et non avec caprice ou incertitude.
Nous lisons qu'à un certain moment et en un certain lieu,
Jésus « ne put faire là aucun miracle »
à cause de l'incrédulité du peuple [27]. La
révélation moderne précise que la foi pour être
guéri est l'un des dons de l'Esprit, analogue aux
manifestations de foi lorsque l'on guérit les autres par
l'exercice de la puissance de la sainte prêtrise [28].
La
question de notre Seigneur par laquelle il demandait qui l'avait
touché dans la foule nous donne un autre exemple de sa méthode
de poser des questions dans un but précis, alors qu'il aurait
facilement pu déterminer les faits directement et sans l'aide
des autres. Cette question avait un but particulier, de même
que tout instructeur voit un moyen d'enseignement dans l'art
d'interroger ses élèves [29]. Mais dans la
question du Christ : « Qui m'a touché ? »
il y a un sens plus profond que n'en pourrait comporter une simple
question d'une personne ; et cela est impliqué dans les
paroles suivantes du Seigneur : « Quelqu'un m'a
touché, car je sais qu'une force est sortie de moi. »
L'action visible ordinaire par laquelle il accomplissait ses miracles
était un mot ou un commandement accompagné parfois de
l'imposition des mains ou de quelque autre ministère physique,
comme lorsqu'il oignit les yeux d'un aveugle [30]. Cet exemple
montre clairement que quelque chose de sa propre force passa
réellement dans la personne affligée. Il ne suffit pas
au candidat à une bénédiction de croire
passivement ; ce n'est que lorsque cette croyance est rendue
vivante par une foi active qu'elle devient une force ; il en va
de même pour quelqu'un qui officie en vertu de l'autorité
donnée par Dieu : il faut qu'une énergie mentale
et spirituelle opère si l'on veut que ce service soit
efficace.
LES
AVEUGLES VOIENT ET LES MUETS PARLENT [31]
Matthieu
rapporte deux autres cas de guérison miraculeuse peu après
la résurrection de la fille de Jaïrus. Comme Jésus
descendait les rues de Capernaüm, probablement lorsqu'il quitta
la maison du gouverneur de la synagogue, deux aveugles le suivirent,
s'écriant : « Aie pitié de nous, Fils
de David ! » Ce titre fut donné par d'autres à
diverses époques, et dans aucun cas nous ne voyons notre
Seigneur le nier ou faire objection à son usage [32].
Jésus ne s'arrêta pas pour faire attention à cet
appel des aveugles, et ceux-ci le suivirent, entrant même dans
la maison derrière lui. Alors il leur parla, demandant :
« Croyez-vous que je puisse faire cela ? »
Et ils répondirent : « Oui, Seigneur. »
Leur persistance à suivre le Seigneur était la preuve
qu'ils croyaient que d'une certaine manière, inconnue et
mystérieuse pour eux, il pouvait les aider ; et ils
confessèrent promptement et ouvertement cette croyance. Notre
Seigneur leur toucha les yeux, disant : « Qu'il vous
soit fait selon votre foi. » L'effet fut immédiat :
leurs yeux s'ouvrirent. Ils reçurent explicitement l'ordre de
n'en rien dire à autrui ; mais, se réjouissant de
la bénédiction inestimable qu'était la vue, ils
« répandirent sa renommée dans le pays
entier ». Dans la mesure où nous pouvons démêler
les fils incertains de la chronologie dans les œuvres du
Christ, c'est ici le premier cas, rapporté en détails,
où il ait rendu la vue aux aveugles. Beaucoup de cas
remarquables suivent [33].
Il
vaut d'être remarqué qu'en bénissant les aveugles
par l'exercice de son pouvoir guérisseur, Jésus
accompagnait habituellement son ordre ou son assurance péremptoire
de quelque contact physique. Dans ce cas, de même que dans
celui des deux aveugles qui étaient assis sur le côté
de la route, il toucha les yeux aveugles ; lorsqu'il rendit la
vue au pauvre qui était aveugle à Jérusalem, il
oignit de boue les yeux de l'homme ; aux yeux d'un autre, il
appliqua de la salive [34]. On trouve un détail analogue
dans la guérison d'un sourd muet : dans ce cas, le
Seigneur mit les doigts dans les oreilles de l'homme et lui toucha la
langue [35]. On ne peut en aucun cas considérer pareil
traitement comme médicinal ou thérapeutique. Le Christ
n'était pas un médecin qui se reposait sur des
substances à propriétés curatives ni un
chirurgien qui se livrait à des opérations physiques ;
ses guérisons étaient les résultats naturels de
l'application d'une puissance dont il était le détenteur.
Il est concevable que ces procédés physiques aient pu
encourager, fortifier et faire passer à un niveau plus élevé
et plus durable la confiance - cette étape vers la croyance,
comme celle-ci est une étape vers la foi - qu'éprouvaient
pour le Christ les affligés privés de la vue pour
contempler le visage du Maître et en retirer de l'inspiration
et de l'ouïe pour entendre ses paroles édifiantes. C'est
non seulement une absence totale de formule et de formalisme qui
apparaît dans ses bénédictions aux affligés,
mais un manque d'uniformité dans la procédure qui est
tout aussi frappant.
Comme
les deux hommes, jadis aveugles, et qui maintenant voyaient, s'en
allaient, d'autres vinrent, amenant un ami muet dont l'affliction
semble avoir été due avant tout à l'influence
maligne d'un esprit mauvais plutôt qu'à un défaut
organique quelconque. Jésus réprimanda l'esprit
mauvais : chassa les démons qui avaient obsédé
et maintenu l'affligé dans la souffrance du mutisme. La langue
de l'homme fut déliée, et il fut libéré
du démon malin et cessa d'être muet [36].
[1]
Mc 4:35.
[2]
Articles de Foi, p. 23 et sqq. - « Hommes appelés
de Dieu. »
[3]
Chap. 8
[4]
Lc 9:57-62 ; voir aussi Mt 8:19-22.
[5]
Mt 8:23-27, Mc 4:35-41, Lc 8:22-25.
[6]
Note 1, fin du chapitre.
[7]
Gn 1:28, PGP, Moïse 2:26, 5:1.
[8]
Gn 3:17-19.
[9]
Note 2, fin du chapitre.
[10]
Mt 8:28-34, Mc 5:1-19, Lc 8:26-39.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Cf. Ap 20:3.
[13]
Note 4, fin du chapitre.
[14]
Mc 1:24, Lc 4:34 et verset 41 ; voir chap. 13 du présent
ouvrage.
[15]
Mc 3:7-11 ; cf. Lc 6:17-19 ; voir chap. 13 du présent
ouvrage, notes.
[16]
Mc 5:22-24, 35-43, Lc 8:41,42,49-56, Mt 9:18,19,23-26.
[17]
Jn 11:45 ; cf. 8:30,10:42.
[18]
Notes 5, fin du chapitre.
[19]
Note 6, fin du chapitre.
[20]
Note 7, fin du chapitre.
[21]
Mc 5:19:20, Lc 8:39. Chap. 20 du présent ouvrage.
[22]
Chap. 18.
[23]
1 Co 15:20,23 ; voir aussi Actes 26:23, Co 1:18, Ap 1:5 et
Articles de Foi, p. 468-469.
[24]
1 R 17:17-24, 2 R 4:31-37.
[25]
Mc 5:25-34, Mt 9:20-22, Lc 8:43-48.
[26]
Articles de Foi, p. 130-133.
[27]
Mc 6-5, 6 ; cf. Mt 13-58.
[28]
D&A 46:19 ; cf. Mt 8:10, 9:28,29 ; Ac 14:9.
[29]
Note 8, fin du chapitre.
[30]
Mt 8:3, Lc 4:40, 13:13, Jn 9:6, cf. Mc 6:5, 7:33,8:23.
[31]
Mt 9:27-35.
[32]
Mt 15:22, 20, 30, 31, Me 10:47, 48, Lc 18:38, 39.
[33]
Note 9, fin du chapitre.
[34]
Mt 20:30-34, Jn 9:6, Mc 8:23.
[35]
Mc 7:32-37.
[36]
Mt 9:32,33. Note 10, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 20
1.
Tempêtes sur le lac de Galilée : On sait que les
tempêtes très violentes sont courantes sur le lac ou la
mer de Galilée. La tempête qui fut calmée par la
parole impérieuse du Seigneur n'était pas en elle-même
un phénomène extraordinaire, si ce n'est peut-être
par son intensité. On trouve dans les Écritures un
autre incident qui a trait à une tempête sur cette
petite étendue d'eau et sera examiné plus tard dans le
texte (Mt 14:22-26, Mc 6:45-56, Jn 6:15-21). Le Dr Thompson (The Land
and the Book, 11: 32) donne une description basée sur son
expérience personnelle au bord du lac : « Je
passai une nuit dans ce Wadi Shukaiyif, à cinq kilomètres
en amont environ, à gauche de nous. Le soleil s'était à
peine couché lorsque le vent commença à se
précipiter vers le lac, et il persista toute la nuit avec une
violence constamment croissante, de sorte que lorsque nous parvînmes
le lendemain au rivage, la surface du lac était une immense
chaudière en ébullition. Le vent hurlait du nord-est et
de l'est le long de tous les wadi avec une telle furie qu'il aurait
été impossible à des rameurs d'amener un bateau
au rivage à un point quelconque le long de cette côte...
Pour comprendre les causes de ces tempêtes soudaines et
violentes, nous devons nous souvenir que le lac est à basse
altitude : cent quatre-vingts mètres au-dessous du niveau
de la mer, que les vastes plateaux dénudés du Jaulan
s'élèvent à une grande altitude, s'étendant
en arrière jusqu'aux régions désertiques du
Hauran et montant vers l'Hermon enneigé, que les cours d'eau
ont creusé des ravins profonds et des gorges sauvages,
convergeant vers la tête de ce lac, et que ces derniers
agissent comme des entonnoirs gigantesques qui attirent les vents
froids des montagnes. »
2.
La terre avant et après sa régénération :
Le fait que la terre elle-même tomba sous la malédiction
qui accompagna la chute des premiers parents du genre humain, et que
de même que l'homme sera racheté, de même aussi la
terre sera régénérée, c'est ce
qu'impliquent les paraboles de Paul : « Car la
création... sera libérée de la servitude de la
corruption, pour avoir part à la liberté glorieuse des
enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la
création tout entière soupire et souffre les douleurs
de l'enfantement. Bien plus ; nous aussi, qui avons les prémices
de l'Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en
attendant l'adoption, la rédemption de notre corps »
(Rm 8:21-23). L'auteur de ce livre a écrit ailleurs :
« Selon les Écritures, la terre doit subir un
changement analogue à la mort et être régénérée
d'une manière comparable à une résurrection. Les
allusions aux éléments fondant sous la chaleur, et à
la terre se consumant et passant que l'on trouve dans beaucoup
d'Écritures déjà citées, suggèrent
la mort ; et la nouvelle terre, en réalité la
planète renouvelée ou régénérée
qui doit en résulter, peut être comparée à
un organisme ressuscité. Ce changement a été
comparé à une transfiguration (D&A 63:20, 21). Tout
ce qui a été créé l'a été
dans un but ; et tout ce qui remplit la mesure de sa création
doit être avancé dans l'échelle de la
progression, que ce soit un atome, un animalcule ou un homme -
descendant direct et littéral de la divinité. En
parlant des degrés de gloire qu'il a prévus pour ses
créations et des lois de la régénération
et de la sanctification, le Seigneur, dans une révélation
datée de 1832, parle clairement de la mort proche et de la
vivification ultérieure de la terre. Voici ses paroles :
« Et de plus, en vérité, je vous le dis, la
terre se conforme à la gloire d'un royaume céleste car
elle remplit la mesure de sa création et ne transgresse pas la
loi - c'est pourquoi, elle sera sanctifiée ; oui, bien
qu'elle doive mourir, elle sera vivifiée et supportera le
pouvoir qui l'aura vivifiée et les justes en hériteront »
(D&A 88:25-26).
L'esprit
de vie, qui émane de Dieu et qui remplit tout l'espace, peut
opérer directement et avec autant d'effet sur des êtres
inanimés et sur l'énergie dans ses manifestations
diverses que nous appelons les forces de la nature, que sur les
intelligences organisées, qu'elles soient encore non
incarnées, dans la chair, ou désincarnées.
Ainsi, le Seigneur peut parler directement à la terre, à
l'air, à la mer et être entendu et obéi, car
l'abondance divine, qui est la somme de toute l'énergie et de
toute la puissance, peut agir et agit dans tout l'univers. Au cours
d'une révélation de Dieu à Énoch, la
terre fut personnifiée, et le prophète entendit ses
gémissements et ses lamentations sur la méchanceté
des hommes : « Énoch posa les yeux sur la
terre, et il entendit une voix venant des entrailles de celle-ci qui
disait : Malheur, malheur à moi, la mère des
hommes, je suis affligée, je suis lasse à cause de la
méchanceté de mes enfants. Quand me reposerai-je et
serai-je purifiée de la souillure qui est sortie de moi ?
Quand mon Créateur me sanctifiera-t-il, afin que je me repose
et que la justice demeure pour un temps sur ma face ? »
Énoch supplia : « O Seigneur, n'auras-tu point
compassion de la terre ? » Quand il lui fut alors
révélé quelle voie pécheresse l'humanité
allait suivre et qu'elle allait rejeter le Messie qui allait être
envoyé, le prophète pleura d'angoisse et demanda à
Dieu : « Quand la terre se reposera-t-elle ? »
Il lui fut alors montré que le Christ crucifié
reviendrait sur la terre et établirait un règne
millénaire de paix : « Et le Seigneur dit à
Énoch : Comme je vis, je viendrai dans les derniers
jours, dans les jours d'iniquité et de vengeance, pour
accomplir le serment que je t'ai fait au sujet des enfants de Noé.
Et le jour viendra où la terre se reposera, mais avant ce
jour-là, les cieux seront obscurcis, et un voile de ténèbres
couvrira la terre ; les cieux trembleront et la terre aussi. Et
il y aura de grandes tribulations parmi les enfants des hommes. »
Et il ajouta cette assurance merveilleuse : « La
terre se reposera pendant l'espace de mille ans » (PGP,
Moïse 7:48, 49, 58, 60, 61, 64).
Une
description partielle de la terre dans son état régénéré
a été donnée par l'intermédiaire du
prophète Joseph Smith : « Cette terre, dans
son état sanctifié et immortel sera rendue semblable à
un cristal et sera pour ceux qui l'habiteront un urim et thummin,
grâce à quoi tout ce qui a rapport à un royaume
inférieur, ou à tous les royaumes d'un ordre inférieur
sera révélé à ceux qui habiteront sur
cette terre ; et celle-ci appartiendra au Christ »
(D&A 130:9).
En
vertu de la loi naturelle des cieux, Jésus-Christ, dans
l'exercice des pouvoirs de sa divinité, peut aussi bien parler
directement au vent et à la mer et en être obéi,
que commander avec résultat un homme ou un esprit non incarné.
Jésus-Christ a déclaré explicitement que, par la
foi, même l'homme mortel peut faire opérer les forces
qui agissent sur la matière avec l'assurance qu'il obtiendra
des résultats stupéfiants : « En vérité
je vous le dis, si vous avez de la foi comme un grain de moutarde,
vous direz à cette montagne : Transporte-toi d'ici là,
et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible »
(Mt 17:20, comparer avec Mc 11:23, Lc 17:6).
3.
Le pays des Géraséniens : On a essayé de
contester le récit de la guérison du démoniaque
par le Christ dans « le pays des Géraséniens »
(Mc 5: 1, Lc 8:26), en prétendant que l'ancienne ville de
Gadara, capitale de la région (voir Josèphe, Guerres,
III, 7:1), se trouvait trop à l'intérieur des terres
pour que la course précipitée des pourceaux depuis ce
lieu jusque dans la mer fût possible. D'autres soulignent le
fait que Matthieu diffère des deux autres historiens
évangéliques en parlant du « pays des
Gadaréniens » (8:28). Comme nous l'avons dit dans
le texte, c'est à une région tout entière qu'il
est fait allusion ici, pas à une ville. Les gardiens des
pourceaux s'encoururent vers les villes rapporter le désastre
qui s'était abattu sur leurs troupeaux. Dans cette région
de la Pérée, il y avait à l'époque des
villes qui s'appelaient respectivement Gadara, Gerasa et Gergesa ;
on pouvait donc appeler à juste titre la région en
général le pays des Gadaréniens ou des
Géraséniens. Farrar (Life of Christ, p. 254, note)
dit : « Après les recherches du Dr Thompson
(The Land The Book, 11:25), il ne peut faire aucun doute que
Gergesa... était le nom d'une petite ville qui se trouvait
presque en face de Capernaüm et dont les Bédouins
appellent encore l'emplacement en ruines Kerza ou Gersa. L'existence
de cette petite ville était apparemment connue tant d'Origène,
qui fut le premier à en donner l'orthographe, que d'Eusèbe
et de Jérôme ; et de leur temps on désignait
une forte pente toute proche, où les collines se rapprochent
jusqu'à une courte distance du lac, comme la scène du
miracle. »
4.
Jésus supplié de quitter le pays : Le peuple fut
effrayé de la puissance que Jésus possédait, et
qui se manifesta dans la guérison du démoniaque et dans
la destruction des pourceaux, ce dernier événement
n'étant toutefois pas dû à son commandement.
C'était la crainte que les pécheurs éprouvent en
présence du Juste. Ils n'étaient pas préparés
à d'autres manifestations de la puissance divine, et ils
redoutaient la pensée de savoir qui parmi eux en serait
directement affecté si elle s'exerçait. Cependant nous
devons juger le peuple avec miséricorde, si même nous le
faisons. Il était partiellement païen et n'avait que des
conceptions superstitieuses au sujet de la Divinité. Sa
prière, demandant à Jésus de le quitter,
rappelle l'exclamation de Simon Pierre, lorsqu'il fut témoin
de l'un des miracles du Christ : « Seigneur,
éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur »
(Lc 5:8).
5.
« Morte » ou « à toute
extrémité » : Selon Luc (8:42) la fille
de Jaïrus « se mourait » tandis que le
père éploré demandait l'aide du Seigneur ;
Marc (5:23) fait dire à l'homme que la fillette était
« à toute extrémité ». Ces
deux récits s'accordent ; mais Matthieu (9:18) fait dire
au père : « Ma fille est morte il y a un
instant. » Les critiques incrédules se sont étendus
en détail sur ce qu'ils considèrent comme un illogisme
sinon une contradiction dans ces versions ; et cependant les
deux récits que l'on trouve dans les trois documents sont
évidemment vrais. La jeune fille rendait apparemment le
dernier soupir, elle était dans les affres de la mort lorsque
le père sortit en hâte. Avant d'avoir rencontré
Jésus, il eut le sentiment que la fin était
probablement arrivée ; néanmoins sa foi persista.
Ses paroles attestent sa confiance que même si sa fille était
vraiment morte depuis qu'il avait quitté son côté,
le Maître la rappellerait à la vie. Il se trouvait dans
un état de douleur frénétique, et cependant sa
foi se maintint.
6.
Coutumes funèbres parmi les Orientaux : Des observances
qui nous paraissent étranges, bizarres et déplacées
existent depuis les temps les plus reculés parmi les peuples
orientaux, certaines de ces coutumes étant communes aux Juifs
à l'époque du Christ. Le deuil s'accompagnait
ordinairement de bruit et de tumulte, avec des lamentations
stridentes des membres de la famille éplorée et des
pleureuses professionnelles, de même que du vacarme
d'instruments. Geikie, donnant la citation de Buxtorf d'un passage du
Talmud, note : « Même un Israélite
pauvre était obligé d'avoir au minimum deux joueurs de
flûte et une pleureuse à la mort de sa femme ; mais
s'il était riche, tout devait se faire conformément à
sa qualité. » Dans le Dictionnary of the Bible, de
Smith, nous lisons : « Le nombre de paroles (onze
mots hébreux et autant de mots grecs) utilisées dans
les Écritures pour exprimer les diverses actions
caractéristiques du deuil montre dans une grande mesure la
nature des coutumes juives dans ce domaine. Elles semblent s'être
composées surtout des détails suivants : (1) Coups
administrés à eux-mêmes par les affligés
sur la poitrine ou une autre partie du corps. (2) Pleurs et
hurlements sans retenue. (3) Port de vêtements aux couleurs
tristes. (4) Chants de lamentations. (5) Fêtes funèbres.
(6) Utilisation de personnes, surtout de femmes pour les
lamentations. L'un des traits marquants du deuil oriental est ce que
l'on peut appeler sa publicité étudiée et
l'observance soigneuse des cérémonies prescrites (Gn
23:2, Job 1:20, 2:8, Es 15:3, etc.). »
7.
« Pas morte, mais elle dort. » : Le texte
scripturaire ne laisse aucun doute quant au fait que la fille de
Jaïrus était morte. La déclaration de notre
Seigneur aux pleureuses bruyantes que « l'enfant n'est pas
morte, mais elle dort » disait que son sommeil devait être
de courte durée. C'était une coutume rabbinique et
commune de l'époque d'appeler la mort un sommeil, et ceux qui
raillèrent Jésus à cause de ce qu'il disait
décidèrent d'interpréter ses paroles dans un
sens littéral que le contexte ne justifie absolument pas. Il
est à remarquer que le Seigneur utilisa une expression
strictement équivalente en ce qui concerne la mort de Lazare.
« Lazare, notre ami, s'est endormi, dit-il, mais je pars
pour le réveiller. » Lorsque les apôtres
interprétèrent ces paroles littéralement, cela
entraîna la déclaration nette « Lazare est
mort » (Jn 11:11,14). Dans le Talmud la mort est appelée
à plusieurs reprises un sommeil : des centaines de fois,
dit Lightfoot, autorité reconnue en littérature
hébraïque.
8.
Pourquoi Jésus posait-il des questions ? : Nous
avons déjà examiné beaucoup d'exemples montrant
que le Christ possédait ce que l'homme appellerait une
connaissance surhumaine, laquelle allait jusqu'à lire des
pensées inexprimées. Certaines personnes ont du mal à
concilier cette qualité supérieure avec le fait que
Jésus posait souvent des questions même sur des points
d'importance secondaire. Nous devons nous rendre compte que ce n'est
pas parce que quelqu'un possède une connaissance complète
qu'il lui est interdit de poser des questions et, en outre, que même
quand on est omniscient, cela ne veut pas dire que l'on est
éternellement conscient de tout ce qui est. Il ne fait aucun
doute que grâce aux attributs divins dont il avait hérité
du côté paternel, Jésus avait le pouvoir de
s'assurer par lui-même, grâce à des moyens que
d'autres ne possèdent pas, de tous les faits qu'il pouvait
désirer connaître ; néanmoins nous le voyons
poser constamment des questions sur des petits détails (Mc
9:21, 8:27, Mt 16:13, Lc 8:45) ; et cela il le fit même
après sa résurrection (Lc 24:41, Jn 21:5, LM, 3 Né
17:7).
Les
méthodes suivies par les meilleurs instructeurs humains
montrent que l'enseignement par questions est l'un des moyens les
plus efficaces de développer l'esprit. Trench (Notes on the
Miracles, pp.148-9) fait ressortir d'une manière instructive
la leçon qui illustra la question de notre Seigneur concernant
la femme qui fut guérie de son hémorragie : cela
ne mène à rien de prétendre que le Seigneur se
serait mis en contradiction avec la vérité absolue en
feignant l'ignorance et en posant la question qu'il posa, si à
ce moment-là, il savait parfaitement ce qu'il prétendait
ainsi implicitement ne pas savoir. Peut-on dire d'un père qui
se trouve parmi ses enfants et qui demande : Qui a commis cette
faute ? alors qu'il le sait, au moment même où il
pose la question, mais qui désire en même temps amener
le coupable à des aveux complets et le mettre ainsi dans un
état où il peut être pardonné, peut-on
dire de lui qu'il enfreint d'une manière quelconque la loi de
la vérité la plus élevée ? On
pourrait trouver la même offense dans la question d'Élisée :
« D'où viens-tu, Guéhazi ? »
(2 R 5:25) alors que son cœur accompagna son serviteur tout le
long du chemin qu'il avait parcouru ; et même dans la
question que Dieu lui-même posa à Adam : « Où
es-tu ? » (Gn 3:9) et à Caïn : « Où
est ton frère Abel ? » (Gn 4:9). Dans tous les
cas la question a un but moral, une occasion donnée jusqu'au
dernier moment de réparer au moins une partie de l'erreur en
la confessant sans réserve.
9.
Les aveugles voient : Dans son étude de la guérison
miraculeuse des deux aveugles qui avaient suivi Jésus dans la
maison, Trench (Notes on the Miracles of our Lord, p. 152) dit :
« Nous avons ici la première de ces nombreuses
guérisons d'aveugles que les évangiles rapportent (Mt
12:22, 20:30, 21:14, Jn 9) ou auxquelles ils font allusion (Mt
11:5) ; chacune d'elles correspond à l'accomplissement
littéral de la parabole prophétique d'Ésaïe
concernant le temps du Messie : « Alors s'ouvriront
les yeux des aveugles » (35:5). Aussi fréquents que
soient ces miracles, on n'en trouvera cependant aucun qui soit
dépourvu d'un trait distinctif bien à lui. Il n'y a
rien d'étonnant à ce qu'ils soient aussi nombreux, que
nous considérions ce fait d'un point de vue naturel ou
spirituel. Du point de vue naturel, ils ne doivent pas nous
surprendre, si nous nous rappelons à quel point la cécité
est une calamité plus courante en Orient que chez nous. Du
point de vue spirituel, il nous suffit de nous rappeler combien
souvent le péché est considéré par les
Écritures comme une cécité morale (Dt 28:29, Es
59: 10, Job 12:25, So 1:17), et le fait d'être libéré
du péché comme la guérison de cette cécité
(Es 6:9,10, 43:8, Ep 1: 18, Mt 15:14) ; et nous verrons
immédiatement combien il était juste que lui, « la
lumière du monde », accomplisse souvent des œuvres
qui symbolisaient si bien cette œuvre supérieure qu'il
venait d'accomplir dans le monde. »
10.
L'accusation d'agir par Satan : Remarquez que dans l'affaire de
la guérison du démoniaque muet dont il est parlé
dans le texte, Jésus fut accusé d'être ligué
avec le diable. Bien que le peuple, frappé de la manifestation
de la puissance divine dans la guérison, s'exclamât avec
respect : « Jamais rien de semblable ne s'est vu en
Israël », les Pharisiens, décidés à
contrecarrer le bon effet de l'œuvre miraculeuse du Seigneur,
dirent : « C'est par le prince des démons
qu'il chasse les démons » (Mt 9:32-34). On trouvera
une étude plus approfondie de cette accusation illogique et, à
strictement parler blasphématoire, p. 290-294.
CHAPITRE
21 : LA MISSION APOSTOLIQUE ET LES ÉVÈNEMENTS
QUI S'Y RAPPORTENT
JÉSUS
DE RETOUR À NAZARETH [1]
On
se souviendra que dans les premiers temps de son ministère
public, Jésus avait été rejeté du peuple
de Nazareth, qui l'expulsa de sa synagogue et essaya de le tuer [2].
Il semble qu'à la suite des événements notés
dans notre dernier chapitre, il soit retourné à la
ville de sa jeunesse et ait de nouveau élevé la voix
dans la synagogue, accordant ainsi miséricordieusement au
peuple une autre occasion d'apprendre et d'accepter la vérité.
Comme ils l'avaient déjà fait, les Nazaréens
exprimèrent de nouveau à haute voix leur étonnement
devant les paroles qu'il prononçait et les nombreuses œuvres
miraculeuses qu'il avait accomplies ; néanmoins ils le
rejetèrent de nouveau, car il ne venait pas comme ils
s'attendaient à voir le Messie venir ; et ils refusèrent
de le tenir pour quelqu'un d'autre que « le charpentier,
le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de
Simon », qui étaient des gens ordinaires de même
que ses sœurs. « Et il était pour eux une
occasion de chute » [3]. Leur incrédulité
l'étonna [4] ; et à cause de leur manque de
foi, il fut incapable d'accomplir aucune grande œuvre si ce
n'est de guérir quelques croyants exceptionnels auxquels il
imposa les mains. Quittant Nazareth, il entreprit sa troisième
tournée des villes et des villages galiléens, prêchant
et enseignant en chemin [5].
LES
DOUZE CHARGÉS DE MISSION ET ENVOYÉS [6]
C'est
également vers cette époque que Jésus commença
une expansion notable du ministère du royaume en envoyant les
Douze en mission. Depuis leur ordination les apôtres avaient
accompagné leur Seigneur, s'instruisant auprès de lui
lors de ses discours publics et de ses exposés privés,
et acquérant une expérience et une formation précieuses
grâce à cette association privilégiée et
bénie. Il les ordonna « pour les avoir avec lui, et
pour les envoyer prêcher [7] ». Voilà
des mois qu'ils étaient élèves sous la direction
vigilante du Maître ; et maintenant ils étaient
appelés à entreprendre les devoirs de leur appel comme
des prédicateurs de l'Évangile et témoins
personnels du Christ. Comme préparation finale, ils reçurent
explicitement et solennellement leurs charges [8]. Certaines des
instructions qui leur furent données en cette occasion avaient
particulièrement trait à la première mission,
dont ils reviendraient faire leur rapport en temps voulu ;
d'autres directives et exhortations seraient d'application pendant
toute la durée de leur ministère, même après
l'ascension du Seigneur.
Ils
reçurent l'ordre de limiter provisoirement leur ministère
aux « brebis perdues de la maison d'Israël »
et de ne pas faire de propagande parmi les Gentils [9], ni même
dans les villes samaritaines. C'était une restriction
temporaire, imposée par la sagesse et la prudence ; plus
tard, comme nous le verrons, ils reçurent l'ordre de prêcher
parmi toutes les nations, ayant le monde comme champ d'action [10].
Le sujet de leurs discours devait être ce qu'ils avaient
entendu le Maître prêcher : « Le royaume
des cieux est proche. » Ils devaient exercer l'autorité
de la sainte prêtrise qui leur avait été conférée
par ordination ; il entrait officiellement dans leurs
attributions de guérir les malades, de ressusciter les morts,
de purifier les lépreux, de chasser les démons, selon
que les occasions s'en présentaient ; et ils reçurent
le commandement de donner gratuitement comme ils avaient reçu
gratuitement. Ils ne devaient pas s'occuper de leur confort personnel
ni de leurs besoins corporels ; le désir du peuple de
recevoir et d'assister ceux qui venaient au nom du Seigneur devait
être mis à l'épreuve, et les apôtres
eux-mêmes devaient apprendre à se reposer sur une
Providence plus digne de confiance que l'homme ; c'est pourquoi
ils devaient laisser derrière eux l'argent, les vêtements
de rechange et tout élément de confort. Dans les
diverses villes où ils entreraient, ils devraient se faire
inviter et donner leur bénédiction à toutes les
bonnes familles qui les recevraient. S'ils se trouvaient rejetés
par un foyer ou par une ville entière, ils devaient secouer la
poussière de leurs pieds en partant, comme témoignage
contre les gens [11] ; et il était décrété
que, le jour du jugement, le sort du lieu ainsi dénoncé
serait pire que celui des villes corrompues de Sodome et de Gomorrhe
sur lesquelles le feu du ciel était descendu.
Il
fut dit aux apôtres d'être prudents, de n'offenser
personne inutilement mais d'être sages comme des serpents et
simples comme des colombes, car ils étaient envoyés
comme des brebis au milieu des loups. Ils ne devaient pas se confier
imprudemment au pouvoir des hommes, car des méchants les
persécuteraient, chercheraient à les traîner
devant les tribunaux et les battraient dans les synagogues. En outre,
ils pouvaient s'attendre à être amenés devant les
gouverneurs et les rois, et dans ces situations extrêmes, ils
devaient se reposer sur l'inspiration divine pour ce qu'ils diraient
et ne pas compter sur leur propre sagesse pour préparer leurs
paroles ; « car, dit le Maître, ce n'est pas
vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en
vous [12] ».
Ils
ne devaient même pas se fier à leur parenté pour
assurer leur protection, car les familles se diviseraient à
cause de la vérité, frère contre frère,
enfants contre parents, et la lutte qui en résulterait serait
mortelle. Ces serviteurs du Christ furent avertis qu'ils seraient
haïs de tous les hommes mais reçurent l'assurance que
leurs souffrances seraient pour l'amour de son nom. Ils devaient se
retirer des villes qui les persécutaient et se rendre dans
d'autres ; et le Seigneur les suivrait, avant même qu'ils
n'eussent pu terminer la tournée des villes d'Israël. Ils
furent exhortés à l'humilité et devaient
toujours se souvenir qu'ils étaient des serviteurs qui ne
devaient pas s'attendre à échapper alors que même
leur Maître était assailli. Néanmoins ils
devaient être intrépides et ne pas hésiter à
prêcher clairement l'Évangile, car tout ce que leurs
persécuteurs pouvaient faire, c'était tuer le corps,
sort qui n'était rien comparé à celui de subir
la destruction de l'âme en enfer.
Les
apôtres furent assurés du soin vigilant du Père
lorsque Jésus leur rappela simplement que bien que l'on vendît
deux passereaux pour un sou, cependant il n'en pouvait être
sacrifié aucun sans la volonté du Père, et que
par conséquent, eux qui avaient plus de valeur que beaucoup de
passereaux ne seraient pas oubliés. Ils furent solennellement
avertis que quiconque confessait librement le Christ devant les
hommes, il le reconnaîtrait en présence du Père,
tandis que ceux qui le renieraient devant les hommes seraient reniés
dans les cieux. Il leur fut dit encore que l'Évangile
apporterait des luttes qui détruiraient les foyers, car la
doctrine que le Seigneur avait enseignée serait comme une épée
qui couperait et séparerait. Les devoirs de leur ministère
devaient l'emporter sur leur amour pour leur famille ; ils
devaient être disposés à quitter père,
mère, fils ou fille, quel que fût le sacrifice ;
car, dit Jésus : « Celui qui ne prend pas sa
croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi. »
La
signification de cette comparaison doit avoir été
solennellement frappante et en fait terrifiante ; car la croix
était un symbole d'ignominie, de souffrances extrêmes et
de mort. Cependant, s'ils devaient perdre la vie pour l'amour de lui,
ils trouveraient la vie éternelle ; tandis que celui qui
n'était pas disposé à mourir au service du
Seigneur perdrait la vie dans un sens à la fois littéral
et terrible. Ils ne devaient jamais oublier au nom de qui ils étaient
envoyés, et ils furent consolés par l'assurance que
quiconque les recevrait serait récompensé comme s'il
avait reçu le Christ et son Père, et que même si
le don n'était qu'un verre d'eau froide, le donateur ne
perdrait nullement sa récompense.
Ainsi
chargés de mission et instruits, les douze témoins
spéciaux du Christ se mirent en route, voyageant deux par
deux [13], tandis que Jésus poursuivait son ministère
personnel.
LE
RETOUR DES DOUZE
Nous
n'avons aucun renseignement précis sur la durée de la
première mission des douze apôtres ni l'étendue
du territoire qu'ils parcoururent. La période de leur absence
fut marquée de nombreux événements importants
dans les travaux personnels de Jésus. Il est probable que
pendant ce temps notre Seigneur se rendit à Jérusalem,
lors de la fête des Juifs dont le nom n'est pas cité et
dont parle Jean [14]. Tandis que les apôtres étaient
absents, Jésus reçut la visite des disciples du
Baptiste, comme nous l'avons déjà vu [15], et le
retour des Douze se produisit vers l'époque de l'exécution
infâme de Jean-Baptiste en prison [16].
Les
efforts missionnaires des apôtres accrurent grandement
l'expansion de la nouvelle doctrine du royaume, et le nom et les
œuvres de Jésus furent proclamés dans tout le
pays. Le peuple de Galilée était à l'époque
dans un état de mécontentement qui menaçait de
dégénérer en insurrection ouverte contre le
gouvernement ; son agitation avait été aggravée
par le meurtre du Baptiste. Hérode Antipas, qui avait donné
l'ordre fatal, tremblait dans son palais. Avec une crainte due à
la conviction qu'il avait intérieurement de sa culpabilité,
il entendit parler des œuvres merveilleuses accomplies par
Jésus et affirma, terrifié, que le Christ ne pouvait
être nul autre que Jean-Baptiste revenu du tombeau. Ses
courtisans adulateurs essayèrent d'apaiser ses craintes en
disant que Jésus était Élie ou quelque autre des
prophètes dont l'avènement avait été
prédit ; mais Hérode, tourmenté par sa
conscience, dit : « Ce Jean que j'ai fait décapiter,
c'est lui qui est ressuscité. » Hérode
désira voir Jésus ; peut-être était-ce
dû à la fascination de la crainte, ou dans le faible
espoir que la vue du prophète renommé de Nazareth
pourrait dissiper sa crainte superstitieuse que Jean assassiné
ne fût revenu à la vie.
Leur
tournée missionnaire terminée, les apôtres
rejoignirent le Maître et lui firent rapport de ce qu'ils
avaient enseigné et de ce qu'ils avaient accompli dans leur
ministère autorisé. Ils avaient prêché
l'Évangile de repentir dans toutes les villes, bourgades et
villages où ils s'étaient rendus ; ils avaient
oint d'huile beaucoup d'affligés, et la puissance de leur
prêtrise avait été attestée par les
guérisons qui avaient suivi ; même des esprits
impurs et des démons leur avaient été
soumis [17]. Ils trouvèrent Jésus accompagné
d'une grande multitude ; et ils n'eurent guère l'occasion
d'avoir un entretien privé avec lui, « car beaucoup
de personnes allaient et venaient, et ils n'avaient pas même le
temps de manger ». Les apôtres durent entendre avec
plaisir l'invitation du Seigneur : « Venez à
l'écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu. »
À la recherche d'un lieu solitaire, Jésus et les Douze
se retirèrent de la foule et montèrent seuls dans un
bateau dans lequel ils traversèrent jusqu'à un endroit
dans la campagne, proche de Bethsaïda [18]. Cependant leur
départ n'était pas passé inaperçu, et des
foules avides se hâtèrent le long du rivage et en partie
autour de l'extrémité septentrionale du lac pour
rejoindre le groupe au lieu de débarquement. Le récit
de Jean nous pousse à conclure qu'avant l'arrivée d'un
grand nombre de personnes, Jésus et ses compagnons étaient
montés au flanc de la colline près de la rive, où
ils s'étaient reposés un peu. Lorsque la multitude se
rassembla sur les pentes inférieures, notre Seigneur la
contempla comme on contemple des brebis sans berger ; cédant
alors au désir de la foule et à sa propre piété
divine, il lui enseigna beaucoup de choses, guérit ceux qui
étaient affligés et réconforta les cœurs
avec une tendresse compatissante.
PREMIÈRE
MULTIPLICATION DES PAINS [19]
Les
gens désiraient si vivement entendre les paroles du Seigneur
et se préoccupaient à tel point du soulagement
miraculeux qui résultait de ses bénédictions
guérisseuses, qu'ils restèrent dans le désert,
oubliant l'écoulement des heures, jusqu'à l'approche du
soir. C'était au printemps près du retour de la fête
annuelle de la Pâque, époque de l'herbe et des
fleurs [20]. Jésus se rendant compte que le peuple avait
faim, demanda à Philippe, l'un des Douze : « Où
achèterons-nous des pains pour que ces gens aient à
manger ? » Le but de cette question était de
mettre la foi de l'apôtre à l'épreuve ; en
effet le Seigneur avait déjà décidé ce
qui devait être fait. La réponse de Philippe montra sa
surprise devant cette question et exprima sa pensée que
l'entreprise proposée était impossible. « Les
pains qu'on aurait pour deux cents deniers ne suffiraient pas pour
que chacun en reçoive un peu », dit-il. André
ajouta qu'il y avait là un garçon qui avait cinq pains
d'orge et deux petits poissons. « Mais, dit-il, qu'est-ce
que cela pour tant de personnes ? » Tel est le récit
de Jean ; les autres auteurs déclarent que les apôtres
rappelèrent à Jésus que l'heure était
avancée et l'exhortèrent à renvoyer les gens se
chercher eux-mêmes de la nourriture et du logement dans les
villes voisines. Il semble très probable que la conversation
entre Jésus et Philippe se produisit plus tôt dans
l'après-midi [21], et que, les heures s'écoulant
rapidement, les Douze devinrent soucieux et recommandèrent le
renvoi de la multitude. La réponse du Maître aux apôtres
fut : « Elles n'ont pas besoin de s'en aller :
donnez-leur vous-mêmes à manger. »
Stupéfaits, ils répondirent : « Nous
n'avons ici que cinq pains et deux poissons » ; et le
commentaire désespéré d'André est de
nouveau sous-entendu : Qu'est-ce que cela pour tant de gens ?
À
la demande de Jésus, le peuple s'assit sur l'herbe en ordre ;
il se groupa par cinquantaines et centaines ; et on s'aperçut
que la multitude se composait d'environ cinq mille hommes, outre les
femmes et les enfants. Prenant les pains et les poissons, Jésus
leva les yeux au ciel et bénit la nourriture ; puis,
répartissant les provisions, il en donna aux apôtres
respectivement, et à leur tour, ils firent la distribution à
la multitude. La substance des poissons et du pain s'accrut au
contact du Maître, et la multitude festoya dans le désert
jusqu'à ce que tous fussent rassasiés. Jésus dit
aux disciples : « Ramassez les morceaux qui restent,
afin que rien ne se perde » ; et on remplit douze
paniers de ce qui restait. La connaissance humaine est incapable
d'expliquer le miracle lui-même. Bien qu'accompli sur une si
grande échelle, il n'est ni plus ni moins inexplicable que
n'importe laquelle des autres œuvres miraculeuses du Seigneur.
C'était une manifestation de puissance créatrice, grâce
à laquelle des éléments matériels étaient
organisés et composés de manière à
répondre à un besoin présent et pressant. La
partie rompue mais inutilisée dépassait en volume et en
poids la petite réserve originelle tout entière.
L'ordre de notre Seigneur de rassembler les fragments était
une leçon par l'exemple impressionnante contre le gaspillage ;
et c'est peut-être pour permettre pareille leçon qu'un
excédent fut donné. Le menu était simple et
cependant nourrissant, sain et satisfaisant. Le pain d'orge et les
poissons constituaient la nourriture ordinaire des classes pauvres de
la région. La transformation de l'eau en vin à Cana
était une transmutation qualitative ; l'alimentation de
la multitude nécessitait un accroissement quantitatif ;
qui peut dire que l'un de ces miracles fut plus merveilleux, et
lequel ?
La
multitude, maintenant nourrie et rassasiée, se mit à
réfléchir au miracle. En Jésus, par lequel une
œuvre si grande s'était accomplie, elle reconnaissait
quelqu'un qui avait des pouvoirs surhumains. « Vraiment
c'est lui le prophète qui vient dans le monde »,
dit-elle : le prophète dont la venue avait été
prédite par Moïse et qui serait semblable à lui.
De même qu'Israël avait été nourri
miraculeusement du temps de Moïse, de même maintenant du
pain était fourni dans le désert par ce nouveau
prophète. Dans son enthousiasme, le peuple proposa de le
proclamer roi et de le forcer à devenir son chef. Telle était
sa conception grossière du gouvernement messianique. Jésus
ordonna à ses disciples de partir en bateau, tandis qu'il
restait pour renvoyer la multitude maintenant excitée. Les
disciples hésitaient à quitter leur Maître, mais
il les y contraignit et ils obéirent. Son insistance à
ce que les Douze les quittent, tant lui que la multitude, était
peut-être due au désir de protéger les disciples
élus contre une contagion possible des desseins matérialistes
et impies de la foule de le faire roi. Par des moyens qui ne sont pas
détaillés, il fit disperser le peuple ; comme la
nuit avançait, il trouva ce qu'il était venu chercher,
la solitude et la tranquillité. Montant sur la colline, il
choisit un lieu solitaire et y resta en prière pendant la plus
grande partie de la nuit.
« C'EST
MOI ; N'AYEZ PAS PEUR ! » [22]
Le
retour en bateau s'avéra être un voyage mémorable
pour les disciples. Ils rencontrèrent un fort vent debout, qui
rendait naturellement l'usage des voiles impossible ; malgré
leurs grands efforts aux rames, l'embarcation échappait
pratiquement à leur contrôle et dansait au milieu de la
mer [23]. Bien qu'ils eussent travaillé toute la nuit,
ils avaient avancé de moins de six kilomètres ;
faire demi-tour et aller dans la direction du vent, ç'aurait
été provoquer un naufrage désastreux ; leur
seul espoir était de maintenir l'embarcation dans le vent à
la force du poignet. Jésus, dans sa retraite solitaire, était
conscient de leur pénible situation et, au cours de la
quatrième veille [24], c'est-à-dire entre trois et
six heures du matin, il vint à leur secours, marchant sur
l'eau projetée par la tempête comme s'il marchait sur la
terre ferme. Lorsque les voyageurs le virent approcher du bateau dans
la faible lumière de la nuit presque terminée, ils
furent envahis d'une crainte superstitieuse et se mirent à
hurler de terreur, croyant voir un spectre. « Jésus
leur dit aussitôt : Rassurez-vous : c'est moi ;
n'ayez pas peur ! »
Soulagés
par ces paroles rassurantes, Pierre, impétueux et impulsif
comme toujours, s'écria : « Si c'est toi [25],
ordonne-moi d'aller vers toi sur les eaux. » Jésus
ayant donné son accord, Pierre descendit du bateau et marcha
vers son Maître ; mais comme le vent le frappait et que
les vagues s'élevaient autour de lui, sa confiance vacilla et
il commença à s'enfoncer. Bien que nageur
puissant [26], il céda à la peur et s'écria :
« Seigneur, sauve-moi ! » Jésus le
saisit par la main, disant : « Homme de peu de foi,
pourquoi as-tu douté ? »
L'expérience
remarquable de Pierre nous apprend que la puissance qui permettait au
Christ de marcher sur les vagues pouvait opérer chez les
autres à la seule condition que leur foi fût durable.
C'était sur la demande même de Pierre qu'il avait reçu
la permission de tenter l'exploit. Si Jésus le lui avait
interdit, la foi de l'homme aurait pu être freinée ;
sa tentative, bien qu'échouant partiellement, était une
démonstration de l'efficacité de la foi au Seigneur,
qu'aucun enseignement verbal n'aurait jamais pu transmettre. Jésus
et Pierre montèrent dans l'embarcation ; immédiatement
le vent cessa, et le bateau parvint bientôt à la rive.
L'étonnement des apôtres, devant cette dernière
manifestation du pouvoir du Seigneur sur les forces de la nature,
aurait été plus proche de l'adoration et aurait
ressemblé moins à de la consternation terrifiée,
s'ils s'étaient souvenus des miracles précédents
dont ils avaient été témoins. Mais ils avaient
oublié jusqu'au miracle des pains, et leur cœur s'était
endurci [27]. S'étonnant de la puissance de quelqu'un à
qui la mer fouettée par le vent était un sol ferme, les
apôtres se prosternèrent devant le Seigneur en adoration
respectueuse, disant : « Tu es véritablement
le Fils de Dieu » [28].
Outre
les circonstances merveilleuses dans lesquelles il se produisit, ce
miracle est riche en symbolisme et en suggestions. L'homme est
incapable de déterminer en vertu de quelle loi ou de quel
principe l'effet de la gravitation fut suspendu de sorte qu'un corps
humain put se tenir à la surface de l'eau. Ce phénomène
est une démonstration concrète de la grande vérité
que la foi est un principe de puissance, grâce auquel les
forces naturelles peuvent être conditionnées et
gouvernées [29]. Tout adulte connaît des
expériences semblables à la bataille des voyageurs
balancés dans la tempête contre des vents contraires et
des mers menaçantes ; souvent la nuit de luttes et de
dangers est fort avancée avant que le secours n'apparaisse ;
et alors, trop fréquemment on prend l'aide salvatrice pour un
sujet de terreur plus grande. Comme elle parvint à Pierre et à
ses compagnons terrifiés au milieu des eaux tumultueuses, de
même parvient à tous ceux qui travaillent avec foi, la
voix du Libérateur : « C'est moi ; n'ayez
pas peur ! »
AU
PAYS DE GÉNÉSARETH
Le
voyage nocturne au cours duquel Jésus était parvenu au
bateau et à ses occupants terrifiés tandis qu'ils se
trouvaient « au milieu de la mer », prit fin à
un endroit situé dans la région appelée le pays
de Génésareth qui, comme on le croit généralement,
embrassait la région riche et fertile des environs de
Tibériade et de Magdala. On a beaucoup écrit sur les
beautés naturelles qui faisaient la célébrité
de cette région [30]. La nouvelle de la présence
de notre Seigneur se répandit rapidement, et, de « tous
les environs » le peuple s'attroupa autour de lui, amenant
ses affligés pour recevoir ses bienfaits par la parole ou le
toucher. Dans les villes qu'il traversait, on couchait les malades
dans les rues afin que la bénédiction de son passage
tombât sur eux ; et beaucoup « le suppliaient
afin de toucher seulement la frange de son vêtement. Et tous
ceux qui le touchaient étaient délivrés » [31].
Il donna abondamment de sa vertu guérisseuse à tous
ceux qui vinrent l'implorer avec foi et confiance. C'est ainsi que,
accompagné des Douze, il se rendit vers le nord à
Capernaüm, éclairant la voie de la plénitude de sa
miséricorde.
À
LA RECHERCHE DE PAINS ET DE POISSONS [32]
La
multitude qui, la veille, avait bénéficié de sa
générosité de l'autre côté du lac,
et qui s'était dispersée pour la nuit après sa
vaine tentative de l'obliger à accepter la dignité de
la royauté terrestre, fut grandement surprise de découvrir
au matin qu'il était parti. Elle avait vu les disciples s'en
aller par le seul bateau qui se trouvait là, tandis que Jésus
était resté sur la berge ; et elle savait que la
tempête de la nuit avait exclu toute possibilité que
d'autres bateaux parviennent à cet endroit. Néanmoins
les recherches qu'elle entreprit ce matin-là pour le découvrir
furent vaines, et elle en déduisit qu'il avait dû
retourner par voie de terre autour de l'extrémité du
lac. Comme le jour avançait, des bateaux apparurent, se
dirigeant vers la côte occidentale ; elle les héla
et, ayant obtenu le passage, traversa la mer vers Capernaüm.
Les
difficultés à trouver Jésus prirent fin, car sa
présence était connue dans toute la ville. Se dirigeant
vers lui, probablement tandis qu'il était assis dans la
synagogue, car ce jour-là il y enseignait, les membres les
plus importants de la foule demandèrent brusquement et presque
grossièrement : « Rabbi, quand es-tu venu
ici ? » À cette question impertinente Jésus
ne daigna pas répondre directement ; les gens n'avaient
rien à voir avec le miracle de la nuit précédente,
et le Seigneur ne leur rendit aucun compte de ses mouvements. Sur un
ton de reproche impressionnant, Jésus leur dit : « En
vérité, en vérité, je vous le dis, vous
me cherchez, non parce que vous avez vu des miracles, mais parce que
vous avez mangé des pains et que vous avez été
rassasiés. » C'était du pain et des poissons
qu'ils se souciaient. Il ne fallait pas perdre de vue quelqu'un qui
pouvait leur fournir de la nourriture comme il l'avait fait.
La
réprimande du Maître fut suivie d'exhortations et
d'enseignements : « Travaillez, non en vue de la
nourriture qui périt mais en vue de la nourriture qui subsiste
pour la vie éternelle - celle que le Fils de l'homme vous
donnera ; car c'est lui que le Père Dieu - a marqué
de son sceau. » Ce contraste entre la nourriture
matérielle et spirituelle ne pouvait échapper
entièrement à leur compréhension, et certains
d'entre eux demandèrent ce qu'ils devaient faire pour servir
Dieu comme Jésus le demandait. La réponse fut :
« Ce qui est l'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez
en celui qu'il a envoyé. » Nul ne pouvait douter
que Jésus parlât de lui-même ; et ils lui
demandèrent directement d'autres preuves de son autorité
divine ; ils voulaient voir des prodiges plus grands. Le miracle
des pains et des poissons datait de presque un jour ; et cette
preuve des attributs messianiques était en train de perdre de
sa force. Moïse avait nourri leurs pères de manne dans le
désert, dirent-ils ; et il est clair qu'ils considéraient
un approvisionnement quotidien constant comme un don plus grand qu'un
seul repas de pain et de poisson, même si ce dernier aurait pu
être apprécié à un moment où la
faim était pressante. En outre, la manne était une
nourriture céleste [33]. tandis que le pain qu'il leur
avait donné était terrestre, et du vulgaire pain d'orge
qui plus est. Il devait leur montrer de plus grands miracles et leur
donner une provende plus riche, avant qu'ils ne l'acceptent comme
Celui pour lequel ils l'avaient pris tout d'abord et qu'il se
déclarait maintenant être.
LE
CHRIST, PAIN DE VIE [34]
« Jésus
leur dit : En vérité, en vérité, je
vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain
venu du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain venu du
ciel ; car le pain de Dieu c'est celui qui descend du ciel et
qui donne la vie au monde. » Ils se trompaient en pensant
que Moïse leur avait donné de la manne ; et après
tout, la manne n'était que de la nourriture ordinaire, puisque
ceux qui en mangeaient avaient de nouveau faim ; mais maintenant
le Père leur offrait un pain du ciel qui leur assurerait la
vie. Comme la Samaritaine près du puits, en entendant le
Seigneur parler d'une eau qui satisferait une fois pour toutes, avait
demandé impulsivement et ne pensant qu'au confort physique :
« Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus
soif et que je ne vienne plus puiser ici [35] », de
même ces gens, vivement désireux d'obtenir une
nourriture aussi satisfaisante que celle dont Jésus parlait,
implorèrent : « Seigneur, donne-nous toujours
ce pain-là. » Cette demande n'était
peut-être pas entièrement grossière ; il
peut avoir existé dans le cœur de certains d'entre eux
au moins un désir réel de nourriture spirituelle. Le
Seigneur répondit à leur appel par une explication :
« Moi, je suis le pain de vie. Celui qui vient à
moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais
soif. » Il leur rappela que bien qu'ils l'eussent vu, ils
ne croyaient pas en ses paroles ; il leur assura que ceux qui
l'acceptaient vraiment feraient ce que le Père ordonnait.
Puis, sans métaphore ni symbolisme, il affirma : « Je
suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la
volonté de celui qui m'a envoyé. » Et la
volonté du Père était que tous ceux qui
accepteraient le Fils auraient la vie éternelle.
Il
y avait dans la synagogue quelques-uns d'entre les dirigeants -
Pharisiens, scribes, rabbis - et ceux-ci, appelés
collectivement Juifs, critiquèrent Jésus et murmurèrent
contre lui parce qu'il avait dit : « Moi, je suis le
pain descendu du ciel. » Ils affirmèrent qu'il ne
pouvait rien faire de plus qu'un autre ; ils le tenaient pour le
fils de Joseph, et pour autant qu'ils le sachent, il était de
parents terrestres tout à fait ordinaires ; pourtant il
avait la témérité d'annoncer qu'il était
descendu du ciel. C'est surtout à cette classe de gens plutôt
qu'à la foule mêlée qui s'était pressée
derrière lui que Jésus semble avoir adressé le
reste de son discours. Il leur conseilla de cesser leurs murmures,
car il était certain qu'ils ne pouvaient saisir ce qu'il
voulait dire, et par conséquent ne croiraient en lui que s'ils
étaient « enseignés de Dieu »
comme les prophètes l'avaient été [36] ;
et nul ne pouvait venir à lui, c'est-à-dire accepter
son Évangile sauveur, si le Père ne l'attirait au
Fils ; et nul, à moins d'être réceptif,
disposé et préparé ne pouvait être ainsi
attiré [37]. Cependant la croyance au Fils de Dieu est
une condition indispensable au salut, comme Jésus le montra en
affirmant : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. »
Puis,
revenant au symbolisme du pain, il répéta : « Moi,
je suis le pain de vie. » Continuant à expliquer,
il dit que si leurs pères mangèrent vraiment la manne
dans le désert, cependant ils étaient morts, tandis que
le pain de vie dont il parlait assurerait la vie éternelle à
tous ceux qui en prenaient. Ce pain, affirmait-il, était sa
chair. Les Juifs se plaignirent de nouveau de cet aveu solennel et
discutèrent entre eux, certains demandant avec dérision :
« Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à
manger ? » Soulignant la doctrine, jésus
continua : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si
vous ne buvez son sang, vous n'avez pas la vie en vous. Celui qui
mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle, et je
le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une
nourriture et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma
chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. Comme le Père
qui est vivant m'a envoyé, je vis par le Père, ainsi
celui qui me mange vivra par moi. C'est ici le pain qui est descendu
du ciel. Il n'en est pas comme celui qu'ont mangé vos pères :
ils sont morts. Celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Les
Juifs n'avaient aucune excuse de faire semblant de comprendre que
notre Seigneur voulait dire qu'il fallait manger et boire sa chair et
son sang. Les paroles auxquelles ils faisaient des objections, ils
les comprenaient beaucoup plus facilement que nous à première
lecture ; car le fait de représenter la loi et la vérité
en général comme du pain, et le fait de les accepter
comme de la nourriture et de la boisson étaient des images
utilisées quotidiennement par les rabbis de l'époque [38].
Leur incompréhension du symbolisme de la doctrine du Christ
est un acte de volonté délibérée, non la
conséquence naturelle d'une ignorance innocente. Manger la
chair et boire le sang du Christ, c'était et c'est croire en
lui et l'accepter comme Fils littéral de Dieu et Sauveur du
monde, et obéir à ses commandements. Ce n'est que de
cette façon que l'Esprit de Dieu peut devenir de manière
durable partie intégrante de la personne humaine de manière
que la substance de la nourriture qu'il absorbe soit assimilée
aux tissus de son corps. Il ne suffit pas d'accepter les préceptes
du Christ comme nous pouvons adopter les enseignements des hommes de
science, des philosophes et des savants, quelque grande que puisse
être la sagesse de ces hommes ; car il s'agit là
d'un assentiment mental ou d'un exercice délibéré
de la volonté, qui n'a trait qu'à la doctrine,
indépendamment de son auteur. Les enseignements de
Jésus-Christ sont durables à cause de leur valeur
intrinsèque, et beaucoup d'hommes respectent ces aphorismes,
ces proverbes, ces paroles et ces préceptes profondément
philosophiques, tout en rejetant le fait qu'il est le Fils de Dieu,
le Fils unique dans la chair, l'Homme Dieu en qui étaient unis
les attributs de la divinité et ceux de l'humanité, le
Rédempteur élu et préordonné de
l'humanité, par l'intermédiaire duquel nous pouvons
parvenir au salut. Mais l'image utilisée par Jésus,
celle de manger sa chair et de boire son sang représentant le
fait de l'accepter absolument et sans réserve comme le Sauveur
des hommes, est d'une importance capitale, car elle affirme la
divinité de sa Personne et sa divinité préexistante
et éternelle. Le sacrement du repas du Seigneur, établi
par le Sauveur la nuit où il fut trahi, perpétue le
symbolisme contenu dans l'idée de manger sa chair et de boire
son sang, en ce que l'on prend le pain et le vin en souvenir de
lui [39]. Accepter Jésus comme le Christ veut dire obéir
aux lois et aux ordonnances de son Évangile, car professer
l'Un et refuser l'autre n'est que nous accuser de manque de logique,
de manque de sincérité et d'hypocrisie.
UNE
ÉPREUVE CRUCIALE - BEAUCOUP SE DÉTOURNENT [40]
La
vérité à son sujet, telle que l'enseigna le
Seigneur dans ce discours qui fut le dernier à la synagogue de
Capernaüm, s'avéra être une épreuve de foi
que beaucoup ne purent pas réussir. Ce ne furent pas seulement
les Juifs critiques de la classe officielle, dont l'hostilité
était ouvertement avouée qui en furent affectés,
mais également ceux qui avaient professé une certaine
mesure de foi en lui. « Après l'avoir entendu,
plusieurs de ses disciples dirent : Cette parole est dure, qui
peut l'écouter ? » Jésus, conscient de
leur désenchantement, demanda : « Cela vous
scandalise ? » Et il ajouta : « Et si
vous voyiez le Fils de l'homme monter où il était
auparavant ? » Son ascension, qui devait suivre sa
mort et sa résurrection, est ici clairement indiquée.
Le sens spirituel de ses enseignements était mis hors de
question par l'explication que ce n'était que par
l'intermédiaire de l'Esprit qu'ils pouvaient comprendre.
« C'est pourquoi, ajouta-t-il, je vous ai dit que nul ne
peut venir à moi, si cela ne lui a été donné
par le Père. »
Beaucoup
le désertèrent, et dès lors ne le recherchèrent
plus. L'événement était crucial ; l'effet
fut celui d'un passage au crible et d'une séparation.
L'importante prédiction du prophète-Baptiste était
entrée dans la phase de la réalisation : « Il
vient, celui qui est plus puissant que moi... Il a son van à
la main, puis il nettoyera son aire, il amassera le blé dans
son grenier, mais brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint
pas » [41]. Le van était en action, et
une grande quantité de paille était rejetée de
côté.
Il
semble que même les Douze furent incapables de comprendre le
sens profond de ces derniers enseignements : ils étaient
embarrassés, même si aucun n'alla jusqu'à
déserter. Néanmoins, l'état d'esprit de certains
d'entre eux était tel qu'il arracha de Jésus la
question : « Et vous, ne voulez-vous pas aussi vous
en aller ? » Pierre parlant pour lui-même et
pour ses frères, répondit avec émotion et
conviction : « Seigneur, à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle » [42].
C'était l'esprit du saint apostolat qui se manifestait dans
cette confession. Bien qu'ils fussent incapables de comprendre la
doctrine dans sa plénitude, ils savaient que Jésus
était le Christ et lui restèrent fidèles tandis
que les autres se détournaient dans les sombres profondeurs de
l'apostasie.
Alors
que Pierre parlait pour l'ensemble du groupe apostolique, il y en
avait un parmi eux qui se révoltait en silence ; le
traître Iscariot, qui se trouvait dans une condition pire que
celle de quelqu'un qui s'avouait franchement apostat, était
là. Le Seigneur connaissait le cœur de cet homme et
dit : « N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous
les douze ? Et l'un de vous est un démon ! »
L'historien ajoute : « Il parlait de Judas, fils de
Simon Iscariot ; car c'était lui qui devait le livrer,
lui l'un des douze. »
[1]
Mt 13:53-58 ; Mc 6:1-6.
[2]
Lc 4:28-30. Voir chap. 13 du présent ouvrage.
[3]
Chap. 18 et Notes.
[4]
Chap. 18, Note 2.
[5]
Note 1, fin du chapitre.
[6]
Mt 10:5-42 ; Mc 6:7-13 ; Lc 9:1-6.
[7]
Mc 3:14.
[8]
Mt 10:5-42 ; Mc 6:7-13 ; Lc 9:1-6.
[9]
Note 2, fin du chapitre.
[10]
Mt 28:19 ; Mc 16:15. Chap. 37 du présent ouvrage.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Mt 10:18-20 ; cf. Mc 13:9 ; Lc 12:10-12.
[13]
Mc 6:7.
[14]
Jn 5 ; chap. 15 du présent ouvrage et notes.
[15]
Mt 11:2-19 ; Lc 7:18-34 ; voir chap. 18 du présent
ouvrage.
[16]
Chap. 18
[17]
Mc 6:12,13 Lc 9:10. Notez le témoignage similaire des
soixante-dix qui furent envoyés ultérieurement et
revinrent en se réjouissant de l'autorité qui s'était
manifestée dans leur ministère ; Lc 10:17.
[18]
Note 4, fin du chapitre.
[19]
Jn 6:5-14 ; cf. Mt 14:15-21 ; Mc 6:35-44 ; Lc 9:12-17.
[20]
Jn 6:4 ; Mt 14:19 ; Mc 6:39.
[21]
Note 5, fin du chapitre.
[22]
Mt 14:22-23 ; cf. Mc 6:45-52, Jn 6:15-21.
[23]
Chap. 20, notes.
[24]
Note 6, fin du chapitre.
[25]
C'est-à-dire « puisque ».
[26]
Cf. le bond impétueux de Pierre dans la mer pour parvenir au
Seigneur ressuscité sur la rive, Jean 21:7.
[27]
Marc 6:52.
[28]
Notez que c'est la première fois que ce titre apparaît
dans les évangiles synoptiques, appliqué par des
mortels à Jésus ; comparer un exemple antérieur
de son application par Nathanaël, Jean 1:49.
[29]
Articles de Foi, p. 130-133 - « La foi est un principe de
pouvoir ».
[30]
Josèphe, Guerres, Ill, 10:7,8.
[31]
Marc 6:53-56 ; cf. Mt 14:34-36. Note 7, fin du chapitre.
[32]
Jean 6:22-27.
[33]
Note 8, fin du chapitre.
[34]
Jean 6:32-59.
[35]
Jean 4:13-15. Chap. 13 du présent ouvrage.
[36]
Es 54:13, Jr 31:34, Michée 4:2, cf. Hé 8:10,10:16.
[37]
Note 9, fin du chapitre.
[38]
Note 10, fin du chapitre.
[39]
Mt 26:26-28, Marc 14:22-25, Luc 22:19, 20. Chap. 33 du présent
ouvrage.
[40]
Jean 6:59-71.
[41]
Luc 3:16, 17, Mt 3:11, 12.
[42]
Comparer cette confession (Jean 6:68, 69) au témoignage
ultérieur de Pierre (Mt 16:16). Note 11, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 21
1.
Jésus à Nazareth : Comme aucun des évangélistes
ne nous montre le Seigneur exerçant deux fois son ministère
à Nazareth, et comme les récits séparés
que l'on trouve dans les évangiles synoptiques se ressemblent
beaucoup dans quelques détails, certains commentateurs
affirment que notre Seigneur ne prêcha à ses concitoyens
à Nazareth et ne fut rejeté d'eux qu'une fois. Le récit
de Luc (4:14-30) a trait à un événement qui
suivit immédiatement le premier retour de Jésus en
Galilée après son baptême et ses tentations et
précéda directement l'appel préliminaire des
pêcheurs-disciples, qui furent comptés ensuite parmi les
apôtres. Matthieu (13:53-58) et Marc (6:1-6) rapportent une
visite de Jésus à Nazareth après l'épisode
où il enseigna pour la première fois en paraboles et
les événements qui suivirent immédiatement
celui-ci. Nous avons de bonnes raisons d'accepter le récit de
Luc comme celui d'un incident plus ancien, et les récits
donnés par Matthieu et Marc comme ceux d'une visite
ultérieure.
2.
Gentils : D'une manière générale, les Juifs
appelaient tous les autres Gentils, quoique le même mot hébreu
ait des sens divers dans l'Ancien Testament : « Gentils »
(Gn 10:5, Juges 4:2, 13, 16, Es 11: 10, etc.), « nations »
(Gn 10:5, 20, 31, 32 ; 14:1,9, etc.), et « païens »
(Né 5:8, Ps 2:1, 8 etc.), l'élément essentiel du
sens étant celui d'étrangers. Dans le Dict. of the
Bible, de Smith, nous lisons « il [le nom
« Gentils »] acquit un sens ethnographique et
également péjoratif, car les autres nations étaient
idolâtres, grossières, hostiles, etc. Cependant les
Juifs étaient à même de l'utiliser dans un sens
purement technique et géographique lorsqu'on le traduisait
ordinairement « nations ». Le Dr Edward E.
Nourse, écrivant pour le Standard Bible Dictionnary, dit :
« À l'époque du Nouveau Testament, le Juif
répartissait l'humanité en trois classes : (1) les
Juifs (2) les Grecs (les Hellènes, qui comprenaient les
Romains et signifiaient ainsi les peuples civilisés de
l'Empire romain, souvent rendus par « Gentils »
dans la version autorisée anglaise), et (3) les barbares (les
non-civilisés, Actes 28:4 Rm 1:14, 1 Co 14:11). »
L'ordre que Jésus donna aux Douze : « N'allez
pas vers les Gentils [dans la version du roi Jacques. La version
Segond dit : « N'allez pas vers les païens. »,
ndt] avait pour but de les empêcher temporairement de tenter de
faire des convertis parmi les Romains et les Grecs et de limiter leur
ministère au peuple d'Israël.
3.
Secouer la poussière des pieds : Secouer cérémoniellement
la poussière de ses pieds en témoignage contre
quelqu'un d'autre symbolisait chez les Juifs cesser de le fréquenter
et refuser toute responsabilité des conséquences qui
pourraient s'ensuivre. Selon les ordres du Seigneur à ses
apôtres, cités dans le texte, cela devint une ordonnance
d'accusation et de témoignage. À notre époque,
le Seigneur a ordonné de même à ses serviteurs
autorisés de témoigner de cette façon contre
ceux qui s'opposent volontairement et méchamment à la
vérité lorsqu'elle est présentée avec
autorité (voir D&A 24:15, 60:15, 75:20, 84:92, 99:4). La
responsabilité de témoigner devant le Seigneur par ce
symbole accusateur est si grande que ce moyen ne peut être
employé que dans des conditions extraordinaires et extrêmes,
sur les directives de l'Esprit du Seigneur.
4.
Les deux Bethsaïda : Beaucoup de spécialistes de la
Bible affirment que Bethsaïda, dans la région désertique
voisine de laquelle Jésus et les Douze cherchèrent le
repos et l'isolement, était la ville de ce nom qui se trouve
en Pérée, sur la rive orientale du Jourdain, et que
l'on appelle plus particulièrement Bethsaïda Julias pour
la distinguer de la Bethsaida de Galilée, laquelle se trouvait
tout près de Capernaüm. Le village péréen
de Bethsaïda avait été agrandi et élevé
au rang de ville par le tétrarque Philippe, et c'est lui qui
l'avait appelée Julias en l'honneur de Julia, fille de
l'empereur régnant. Les récits évangéliques
du voyage par lequel Jésus et ses compagnons parvinrent à
cet endroit et concernant le retour de celui-ci peuvent soutenir la
théorie que c'est Bethsaïda de Pérée et non
Bethsaïda de Galilée qui fut la ville dont le « lieu
désert » dont il est parlé était la
région environnante.
5.
Le premier soir et le soir ultérieur : Matthieu distingue
deux soirs dans le jour de la première multiplication des
pains ; ainsi « le soir venu » les
disciples demandèrent à Jésus de renvoyer la
multitude ; et plus tard, après la multiplication
miraculeuse et lorsque les disciples furent partis en bateau et que
les foules s'en furent allées, « et le soir venu »
Jésus se trouva seul sur la montagne (Mt 14:15, 23 ;
comparer avec Mc 6:35, 47). Trench, Notes on the Miracles (p. 217),
dit : « Saint Matthieu et saint Marc donneront deux
soirs à ce jour : un qui avait déjà
commencé avant que les préparatifs pour nourrir la
multitude eussent commencé (verset 15), l'autre maintenant que
les disciples étaient montés dans la barque et
s'étaient mis en route pour leur traversée (verset 23).
C'était là une manière ordinaire de parler parmi
les juifs, le premier soir correspondant assez bien à notre
après-midi... le deuxième soir étant le
crépuscule, ou de six heures au crépuscule, lequel
était suivi de ténèbres absolues. »
Voir le Dict., de Smith, article « Chronology »,
dont nous tirons l'extrait suivant : « Entre les deux
soirs » (Ex 12:6, Nb 9:3, 28:4) est une division naturelle
entre la fin de l'après-midi où le soleil est bas et le
soir lorsque sa lumière n'est pas encore entièrement
disparue, les deux soirs dans lesquels la soirée naturelle
serait divisée par le début du jour civil s'il
commençait au coucher du soleil. »
6.
Les veilles de la nuit : Dans la plus grande partie de l'époque
de l'Ancien Testament, le peuple d'Israël répartit la
nuit en trois veilles, chacune de quatre heures, ces périodes
étant des veilles de sentinelle. Mais avant le commencement de
l'ère chrétienne, les Juifs adoptèrent le
système romain de quatre veilles nocturnes, chacune de trois
heures. Celles-ci étaient désignées
numériquement, par exemple la quatrième veille
mentionnée dans le texte (voir Mt 14:25), ou encore minuit, le
chant du coq et le matin (voir Marc 13:35). La quatrième
veille était la dernière des périodes de trois
heures entre le coucher et le lever du soleil, ou entre dix-huit
heures et six heures, et s'étendait par conséquent
entre trois et six heures du matin.
7.
Le bord du vêtement : La foi de ceux qui croyaient que,
s'ils pouvaient ne fût-ce que toucher le bord du vêtement
du Seigneur ils seraient guéris, est similaire à celle
de la femme qui fut guérie de sa longue maladie en touchant sa
robe de cette manière (voir Mt 9:21. Marc 5:27, 28 ; Luc
8:44). Les Juifs considéraient que le bord de leur robe
extérieure avait une importance particulière, à
cause du commandement qui avait été donné à
l'Israël des temps anciens (Nb 5:38, 39) d'ourler tous les bords
des vêtements et d'y placer une bande bleue pour lui rappeler
ses obligations de peuple de l'alliance. Le désir de toucher
le bord de la robe du Christ peut avoir été associé
à la pensée de la sainteté qui se rattachait à
la bordure ou à la couture.
8.
Traditions concernant la manne : C'est à juste titre
qu'on a considéré la manne qui fut donnée aux
Israélites lors de l'exode et de leur long voyage dans le
désert comme un miracle extraordinaire (Ex 16:14-36 ; Nb
11:7-9, Dt 8:3, 16, Jos 5:12, Ps 78:24, 25). Beaucoup de traditions,
dont certaines sont pernicieuses et erronées, ont été
brodées autour de cet incident et transmises avec des ajouts
inventés d'une génération à l'autre. À
l'époque du Christ, l'enseignement rabbinique était que
la manne dont les pères s'étaient nourris était
littéralement la nourriture des anges envoyée du ciel
et qu'elle avait des goûts et des parfums variés pour
convenir à tous les âges, à tous les états
et à tous les désirs ; pour l'un elle avait le
goût du miel, pour l'autre du pain, etc. ; et dans la
bouche de tous les Gentils, elle était amère. En outre,
on disait que le Messie donnerait à Israël une provision
constante de manne lorsqu'il viendrait parmi eux. Ces conceptions
erronées expliquent en partie que les personnes qui avaient
reçu en nourriture des pains d'orge et des poissons aient
exigé un miracle qui dépasserait la manne donnée
dans les temps anciens, comme preuve que Jésus était le
Messie.
9.
La foi, don de Dieu : « Bien qu'étant à
la portée de tous ceux qui s'efforcent diligemment de
l'acquérir, la foi est néanmoins un don divin et ne
peut être obtenue que de Dieu (Mt 16:17, Jn 6:44, 65, Ep 2:8, 1
Co 12:9, Rm 12:3, Moro 10:11). Comme il convient à une perle
si précieuse, elle n'est donnée qu'à ceux qui
montrent, par leur sincérité, qu'ils en sont dignes et
qui promettent de se conformer à ses inspirations. Bien que la
foi soit appelée le premier principe de l'Évangile du
Christ, quoiqu'elle soit, en réalité, le fondement de
la vie religieuse, elle est, elle-même, précédée
par la sincérité des intentions et par l'humilité
de l'âme, grâce auxquelles la parole de Dieu peut faire
impression sur le cœur (Rm 10:17). Aucune coercition n'est
employée pour amener les hommes à la connaissance de
Dieu ; cependant, aussitôt que nous ouvrons notre cœur
à l'influence de la droiture, la foi qui mène à
la vie éternelle nous est donnée par notre Père. »
- Articles de Foi, p. 135
10.
Symbolisme spirituel du manger : L'idée de manger,
métaphore pour indiquer la réception des bienfaits
spirituels, était bien connue des auditeurs du Christ, et ils
la comprirent aussi facilement que nous comprenons nos expressions
« dévorer un livre », ou « boire »
les paroles de quelqu'un. Les rabbis expliquaient que les mots
« toute ressource de pain » dans Es 3:1,
avaient trait à leur propre enseignement, et ils en firent une
règle que, partout où il était fait allusion,
dans l'Ecclésiaste, à la nourriture ou à la
boisson, cela signifiait l'étude de la loi et la pratique de
bonne œuvres. C'était un proverbe chez eux : « À
l'époque du Messie les Israélites seront nourris par
lui. » Il n'était rien de plus commun dans les
écoles et les synagogues que les expressions portant sur le
manger et le boire dans un sens métaphorique. « Le
Messie ne viendra vraisemblablement pas en Israël, disait
Hillel, car on l'a déjà mangé » -
c'est-à-dire qu'on a déjà reçu avidement
ses paroles - « du temps d'Ezéchias ».
Une expression conventionnelle courante dans les synagogues était
que les justes « mangeraient la schékinah ».
C'était une caractéristique des Juifs que cet
enseignement dans un langage métaphorique de ce genre. Leurs
rabbis ne parlaient jamais en termes clairs, et il est dit
expressément que Jésus se soumettait au goût
populaire, car « il ne leur parlait pas sans parabole »
(Mc 4:34). - Geikie, Life and Words of Christ, vol. I, p. 184
11.
La nature cruciale du discours : Commentant l'effet du discours
de notre Seigneur (Jn 6:26-71), Edersheim (vol. II, p. 36) dit :
« Nous voici donc à la croisée des chemins ;
et c'est justement parce qu'il était temps de se décider
que le Christ exposa si clairement les vérités
supérieures qui le concernaient et qui étaient opposées
aux conceptions que la multitude entretenait au sujet du Messie. Il
en résulta encore une autre et plus attristante défection.
En entendant cela, beaucoup de ses disciples firent marche arrière
et cessèrent de l'accompagner. Que dis-je, cette épreuve
inquisitrice toucha même le cœur des Douze. Allaient-ils
partir avec eux aussi ? C'était un prélude à
Gethsémané, la première expérience de
Gethsémané. Mais une chose les obligea à rester
fidèles, l'expérience du passé. C'était
là la base de leur foi et de leur fidélité
actuelle. Ils ne pouvaient retourner à leur ancien passé ;
ils devaient s'attacher à lui. C'est ainsi que Pierre dit au
nom de tous : « Seigneur, à qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle. » Et non
seulement cela, à la suite de ce qu'ils avaient appris :
« Et nous avons cru, et nous avons connu que c'est toi le
Christ, le Saint de Dieu. » C'est également ainsi
que beaucoup d'entre nous, dont les pensées peuvent avoir été
cruellement bousculées, et dont les fondements ont pu être
terriblement assaillis, peuvent avoir trouvé leur premier lieu
de repos dans l'expérience spirituelle certaine et
inattaquable du passé. Où pouvons-nous aller pour
trouver les paroles de la vie éternelle, si ce n'est au
Christ ? S'il nous fait défaut, alors tout espoir de
l'éternel disparaît. Mais il a les paroles de la vie
éternelle - et nous avons cru dès qu'elles nous ont été
données ; oui, nous savons qu'il est le Saint de Dieu. Et
cela implique tout ce dont la foi a besoin pour en apprendre
davantage. Le reste, il nous le montrera lorsqu'il sera transfiguré
sous nos yeux. Mais parmi ces Douze, le Christ savait qu'il y avait
un démon - comme cet ange, tombé de la hauteur la plus
sublime dans l'abîme le plus profond. L'apostasie de Judas
avait déjà commencé en son cœur. Et plus
l'attente et la déception populaires avaient été
grandes, plus la réaction et l'hostilité qui
s'ensuivirent furent violentes. L'heure de la décision était
passée, et l'aiguille du cadran pointait vers l'heure de sa
mort.
CHAPITRE
22 : UNE PÉRIODE D'OPPOSITION CROISSANTE
Le
dernier discours que nous ayons du Seigneur dans la synagogue de
Capernaüm, qui suivit de près le miracle de la
multiplication des pains et celui de la marche sur les eaux, marqua
le commencement d'une autre époque dans l'évolution de
l'œuvre de sa vie. C'était l'approche de la fête
de la Pâque [1] ; à la Pâque suivante,
un an plus tard, comme nous le montrerons, Jésus serait trahi
et mourrait. Donc, à l'époque dont nous parlons
maintenant, commençait la dernière année de son
ministère dans la chair. Mais l'importance de cet événement
est différente et plus grande qu'un point de repère
chronologique. Cet événement marquait la première
étape d'un changement dans la vague de respect populaire
envers Jésus, laquelle jusqu'alors était allée
en augmentant et commençait maintenant à se retirer. Il
avait été, il est vrai, critiqué et attaqué
ouvertement à maintes reprises par des Juifs mécontents,
en de nombreuses occasions antérieures ; mais ces
critiques rusés et même venimeux appartenaient surtout
aux classes dirigeantes ; le commun des mortels l'écoutait
avec joie, et de fait beaucoup de personnes continuèrent à
l'écouter ainsi [2] ; néanmoins sa
popularité, du moins en Galilée, avait commencé
à diminuer. La dernière année de son ministère
terrestre commença par un passage au crible du peuple qui
professait croire en sa parole, et ce processus de mise à
l'épreuve et de tri devait se poursuivre jusqu'à la
fin.
Nous
n'avons aucun renseignement nous informant que Jésus ait
assisté à cette fête de la Pâque ; il
est raisonnable d'en déduire qu'étant donné
l'hostilité croissante des dirigeants, il s'abstint d'aller à
Jérusalem cette fois-là. Il serait inutile de faire des
suppositions sur le point de savoir si l'un des Douze alla à
la fête ; on ne nous le dit pas. Ce qui est certain, c'est
qu'immédiatement après cette époque-là
les détectives et les espions qui avaient été
envoyés de Jérusalem en Galilée pour observer
Jésus devinrent plus actifs que jamais dans leur espionnage
critique. Ils le suivaient à la piste, notaient chacun de ses
actes et chaque occasion où il omettait une observance
traditionnelle, coutumière, et étaient constamment en
alerte pour faire de lui un transgresseur.
ABLUTIONS
CÉRÉMONIELLES ET « BEAUCOUP D'AUTRES CHOSES
SEMBLABLES » [3]
Peu
après la Pâque à laquelle nous avons fait
allusion, et sans doute conformément à un plan prévu
par les gouverneurs juifs, Jésus reçut la visite d'une
délégation de Pharisiens et de scribes venus de
Jérusalem qui protestèrent contre le mépris que
manifestaient ses disciples pour les exigences traditionnelles. Il
semble que les disciples, et presque certainement le Maître
lui-même, avaient transgressé « la tradition
des anciens », au point d'omettre les ablutions
cérémonielles des mains avant de manger ; les
critiques pharisaïques s'offusquèrent et vinrent exiger
des explications et une justification si pareille chose était
possible. Marc nous dit que les disciples furent accusés
d'avoir mangé avec des mains « impures »,
et il interpole la note concise et lucide suivante concernant la
coutume que les disciples avaient l'audace d'ignorer : « Or,
les Pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s'être
soigneusement lavé les mains, parce qu'ils tiennent à
la tradition des anciens. Et, quand ils reviennent de la place
publique, ils ne mangent qu'après avoir fait les aspersions
(rituelles). Ils ont encore beaucoup d'autres observances
traditionnelles, comme le lavage des coupes, des cruches et des vases
de bronze. » Il faut garder à l'esprit que
l'offense dont les disciples étaient accusés était
celle de l'impureté cérémonielle, pas de
l'impureté physique ou de la négligence de l'hygiène ;
on disait qu'ils avaient mangé avec des mains impures, mais
pas précisément avec des doigts sales. Les Juifs
insistaient pour que l'on appliquât scrupuleusement toutes les
pratiques externes de leur religion humaine ; il fallait se
protéger soigneusement de toute possibilité de se
souiller cérémoniellement, et il fallait en
contrecarrer les effets par les ablutions prescrites [4].
À
la question : « Pourquoi tes disciples
transgressent-ils la tradition des anciens ? Car ils ne se
lavent pas les mains, quand ils prennent leur pain »,
Jésus ne répondit pas directement et répliqua en
demandant : « Et vous, pourquoi transgressez-vous le
commandement de Dieu au profit de votre tradition ? »
Dans l'esprit des Pharisiens ce dut être là une
réprimande très violente, car le rabbinisme prétendait
que se conformer rigoureusement aux traditions des anciens était
plus important qu'observer la loi elle-même ; et Jésus,
dans sa question-réponse, montrait que leurs chères
traditions étaient en conflit direct avec le commandement de
Dieu. Augmentant leur déconfiture, il cita la prophétie
d'Ésaïe et leur appliqua les paroles du prophète,
à eux qu'il appelait hypocrites : « Ésaïe
a bien prophétisé sur vous, ainsi qu'il est écrit :
« Ce
peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est très
éloigné de moi. C'est en vain qu'ils me rendent un
culte, en enseignant des doctrines (qui ne sont que) préceptes
humains. »
Avec
une sévérité méritée, Jésus
fit porter directement la leçon sur leur conscience, déclarant
qu'ils avaient mis de côté les commandements de Dieu
afin de suivre les traditions des hommes.
Après
cette affirmation accusatrice, vint la citation d'un exemple
indéniable : Moïse avait exprimé le
commandement direct de Dieu en disant : « Honore ton
père et ta mère » et avait proclamé
comme suit le châtiment prescrit dans les cas extrêmes de
mauvaise conduite vis-à-vis des parents : « Celui
qui maudira son père ou sa mère sera puni de
mort [5] » ; mais cette loi, bien que donnée
directement par Dieu à Israël, avait été si
complètement remplacée que n'importe quel fils ingrat
et méchant pouvait trouver un moyen facile, que leurs
traditions rendaient légal, d'échapper à toute
obligation filiale, même si ses parents étaient dans le
dénuement. Si un père ou une mère dans le besoin
demandait de l'aide à un fils, celui-ci n'avait qu'à
dire : Ce dont j'aurais pu t'assister est corban - ou en
d'autres termes, un don destiné à Dieu, et il était
considéré légalement exempté de toute
obligation de donner une partie de ce bien pour entretenir ses
parents [6]. D'autres obligations pouvaient être
contournées de la même manière. Déclarer
qu'un article quelconque de biens fonciers ou personnels, ou une
partie ou proportion quelconque de ses possessions était
« corban », était considéré
comme une affirmation que le bien ainsi caractérisé
était consacré au temple, ou du moins était
destiné à être consacré à des buts
ecclésiastiques et serait finalement remis aux fonctionnaires,
bien que le donateur pût continuer à en garder la
possession pendant une période déterminée,
s'étendant même jusqu'à la fin de sa vie. Les
biens étaient souvent déclarés « corban »
pour d'autres buts que la consécration à l'usage
ecclésiastique. Ces traditions établies, bien que
totalement illégales et pernicieuses, avaient pour résultat,
comme Jésus le déclara avec force aux Pharisiens et aux
scribes, de rendre nulle la parole de Dieu, et il ajouta :
« vous faites bien d'autres choses semblables ».
Se
détournant de ses nobles visiteurs, il réunit le peuple
et lui proclama la vérité, comme suit :
« Écoutez-moi tous et comprenez. Il n'est rien qui
du dehors entre dans l'homme qui puisse le rendre impur ; mais
ce qui sort de l'homme, voilà ce qui le rend impur. Si
quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende. »
Cela était directement en conflit avec le précepte et
la pratique rabbiniques ; les Pharisiens furent offensés,
car ils avaient dit que manger avec des mains qui n'étaient
pas rituellement purifiées, c'était souiller la
nourriture touchée, et par conséquent devenir encore
plus souillé de la nourriture ainsi rendue impure.
Les
apôtres n'étaient pas certains de bien comprendre la
leçon du Maître. Bien que présentée dans
un langage clair et non figuré, elle ressemblait beaucoup à
une parabole pour certains d'entre eux, et Pierre demanda un exposé.
Le Seigneur expliqua que la nourriture que l'on mange ne fait que
temporairement partie du corps : ayant rempli son but, à
savoir nourrir les tissus et fournir l'énergie à
l'organisme, elle est éliminée ; par conséquent
la nourriture qui entre dans le corps par la bouche n'a qu'une
importance réduite et transitoire, si on la compare aux
paroles qui sortent de la bouche, car celles-ci, si elles sont
mauvaises, souillent réellement. Comme Jésus l'exposa :
« Ce qui sort de la bouche provient du cœur, et
c'est ce qui rend l'homme impur. Car c'est du cœur que viennent
les mauvaises pensées, meurtres, adultères,
prostitutions, vols, faux témoignages, blasphèmes.
Voilà ce qui souille l'homme ; mais manger sans s'être
lavé les mains, cela ne rend pas l'homme impur » [7].
Certains
des disciples demandèrent à Jésus s'il savait
que les Pharisiens avaient été scandalisés de ce
qu'il disait ; sa réponse fut une nouvelle dénonciation
du pharisaïsme. « Toute plante qui n'a pas été
plantée par mon Père céleste sera déracinée.
Laissez-les : ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles.
Si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une
fosse. » Il ne pouvait pas y avoir de compromis entre sa
doctrine du royaume et le judaïsme corrompu de l'époque.
Les dirigeants complotaient contre sa vie ; si leurs émissaires
décidaient de s'offenser de ses paroles, qu'ils s'offensent et
en subissent les conséquences ; mais bénis
seraient-ils s'ils n'étaient pas offensés à
cause de lui [8]. Il n'avait pas de mesures de conciliation à
offrir à ceux dont l'incapacité de comprendre ce qu'il
voulait dire était le résultat d'une obstination
volontaire ou de ténèbres de l'esprit provenant de leur
persistance à pécher.
SUR
LE TERRITOIRE DE TYR ET DE SIDON [9]
Incapable
de trouver en Galilée du repos, de la solitude ou l'occasion
convenable d'instruire les Douze comme il désirait le faire,
Jésus partit avec eux vers le nord et se rendit sur la côte
ou le territoire de la Phénicie, région communément
connue du nom de ses villes principales, Tyr et Sidon. Le groupe prit
pension dans des petites villes proches de la frontière ;
mais la tentative de trouver de l'intimité était
futile, car le Maître « ne put rester caché ».
Sa réputation l'avait précédé au-delà
des frontières du pays d'Israël. En des occasions
précédentes, des gens de la région de Tyr et de
Sidon s'étaient trouvés parmi les auditeurs, et
certains d'entre eux avaient été bénis de sa
miséricorde guérisseuse [10].
Une
femme, apprenant sa présence dans son pays, vint demander une
faveur. Marc nous dit qu'elle était grecque, ou plus
littéralement qu'elle faisait partie des Gentils [11] qui
parlaient grec ; elle était Syrophénicienne de
nationalité ; Matthieu dit que c'était « une
femme cananéenne » ; ces déclarations
s'accordent puisque les Phéniciens descendaient des Cananéens.
Les historiens évangéliques déclarent clairement
que cette femme était de naissance païenne ; et nous
savons que parmi les peuples ainsi classés, les Juifs avaient
un mépris particulier pour les Cananéens. La femme
s'adressa à Jésus, s'écriant : « Aie
pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est
cruellement tourmentée par le démon. » Ses
paroles exprimaient immédiatement sa foi en la puissance du
Seigneur et tout un amour de mère, car elle implorait comme si
elle était la patiente affligée. Le fait qu'elle
appelât Jésus Fils de David montre qu'elle croyait qu'il
était le Messie d'Israël. Tout d'abord Jésus
s'abstint de lui répondre. Ne se laissant pas décourager,
elle n'en plaida que davantage, jusqu'à ce que les disciples
suppliassent le Seigneur, disant : « Renvoie-la, car
elle crie derrière nous. » Leur intervention était
probablement une intercession en sa faveur ; on pouvait la
calmer en lui accordant ce qu'elle demandait ; pour le moment,
elle faisait une scène indésirable, probablement dans
la rue, et les Douze savaient bien que leur Maître cherchait le
calme. Jésus leur dit : « Je n'ai été
envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël »,
et cette remarque dut leur rappeler la restriction qui leur avait été
faite lorsqu'ils avaient été envoyés [12].
La
femme, dont le désir était si importun, s'approcha,
entrant peut-être dans la maison ; elle tomba aux pieds du
Seigneur et l'adora, suppliant pitoyablement : « Seigneur,
viens à mon secours ! » Jésus lui dit :
« Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de
le jeter aux petits chiens. » [La version du roi
Jacques dit : « Il n'est pas bien de prendre le pain
des enfants, et de le jeter aux chiens », traduction moins
précise que la version de Segond et qui explique le
commentaire que l'auteur en fait dans les lignes suivantes, ndt]. Les
mots, aussi durs qu'ils puissent sonner à nos oreilles, elle
les comprit dans l'esprit de l'intention du Seigneur. Le terme
original traduit ici [dans la version du roi Jacques, ndt] par
« chiens » indiquait, comme le montre le récit,
non pas les chiens des rues errants et méprisés dont il
est parlé ailleurs dans la Bible et qui symbolisent un état
dégradé ou une perversité réelle [13],
mais plutôt les « petits chiens » [terme
employé dans la version Segond, ndt] ou animaux domestiques,
que l'on laissait entrer dans la maison et sous la table. Il est
certain que la femme ne s'offensa pas de cette comparaison et n'y
trouva aucun qualificatif grossier. À l'instant même
elle adopta l'analogie et l'appliqua dans ce qui était à
la fois un argument et une supplication [14]. « Oui,
Seigneur, dit-elle, pourtant les petits chiens mangent les miettes
qui tombent de la table de leurs maîtres » ; ou
pour employer les termes de la version de Marc : « Oui,
Seigneur, mais les petits chiens sous la table mangent les miettes
des enfants. » Sa prière fut immédiatement
exaucée ; car Jésus lui dit : « O
femme, ta foi est grande, qu'il te soit fait comme tu le veux. Et, à
l'heure même, sa fille fut guérie. » Marc
souligne que le Seigneur apprécia tout spécialement son
plaidoyer final, et ajoute : « Et quand elle rentra
dans sa maison, elle trouva que l'enfant était étendue
sur le lit, et que le démon était sorti. »
La persistance de la femme, dont on peut la féliciter, était
basée sur la foi qui surmonte les obstacles apparents et
persiste même dans le découragement. Et son cas rappelle
la leçon que le Seigneur enseigna lors d'une autre occasion
par l'histoire de la veuve importune [15].
Beaucoup
ont demandé pourquoi Jésus retarda sa bénédiction.
Il se peut que nous ne soyons pas à même de sonder ses
desseins, mais nous voyons que, par le procédé qu'il
adopta, la foi de la femme fut démontrée et les
disciples furent instruits. Jésus lui fit comprendre qu'elle
ne faisait pas partie du peuple élu à qui il avait été
envoyé ; mais ses paroles préfiguraient le moment
où l'Évangile serait donné à tous, tant
Juif que Gentil : « Laisse d'abord les enfants se
rassasier », avait-il dit. Le Christ ressuscité
devait être révélé à toutes les
nations [16] ; toutefois son ministère personnel en
tant que mortel, ainsi que celui des apôtres tandis qu'il était
avec eux dans la chair, s'adressait à la maison d'Israël [17].
DANS
LE TERRITOIRE DE LA DÉCAPOLE [18]
On
ne nous dit pas combien de temps Jésus et les Douze
demeurèrent dans le pays de Tyr et de Sidon, ni quelles
parties de la région ils traversèrent. De là ils
s'en allèrent dans la région voisine de la mer de
Galilée, à l'est, « en traversant la contrée
de la Décapole » [19]. Bien que se trouvant
encore parmi les populations semi-païennes, notre Seigneur fut
accueilli par de grandes foules, parmi lesquelles se trouvaient
beaucoup de paralytiques, d'aveugles, de muets, de mutilés et
de gens affligés d'autres manières encore ; et il
les guérit. Grand fut l'étonnement de cette foule
d'étrangers, « en voyant les sourds-muets parler,
les estropiés trouver la santé, les boiteux marcher,
les aveugles voir ; et elle glorifiait le Dieu d'Israël ».
Parmi
les nombreuses personnes qui furent guéries il y en avait une
dont il est spécialement fait mention. C'était un homme
qui était sourd et qui avait des difficultés à
parler. Le peuple demanda au Seigneur d'imposer les mains à
l'homme ; mais Jésus le mena à l'écart de
la multitude, mit les doigts dans les oreilles de l'homme, cracha et
toucha la langue de l'homme ; puis levant les yeux en prière
et soupirant pendant ce temps-là, il exprima un commandement
en araméen : « Éphphata, c'est-à-dire :
ouvre-toi. Aussitôt ses oreilles s'ouvrirent, sa langue se
délia, et il se mit à parler correctement. »
La manière dont il produisit cette guérison différait
de nouveau du mode habituel dont se faisaient les guérisons de
notre Seigneur. Il se peut qu'en touchant les oreilles fermées
et la langue liée, le Maître ait fortifié la foi
de l'homme en lui et augmenté sa confiance en sa puissance. Il
fut interdit au peuple de communiquer ce dont il avait été
témoin ; mais plus l'ordre était sévère,
plus il publiait la nouvelle. Sa conclusion sur Jésus et ses
œuvres était : « Il fait tout à
merveille, il fait même entendre les sourds et parler les
muets. »
UN
AUTRE REPAS DANS LE DÉSERT, PLUS DE QUATRE MILLE PERSONNES
NOURRIES [20]
Pendant
trois jours, les foules réjouies demeurèrent avec Jésus
et les apôtres. Camper à cette époque et dans
cette région n'exposait pas à de grandes épreuves
par suite du climat. Cependant ils n'avaient plus de nourriture, et
beaucoup d'entre eux étaient loin de chez eux. Jésus
eut compassion du peuple et répugna à le renvoyer
jeûnant, de peur qu'il ne faiblit en chemin. Lorsqu'il parla de
la question aux disciples, ils déclarèrent qu'il était
impossible de nourrir un si grand nombre de personnes, car la
quantité tout entière de nourriture dont on disposait
ne se composait que de sept pains et de quelques petits poissons.
Avaient-ils oublié l'événement précédent
où une multitude plus grande encore avait été
nourrie et rassasiée avec cinq pains seulement et deux petits
poissons ? Nous croyons plutôt que les disciples se
souvenaient bien mais estimaient qu'il était au-delà de
leur devoir ou de leur droit de proposer au Maître de répéter
les miracles. Mais le Maître commanda, et le peuple s'assit par
terre. Bénissant et répartissant les maigres provisions
comme il l'avait fait, il donna aux disciples et ils distribuèrent
à la multitude. Quatre mille hommes, outre les femmes et les
enfants, furent abondamment nourris ; et il resta assez de la
nourriture rompue mais non mangée pour remplir sept paniers.
Sans aucun semblant de l'enthousiasme turbulent qui avait suivi la
première multiplication pour les cinq mille personnes, cette
multitude se dispersa tranquillement et rentra chez elle,
reconnaissante et doublement bénie.
NOUVEAU
SIÈGE DES CHERCHEURS DE MIRACLE [21]
Jésus
et les apôtres retournèrent par bateau vers la côte
occidentale du lac et abordèrent près de Magdala et
Dalmanoutha.
On
pense que ces villes étaient si proches l'une de l'autre que
la dernière était virtuellement un faubourg de la
première. C'est là que le groupe rencontra les
Pharisiens toujours vigilants qui, en cette occasion, étaient
accompagnés de leurs rivaux ordinairement hostiles, les
Sadducéens. Le fait que les deux parties avaient
temporairement mis de côté leurs différends
mutuels et avaient combiné leurs forces dans la cause commune
de l'opposition au Christ est une preuve que les autorités
ecclésiastiques étaient bien décidées à
trouver quelque chose à redire contre lui, et si possible, à
le mettre à mort. Leur but immédiat était de
continuer à écarter le commun du peuple de lui, et de
contrecarrer l'influence de ses anciens enseignements auprès
des masses. Ils lui retendirent le vieux piège de lui demander
un signe surnaturel prouvant qu'il était le Messie, bien
qu'ils eussent déjà, eux ou d'autres de leur espèce,
tenté par trois fois de le prendre au piège et qu'ils
eussent été trois fois déjoués [22].
Avant eux, Satan en personne avait essayé lui-même et
avait échoué [23]. Il répondit à
leur nouvelle demande impertinente et impie par un refus bref et
final et dénonça leur hypocrisie par la même
occasion. Voici quelle fut sa réponse : « [Le
soir, vous dites : Il fera beau, car le ciel est rouge ; et
le matin : Il y aura de l'orage aujourd'hui, car le ciel est
d'un rouge sombre. Vous savez discerner l'aspect du ciel et vous ne
pouvez discerner les signes des temps.] Une génération
mauvaise et adultère recherche un signe ; il ne lui sera
donné d'autre signe que celui de Jonas. Puis il les laissa et
s'en alla » [24].
LE
LEVAIN DES PHARISIENS ET DES SADDUCÉENS [25]
Se
trouvant de nouveau avec les Douze sur l'eau, puisqu'il n'y avait pas
moyen de trouver sur la côte galiléenne ni la paix, ni
l'occasion d'enseigner efficacement, Jésus dirigea le bateau
vers le rivage du nord-est. Lorsqu'ils furent au large, il dit à
ses compagnons : « Gardez-vous attentivement du
levain des Pharisiens et des Sadducéens », et,
comme l'ajoute Marc : « Et du levain d'Hérode. »
Dans leur départ précipité, les disciples
avaient oublié de prendre des réserves de nourriture ;
ils n'avaient avec eux qu'un seul pain. Ils interprétèrent
ses paroles au sujet du levain comme une allusion au pain, et
peut-être comme un reproche pour leur négligence. Jésus
les réprimanda, leur disant qu'ils avaient peu de foi pour
penser à ce moment-là à du pain matériel
et rafraîchit leur mémoire à propos des miracles
par lesquels les multitudes avaient été nourries, pour
que leur manque de pain ne les trouble plus. Finalement ils purent
comprendre que l'avertissement du Maître était dirigé
contre les fausses doctrines des Pharisiens et celles des Sadducéens
et contre les aspirations politiques des Hérodiens
comploteurs [26].
Le
groupe quitta le bateau près de l'emplacement de la première
multiplication des pains et se dirigea vers Bethsaïda Julias. On
amena un aveugle, et on demanda à Jésus de le toucher.
Il prit l'aveugle par la main, le conduisit en dehors de la ville,
appliqua de la salive sur ses yeux, lui imposa les mains et lui
demanda s'il pouvait voir. L'homme répondit qu'il voyait
vaguement, mais il était incapable de distinguer les hommes
des arbres. Appliquant les mains sur les yeux de l'homme, Jésus
lui dit de lever les yeux ; l'homme s'exécuta et vit
clairement. Lui ordonnant de ne pas entrer dans la ville ni de dire à
quiconque dans le pays qu'il avait été délivré
de la cécité, le Seigneur le renvoya plein de joie. Ce
miracle présente le trait unique où l'on voit Jésus
guérir une personne par étapes ; le résultat
de la première intervention ne fut qu'une guérison
partielle. Aucune explication de ce détail exceptionnel ne
nous est donnée.
« TU
ES LE CHRIST » [27]
Accompagné
des Douze, Jésus poursuivit son chemin vers le nord jusqu'au
voisinage ou « territoire » de Césarée
de Philippe, ville intérieure située près de la
source orientale et principale du Jourdain, et près du pied du
mont Hermon [28]. Le voyage lui fournit l'occasion de donner des
enseignements particuliers et confidentiels aux apôtres. Jésus
leur demanda : « Au dire des gens, qui suis-je, moi,
le Fils de l'homme ? » Ils lui répondirent en
rapportant les rumeurs et les imaginations populaires qui étaient
venues à leur attention. Certaines personnes, partageant les
craintes superstitieuses qu'éprouvait le coupable Hérode
Antipas, disaient que Jésus était Jean-Baptiste revenu
à la vie, bien que pareille croyance n'aurait pas pu être
nourrie sérieusement par beaucoup de personnes, puisqu'on
savait que Jean et Jésus avaient été
contemporains. D'autres disaient qu'il était Élie,
d'autres encore suggéraient qu'il était Jérémie
ou l'un des anciens prophètes d'Israël. Il est
significatif que parmi toutes les conceptions que les gens avaient de
l'identité de Jésus, rien ne permet de penser qu'on le
croyait être le Messie. Il ne s'était montré ni
par la parole, ni par l'action, à la hauteur des conceptions
populaires et traditionnelles du Sauveur et Roi d'Israël
attendu. On n'avait pas manqué de manifester de manière
fugitive l'espoir éphémère qu'il pût
s'avérer être le Prophète attendu, semblable à
Moïse, mais toutes ces conceptions naissantes avaient été
neutralisées par l'activité hostile des Pharisiens et
ceux de leur espèce. Pour eux, il s'agissait de s'attacher de
toutes leurs forces au plan pervers de conserver dans l'esprit du
peuple l'idée d'un Messie encore futur et non présent.
Avec
une solennité profonde, Jésus soumit les Douze à
l'épreuve cruciale à laquelle ils avaient été
inconsciemment préparés au cours de nombreux mois
d'association étroite et privilégiée avec leur
Seigneur, en leur demandant : « Mais vous, qui
dites-vous que je suis ? » Répondant pour tout
le monde, mais témoignant plus particulièrement de sa
propre conviction, Pierre exprima, de toute la ferveur de son âme,
la grande confession : « Tu es le Christ, le Fils de
Dieu vivant. » Ce n'était pas l'aveu d'une simple
croyance, l'expression d'une conclusion à laquelle il était
parvenu par un processus mental, ni la solution d'un problème
laborieusement résolu, ni un verdict basé sur le
soupesage de preuves ; il parlait avec la connaissance sûre
qui n'admet aucune question et de laquelle le doute et les réserves
sont aussi éloignés que le ciel l'est de la terre.
« Jésus
reprit la parole, lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de
Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé
cela, mais mon Père qui est dans les cieux. » La
connaissance de Pierre, qui était également celle de
ses frères, était d'une espèce différente
de tout ce que l'homme peut découvrir par lui-même ;
c'était un don divin, en comparaison duquel la sagesse humaine
n'est que folie et les trésors de la terre que du rebut.
S'adressant encore au premier apôtre, Jésus continua :
« Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette
pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du
séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. je te
donnerai les clefs du royaume des cieux : Ce que tu lieras sur
la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras
sur la terre sera délié dans les cieux. »
C'était
par révélation directe de Dieu que Pierre savait que
Jésus était le Christ ; et c'était sur la
révélation, roc d'une fondation assurée, que
l'Église du Christ devait être édifiée [29].
Les pluies diluviennes pouvaient tomber, les torrents pouvaient
déferler, les vents faire rage et battre ensemble cet édifice,
il ne tomberait pas, ne pourrait pas tomber, car il était
fondé sur le roc [30] et même les puissances de
l'enfer seraient incapables de prévaloir contre lui. Ce n'est
que par la révélation que l'Église de
Jésus-Christ pouvait ou peut être édifiée
ou entretenue ; et la révélation implique
nécessairement des révélateurs par
l'intermédiaire desquels la volonté de Dieu vis-à-vis
de son Église puisse être connue. Le témoignage
de Jésus, don de Dieu, entre dans le cœur de l'homme. Ce
principe était contenu dans les enseignements du Maître
à Capernaüm, lorsqu'il dit que nul ne pouvait venir à
lui si le Père ne l'amenait [31]. Quand le Seigneur
promit qu'il donnerait à Pierre « les clefs du
royaume des cieux », cette promesse comprenait le principe
de l'autorité divine dans la sainte prêtrise et de
l'autorité de la présidence. Les allusions à des
clefs pour symboliser le pouvoir et l'autorité ne sont pas
rares dans la littérature juive, et on les comprenait bien à
cette époque ; elles sont très courantes
aujourd'hui [32]. Les analogies que l'on trouve dans les idées
de lier et de délier en parlant d'actes officiels étaient
d'usage à l'époque, comme elles le sont maintenant, en
particulier à propos des fonctions judiciaires. La présidence
de Pierre parmi les apôtres se manifesta abondamment et fut
généralement reconnue après la fin de la vie
mortelle de notre Seigneur. C'est ainsi que c'est lui qui parla en
faveur des Onze lors de la réunion d'officiers au cours de
laquelle on choisit un successeur au traître Iscariot ; il
fut le porte-parole de ses frères lors de la conversion, à
la Pentecôte ; c'est lui qui ouvrit les portes de l'Église
aux Gentils [33] et son office de dirigeant apparaît
clairement pendant toute la période apostolique.
La
confession par laquelle les apôtres reconnurent qu'ils
acceptaient Jésus comme le Christ, Fils du Dieu vivant, était
la preuve qu'ils avaient réellement l'esprit du saint
apostolat, par lequel ils étaient devenus témoins
spéciaux de leur Seigneur. Le moment de proclamer leur
témoignage partout n'était cependant pas arrivé ;
et il n'arriva que lorsque le Christ fut sorti de la tombe,
Personnage ressuscité et immortalisé. Pour le moment
ils reçurent l'ordre « de ne dire à personne
qu'il était le Christ ». Si Jésus avait été
proclamé être le Messie, surtout si cette proclamation
était faite par les apôtres que l'on savait publiquement
être ses disciples et ses associés les plus intimes, ou
si le Messie avait déclaré lui-même son titre,
cela aurait aggravé l'hostilité des dirigeants, qui
était déjà devenue une intervention grave sinon
une menace réelle au ministère du Sauveur ; et il
aurait aisément pu en résulter des soulèvements
séditieux contre le gouvernement politique de Rome. On trouve
une raison plus profonde encore pour expliquer la discrétion
recommandée aux Douze, si l'on pense que la nation juive
n'était pas prête à accepter son Seigneur ;
il y aurait moins de culpabilité à l'ignorer par manque
de connaissance certaine qu'à la rejeter ouvertement. La
mission spéciale des apôtres à une époque
alors future était de proclamer à toutes les nations
Jésus, le Christ crucifié et ressuscité.
Cependant,
dès le moment de la confession de Pierre, Jésus
instruisit les Douze plus clairement et avec une plus grande intimité
concernant les événements futurs de sa mission, en
particulier en ce qui touchait la mort qui lui était réservée.
Il avait déjà, en d'autres occasions, fait allusion
devant eux à la croix et à sa mort proche, à sa
sépulture et à son ascension ; mais dans chaque
cas l'allusion avait été, dans un certain sens,
figurée, et ils ne l'avaient saisie qu'imparfaitement ou
peut-être pas du tout. Mais maintenant, il commença à
montrer, et par la suite leur expliqua clairement, « qu'il
lui fallait aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la
part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, être
mis à mort et ressusciter le troisième jour ».
Pierre
fut choqué de cette déclaration sans réserve,
et, cédant à une impulsion, sermonna Jésus, ou,
comme deux des évangélistes le déclarent, « se
mit à lui faire des reproches », allant jusqu'à
dire : « Cela ne t'arrivera pas » [34]. Le
Seigneur l'invectiva avec un violent reproche : « Arrière
de moi, Satan ! Tu es pour moi un scandale, car tes pensées
ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Les
paroles de Pierre constituaient un appel à l'élément
humain de la nature du Christ, et les sentiments sensibles de Jésus
furent blessés par cette proposition d'être infidèle
à la mission qui lui avait été confiée,
provenant de l'homme qu'il venait d'honorer d'une manière si
insigne quelques moments auparavant, ne comprenant qu'imparfaitement
les desseins profonds de Dieu. Bien que méritée, la
réprimande qu'il reçut était sévère.
Le commandement : « Arrière de moi, Satan »,
était identique à celui qu'il avait utilisé
contre le grand tentateur lui même, qui avait cherché à
détourner Jésus du sentier sur lequel il s'était
engagé [35], et dans les deux cas la provocation était
à certains points de vue semblable : la tentation
d'éviter le sacrifice et la souffrance, bien que ce fût
la rançon du monde, et de suivre une voie plus
confortable [36]. Les paroles puissantes de Jésus
montrent l'émotion profonde que la tentative inopportune de
Pierre de conseiller sinon de tenter son Seigneur avait provoquée.
Outre les Douze qui entouraient immédiatement la personne du
Seigneur, d'autres personnes se trouvaient là tout près ;
il semble que même dans ces lieux isolés, très
éloignés du territoire de la Galilée - lieu de
résidence d'une population païenne, à laquelle
cependant beaucoup de Juifs étaient mêlés - le
peuple s'était assemblé autour du Maître. C'est
lui qu'il réunit alors, et il lui dit ainsi qu'aux disciples :
« Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce
à lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me
suive. » Ici de nouveau l'image terrifiante de la croix
revenait au premier plan. Il ne restait pas l'ombre d'une excuse pour
penser que la dévotion au Christ ne signifierait pas
l'abnégation et les privations. Celui qui voulait sauver sa
vie au prix du devoir, comme Pierre venait de le suggérer au
Christ, la perdrait certainement dans un sens pire que celui de la
mort physique ; tandis que celui qui restait disposé à
perdre tout, jusqu'à la vie elle même, trouverait la vie
qui est éternelle.
Pour
prouver la qualité de ses enseignements, Jésus prononça
ce qui est devenu un aphorisme inspirant sur la vie : « Et
que servira-t-il à un homme de gagner le monde entier, s'il
perd son âme ? Ou que donnera un homme en échange
de son âme ? » Quiconque a honte du Christ à
cause de son humble situation, ou par crainte que l'on ne soit
offensé de ses enseignements, verra que le Fils de l'homme,
lorsqu'il viendra dans la gloire du Père, accompagné de
cohortes d'anges, aura honte de cet homme. Le récit de ce jour
mémorable dans la vie du Sauveur se termine par sa promesse
bénie : « En vérité je vous le
dis, quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront
point la mort, qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venir dans son
règne » [37].
[1]
Jn 6:4. Note 1, fin du chapitre.
[2]
Mc 12:37.
[3]
Mt 15:1-9, Mc 7:1-13.
[4]
Note 2, fin du chapitre.
[5]
Cf. Ex 20:12, Dt 5:16, Ex 21:17, Lv 20:9.
[6]
Note 3, fin du chapitre.
[7]
Mt 15:10-20 ; cf. Mc 7:14-23.
[8]
Mt 11:6 ; Lc 7:23 ; Chap. 18 du présent ouvrage et
notes.
[9]
Mt 15:21-28, Mc 7:24-30.
[10]
Mc 3:8, Lc 6:17.
[11]
Voir chap. 21, note 2.
[12]
Mt 10:5, 6 ; voir aussi chap. 21 du présent ouvrage.
[13]
Dt 23:18, 1 S 17:43, 21:14, 2 S 3:8, 16:9, Job 30: 1, Mt 7:6, Ph 3:2,
Ap 22:15.
[14]
Note 4, fin du chapitre.
[15]
Lc 18:1-8. Chap. 26 du présent ouvrage.
[16]
Mt 28:19, Mc 16:15.
[17]
Ac 3:25, 26, 13:46-48, Rm 15:8.
[18]
Mc 7:31-37 ; cf. Mt 15:29-31.
[19]
Note 5, fin du chapitre.
[20]
Mt 15:32-39, Mc 8:1-9.
[21]
Mt 15:29,16:1-5, Mc 8:10-13.
[22]
Jn 2:18, 6:30, Mt 12:38.
[23]
Mt 4:6, 7, Lc 4:9-12.
[24]
Mt 16:2-4 ; cf. 12:38-41. Chap. 12 du présent ouvrage.
[25]
Mt 16:6-12, Mc 8:14-21 ; cf. Lc 12:1.
[26]
Chap. 6.
[27]
Mt 16:13-20, Mc 8:27-30, Lc 9:18-21. Note 10, fin du chapitre.
[28]
Note 6, fin du chapitre.
[29]
Note 7, fin du chapitre.
[30]
Cf. Mt 7:24, 25
[31]
Jn 6:46 ; cf. versets 37, 39, 40.
[32]
Voir Es 22:22, Lc 11:52, Ap 1:18, 3:7 ; cf. D&A 6:28, 7:7,
27:5, 6, 9, 28:7, 42:69, 84:26, etc.
[33]
Ac 1: 15-26, 2:14-40 ; chap. 10, cf. 15:7.
[34]
Mt 16:22, 23, Mc 8:32, 33.
[35]
Lc 4:8.
[36]
Note 8, fin du chapitre.
[37]
Note 9, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 22
1.
Célébrations de la Pâque comprises dans la
période du ministère public de notre Seigneur :
Les dates auxquelles des actes déterminés se produisent
dans le ministère de Jésus sont difficiles sinon
impossibles à fixer, sauf dans quelques cas ; et comme
nous l'avons dit et répété jusqu'à
présent, même l'ordre des événements est
incertain. On se souviendra que Jésus était à
Jérusalem à l'époque de la Pâque peu après
son baptême, et que lors de cette visite il débarrassa
de force les cours du temple des trafiquants et de leurs biens. C'est
ce que l'on appelle la première Pâque de la vie publique
de Jésus. Si la « fête des Juifs »
à laquelle Jean fait allusion (5:1) était une Pâque,
comme beaucoup de spécialistes de la Bible le soutiennent,
elle marqua la fin de l'année qui suivit la purification du
temple ; on l'appelle dans les discours et dans la littérature
la deuxième Pâque du ministère de notre Seigneur.
Puis la Pâque aux environs de laquelle Jésus multiplia
les pains (Jn 6:4) serait la troisième et marquerait
l'expiration de deux ans et une fraction depuis le baptême de
Jésus ; elle marque certainement le commencement de la
dernière année de la vie du Sauveur sur la terre.
2.
Ablutions cérémonielles : Les nombreuses ablutions
requises par la coutume juive à l'époque du Christ
étaient, on le reconnaît, dues au rabbinisme et à
« la tradition des anciens » et non conformes à
la loi mosaïque. Dans certaines conditions, des ablutions
successives étaient prescrites, et à propos de
celles-ci nous trouvons des allusions aux « première »,
« deuxième » et « autres »
eaux, la « deuxième eau » étant
nécessaire pour rincer la « première eau »,
qui était devenue souillée par contact avec les mains
« impures », et ainsi de suite avec les eaux
ultérieures. Parfois il fallait plonger ou immerger les mains,
d'autre fois il fallait les purifier en versant de l'eau dessus, et
il était alors nécessaire de laisser couler l'eau
jusqu'aux poignets ou aux coudes selon la mesure dont on était
censé être souillé ; dans d'autres cas
encore, comme le prétendaient les disciples du rabbi Chammaï,
seul le bout des doigts, ou les doigts jusqu'aux articulations
devaient être mouillés dans certaines circonstances
particulières. Les lois pour la purification des récipients
et du mobilier étaient détaillées et
exigeantes ; des méthodes distinctes s'appliquaient
respectivement aux récipients de terre, de bois et de métal.
La crainte de se souiller les mains par mégarde conduisait à
beaucoup de précautions extrêmes. Comme on savait que le
Rouleau de la Loi, le Rouleau des Prophètes et d'autres
Écritures, quand on les mettait de côté, étaient
parfois touchés, griffés ou même rongés
par des souris, on avait lancé un décret rabbinique
selon lequel les saintes Écritures, ou une partie quelconque
de celle-ci comprenant au moins quatre-vingt-cinq lettres (la section
la plus courte de la loi ayant exactement ce nombre), souillaient les
mains par simple contact. C'est ainsi que les mains devaient être
purifiées cérémoniellement après avoir
touché un exemplaire des Écritures, ou même un
passage écrit de celles-ci.
Être
émancipé de ces choses, et de « beaucoup
d'autres choses semblables » devait, en effet, être
un soulagement. Jésus offrit gratuitement au peuple d'échapper
à cet esclavage en disant : « Venez à
moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et
je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes
instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous
trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé,
et mon fardeau léger » (Mt 11:28-30).
3.
« Corban », un don : La loi de Moïse
prescrivait des lois relatives aux vœux (Lv 27, Nb 30). « Ces
règles », dit l'auteur dans le Bible Dict, de
Smith, « Ies traditionalistes les étendirent et
prescrivirent qu'un homme pouvait s'interdire par voeu non seulement
d'utiliser pour lui-même, mais de donner à un autre ou
recevoir de lui un objet particulier, qu'il s'agit de nourriture ou
d'une autre espèce quelconque. La chose ainsi interdite était
considérée comme corban. On pouvait ainsi s'exempter de
toutes obligations gênantes en plaidant corban. Notre Seigneur
dénonça les pratiques de cette espèce (Mt 15:5 ;
Mc 7:11) qui annulaient l'esprit de la loi. »
Matthieu
15:5 dit : « Mais vous, vous dites : Celui qui
dira à son père ou à sa mère : Ce
dont j'aurais pu t'assister est une oblation (à Dieu), n'est
pas tenu d'honorer son père ou sa mère. »
L'exposé suivant sur cette coutume pernicieuse apparaît
dans le Commentary on The Holy Bible édité par
Dummelow : « Corban », signifiant
originellement un sacrifice ou un don à Dieu, était
utilisé à l'époque du Nouveau Testament comme un
simple mot exprimant un voeu, sans que cela implique que l'objet voué
serait véritablement offert ou donné à Dieu.
C'est ainsi qu'un homme disait : « Le vin est corban
pour moi pendant telle période », voulant dire par
là qu'il faisait voeu de s'abstenir de vin. Ou un homme
pouvait dire à un ami : « Tout ce que je
pourrais recevoir de profitable de toi est corban pour moi pendant
telle période de temps », voulant dire par là
que pendant l'époque spécifiée il faisait voeu
de ne recevoir ni l'hospitalité ni aucun autre profit de son
ami. De même, si un fils disait à son père ou à
sa mère : « Tout ce dont j'aurais pu
t'assister est corban », il faisait voeu de ne pas aider
son père ou sa mère en aucune manière, quel que
fût le besoin dans lequel ils se trouvassent. Les scribes
considéraient qu'un voeu de cette espèce excusait un
homme du devoir d'entretenir ses parents, et c'est ainsi que par
leurs traditions ils annulaient la parole de Dieu. »
4.
Les « chiens » qui mangent les miettes :
La réponse ardente de la femme : « Oui
Seigneur, pourtant les petits chiens mangent les miettes qui tombent
de la table de leurs maîtres » (Mt 15:27), est
commentée et paraphrasée comme suit par Trench (Notes
on the Miracles, p. 271). « La traduction de sa réponse
dans notre version [la version du roi Jacques, ndt] n'est pas
cependant tout à fait satisfaisante. En effet la femme accepte
la déclaration du Seigneur, non pour s'offenser immédiatement
de la conclusion qu'il en tire, mais pour montrer comment cette
déclaration même implique que sa demande doit être
accordée. « Tu parles de petits chiens ? C'est
bien ; j'accepte le titre et le lieu ; car les chiens ont
leur part du repas - non pas la première, pas la ration des
enfants, mais cependant une ration - les miettes qui tombent de la
table du maître. En formulant ainsi l'affaire, tu nous amènes,
nous les païens, tu m'amènes, moi, dans le cercle des
bénédictions que Dieu, le Grand Maître de Maison,
dispense constamment à sa famille. Nous appartenons, nous
aussi, à sa maison, bien que nous n'y occupions que le lieu le
plus bas. »
Le
Commentary de Dummelow sur Mt 15:26 dit entre autres ceci :
« Les rabbis disaient souvent des Gentils que c'étaient
des chiens, par exemple : « Celui qui mange avec un
idolâtre est comme celui qui mange avec un chien »...
« Les nations du monde sont comparées à des
chiens. » « La sainte convocation vous
appartient, et non aux chiens. » Cependant Jésus,
en adoptant l'expression méprisante l'adoucit légèrement.
Il ne dit pas « chiens », mais « petits
chiens », c'est-à-dire des chiens d'intérieur,
et la femme saisit intelligemment l'expression, arguant que si les
Gentils sont des chiens de maison, il n'est que juste qu'ils
reçoivent en nourriture les miettes qui tombent de la table de
leurs maîtres. » Edersheim, se reportant au texte
originel, dit : « Le terme signifie ‘petits
chiens’, ou ‘chiens de maison’. »
5.
La Décapole : Le nom signifie « les dix
villes », et était appliqué à une
région aux limites indéterminées qui se trouvait
pour la plus grande partie à l'est du Jourdain et au sud de la
mer de Galilée. Scythopolis, dont Josèphe (Guerres des
Juifs, III, 9:7) dit qu'elle est la plus grande des dix villes, se
trouvait sur la rive occidentale du fleuve. Les historiens ne sont
pas d'accord sur les villes incluses dans ce nom. Les indications
bibliques (Mt 4:25 ; Mc 5:20, 7:31) impliquent une région
générale plutôt qu'un secteur déterminé.
6.
Césarée de Philippe : Césarée de
Philippe, ville située, comme le dit le texte, près du
mont Hermon, à la source du Jourdain, avait été
agrandie et embellie par Philippe le tétrarque, et c'est lui
qui l'avait appelée Césarée en l'honneur de
l'empereur romain. Elle fut appelée Césarée de
Philippe pour la distinguer de la Césarée qui existait
déjà sur la rive méditerranéenne de la
Samarie, et que la littérature ultérieure appela la
Césarée de Palestine. On pense que Césarée
de Philippe est identique à l'antique Baal-Gad (Jos 11:17) et
Baal-Hermon (Jg 3:3). Elle était connue comme lieu de culte
idolâtre, et tandis qu'elle se trouvait sous la souveraineté
grecque, elle était appelée Paneas d'après le
nom de la divinité mythologique Pan. Voir Josèphe, Ant.
XVIII, 2:1 ; cette désignation existe encore dans le nom
arabe actuel du lieu, Banias.
7.
Simon Pierre et le « roc » de la révélation :
Simon, fils de Jonas, lors de la première entrevue que nous
avons entre lui et Jésus, avait reçu des lèvres
du Seigneur le nom titre distinctif de « Pierre »
ou, en araméen, « Céphas » dont
l'équivalent français est « rocher »
ou « pierre » (Jn 1:42 ; voir également
chap. 11). Le nom fut confirmé sur l'apôtre lors de
l'événement que nous examinons maintenant (Mt 16:18).
Jésus lui dit : « Tu es Pierre »,
ajoutant, « et sur cette pierre je bâtirai mon
Église. » Au cours de l'apostasie générale
qui suivit l'ancien ministère apostolique, l'évêque
de Rome prétendit à l'autorité suprême
comme successeur direct supposé de Pierre ; et une
doctrine erronée se répandit, disant que Pierre était
la « pierre » sur laquelle l'Église du
Christ était fondée. Nous ne pouvons entreprendre ici
un examen détaillé de cette prétention illogique
et infâme ; il suffit de dire que l'Église fondée
par ou dépendant de Pierre ou d'un autre homme serait l'Église
de Pierre ou de cet autre homme, et non l'Église de
Jésus-Christ (voir La Grande apostasie, chap. 9, et LM, 3 Né
27:1-8 ; et le chapitre 40 du présent ouvrage). Nous ne
mettons pas en doute le fait que c'est sur Pierre que reposait la
responsabilité de présider dans le ministère
après l'ascension du Christ ressuscité ; mais
qu'il ait été, même symboliquement, le fondement
sur lequel l'Église était édifiée, est à
la fois non scripturaire et faux. L'Église de Jésus-Christ
doit porter son nom avec autorité et être guidée
par la révélation, directe et continue, comme le
réclame l'état de sa construction. C'est la révélation
que Dieu donne à ses serviteurs investis de la sainte prêtrise
par ordination autorisée comme le fut Pierre qui est la
« pierre » imprenable sur laquelle l'Église
est édifiée (voir Articles de Foi, chapitre 16 - « La
révélation »).
8.
La réprimande du Christ à Pierre : En appelant
Pierre « Satan », Jésus utilisait de
toute évidence une puissante figure de rhétorique, et
non une désignation littérale ; car Satan est un
personnage distinct, Lucifer, fils déchu non incarné du
matin (voir chap. 2) ; et Pierre n'était certainement pas
lui. Dans son sermon ou sa « réprimande »
qu'il adressa à Jésus, Pierre recommandait en réalité
ce que Satan avait précédemment essayé de
pousser le Christ à faire, c'est-à-dire qu'il tentait
comme Satan lui-même avait tenté. Le commandement
« Arrière de moi, Satan ! » que
Jésus adressa à Pierre, certaines autorités le
traduisent en anglais par « Arrière de moi,
tentateur ». Le sens essentiel qui s'attache aux termes
originaux hébreux et grecs de notre mot « Satan »
est celui de l'adversaire, ou « quelqu'un qui se place en
travers du chemin d'un autre et s'oppose ainsi à lui »
(Zenos). L'expression « tu es pour moi un scandale »
est considérée comme une traduction moins littérale
que « tu m'es une pierre d'achoppement ».
L'homme que Jésus appelait Pierre - « le roc »
était maintenant comparé à une pierre dans le
chemin, sur laquelle celui qui n'y prenait pas garde pouvait
trébucher.
9.
Certains vivront jusqu'à ce que le Christ revienne : La
déclaration du Sauveur aux apôtres et à d'autres
qui se trouvaient aux environs de Césarée de Philippe :
« En vérité je vous le dis quelques-uns de
ceux qui se tiennent ici ne goûteront point la mort, qu'ils
n'aient vu le Fils de l'homme venir dans son règne »
(Mt 16:28, comparer avec Mc 9: 1, Lc 9:27), a provoqué des
commentaires nombreux et divers. L'événement auquel il
est fait allusion, celui où le Fils de l'Homme viendra dans la
gloire de son Père accompagné des anges, est encore à
venir. Nous trouvons un accomplissement au moins partiel de la
prédiction dans la prolongation de la vie de Jean l'apôtre,
qui était présent, et qui vit encore dans la chair
selon son désir (Jn 21:20-24, voir encore le LM, 3 Né
28:1-6, D&A sect. 7).
10.
« Tu es le Christ » : La confession
solennelle et fervente de Pierre que Jésus est le Christ est
formulée d'une manière différente dans chacun
des trois synoptiques. Pour beaucoup, la version la plus expressive
est celle de Luc : « Le Christ de Dieu. »
En d'autres occasions antérieures, certains des Douze ou tous
avaient reconnu que Jésus-Christ était le Fils de Dieu,
par exemple après le miracle où il marcha sur la mer
(Mt 14:33), et encore, après le sermon crucial de Capernaüm
(Jn 6:69), mais il est évident que la confession débordante
et déférente de Pierre en réponse à la
question « Mais vous, qui dites-vous que je suis ? »
avait un sens plus grand dans son assurance et plus exalté
dans son espèce que ne l'avait aucune expression antérieure
de la conception qu'il se faisait de son Seigneur. Cependant même
la conviction donnée par la révélation directe
(Mt 16:17) n'impliquait pas à l'époque qu'il comprît
parfaitement la mission du Sauveur. En effet, ce n'est qu'après
la résurrection du Seigneur que les apôtres reçurent
une plénitude de compréhension et d'assurance (comparer
avec Rm 1:4). Néanmoins, le témoignage de Pierre dans
le pays de Césarée de Philippe est la preuve d'une très
grande évolution. À cette étape du ministère
du Sauveur, proclamer publiquement son état divin, ç'aurait
été jeter les perles devant les pourceaux (Mt 7:6),
c'est pourquoi le Seigneur ordonna aux apôtres « de
ne dire à personne qu'il était le Christ »,
à ce moment-là.
CHAPITRE
23 : LA TRANSFIGURATION
Les
évangiles ne disent rien de la semaine qui suivit les
événements que nous venons d'étudier. Nous
pouvons supposer en toute sécurité que le temps se
passa, du moins en partie, à poursuivre l'instruction des
Douze relativement à la fin de la mission terrestre du
Sauveur, laquelle approchait rapidement. Les apôtres
répugnaient à croire possibles les événements
terribles qui devaient l'accompagner. La semaine écoulée [1],
Jésus prit Pierre, Jacques et Jean [2] et gravit avec eux
une haute montagne, où ils pouvaient raisonnablement
s'attendre à être à l'abri de toute intrusion
humaine [3]. C'est là que les trois apôtres furent
témoins d'une manifestation céleste qui n'a pas son
égal dans l'histoire ; dans les en-têtes que nous
trouvons dans nos Bibles on l'appelle la transfiguration du
Christ [4].
L'un
des buts de la retraite du Seigneur était de prier, et tandis
qu'il priait, une investiture transcendante de gloire descendit sur
lui. Les apôtres s'étaient endormis, mais ils furent
éveillés par la splendeur extraordinaire de la scène
et contemplèrent avec une crainte respectueuse leur Seigneur
glorifié. « L'aspect de son visage changea, et son
vêtement devint d'une éclatante blancheur. »
Ses vêtements, bien que faits de tissu terrestre, « devinrent
resplendissants et d'une telle blancheur qu'il n'est pas de
blanchisseur sur terre qui puisse blanchir ainsi », « son
visage resplendit comme le soleil ». C'est ainsi que Jésus
fut transfiguré devant les trois témoins privilégiés.
Avec
lui se trouvaient deux autres personnages qui étaient, eux
aussi, dans un état de rayonnement glorifié et qui
conversaient avec le Seigneur. Les apôtres apprirent, on ne
nous dit pas comment, mais on peut supposer que ce fut d'après
la conversation en cours, qu'il s'agissait de Moïse et Élie ;
et le sujet de leur entretien avec le Christ était « son
départ qui allait s'accomplir à Jérusalem ».
Comme les prophètes visiteurs étaient sur le point de
partir, « Pierre dit à Jésus : Rabbi il
est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour
toi, une pour Moïse et une pour Élie. Il ne savait que
dire ». Il ne fait aucun doute que Pierre et les autres
apôtres étaient éperdus, « l'effroi
les avait saisis » ; cette condition peut expliquer
la suggestion de dresser des tentes. Il ne savait que dire ;
cependant, bien que sa réflexion semble confuse et obscure,
elle devient un peu plus claire quand nous nous souvenons que, lors
de la fête annuelle des Huttes, il était de coutume
d'ériger une petite tonnelle ou baraque de branches
entrelacées pour chaque adorateur, dans laquelle il pouvait se
retirer pour ses dévotions. Dans la mesure où l'on peut
dire que la proposition de Pierre avait un but, il semble qu'il ait
été de retarder le départ des visiteurs.
La
solennité sublime et terrible de l'événement
n'était pas encore parvenue à son plus haut point.
Alors même que Pierre parlait, « une nuée
lumineuse les enveloppa. Et voici qu'une voix sortit de la nuée
qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai
mis toute mon affection. Écoutez-le ! »
C'était Élohim [5], le Père éternel,
qui parlait ; et au son de la voix de la Majesté suprême,
les apôtres tombèrent en prostration. Jésus vint
les toucher, disant : « Levez-vous, soyez sans
crainte ! » Lorsqu'ils regardèrent, ils virent
qu'ils étaient de nouveau seuls avec lui.
L'impression
que cette manifestation fit sur les trois apôtres devait être
inoubliable ; mais ils reçurent l'ordre formel de n'en
parler à personne avant que le Sauveur ne fût ressuscité
d'entre les morts. Ils se demandaient ce que pouvait bien vouloir
dire l'allusion du Seigneur à sa résurrection future.
Ils avaient appris avec un profond chagrin, et c'est à
contrecœur qu'ils en arrivaient à comprendre que c'était
là une terrible certitude, qu'il fallait que leur Maître
bien-aimé « souffre beaucoup, qu'il soit rejeté
par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les
scribes, qu'il soit mis à mort » [6] Cela leur
avait déjà été déclaré en
des termes sans ambiguïté et qui n'admettaient aucune
interprétation figurée, et il leur avait été
dit tout aussi clairement que Jésus ressusciterait, mais ils
n'avaient qu'une compréhension vague de cette dernière
éventualité. Il semble qu'après la répétition
des enseignements qu'ils venaient d'entendre, les trois apôtres
n'aient pas plus compris qu'auparavant la résurrection d'entre
les morts de leur Seigneur. Ils semblent ne pas avoir eu d'idée
claire de ce qu'une résurrection signifiait. « Ils
retinrent cette parole, tout en discutant entre eux : Qu'est-ce
que ressusciter d'entre les morts [7] ? »
L'ordre
du Seigneur de ne parler à personne de leurs expériences
sur la montagne jusqu'après sa résurrection d'entre les
morts était tellement universel qu'il leur interdisait d'en
informer même les autres membres des Douze. Plus tard, lorsque
le Seigneur fut monté vers sa gloire, Pierre témoigna
de cette expérience merveilleuse à l'Église en
des termes puissants : « Ce n'est pas, en effet, en
suivant des fables habilement conçues que nous vous avons fait
connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur
Jésus-Christ, mais parce que nous avons vu sa majesté
de nos propres yeux ; car il a reçu honneur et gloire de
Dieu le Père, quand la gloire pleine de majesté lui fit
entendre cette voix : Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
objet de mon affection. Nous avons entendu cette voix venant du ciel,
lorsque nous étions avec lui sur la sainte montagne » [8].
Et Jean, confessant respectueusement devant le monde la divinité
de la Parole, le Fils de Dieu qui avait été fait chair
pour demeurer parmi les hommes, affirma solennellement : « Et
nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du Fils
unique venu du Père » [9].
Il
peut être aussi impossible à l'esprit humain de
comprendre l'objectif divin qui se manifesta dans la Transfiguration
qu'il est impossible de se faire, à partir d'une description
verbale, une idée parfaite de la splendeur qui accompagna cet
événement ; cependant quelques aspects des
résultats atteints sont clairs. Pour le Christ, la
manifestation fut fortifiante et encourageante. La perspective des
expériences qui allaient suivre immédiatement avait
naturellement dû être déprimante et décourageante
à l'extrême. En suivant fidèlement la voie de son
œuvre, il était parvenu au bord de la vallée de
l'ombre de la mort ; et la partie humaine de sa nature réclamait
un délassement. De même que des anges avaient été
envoyés le servir après l'épisode éprouvant
du jeûne de quarante jours et de la tentation directe de
Satan [10] et de même que, au moment où il
agonisait, transpirant du sang, il allait de nouveau être
soutenu par le ministère d'anges [11], de même, en
cette période décisive, le commencement de la fin, des
visiteurs venus du monde invisible vinrent le réconforter et
le soutenir. Les évangiles du Nouveau Testament ne nous
rapportent pas complètement ce qui fut dit lors de la
rencontre de Jésus avec Moïse et Élie.
La
voix de son Père, dont il était le Premier-né
dans le monde spirituel et le Fils unique dans la chair, constituait
une assurance suprême ; cependant cette voix s'était
adressée aux trois apôtres plutôt qu'à
Jésus, qui avait déjà été reconnu
du Père et avait reçu son témoignage lors de son
baptême. La version la plus complète des paroles que le
Père adressa à Pierre, Jacques et Jean est celle que
donne Matthieu : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé,
en qui j'ai mis toute mon affection. Écoutez-le ! »
Outre qu'elles proclamaient la nature divine du Fils, les paroles du
Père étaient décisives et importantes d'une
autre manière encore. Moïse, le promulgateur de la loi,
et Élie, le représentant des prophètes, qui se
distinguait tout particulièrement parmi eux du fait qu'il
n'était pas mort [12], avaient été vus
servir jésus et lui obéir. L'accomplissement de la loi
et le remplacement des prophètes par le Messie fut attesté
par le commandement : Écoutez-le ! Une nouvelle ère
avait été établie, celle de l'Évangile,
que la loi et les prophètes n'avaient fait que préparer.
Les apôtres ne devaient se laisser guider ni par Moïse ni
par Élie, mais par lui, leur Seigneur, Jésus-Christ.
Les
trois apôtres choisis, « l'Homme de pierre et les
fils du tonnerre » avaient vu le Seigneur en gloire ;
et ils s'étonnèrent que pareille chose pût être
à ce moment-là, puisque selon leur interprétation
des Écritures, il avait été prédit
qu'Élie précéderait l'avènement triomphal
du Messie. En redescendant le flanc de la colline, ils demandèrent
au Maître [13] : « Pourquoi donc les
scribes disent-ils qu'Élie doit venir d'abord ? »
Jésus confirma la prophétie qu'Élie devait venir
d'abord, c'est-à-dire, avant l'avènement du Seigneur en
gloire, événement qu'ils avaient à l'esprit.
« Mais », ajouta-t-il, « je vous dis
qu'Élie est déjà venu, qu'ils ne l'ont pas
reconnu, et qu'ils l'ont traité comme ils l'ont voulu. De même
le Fils de l'homme va souffrir de leur part. Les disciples comprirent
alors qu'il leur parlait de Jean-Baptiste. » Le fait que
Jean-Baptiste officierait « avec l'esprit et la puissance
d'Élie », comme précurseur du Christ, c'est
ce qu'avait annoncé Gabriel à Zacharie [14], avant
la naissance du Baptiste ; et le fait que Jean était cet
Élie en particulier, c'est ce que Jésus montra
lorsqu'il fit son éloge mémorable de la fidélité
et de la grandeur du Baptiste. Le contexte montre clairement qu'en
général on n'accepterait ni ne comprendrait ses
paroles. Jésus avait dit cette fois-là : « Et,
si vous voulez l'admettre, c'est lui qui est l'Élie qui devait
venir » [15].
Il
est impossible que Jésus ait pu vouloir dire que Jean était
la même personne qu'Élie, et le peuple n'aurait pas pu
comprendre ses paroles de cette façon, puisque les Juifs
rejetaient la fausse doctrine de la transmigration ou de la
réincarnation des esprits [16]. La difficulté
apparente disparaît quand nous considérons que le terme
Élie, tel qu'il apparaît dans le Nouveau Testament, est
utilisé sans essayer de faire la distinction entre Élie
le Tichbite et une autre personne appelée Élias. La
déclaration faite par Gabriel que Jean, qui n'était pas
encore né à ce moment-là, manifesterait
« l'esprit et la puissance d'Élie »
indique « qu'Élie » est le titre d'un
office ; quiconque rétablit, précède ou est
envoyé de Dieu préparer la voie à des événements
plus grands dans le plan de l'Évangile, est un Élie.
L'appellation « Élie » est en fait à
la fois un nom de personne et un titre. À notre époque,
l'Élias d'autrefois, qui appartenait à l'ère
abrahamique, et dans l'esprit duquel beaucoup ont officié à
différentes époques, ainsi que le prophète Élie,
sont apparus en personne et ont conféré leur autorité
respective et distincte à des détenteurs de la sainte
prêtrise à notre époque, et les clefs des
pouvoirs qu'ils exerçaient tandis qu'ils étaient sur la
terre se trouvent aujourd'hui dans l'Église rétablie de
Jésus-Christ. L'autorité d'Élias est inférieure
à celle d'Élie, la première étant une
fonction de l'ordre moindre ou aaronique de la prêtrise, tandis
que la dernière appartient à la prêtrise
supérieure ou de Melchisédek. Ce n'est pas dans la
mission de Jean Baptiste ni dans celle d'aucun autre « Élie »
que la prédiction de Malachie disant qu'avant le « jour
de l'Éternel, (jour) grand et redoutable », Élie
le prophète serait envoyé sur la terre pour ramener
« le cœur des pères à leurs fils, et
le cœur des fils à leurs pères » [17],
trouva son accomplissement [18] ; son accomplissement
complet commença le 3 avril 1836, lorsqu'Élie apparut
au temple de Kirtland (Ohio) et remit à Joseph Smith et à
Oliver Cowdery les clefs de l'autorité qu'il possédait
jusque-là. « Le jour de l'Éternel, (jour)
grand et redoutable » ne se produisit pas au midi des
temps ; cette période terrible quoique heureuse de la fin
est encore à venir, mais « proche, et même à
la porte ». [19]
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Note 2, fin du chapitre.
[3]
Note 3, fin du chapitre.
[4]
Mt 17:1-8, Mc 9:2-8, Lc 9:28-36.
[5]
Chap. 4.
[6]
Mc 8:31. Note 5, fin du chapitre.
[7]
Mc 9:10.
[8]
2 P 1: 16-18.
[9]
Jn 1: 14.
[10]
Mt 4: 11, Mc 1: 13.
[11]
Lc 22:43 ; cf. Jn 12:27,28.
[12]
2R 2:11.
[13]
Mt 17:10-13 ; Mc 9:11-13.
[14]
Lc 1:17. Chap. 7 et 18 du présent ouvrage.
[15]
Mt 11: 14.
[16]
Edersheim Life and Times of Jesus, vol. II,
p. 79.
[17]
Ml 4:5, 6 ; voir chap. 11 du présent ouvrage, note 1.
[18]
Note 4, fin du chapitre.
[19]
D&A 110: 13-16. Voir chapitre 41, infra.
NOTES
DU CHAPITRE 23
1.
L'intervalle qui s'écoula entre l'époque de la
confession de Pierre et celle de la Transfiguration : Matthieu
(17:1) et Marc (9:2) déclarent tous deux que la
Transfiguration se produisit « six jours après »
le moment de la grande confession de Pierre que Jésus était
le Christ ; tandis que Luc (9:28) note un intervalle de « huit
jours environ ». Il est probable que la période de
six jours excluait le jour où les événements
précédents s'étaient produits et celui où
Jésus et les trois apôtres se retirèrent sur la
montagne, alors que le « huit jours environ »
de Luc comprenait ces deux jours. Il n'y a ici aucune raison d'y voir
des divergences.
2.
Pierre, Jacques et Jean : Pierre, Jacques et Jean qui
furent choisis parmi les Douze comme les seuls témoins
terrestres de la transfiguration du Christ, avaient été
de même choisis comme témoins d'une manifestation
spéciale, celle de la résurrection de la fille de
Jaïrus (Mc 5:37, Lc 8:51) ; et plus tard, les trois mêmes
hommes furent les seuls témoins de l'agonie nocturne de notre
Seigneur à Gethsémané (Mt 26:37, Mc 14:33).
3.
Lieu de la Transfiguration : Les évangélistes ne
nomment ni n'indiquent la montagne sur laquelle la Transfiguration se
produisit, d'une manière qui permette de l'identifier
formellement. Longtemps la tradition a considéré le
mont Tabor, en Galilée, comme l'emplacement ; et au
sixième siècle trois églises furent érigées
sur le plateau qui en forme le sommet, probablement en souvenir du
désir de Pierre de faire trois huttes ou cabanes, une pour
Jésus, une pour Moïse et une pour Élie. Plus tard
on y construisit un monastère. Néanmoins les chercheurs
rejettent maintenant le mont Tabor, et c'est le mont Hermon que l'on
considère généralement comme étant
l'endroit. Le Hermon se dresse près des frontières
septentrionales de la Palestine, juste au-delà de Césarée
de Philippe, où on sait que Jésus se trouvait une
semaine avant la Transfiguration. Marc (9:30) nous dit clairement
qu'après être descendus de la montagne, Jésus et
les apôtres s'en allèrent et traversèrent la
Galilée. La balance des preuves penche en faveur du Hermon
pour la montagne de la Transfiguration, bien qu'on ne connaisse à
ce sujet rien que l'on puisse considérer comme décisif.
4.
« L'esprit et la puissance d'Élie » :
Les Écritures anciennes et celles des derniers jours attestent
que Jean-Baptiste, en sa qualité de rétablisseur, de
précurseur ou d'envoyé, ayant mission de préparer
la voie à une œuvre plus grande que la sienne, officia
vraiment comme un « Élie ». C'est par
lui que fut prêché et administré le baptême
d'eau pour la rémission des péchés et que fut
permis le baptême supérieur, celui de l'Esprit. Fidèle
à sa mission, il est venu à notre époque et a
rétabli par ordination la Prêtrise d'Aaron qui est
l'autorité de baptiser. Il a ainsi préparé la
voie à l'œuvre vicariale du baptême pour les
morts, dont l'autorité fut rétablie par Élie
(voir p. 181 supra), et qui est par excellence l'œuvre grâce
à laquelle les enfants et les pères seront unis en un
lien éternel.
Le
10 mars 1844, le prophète Joseph Smith compara comme suit le
pouvoir d'Élias à l'autorité supérieure :
« L'Esprit d'Élias vient en premier lieu, puis
vient Élie et enfin le Messie. Élias est un précurseur
qui prépare le chemin, et l'esprit et la puissance d'Élie
doivent venir après, détenant les clefs du pouvoir,
édifiant le temple jusqu'au chaperon, plaçant les
sceaux de la Prêtrise de Melchisédek sur la maison
d'Israël et préparant toutes choses ; ensuite le
Messie entre dans son temple, ce qui vient en tout dernier lieu.
Le
Messie est au-dessus de l'esprit et de la puissance d'Élie,
car il a créé le monde et a été le rocher
spirituel de Moïse dans le désert. Élie devait
préparer la voie et édifier le royaume avant la venue
du grand jour du Seigneur, bien que l'esprit d'Élias pût
le commencer. » - Hist. of the Church, sous la date citée.
5.
Allusion au « départ » proche du
Seigneur : Des trois synoptiques, seul Luc parle, et ce
brièvement, du sujet dont Moïse et Élie
conversèrent avec le Seigneur lors de la Transfiguration. Le
document dit que les visiteurs, qui apparurent en gloire, « parlaient
de son départ qui allait s'accomplir à Jérusalem »
(Lc 9:31). [La version du roi Jacques emploie le mot « décès »
au lieu du « départ » de la version
Segond, ndt ]. Il est intéressant de noter que c'est le décès
que le Seigneur devait accomplir et non la mort qu'il devait subir ou
dont il devait mourir, qui était le sujet de cette
conversation exaltée. Le mot grec dont « décès »
est l'équivalent en anglais dans un grand nombre des
manuscrits des évangiles exprime une idée « d'exode »
ou de « départ », et le mot que l'on
trouve dans d'autres versions plus anciennes signifie « gloire ».
De même l'original grec de « accomplir »,
dans le récit de la Transfiguration, implique l'idée de
l'accomplissement ou l'achèvement réussi d'une
entreprise déterminée, et pas particulièrement
l'action de mourir. La lettre du texte et l'esprit dans lequel
l'auteur écrivit indique que Moïse et Élie
conversèrent avec leur Seigneur sur la consommation glorieuse
de sa mission dans la mortalité - consommation reconnue dans
la foi (personnifiée en Moïse) et les prophètes
(représentés par Élie) - événement
d'une importance suprême, car il indique que la loi et les
prophètes étaient accomplis, et que, dans le cadre du
plan divin, un ordre nouveau et plus élevé venait
d'être glorieusement inauguré. Le décès
que le Sauveur allait bientôt accomplir était la
reddition volontaire de sa vie en accomplissement d'un dessein à
la fois exalté et préordonné, non une mort en
vertu de laquelle il mourrait passivement sous l'action de forces
qu'il ne pouvait contrôler (voir chap. 25 et 35).
CHAPITRE
24 : DU SOLEIL À L'OMBRE
Le
retour de notre Seigneur des hauteurs sacrées [1] du mont
de la Transfiguration était plus qu'un retour physique d'une
altitude plus élevée à une altitude plus basse ;
c'était un passage du soleil à l'ombre, de la gloire
lumineuse du ciel aux brumes des passions profanes et de
l'incrédulité humaine ; c'était le
commencement de sa descente rapide dans la vallée de
l'humiliation. De la conversation élevée avec des
ministres divinement nommés, de la communion suprême
avec son Père et Dieu, Jésus descendait vers une scène
de confusion décourageante et un spectacle de domination
démoniaque devant lesquels même ses apôtres se
trouvaient dans un désespoir impuissant. Ce contraste dut
apporter à son âme sensible et sans tache une angoisse
surhumaine ; même pour nous, qui en lisons le bref récit,
c'est épouvantable.
GUÉRISON
DU JEUNE DÉMONIAQUE
Jésus
et les trois disciples revinrent de la montagne le lendemain de la
Transfiguration [2] ; ce fait nous permet de penser que
cette glorieuse manifestation se produisit au cours de la nuit. Au
pied ou près de la montagne, le groupe trouva les autres
apôtres, et avec eux une foule de gens, parmi lesquels quelques
scribes ou rabbis [3]. On pouvait voir qu'il y avait des
disputes et du remous parmi tous ces gens ; et il était
clair que les apôtres étaient sur la défensive. À
l'approche inattendue de Jésus, un grand nombre de personnes
coururent à sa rencontre avec des salutations respectueuses.
Il demanda aux scribes querelleurs : « Sur quoi
discutez-vous avec eux ? » prenant ainsi le fardeau
de la dispute, quel qu'il pût être, et soulageant ainsi
les disciples en détresse de toute autre participation active.
Les scribes demeuraient silencieux ; leur courage avait disparu
lorsque le Maître était apparu. « Un homme de
la foule » donna, quoique indirectement, la réponse.
« Maître », dit-il, s'agenouillant aux
pieds du Christ, « j'ai amené auprès de toi
mon fils, en qui se trouve un esprit muet. En quelque lieu qu'il le
saisisse, il le jette parterre ; l'enfant écume, grince
des dents, et devient tout raide. J'ai prié tes disciples de
chasser l'esprit, et ils n'en ont pas été capables. »
Le
fait que les disciples avaient été incapables de guérir
le jeune malade leur avait évidemment valu des critiques
hostiles, des railleries et des moqueries de la part des scribes
incrédules ; et leur déconfiture dut être
intensifiée par la pensée qu'à cause d'eux le
doute avait été jeté sur l'autorité et la
puissance de leur Seigneur. Peiné en esprit devant cet autre
exemple de manque de foi et par conséquent de manque de
puissance parmi les serviteurs qu'il avait choisis et ordonnés,
Jésus prononça une exclamation de douleur intense :
« Race incrédule, jusques à quand serai-je
avec vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? »
Ces paroles dans lesquelles il y a un reproche clair, quelque doux et
plein de pitié qu'il ait pu être, s'adressaient avant
tout aux apôtres ; il n'est guère important de
savoir si elles s'adressaient à eux seuls ou à eux et
aux autres. À la demande de Jésus, le petit affligé
fut approché ; le démon tourmenteur, se trouvant
en présence du Maître, jeta sa jeune victime dans une
crise terrible, qui fit tomber le garçon sur le sol et se
rouler en convulsions, tandis que sa bouche écumait. Avec une
calme lenteur, qui contrastait fortement avec l'impatience avide du
père éploré, Jésus demanda quand la
maladie s'était abattue pour la première fois sur
l'enfant. « Depuis son enfance », répondit
le père, qui ajouta, « et souvent l'esprit l'a jeté
dans le feu et dans l'eau pour le faire périr. »
Avec une ferveur pathétique il implora : « Mais
si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie
compassion de nous. » L'homme parlait de l'affliction de
son fils comme s'il la partageait. « Aide-nous »,
telle était sa prière.
À
l'expression nuancée « si tu peux quelque chose »,
qui voulait dire que dans une certaine mesure il n'était pas
certain de la capacité du Maître d'accorder ce qu'il
demandait, et ce, peut-être un peu à la suite de l'échec
des apôtres, Jésus répondit : « Si
tu peux... » Et ajouta : « Tout est
possible à celui qui croit. » L'intelligence de
l'homme fut éclairée ; jusqu'alors il avait cru
que tout dépendait de Jésus ; il voyait maintenant
que le résultat reposait en grande partie sur lui-même.
Il est à remarquer que le Seigneur indiqua la croyance et non
la foi comme condition essentielle dans ce cas. L'homme était
de toute évidence plein de confiance, et certainement plein de
ferveur dans son espoir que Jésus pouvait l'aider ; mais
il est douteux qu'il ait su ce que la foi voulait réellement
dire. Il était cependant réceptif et plein de docilité,
et le Seigneur fortifia sa croyance faible et incertaine.
L'explication encourageante de ce dont il avait réellement
besoin le poussa à avoir plus abondamment confiance. Pleurant
d'un espoir angoissé, il s'écria : « Je
crois ! », puis, conscient des ténèbres
de l'erreur dont il commençait à peine de sortir, il
ajouta avec repentir. « viens au secours de mon
incrédulité [4] ! »
Regardant
avec compassion le malade qui se tordait à ses pieds, Jésus
réprimanda ainsi le démon : « Esprit
muet et sourd, je te l'ordonne, sors de cet enfant et n'y rentre
plus. Et il sortit en poussant des cris, avec une violente
convulsion. L'enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs le
disaient mort. Mais Jésus le saisit par la main et le fit
lever. Et il se tint debout », et, comme l'ajoute Luc, il
le rendit à son père ». La permanence de la
guérison était assurée par le commandement
exprès donné à l'esprit mauvais de ne plus
entrer dans cet enfant [5] ; il ne s'agissait pas d'un
simple soulagement de la crise qu'il venait d'avoir ; la
guérison était permanente.
Le
peuple fut stupéfait de voir la puissance de Dieu qui se
manifesta dans ce miracle ; et les apôtres qui avaient
essayé en vain de soumettre l'esprit mauvais furent troublés.
Tandis qu'ils étaient en mission, bien que loin de la présence
secourable de leur Maître, ils avaient réussi à
réprimander et à chasser des esprits mauvais, comme ils
en avaient reçu le pouvoir et l'autorité spéciale [6] ;
maintenant, au cours de son absence d'un jour, ils s'étaient
trouvés incapables de le faire. Lorsqu'ils se furent retirés
à la maison, ils demandèrent à Jésus :
« Pourquoi n'avons-nous pu chasser cet esprit ? »
La réponse fut : « C'est à cause de
votre petite foi » ; et il ajouta encore cette
explication : « mais cette sorte (de démon) ne
sort que par la prière et par le jeûne » [7].
Nous
apprenons par là que les réalisations rendues possibles
par la foi sont limitées ou conditionnées par
l'authenticité, la pureté et la qualité sans
mélange de cette foi. « Homme de peu de foi »,
« Gens de peu de foi » et « Où
est votre foi ? [8] » sont des formes de
reproche et d'avertissement qui avaient été adressées
à maintes reprises aux apôtres du Seigneur. Il réaffirma
à présent les possibilités de la foi : « En
vérité je vous le dis, si vous avez de la foi comme un
grain de moutarde, vous direz à cette montagne :
Transporte-toi d'ici là, et elle se transportera ; rien,
ne vous sera impossible » [9]. La comparaison entre
la foi réelle et un grain de moutarde est une comparaison de
qualité plutôt que de quantité ; elle
suggère l'idée de vie, de foi active, semblable à
la semence qui, quoique petite, peut donner naissance à une
grande plante [10] par contraste avec une imitation sans vie et
artificielle, quelque impressionnante qu'en soit la mise en scène.
NOUVELLE
PRÉDICTION DE LA MORT ET DE LA RÉSURRECTION DU
SEIGNEUR [11]
Jésus
partit avec les Douze de l'endroit où le dernier miracle avait
été accompli et traversa la Galilée en direction
de Capernaüm. Il est probable qu'ils voyagèrent par les
routes les moins fréquentées, car il désirait
que son retour ne fût pas connu publiquement. Il s'était
relativement retiré pendant un certain temps, cherchant avant
tout, semble-t-il, l'occasion d'instruire plus parfaitement les
apôtres afin de les préparer à l'œuvre
qu'il les laisserait, dans quelques mois, continuer sans la compagnie
de sa personne physique. Ils avaient témoigné
solennellement qu'ils le savaient être le Christ ; c'est
pourquoi il pouvait leur confier beaucoup de choses que le peuple en
général n'était absolument pas préparé
à recevoir. Le thème spécial de cet enseignement
particulier et poussé des Douze était celui de sa mort
et de sa résurrection prochaines, et il y revint à
maintes reprises, car ils étaient lents à comprendre ou
se refusaient à le faire.
« Pour
vous, prêtez bien l'oreille à ces paroles »
fut son puissant prélude en cette occasion, en Galilée.
Ensuite il répéta sa prédiction : « Le
Fils de l'homme sera livré entre les mains des hommes ;
ils le feront mourir, et, trois jours après sa mort, il
ressuscitera. » Nous lisons avec quelque surprise que ses
apôtres ne le comprenaient toujours pas. Luc commente :
« Mais les disciples ne comprenaient pas cette
déclaration : elle était voilée pour eux,
afin qu'ils n'en saisissent pas le sens ; et ils craignaient de
le questionner à ce sujet. » La pensée de ce
que les paroles du Seigneur pouvaient vouloir dire, même dans
leur sens le plus vague, était terrifiante pour ces hommes
dévoués, et leur incompréhension était
partiellement due au fait que l'esprit humain répugne à
sonder profondément ce qu'il désire ne pas croire.
L'ARGENT
DU TRIBUT FOURNI PAR UN MIRACLE [12]
Jésus
et ses disciples étaient de nouveau à Capernaüm.
Pierre y fut abordé par un collecteur de l'impôt du
temple, qui demanda : « Votre maître ne
paye-t-il pas les deux drachmes [13] ? » Pierre
répondit « Si ». Il est intéressant
de constater que la question fut posée à Pierre et non
directement à Jésus ; ce détail peut
montrer le respect qu'éprouvait le public pour le Seigneur et
peut laisser penser qu'il existait peut-être un doute dans
l'esprit du percepteur quant au point de savoir si Jésus était
soumis à la taxe, puisque les prêtres et les rabbis en
général prétendaient en être exempts.
La
taxe annuelle par personne, à laquelle il est fait ici
allusion, se montait à un demi-sicle ou deux drachmes,
correspondant à environ trente-trois cents américains,
et on l'exigeait de tout adulte masculin en Israël depuis le
temps de l'exode, bien que, au cours de la période de la
captivité, cette exigence eût été
modifiée [14]. Ce tribut, prescrit par Moïse, était
connu à l'origine comme « l'argent de
l'expiation », et son paiement revêtait la nature
d'un sacrifice dont on devait accompagner sa supplication d'être
racheté des effets des péchés que l'on avait
commis. À l'époque du Christ, la contribution annuelle
était ordinairement perçue entre le début de
mars et la Pâque. Si Jésus était sujet à
cette taxe, il avait à ce moment-là plusieurs semaines
de retard.
La
conversation entre Pierre et le percepteur d'impôts s'était
produite en dehors de la maison. Lorsque Pierre entra et fut sur le
point d'informer le Maître de l'entretien, Jésus le
prévint, disant : « Simon, qu'en penses-tu ?
Les rois de la terre, de qui prennent-ils des taxes ou un tribut ?
De leurs fils, ou des étrangers ? Il lui répondit :
Des étrangers. Et jésus lui répondit : Les
fils en sont donc exempts. »
Pierre
dut comprendre combien il était illogique de demander à
Jésus, le Messie reconnu, de payer l'argent de l'expiation ou
un impôt pour l'entretien du temple, étant donné
que le temple était la maison de Dieu et que Jésus
était le Fils de Dieu, d'autant plus que même les
princes terrestres étaient exempts de la taxe par tête.
Jésus soulagea cependant l'embarras que Pierre éprouvait
pour la hardiesse inconsidérée dont il fit preuve
lorsqu'il promit que son Maître la paierait, sans consulter
celui-ci d'abord, en disant : « Mais, pour que nous
ne le scandalisions pas, va à la mer, jette l'hameçon,
et tire le premier poisson qui viendra, ouvre-lui la bouche, et tu
trouveras un statère. Prends-le, et donne-le-leur pour moi et
pour toi. »
L'argent
devait être payé, non pas parce qu'on pouvait le
demander à bon droit de Jésus, mais de peur qu'en ne
payant pas il n'offensât ses adversaires et leur donnât
de nouvelles excuses de se plaindre. Le « statère »
est une pièce d'argent égale à un sicle ou
quatre drachmes, et constitue par conséquent le montant exact
de l'impôt pour deux personnes. « Prends-le, et
donne-le-leur pour moi et pour toi », dit Jésus. Il
est à remarquer qu'il ne dit pas « pour nous ».
Dans ses rapports avec les hommes, même avec les Douze qui, de
tous, étaient ceux qui lui étaient les plus proches et
les plus chers, notre Seigneur conservait toujours sa position
séparée et unique, faisant ressortir dans tous les cas
le fait qu'il était essentiellement différent des
autres hommes. C'est ce qu'illustrent ses expressions « Mon
Père et votre Père », « Mon Dieu
et votre Dieu » [15] au lieu de notre Père et
notre Dieu. Il reconnaissait respectueusement qu'il était le
Fils de Dieu dans un sens littéral qui ne s'appliquait à
aucun autre être.
Bien
que les circonstances dans lesquelles le statère fut trouvé
dans le poisson ne soient pas données en détail et que
le texte ne rapporte pas formellement que le miracle se soit
réellement accompli, nous ne pouvons douter que ce que Jésus
avait promis ne se soit réalisé, car autrement il n'y
aurait aucune raison d'introduire cet incident dans le texte
évangélique. Ce miracle est sans parallèle et
même sans exemple qui y ressemble même de loin. Nous
n'avons pas besoin de supposer que le statère ait été
quelque chose d'autre qu'une pièce ordinaire qui tomba dans
l'eau ni qu'elle ait été prise par le poisson d'une
manière extraordinaire quelconque. Néanmoins, la
connaissance qu'il y avait dans le lac un poisson ayant une pièce
de monnaie dans la gueule, que la pièce était du genre
indiqué, et que ce poisson déterminé se
présenterait et serait le premier qui prendrait l'hameçon
de Pierre, est aussi incompréhensible pour l'intelligence
limitée de l'homme que les moyens par lesquels les miracles du
Christ s'accomplissaient. Le Seigneur Jésus gouvernait et
gouverne la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve, car c'est par sa
parole et par sa puissance qu'ils furent faits.
Il
faut examiner attentivement le but que le Seigneur poursuivait en
fournissant si miraculeusement l'argent. La théorie qu'il
fallut invoquer un pouvoir surhumain parce que Jésus et Pierre
étaient prétendument d'une pauvreté extrême,
n'est pas fondée. Même si Jésus et ses compagnons
avaient réellement été sans le sou, Pierre et
les autres pêcheurs auraient pu jeter leurs filets, et avec
leur succès ordinaire, obtenir suffisamment de poisson à
vendre pour obtenir la somme nécessaire. En outre, nous ne
trouvons aucun cas où le Seigneur ait accompli un miracle pour
son profit personnel ou soulager ses propres besoins, quelque
pressants qu'ils aient pu être. Il semble probable que par le
moyen employé pour obtenir l'argent, Jésus ait souligné
intentionnellement les raisons exceptionnelles pour lesquelles il
rachetait la promesse de Pierre que l'impôt serait payé.
Les Juifs, qui ne considéraient pas Jésus comme le
Messie mais seulement comme un Maître d'une capacité
supérieure et un Homme d'une puissance extraordinaire,
auraient pu s'offenser s'il avait refusé de payer le tribut
exigé de tous les Juifs. D'autre part, si Jésus avait
payé la taxe de la manière ordinaire et sans
explication, les apôtres, et surtout Pierre, qui avait été
le porte-parole de tous dans la grande confession, auraient pu croire
qu'il reconnaissait être soumis au temple, et par conséquent
moins qu'il ne s'était prétendu être et moins
qu'ils ne l'avaient confessé être. La catéchisation
à laquelle il avait soumis Pierre avait clairement montré
qu'il conservait son droit de Fils du Roi mais condescendait
cependant à donner volontairement ce qu'on ne pouvait pas
exiger à bon droit. Puis, démontrant de manière
concluante sa position exaltée, il fournit l'argent en
utilisant une connaissance qu'aucun homme ne possédait.
COMME
UN PETIT ENFANT [16]
Sur
la route de Capernaüm, les apôtres s'étaient
interrogés entre eux, hors de portée, pensaient-ils,
des oreilles du Maître ; les questions avaient amené
une discussion et la discussion une dispute. La question dont ils se
souciaient tellement était de savoir qui parmi eux serait le
plus grand dans le royaume des cieux. Le témoignage qu'ils
avaient reçu les convainquait, au-delà de toute
possibilité de doute, que Jésus était le Christ
tant attendu, et cette conviction avait été fortifiée
et confirmée par le fait qu'il avait reconnu sans restriction
être le Messie. L'esprit encore influencé de l'espoir
traditionnel que le Messie serait à la fois Seigneur spirituel
et roi temporel, et se souvenant de quelques-unes des allusions
fréquentes que le Maître faisait à son royaume et
à l'état béni de ceux qui y appartenaient, et se
rendant en outre compte que ses dernières paroles indiquaient
une crise ou une apogée proche dans son ministère, ils
s'abandonnaient à la contemplation égoïste de leur
rang futur dans le nouveau royaume et des postes de confiance et
d'honneur bien rétribués que chacun désirait le
plus. Qui parmi eux serait premier ministre, qui serait chancelier,
qui commanderait les troupes ? L'ambition personnelle avait déjà
engendré la jalousie dans leur cœur.
Lorsqu'ils
furent ensemble avec Jésus dans la maison de Capernaüm,
le sujet fut abordé de nouveau. Marc nous dit que Jésus
demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
À cela, ils ne répondirent pas, parce que, comme on
peut le penser, ils étaient honteux. D'après le texte
de Matthieu, on peut comprendre que les apôtres soumirent la
question à la décision du Maître. La différence
apparente dans les détails n'a pas d'importance ; les
deux récits sont corrects ; la question que le Christ
leur posa peut les avoir finalement amenés à le
questionner. Jésus, comprenant leurs pensées et
connaissant l'état non éclairé de leur esprit
sur le sujet qui les troublait, leur donna une leçon
illustrée. Appelant un petit enfant, qu'il prit avec amour
dans son bras, il dit : « En vérité, je
vous le dis, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme
les petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux.
C'est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera
le plus grand dans le royaume des cieux. Et quiconque reçoit
en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même.
Mais si quelqu'un était une occasion de chute pour un de ces
petits qui croient en moi il serait avantageux pour lui qu'on
suspende à son cou une meule de moulin, et qu'on le noie au
fond de la mer. » Nous pouvons avec profit associer à
cette leçon un enseignement ultérieur selon lequel les
petits enfants représentent le royaume des cieux. [17]
Mais
les apôtres avaient, eux aussi, besoin d'être
convertis [18] ; dans le sujet en discussion leur cœur
était, du moins en partie, détourné de Dieu et
de son royaume. Ils devaient apprendre que l'humilité réelle
est une qualité essentielle pour devenir citoyen dans la
communauté des élus, et que le degré d'humilité
conditionne ce que l'on peut apparenter à un rang dans le
royaume, car les plus humbles y seront les plus grands.
Le
Christ ne voulait pas que les représentants qu'il avait
choisis deviennent puérils ; loin de là, ils
devaient être des hommes courageux, fermes et forts ; mais
il voulait qu'ils deviennent semblables à des enfants. Cette
distinction est importante. Ceux qui appartiennent au Christ doivent
devenir comme des petits enfants en obéissance, en sincérité,
en confiance, en pureté, en humilité et en foi.
L'enfant croit simplement, naturellement et avec confiance ;
celui qui est puéril est insouciant, insensé et
négligent. Pour faire la distinction entre ces
caractéristiques, notez le conseil de Paul : « Frères,
ne soyez pas des enfants au point de vue du jugement, mais pour le
mal soyez de petits enfants, et pour le jugement, soyez des hommes
faits » [19]. Les enfants proprement dits et les
enfants comme modèles des adultes qui croient vraiment, sont
étroitement associés dans cette leçon. Quiconque
offensera, c'est-à-dire fera trébucher un de ces
enfants du Christ, encourra une culpabilité si grande qu'il
aurait mieux valu qu'il trouvât la mort même par violence
avant d'avoir ainsi péché.
S'étendant
sur les offenses, ou les causes de chute, le Seigneur poursuivit :
« Malheur au monde à cause des occasions de chute !
Car il est inévitable qu'il se produise des occasions de
chute, mais malheur à l'homme par qui elles se produisent ! »
Puis, répétant certaines des vérités
précieuses qui se trouvent dans son mémorable sermon
sur la montagne [20], il les exhorta à surmonter les
tendances mauvaises quel que fût le sacrifice. De même
qu'il vaut mieux qu'un homme subisse une intervention chirurgicale
même s'il perd par là une main, un pied ou un œil,
plutôt que de mettre en danger son corps tout entier et perdre
la vie, de même il est recommandé qu'il coupe, arrache
ou déracine de son âme les passions du mal qui, s'il les
y laisse, l'amèneront certainement sous la condamnation. Dans
cet état, sa conscience le rongera comme un vers qui ne meurt
pas, et son remords sera comme un feu inextinguible. Toutes les âmes
humaines seront mises à l'épreuve comme par le feu ;
et de même que la chair des sacrifices de l'autel devait être
assaisonnée de sel, symbole de protection contre la
corruption [21], de même l'âme doit recevoir le sel
sauveur de l'Évangile ; et ce sel doit être pur et
puissant, et non un mélange sale de préjugés
hérités et de traditions inautorisées qui a
perdu le peu de salinité qu'elle a pu avoir eue autrefois.
« Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix les
uns avec les autres », recommanda le Seigneur aux Douze
qui discutaient [22].
Le
Sauveur adressa aux apôtres un avertissement solennel et une
constatation profonde qui s'appliquent aussi bien aux enfants d'âge
tendre qu'aux croyants enfantins jeunes et vieux : « Gardez-vous
de mépriser un seul de ces petits, car je vous dis que leurs
anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père
qui est dans les cieux. » Le Christ expliqua que sa
mission était de sauver ceux qui sont temporairement perdus et
qui, sans son aide, seraient perdus à jamais. Expliquant ce
qu'il voulait dire, le Maître proposa une parabole qui compte
parmi les trésors littéraires du monde.
LA
PARABOLE DE LA BREBIS ÉGARÉE [23]
« Qu'en
pensez-vous ? Si un homme a cent brebis, et que l'une d'elles
s'égare ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres
sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s'est égarée ?
Et, s'il parvient à la retrouver, en vérité je
vous le dis, il s'en réjouit plus que pour les
quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. De
même, ce n'est pas la volonté de votre Père qui
est dans les cieux qu'il se perde un seul de ces petits. »
Dans
cette analogie efficace, le but salvateur de la mission du Christ est
souligné. Il est en vérité le Sauveur. Le berger
est représenté quittant les quatre-vingt-dix-neuf
brebis mises, nous ne pouvons en douter, dans une pâture ou une
étable sûre, tandis qu'il s'en va seul dans les
montagnes à la recherche de celle qui s'est égarée.
Il éprouve plus de joie à retrouver et à ramener
la brebis égarée que de savoir que les autres sont
toujours en sécurité. Dans une version ultérieure
de cette parabole splendide, donnée aux Pharisiens et aux
scribes murmurants de Jérusalem, le Maître dit du
berger, lorsqu'il trouve la brebis égarée :
« Lorsqu'il l'a trouvée, il la met avec joie sur
ses épaules, et, de retour à la maison, il appelle chez
lui ses amis et ses voisins et leur dit : Réjouissez-vous
avec moi, car j'ai trouvé ma brebis qui était perdue.
De même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel
pour un seul pécheur qui se repent, que pour
quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de
repentance » [24].
Beaucoup
se sont étonnés de ce qu'il puisse y avoir plus de joie
à propos de la récupération d'une seule brebis
égarée ou du salut d'une seule âme qui était
comme perdue, que pour toutes celles qui n'ont pas été
en pareil danger. Le berger éprouvait une joie constante à
cause des quatre-vingt-dix-neuf qui étaient en sécurité,
mais pour lui, ce fut un surcroît de bonheur, plus grand et
plus fort du fait de sa douleur récente, lorsque la brebis
perdue fut ramenée au troupeau. Dans un chapitre ultérieur
nous reviendrons à cette parabole à propos d'autres
paraboles de teneur analogue.
« EN
MON NOM » [25]
Poursuivant
la leçon illustrée par le petit enfant, Jésus
dit : « Quiconque reçoit en mon nom ce petit
enfant, me reçoit moi-même ; et quiconque me
reçoit, reçoit celui qui m'envoyé. Car celui qui
est le plus petit parmi vous tous, c'est celui-là qui est
grand. » Il se peut que ce soit l'allusion faite par le
Christ aux actions accomplies en son nom qui poussa Jean à
introduire ici une remarque : « Maître, nous
avons vu un homme qui chasse des démons en ton nom ; et
nous l'en avons empêché, parce qu'il ne (te) suit pas
avec nous. » « Ne l'en empêchez pas »,
lui répondit Jésus ; « en effet, celui
qui n'est pas contre vous est pour vous. » Le jeune apôtre
avait laissé son zèle pour le nom du Maître le
conduire à l'intolérance. Nous ne pouvons douter que
l'homme qui avait essayé de faire du bien au nom de Jésus
était de toute évidence sincère, et que ses
efforts étaient acceptables au Seigneur ; son acte était
essentiellement différent de l'usurpation d'autorité
pour laquelle d'autres furent réprimandés plus
tard [26] ; il croyait certainement au Christ, et était
peut-être de la catégorie dans laquelle le Seigneur
allait bientôt choisir et charger d'autorité des
ministres particuliers et les soixante-dix [27]. Dans l'état
d'opinions contradictoires qui existait alors parmi le peuple au
sujet de Jésus, il n'était que juste de dire que tous
ceux qui n'étaient pas opposés à lui étaient
au moins provisoirement de son côté. En d'autres
occasions il affirma que ceux qui n'étaient pas avec lui
étaient contre lui [28].
MON
FRÈRE ET MOI [29]
La
bonne méthode pour régler les différends entre
les frères et les principes fondamentaux de la discipline de
l'Église fit l'objet d'enseignements pour les Douze. La
première étape est décrite de la manière
suivante : « Si ton frère a péché,
va et reprends-le seul à seul. S'il t'écoute, tu as
gagné ton frère. » La règle des
rabbis était que celui qui commettait l'offense devait faire
le premier pas ; mais Jésus enseigna que la personne
lésée ne devait pas attendre que son frère
vienne à elle mais aller elle-même chercher à
arranger les choses ; ce faisant, elle pourrait sauver l'âme
de son frère. Si l'offenseur se révélait
obstiné, le frère qui avait subi l'offense devait se
faire accompagner de deux ou trois personnes et essayer de nouveau
d'amener le transgresseur à se repentir et à
reconnaître son offense ; ce procédé
fournissait des témoins, par la présence desquels on
pouvait se protéger contre des récits déformés
ultérieurs.
On
ne devait avoir recours à des mesures extrêmes que
lorsque tous les moyens de conciliation avaient échoué.
Si l'homme persistait dans son obstination, le cas devait être
amené devant l'Église, et au cas où il
négligerait ou refuserait d'obéir à la décision
de l'Église, il devait être privé de la
camaraderie des autres, devenant ainsi dans ses relations avec ses
anciens compagnons « comme un païen et un péager ».
Dans cette situation, où il ne serait plus membre, il devrait
faire l'objet de l'effort missionnaire ; mais tant qu'il ne
devenait pas repentant et ne manifestait pas le désir de
s'amender, il ne pouvait réclamer aucun des droits et des
prérogatives des membres de l'Église. Si on continuait
à fréquenter le pécheur non repentant, il y
avait risque que ses mauvais sentiments se répandent et que
ses péchés contaminent les autres. La justice ne doit
pas être détrônée par la Miséricorde.
L'ordre révélé de la discipline dans l'Église
rétablie est semblable à celui qui fut donné aux
apôtres d'autrefois [30].
Le
Seigneur attesta l'autorité des Douze d'administrer les
affaires du gouvernement de l'Église en confirmant au groupe
la promesse qu'il avait adressée précédemment à
Pierre : « En vérité je vous le dis,
tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et
tout ce que vous délierez sur la terre sera délié
dans le ciel [31] » S'ils étaient unis dans
leurs intentions et si leur sincérité était sans
réserve, Dieu leur donnerait de l'autorité, comme en
témoigne l'assurance que le Maître leur donna ensuite :
« Je vous dis encore que si deux d'entre vous s'accordent
sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné
par mon Père qui est dans les cieux. Car là où
deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu
d'eux. » Pierre l'interrompit ici par une question :
« Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon
frère, lorsqu'il péchera contre moi ? Jusqu'à
sept fois ? » Il aurait bien voulu voir fixer une
limite précise, et il considérait probablement que la
proposition de sept fois était une mesure très
libérale, étant donné que les rabbis
prescrivaient seulement que l'on devait pardonner trois fois [32].
Il se peut qu'il ait choisi sept, qui était après le
chiffre trois le chiffre suivant qui avait un sens pharisaïque
particulier. La réponse du Sauveur l'éclaira :
« Jésus lui dit : Je ne te dis pas jusqu'à
sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. »
Cette réponse a dû signifier pour Pierre, comme elle le
signifie pour nous, que l'homme ne peut mettre aucune limite au
pardon ; cependant, le pardon doit être mérité
par le bénéficiaire [33]. Cet enseignement fut
rendu mémorable par l'histoire suivante :
PARABOLE
DU SERVITEUR IMPITOYABLE
« C'est
pourquoi, le royaume des cieux est semblable à un roi qui
voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Quand il se mit à
compter, on lui en amena un qui devait dix mille talents. Comme il
n'avait pas de quoi payer, son maître ordonna de le vendre,
lui, sa femme, et ses enfants, et tout ce qu'il avait, et de payer sa
dette. Le serviteur se jeta à terre, se prosterna devant lui
et dit : [Seigneur], prends patience envers moi, et je te
paierai tout. Touché de compassion, le maître de ce
serviteur le laissa aller et lui remit sa dette. En sortant, ce
serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent deniers. Il
le saisit et le serrait à la gorge en disant : Paie ce
que tu [me] dois. Son compagnon se jeta à ses pieds et le
suppliait disant : Prends patience envers moi, et je te paierai.
Mais lui ne voulut pas ; il alla le jeter en prison, jusqu'à
ce qu'il ait payé ce qu'il devait - Ses compagnons, voyant ce
qui arrivait, furent profondément attristés, et ils
allèrent raconter à leur maître tout ce qui
s'était passé. Alors le maître fit appeler ce
serviteur et lui dit : Méchant serviteur, je t'avais
remis en entier ta dette, parce que tu m'en avais supplié ;
ne devais-tu pas avoir pitié de ton compagnon, comme j'ai eu
pitié de toi ? Et son maître irrité le livra
aux bourreaux jusqu'à ce qu'il ait payé tout ce qu'il
devait. C'est ainsi que mon Père céleste vous traitera
si chacun de vous ne pardonne à son frère de tout son
cœur » [34].
Les
dix mille talents qui sont spécifiés expriment une
somme si grande qu'elle mettait sans aucun doute le débiteur
dans l'impossibilité raisonnable de payer. Nous devons
considérer que l'homme était un fonctionnaire de
confiance, un des ministres du roi, qui avait été
chargé de la garde des revenus royaux, ou l'un des principaux
trésoriers des impôts ; le fait qu'on l'appelle
serviteur n'introduit aucune contradiction, puisque dans une
monarchie absolue tous, sauf le souverain, sont sujets et serviteurs.
La vente de la femme et des enfants du débiteur et de tout ce
qu'il avait n'aurait pas été une violation de la loi
dans le cas proposé, ce qui implique que l'esclavage était
légalement reconnu [35]. L'homme était en retard
dans le paiement de ses dettes. Il ne venait pas volontairement
devant son seigneur, il fallut l'amener. De même dans les
affaires de notre vie personnelle les comptes périodiques sont
inévitables ; et tandis que certains débiteurs se
présentent volontairement, il en est d'autres qu'il faut citer
à comparaître. Les messagers qui présentent la
sommation peuvent être l'adversité, la maladie,
l'approche de la mort ; mais quels qu'ils soient, ils nous
obligent à rendre nos comptes.
Le
contraste entre dix mille talents et cent deniers est énorme [36].
Lorsque son compagnon le supplia de lui donner du temps pour payer
les cent deniers, cela aurait dû rappeler à l'autre, qui
était un plus grand débiteur, le mauvais pas dont il
venait de sortir ; les mots : « aie patience
envers moi, et je te paierai », étaient identiques
à ceux de la prière qu'il adressa lui-même au
roi. La vile ingratitude du serviteur impitoyable justifia le roi
lorsqu'il révoqua le pardon qu'il avait accordé
précédemment. L'homme tomba sous la condamnation, non
pas principalement pour détournement de fonds et dettes, mais
pour manque de miséricorde. Lui, plaignant injuste, avait
invoqué la loi ; transgresseur condamné, il devait
être traité conformément à la loi. La
miséricorde est pour les miséricordieux. Joyau céleste,
il faut la recevoir avec gratitude et l'utiliser avec sainteté,
et non la jeter dans le bourbier de l'indignité. La justice
peut exiger le châtiment : « On vous mesurera
avec la mesure dont vous mesurez » [37]. Les
conditions dans lesquelles nos pouvons implorer en confiance le
pardon sont exposées sous la forme de la prière que le
Seigneur prescrivit : « Pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » [38].
[1]
Cf. 2 P 1:18.
[2]
Lc 9:37.
[3]
Mt 17:14-21 ; Mc 9:14-29 ; Lc 9:37-42.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Cf . Mt 12:40-45.
[6]
Mc 6:12,13 ; cf. verset 7, aussi 3:15 ; Mt 10:1.
[7]
Note 2, fin du chapitre.
[8]
Mt 14:31, 16:8 ; Lc 8:25.
[9]
Mt 17:20 ; cf. 21:21 ; Mc 11:23 ; Lc 17:6 ; voir
aussi note 3, fin du chapitre.
[10]
Comparer avec la parabole du grain de moutarde, chap. 19 du présent
ouvrage.
[11]
Mt 17:22-23 ; Mc 9:30-32 ; Lc 9:44,45.
[12]
Mt 17:24-27.
[13]
Note 4, fin du chapitre.
[14]
Ex 30:13, 38:26. Chap. 12 du présent ouvrage, note 10.
[15]
Jn 20:17.
[16]
Mt 18:1-11 ; Mc 9:33-37 ; 42, Lc 9:46-48.
[17]
Mt 19:13-15 ; Mc 10: 13-16 ; Lc 18:15-17.
[18]
Cf. Lc 22:32.
[19]
1 Co 14:20 ; cf. 13: 11, Mt 11: 25 ; Ps 131:2.
[20]
Chap. 17.
[21]
Mc 9:49,50 ; cf. Lv 2:13 ; Ez 43:24.
[22]
Mc 9:43-50 ; cf. Mt 18:8,9. Chap. 17 du
présent ouvrage.
[23]
Mt 18:12-14 ; cf Lc 15:3-7 où on trouve une répétition
de l'impressionnante parabole donnée ultérieurement aux
Pharisiens et aux scribes à Jérusalem avec une
application quelque peu différente.
[24]
Lc 15:1-7. Voir en outre chap. 27 du présent ouvrage.
[25]
Lc 9:48-50, Mc 9:37-41.
[26]
Comparer avec le cas des fils de Scéva, Ac 19:13-17.
[27]
Cf. Lc 9:52, 10:1.
[28]
Mt 12:30 ; Lc 11:23.
[29]
Mt 18:15-20 ; cf. Lc 17:3, 4.
[30]
Cf. D&A 20:80, 42:88-93, 98:39-48.
[31]
Mt 18:18 ; cf. 16:19 et Jn 20:30.
[32]
Ils basaient cette limitation sur Am 1:3 et Jb 33:29.
[33]
Cf. Lc 17:3, 4.
[34]
Mt 18:23-35.
[35]
Cf. 2 R 4: 1, Lv 25:39.
[36]
Note 5, fin du chapitre.
[37]
Mt 7:1 ; voir aussi verset 6.
[38]
Mt 6:12 ; cf. Lc 11:4, LM, 3 Né 13:11. Chap. 17 du
présent ouvrage.
NOTES
DU CHAPITRE 24
1.
La foi en faveur des autres : La supplication du père
éperdu au profit de son fils cruellement affligé :
« Viens à notre secours, aie compassion de nous »
(Mc 9:22), montre qu'il faisait sienne la cause du garçon.
Cela nous rappelle la Cananéenne qui implora Jésus
d'avoir pitié d'elle, bien que la personne affligée fût
sa fille (Mt 15:22, p. 387 supra). Dans ces cas, d'autres personnes
que l'intéressée exercèrent leur foi en faveur
de ceux qui souffraient ; et il en est de même pour le
centenier qui plaida pour son serviteur et dont Jésus félicita
spécialement la foi (Mt 8:5-10, p. 273 supra), de Jaïrus
dont la fille était morte (Lc 8:41, 42, 49, 50, p. 343 supra),
et pour beaucoup qui amenèrent leurs parents ou leurs amis
impuissants au Christ et plaidèrent en leur faveur. Comme nous
l'avons montré jusqu'à présent, la foi pour être
guéri est aussi réellement un don de Dieu que la foi
pour guérir (p. 348) : et, comme les exemples cités
le prouvent, on peut exercer efficacement la foi en faveur d'autrui.
Lorsqu'ils appliquent l'ordonnance de la bénédiction
des affligés en oignant d'huile et en imposant les mains,
établie par l'autorité dans l'Église rétablie
de Jésus-Christ, les anciens qui officient doivent encourager
tous ceux qui sont là à manifester leur foi, afin
qu'elle s'exerce en faveur du patient. Dans le cas des tout petits
enfants et des personnes qui ne sont pas conscientes, il est
évidemment inutile de demander d'eux des manifestations
actives de leur foi, et le soutien de la foi des parents et des amis
est d'autant plus nécessaire.
2.
La prière et le jeûne accroissent la puissance : La
déclaration du Sauveur concernant l'esprit mauvais que les
apôtres étaient incapables de soumettre : « Mais
cette sorte de démon ne sort que par la prière et par
le jeûne », indique qu'il y a une gradation dans la
malignité et les pouvoirs mauvais des démons, et qu'il
y a également une gradation dans les résultats des
divers degrés de foi. Les apôtres qui échouèrent
lors de l'événement auquel nous pensons avaient été
à même de chasser des démons à d'autres
moments. Le jeûne, quand on le pratique avec prudence, et la
prière sincère aident au développement de la foi
et de la possibilité de faire le bien. Chacun peut appliquer
ce principe avec profit. Avez-vous une faiblesse qui vous obsède,
une habitude perverse que vous avez vainement essayé de
surmonter ? Comme le démon malin que le Christ réprimanda
dans le garçon, votre péché peut être
d'une espèce qui ne s'en va que par la prière et par le
jeûne.
3.
Rien n'est impossible à la foi : Beaucoup de personnes
ont douté que la déclaration du Seigneur que par la foi
on peut déplacer des montagnes soit vraie au sens littéral.
Il est évident que pour que l'on puisse exercer cette foi dans
une entreprise de ce genre, il faudrait que le but en soit conforme à
l'intention et au plan divins. En outre, pareil miracle, ni aucun
autre, n'est possible quand il ne s'agit que de satisfaire les désirs
de la curiosité, ou pour faire étalage ou pour les
profits personnels ou la satisfaction égoïste. Le Christ
n'accomplit aucun miracle dans un but pareil ; il refusa avec
persistance de montrer des miracles à de simples chercheurs de
miracles. Mais nier la possibilité qu'une montagne soit
déplacée par la foi, dans des conditions qui rendraient
pareil déplacement acceptable à Dieu, c'est nier la
parole de Dieu, non seulement à propos de cette possibilité
déterminée mais aussi quant à la certitude
générale que « rien n'est impossible »
à celui qui a la foi nécessaire pour le but désiré.
Il vaut cependant d'être remarqué que les Juifs de
l'époque du Christ et depuis parlaient souvent de déplacer
des montagnes, ce qui était une expression figurée
signifiant surmonter des difficultés. Selon Lightfoot et
d'autres autorités, on disait d'un homme qui pouvait résoudre
des problèmes complexes ou qui était doué d'un
pouvoir particulier dans les discussions ou de perspicacité
dans son jugement que c'était un « déracineur
de montagnes ».
4.
Le tribut du temple : Le fait que l'argent du tribut auquel il
est fait allusion dans le texte était une contribution juive
au temple et non un impôt prélevé par le
gouvernement romain, apparaît clairement dans la précision
des deux « drachmes ». Cette monnaie valait un
quart de sicle, « selon le sicle du sanctuaire »,
lequel était le montant fixé que devaient payer
annuellement tous les hommes « depuis l'âge de vingt
ans et au-dessus », prévoyant que « le
riche ne paiera pas plus, et le pauvre ne paiera pas moins »
(Ex 30:13-15). Un impôt levé par les pouvoirs politiques
ne serait pas appelé la drachme. En outre, si le percepteur
qui aborda Pierre avait été l'un des publicains
officiels, il aurait probablement exigé la taxe au lieu de
demander si oui ou non le Maître devait être compté
parmi les contribuables.
Parmi
les nombreuses humiliations auxquelles les Juifs furent soumis dans
les années ultérieures, après la destruction du
temple, il y eut le paiement obligatoire de ce qui avait été
leur tribut au temple, aux Romains, qui le décrétèrent
comme revenu au temple païen de Jupiter Capitolinus. Josèphe
(Guerres des Juifs, VII, 6-6) dit à propos de l'empereur
Vespasien : « Il imposa également un tribut
partout où ils étaient et commanda à chacun
d'eux d'apporter annuellement deux drachmes au Capitole, étant
donné qu'ils payaient cela au temple de Jérusalem. »
5.
Talents et deniers : Il est évident qu'en disant que la
somme due au roi était de dix mille talents et que la dette de
l'autre serviteur était de cent deniers, le Seigneur voulait
présenter un cas de grande inégalité et de
contraste frappant. Les montants réels dont il est question
ont une importance mineure dans l'histoire. On ne nous parle pas de
quelle espèce de talent il est question ; il y avait des
talents attiques, et également des talents d'argent et d'or
faisant partie du calcul hébraïque ; et chacun avait
une valeur différente des autres. L'explication marginale de
la version d'Oxford est : « Un talent est sept cent
cinquante onces d'argent, ce qui, à cinq shillings l'once,
représente cent-quatre-vingt-sept livres, dix shillings. »
Les dix mille talents feraient ainsi en argent américain neuf
millions et quart de dollars. La même autorité donne
comme valeur du denier (romain), sept pence et un demi-penny, ce qui
rend la deuxième dette équivalente à quinze
dollars environ. On peut comparer ce taux aux talents mentionnés
ailleurs. Trench dit : « Nous pouvons nous
représenter d'une manière extrêmement frappante
combien la somme était vaste en la comparant à d'autres
sommes mentionnées dans les Écritures. Dans la
construction du tabernacle, on utilisa vingt-neuf talents d'or (Ex
38:24) ; David prépara pour le temple trois mille talents
d'or, et les princes, cinq mille (1 Ch 29:4-7), la reine de Saba
remit à Salomon cent vingt talents (1 Rois 10:10), le roi
d'Assyrie mit sur Ezéchias trente talents d'or (2 R 18:14), et
dans l'appauvrissement extrême auquel le pays fut amené
en fin de compte, un talent d'or lui fut imposé par le roi
d'Égypte après la mort de Josias (2 Ch 36:3). »
Farrar estime que la dette due au roi était 1250 000 fois plus
grande que celle que devait le petit débiteur au grand.
6.
La théorie selon laquelle le Sauveur approuvait l'esclavage :
Certains lecteurs ont cru trouver dans la parabole du serviteur
impitoyable une approbation sous-entendue de l'institution de
l'esclavage. Le grand débiteur de cette histoire devait être
vendu avec sa femme, ses enfants et tout ce qu'il avait. Si l'on
examine raisonnablement l'histoire dans son ensemble, on trouvera
tout au plus, dans cet incident où le roi commande que l'on
vende le débiteur et sa famille, que le système d'achat
et de vente des serviteurs, serfs ou esclaves était légalement
reconnu à l'époque. L'objectif de la parabole n'était
pas, même de loin, d'approuver ou de condamner l'esclavage ou
n'importe quelle autre institution sociale. La loi mosaïque est
explicite dans les problèmes relatifs aux serviteurs. « L'ange
de l'Éternel » qui apporta à Agar un message
d'encouragement et de bénédiction respecta l'autorité
de sa maîtresse (Gn 16:8,9). À l'époque
apostolique, les enseignements visaient à une vie droite
suivant la loi séculière, pas à la révolte
contre le système (Ep 6:5, Col 3:22, 1 Tm 6:1-3, 1 P 2:18). Ce
n'est pas parce qu'on reconnaît des coutumes, des institutions
et des lois établies et qu'on s'y conforme qu'on les approuve
nécessairement. L'Évangile de Jésus-Christ, qui
doit un jour régénérer le monde, prévaudra,
non par des attaques révolutionnaires contre les gouvernements
existants, ni par l'anarchie et la violence - mais en enseignant à
chacun son devoir et en répandant l'esprit d'amour. Quand
l'amour de Dieu recevra une place dans le cœur des hommes,
quand les hommes aimeront leur prochain avec désintéressement,
alors les systèmes sociaux et les gouvernements seront formés
pour assurer le plus grand bien à la majorité. Tant que
les hommes n'ouvriront pas le cœur pour recevoir l'Évangile
de Jésus-Christ, on peut être sûr que l'injustice
et l'oppression, la servitude et l'esclavage régneront sous
une forme ou sous une autre. Les tentatives d'extirper les situations
sociales qui résultent de l'égoïsme des individus
ne peuvent être que futiles tant que l'on permettra à
l'égoïsme de prospérer et de se propager.
CHAPITRE
25 : JÉSUS DE RETOUR À JÉRUSALEM
DÉPART
DE GALILÉE [1]
Nous
n'avons rien à part les instructions qu'il donna aux apôtres,
sur les travaux que le Seigneur accomplit au cours de son bref séjour
en Galilée, à son retour de la région de Césarée
de Philippe. Son ministère galiléen, du moins en ce qui
concerne le grand public, avait pratiquement pris fin avec le
discours qu'il prononça à Capernaüm quand il y
retourna après les miracles de la deuxième
multiplication des pains et de la marche sur la mer. À
Capernaüm, un grand nombre de disciples s'étaient
détournés du Maître [2] ; à
présent, après une brève visite, il se préparait
à quitter le pays dans lequel une si grande partie de son
œuvre publique s'était accomplie.
C'était
l'automne ; six mois environ s'étaient écoulés
depuis que les apôtres étaient revenus de leur tournée
missionnaire ; et la fête des Huttes était proche.
Des parents de Jésus vinrent le trouver et lui proposèrent
de se rendre à Jérusalem et de profiter de l'occasion
de la grande fête nationale pour se déclarer plus
ouvertement qu'il ne l'avait fait jusqu'alors. Ses frères,
comme on appelle les parents visiteurs, l'exhortèrent à
déployer sa puissance dans un domaine plus large et plus
important que la Galilée, arguant qu'il était illogique
de demeurer dans une obscurité relative alors qu'il voulait
être connu de tout le monde. « Manifeste-toi au
monde », dirent-ils. Quels qu'aient été
leurs motifs, ce n'était pas par zèle pour sa mission
divine que ses frères lui recommandaient de se faire connaître
davantage ; en effet, on nous dit expressément qu'ils ne
croyaient pas en lui [3]. Jésus répondit à
leur conseil présomptueux : « Le moment n'est
pas encore venu pour moi, mais pour vous le moment est toujours
opportun. Le monde ne peut vous haïr ; il a de la haine
pour moi, parce que je rends de lui le témoignage que ses
œuvres sont mauvaises. Montez, vous, à la fête.
Moi, je ne monte pas encore à cette fête, parce que le
moment pour moi n'est pas encore accompli. » Il ne
rentrait pas dans leurs prérogatives de diriger ses mouvements
ni de dire quand il devait faire même ce qu'il avait
l'intention de faire un jour [4]. Il montra clairement qu'il y
avait, entre leur situation et la sienne, des différences
essentielles ; ils étaient du monde, qu'ils aimaient
comme le monde les aimait ; mais le monde le haïssait à
cause de son témoignage.
Cette
conversation entre Jésus et ses frères se produisit en
Galilée. Ils se mirent bientôt en route, le laissant
derrière eux. Il n'avait pas dit qu'il n'irait pas à la
fête [du moins dans la version du roi Jacques qui dit :
« Je ne monte pas encore à cette fête, car
mon temps n'est pas encore pleinement venu », ndt]. Peu de
temps après leur départ, il les suivit, voyageant « non
pas de façon manifeste, mais comme en secret ». On
ne nous dit pas s'il y alla seul ou si l'un des Douze ou tous les
Douze l'accompagnèrent,
À
LA FÊTE DES HUTTES
On
pourra juger de l'agitation de l'opinion publique vis-à-vis de
Jésus par l'intérêt que l'on manifesta à
Jérusalem pour la probabilité de sa présence à
cette fête. Ses frères, que l'on questionna
vraisemblablement, ne pouvaient donner de renseignements précis
sur sa venue. On le rechercha dans les foules, on discuta beaucoup et
on se disputa même quelque peu à son sujet. Beaucoup de
gens exprimèrent leur conviction qu'il était un brave
homme, tandis que d'autres étaient d'un avis contraire,
prétendant que c'était un trompeur. Il y eut cependant
peu de discussions ouvertes, car le peuple craignait d'encourir le
mécontentement des dirigeants.
À
l'origine, lorqu'elle fut établie, la fête des Huttes
était une fête de sept jours, suivie d'une sainte
convocation le huitième jour. Chaque jour était marqué
de services spéciaux et, sous certains rapports, bien
particuliers, tous caractérisés par des cérémonies
d'actions de grâce et de louanges [5]. « Au
milieu de la fête », probablement le troisième
ou le quatrième jour, « Jésus monta au
temple ; et il enseignait. » La première
partie de son discours n'est pas rapportée, mais on peut juger
de sa valeur scripturaire par la surprise des instructeurs juifs, qui
se demandèrent entre eux : « Comment
connaît-il les Écritures lui qui n'a pas étudié ? »
Il n'était pas diplômé de leurs écoles, il
ne s'était jamais assis aux pieds de leurs rabbis, ils ne
l'avaient pas accrédité officiellement ni diplômé
pour qu'il pût enseigner. D'où venait sa sagesse, devant
laquelle leurs accomplissements académiques n'étaient
rien ? Jésus répondit à leurs questions
troublées en disant : « Mon enseignement n'est
pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé. Si quelqu'un veut
faire sa volonté, il reconnaîtra si cet enseignement
vient de Dieu, ou si mes paroles viennent de moi-même. »
Son Maître, qui était encore plus grand que lui, était
le Père éternel, dont il proclamait la volonté.
Les preuves qu'il proposait pour déterminer si sa doctrine
était la vérité étaient parfaitement
justes et en outre simples ; quiconque cherchait sincèrement
à faire la volonté du Père saurait par lui-même
si Jésus disait la vérité ou enseignait
l'erreur [6]. Le Maître entreprit de montrer qu'un homme
qui parle de sa propre autorité uniquement cherche à se
glorifier. Tel n'était pas le cas de Jésus ; il
honorait son Maître, son Père, son Dieu et non pas
lui-même ; on ne pouvait donc l'accuser d'orgueil égoïste
ni d'impiété. Moïse leur avait donné la
loi ; cependant, affirmait Jésus, aucun d'eux ne
respectait la loi.
Puis
soudain, il leur lança une question, comme un défi :
« Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? »
En de nombreuses occasions ils avaient tenu entre eux de sombres
conciliabules sur le moyen de le faire tomber en leur pouvoir et de
le mettre à mort ; mais ils pensaient que leur secret
meurtrier était caché dans leur propre cercle. Le
peuple avait entendu les affirmations trompeuses des classes
dirigeantes selon lesquelles Jésus était possédé
d'un démon et qu'il accomplissait des miracles par le pouvoir
de Béelzébul ; et c'est dans l'esprit de cette
calomnie blasphématoire qu'ils s'écrièrent :
« Tu as un démon. Qui cherche à te faire
mourir ? »
Jésus
savait que les deux chefs d'accusation sur lesquels les dirigeants
s'efforçaient avec la plus grande assiduité de le
condamner dans l'esprit du peuple, et de tourner ainsi ce peuple
contre lui, étaient la violation du sabbat et le blasphème.
Lors d'une visite antérieure à Jérusalem, il
avait guéri un homme affligé le jour du sabbat et avait
complètement déconcerté ses accusateurs
hypercritiques qui, à ce moment, avaient cherché à
le faire mourir [7]. C'est à cet acte de miséricorde
et de puissance que Jésus faisait maintenant allusion,
lorsqu'il dit : « J'ai fait une œuvre et vous
en êtes tous étonnés. » Leur opinion
était apparemment encore vacillante, doutant s'ils devaient
l'accepter à cause du miracle ou le dénoncer parce
qu'il l'avait fait le jour du sabbat. Puis il montra combien il était
illogique de l'accuser d'enfreindre le sabbat en accomplissant pareil
acte de miséricorde, alors que la loi de Moïse permettait
expressément les actes miséricordieux et exigeait même
que le rite obligatoire de la circoncision ne fût pas remis à
plus tard à cause du sabbat. « Ne jugez pas selon
l'apparence, mais jugez selon un juste jugement », dit-il.
Les
masses étaient divisées dans leur opinion sur Jésus
et étaient en outre embarrassées à cause de
l'indécision des dirigeants. Certains d'entre les Juifs de
Jérusalem avaient connaissance du plan qui avait été
fomenté pour l'arrêter et, si possible, le faire mourir,
et le peuple demanda pourquoi on ne faisait rien, alors qu'il était
là en train d'enseigner publiquement à portée de
main des fonctionnaires. Il se demandait si les dirigeants n'en
étaient pas au moins arrivés à croire que Jésus
était vraiment le Messie. Cependant cette pensée fut
balayée lorsqu'ils se souvinrent que tous savaient d'où
il venait ; c'était un Galiléen, et de Nazareth en
plus, tandis que, comme on le leur avait enseigné, quoique à
tort, l'avènement du Christ devait être mystérieux
de sorte que nul ne saurait d'où il venait. C'était
étrange, en effet, que les hommes le rejetassent parce que son
avènement manquait de mystérieux et de miraculeux ;
alors que s'ils avaient connu la vérité, ils auraient
vu dans sa naissance un miracle sans précédent ni
parallèle dans les annales du temps. Jésus répondit
d'une manière directe à leur faible et défectueux
raisonnement. Parlant d'une voix forte dans les cours du temple, il
leur assura que s'ils savaient d'où il venait et qu'il était
l'un d'eux, ils ne savaient pourtant pas qu'il était venu de
Dieu et ne connaissaient pas non plus Dieu qui l'avait envoyé.
« Moi, je le connais, car je suis là de sa part et
c'est lui qui m'a envoyé. » En entendant répéter
ce témoignage de son origine divine, les Juifs en furent
d'autant plus enragés et décidèrent de nouveau
de le prendre de force ; néanmoins nul ne porta la main
sur lui « parce que son heure n'était pas encore
venue ».
Beaucoup
de personnes croyaient dans leur cœur qu'il était de
Dieu et se risquèrent à se demander entre elles si le
Christ ferait des œuvres plus grandes que celles que Jésus
avait faites. Les Pharisiens et les principaux sacrificateurs
craignirent une démonstration possible en faveur de Jésus
et envoyèrent immédiatement des huissiers pour
l'arrêter et l'amener devant le sanhédrin [8]. La
présence de la police du temple n'interrompit pas le discours
du Maître, quoique nous puissions raisonnablement conclure
qu'il connaissait le but de leur mission. Il continua à
parler, disant qu'il ne serait plus qu'un peu de temps parmi le
peuple, et que lorsqu'il serait retourné auprès du
Père, ils le chercheraient en vain, car là où il
serait, ils ne pourraient pas venir. Cette réflexion provoqua
de nouveau d'âpres discussions. Certains Juifs se demandèrent
s'il avait l'intention de quitter le territoire pour s'en aller parmi
les Gentils afin de les instruire, eux et les Israélites
dispersés.
Dans
le cadre du service du temple requis par la fête, le peuple se
rendait en procession au réservoir de Siloé [9] où
un prêtre remplissait une aiguière d'or, qu'il portait
ensuite sur l'autel où il déversait l'eau, au milieu de
sonneries de trompettes et des acclamations des foules
assemblées [10]. Selon les autorités en matière
de coutumes juives, ce rite était omis le dernier jour de la
fête. En ce dernier jour, « le grand jour »,
qui était marqué par des cérémonies d'une
solennité et d'une réjouissance extraordinaires, Jésus
se trouvait de nouveau dans le temple. Il se peut que ce soit en
allusion au transport de l'eau depuis le réservoir, ou à
l'omission de la cérémonie dans la procédure
rituelle du grand jour, que Jésus s'écria d'un voix
forte qui résonna à travers les cours et les arcades du
temple : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi et qu'il boive. Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vive
couleront de son sein, comme dit l'Écriture » [11].
Jean,
qui rapporte cet événement, note entre parenthèses
que cette promesse se rapportait au don du Saint-Esprit qui, à
cette époque, n'avait pas été accordé, et
qui ne devait l'être qu'après l'ascension du Seigneur
ressuscité [12].
De
nouveau beaucoup de personnes parmi le peuple furent à ce
point frappées qu'elles déclarèrent que Jésus
ne pouvait être que le Messie ; mais d'autres firent
objection, disant que le Christ devait venir de Bethléhem de
Judée et que l'on savait que Jésus venait de
Galilée [13]. Ainsi il y eut de nouveau des dissensions.
Certains voulaient le voir arrêter, mais il ne se trouvait
personne pour se risquer à mettre la main sur lui.
Les
gardes retournèrent sans leur prisonnier. Questionnés
avec colère par les principaux sacrificateurs et les
Pharisiens sur la raison pour laquelle ils ne l'avaient pas amené,
ils reconnurent qu'ils avaient été à ce point
touchés par ses enseignements qu'ils avaient été
incapables de l'arrêter. « Jamais homme n'a parlé
comme parle cet homme », dirent-ils. Leurs maîtres
hautains étaient furieux. « Est-ce que vous aussi
vous avez été séduits ? »
demandèrent-ils ; ils poursuivirent : « Y
a-t-il quelqu'un des chefs ou des Pharisiens qui ait cru en lui ? »
Que valait l'opinion des gens du commun ? Ils n'avaient jamais
étudié la loi et étaient par conséquent
maudits et sans importance. Et pourtant, malgré toute cette
démonstration d'un orgueilleux dédain, les principaux
sacrificateurs et les Pharisiens avaient peur de la masse, et leurs
desseins mauvais furent de nouveau arrêtés.
Une
faible protestation se fit entendre dans l'assemblée.
Nicodème, membre du sanhédrin, celui-là même
qui était venu trouver Jésus de nuit pour s'informer du
nouvel enseignement [14], trouva le courage de demander :
« Notre loi juge-t-elle un homme avant qu'on l'ait entendu
et qu'on sache ce qu'il a fait ? » La réponse
fut insultante. Rendus furieux par leur étroitesse d'esprit et
leur fanatisme sanguinaire, certains de ses collègues se
tournèrent vers lui en lui demandant sauvagement :
« Serais-tu, toi aussi, de la Galilée ? »
Voulant dire, es-tu aussi disciple de ce Galiléen que nous
haïssons ? On dit sèchement à Nicodème
d'étudier les Écritures, et il lui serait impossible de
trouver la moindre prédiction disant qu'un prophète
serait suscité en Galilée. La colère de ces
fanatiques savants les avait aveuglés même à leur
propre connaissance dont ils se vantaient tant, car plusieurs des
anciens prophètes étaient considérés
comme Galiléens [15] ; cependant s'ils n'avaient
voulu dire que ce prophète dont Moïse avait parlé,
le Messie, ils avaient raison, puisque toutes les prédictions
disaient que Bethléhem de Judée serait le lieu de sa
naissance. Il est évident qu'on croyait que Jésus était
natif de Nazareth et que les circonstances de sa naissance n'étaient
pas connues du public.
« VA,
ET NE PÈCHE PLUS » [16]
La
fête terminée, Jésus se rendit très tôt
un matin au temple ; et comme il était assis,
probablement dans la cour des femmes, qui était le lieu où
le public s'assemblait communément, beaucoup s'attroupèrent
autour de lui, et il se mit en devoir de les instruire comme c'était
sa coutume. Son discours fut interrompu par l'arrivée d'un
groupe de scribes et de Pharisiens gardant une femme, qui,
disaient-ils, était coupable d'adultère. Voici ce
qu'ils dirent à Jésus et la question qu'ils lui
posèrent : « Moïse, dans la loi, nous a
prescrit de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu ? »
Le cas qu'ils soumettaient à Jésus était un
piège arrangé d'avance, une tentative délibérée
de trouver ou de créer une raison de l'accuser. Bien qu'il ne
fût pas extraordinaire chez les fonctionnaires juifs de
consulter les rabbis quand l'on devait décider de cas
difficiles, le cas en cause ici n'entraînait aucune
complication légale. La culpabilité de la femme semble
n'avoir fait aucun doute, bien que l'on ne dise pas que les témoins
exigés par les lois comparurent, à moins qu'il ne
faille considérer comme tels les scribes et les Pharisiens
accusateurs ; la loi était explicite, et la manière
dont on traitait ce genre de transgresseurs à l'époque
était bien connue. S'il est vrai que le châtiment de
l'adultère décrété par la loi de Moïse
était la mort par lapidation, on avait cessé d'infliger
la peine capitale longtemps avant l'époque de Jésus. On
peut demander avec raison pourquoi le complice de la femme n'avait
pas été amené pour être condamné,
puisque la loi citée avec autant de zèle par les
accusateurs trop empressés prévoyait que les deux
parties impliquées dans le délit devaient être
punies [17].
On
peut déduire de la question des scribes et des Pharisiens :
« Toi donc, que dis-tu ? » qu'ils
s'attendaient à ce que Jésus déclarât la
loi démodée ; ils avaient peut-être entendu
parler du sermon sur la montagne, dans lequel avaient été
proclamées de nombreuses lois avancées par rapport au
code mosaïque [18]. Si Jésus avait décidé
que la malheureuse devait subir la mort, ses accusateurs auraient pu
dire qu'il défiait les autorités existantes ; et
on aurait peut-être pu l'accuser de s'opposer au gouvernement
romain, puisque le pouvoir d'infliger la peine de mort avait été
retiré à tous les tribunaux juifs ; en outre, le
crime dont cette femme était accusée n'était pas
une infraction capitale selon la loi romaine. S'il avait dit que la
femme devait être acquittée ou n'être punie que
légèrement les Juifs rusés l'auraient accusé
de manquer de respect pour la loi de Moïse. Jésus fit
tout d'abord peu attention à tous ces scribes et à ces
Pharisiens. Se baissant, il traça quelque chose du doigt sur
le sol ; et tandis qu'il écrivait, ils continuèrent
à le questionner. Se redressant, il leur répondit d'une
phrase précise qui est devenue proverbiale : « Que
celui de vous qui est sans péché lui jette le premier
la pierre. » Telle était la loi ; les
accusateurs sur le témoignage de qui la peine de mort était
prononcée devaient être les premiers à mettre la
sentence à exécution [19].
Ayant
parlé, Jésus se baissa de nouveau et écrivit sur
le sol. Les accusateurs de la femme furent « accusés
par leur conscience » ; honteux et confus, ils
partirent tous furtivement, du plus jeune au plus vieux. Ils savaient
qu'ils n'étaient dignes d'apparaître ni comme
accusateurs ni comme juges [20]. Comme la conscience rend les
gens lâches ! Alors Jésus se releva et dit :
« Femme, où sont [tes accusateurs] ?
Personne ne t'a condamnée ? Elle répondit :
Personne, Seigneur. Et Jésus lui dit. Moi non plus je ne te
condamne pas ; va, et désormais ne pèche
plus » [21].
La
femme était repentante ; elle resta humblement à
attendre la décision du Maître, même après
le départ des accusateurs. Jésus ne fit pas
expressément preuve d'indulgence ; il refusa de condamner
mais renvoya la pécheresse en l'adjurant solennellement de
vivre mieux [22].
LA
LUMIÈRE DU MONDE [23]
Assis
dans l'enceinte du temple dans la section appelée le trésor,
qui était reliée à la cour des femmes [24],
notre Seigneur continua son enseignement, disant : « Moi,
je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne
marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière
de la vie » [25]. Les grandes lampes installées
dans la cour dans le cadre de la joyeuse fête qui venait de se
terminer donnèrent l'occasion à notre Seigneur de
s'affirmer la lumière du monde. C'était une nouvelle
proclamation qu'il était Dieu et Fils de Dieu. Les Pharisiens
mirent en doute son témoignage, déclarant qu'il n'avait
aucune valeur s'il rendait témoignage de lui-même. Jésus
reconnut qu'il témoignait de lui-même mais affirma
néanmoins que ce qu'il disait était vrai, car il savait
de quoi il parlait, d'où il venait et où il irait,
tandis qu'eux parlaient dans l'ignorance. Ils pensaient, parlaient et
jugeaient à la manière des hommes et de la faiblesse de
la chair ; lui ne jugeait pas, mais s'il décidait de le
faire le jugement serait juste, parce qu'il était guidé
par le Père qui l'avait envoyé. Leur loi réclamait
le témoignage de deux témoins pour pouvoir décider
légalement d'un fait [26], et Jésus se cita
lui-même ainsi que son Père comme témoins pour
soutenir son affirmation. Ses adversaires demandèrent alors
avec une intention méprisante ou sarcastique : « Où
est ton Père ? » Il répliqua sur un ton
élevé : « Vous ne connaissez ni moi, ni
mon Père. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi
mon Père. » Enragés de leur propre
déconfiture, les Pharisiens voulurent le saisir mais se
trouvèrent impuissants à le faire. « Personne
ne l'arrêta, parce que son heure n'était pas encore
venue. »
LA
VÉRITÉ VOUS RENDRA LIBRES [27]
S'adressant
de nouveau à la foule mixte, qui comprenait probablement des
Pharisiens, des scribes et des rabbis, des prêtres, des Lévites
et des laïcs, Jésus répéta ce qu'il avait
déjà dit, à savoir qu'il les quitterait bientôt,
et qu'ils ne pourraient pas le suivre là où il allait ;
et il ajouta l'assurance fatidique qu'ils le chercheraient en vain et
mourraient dans leurs péchés. On traita son
avertissement solennel avec légèreté sinon avec
mépris. Certains d'entre eux demandèrent, maussades :
« Se tuera-t-il lui-même ? »,
sous-entendant qu'en pareil cas ils ne le suivraient certainement
pas ; car selon leur dogme, la géhenne était le
lieu pour les suicidés, tandis qu'eux, qui faisaient partie du
peuple élu, étaient destinés au ciel et non à
l'enfer. La réplique pleine de dignité du Seigneur
fut : « Vous êtes d'en bas ; moi je suis
d'en haut. Vous êtes de ce monde, moi, je ne suis pas de ce
monde. C'est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos
péchés ; car si vous ne croyez pas que Moi je
suis, vous mourrez dans vos péchés. »
Cette
répétition de sa supériorité distincte
entraîna la question cruciale : « Qui es-tu ? »
Jésus répondit : « Ce que je vous dis
dès le commencement. » Il s'abstint de parler des
nombreux sujets sur lesquels il aurait pu les juger mais témoigna
de nouveau du Père, disant : « Celui qui m'a
envoyé est vrai, et ce que j'ai entendu de lui, je le dis au
monde. » Aussi claires qu'eussent été ses
explications antérieures, les Juifs, dans leurs préjugés
grossiers, « ne comprirent pas qu'il leur parlait du
Père ». Jésus attribua à son Père
tout l'honneur et toute la gloire et se déclara à
plusieurs reprises envoyé pour faire la volonté du
Père. « Jésus donc leur dit : Quand
vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous
connaîtrez que je suis et que je ne fais rien de moi-même,
mais que je parle selon ce que le Père m'a enseigné.
Celui qui m'a envoyé est avec moi ; il ne m'a pas laissé
seul, parce que moi, je fais toujours ce qui lui est agréable. »
La
ferveur évidente et la conviction profonde avec lesquelles
Jésus parla firent que beaucoup de ses auditeurs crurent en
lui ; c'est à ceux-là qu'il s'adressa, leur
promettant que s'ils restaient fidèles à cette croyance
et conformaient leur vie à sa parole, ils seraient vraiment
ses disciples. Il ajouta encore une autre promesse : « Vous
connaîtrez la vérité et la vérité
vous rendra libres. » Sur ces mots, si riches en
bénédictions et si pleins de consolation pour l'âme
croyante, le peuple fut poussé à des démonstrations
de colère ; son tempérament juif s'était
immédiatement enflammé. Lui promettre la liberté,
c'était sous-entendre qu'il n'était pas libre déjà.
« Nous sommes la descendance d'Abraham et nous n'avons
jamais été esclaves de personne ; comment dis-tu :
Vous deviendrez libres ? » Dans son fanatisme sans
frein, il avait oublié l'esclavage d'Égypte, la
captivité de Babylone, et il oubliait qu'il était à
ce moment-là vassal de Rome. Dire qu'Israël n'avait
jamais été en esclavage, c'était non seulement
se rendre coupable de mensonge mais se rendre misérablement
ridicule.
Jésus
expliqua qu'il n'avait pas parlé de liberté dans son
sens matériel ou politique uniquement, conception contre
laquelle les Juifs s'étaient élevés ; la
liberté qu'il proclamait était la liberté
spirituelle ; l'esclavage pesant dont il voulait les délivrer
était la servitude du péché. Quand ils se
vantèrent d'être des hommes libres et non des esclaves,
il répondit : « En vérité, en
vérité, je vous le dis, quiconque commet le péché
est esclave du péché. » Étant
pécheurs ils étaient tous en esclavage. L'esclave, leur
rappela Jésus, n'était que toléré dans la
maison du maître ; il n'avait pas de droit inhérent
à y rester ; le propriétaire pouvait le renvoyer
quand il voulait et pouvait même le vendre à quelqu'un
d'autre ; mais un fils de la famille avait, de par sa naissance
même, droit à une place dans la maison de son père.
Or, si le Fils de Dieu les rendait libres, ils seraient véritablement
libres. Bien qu'ils fussent de la lignée d'Abraham dans la
chair, ils n'étaient pas héritiers d'Abraham dans
l'esprit ni dans les œuvres. Lorsque le Seigneur déclara
que son Père était distinct du leur, ils répétèrent
en colère : « Notre père, c'est
Abraham », à quoi Jésus répliqua :
« Si vous êtes enfants d'Abraham, faites les œuvres
d'Abraham. Mais maintenant, vous cherchez à me faire mourir,
moi un homme qui vous ai dit la vérité que j'ai
entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l'a pas fait. Vous faites les
œuvres de votre père. » Dans leur colère
aveugle, ils interprétèrent apparemment cela comme
voulant dire que bien qu'ils fussent enfants de la maison d'Abraham,
quelque autre homme qu'Abraham était leur ancêtre
véritable, ou qu'ils n'étaient pas Israélites
pur sang. « Nous ne sommes pas des enfants illégitimes »,
s'écrièrent-ils ; « nous avons un seul
Père, Dieu. Jésus leur dit : Si Dieu était
votre Père, vous m'aimeriez, car c'est de Dieu que je suis
sorti et que je viens ; je ne suis pas venu de moi-même,
mais c'est lui qui m'a envoyé. »
Ils
ne purent comprendre parce qu'ils refusaient avec entêtement
d'écouter impartialement. Dans une violente accusation, Jésus
leur dit de qui ils étaient véritablement les enfants,
d'après ce que montraient les traits héréditaires
qu'ils manifestaient dans leur vie : « Vous avez pour
père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de
votre père. Il a été meurtrier dès le
commencement, et il ne s'est pas tenu dans la vérité,
parce que la vérité n'est pas en lui. Lorsqu'il profère
le mensonge, ses paroles viennent de lui-même, car il est
menteur et le père du mensonge [28]. Et moi, parce que je
dis la vérité, vous ne me croyez pas ! »
Il les défia de trouver du péché en lui et
demanda ensuite pourquoi, s'il disait la vérité, ils se
refusaient avec tant de persistance à le croire. Répondant
à sa propre question il leur dit qu'ils n'étaient pas
de Dieu et que, par conséquent, ils ne comprenaient pas les
paroles de Dieu. Le Maître était inattaquable ; ses
affirmations concises et précises étaient irréfutables.
Animés d'une rage impuissante, les Juifs déconfits
eurent recours à l'invective et à la calomnie.
« N'avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain
et que tu as en toi un démon ? »
hurlèrent-ils. Ils l'avaient déjà appelé
Galiléen ; cette appellation n'était que
moyennement péjorative ; en outre, c'était une
désignation correcte selon la connaissance qu'ils avaient ;
mais l'épithète « Samaritain »
était inspirée par la haine [29] et en
l'appliquant ils voulaient nier qu'il était Juif.
En
l'accusant d'être démoniaque, ils ne faisaient que
répéter des calomnies antérieures. « Jésus
répondit : Je n'ai pas de démon, mais j'honore mon
Père, et vous me déshonorez. » Revenant aux
richesses éternelles qu'offrait son Évangile, le Maître
dit : « En vérité, en vérité,
je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la
mort. » Cela les rendît encore plus furieux :
« Maintenant nous savons que tu as en toi un démon »,
s'écrièrent-ils, et pour prouver qu'ils avaient raison
de le tenir pour insensé, ils citèrent le fait qu'aussi
grands que furent Abraham et les prophètes, ils étaient
morts, et cependant Jésus osait dire que tous ceux qui
gardaient sa parole seraient exemptés de la mort.
Prétendait-il s'exalter au-dessus d'Abraham et des prophètes ?
« Qui prétends-tu être ? »
demandèrent-ils. La réponse du Seigneur montra qu'il
rejetait toute gloire personnelle ; son honneur, il ne l'avait
pas cherché, c'était le don de son Père, qu'il
connaissait ; et s'il devait nier qu'il connaissait le Père,
il serait un menteur comme eux. En ce qui concerne les rapports qui
existaient entre lui et le grand patriarche de leur race, Jésus
affirma ainsi sa propre suprématie : « Abraham,
votre père, a tressailli d'allégresse (à la
pensée) de voir mon jour : il l'a vu, et il s'est
réjoui. » Non seulement furieux mais également
intrigués, les Juifs lui demandèrent de s'expliquer
plus clairement. Dans leur esprit, la dernière déclaration
ne s'appliquait qu'à l'état mortel, et ils demandèrent
donc : « Tu n'as pas encore cinquante ans et tu as vu
Abraham ? » Jésus répondit : « En
vérité, en vérité, je vous le dis avant
qu'Abraham fût, moi, je suis. »
Le
Seigneur déclarait là sans équivoque et sans
ambiguïté sa divinité éternelle. C'est sous
ce titre, JE SUIS, qu'il s'était révélé à
Moïse, et c'est à ce titre qu'on l'appela en Israël
par la suite [30]. Comme nous l'avons déjà montré,
c'est l'équivalent de « Yahweh », ou
« Jahveh », que l'on rend maintenant par le mot
« Jéhovah » et signifie « celui
qui existe par lui-même », « l'Éternel »,
« le Premier et le Dernier » [31]. Le
traditionalisme juif interdisait de prononcer le Nom sacré ;
et pourtant Jésus affirmait que c'était le sien. Dans
une accès d'indignation pharisaïque, les Juifs se
saisirent des pierres qui se trouvaient dans les cours non terminées
et auraient écrasé leur Seigneur, mais l'heure de sa
mort n'était pas encore venue, et, sans qu'ils le vissent, il
passa au milieu d'eux et quitta le temple.
L'idée
qu'il était avant Abraham avait clairement trait à la
situation de chacun d'eux dans l'état pré-mortel ou
préexistant ; Jésus était aussi
littéralement le Premier-Né dans le monde spirituel
qu'il était le Seul engendré dans la chair. Le Christ
est aussi réellement le Frère aîné
d'Abraham et d'Adam que du dernier-né de la terre [32].
LA
CÉCITÉ CORPORELLE ET SPIRITUELLE - LA VUE RENDUE À
UN HOMME LE JOUR DU SABBAT [33]
À
Jérusalem, Jésus rendit miséricordieusement la
vue à un homme qui était aveugle de naissance [34].
Ce miracle est un exemple de guérison le jour du sabbat qui
revêt un intérêt plus qu'ordinaire à cause
des incidents qui l'accompagnèrent. Seul Jean le rapporte et,
comme d'habitude chez cet écrivain, son récit comporte
des détails descriptifs. Jésus et ses disciples virent
l'aveugle dans la rue. Le pauvre vivait d'aumônes. Les
disciples, vivement désireux d'apprendre, demandèrent :
« Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,
pour qu'il soit né aveugle ? » Le Seigneur
répondit : « Ce n'est pas que lui ou ses
parents aient péché ; mais c'est afin que les
œuvres de Dieu soient manifestées en lui. »
La question des disciples implique qu'ils croyaient que la mortalité
était précédée d'un état dans
lequel l'individu avait son libre arbitre et pouvait choisir ;
sinon, comment auraient-ils pu penser que l'homme pouvait avoir péché
de manière à s'attirer une cécité
congénitale ? Il nous est dit expressément qu'il
était né aveugle. On pouvait concevoir qu'il eût
pu souffrir des péchés de ses parents [35]. Les
disciples avaient de toute évidence appris la grande vérité
que nous avons existé avant la vie mortelle. On peut voir en
outre qu'ils considéraient l'affliction corporelle comme le
résultat de péchés commis personnellement. Ils
généralisaient trop ; en effet si, comme l'ont
montré des cas cités jusqu'à présent [36],
les péchés que commet l'individu peuvent entraîner
et entraînent des maux physiques, l'homme peut se tromper dans
ce qu'il juge être la cause ultime de l'affliction. La réponse
du Seigneur était suffisante ; la cécité de
l'homme s'expliquait en ce sens qu'elle provoquerait une
manifestation de puissance divine. Comme Jésus l'expliqua
concernant son propre ministère, il était nécessaire
qu'il accomplit l'œuvre du Père au moment voulu, car son
temps était court. Avec un à-propos frappant, puisqu'il
parlait de l'état de l'homme qui s'était trouvé
toute sa vie dans les ténèbres, notre Seigneur répéta
ce qu'il avait affirmé précédemment au temple :
« Je suis la lumière du monde. »
La
manière visible dont l'homme fut guéri fut différente
du procédé employé ordinairement par Jésus.
« Il cracha par terre et fit de la boue avec sa salive.
Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle » ;
ensuite il lui ordonna de se rendre au réservoir de Siloé
et de se laver dans ses eaux [37]. L'homme s'en alla, se lava et
revînt guéri. C'était de toute évidence un
personnage bien connu, beaucoup l'avaient vu dans son coin habituel
mendiant des aumônes, et le fait qu'il était aveugle de
naissance était également connu de tout le monde. C'est
pourquoi, lorsque le bruit se répandit qu'il pouvait voir, il
y eut une vive émotion et beaucoup de commentaires. Certains
doutèrent que l'homme qu'ils questionnaient fût l'ancien
aveugle ; mais il les assura de son identité et leur dit
comment il avait recouvré la vue. On amena l'homme aux
Pharisiens, qui lui firent subir un interrogatoire serré et,
ayant entendu son récit du miracle, essayèrent de saper
sa foi en lui disant que Jésus qui l'avait guéri ne
pouvait être homme de Dieu puisqu'il avait accompli cette
action le jour du sabbat. Certains de ceux qui entendirent
objectèrent à la déduction des Pharisiens et
demandèrent : « Comment un homme pécheur
peut-il faire de tels miracles ? » On demanda à
l'homme son opinion personnelle sur Jésus, et il répondit
promptement : « C'est un prophète. »
Cet homme savait que son bienfaiteur était un être plus
qu'ordinaire ; mais jusqu'à présent il ne savait
pas que c'était le Christ.
Les
Juifs inquisiteurs craignaient les effets d'une guérison aussi
merveilleuse, en ce que le peuple soutiendrait Jésus, que les
dirigeants étaient décidés à mettre à
mort. Ils considérèrent comme possible que l'homme
n'ait pas été réellement aveugle ; ils
firent donc venir ses parents qui répondirent à leurs
questions en affirmant qu'il était leur fils et qu'ils
savaient qu'il était né aveugle ; mais ils
refusèrent de s'engager quant au point de savoir comment il
avait recouvré la vue, ou par le ministère de qui,
sachant que les dirigeants avaient décrété que
quiconque pensait que Jésus était le Christ serait
rejeté de la communauté de la synagogue ou, comme nous
le dirions aujourd'hui, excommunié de l'Église. Avec
une astuce pardonnable les parents dirent de leur fils :
« Interrogez-le, il est assez âgé pour parler
de ce qui le concerne. »
Obligés
de se reconnaître à eux-mêmes du moins que la
guérison de l'aveugle et la manière dont elle avait été
accomplie constituaient des faits corroborés par des preuves
irréfutables, les Juifs rusés rappelèrent
l'homme et lui dirent sournoisement : « Donne gloire
à Dieu ; nous savons que cet homme est pécheur. »
Il répliqua hardiment, et avec une logique tellement pleine
d'à-propos qu'elle déjoua leur habileté
d'examinateurs : « S'il est pécheur, je ne le
sais pas ; je sais une chose : j'étais aveugle,
maintenant je vois. » Il refusait comme il convenait
d'entrer en discussion avec ces savants questionneurs sur le point de
savoir ce qui constituait un péché suivant leur
interprétation de la loi ; il refusait de parler de ce
qu'il ignorait ; mais il était une chose dont, avec joie
et reconnaissance, il était certain, c'est qu'alors qu'il
était aveugle, maintenant il pouvait voir.
Les
inquisiteurs pharisaïques essayèrent ensuite de faire
répéter à l'homme son histoire du moyen employé
dans la guérison, probablement dans l'intention subtile de
l'amener à des déclarations illogiques ou
contradictoires ; mais il répliqua nettement, et
peut-être en montrant quelque peu d'impatience : « Je
vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté [38] ;
pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? Voulez-vous aussi
devenir ses disciples ? » Ils répliquèrent
avec colère et l'injurièrent ; l'insinuation
ironique qu'ils désiraient peut-être devenir les
disciples de Jésus était une insulte qu'ils ne
pouvaient digérer. « C'est toi qui es son
disciple », dirent-ils ; « nous, nous
sommes disciples de Moïse. Nous savons que Dieu a parlé à
Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est. »
Ils étaient enragés que ce mendiant illettré
répondît si hardiment en leur docte présence,
mais l'homme était plus fort qu'eux tous. Sa réplique
les rendit furieux parce qu'elle narguait leur sagesse dont ils
étaient si fiers, et, en plus de cela, était sans
réplique : « Voilà ce qui est étonnant,
c'est que vous ne sachiez pas d'où il est ; et il m'a
ouvert les yeux ! Nous savons que Dieu n'exauce pas les
pécheurs ; mais si quelqu'un honore Dieu et fait sa
volonté, celui-là il l'exauce. Jamais encore on n'a
entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né.
Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Pareil
affront de la part d'un laïc était sans précédent
dans les annales des rabbis et des scribes. « Tu es né
tout entier dans le péché, et c'est toi qui nous
enseignes ! » fut leur réponse dénonciatrice
quoique faible et inadéquate. Incapables de tenir tête
aux arguments ou aux démonstrations de l'ex-mendiant aveugle,
ils pouvaient du moins exercer leur autorité officielle,
quoique injustement en l'excommuniant ; ce qu'ils firent avec
promptitude. « Jésus apprit qu'ils l'avaient jeté
dehors. Il le trouva et lui dit : Crois-tu au Fils de l'homme ?
Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en
lui ? Tu l'as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle,
c'est lui. Alors il dit : Je crois, Seigneur. Et il l'adora. »
On
entendit Jésus commenter l'affaire en disant que l'un des buts
pour lesquels il était venu dans le monde était « que
ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent
aveugles ». Certains des Pharisiens surprirent la
réflexion et demandèrent orgueilleusement ; « Nous
aussi, sommes-nous aveugles ? » La réponse du
Seigneur fut une condamnation : « Si vous étiez
aveugles, vous n'auriez pas de péché. Mais maintenant
vous dites : Nous voyons ; aussi votre péché
demeure. »
BERGER
ET PORTIER [39]
« En
vérité, en vérité, je vous le dis, celui
qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par
un autre côté, celui-là est un voleur et un
brigand. Mais celui qui entre par la porte est le berger des
brebis. » C'est par ces mots que Jésus préfaça
l'un de ses discours les plus impressionnants. L'allusion au berger
et aux brebis dut rappeler à ses auditeurs un grand nombre des
passages souvent cités des prophètes et des
psaumes [40]. L'image est d'autant plus efficace lorsque nous
considérons les circonstances dans lesquelles le Maître
l'utilisa. La Palestine était surtout un pays pastoral, et la
dignité du métier de berger était reconnue par
tout le monde. Une prophétie bien précise avait promis
un Berger à Israël. David, le roi dont tous les
Israélites étaient fiers, avaient été
pris directement de son troupeau et était venu, la houlette de
berger en main, recevoir l'onction qui le rendait royal.
Comme
le montra le Maître, l'accès aux brebis est libre au
berger. Quand elles sont réunies en sécurité
dans la bergerie, il entre par la porte ; il ne grimpe pas
par-dessus ni ne se glisse à l'intérieur [41].
Propriétaire des brebis, il les aime ; elles connaissent
sa voix et le suivent lorsqu'il les mène de la bergerie à
la pâture, car il marche devant le troupeau ; tandis que
l'étranger, même si c'est le portier, elles ne le
connaissent pas ; il est obligé de les pousser, car il ne
peut pas les conduire. Poursuivant l'allégorie, que l'écrivain
appelle une parabole, Jésus se déclara être la
porte des brebis et expliqua que ce n'était que par lui que
les bergers pouvaient entrer à bon droit. Il y en avait, il
est vrai, qui essayaient de parvenir au troupeau ou dans la bergerie
en évitant la porte et en grimpant au-dessus de la clôture ;
mais ceux-là c'étaient des voleurs qui essayaient de
faire des brebis leur proie ; leur but égoïste et
méchant était de tuer et d'emporter.
Changeant
d'image, le Christ proclama : « Je suis le bon
berger. » Puis il montra, avec une exactitude éloquente,
la différence entre un berger et un mercenaire. L'un éprouve
un intérêt personnel et de l'amour pour son troupeau, et
connaît chaque brebis par son nom, tandis que l'autre ne les
connaît que comme un troupeau dont la valeur dépend du
nombre ; pour le mercenaire elles ne sont que tant ou ne valent
que tant. Tandis que le berger est prêt à se battre pour
défendre ce qui lui appartient et, si nécessaire,
mettra même sa vie en danger pour ses brebis, le mercenaire
s'enfuit lorsque le loup s'approche, laissant à la bête
de proie la voie libre pour éparpiller, déchirer et
tuer.
Jamais
on n'a écrit ou prononcé de réquisitoire plus
puissant contre les faux pasteurs, les instructeurs non autorisés
et les mercenaires égoïstes qui enseignent pour du profit
et font de la religion pour de l'argent, les trompeurs qui se
présentent comme des bergers et pourtant évitent la
porte et grimpent par « ailleurs », les
prophètes à la solde du démon qui, pour réaliser
le dessein de leur maître, n'hésitent pas à se
revêtir du vêtement d'une fausse sainteté et à
se déguiser en brebis, alors qu'à l'intérieur ce
sont des loups ravisseurs [42].
Répétant
efficacement, Jésus poursuivit : « Je suis le
bon berger. je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent,
comme le Père me connaît, et comme je connais le Père ;
et je donne ma vie pour mes brebis. » C'est pour cela que
Jésus était le Fils bien-aimé du Père :
parce qu'il était prêt à donner sa vie pour les
brebis. Les paroles du Seigneur affirment solennellement que le
sacrifice qu'il allait bientôt accomplir était bien
volontaire et non un abandon forcé : « Le Père
m'aime, parce que je donne ma vie, afin de la reprendre. Personne ne
me l'ôte, mais je la donne de moi-même ; j'ai le
pouvoir de la donner, et j'ai le pouvoir de la reprendre : tel
est l'ordre que j'ai reçu de mon Père. » La
certitude de sa mort et de sa résurrection est ici réitérée.
Fils né sur terre d'un Seigneur immortel, son origine
immortelle avait pour effet naturel de l'immuniser contre la mort
s'il ne s'y abandonnait lui-même. On ne pouvait enlever la vie
à Jésus le Christ que s'il le voulait et le permettait.
Le pouvoir de donner sa vie lui était inhérent de même
que le pouvoir de reprendre son corps tué, dans un état
immortalisé [43]. Ces enseignements provoquèrent
de nouvelles divisions parmi les Juifs. Certains prétendaient
régler la question en émettant la supposition stupide
que le Christ n'était qu'un démoniaque insensé,
et que par conséquent ses paroles ne méritaient pas
qu'on y fasse attention. D'autres dirent logiquement : « Ces
paroles ne sont pas celles d'un démoniaque. Un démon
peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? » C'est ainsi
que quelques-uns crurent et aussi que beaucoup doutèrent, bien
que partiellement convaincus, et que certains condamnèrent.
Dans
ce discours profond, Jésus dit : « J'ai encore
d'autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là,
il faut que je les amène ; elles entendront ma voix, et
il y aura un seul troupeau, un seul berger » [44].
Les
« autres brebis » auxquelles il fait allusion
ici constituaient le troupeau séparé ou le reste de la
maison de Joseph qui, six siècles avant la naissance du
Christ, avait été miraculeusement détaché
du troupeau juif en Palestine et avait été emmené
au-delà du grand abîme sur le continent américain.
Lorsque le Christ ressuscité lui apparut, il dit : « Et
en vérité, je vous1e dis, vous êtes ceux de qui
j'ai dit : J'ai d'autres brebis, qui ne sont pas de cette
bergerie ; celles-là, il faut aussi que je les amène,
et elles entendront ma voix ; et il y aura un seul troupeau, un
seul berger » [45]. Les Juifs avaient vaguement
compris que l'allusion du Christ à d'autres brebis se
rapportait, d'une manière obscure, aux nations des Gentils ;
et à cause de leur incrédulité et par conséquent
de leur incapacité de comprendre correctement, Jésus
avait refusé d'expliquer plus clairement ce qu'il voulait
dire, car c'est ce que le Père, apprit-il aux Néphites,
avait commandé. « Mais j'ai reçu du Père »,
expliqua-t-il, « le commandement d'aller à eux, et
ils entendront ma voix, et seront comptés parmi mes brebis,
pour qu'il y ait un seul troupeau, un seul berger. » Par
la même occasion, le Seigneur déclara qu'il y avait
encore d'autres brebis, celles des tribus perdues, ou dix tribus,
vers lesquelles il était sur le point d'aller, et qui seraient
finalement ramenées de leur exil et fusionneraient avec le
seul troupeau béni sous le gouvernement du Berger et Roi
suprême » [46].
[1]
Jn 7:1-10.
[2]
Chap. 21.
[3]
Jn 7:5 ; cf. Mc 3:21.
[4]
Comparer avec la réponse du Christ à sa mère, Jn
2:4; voir aussi 7:30, 8:20.
[5]
Note 1, fin du chapitre.
[6]
Note 2, fin du chapitre.
[7]
Jn 5 ; voir chap. 15 du présent ouvrage.
[8]
Chap. 6, note 1.
[9]
Note 3, fin du chapitre.
[10]
Cela fut considéré comme l'accomplissement littéral
d'Es 12:3.
[11]
Jn 7:37, 38 ; comparer avec l'assurance au sujet de « l'eau
vive » donnée à la Samaritaine, 4:10-15.
[12]
Jn 7:39 ; cf. 14:16, 17, 26 ; 15:26 ; 16:7 ; Lc
24:49 ; Ac 2:4.
[13]
Note 4, fin du chapitre.
[14]
Jn 3 ; chap. 12 du présent ouvrage.
[15]
Selon de nombreuses autorités excellentes Jonas, Nahoum et
Osée étaient tous de Galilée ; et l'on
croit en outre qu'Élie était, lui aussi, né en
Galilée.
[16]
Jean 8:1-11.
[17]
Dt 22:22-27.
[18]
Mt 5:21-48.
[19]
Dt 17:6, et 13:9.
[20]
Cf. Rm 2:1, 22 ; Mt 7:1, 2 ; Lc 6:37 ; 2 S 12:5-7
[21]
Jn 8.10, 11 ; cf. 5:14. Examiner un autre cas où la
miséricorde fut accordée à la contrition, Lc
7:36-50.
[22]
Note 5, fin du chapitre.
[23]
Jn 8:12-20.
[24]
Note 6, fin du chapitre.
[25]
Jn 8:12 cf. 1:4, 5, 9 ; 3:19 ; 9:5 ; 12:35, 36, 46.
Voir aussi D&A 6:21 ; 10:58, 70 ; 11:11 ; 14:9 ;
84:45, 46 ; 88:6-13.
[26]
Dt 17:6 ; 19:15 ; Nb 35:30 ; Mt 18:16.
[27]
Jn 8:21-59.
[28]
Cf. PGP, Moïse 4:4 ; 5:24 ; LM, 2 Né 2:18 ;
D&A 10:25 ; 93:25.
[29]
Chap. 13 et note 1 du chap. 13.
[30]
Ex 3:14 ; cf. 6:3.
[31]
Cf. Es 44:6 ; Ap 1:4, 8 ; voir aussi Jn 17:5, 24 ; Col
1:17. Chap. 4 du présent ouvrage.
[32]
Chap. 2 du présent ouvrage.
[33]
Jn 9.
[34]
Les Écritures ne disent pas si cet événement
suivit immédiatement ceux que nous venons de considérer
ou s'il se produisit plus tard, lorsque Jésus fut revenu à
Jérusalem d'un voyage qui n'aurait pas été
rapporté. La valeur de la leçon n'est pas affectée
par sa place dans la liste des œuvres de notre Seigneur.
[35]
Ex 20:5, 34:7, Lv 26:39, Nb 14:18, 1 R 21:29 ; cf. Ez chap. 18.
[36]
Chap. 14 et 15.
[37]
Note 3, fin du chapitre.
[38]
C'est-à-dire, « fait attention » ou
« cru ».
[39]
Jn 10:1-21.
[40]
Noter la promesse d'un berger à Israël, Es 40:11, 49:9,
10, Ez 34:23, 37:24 ; cf. Jr 3:15, 23:4, Hé 13:20, 1 P
2:25, 5:4, Ap 7:17. Lire studieusement le psaume 23.
[41]
Note 7, fin du chapitre.
[42]
Mt 7:15; cf. 24:4, 5, 11, 24, Mc 13:22, Rm 16:17, 18, Ep 5:6, Col
2:8, 2 P 2:1-3, 1 Jn 4: 1, Ac 20:29.
[43]
Chap. 3 et 7.
[44]
Jean 10:16 ; comparer avec un « seul troupeau, un
seul berger », Ez 37:22, Es 11:13, Jr 3:18, 50:4. Voir
Articles de Foi, « Le Rassemblement d'Israël ».
[45]
LM, 3 Né 15:21 ; lire les versets 12-24; voir chapitre 39
du présent ouvrage.
[46]
3 Né 16:1-5.
NOTES
DU CHAPITRE 25
1.
La fête des Huttes : Dans l'ordre des événements
annuels, c'était la troisième des grandes fêtes
dont l'observance comptait parmi les caractéristiques
nationales du peuple d'Israël ; les autres étaient
la Pâque et la fête des semaines ou Pentecôte ;
à chacune de ces trois fêtes, tous les hommes d'Israël
étaient tenus de comparaître devant le Seigneur lors de
la cérémonie officielle de chacune de celles-ci (Ex
23:17). La fête des Huttes était également
appelée « fête de la récolte »
(Ex 23:16) ; c'était à la fois un souvenir et une
fête de la moisson. Pour commémorer leur long voyage
dans le désert après leur délivrance d'Égypte,
voyage au cours duquel ils avaient dû vivre sous des tentes et
dans des cabanes improvisées, les Israélites étaient
requis d'observer annuellement une fête qui durait sept jours,
auxquels s'ajoutait un jour d'une sainte convocation. Pendant la
semaine, le peuple vivait dans des cabanes, des tonnelles ou des
huttes, faites de branches ou de « rameaux d'arbres
touffus » entrelacés de saules de la rivière
(Lv 23:34-43, Nb 29:12-38, Dt 16:13-15, 31:10-13). Cette fête
durait du 15 au 20 du mois de Tichri, le septième dans le
calendrier hébreu, correspondant à une partie de nos
mois de septembre et d'octobre. Elle devait avoir lieu peu après
le jour annuel des expiations qui était une période de
pénitence et d'affliction de l'âme souffrant pour le
péché (Lv 23:26-32). Les sacrifices à l'autel
lors de la fête des Huttes étaient plus grands que ceux
qui étaient prescrits pour d'autres fêtes et
comprenaient une offrande quotidienne de deux béliers,
quatorze agneaux et un bouc en sacrifice pour les péchés,
et en outre un nombre variable de jeunes taureaux, dont treize
étaient immolés le premier jour, douze le deuxième,
onze le troisième et ainsi de suite jusqu'au septième
jour, où on en offrait sept, ce qui faisait en tout
soixante-dix taureaux (Nb 29:12-38). Le rabbinisme donna à ce
nombre, soixante-dix, et à la diminution graduelle dans le
nombre des victimes de l'autel, beaucoup de significations
symboliques que la loi n'y voyait pas.
À
l'époque du Christ, la tradition avait grandement embelli un
grand nombre des observances prescrites. C'est ainsi que le « fruit
de beaux arbres » (Lv 23:40) était considéré
comme devant être le fruit du citronnier ; tous les Juifs
orthodoxes portaient celui-ci dans une main tandis que dans l'autre
ils portaient une branche touffue ou une botte de rameaux, que l'on
appelait le « loulab », lorsqu'ils se rendaient
au temple pour le sacrifice du matin et lors de la joyeuse procession
de la journée. Le transport cérémoniel d'eau du
réservoir de Siloé à l'autel du sacrifice était
un trait caractéristique du service. Cette eau était
mêlée de vin à l'autel, et le mélange
était déversé sur l'offrande sacrificatoire.
Beaucoup d'autorités prétendent que le transport d'eau
depuis le réservoir était omis lors du dernier jour ou
grand jour de la fête, et on pense que Jésus avait cette
omission à l'esprit lorsqu'il s'écria : « Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive. »
Le soir, au cours de la fête, on faisait brûler de
grandes lampes dans les cours du temple, et il se peut que le Christ
ait utilisé cet élément comme illustration
concrète lorsqu'il proclama : « Je suis la
lumière du monde. »
On
trouvera une explication plus complète dans tout bon
dictionnaire de la Bible et dans Josèphe, Ant. VIII, 4:1, XV
3:3, etc. Ce qui suit est extrait d'Edersheim, Life and Times of
Jesus the Messiah, vol. II, p. 158-160 : « Lorsque la
procession du temple parvenait au réservoir de Siloé,
le prêtre remplissait sa cruche d'or dans ses eaux. Ensuite ils
retournaient au temple, calculant leur temps de manière à
arriver juste au moment où on déposait les morceaux du
sacrifice sur le grand autel de l'holocauste, vers la fin du service
sacrificatoire ordinaire du matin. Une triple sonnerie des trompettes
des prêtres accueillait l'arrivée du prêtre
lorsqu'il entrait par la porte de l'eau, qui devait son nom à
cette cérémonie, et pénétrait directement
dans la cour des prêtres... Immédiatement après
« le déversement de l'eau », le grand
« Hallel », se composant des psaumes 113 à
118 inclus, était chanté en contre-chant, ou plutôt,
avec des répons, au son de la flûte... Symbolisme
supplémentaire de cette fête, orientée vers le
rassemblement des nations païennes, les services publics se
terminaient par une procession des prêtres autour de l'autel
... Mais « le dernier jour, le plus grand de la fête »,
cette procession de prêtres faisait le tour de l'autel, non pas
une fois, mais sept, comme s'ils faisaient de nouveau le tour, mais
maintenant en priant, de la Jéricho des Gentils qui avait été
un obstacle à leur possession de la terre promise. »
2.
L'épreuve de la doctrine de notre Seigneur : N'importe
qui peut savoir par lui-même si la doctrine du Christ est de
Dieu ou non, tout simplement en faisant la volonté du Père
(Jn 7:17). C'est certainement un procédé plus
convaincant que de se reposer sur la parole d'un autre. L'auteur fut
un jour abordé par un universitaire incrédule, qui
déclara qu'il ne pouvait accepter pour vrais les résultats
que l'on avait publiés d'une certaine analyse chimique, étant
donné que les quantités spécifiées de
certains des ingrédients étaient si infiniment petites
qu'il ne pouvait croire qu'il fût possible de déterminer
des quantités aussi infimes. L'étudiant n'était
qu'un débutant en chimie, et avec le peu de connaissances
qu'il possédait il avait entrepris de juger les possibilités
de cette science. Il saurait un jour de lui-même si les
résultats étaient vrais ou faux. Lorsqu'il fut en
licence, il reçut à analyser en laboratoire une
quantité de la substance même de la composition de
laquelle il avait douté un jour. Avec l'adresse à
laquelle il était parvenu par son application constante, il
réussit l'analyse et atteignit des résultats semblables
à ceux que dans son manque d'expérience il avait pensé
impossibles. Il fut suffisamment honnête pour reconnaître
que son ancien scepticisme n'était pas fondé et pour se
réjouir d'avoir été capable de démontrer
la vérité par lui-même.
3.
Le réservoir de Siloé : « Les noms
« Shiloah » et « Siloam » [Siloé
dans la version Segond, ndt] sont respectivement les équivalents
hébreu et grec de « Silwan », nom arabe
moderne (« Aïn Silwan ») de l'étang
qui se trouve à l'embouchure d'El-Wad. Toutes les références
antiques concordent avec cette identification (comparer avec Né
3:15 ; Josèphe, Guerre des juifs, V, 4:1,2 6:1, 9:4,
12:2, 11, 16:2, VI, 7:2, 8:5). Bien qu'elle ait reçu
l'appellation moderne de « aïn » (source),
Siloé n'est pas une source mais est alimentée par un
tunnel taillé dans le roc à partir du Gihon, ou
fontaine de la Vierge. - L. B Paton, dans l'article « Jerusalem »,
Stand. Bible Dictionary.
4.
D'où le Messie devait-il venir ? : Beaucoup
étouffèrent leurs impulsions intérieures à
croire que Jésus était le Messie en objectant que les
prophéties sur sa venue indiquaient que le lieu de sa
naissance était Bethléhem, alors que Jésus était
de Galilée. D'autres le rejetèrent parcequ'on leur
avait enseigné que nul ne devait savoir d'où le Messie
viendrait et que tous savaient que Jésus venait de Galilée.
Cette contradiction apparente s'explique de la manière
suivante : la ville de David, ou Bethléem de Judée,
était, cela ne fait aucun doute, le lieu prévu de la
naissance du Messie ; mais les rabbis avaient enseigné
erronément que peu après sa naissance, l'Enfant Christ
serait enlevé et apparaîtrait au bout d'un certain temps
comme homme, et que personne ne saurait d'où ni comment il
était revenu. Geikie (II, p. 274), citant partiellement
Lightfoot, formule comme suit la critique populaire : « Les
rabbis ne nous disent-ils pas, dirent certains, que le Messie naîtra
à Bethléhem, mais qu'il sera arraché peu après
sa naissance par des esprits et des tempêtes, et que lorsqu'il
reviendra pour la deuxième fois nul ne saura d'où il
revient ? Mais nous savons que cet homme vient de Nazareth. »
5.
Le texte relatif à la femme surprise en adultère :
Certaines critiques modernes prétendent que les versets de
Jean 7:53 et 8:11 inclus ne sont pas à leur place tels qu'ils
apparaissent dans notre version de la Bible, parce que l'incident qui
y est rapporté n'apparaît pas dans certaines des
anciennes copies manuscrites de l'évangile de Jean, et que le
style du récit est différent. Dans certains manuscrits
il vient à la fin du livre. D'autres manuscrits contiennent le
récit tel qu'il se trouve dans notre Bible. Le chanoine Farrar
demande pertinemment (p. 404 note) pourquoi, si l'incident n'est pas
à sa place ou n'est pas de Jean, tant de manuscrits importants
le présentent tel que nous l'avons ?
6.
Le Trésor et la cour des Femmes : « Une partie
de l'espace compris dans les parvis intérieurs était
accessible aux Israélites des deux sexes, et portait le nom de
cour des Femmes. C'était une enceinte pourvue d'une colonnade,
où se tenaient les assemblées générales
selon le rituel prescrit pour le culte public. Des pièces
utilisées pour certaines cérémonies occupaient
les quatre coins de cette cour ; et, entre celles-ci et les
loges qui flanquaient les portes, il y avait d'autres constructions,
dont une série constituait le Trésor ; on y
plaçait des réceptacles en forme de trompette pour
recevoir des dons » (voir Mc 12:41-44). - La Maison du
Seigneur, p. 46.
7.
La bergerie : Le Commentary, de Dummelow, dit, à propos
de Jn 10:2 : « Pour comprendre cette image, il faut
se souvenir que les bergeries orientales sont de grands enclos
ouverts, dans lesquels plusieurs troupeaux sont conduits à la
tombée de la nuit. Il n'y a qu'une seule porte qu'un seul
berger garde tandis que les autres vont se reposer chez eux. Le
matin, les bergers reviennent, se font reconnaître du portier,
appellent leurs troupeaux autour d'eux et les conduisent à la
pâture. »
CHAPITRE
26 : LE MINISTÈRE DE NOTRE SEIGNEUR EN PÉRÉE
ET EN JUDÉE
Nous
ne savons pas quand ni dans quelles circonstances notre Seigneur
quitta Jérusalem après la fête des Huttes, en ce
dernier automne de sa vie terrestre. Les auteurs des évangiles
synoptiques ont rapporté de nombreux discours, paraboles et
miracles qui marquèrent un voyage vers Jérusalem au
cours duquel Jésus, accompagné des apôtres,
traversa des parties de la Samarie et de la Pérée et
les régions frontalières de la Judée. Nous
lisons que le Christ était à Jérusalem lors de
la fête de la Dédicace [1] de deux à trois
mois après la fête des Huttes ; il est probable que
certains des événements que nous allons maintenant
étudier se produisirent au cours de cet intervalle [2].
Ce qui est certain, c'est que Jésus quitta Jérusalem
peu après la fête des Huttes ; il n'est pas dit
clairement qu'il retourna en Galilée ou s'il ne se rendit
qu'en Pérée, peut-être en faisant un bref détour
pour traverser la frontière et entrer en Samarie. Comme nous
l'avons fait jusqu'à présent, nous allons consacrer
notre étude avant tout à ses paroles et à ses
œuvres, en ne considérant que d'une manière
secondaire le lieu, le temps ou la succession.
Comme
le moment où sa trahison et sa crucifixion, qui lui étaient
connues d'avance, s'approchait, il « prit la ferme
résolution de se rendre à Jérusalem » [3] ;
toutefois, comme nous le verrons, il se dirigea par deux fois vers le
nord, une fois parce qu'il se retira dans la région de
Béthabara et de nouveau vers Éphraïm [4]
REJETÉ
EN SAMARIE [5]
Jésus
envoya des messagers devant lui pour annoncer sa venue et pour
préparer sa réception. Dans l'un des villages
samaritains on refusa de le recevoir et de l'entendre, « parce
qu'il se dirigeait sur Jérusalem ». Les préjugés
raciaux l'avaient emporté sur les devoirs de l'hospitalité.
Ce rejet forme un contraste défavorable avec les circonstances
dans lesquelles eut lieu sa visite antérieure parmi les
Samaritains, lorsqu'on l'avait reçu avec joie et qu'on l'avait
supplié de rester, mais cette fois-là il ne se
dirigeait pas vers Jérusalem mais s'en éloignait [6].
Le
manque de respect que manifestèrent les Samaritains était
plus que n'en pouvaient supporter les disciples sans protester.
Jacques et Jean, ces fils du tonnerre, s'offensèrent au point
d'aspirer à la vengeance. Ils dirent : « Seigneur,
veux-tu que nous disions au feu de descendre du ciel et de les
consumer ? » [7] Jésus réprimanda
ses peu charitables serviteurs comme suit : « Vous ne
savez de quel esprit vous êtes (animés). Car le Fils de
l'homme est venu non pour perdre les âmes des hommes mais pour
les sauver. » Repoussé dans ce village, le petit
groupe s'en alla dans un autre, comme les Douze avaient reçu
l'ordre de le faire en des circonstances semblables [8]. Ce fut
l'une des nombreuses leçons frappantes qui furent données
aux apôtres en matière de tolérance, de patience,
de charité et de longanimité.
Luc
rapporte ensuite l'incident où trois hommes étaient
désireux de devenir disciples du Christ ou disposés à
le faire ; l'un d'eux semble avoir été découragé
à la perspective des vicissitudes qu'entraînait le
ministère ; les autres désirèrent être
temporairement exemptés du service, l'un afin de pouvoir
assister à l'ensevelissement de son père, l'autre afin
de pouvoir faire tout d'abord ses adieux à ceux qui lui
étaient chers. Matthieu rapporte cet événement
ou un événement semblable dans un autre contexte, et
nous l'avons déjà étudié dans ces
pages [9].
LES
SOIXANTE-DIX CHARGÉS DE MISSION ET ENVOYÉS
L'importance
suprême du ministère de notre Seigneur et la brièveté
du temps qui lui restait dans la chair exigeaient davantage de
missionnaires. Les Douze devaient rester avec lui jusqu'à la
fin ; il fallait utiliser toutes les heures où il serait
possible de les instruire et de les former pour continuer à
les préparer aux grandes responsabilités qui
reposeraient sur eux après le départ du Maître.
Il appela et chargea de mission les soixante-dix, comme assistants
dans le ministère, et les envoya immédiatement [10]
« devant lui, deux à deux, dans toute ville et tout
endroit où lui-même devait aller ». Il
expliqua la nécessité de leurs services dans
l'introduction au discours impressionnant où il leur enseigna
les devoirs de leur appel. « II leur disait : La
moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers » [11].
Beaucoup
de sujets dont les Douze avaient été instruits avant
leur tournée missionnaire étaient maintenant répétés
aux soixante-dix. Il leur fut dit qu'ils devaient s'attendre à
être traités avec inimitié et même avec
hostilité ; leur situation serait semblable à
celle d'agneaux au milieu des loups. Ils devaient voyager sans bourse
ni sac et dépendre ainsi nécessairement de ce que Dieu
leur donnerait par l'intermédiaire de ceux chez qui ils se
rendraient. Comme leur mission était urgente, ils ne devaient
pas s'arrêter en route pour faire ou renouveler des
connaissances personnelles. En entrant dans une maison, ils devaient
invoquer la paix sur elle ; si le foyer méritait le don,
la paix y demeurait, sinon les serviteurs du Seigneur sentiraient que
leur invocation était nulle et non avenue [12]. Ils
devaient bénir toutes les familles qui les recevraient,
guérissant les affligés et proclamant que le royaume de
Dieu s'était approché de cette maison. Ils ne devaient
pas aller de maison en maison pour chercher à être mieux
reçus, et ils ne devaient pas s'attendre non plus à
être fêtés ni le désirer, mais ils devaient
accepter ce qui était offert, mangeant ce qui était
placé devant eux et partageant ainsi avec la famille. S'ils
étaient rejetés dans une ville, ils devaient la
quitter, laissant cependant leur témoignage solennel que la
ville s'était détournée du royaume de Dieu qui
avait été amené à ses portes et attestant
de cela en se débarrassant de la poussière de cet
endroit [13]. Il ne leur appartenait pas de prononcer d'anathème
ou de malédiction, mais le Seigneur leur assura que cette
ville s'attirerait un sort pire que la condamnation de Sodome [14].
Il leur rappela qu'ils étaient ses serviteurs, et que par
conséquent quiconque les écoutait ou refusait de les
écouter serait jugé comme si c'était lui qu'il
avait traité ainsi.
Il
ne leur fut pas interdit, comme cela l'avait été aux
Douze, d'entrer dans des villes samaritaines ou dans les pays des
Gentils. Cette différence correspond au changement de
situation, car maintenant l'itinéraire futur de Jésus
allait le conduire dans des territoires non Juifs où sa
réputation s'était déjà répandue ;
et en outre, son plan prévoyait une extension de la
propagation de l'Évangile, lequel devait finalement être
mondial. Les préjugés étroits des Juifs contre
les Gentils en général et contre les Samaritains en
particulier devaient être désapprouvés, et il ne
pouvait être donné de meilleure preuve de cette
intention que d'envoyer des ministres autorisés parmi ces
peuples. Nous devons garder à l'esprit le caractère
progressif de l'œuvre du Seigneur. Tout d'abord le champ de la
prédication évangélique était limité
au pays d'Israël [15], mais le commencement de son
extension fut inauguré au cours de la visite de notre Seigneur
et fut expressément imposé aux apôtres après
sa résurrection [16]. Dûment instruits, les
soixante-dix se mirent en route pour leur mission [17].
Le
fait de parler de la condamnation qui s'abattrait sur ceux qui
rejetteraient volontairement les serviteurs autorisés de Dieu
éveilla dans l'esprit du Seigneur le triste souvenir des
rebuffades qu'il avait subies et des nombreuses âmes non
repentantes dans les villes où il avait accompli tant d'œuvres
puissantes. Avec un chagrin profond, il prédit les malheurs
qui menaçaient alors Chorazin, Bethsaïda et
Capernaüm [18].
LE
RETOUR DES SOIXANTE-DIX
Il
se peut qu'il se soit écoulé un temps considérable,
des semaines voire des mois, entre le départ des soixante-dix
et leur retour. On ne nous dit pas quand ni où ils
rejoignirent le Maître ; mais ce que nous savons, c'est
que l'autorité et la puissance du Christ se manifestèrent
abondamment dans leur ministère, et que cette constatation les
réjouit. « Seigneur », dirent-ils, « les
démons même nous sont soumis en ton nom » [19]. À
ce témoignage, le Seigneur répondit solennellement :
« Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair. »
Il faisait par là allusion à l'expulsion du fils du
matin rebelle lorsqu'il eut été battu par Michel et les
armées célestes [20]. Félicitant les
soixante-dix pour leurs fidèles travaux, le Seigneur leur
donna l'assurance qu'ils auraient davantage de pouvoir, à la
condition qu'ils continuent à en êtres dignes :
« Voici : je vous ai donné [version du
roi Jacques : « Je vous donne », ndt] le
pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et sur toute la
puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire » [21]. Cette
promesse qu'ils pourraient marcher sur les serpents et les scorpions
voulait dire qu'ils seraient immunisés contre les piqûres
d'animaux venimeux s'ils en rencontraient sur le sentier du
devoir [22] et qu'ils auraient le pouvoir de vaincre les mauvais
esprits qui servent le diable, lequel est expressément appelé
ailleurs le serpent [23]. Aussi grands qu'aient été
le pouvoir et l'autorité qui leur étaient ainsi donnés,
ces disciples reçurent l'ordre de ne pas se réjouir de
ceux-ci et surtout pas du fait que les esprits mauvais leur étaient
soumis, mais plutôt de ce qu'ils étaient acceptés
du Seigneur et de ce que leurs noms étaient écrits dans
les cieux [24].
Jésus
se réjouit de voir la joie sainte de ses serviteurs et de
contempler leur fidélité. Son bonheur trouva son
expression la plus appropriée dans la prière :
« Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la
terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux
intelligents, et de ce que tu les as révélées
aux enfants. Oui, Père, parce que tel a été ton
bienveillant dessein. » Comparés aux savants de
l'époque, comme les rabbis et les scribes, dont la
connaissance ne servait qu'à leur endurcir le cœur
contre la vérité, ces serviteurs dévoués
étaient comme des petits enfants en humilité, en
confiance et en foi. Ces enfants étaient et sont parmi les
nobles du royaume. Comme aux heures du chagrin le plus désespéré,
de même en ce moment de sainte réjouissance pour la
fidélité de ses disciples, Jésus communia avec
le Père, dont il avait pour seul but de faire la volonté.
La
joie de notre Seigneur en cette occasion est comparable à
celle qu'il éprouva lorsque Pierre prononça
impulsivement la confession de son âme : « Tu
es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Dans un discours
solennel, Jésus dit : « Tout m'a été
remis par mon Père, et personne ne connaît qui est le
Fils, si ce n'est le Père, ni qui est le Père, si ce
n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Puis, en une communion plus intime avec les disciples, il ajouta :
« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car
je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont désiré
voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous
entendez, et ne l'ont pas entendu. »
QUI
EST MON PROCHAIN ?
Nous
avons vu que les Pharisiens et ceux de leur espèce étaient
constamment en alerte pour gêner et, si possible, déconcerter
Jésus sur des points de loi et de doctrine, et pour le
provoquer à quelque parole ou action ouverte [25]. C'est
peut-être une tentative de ce genre que Luc rapporte
immédiatement après avoir raconté le joyeux
retour des soixante-dix [26], car il nous dit que le « docteur
de la loi » dont il parle posa une question pour mettre à
l'épreuve [la version du roi Jacques dit « tenter »
ce qui entraîne le commentaire suivant, ndt] Jésus. En
contemplant les intentions du questionneur avec toute la charité
possible, car le sens fondamental du verbe qui est rendu dans notre
version [anglaise, ndt] de la Bible par « tenter »,
c'est mettre à l'épreuve ou éprouver et pas
nécessairement et uniquement entraîner au mal [27],
bien que l'idée de prendre au piège y soit incluse,
nous pouvons supposer qu'il désirait mettre à l'épreuve
la connaissance et la sagesse du célèbre Maître,
probablement afin de l'embarrasser. Il est certain que son objectif
n'était pas la recherche sincère de la vérité.
Ce
docteur de la loi, se levant parmi les gens qui s'étaient
rassemblés pour entendre Jésus, demanda :
« Maître, que dois-je faire pour hériter la
vie éternelle [28] ? » Jésus
répondit par une autre question, dans laquelle il fit
nettement entendre que si cet homme, qui professait être
instruit de la loi, avait lu et étudié convenablement,
il saurait sans le demander ce qu'il devait faire. « Qu'est-il
écrit dans la loi ? Qu'y lis-tu ? »
L'homme répondit, résumant admirablement les
commandements : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu,
de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et
de toute ta pensée ; et ton prochain comme
toimême » [29]. La réponse fut
approuvée. « Fais cela, et tu vivras »,
dit Jésus. Ces mots tout simples constituaient une réprimande,
comme le docteur de la loi dut s'en rendre compte ; ils
indiquaient le contraste entre connaître et faire. Ayant ainsi
échoué dans son plan de confondre le Maître, et
se rendant probablement compte que lui, le docteur de la loi, n'avait
pas fait particulièrement honneur à son érudition
en posant une question aussi simple et puis en y répondant
lui-même, il chercha avec soumission à se justifier en
demandant encore : « Et qui est mon prochain ? »
Nous pouvons bien être reconnaissants à ce docteur de la
loi pour sa question, car elle servit à puiser du trésor
de sagesse inépuisable du Maître l'une des ses paraboles
les plus appréciées.
Cette
histoire s'appelle la parabole du bon Samaritain, la voici :
« Un
homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il
tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le
rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à
demi-mort. Par hasard, un sacrificateur descendait par le même
chemin ; il vit cet homme et passa outre. Un Lévite
arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa
outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, arriva près de lui,
le vit et en eut compassion, Il s'approcha et banda ses plaies, en
versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa
propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit
soin de lui. Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à
l'hôtelier et dit : Prends soin de lui, et ce que tu
dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à
mon retour. »
Alors
Jésus demanda au docteur de la loi : « Lequel
de ces trois te semble avoir été le prochain de celui
qui était tombé au milieu des brigands ? Il
répondit : C'est celui qui a exercé la miséricorde
envers lui. Et Jésus lui dit : Va, et toi, fais de
même » [30].
S'il
y avait un but à la question : « Qui est mon
prochain ? » posée par le docteur de la loi,
outre celui de se justifier et de s'extirper aussi honorablement que
possible d'une situation embarrassante, nous pouvons concevoir que
c'était le désir de trouver une limitation dans
l'application de la loi, au-delà de laquelle il ne serait pas
obligé d'aller. S'il devait aimer son prochain comme il
s'aimait lui-même, il voulait avoir aussi peu de prochains que
possible. Son désir était peut-être du même
ordre que celui de Pierre, qui désirait vivement savoir
exactement combien de fois il était obligé de pardonner
à un frère qui l'offensait [31].
La
parabole par laquelle notre Seigneur répondit à la
question du docteur de la loi est d'un très grand intérêt,
ne serait-ce que comme histoire, d'autant plus qu'elle contient des
leçons précieuses. Elle représentait d'ailleurs
si véritablement l'état des choses de l'époque
que, comme l'histoire du semeur qui s'en alla planter et d'autres
paraboles données par le Seigneur Jésus, ce peut être
une histoire vraie aussi bien qu'une parabole. La route de Jérusalem
à Jéricho était connue pour être infestée
de voleurs de grand chemin ; en fait, une section de l'artère
était appelée le Sentier Rouge ou la Voie Sanglante à
cause des atrocités qui s'y commettaient fréquemment.
Jéricho était une résidence bien connue des
prêtres et des Lévites. Un prêtre qui, par respect
pour son office, non pour une autre raison, aurait dû être
disposé et prompt à des actes de miséricorde,
aperçut le voyageur blessé et passa son chemin sur
l'extrême bas-côté de la route. Un Lévite
suivit ; il s'arrêta pour regarder puis passa son chemin.
Ils auraient dû se souvenir des prescriptions de la loi :
que si l'on voyait un âne ou un bœuf tomber sur le bord
de la route, on ne devait pas se cacher mais aider le propriétaire
à relever l'animal [32]. Si tel était leur devoir
vis-à-vis de l'animal d'un frère, leur obligation en
était d'autant plus grande lorsqu'un frère lui même
était dans une situation si terrible.
Il
ne fait aucun doute que le prêtre aussi bien que le Lévite
fit taire sa conscience avec d'amples excuses pour sa conduite
inhumaine ; il se peut qu'il était pressé ;
il craignait peut-être le retour des pillards qui
l'attaqueraient. Les excuses sont faciles à trouver ;
elles jaillissent aussi facilement et aussi abondamment que les
mauvaises herbes au bord de la route. Lorsque le Samaritain passa et
vit l'état misérable du blessé, il n'avait pas
d'excuse parce qu'il n'en voulait pas. Lui ayant apporté,
autant qu'il le pouvait, tous les premiers soins reconnus par la
pratique médicale de l'époque, il plaça le
blessé sur son propre animal, probablement une mule où
un âne, et l'emmena à l'auberge la plus proche, où
il le soigna personnellement et prit des dispositions pour qu'on
continuât de le soigner. La différence essentielle entre
le Samaritain et les autres était que le premier avait un cœur
compatissant, tandis qu'eux étaient sans amour et égoïstes.
Bien que cela n'ait pas été dit d'une manière
nette, la victime des pillards était presque certainement un
Juif ; l'objectif de la parabole exige qu'il en soit ainsi. Le
fait que l'homme miséricordieux était un Samaritain
montrait que le peuple appelé hérétique et
méprisé par les Juifs pouvait exceller en bonnes
œuvres. Pour un Juif, les seuls prochains c'étaient les
Juifs. Nous n'avons pas le droit de considérer le prêtre,
le Lévite ou le Samaritain comme représentants de leur
classe ; il ne fait aucun doute qu'il y avait beaucoup de Juifs
bons et charitables, et beaucoup de Samaritains sans cœur ;
mais la leçon du Maître était illustrée
admirablement par les personnages de la parabole, et les paroles de
son application étaient mordantes dans leur simplicité
et leur àpropos.
MARTHE
ET MARIE [33]
Lors
de l'une de ses visites à Béthanie, petite ville située
à quatre kilomètres environ de Jérusalem, Jésus
fut reçu dans la maison où demeuraient deux sœurs,
Marthe et Marie. Marthe était ménagère et
assumait par conséquent la responsabilité de la bonne
réception de l'hôte de marque. Tandis qu'elle veillait
aux préparatifs et était « absorbée
par les nombreux soucis du service », pleine de bonnes
intentions pour assurer le confort et l'hospitalité de Jésus,
Marie s'assit aux pieds du Maître, écoutant ses paroles
avec une attention respectueuse. Marthe devint nerveuse dans son
anxiété affairée et entra, disant :
« Seigneur, tu ne te mets pas en peine de ce que ma sœur
me laisse seule pour servir ? Dis-lui donc de m'aider. »
Elle parlait à Jésus, mais en réalité
c'était à Marie. Elle avait temporairement perdu son
calme en se souciant indûment de détails accessoires. Il
est raisonnable de déduire que Jésus était un
habitué de la maison, sinon la brave femme ne se serait pas
adressée à lui pour une petite affaire domestique. Il
répliqua à ses plaintes avec une tendresse marquée :
« Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites
pour beaucoup de choses. Or une seule chose est nécessaire.
Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas ôtée. »
Il
ne reprochait pas à Marthe son désir de bien faire les
choses, et il n'était pas question non plus pour lui de
sanctionner une négligence possible de la part de Marie. Nous
devons supposer que Marie avait aidé de bon coeur avant
l'arrivée du Maître ; mais maintenant qu'il était
là, elle désirait rester avec lui. Si elle avait
négligé coupablement son devoir, Jésus ne
l'aurait pas félicitée pour ce qu'elle faisait. Ce
qu'il désirait, ce n'était pas seulement des repas bien
servis et du confort matériel mais la compagnie des sœurs,
et surtout leur attention réceptive à ce qu'il avait à
dire. Il avait plus à leur donner qu'elles ne pouvaient lui
fournir. Jésus aimait les deux sœurs aussi bien que leur
frère [34]. Ces deux femmes étaient dévouées
à Jésus, et chacune s'exprimait à sa manière.
Marthe était du genre pratique, se souciant de services
matériels ; par nature, elle était hospitalière
et pleine d'abnégation. Marie, contemplative et plus encline
au spirituel, montrait sa dévotion par cet autre service
qu'est la compagnie et l'appréciation [35].
En
ne faisant pas attention aux devoirs du ménage, aux petits
détails qui créent ou gâtent la paix familiale,
mainte femme a transformé son foyer en maison sans confort ;
et mainte autre a éliminé les éléments
essentiels du foyer en s'obligeant à un travail d'esclave
constant, dans lequel elle refuse à ceux qu'elle aime le
plaisir de sa compagnie aimante. Quelque dévoué qu'il
soit, un service qui se limite à un domaine peut devenir de la
négligence. Il y a un temps pour le travail au foyer comme à
l'extérieur ; dans chaque famille il faut trouver le
temps de cultiver cette partie plus importante, cette chose
nécessaire par excellence : le véritable
développement spirituel.
DEMANDEZ
ET L'ON VOUS DONNERA [36]
« Jésus
priait un jour en un certain lieu. Lorsqu'il eut achevé, un de
ses disciples lui dit : Seigneur, enseigne-nous à
prier. » L'exemple de notre Seigneur et l'esprit de prière
qui se manifestait dans sa vie quotidienne poussaient les disciples à
lui demander de leur apprendre comment ils devaient prier. La loi ne
disait pas comment on devait prier, mais les autorités juives
avaient prescrit des prières officielles, et Jean-Baptiste
avait appris à ses disciples à prier. Répondant
à la demande de ses disciples, Jésus répéta
ce bref modèle d'adoration et de supplication fervente que
nous appelons le Notre Père. Il l'avait déjà
donné lors du sermon sur la montagne [37]. En cette
occasion où il la répétait, le Seigneur compléta
la prière en expliquant qu'il était absolument
nécessaire de faire preuve de sérieux et d'une
persistance durable dans la prière.
La
leçon fut expliquée clairement par la parabole de l'ami
à minuit :
« Il
leur dit encore : Lequel d'entre vous aura un ami qui se rendra
chez lui au milieu de la nuit pour lui dire : Ami, prête-moi
trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi,
et je n'ai rien à lui offrir ? Si, de l'intérieur,
l'autre lui répond : Ne me cause pas d'ennui, la porte
est déjà fermée, mes enfants et moi nous sommes
au lit, je ne puis me lever pour te donner (des pains) - je vous le
dis, même s'il ne se lève pas pour les lui donner, parce
qu'il est son ami, il se lèvera à cause de son
importunité et lui donnera tout ce dont il a besoin. »
L'homme
chez qui un ami était venu à minuit ne pouvait
permettre à son hôte attardé et fatigué
d'avoir faim, et pourtant il n'y avait pas de pain chez lui. Il fit
sien les besoins de son visiteur et supplia à la porte de son
voisin comme s'il demandait pour lui-même. Le voisin répugnait
à quitter son lit confortable et à déranger sa
famille pour contenter autrui ; mais, voyant que l'homme à
la porte l'importunait, il finit par se lever et lui donna ce qu'il
demandait de manière à se débarrasser de lui et
à pouvoir dormir en paix. Le Maître ajouta en guise de
commentaire et d'instruction : « Demandez, et l'on
vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et
l'on vous ouvrira. »
L'homme
hospitalier de la parabole avait refusé de se laisser
repousser ; il continua à frapper jusqu'à ce que
la porte s'ouvrit ; en conséquence, il reçut ce
qu'il voulait, trouva ce qu'il était sorti chercher. Certains
considèrent que la parabole est difficile à appliquer,
puisqu'elle traite de cet élément de la nature humaine
qui est égoïste et amoureux du confort, et l'utilise
apparemment pour symboliser le retard délibéré
de Dieu. Mais l'explication en est claire lorsque l'on examine dûment
le contexte. La leçon du Seigneur est que si l'homme, malgré
tout son égoïsme et son peu de désir de donner,
accorde néanmoins ce que son prochain lui demande à bon
droit et continue à demander en dépit de ses objections
et de son refus temporaire, il est d'autant plus certain que Dieu
accordera ce qu'on lui demande avec persistance, avec foi et avec une
intention juste. Il n'y a aucun parallèle entre le refus
égoïste de l'homme et l'attente sage et bienfaisante de
Dieu. Il faut que l'individu soit conscient d'avoir vraiment besoin
de prier et ait réellement confiance en Dieu pour que la
prière soit efficace ; et c'est avec miséricorde
que le Père retarde parfois le don afin que la demande soit
plus fervente. Et pour employer les termes de Jésus :
« Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner
de bonnes choses à vos enfants, à combien plus forte
raison le Père céleste donnera-t-il l'Esprit Saint à
ceux qui le lui demandent. »
Quelque
temps plus tard, Jésus prononça une autre parabole,
dont la morale est si étroitement apparentée à
celle de l'histoire du visiteur de minuit que cela nous pousse à
étudier ici cette leçon ultérieure. C'est celle
qu'on appelle la parabole du juge inique ou de la veuve importune :
« Il
y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et qui
n'avait d'égard pour personne. Il y avait aussi dans cette
ville une veuve qui venait lui dire : Fais-moi justice de mon
adversaire. Pendant longtemps il ne voulut pas. Mais ensuite il dit
en lui-même : Bien que je ne craigne pas Dieu et que je
n'aie d'égard pour personne, néanmoins parce que cette
veuve me cause des ennuis, je lui ferai justice, de peur que jusqu'à
la fin, elle ne vienne me casser la tête » [38].
Le
juge était un homme pervers ; il refusait la justice à
la veuve, qui ne pouvait obtenir réparation de nul autre. Il
fut poussé à agir par le désir d'échapper
aux importunités de la femme. Evitons l'erreur de comparer son
action égoïste avec les voies de Dieu. Jésus ne
voulait pas dire que Dieu céderait finalement aux
supplications de la même manière que le juge inique
l'avait fait ; mais il fit remarquer que si même un être
tel que ce juge, qui « ne craignait pas Dieu et qui
n'avait d'égard pour personne », finissait par
écouter la veuve et par lui accorder ce qu'elle demandait, nul
ne devrait douter que Dieu, le Juste et le Miséricordieux,
écouterait et répondrait. L'entêtement du juge,
bien qu'entièrement pervers de sa part, peut avoir été
finalement avantageux pour la veuve. Si elle avait aisément
obtenu réparation, elle aurait pu devenir de nouveau
imprudente, et il aurait pu se faire qu'un adversaire pire encore que
le premier l'eût opprimée. Le but dans lequel le
Seigneur donna cette parabole est déclaré
expressément : « pour montrer qu'il faut
toujours prier et ne pas se lasser » [39].
CRITIQUE
CONTRE LES PHARISIENS ET LES DOCTEURS DE LA LOI [40]
L'acte
de miséricorde que notre Seigneur accomplit lorsqu'il expulsa
un démon d'un homme qui, en conséquence de cette
possession maligne, était muet, suscita des commentaires
divers quant à la source de ses pouvoirs surhumains. La
vieille théorie pharisaïque qu'il chassait les démons
par le pouvoir de « Béelzébul, prince des
démons » fut remise sur le tapis. Il démontra
la parfaite sottise de pareille conception, comme il l'avait fait
lors d'une précédente occasion que nous avons
examinée [41]. Les ténèbres spirituelles
dans lesquelles les hommes méchants cherchent à tâtons
des miracles, la déception et la condamnation qui les
attendent, et d'autres préceptes précieux, Jésus
les exposa dans un autre discours [42].
Puis,
ayant été invité, il se rendit chez un Pharisien
pour y dîner. D'autres Pharisiens, de même que des
docteurs de la loi et des scribes, étaient là. Jésus
omit intentionnellement la purification cérémonielle
des mains, que toutes les autres personnes de la compagnie
accomplirent scrupuleusement avant de prendre place à table.
Cette omission provoqua un murmure de désapprobation, sinon
une critique ouverte. Jésus profita de l'occasion pour faire
une critique acerbe du formalisme des Pharisiens, qu'il compara à
la purification des coupes et des plats à l'extérieur,
tandis qu'on laisse l'intérieur sale. « Insensés !
celui qui a fait le dehors n'a-t-il pas fait aussi le dedans ? »
Sous une autre forme, nous pourrions demander : Dieu, qui
établit les observances extérieures de la loi, ne
formula-t-il pas également les exigences intérieures et
spirituelles de l'Évangile ? En réponse à
une question de l'un des docteurs de la loi, Jésus les inclut
dans ses violents reproches. Pharisiens et scribes se vexèrent
de la censure à laquelle on les avait soumis et « commencèrent
à le presser violemment et à le faire parler sur
beaucoup de sujets, lui tendant des pièges, pour surprendre
quelque parole sortie de sa bouche ». Comme les paroles
que le Seigneur prononça en cette occasion apparaissent
également dans sa dénonciation finale du pharisaïsme,
laquelle fut prononcée au temple, nous pouvons retarder notre
étude de cette question jusqu'au moment où nous
parlerons, en son temps, de ce remarquable événement [43].
EXHORTATION
ET ENCOURAGEMENT DES DISCIPLES [44]
Le
peuple de la région qui se trouvait au-delà du Jourdain
s'intéressait fortement aux mouvements de notre Seigneur,
comme s'y était intéressé celui de Galilée.
Nous lisons que « Ies gens s' [étaient]
rassemblés par milliers, au point de s'écraser les uns
les autres ». S'adressant à la multitude, et plus
particulièrement à ses disciples, Jésus les
prévint contre le levain des Pharisiens, qu'il disait être
l'hypocrisie [45]. La scène récente à la
table d'un Pharisien donnait un sens particulier à cet
avertissement. Il répéta ici certains des préceptes
qui furent rapportés à propos de son ministère
galiléen et insista en particulier sur la supériorité
de l'âme par rapport au corps, et de la vie éternelle
par opposition à la brièveté de l'existence
mortelle.
Un
homme du groupe, dont l'attention était tout entière
concentrée sur ses intérêts égoïstes
et qui était incapable de voir au-delà des affaires
matérielles de la vie, dit : « Maître,
dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. »
Jésus refusa promptement d'agir comme médiateur ou juge
dans cette affaire. « Qui m'a établi sur vous pour
être juge ou faire des partages ? » Telle fut
la réponse du Maître. La sagesse qui se cache derrière
son refus d'intervenir est évidente. Comme dans le cas de la
femme coupable qui avait été amenée devant lui
pour qu'il la juge [46], de même ici, il s'abstenait
d'intervenir dans des affaires d'administration légale. S'il
avait fait l'inverse, cela l'aurait probablement mêlé à
des disputes inutiles et aurait pu justifier une plainte l'accusant
de s'arroger les fonctions des tribunaux légalement établis.
Néanmoins, il fit de l'appel de cet homme le noyau d'un
enseignement précieux ; le fait qu'il clamait pour avoir
une part dans l'héritage familial fit dire à Jésus :
« Gardez-vous attentivement de toute cupidité ;
car même dans l'abondance, la vie d'un homme ne dépend
pas de ce qu'il possède. » Il souligna ce mélange
d'exhortation et de vérité profonde par la parabole du
riche insensé. Voici l'histoire :
« La
terre d'un homme riche avait beaucoup rapporté. Il raisonnait
en lui-même et disait : Que ferai-je ? car je n'ai
pas de place pour amasser mes récoltes. Voici, dit-il, ce que
je ferai : j'abattrai mes greniers, j'en bâtirai de plus
grands, j'y amasserai tout mon blé et mes biens, et je dirai à
mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en
réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange,
bois et réjouistoi. Mais Dieu lui dit : Insensé !
cette nuit même ton âme te sera redemandée ;
et ce que tu as préparé, à qui cela sera-t-il ?
Il en est ainsi de celui qui accumule des trésors pour
lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu » [47].
L'homme
avait accumulé sa richesse par le travail et l'économie ;
les champs négligés ou mal cultives ne donnent pas en
abondance. On ne nous le présente pas comme quelqu'un qui
possède une richesse qui ne lui appartient pas de droit. Les
projets qu'il faisait pour conserver convenablement ses fruits et ses
marchandises n'étaient pas mauvais en soi, bien qu'il eût
pu concevoir de meilleurs moyens de répartir ses surplus, en
soulageant les nécessiteux, par exemple. Son péché
était double ; premièrement, il considérait
surtout ses grandes réserves comme le moyen de s'assurer le
confort personnel et celui de ses sens ; deuxièmement, il
ne reconnaissait pas la part de Dieu dans sa prospérité
matérielle et comptait même les années comme
siennes. Il fut frappé au moment de sa jouissance égoïste.
On ne nous dit pas si la voix de Dieu lui parvint comme un
pressentiment terrible de sa mort imminente, ou par un messager
angélique ou autrement ; mais la voix prononça sa
condamnation : « Insensé ! cette nuit
même ton âme te sera redemandée » [48]. Il
avait utilisé son temps et les forces de son corps et de son
esprit à semer, à récolter et à
engranger : tout cela pour lui-même. Qu'advint-il de tout
cela ? À qui serait la richesse pour laquelle il avait
mis son âme en danger ? S'il n'avait pas été
insensé, il aurait pu se rendre compte, comme l'avait fait
Salomon, de la vanité de thésauriser pour qu'un autre,
d'une moralité peut-être incertaine, possède ces
richesses [49].
Se
tournant vers les disciples, Jésus réitéra
certaines des merveilleuses vérités qu'il avait
prononcées lors de sa prédication sur la montagne [50]
et prit les oiseaux de l'air, les lis et l'herbe des champs comme
exemples du soin vigilant du Père ; il exhorta ses
auditeurs à chercher le royaume de Dieu ; ce faisant, ils
verraient que tout ce dont ils avaient besoin leur serait donné
par surcroît.
« Sois
sans crainte, petit troupeau », ajouta-t-il sur un ton
affectueux et paternel, « car votre Père a trouvé
bon de vous donner le royaume. » Il les exhorta à
amasser leur richesse dans des bourses qui ne s'usent point [51],
des récipients qui conviennent au trésor céleste,
qui, contrairement aux biens du riche insensé, ne devra pas
être abandonné lorsque l'âme sera appelée à
rendre ses comptes. L'homme dont le trésor est de la terre le
laisse entièrement à la mort ; celui dont la
richesse est dans le ciel va retrouver ce qui lui appartient, et la
mort n'est que la porte de son trésor.
Les
disciples furent exhortés à être toujours prêts,
attendant, comme les serviteurs attendent, le soir, avec des
flambeaux allumés, le retour de leur maître. Le Seigneur
de la maison vient lorsqu'il le veut, dans les premières ou
les dernières veilles et si, lorsqu'il arrive, il trouve ses
serviteurs fidèles prêts à ouvrir aussitôt
qu'il frappe, il les honorera comme ils le méritent. C'est
ainsi que le Fils de l'homme viendra, peut-être quand on
l'attendra le moins. Lorsque Pierre l'interrompit en demandant si
« cette parabole » n'était que pour les
Douze ou pour tous, Jésus ne répondit pas directement ;
cependant la réponse était contenue dans la suite de
l'allégorie du contraste entre les serviteurs fidèles
et les mauvais serviteurs [52]. « Quel est donc
l'intendant fidèle et prudent que le maître établira
sur ses gens de service pour leur donner leur ration de blé au
moment convenable ? » L'intendant fidèle est
un bel exemple des apôtres, pris séparément ou en
groupe. Économes ou intendants, ils étaient chargés
de s'occuper des autres serviteurs et de la maison ; et comme
ils avaient reçu plus que les autres, il serait requis
davantage d'eux ; et ils seraient strictement tenus de rendre
compte de leur intendance.
Le
Seigneur fit alors allusion avec sentiment à sa propre mission
et surtout aux terribles expériences par lesquelles il allait
bientôt passer, disant : « Il est un baptême
dont je dois être baptisé, et combien je suis pressé
qu'il soit accompli ! » Il parla de nouveau des
luttes et des querelles qui suivraient la prédication de son
Évangile et s'attarda sur la signification des événements
qui étaient alors en cours. À ceux qui, toujours prêts
à interpréter les signes du temps, restaient cependant
volontairement aveugles aux choses importantes qui se passaient
alors, il appliqua l'épithète mordante
d'hypocrites [53] !
« SI
VOUS NE VOUS REPENTEZ PAS, VOUS PÉRIREZ TOUT DE MÊME [54] »
Certains
de ceux qui écoutaient le discours de notre Seigneur lui
racontèrent les circonstances d'un événement
tragique qui s'était produit, peu de temps avant probablement,
à l'intérieur de l'enceinte du temple. Un certain
nombre de Galiléens avaient été assassinés
par des soldats romains, au pied de l'autel, de sorte que leur sang
s'était mêlé à celui des victimes
sacrificatoires. Il est probable que le massacre de ces Galiléens
avait eu lieu lors de quelque démonstration violente du
ressentiment juif contre l'autorité romaine, que le
procurateur, Pilate, considéra comme les débuts d'une
insurrection qu'il fallait étouffer promptement par la force.
Pareils éclats n'étaient pas rares ; et la tour ou
forteresse romaine d'Antonia avait été construite sur
une position-clef dominant le temple et reliée à
celui-ci par une volée d'escaliers, de sorte que des soldats
pouvaient facilement avoir accès à l'enceinte dès
les premiers signes de remous. Le but des informateurs qui portèrent
cette affaire à l'attention de Jésus n'est pas indiqué,
mais il est probable que ses allusions aux signes des temps leur
avaient rappelé la tragédie, et qu'ils étaient
enclins aux conjectures sur le sens profond de l'événement.
Peut-être certains se demandaient-ils si le sort qui s'était
abattu sur les victimes galiléennes constituait un châtiment
mérité. En tout cas c'est contre une conception de ce
genre que Jésus dirigea sa réponse. Par la méthode
des questions et des réponses, il leur assura que ceux qui
avaient été ainsi tués ne devaient pas être
considérés comme plus grands pécheurs que les
autres Galiléens ; « mais, dit-il, si vous ne
vous repentez pas, vous périrez tous de même ».
Puis,
se reportant de sa propre initiative à une autre catastrophe,
il cita le cas de dix-huit personnes qui avaient été
tuées par la chute d'une tour à Siloé et affirma
qu'il ne fallait pas les considérer comme de plus grands
pécheurs que les autres gens de Jérusalem. « Mais »,
répéta-t-il, « si vous ne vous repentez pas,
vous périrez tous de même. » Il y en avait
peut-être qui croyaient que les hommes sur qui la tour était
tombée avaient mérité leur destin ; et
cette conception est d'autant plus probable, si la théorie
généralement acceptée est correcte, que la
calamité s'abattit sur les hommes tandis qu'ils étaient
engagés à la solde des Romains à travailler sur
l'aqueduc, pour la construction duquel Pilate avait utilisé le
« corban » ou trésor sacré, donné
par vœu au temple [55].
Il
n'appartient pas à l'homme de contrôler les buts et les
desseins de Dieu, ni de juger par la raison humaine seule que telle
ou telle personne subit un désastre en conséquence
directe des péchés qu'elle a commis [56].
Néanmoins les hommes ont toujours eu tendance à juger
de cette manière. Il y en a beaucoup qui ont hérité
de l'esprit des amis de Job, qui le considéraient comme
certainement coupable à cause des grands malheurs et des
grandes souffrances qui s'étaient abattus sur lui [57].
Alors même que Jésus parlait, une sombre et cruelle
calamité menaçait le temple, la ville et la nation ;
et si le peuple ne se repentait pas et n'acceptait pas le Messie qui
se trouvait alors en son milieu, le décret de destruction
recevrait son terrible accomplissement. Par conséquent, comme
Jésus le dit, si le peuple ne se repentait pas, il périrait.
Le besoin impérieux de réforme fut illustré par
la parabole du figuier stérile.
« Un
homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y
chercher du fruit et n'en trouva pas. Alors il dit au vigneron :
Voilà trois ans que je viens chercher du fruit à ce
figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le : Pourquoi occupe-t-il
la terre inutilement ? Le vigneron lui répondit :
Maître, laisse-le encore cette année ; d'ici là
je creuserai tout autour et j'y mettrai du fumier. Peut-être à
l'avenir produira-t-il du fruit ; sinon, tu le couperas » [58].
Dans
la littérature juive, et en particulier dans la tradition
rabbinique, le figuier est souvent utilisé pour symboliser la
nation. L'avertissement que contenait la parabole est clair ;
l'élément de salut possible n'est pas moins évident.
Si le figuier représente le peuple de l'alliance, alors la
vigne est naturellement le monde en général, et le
vigneron est le Fils de Dieu qui, par son ministère personnel
et ses soins pleins de sollicitude, intercède pour l'arbre
stérile, dans l'espoir qu'il portera encore des fruits. Cette
parabole s'applique universellement ; dans son application
particulière au « figuier » juif de
l'époque, elle s'accompagnait de conséquences
terribles. Le Baptiste avait crié l'avertissement que la
cognée était déjà prête, et que
tout arbre stérile serait abattu [59].
GUÉRISON
D'UNE FEMME LE JOUR DU SABBAT [60]
Lors
d'un certain sabbat, Jésus enseigna dans une synagogue ;
on ne nous dit pas dans quel endroit, bien que ce fut probablement
dans une des villes de la Pérée. Il y avait là
une femme qui souffrait depuis dix-huit ans d'une infirmité
qui lui avait tellement tiré et atrophié les muscles
qu'elle lui courbait le corps au point qu'elle ne pouvait se
redresser. Jésus l'appela à lui et, sans attendre
qu'elle lui demandât quoi que ce fût, dit simplement :
« Femme, tu es délivrée de ton infirmité. »
Il accompagna ces paroles par l'imposition des mains, aspect de son
ministère guérisseur qu'on ne retrouve pas toujours.
Elle fut immédiatement guérie et se tint debout, et,
reconnaissant la source de la puissance par laquelle elle avait été
délivrée de ses liens, glorifia Dieu en une fervente
prière d'actions de grâce. Il ne fait aucun doute que
beaucoup de spectateurs se réjouirent avec elle, mais il y en
avait un dont l'âme n'était agitée que par
l'indignation, et c'était le chef de la synagogue. Au lieu de
s'adresser à Jésus, dont il craignait peut-être
l'autorité, il laissa libre cours à ses mauvais
sentiments sur le peuple en lui disant qu'il y avait six jours au
cours desquels les hommes devaient travailler, et que lors de ces six
jours ceux qui désiraient être guéris pouvaient
venir, mais pas le jour du sabbat. La réprimande était
ostensiblement adressée au peuple, et en particulier à
la femme qui avait reçu la bénédiction, mais en
réalité elle était dirigée contre Jésus ;
car, s'il y avait un élément de travail quelconque dans
la guérison, c'est lui qui l'avait exécuté, et
non la femme ni les autres. Le Seigneur se tourna alors directement
vers le chef de la synagogue : « Hypocrites !
chacun de vous, pendant le sabbat, ne détache-t-il pas de la
crèche son bœuf ou son âne pour le mener boire ?
Et cette femme, qui est une fille d'Abraham et que Satan tenait liée
depuis dix-huit ans, il n'aurait pas fallu la détacher de ce
lien le jour du sabbat ? »
On
peut déduire que l'affliction de cette femme avait une base
plus profonde que les muscles, car Luc qui était lui-même
médecin [61] nous dit qu'elle était « rendue
infirme par un esprit », et rapporte les paroles
significatives du Seigneur disant que Satan la tenait liée
depuis dix-huit ans. Mais quelle qu'ait été sa maladie,
qu'elle ait été entièrement physique ou
partiellement mentale et spirituelle, la femme fut libérée
de ses liens. De nouveau le Christ triomphait, et ses adversaires
étaient réduits au silence, tandis que les croyants se
réjouissaient. Après avoir réprimandé le
chef de la synagogue, Jésus prononça un bref discours
dans lequel il donna à ces gens quelques-uns des enseignements
qu'il avait déjà donnés en Galilée, entre
autres la parabole du grain de moutarde et du levain [62].
Y
AURA-T-IL BEAUCOUP OU PEU DE PERSONNES QUI SERONT SAUVÉES [63]
Poursuivant
son voyage vers Jérusalem, Jésus enseigna dans un grand
nombre de villes et de villages de Pérée. Sa venue
avait probablement été annoncée par les
soixante-dix, qui avaient été envoyés préparer
le peuple pour son ministère. L'un de ceux qui avaient été
frappés par ses enseignements posa la question :
« Seigneur, n'y a-t-il que peu de gens qui soient
sauvés ? » Jésus répondit :
« Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. Car,
je vous le dis, beaucoup chercheront à entrer et n'en seront
pas capables » [64]. Le Seigneur s'étendit
sur ce conseil pour montrer que la négligence ou le retard à
obéir aux conditions requises pour le salut peuvent avoir pour
résultat la perte de l'âme. Lorsque la porte sera fermée
pour le jugement, beaucoup viendront frapper, et certains
supplieront, disant qu'ils ont connu le Seigneur, ayant mangé
et bu en sa compagnie, et qu'il a enseigné dans leurs rues ;
mais le Seigneur dira à ceux qui ont refusé d'accepter
la vérité lorsqu'elle leur a été
offerte : « Je ne sais pas d'où vous êtes ;
éloignez-vous de moi, vous tous, qui commettez l'injustice. »
Le peuple fut averti que son lignage israélite ne le sauverait
nullement, car il y en avait beaucoup qui n'étaient pas du
peuple de l'alliance qui croiraient et qui seraient sauvés,
tandis que les Israélites indignes seraient jetés
au-dehors [65]. C'est ainsi qu' « il y a des derniers
qui seront premiers et des premiers qui seront derniers ».
JÉSUS
AVERTI DU DESSEIN D'HÉRODE [66]
Le
jour de ce dernier discours, certains Pharisiens vinrent trouver
Jésus avec l'avertissement et le conseil : « Va-t'en,
pars d'ici, car Hérode veut te tuer » [67]. Nous
avons vu jusqu'à maintenant que les Pharisiens avaient une
hostilité ouverte envers le Seigneur ou complotaient
secrètement contre lui ; et certains commentateurs
considèrent cet avertissement comme une autre preuve de la
ruse des Pharisiens - désirant sans doute débarrasser
la province de la présence du Christ ou le pousser vers
Jérusalem, où il se trouverait de nouveau à
portée de main du Tribunal Suprême. Ne devrions-nous pas
être larges d'esprit et charitables dans notre jugement des
intentions d'autrui ? Il ne fait aucun doute qu'il y avait de
braves gens dans la fraternité des Pharisiens [68], et
ceux qui vinrent renseigner le Christ d'un complot contre sa vie
étaient peut-être poussés par des motifs humains
et ont peut-être cru intimement. Il semble très
probable, d'après la réponse de Jésus, qu'Hérode
voulait attenter à la liberté ou à la vie de
notre Seigneur. Il reçut les renseignements avec beaucoup de
sérieux, et le commentaire qu'il en fit est l'une des paroles
les plus fortes qu'il ait prononcées contre quelqu'un :
« Allez dire à ce renard : Voici : je
chasse les démons et j'accomplis des guérisons
aujourd'hui et demain ; et le troisième jour, ce sera
pour moi l'achèvement. » La précision
d'aujourd'hui, de demain et du troisième jour était un
moyen d'exprimer le présent dans lequel le Seigneur agissait
alors, l'avenir immédiat, au cours duquel il continuerait à
prêcher puisque, comme il le savait, le jour de sa mort se
trouvait encore à plusieurs mois de là, et le moment où
son œuvre terrestre serait terminée. Il mit hors de
doute le fait qu'il n'avait pas l'intention de se hâter ni de
couper court à son voyage ou de cesser ses travaux par peur
d'Hérode Antipas, qui par sa ruse et sa méchanceté
était parfaitement représenté par un renard rusé
et meurtrier. Néanmoins, le Christ avait l'intention de
continuer, et il allait d'ailleurs bientôt quitter tout
naturellement la Pérée, qui faisait partie du domaine
d'Hérode, et entrer en Judée ; et à
l'époque qu'il connaissait d'avance, il ferait son entrée
finale à Jérusalem, car c'était dans cette ville
qu'il allait accomplir son sacrifice. « Il ne convient
pas, expliqua-t-il, qu'un prophète périsse hors de
Jérusalem. » Le fait terrible que lui, le Christ,
serait tué dans la ville principale d'Israël lui arracha
cette apostrophe pathétique sur Jérusalem, qu'il répéta
lorsque, pour la première fois, il fit entendre sa voix à
l'intérieur de l'enceinte du temple [69].
[1]
Jn 10:22.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Lc 9:51.
[4]
Jn 10:40, 11:54.
[5]
Lc 9:51-56.
[6]
Jn 4:4-42. Chap. 13 du présent ouvrage.
[7]
9 Lc 9:54 ; cf. 2 R 1:10,12.
[8]
Mt 10:23.
[9]
Lc 9:57-62. Voir chap. 20 du présent ouvrage.
[10]
Lc 10:1-12.
[11]
Cf. Mt 9:37,38 ; voir aussi Jn 4:35.
[12]
Edersheim (vol. II, p. 138) dit : « L'expression ‘si
le fils de la paix est là’ est un hébraïsme
équivalent à ‘si la maison en est digne’
(cf. Mt 10:13) et désigne la personnalité du chef de
famille et l'atmosphère du foyer. »
[13]
Cf. Mt 10: 14. Chap. 21 du présent ouvrage.
[14]
Comparer avec la mission donnée aux soixante-dix à
celle des Douze, Mt 10:5-42, Mc 6:7-11, Lc 9:1-5. Voir chap. 21 du
présent ouvrage.
[15]
Mt 10:5,6 ; 15:24.
[16]
Mt 28:19 ; Mc 16:15.
[17]
D&A 107:25,124:137-140 ; voir aussi Articles de Foi, pp,
255, 258. L'office des soixante-dix a été réinstauré
dans l'Église rétablie ; et à notre époque,
des collèges des soixante-dix existent pour l'œuvre du
ministère. L'office des soixante-dix est un office qui
appartient à la prêtrise supérieure ou Prêtrise
de Melchisédek.
[18]
Lc 10:13-15 ; cf. Mt 11:20-24. Voir chap. 18 du présent
ouvrage.
[19]
Lc 10:17.
[20]
Ap 9:1, 12:8,9. Voir chap. 2 du présent ouvrage.
[21]
Lc 10: 19 ; lire versets 20-24.
[22]
Cf. Mc 16:18, Ac 28:5.
[23]
Ap 12:9, 20:2 ; cf. Gn 3:1-4,14,15.
[24]
Cf. Ap 13:8, 20:12, 21:27.
[25]
Cf. Mc 12:13 ; voir aussi Lc 11:53,54.
[26]
Lc 10:25 37.
[27]
Cf. Gn 22:1.
[28]
Cf. Mt 19:16, Mc 10:17, Lc 18:18.
[29]
Lc 10:27 ; cf. Dt 6:5 et Lv 19:18 ; voir aussi Mt 22:35-40.
[30]
Lc 10:30-37.
[31]
Mt 18:21,22 ; cf. Lc 17:4. Chap. 24 du présent ouvrage.
[32]
Dt 22:4 ; cf. Ex 23:5.
[33]
Lc 10:38-42. Note 2, fin du chapitre.
[34]
Jn 11:5.
[35]
Cf. Jn 12:2,3.
[36]
Lc 11:1-13.
[37]
Chap. 17.
[38]
Lc 18:2-5 ; lire versets 1 et 6-8. Voir aussi D&A 101:81-94.
[39]
Lc 18:1 ; cf. 21:36, Rm 12:12, Ep 6:18, Col 4:2, 1 Th 5:17.
[40]
Lc 11:37-54.
[41]
Lc 11:14-18. Voir chap. 18 du présent ouvrage.
[42]
Lc 11:29-36. Voir chap. 18 du présent ouvrage.
[43]
Mt 23 ; voir chapitre 31, infra.
[44]
Lc 2:1-12.
[45]
Chap. 22.
[46]
Chap. 25.
[47]
Lc 12:14-21.
[48]
Comparer avec le sort qui s'abattit sur Nebucadnetsar, alors même
qu'il proférait encore des paroles orgueilleuses et vantardes
(Dn 4:24-33), et celui de Belchatsar, devant les yeux duquel apparut
la main du destin au milieu de son orgie ; cette nuit-là
l'âme du roi lui fut redemandée (Dn 5).
[49]
Ec 2:18,19 ; cf. les versets suivants ; voir aussi Ps
39:6,49:6-20, Job 27:16,17.
[50]
Lc 12:22-31 ; cf. Mt 6:25-34
[51]
Cf. Mt 6:20.
[52]
Lc 12:35-48.
[53]
Lc 12:49-57 ; cf. Mt 10:34-37.
[54]
Lc 13:1-5.
[55]
Josèphe, Guerres, II, 9:4 et chap. 22 du présent
ouvrage
[56]
Cf. Jn 9:2, 3 et chap. 25 du présent ouvrage.
[57]
Jb 4:7, 8:2-14, 20, 22:5.
[58]
Lc 13:6-9.
[59]
Lc 3:9.
[60]
Lc 13:11-17.
[61]
Co 4:14.
[62]
Lc 13:19:21 ; voir aussi chap. 19 du présent ouvrage.
[63]
Lc 13:23-30. Note 3, fin du chapitre.
[64]
Cf. Mt 7:13.
[65]
Cf. Mt 7:23, 8:11,12, 19:30, Mc 10:31.
[66]
Lc 13:31-33.
[67]
Dans la version révisée [anglaise, ndt] la
dernière proposition est « car Hérode
aimerait te tuer ».
[68]
Paul l'apôtre avait été un Pharisien du genre le
plus strict (Actes 23:6, 26:5).
[69]
Lc 13:34, 35 ; cf. Mt 23:37 39.
NOTES
DU CHAPITRE 26
1.
Le ministère du Christ après son départ final de
Galilée : Jean nous dit que lorsque Jésus quitta
la Galilée pour aller à Jérusalem assister à
la fête des Huttes, il y alla « non pas de façon
manifeste, mais comme en secret » (7:10). Il semble
improbable que les œuvres nombreuses que rapportent les
écrivains synoptiques dans le cadre du ministère de
notre Seigneur, et qui s'étendaient de la Galilée à
travers la Pérée, en Samarie et dans des parties de la
Judée, aient pu se produire au cours de ce voyage particulier,
et pour ainsi dire secret, à l'époque de la fête
des Huttes. Le désaccord qui existe parmi les auteurs quant à
la succession des événements dans la vie du Christ est
très grand. Une comparaison des « harmonies »
publiées dans les principaux auxiliaires bibliques donne
l'exemple de ces vues divergentes. Le sujet des enseignements de
notre Seigneur conserve sa valeur intrinsèque indépendamment
des événements, qui ne sont qu'accessoires. L'extrait
suivant de Farrar (Life of Christ, chap. 42) sera utile à
l'étudiant, qui doit cependant se souvenir que, du propre aveu
de l'auteur, ce n'est qu'un arrangement provisoire ou possible. « Il
est bien connu que toute une grande section de saint Luc - de 9:51 à
18:30 - forme un épisode du récit évangélique
dont beaucoup d'événements ne sont racontés que
par cet évangéliste uniquement, et dans lequel les
quelques données de temps et de lieu indiquent toutes un
voyage lent et solennel de Galilée à Jérusalem
(9:51, 13:22, 17:11, 10:38). Après la fête de la
Dédicace, notre Seigneur se retira en Pérée
jusqu'à ce qu'il en fût rappelé par la mort de
Lazare (Jn 10:40, 42, 11:1-46) ; après la résurrection
de Lazare, il s'enfuit en Éphraïm (11:54), et il ne
quitta sa retraite d'Éphraïm que lorsqu'il se rendit à
Béthanie, six jours avant sa dernière Pâque
(12:1).
Ce
grand voyage de Galilée à Jérusalem, si riche en
événements qui donnèrent lieu à certaines
de ses paroles les plus mémorables, dut donc être soit
un voyage vers la fête des Huttes ou vers la fête de la
Dédicace. On peut considérer comme établi qu'il
ne pouvait s'agir de la première, surtout parce que ce
voyage-là était rapide et secret, tandis que celui-ci
était éminemment public et lent.
« Presque
tous les enquêteurs semblent différer dans une mesure
plus ou moins grande quant à la succession et à la
chronologie exacte des événements qui suivent. Sans
entrer dans des analyses minutieuses et ennuyeuses, où il est
impossible d'arriver à une certitude absolue, je raconterai
cette période de la vie de notre Seigneur dans l'ordre qui,
après une étude répétée des
évangiles, me semble être le plus probable, et dans les
détails duquel je me suis trouvé confirmé à
maintes reprises par les conclusions d'autres chercheurs
indépendants. Je ne donnerai ici que ma conviction :
« 1.
L'épisode de saint Luc jusqu'à 18:30 se rapporte
principalement à un voyage unique, bien que l'unité de
sujet, ou d'autres causes, ait pu amener l'auteur sacré à
inclure à son récit certains événements
ou paroles qui appartiennent à une époque antérieure
ou ultérieure.
« 2.
L'ordre des faits rapportés même par saint Luc seul
n'est pas, et ne prétend en aucune façon être
strictement chronologique, de sorte que le lieu d'un événement
quelconque dans le récit n'indique pas nécessairement
sa place véritable dans l'ordre du temps.
« 3.
Ce voyage est identique à celui qui est rapporté
partiellement dans Mt 18:1, 20:16, Mc 10:1-31.
« 4.
(Comme des preuves internes semblent le démontrer) les
événements rapportés dans Mt 20:17-28, Mc
10:32-45, Lc 18:31-34, n'appartiennent pas à ce voyage mais au
dernier que Jésus fit : le voyage d'Éphraïm à
Béthanie et à Jérusalem. »
2.
Jésus à la maison de Béthanie : Certains
auteurs (par ex. Edersheim) placent cet événement dans
le cours du voyage de notre Seigneur pour assister à la fête
des Huttes ; d'autres (par ex. Geikie) pensent qu'il se
produisit immédiatement après cette fête ;
d'autres encore (par ex. Farrar) le placent la veille de la fête
de la Dédicace, presque trois mois plus tard. La place que
nous lui donnons dans le texte est celle à laquelle il
apparaît dans le récit scripturaire.
3.
N'y en aura-t-il que peu qui seront sauvés ? : Nous
apprenons par la révélation des derniers jours que des
degrés de conditions nous attendent dans l'au-delà, et
qu'au-delà du salut il y a les gloires élevées
de l'exaltation. Les royaumes (ou gloires) spécifiés
des rachetés, à l'exception des fils de perdition, sont
le céleste, le terrestre et le téleste. Nous voyons que
ceux qui trouveront place dans le téleste, le plus bas des
trois, sont « aussi innombrables que les étoiles du
firmament ou que le sable sur les bords de la mer ». Et
ils ne seront pas tous égaux « car ils seront jugés
selon leurs œuvres, et chacun recevra selon ses propres œuvres
sa propre domination dans les demeures qui sont préparées.
Et ils seront les serviteurs du Très-Haut ; mais ils ne
peuvent aller là où Dieu et le Christ demeurent, aux
siècles des siècles » voir D&A 76:111,
112, lire la section tout entière ; voir aussi les
Articles de Foi, p. 493-499.
CHAPITRE
27 : SUITE DU MINISTÈRE PÉRÉEN
ET JUDÉEN
CHEZ
L'UN DES PRINCIPAUX PHARISIENS [1]
Lors
d'un sabbat, Jésus fut reçu chez un Pharisien éminent.
Un homme affligé d'hydropisie était là ; il
se peut qu'il soit venu dans l'espoir de recevoir une bénédiction,
ou bien sa présence avait peut-être été
préparée par l'hôte ou d'autres afin de tenter
Jésus d'opérer un miracle pendant le jour saint. On
pensait certainement que le Seigneur exercerait son pouvoir
guérisseur, si on ne le sous-entendit pas ou ne le suggéra
pas ouvertement, car nous lisons que « Jésus prit
la parole et dit aux docteurs de la loi et aux Pharisiens :
Est-il permis ou non d'opérer une guérison pendant le
sabbat [2] ? » Nul ne se hasarda à
répondre. Jésus guérit l'homme immédiatement ;
puis il se tourna vers le groupe assemblé et demanda :
« Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans
un puits, ne l'en retirera pas aussitôt, le jour du
sabbat [3] ? » Les savants exégètes
de la loi restèrent prudemment silencieux.
Observant
les efforts avides des hôtes du Pharisien pour s'assurer de
bonnes places à table, Jésus leur donna une leçon
de politesse, faisant ressortir non seulement le bon ton mais aussi
l'avantage d'une décente maîtrise de soi. Un invité
ne pouvait pas se choisir lui-même la place d'honneur, car
quelqu'un de plus distingué que lui pouvait venir, et l'hôte
dirait : « Cède-lui la place. »
Vient ensuite la morale : « En effet quiconque
s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse
sera élevé » [4].
Cette
assemblée de personnes chez le chef des Pharisiens comprenait
des gens importants, des riches et des notables, des dirigeants
pharisiens, des savants renommés, des rabbis célèbres
et autres. Examinant cette compagnie distinguée, Jésus
dit : « Lorsque tu donnes à dîner ou à
souper, ne convie pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents,
ni des voisins riches, de peur qu'ils ne t'invitent à leur
tour et que ce ne soit ta rétribution. Mais lorsque tu donnes
un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des
aveugles. Et tu seras heureux, puisqu'ils n'ont pas de quoi te
rétribuer ; car tu seras rétribué à
la résurrection des justes. » Ce bon conseil fut
interprété comme un reproche, et quelqu'un essaya de
dissiper la gêne en s'exclamant : « Heureux
celui qui prendra son repas dans le royaume de Dieu » [5].
Cette remarque était une allusion à la grande fête
qui, selon le traditionalisme juif, devait être une
caractéristique importante dans l'ère messianique.
Jésus profita promptement de cette circonstance en racontant
la profonde parabole des invités :
« Un
homme donna un grand repas et invita beaucoup de gens. À
l'heure du repas, il envoya son serviteur dire aux invités :
Venez, car tout est déjà prêt. Mais tous
unanimement se mirent à s'excuser. Le premier lui dit :
J'ai acheté un champ et je suis contraint d'aller le voir ;
tiens-moi, je te prie, pour excusé. Un autre dit : J'ai
acheté cinq paires de bœufs, et je vais les essayer ;
tiens-moi, je te prie pour excusé. Un autre dit : Je
viens de me marier, et c'est pourquoi je ne puis venir. Le serviteur,
de retour, rapporta ces choses à son maître. Alors le
maître de maison, irrité, dit à son serviteur :
Va promptement sur les places et dans les rues de la ville, et amène
ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux.
Le serviteur dit : Maître, ce que tu as ordonné a
été fait, et il y a encore de la place. Et le maître
dit au serviteur : Va par les chemins et le long des haies,
contrains les gens d'entrer afin que ma maison soit remplie. Car, je
vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été
invités ne goûtera de mon repas [6] »
Cette
histoire implique que les invitations avaient été
lancées suffisamment à l'avance aux invités
choisis ; ensuite le jour de la fête, un messager fut
envoyé les avertir de nouveau, comme c'était la coutume
de l'époque. Bien qu'appelé souper [version du roi
Jacques, ndt], le repas devait être somptueux ; en outre,
le repas principal du jour était communément appelé
souper. L'un après l'autre les hommes déclinèrent
l'invitation, l'un disant : « Excuse-moi, je te
prie », un autre : « Je ne puis venir. »
Les activités qui occupaient le temps et l'attention de ceux
qui avaient été conviés ou, comme nous le
dirions, invités, à la fête, n'étaient pas
critiquables en elles-mêmes, et encore moins coupables ;
mais laisser arbitrairement des affaires personnelles annuler un
engagement honorable une fois qu'on l'avait accepté, c'était
faire preuve de manque de courtoisie, de respect et constituait
presque une insulte envers celui qui arrangeait la fête.
L'homme qui avait acheté un champ pouvait remettre
l'inspection à plus tard ; celui qui venait d'acheter du
bétail aurait pu attendre un jour pour l'essayer sous le
joug ; et le jeune marié aurait pu laisser son épouse
et ses amis pendant la durée du repas auquel il avait promis
d'assister. Aucune de ces personnes ne voulait y assister, c'est
évident. C'est à bon droit que le maître était
en colère. Son commandement de faire entrer les pauvres, les
estropiés, les aveugles et les boiteux des rues de la ville
dut rappeler à ceux qui écoutaient le récit de
notre Seigneur le conseil qu'il avait donné quelques minutes
auparavant concernant le genre d'hôtes que le riche pouvait
inviter avec profit pour son âme. Le fait que le maître
envoya son serviteur une deuxième fois, cette fois dans les
chemins et le long des haies en dehors des murs de la ville, pour
faire entrer même les pauvres de la campagne, indique de sa
part une bienveillance sans limite et une décision bien
arrêtée.
Il
laissa aux savants à qui l'histoire était adressée
le soin d'expliquer la parabole. Certains d'entre eux en sonderaient
certainement le sens, du moins en partie. Le peuple de l'alliance,
Israël, était les hôtes spécialement
invités. Ils avaient été invités
longtemps à l'avance et, en professant eux-mêmes
appartenir au Seigneur, avaient accepté de prendre part à
la fête. Lorsque tout fut prêt, le jour désigné,
ils furent respectivement invités par le Messager qui avait
été envoyé par le Père ; il était
à ce moment même au milieu d'eux. Mais les soucis des
richesses, l'attrait des choses matérielles et les plaisirs de
la vie sociale et domestique les occupaient tout entiers, et ils
demandaient à être excusés ou déclaraient
irrespectueusement qu'ils ne pouvaient pas ou ne voulaient pas venir.
Alors la joyeuse invitation devait être portée aux
Gentils, qui étaient considérés comme
spirituellement pauvres, estropiés, aveugles et boiteux. Et
plus tard, même les païens en dehors des murs, les
étrangers dans les portes de la ville sainte seraient invités
au repas. Ceux-ci, surpris de cette invitation inattendue,
hésiteraient, jusqu'au moment où, par des exhortations
et des assurances véritables qu'ils étaient réellement
compris parmi les invités, ils se sentiraient contraints ou
obligés de venir. Les dernières paroles du Seigneur
prévoient que certaines des personnes impolies arriveraient
plus tard, après s'être occupées de leurs
affaires plus absorbantes : « Car, je vous le dis,
aucun de ces hommes qui avaient été invités ne
goûtera de mon repas. »
CALCUL
DE LA DÉPENSE [7]
Comme
il en avait été en Galilée, de même en
fut-il en Pérée et en Judée : de grandes
multitudes écoutaient le Maître partout où il
apparaissait en public. Une fois, lorsqu'un scribe s'était
présenté comme disciple, s'offrant à suivre le
Maître partout où il allait, Jésus avait attiré
son attention sur l'abnégation, les privations et les
souffrances qui accompagneraient ce service dévoué ;
l'enthousiasme de cet homme avait disparu [8]. C'est ainsi que
Jésus appliquait maintenant à la multitude empressée
une épreuve de sincérité. Il ne voulait que des
disciples sincères, pas des enthousiastes d'un jour, prêts
à déserter sa cause lorsque celle-ci aurait le plus
besoin d'efforts et de sacrifices. C'est ainsi qu'il tria le peuple :
« Si quelqu'un vient à moi, et s'il ne hait pas son
père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères
et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être
mon disciple. » Il ne voulait pas dire par là qu'il
fallait absolument haïr littéralement sa famille pour
être son disciple ; en fait l'homme qui se livre à
la haine ou à toute autre passion mauvaise doit se repentir et
se réformer. Le message, c'était que chez ceux qui
avaient assumé les obligations de disciples, le devoir envers
Dieu devait l'emporter sur les exigences personnelles [9].
Comme
Jésus le fit remarquer, le bon sens veut que l'on calcule bien
les dépenses avant de se lancer dans une grande entreprise,
même dans les affaires ordinaires. L'homme qui désire
construire, disons une tour ou une maison, essaie de calculer la
dépense avant de commencer ; sinon il se peut qu'il ne
soit pas capable de faire plus que poser les fondations ; alors
il ne se trouvera pas seulement perdre tout, car le bâtiment
non fini ne sera d'aucune utilité, mais les gens risquent de
se moquer de son manque de prévoyance. De même un roi,
voyant son royaume menacé par des envahisseurs hostiles, ne se
lance pas imprudemment au combat ; il essaie tout d'abord de
s'informer de la puissance des forces ennemies ; et puis, si les
risques sont trop grands, il envoie un ambassadeur pour traiter la
paix. « Ainsi donc », dit Jésus aux gens
qui l'entouraient, « quiconque d'entre vous ne renonce pas
à tout ce qu'il possède ne peut être mon
disciple. » Il serait attendu de tous ceux qui entraient à
son service qu'ils gardent leur dévouement désintéressé.
Il ne voulait pas de disciples qui deviendraient comme du sel qui se
serait gâté, sans saveur, inutile. « Que
celui qui a des oreilles pour entendre, entende » [10].
PARABOLES
ILLUSTRANT LE SALUT POUR LES « PÉAGERS ET LES
PÉCHEURS » [11]
Les
Pharisiens de Galilée avaient critiqué Jésus
avec intolérance à cause de son ministère amical
et secourable parmi les publicains et leurs pareils que, sans faire
de distinction, on appelait péjorativement « péagers
et pécheurs » [12]. Il avait répliqué
à ces qualificatifs peu charitables en disant que c'est
surtout ceux qui sont malades qui ont besoin du médecin, et
qu'il était venu appeler les pécheurs au repentir. Les
Pharisiens judéens formulèrent une plainte semblable et
furent particulièrement virulents lorsqu'ils virent que « tous
les péagers et les pécheurs » s'approchaient
pour l'entendre. Il répondit à leurs murmures en
présentant un certain nombre de paraboles dont le but était
de montrer le devoir qui leur incombait d'essayer de ramener dans le
droit chemin ceux qui étaient perdus et la joie qu'ils
obtiendraient en réussissant cette entreprise divine. La
première de cette série de paraboles était celle
de la brebis perdue ; nous l'avons examinée lorsqu'elle
fut prononcée pour la première fois pendant qu'il
instruisait ses disciples en Galilée [13]. Mais son
application dans le cas présent est quelque peu différente
de sa première présentation. En cette dernière
occasion, la leçon s'adresse aux Pharisiens et aux scribes
égoïstes qui personnifiaient la théocratie, et
dont le devoir aurait obligatoirement dû être de
s'occuper des égarés et des perdus. Si les « péagers
et les pécheurs », que ces ecclésiastiques
méprisaient si généralement, étaient
aussi mauvais qu'on les disait, si c'étaient des hommes qui
avaient quitté le sentier bordé de haies épaisses
de la loi et étaient devenus apostats dans une certaine
mesure, c'était à ceux-là que l'on devait tendre
le plus la main secourable du service missionnaire. Nous ne voyons
jamais Jésus défendre les prétendues mauvaises
pratiques de ces « péagers et de ces pécheurs »
lorsque les Pharisiens insultent ou dénoncent ouvertement
ceux-ci ; son attitude vis-à-vis de ces personnes
spirituellement malades était celle d'un médecin
dévoué : son souci pour ces brebis égarées
était celui d'un berger aimant dont le plus grand désir
était de les retrouver et de les ramener au troupeau. Ni le
système théocratique globalement ni ses dirigeants
personnellement n'essayaient même de le faire. Le berger,
retrouvant la brebis qui était perdue, ne pense pas à
ce moment à la réprimander ou à la punir ;
au contraire, lorsqu'il l'a trouvée, il la met avec joie sur
ses épaules, et, de retour à la maison, il appelle chez
lui ses amis et ses voisins et leur dit : Réjouissez-vous
avec moi, car j'ai trouvé ma brebis qui était perdue ».
On
trouve une application directe de la parabole dans le discours que le
Seigneur fit aux Pharisiens et aux scribes : « De
même, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour
un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf
justes qui n'ont pas besoin de repentance. » Étaient-ils
les quatrevingt-dix-neuf personnes qui, à leur avis, ne
s'étaient pas égarées, étant des
« justes, qui n'ont pas besoin de repentance » ?
Certains lecteurs disent qu'ils relèvent cette note de
sarcasme justifiée dans les dernières paroles du
Maître. Dans la première partie de l'histoire, le
Seigneur lui-même apparaît comme le Berger plein de
sollicitude, et cela implique clairement que c'est son exemple que
les dirigeants théocratiques devaient imiter. Pareille
conception fait des Pharisiens et des scribes des bergers plutôt
que des brebis. Les deux explications sont valables ; et chacune
a sa valeur, puisqu'elle décrit la situation et le devoir de
ceux qui professent être les serviteurs du Maître à
toutes les époques.
Sans
s'interrompre, le Seigneur passa de l'histoire de la brebis perdue à
la parabole de la drachme perdue.
« Ou
quelle femme, si elle a dix drachmes et qu'elle perd une drachme,
n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin,
jusqu'à ce qu'elle la trouve ? Lorsqu'elle l'a trouvée,
elle appelle chez elle ses amies et ses voisines et dit :
Réjouissez-vous avec moi, car j'ai trouvé la drachme
que j'avais perdue. De même, je vous le dis, il y a de la joie
devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent. »
Entre
cette parabole et celle de la brebis perdue il y a certaines
différences notables, bien que dans chacune la leçon
soit en général la même. La brebis s'était
perdue de sa propre volonté ; on avait laissé
tomber la drachme, et elle fut ainsi perdue par suite de
l'inattention ou de la négligence coupable de sa propriétaire.
La femme, découvrant sa perte, entreprend une recherche
diligente ; elle balaie la maison, peut-être
découvre-t-elle des coins sales, des araignées qu'elle
avait oubliées dans sa satisfaction d'être une ménagère
extérieurement propre et normale. Sa recherche est récompensée
par la récupération de la drachme perdue et est
également profitable en ce qu'elle cause le nettoyage de sa
maison. Sa joie est comme celle du berger revenant chez lui avec la
brebis sur les épaules - jadis perdue mais maintenant
retrouvée.
On
peut considérer la femme qui, par manque de soin, avait perdu
la précieuse drachme comme une représentation de la
théocratie de l'époque et de l'institution qu'est
l'Église à une époque quelconque ; alors
les drachmes, étant chacune une monnaie authentique du
royaume, portant l'image du grand Roi, sont les âmes confiées
aux soins de l'Église ; et la drachme perdue symbolise
les âmes que les ministres autorisés de l'Évangile
du Christ négligent et que, pendant un certain temps du moins,
ils perdent de vue. Ces brèves illustrations furent suivies
d'une autre dont les images sont encore plus riches et dont les
détails sont plus frappants. C'est l'inoubliable parabole du
fils prodigue [14].
« Il
dit encore : Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à
son père : Mon père, donne-moi la part de la
fortune qui doit me revenir. Et le père leur partagea son
bien. Peu de jours après, le plus jeune fils rassembla tout ce
qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dissipa sa
fortune en vivant dans la débauche. Lorsqu'il eut tout
dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il
commença à manquer (de tout). Il se lia avec un des
habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs faire paître
les pourceaux. Il aurait bien désiré se rassasier des
carouges que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en
donnait. Rentré en lui-même, il se dit : Combien
d'employés chez mon père ont du pain en abondance, et
moi ici, je péris à cause de la famine. Je me lèverai,
j'irai vers mon père et lui dirai : Père, j'ai
péché contre le ciel et envers toi ; je ne suis
plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi
comme l'un de tes employés. Il se leva et alla vers son père.
Comme il était encore loin, son père le vit et fut
touché de compassion, il courut se jeter à son cou et
l'embrassa. Le fils lui dit : Père, j'ai péché
contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être
appelé ton fils. Mais le père dit à ses
serviteurs : Apportez vite la plus belle robe et mettez-la lui ;
mettez-lui une bague au doigt, et des sandales pour ses pieds. Amenez
le veau gras, et tuezle. Mangeons et réjouissons-nous ;
car mon fils que voici était mort, et il est revenu à
la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et
ils commencèrent à se réjouir. Or, le fils aîné
était dans les champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la
maison, il entendit la musique et des danses. Il appela un des
serviteurs et s'informa de ce qui se passait. Ce dernier lui dit :
Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été
rendu en bonne santé, ton père a tué le veau
gras. Il se mit en colère et ne voulut pas entrer. Son père
sortit pour l'y inviter. Alors il répondit à son père :
Voici : il y a tant d'années que je te sers, jamais je
n'ai désobéi à tes ordres, et à moi
jamais tu n'as donné un chevreau pour me réjouir avec
mes amis. Mais quand ton fils que voilà est arrivé,
celui qui a dévoré ton bien avec des prostituées,
pour lui tu as tué le veau gras ! Toi, mon enfant, lui
dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est
à toi ; mais il fallait bien se réjouir et
s'égayer, car ton frère que voilà était
mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu,
et il est retrouvé. »
Le
fils cadet réclama une partie du patrimoine, du vivant même
de son père : c'est là un cas de désertion
délibérée, témoignant d'un manque de
piété filiale ; il avait conçu un dégoût
pour les devoirs que l'on doit remplir en coopération dans la
famille et de l'irritation pour la discipline saine du foyer. Il
était décidé à rompre tous les liens
familiaux, oubliant ce que le foyer avait fait pour lui et la dette
de gratitude et de devoir par laquelle il était moralement
lié. Il s'en alla dans un pays lointain et, croyait-il, hors
de portée de l'influence directrice de son père. Il eut
son temps de grande vie, de débauche sans frein et de plaisirs
néfastes, y gaspillant la force de son corps et de son esprit,
et dilapidant les biens de son père ; car ce qu'il avait
reçu lui avait été donné comme une
concession et n'était pas l'accession à une demande
légale ou juste. L'adversité s'abattit sur lui et
s'avéra un meilleur maître que le plaisir. Il fut réduit
au service le plus bas et le plus humble, celui de la garde des
pourceaux, occupation qui, pour un Juif, était la dégradation
la plus extrême. La souffrance lui fit reprendre ses esprits.
Lui, le fils de parents honorables, faisait paître des
pourceaux et mangeait avec eux, alors que même les employés
chez lui avaient de la bonne nourriture en abondance et de réserve.
Il se rendit compte non seulement de la stupidité qu'il avait
commise en quittant la table bien fournie de son père pour se
repaître avec les pourceaux, mais aussi de l'impiété
de sa désertion égoïste ; il n'était
pas seulement rempli de remords mais aussi repentant. Il avait péché
envers son père et contre Dieu ; il allait retourner chez
lui, confesser son péché et demander, non pas à
être rétabli comme fils, mais à recevoir la
permission de travailler comme employé. S'étant décidé,
il ne tarda pas mais entreprit immédiatement le long voyage de
retour vers sa maison et son père.
Le
père apprit l'approche du prodigue et se hâta de venir à
sa rencontre. Sans un seul mot pour le condamner, le père
aimant étreignit et embrassa le garçon débauché
mais maintenant pénitent qui, accablé de cette
affection imméritée, reconnut humblement son erreur et
confessa douloureusement qu'il n'était pas digne d'être
appelé fils de son père. Il est à remarquer que
dans sa confession contrite il ne demanda pas à être
accepté comme employé comme il avait résolu de
le faire ; la joie de son père était trop sacrée
pour être ainsi gâchée ; le meilleur moyen de
plaire à son père était de se mettre sans
réserve à la disposition de celuici. Le rude
vêtement de la pauvreté fut remplacé par la
meilleure robe ; une bague lui fut placée au doigt comme
signe de rétablissement ; les sandales montrèrent
qu'il était de nouveau accepté comme fils, et non Comme
employé. Le bonheur qui gonflait le cœur du père
ne pouvait s'exprimer qu'en abondantes actions de bonté ;
une fête fut préparée, car le fils que l'on
considérait comme mort n'était-il pas vivant ?
Celui qui avait été perdu n'avait-il pas été
retrouvé ?
Jusque
là l'histoire montre une grande ressemblance avec les deux
paraboles qui la précèdent dans le même
discours ; la partie suivante introduit un autre symbolisme
important. Personne ne s'était plaint de la récupération
de la brebis perdue ni de la découverte de la drachme perdue ;
dans chaque cas, des amis s'étaient réjouis avec le
propriétaire. Mais le bonheur du père au retour du
prodigue fut interrompu par les protestations de l'aîné.
Celui-ci, en s'approchant de la maison, avait remarqué qu'elle
avait un air de fête et, au lieu d'entrer comme c'était
son droit, avait demandé à l'un des serviteurs quelle
était la cause de ces réjouissances extraordinaires.
Apprenant que son frère était revenu et que le père
avait préparé une fête en l'honneur de cet
événement, le fils aîné se mit en colère
et refusa, furieux, d'entrer dans la maison, même après
que le père fut sorti pour le supplier. Il cita sa fidélité
et son dévouement aux travaux routiniers de la ferme,
prétentions d'excellence que le père ne nia pas ;
mais le fils héritier reprocha à son père de ne
pas lui avoir donné autant, lorsqu'il était jeune, pour
s'amuser avec ses amis ; tandis que maintenant que le fils impie
et dépensier était revenu, le père était
allé jusqu'à tuer le veau gras pour lui. Il y a un sens
particulier dans les termes par lesquels l'aîné désigne
le frère pénitent : « ton fils »,
plutôt que « mon frère ». L'aîné,
rendu sourd par la colère égoïste, refusa
d'écouter l'assurance affectueuse : « Toi, mon
enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce que j'ai est à
toi », et, le cœur endurci par une haine peu
fraternelle, il ne se laissa pas toucher par l'éclat ému
et aimant : « Ton frère que voilà était
mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu,
et il est retrouvé. »
Nous
n'avons pas le droit d'exalter la vertu de repentir du prodigue
au-dessus des services loyaux et pénibles de son frère
qui était resté au foyer, fidèle aux devoirs
exigés de lui. Le fils dévoué était
l'héritier ; le père ne minimisait pas sa valeur
ni ne niait ses mérites, Le déplaisir qu'il manifesta à
cause de la joie qu'avait provoquée le retour de son frère
débauché était une preuve de manque de
générosité et d'étroitesse d'esprit ;
mais des deux frères, c'était l'aîné qui
était le plus fidèle quels qu'aient pu être ses
défauts mineurs. Mais l'élément que le Seigneur
souligna dans cette leçon avait trait à ses deux
faiblesses : le manque de charité et l'égoïsme.
Les
Pharisiens et les scribes, à qui ce chef-d'œuvre
d'exemple fut donné, durent le prendre pour eux-mêmes.
Ils étaient représentés par le fils aîné,
laborieusement attentif à la routine, peinant méthodiquement
sous le petit train-train quotidien dans les travaux multiples des
champs, sans s'intéresser à autre chose qu'à
lui-même et refusant d'accueillir un péager repentant ou
un pécheur pénitent. Ils s'éloignaient de tous
ceux-là ; ces gens-là pouvaient être pour le
Père indulgent et miséricordieux « ton
fils » mais ne seraient jamais un frère pour eux.
Ils ne se souciaient pas de savoir qui ni combien étaient
perdus, tant qu'on ne les dérangeait pas dans leur héritage
et leurs biens par le retour des prodigues pénitents. Mais la
parabole ne s'adressait pas uniquement à eux ; c'est une
plante éternelle produisant le fruit d'une doctrine saine et
une nourriture parfaite pour l'âme pour tous les temps. Il ne
s'y trouve pas un seul mot qui approuve ou excuse le péché
du prodigue ; celui-ci, le Père ne pouvait le considérer
avec le moindre degré d'indulgence [15] ; mais Dieu
et la maison du ciel se réjouissaient du repentir et de la
contrition profonde de ce pécheur.
Les
trois paraboles, qui figurent dans le récit scripturaire sous
la forme de parties d'un discours continu, décrivent
unanimement la joie qui abonde dans le ciel lorsque l'on retrouve une
âme comptée auparavant parmi celles qui étaient
perdues, que cette âme soit symbolisée par une brebis
qui s'est éloignée, une drachme perdue de vue du fait
de la négligence de son propriétaire, ou un fils qui se
sépare délibérément du foyer et du ciel.
Rien ne justifie la déduction qu'un pécheur repentant
sera préféré à une âme juste qui a
résisté au péché ; si telle était
la voie de Dieu, alors le Christ, l'homme pur par excellence, serait
surpassé dans l'estime du Père par des transgresseurs
régénérés. Aussi formellement scandaleux
que soit le péché, le pécheur est cependant
précieux aux yeux du Père, parce qu'il lui est possible
de se repentir et de revenir à la justice. La perte d'une âme
est une perte très réelle et très grande pour
Dieu. Il en est peiné et affligé, car sa volonté
est qu'il n'en périsse pas une seule [16].
LES
DISCIPLES INSTRUITS PAR PARABOLE
S'adressant
plus directement aux disciples présents, qui en cette occasion
comprenaient, outre les apôtres, beaucoup de croyants, parmi
lesquels même certains péagers, Jésus raconta la
parabole de l'intendant infidèle [17].
« Jésus
dit aussi aux disciples : Il y avait un homme riche qui avait un
intendant, et celui-ci lui fut dénoncé comme dissipant
ses biens. Il l'appela et lui dit : Qu'est-ce que j'entends dire
de toi ? Rends compte de ton intendance car, tu ne pourras plus
être mon intendant. L'intendant se dit en en lui-même :
Que ferai-je, puisque mon maître m'ôte l'intendance (de
ses biens) ? Piocher la terre ? je n'en ai pas la force.
Mendier ? J'en ai honte. Je sais ce que je ferai, pour qu'il y
en ait qui me reçoivent dans leurs maisons, quand je serai
relevé de mon intendance. Alors il fit appeler chacun des
débiteurs de son maître et dit au premier : Combien
dois-tu à mon maître ? Cent mesures d'huile,
répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet,
assieds-toi vite, écris : Cinquante. Il dit ensuite à
un autre : Et toi, combien dois-tu ? Cent mesures de blé,
répondit-il. Et il lui dit : Prends ton billet et écris :
Quatre-vingts. Le maître loua l'économe infidèle
de ce qu'il avait agi en homme prudent, Car les enfants de ce siècle
sont plus prudents à l'égard de leurs semblables que ne
le sont les enfants de lumière. »
Les
trois paraboles précédentes enseignaient leurs leçons
par des rapports d'analogie étroite et des similarités
intimes ; celle-ci enseigne plutôt par son contraste des
situations. L'intendant de l'histoire était l'agent dûment
autorisé de son employeur, étant ce que nous
appellerions le fondé de pouvoir de son maître [18].
Il fut appelé à rendre des comptes parce que le bruit
de ses gaspillages et de son manque de soin était parvenu aux
oreilles du maître. L'intendant ne nia pas sa culpabilité
et reçut immédiatement son renvoi. Il lui faudrait
beaucoup de temps pour faire ses comptes afin de pouvoir confier son
intendance à son successeur. Cet intervalle, pendant lequel il
conserva son autorité, il décida de l'utiliser dans la
mesure du possible à son avantage, même s'il continuait
ainsi à nuire aux intérêts de son maître.
Il prévit l'état de dépendance dans lequel il se
trouverait bientôt. Par manque d'économie et par
extravagance, il avait négligé d'épargner de
l'argent sur ce qu'il avait gagné ; il avait gaspillé
ses biens et ceux de son seigneur. Il se sentait inapte à un
travail manuel dur ; et il serait honteux de mendier, en
particulier dans la communauté dans laquelle il avait
abondamment dépensé et où il jouissait d'une
influence considérable. Dans le but d'en mettre d'autres sous
sa dépendance pour pouvoir plus facilement faire appel à
eux lorsqu'il serait déposé, il appela les débiteurs
de son seigneur et les autorisa à changer leurs billets à
ordre, factures ou notes et à y inscrire une dette inférieure.
Il ne fait aucun doute que ces actes étaient malhonnêtes ;
ils nuisaient à son employeur et enrichissaient les débiteurs
dont il espérait profiter. La plupart d'entre nous sont
surpris de savoir que le maître, apprenant ce que son économe
prévoyant, quoique égoïste et malhonnête,
avait fait, a pardonné l'offense et l'a même félicité
de sa prévoyance, parce qu'il « avait agi en homme
prudent ».
À
propos de la morale de cette parabole, Jésus dit [19] :
« Car les enfants de ce siècle sont plus prudents à
l'égard de leurs semblables que ne le sont les enfants de
lumière. Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec
les richesses injustes, pour qu'ils vous reçoivent dans les
tabernacles éternels, quand elles vous feront défaut. »
Le but de notre Seigneur était de faire ressortir le contraste
entre le soin, l'attention et la dévotion des hommes engagés
dans les affaires financières de la terre, et l'attitude à
demi réticente de beaucoup de gens qui professent rechercher
les richesses spirituelles. Les matérialistes ne manquent pas
de prévoir pour leur avenir ; dans leur avidité,
ils se rendent coupables de péchés pour amasser de
grandes quantités ; tandis que « Ies enfants
de lumière », ou ceux qui croient que la richesse
spirituelle est supérieure aux biens terrestres, sont moins
énergiques, prudents ou sages. Par « richesses
injustes » nous pouvons entendre les richesses matérielles
ou les choses du monde. Quoique bien inférieur aux trésors
du ciel, l'argent, ou ce qu'il représente, peut constituer un
moyen d'accomplir du bien et de favoriser les desseins de Dieu. Les
intentions du Seigneur étaient d'utiliser « Ies
richesses » à de bonnes œuvres, tant qu'elles
durent, car un jour elles nous manqueront, et seuls les résultats
que nous aurons atteints grâce à elles dureront [20].
Si le mauvais économe, lorsqu'il fut chassé de la
maison de son maître à cause de son indignité,
pouvait espérer être reçu chez ceux qu'il avait
favorisés, avec combien plus de confiance ceux qui sont
sincèrement dévoués au juste espoir d'être
reçus dans les demeures éternelles de Dieu peuvent-ils
l'espérer ! Telle semble être une partie de la
leçon.
Ce
n'était pas la malhonnêteté de l'économe
qui était exaltée, mais sa prudence et sa prévoyance
qui furent louées, car s'il avait mal utilisé les biens
de son maître, il avait soulagé les débiteurs, et
ce faisant il n'avait pas outrepassé ses pouvoirs légaux,
car il était toujours économe bien qu'il fût
moralement coupable de méfaits. Nous pouvons résumer la
leçon de cette manière : utilisez votre richesse
de manière à vous assurer des amis plus tard. Soyez
diligents, car le jour où vous pouvez utiliser vos richesses
terrestres passera bientôt. Prenez de la graine même des
gens malhonnêtes et méchants ; s'ils sont prudents
au point de prévoir le seul avenir qu'ils puissent imaginer,
combien plus vous, qui croyez en un avenir éternel, ne
devez-vous pas prévoir ! Si vous n'avez pas appris la
sagesse et la prudence à utiliser les « richesses
injustes », comment pourra-t-on vous confier les richesses
plus durables ! Si vous n'avez pas appris à utiliser
convenablement la richesse d'un autre qui a été confiée
à vos soins, comment pouvez-vous espérer pouvoir gérer
une grande richesse si celle-ci vous était donnée !
Imitez l'économe injuste et ceux qui aiment les richesses, non
dans leur malhonnêteté, leur cupidité et leur
accumulation avide d'une richesse qui n'est tout au plus que
passagère, mais dans leur zèle, leur prévoyance
et leur prudence quant à l'avenir. En outre, ne permettez pas
à la richesse de se rendre maîtresse de vous ;
maintenez-la à sa place, qui est celle d'une servante, car :
« Aucun serviteur ne peut servir deux maîtres. Car
ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à
l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et
Mammon. »
RÉPONSE
AUX RAILLERIES DES PHARISIENS : AUTRE PARABOBLE SERVANT
D'ILLUSTRATION [21]
Les
Pharisiens, qui étaient cupides, qui aimaient l'argent, pour
employer des termes plus précis [22], surprirent les
instructions qui venaient d'être données aux disciples
et raillèrent ouvertement le Maître et la leçon.
Qu'est-ce que ce Galiléen, qui ne possédait que les
vêtements qu'il portait, pouvait bien connaître en
matière d'argent ou sur la meilleure manière
d'administrer la richesse ? La réponse que notre Seigneur
fit à leurs paroles moqueuses les condamna de nouveau. Ils
connaissaient tous les trucs du monde des affaires et pouvaient
dépasser l'intendant infidèle en manigances, et
cependant ils pouvaient se justifier si bien devant les hommes qu'ils
pouvaient paraître extérieurement honnêtes et
droits ; en outre, ils étalaient avec ostentation une
certaine forme de simplicité et de reniement de soi,
observances extérieures dans lesquelles ils se prétendaient
supérieurs aux Sadducéens épris de luxe ;
ils étaient devenus arrogants et fiers de leur humilité,
mais Dieu connaissait leur cœur, et les traits et les pratiques
qu'ils estimaient le plus étaient une abomination à ses
yeux. Ils se présentaient comme gardiens de la loi et
interprètes des prophètes. « La loi et les
prophètes » avaient été en vigueur
jusqu'à l'époque du Baptiste, depuis laquelle
l'Évangile du royaume était prêché, et les
gens étaient avides d'y entrer [23], bien que la
théocratie essayât de toutes ses forces de l'empêcher.
La loi n'avait pas été invalidée : il
serait plus facile au ciel et à la terre de passer que
d'empêcher un trait de lettre de la loi de s'accomplir [24],
et pourtant ces Pharisiens et ces scribes avaient essayé
d'annuler la loi. Dans la question du divorce, par exemple, ils
parvenaient même, par leurs ajouts illégaux et leurs
fausses interprétations, à pardonner le péché
d'adultère.
Le
Maître donna une autre leçon encore dans la parabole de
l'homme riche et de Lazare :
« Il
y avait un homme riche qui était vêtu de pourpre et de
fin lin, et qui chaque jour menait joyeuse et brillante vie. Un
pauvre couvert d'ulcères, du nom de Lazare, était
couché à son portail ; il aurait désiré
se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; même
les chiens venaient lécher ses ulcères. Le pauvre
mourut et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. Le
riche aussi mourut et fut enseveli. Dans le séjour des morts,
il leva les yeux ; et, en proie aux tourments, il vit de loin
Abraham et Lazare dans son sein. Il s'écria : Père
Abraham, aie pitié de moi, et envoie Lazare, pour qu'il trempe
le bout de son doigt dans l'eau et me rafraîchisse la langue ;
car je souffre dans cette flamme. Abraham répondit :
(Mon) enfant, souvienstoi que tu as reçu tes biens
pendant ta vie et que de même Lazare a eu les maux, maintenant
il est ici consolé, et toi, tu souffres. En plus de tout cela
entre nous et vous se trouve un grand abîme afin que ceux qui
voudraient passer d'ici vers vous ne puissent le faire, et qu'on ne
parvienne pas non plus de là vers nous. Le riche dit : je
te demande donc, père, d'envoyer Lazare dans la maison de mon
père ; car j'ai cinq frères. Qu'il leur apporte
son témoignage, afin qu'ils ne viennent pas aussi dans ce lieu
de tourment. Abraham répondit : Ils ont Moïse et les
prophètes ; qu'ils les écoutent. Et il dit :
Non, père Abraham mais si quelqu'un des morts va vers eux, ils
se repentiront. Et Abraham lui dit : S'ils n'écoutent pas
Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas
persuader, même si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts. »
Le
mendiant affligé est honoré d'un nom ; l'autre est
simplement appelé « un homme riche » [25].
Ils sont représentés tous deux dans le contraste entre
la richesse extrême et le dénuement extrême. Le
riche était revêtu des vêtements les plus
précieux, de pourpre et de lin, et son lot quotidien était
une fête somptueuse. Lazare avait été amené
aux portes du palais du riche et avait été laissé
là, mendiant impuissant, le corps couvert d'ulcères. Le
riche avait des serviteurs prêts à satisfaire le moindre
de ses désirs ; le pauvre mendiant à sa porte
n'avait ni compagnon ni serviteur sinon les chiens qui, comme lui,
attendaient les rebuts de la table du riche. Tel est le tableau de la
vie de ces deux hommes. Un brusque changement de décor nous
montre ces mêmes personnages de l'autre côté du
voile qui sépare notre monde de l'au-delà. Lazare
mourut ; il n'est pas fait mention de ses funérailles ;
son corps ulcéreux fut probablement jeté dans une tombe
de miséreux ; mais des anges portèrent son esprit
immortel dans le paradis, lieu de repos des bienheureux que le
langage figuré des rabbis appelait communément le sein
d'Abraham. L'homme riche mourut, lui aussi ; son ensevelissement
fut certainement une cérémonie compliquée, mais
on ne nous dit pas qu'une escorte angélique reçut son
esprit. En enfer, il leva les yeux et vit, au loin, Lazare en paix
dans la demeure d'Abraham.
Juif,
l'homme s'était souvent vanté d'avoir Abraham pour
père ; et maintenant l'esprit misérable faisait
appel au patriarche de sa race, s'adressant à lui par le titre
de « père Abraham », et demandait
simplement qu'on lui accordât pour bienfait de déposer
une unique goutte d'eau sur sa langue desséchée ;
et il pria que Lazare, l'ancien mendiant, la lui apportât. La
réponse révèle certaines conditions existant
dans le monde des esprits, bien que, comme dans l'utilisation des
paraboles en général, la présentation en soit en
grande partie figurée. Appelant le pauvre esprit tourmenté
« Mon enfant », Abraham lui rappela toutes les
bonnes choses qu'il avait conservées pour soi sur la terre,
tandis que Lazare était resté à sa porte,
mendiant souffrant et négligé ; maintenant, en
vertu de la loi divine, Lazare avait reçu sa récompense,
et lui, son châtiment. En outre, il était impossible
d'accéder à sa pitoyable demande, car entre la demeure
des justes où Lazare reposait et celle des méchants où
il souffrait « se trouve un grand abîme »,
et le passage entre les deux est interdit. La demande suivante du
malheureux tourmenté n'était pas entièrement
égoïste ; dans son égoïsme, il se
souvenait de ceux dont la mort l'avait séparé, et il
aurait aimé sauver ses frères du destin qui était
le sien ; et il demanda que Lazare fût renvoyé sur
la terre rendre visite à la demeure de ses ancêtres et
avertir ces frères égoïstes, amateurs de plaisir
et cependant mortels, de la condamnation terrible qui les attendait
s'ils ne se repentaient et ne se réformaient pas. Peut-être
voulait-il insinuer dans cette demande que si on l'avait suffisamment
averti il aurait mieux agi et aurait échappé à
son tourment. Comme il lui était rappelé qu'ils avaient
les paroles de Moïse et des prophètes auxquelles ils
devaient obéir, il répondit que si quelqu'un d'entre
les morts allait les trouver ils se repentiraient sûrement.
Abraham répondit que s'ils n'écoutaient pas Moïse
et les prophètes, ils ne se laisseraient « pas
persuader, même si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts ».
Si
nous essayons d'interpréter la parabole comme un tout ou de
donner une application déterminée à l'une ou
l'autre de ses parties, nous devons nous rappeler qu'elle était
adressée aux Pharisiens pour les réprimander et les
instruire sur la dérision et le mépris avec lesquels
ils avaient reçu l'avertissement du Seigneur concernant les
dangers qui accompagnaient la servitude à Mammon. Jésus
employait des métaphores juives, et les images de la parabole
étaient celles qui frapperaient le plus directement les
exégètes de Moïse et des prophètes. Bien
qu'il serait injuste du point de vue critique de prendre l'habitude
de déduire des principes de doctrine à partir
d'incidents rapportés dans des paraboles, nous ne pouvons
admettre que le Christ ait pu enseigner faussement, même dans
les paraboles, et par conséquent nous acceptons comme vraie la
description qu'il fait des conditions régnant dans le monde
des désincarnés. Il est clair que les justes et les
méchants sont séparés au cours de l'intervalle
qui s'étend entre la mort et la résurrection. Le
paradis, ou comme les Juifs aiment appeler ce lieu béni, « Ie
sein d'Abraham », n'est pas le lieu de la gloire finale,
pas plus que l'enfer auquel était condamné l'esprit du
riche n'est l'habitation finale des condamnés [26]. Mais
les œuvres des hommes les suivent dans cet état
préliminaire ou intermédiaire [27] ; et les
morts s'apercevront certainement que leur demeure est celle pour
laquelle ils se sont qualifiés tandis qu'ils étaient
dans la chair.
Le
sort du riche n'était pas le résultat des richesses, et
le repos dans lequel Lazare entra n'était pas la résultante
de la pauvreté. Ce qui avait amené le premier sous la
condamnation, c'était le fait qu'il n'avait pas utilisé
sa richesse à bon escient et qu'il s'était livré
à la jouissance égoïste et sensuelle des choses de
la terre sans penser un instant aux besoins ou aux privations de ses
semblables ; tandis que la patience dans ses souffrances, la foi
en Dieu et la vie de droiture qui est sous-entendue bien que non
exprimée assura le bonheur de l'autre. L'orgueilleuse
indépendance du riche, qui ne manquait de rien de ce que la
richesse pouvait fournir et qui se tenait à l'écart des
nécessiteux et des malheureux, était le péché
qui le liait à lui. Ainsi était condamnée
l'attitude distante des Pharisiens, attitude dont ils
s'enorgueillissaient d'abord, comme le disait leur nom même qui
voulait dire « séparatistes ». La
parabole enseigne que l'individu continue à vivre après
la mort et qu'il y a un rapport de cause à effet entre la vie
que l'on mène dans la mortalité et l'état qui
nous attend dans l'au-delà.
LES
SERVITEURS INUTILES [28]
Se
détournant des Pharisiens, Jésus s'adressa à ses
disciples et les exhorta à la diligence. Les ayant mis en
garde contre les paroles ou les actions imprudentes dont d'autres
pourraient s'offenser, il essaya ensuite de leur faire sentir la
nécessité absolue du dévouement, de la tolérance
et du pardon désintéressés. Les apôtres,
conscients du service total qui était requis d'eux,
implorèrent le Seigneur, disant : « Augmente-nous
la foi. » Il leur fut montré que la foi s'évalue
moins en termes de quantité que par l'épreuve de la
qualité ; et l'analogie avec le grain de moutarde fut de
nouveau invoquée. « Et le Seigneur dit : Si
vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à
ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la
mer ; et il vous obéirait » [29]. Le
meilleur moyen de juger leur foi c'était par leur obéissance
et leurs services inlassables.
C'est
ce que souligna la parabole des serviteurs inutiles.
« Qui
de vous, s'il a un serviteur qui laboure ou fait paître les
troupeaux, lui dira, quand il revient des champs : Viens tout de
suite te mettre à table ? Ne lui dira-t-il pas au
contraire : Prépare-moi le repas, mets-toi en tenue pour
me servir, jusqu'à ce que j'aie mangé et bu, après
cela, toi, tu mangeras et boiras. Aura-t-il de la reconnaissance
envers ce serviteur parce qu'il a fait ce qui lui était
ordonné ? Vous de même, quand vous avez fait tout
ce qui vous a été ordonné dites : Nous
sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions
faire. »
Le
serviteur pourrait bien avoir l'impression qu'après une
journée de travail dans les champs il a droit au repos ;
mais en arrivant à la maison il s'aperçoit que l'on
demande d'autres choses de lui. Le maître a droit au temps et à
l'attention du serviteur ; cela entrait dans les conditions
auxquelles le serviteur avait été engagé ;
bien que son employeur puisse le remercier ou lui donner une
récompense substantielle, le serviteur ne peut pas exiger
cette récompense. Ainsi les apôtres, qui s'étaient
consacrés entièrement au service de leur Maître,
ne devaient ni hésiter ni s'arrêter quelque fût
l'effort ou le sacrifice qui serait requis. Même s'ils
faisaient de leur mieux, ils ne feraient encore que leur devoir ;
et quelle que fût la valeur que leur attribuait le Maître,
ils devaient se considérer comme des serviteurs inutiles [30].
GUÉRISON
DES DIX LÉPREUX [31]
Au
cours de son voyage vers Jérusalem, Jésus « passait
entre la Samarie et la Galilée ». Dix hommes
affligés de la lèpre s'approchèrent,
probablement autant que le permettait la loi, restant cependant à
une certaine distance. Ces hommes étaient de nationalités
diverses ; le fléau dont ils souffraient tous avait fait
d'eux des compagnons de détresse. Ils crièrent :
« Jésus, Maître, aie pitié de nous ! »
Le Seigneur répondit : « Allez vous montrer
aux sacrificateurs » [32]. Cet ordre voulait dire
qu'ils étaient complètement guéris ;
l'obéissance serait l'épreuve de leur foi. Aucune
personne qui avait été lépreuse ne pouvait être
rendue légalement à la vie commune tant qu'elle n'était
pas prononcée pure par un prêtre. Les dix hommes
affligés se hâtèrent d'obéir au
commandement du Seigneur, « et, pendant qu'ils y allaient,
il arriva qu'ils furent purifiés » [33]. L'un
des dix hommes revint sur ses pas et glorifia le Seigneur à
haute voix ; puis il tomba face contre terre aux pieds du Christ
et lui rendit grâce. On nous dit que cet homme reconnaissant
était un Samaritain, d'où nous concluons que certains
des autres, peut-être tous, étaient juifs. Affligé
du manque de gratitude des neuf autres, Jésus s'exclama :
« Les dix n'ont-ils pas été
purifiés ? [Mais] les neuf autres, où
sontils ? Ne s'est-il trouvé que cet étranger
pour revenir et donner gloire à Dieu ? » Et le
Seigneur dit au Samaritain purifié, qui était toujours
à ses pieds : « Lève-toi, va ; ta
foi t'a sauvé. » Il ne fait aucun doute que les
neuf qui n'étaient pas revenus suivirent le commandement du
Seigneur à la lettre, car il leur avait dit d'aller trouver
les prêtres ; mais leur manque de gratitude et leur
négligence à reconnaître la puissance de Dieu
dans leur guérison forment un contraste défavorable
avec l'esprit de l'autre ; et c'était un Samaritain.
L'événement dut être pour les apôtres une
autre preuve que les étrangers pouvaient être
acceptables, et même exceller, au grand dam des prétentions
juives à la supériorité quelque fût leur
mérite.
LE
PHARISIEN ET LE PÉAGER [34]
« Il
dit encore cette parabole pour certaines personnes qui se
persuadaient d'être justes et qui méprisaient les
autres : Deux hommes montèrent au temple pour prier ;
l'un était Pharisien, et l'autre péager. Le Pharisien,
debout, priait ainsi en lui-même : O Dieu, je te rends
grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui
sont accapareurs, injustes, adultères, ou même comme ce
péager : je jeûne deux fois la semaine, je donne la
dîme de tous mes revenus. Le péager se tenait à
distance, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais se
frappait la poitrine et disait : O Dieu, sois apaisé
envers moi, pécheur. Je vous le dis, celui-ci descendit dans
sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque
s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse
sera élevé. »
Il
nous est dit expressément que cette parabole fut donnée
au profit de certaines personnes qui étaient assurées
que leur pharisaïsme les justifierait devant Dieu. Elle ne
s'adressait pas spécialement aux Pharisiens ni aux péagers.
Les deux personnages représentent des classes extrêmement
séparées. Il se peut que l'esprit pharisaïque de
satisfaction de soi ait abondamment existé parmi les disciples
et même un peu parmi les Douze. Un Pharisien et un péager
se rendirent au temple pour prier. Le Pharisien pria « en
lui-même » ; on ne peut guère
interpréter ses paroles comme une prière à Dieu.
Le fait qu'il se tenait debout en priant n'était pas une
inconvenance, car la position debout était ordinaire dans les
prières ; le péager était debout aussi. Le
Pharisien remerciait Dieu de ce qu'il était tellement meilleur
que les autres hommes ; fidèle à sa classe,
séparatiste qui considérait avec dédain tous
ceux qui n'étaient pas comme lui. La raison pour laquelle il
était particulièrement reconnaissant était le
fait qu'il n'était pas comme ce « péager ».
La pratique dont il se vantait, à savoir qu'il jeûnait
deux fois par semaine et donnait la dîme de tout ce qu'il
possédait, était un détail de sa dignité
qui était au-dessus de ce que requérait la loi
administrée alors ; il sous-entendait ainsi que Dieu
était son débiteur [35]. Le péager, se
tenant à distance, était si abattu par son sentiment de
culpabilité et son besoin absolu d'aide divine, qu'il baissa
les yeux et se frappa la poitrine, implorant la miséricorde
sur le pécheur pénitent qu'il était. Le
Pharisien s'en alla, justifié dans sa propre conscience et aux
yeux des hommes, plus orgueilleux que jamais ; l'autre s'en alla
chez lui justifié devant Dieu, tout en étant toujours
un péager méprisé. La parabole peut s'appliquer
à tous les hommes ; sa morale fut résumée
dans une répétition des paroles de notre Seigneur
prononcées dans la maison du chef pharisien : « Car
quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui
s'abaisse sera élevé » [36].
SUR
LE MARIAGE ET LE DIVORCE [37]
Tandis
qu'il se dirigeait par petites étapes vers Jérusalem et
qu'il se trouvait encore « au-delà » du
Jourdain, et par conséquent en territoire péréen,
Jésus fut abordé par un groupe de Pharisiens venus dans
le but délibéré de l'inciter à dire ou à
faire quelque chose qui leur permettrait de formuler une accusation.
La question qu'ils s'étaient accordés à poser
avait trait au mariage et au divorce, et il n'était pas de
sujet qui eût été discuté avec plus de
véhémence dans leurs écoles et parmi leurs
rabbis [38]. Les rusés questionneurs espéraient
peut-être que Jésus dénoncerait l'état
adultère dans lequel Hérode Antipas vivait à ce
moment-là et s'attirerait ainsi la furie d'Hérodias
dont le Baptiste avait déjà été la
victime. « Est-il permis (à un homme) de répudier
sa femme pour n'importe quel motif ? »
demandèrent-ils. Jésus cita la loi originelle et
éternelle de Dieu en la matière et donna la seule
conclusion rationnelle que l'on pouvait en tirer : « N'avez-vous
pas lu que le Créateur, au commencement, fit l'homme et la
femme et qu'il dit : C'est pourquoi l'homme quittera son père
et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux
deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une
seule chair. Que l'homme ne sépare donc pas ce que Dieu a
uni » [39]. Dieu avait créé le
mariage honorable et avait rendu les rapports entre mari et femme
aussi importants que celui des enfants envers les parents ; la
scission de pareille union est une invention des hommes et non un
commandement de Dieu. Les Pharisiens avaient une réponse toute
prête. « Pourquoi donc... Moïse a-t-il commandé
de donner (à la femme) un acte de divorce et de (la)
répudier ? » On se souviendra que Moïse
n'avait pas commandé le divorce mais avait exigé qu'au
cas où un homme se séparerait de sa femme il lui donnât
une lettre de divorce [40]. Jésus expliqua bien cela,
disant : « C'est à cause de la dureté
de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier
vos femmes ; au commencement, il n'en était pas ainsi. »
Suivit
alors la loi supérieure de l'Évangile : « Mais
je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour
infidélité et en épouse une autre, commet un
adultère » [41]. Les dispositions prévues
par Moïse ne constituaient qu'une permission et ne se
justifiaient qu'à cause de la méchanceté qui
existait à l'époque. Le seul moyen de conserver un
ordre social parfait, c'est de se conformer strictement à la
doctrine énoncée par Jésus-Christ. Il est
toutefois important de remarquer que dans sa réponse aux
Pharisiens casuistes Jésus n'annonça aucune règle
spéciale ou contraignante sur les divorces légaux ;
la répudiation d'une femme, comme la concevait la coutume
mosaïque, n'exigeait pas qu'un tribunal officiel instituât
une enquête ou une action judiciaire. À l'époque
de notre Seigneur, le relâchement qui régnait dans le
domaine des obligations matrimoniales avait produit une corruption
effrayante en Israël, et la femme, qui en vertu de la loi de
Dieu avait été créée épouse et
associée de l'homme, était devenue son esclave. Le plus
grand champion que la femme et la féminité aient eu au
monde est Jésus le Christ [42].
Les
Pharisiens se retirèrent, déçus dans leur
dessein et condamnés par leur conscience. L'interprétation
stricte que le Seigneur donnait aux liens du mariage surprit même
certains des disciples ; ceux-ci vinrent le trouver en privé,
disant que si un homme était lié de cette manière
il vaudrait mieux ne pas se marier du tout. Le Seigneur désapprouva
une généralisation aussi large sauf dans la mesure où
elle pouvait s'appliquer à des cas particuliers. C'est vrai
qu'il y en avait qui étaient physiquement inaptes au mariage ;
d'autres se consacraient volontairement à une vie de célibat,
et un petit nombre adoptait le célibat « à
cause du royaume des cieux », afin d'être libres de
consacrer tout leur temps et toute leur énergie au service du
Seigneur. Mais la conclusion qu'en tirèrent les disciples, à
savoir qu'il « n'est pas avantageux de se marier »,
n'était vraie que dans les cas exceptionnels cités. Le
mariage est honorable [43] ; car dans le Seigneur, la femme
n'est pas sans l'homme, ni l'homme sans la femme [44].
JÉSUS
ET LES PETITS ENFANTS [45]
L'événement
qui est rapporté ensuite est d'une gentillesse extrême,
d'une grande richesse en précepte et d'une valeur exemplaire
inestimable. Des mères amenèrent leurs petits enfants à
Jésus, désirant respectueusement que la vie de ces
petits fût illuminée par la vue du Maître et bénie
du toucher de sa main ou d'un mot de ses lèvres. L'événement
apparaît dans l'ordre logique par rapport aux instructions du
Seigneur concernant le caractère sacré du mariage et la
sainteté du foyer. Les disciples, vivement désireux que
l'on ne dérangeât pas inutilement leur Maître, et
conscients des demandes qui étaient constamment faites de son
temps et de son attention, réprimandèrent celles qui
s'étaient ainsi aventurées à s'approcher sans
permission. Les disciples eux-mêmes semblent encore avoir été
sous l'influence de la conception traditionnelle que les femmes et
les enfants se trouvaient dans un état d'infériorité,
et que c'était un acte de présomption de la part de
ceux-ci de demander l'attention du Seigneur. Le zèle mal
dirigé de ses disciples déplut à Jésus,
et il les réprimanda. Puis il prononça cette phrase
mémorable d'une tendresse infinie et d'une affection divine :
« Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les
en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour leurs
pareils. » Prenant les enfants un à un dans ses
bras, il posa les mains sur eux et les bénit [46]. Puis
il dit : « En vérité, je vous le dis,
quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant,
n'y entrera point » [47].
« SI
TU VEUX ÊTRE PARFAIT » [48]
Jésus
fut accosté en route par un jeune homme qui courut à sa
rencontre ou pour le rattraper et s'agenouilla à ses pieds,
demandant : « Bon Maître, que dois-je faire
pour hériter la vie éternelle ? » La
question fut posée avec ferveur ; la personne qui
interrogeait se trouvait dans un état d'esprit extrêmement
différent de celui du docteur de la loi qui avait posé
une question semblable dans le but de tenter le Maître [49].
Jésus dit : « Pourquoi m'appelles-tu bon ?
Personne n'est bon, si ce n'est Dieu seul. » Cette
remarque du Sauveur ne voulait pas dire qu'il niait être sans
péché ; le jeune homme l'avait appelé
« bon » comme compliment poli plutôt que
comme reconnaissance de sa divinité, et Jésus refusa de
reconnaître cette distinction quand elle s'appliquait dans ce
sens. La remarque du Seigneur dut donner davantage conscience au
jeune homme du sérieux de sa question. Ensuite Jésus
dit : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les
commandements. » Le jeune homme lui demandant à
quels commandements il faisait allusion, Jésus cita les
interdictions visant le meurtre, l'adultère, le vol et le faux
témoignage et les commandements, disant qu'on devait honorer
ses parents et aimer son prochain comme soi-même. Avec
simplicité et sans orgueil ou sentiment de pharisaïsme,
le jeune homme dit : « J'ai gardé tout cela,
que me manque-t-il encore ? » Sa sincérité
évidente plut à Jésus qui le regarda avec amour
et dit : « Si tu veux être parfait va, vends ce
que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor
dans les cieux. Puis viens, [la version du roi Jacques ajoute
ici : « prends la croix », ndt] et
suis-moi » [50].
Le
jeune homme fut déçu et attristé. Il s'était
probablement attendu à entendre le grand Maître lui
prescrire quelque observance toute spéciale qui lui
permettrait de parvenir à l'excellence. Luc nous dit que le
jeune homme était un dirigeant ; cela peut vouloir dire
que c'était un officier président dans la synagogue
locale ou peut-être un membre du sanhédrin. Il était
bien versé dans loi et y avait obéi strictement. Il
désirait avancer en bonnes œuvres et avoir réellement
droit à un héritage éternel. Mais le Maître
prescrivit ce à quoi il s'était attendu le moins :
« Après avoir entendu ces paroles, le jeune homme
s'en alla tout triste ; car il avait de grands biens. »
Ainsi il aspirait au royaume de Dieu mais aimait encore plus les
grands biens qu'il avait. Abandonner la richesse, le rang social et
les distinctions officielles constituait un sacrifice trop grand, et
le renoncement nécessaire était une croix trop lourde à
porter pour lui, même si des trésors dans le ciel et la
vie éternelle lui étaient offerts. La faiblesse de cet
homme était l'amour des choses du monde ; Jésus
diagnostiqua son cas et prescrivit le remède qui convenait ;
il ne nous appartient pas de dire que le même traitement serait
le meilleur dans tous les cas de défection spirituelle ;
mais là où les symptômes en indiquent le besoin,
on peut l'employer comme remède assuré.
Contemplant
tristement le jeune dirigeant riche qui se retirait, Jésus dit
aux disciples : « Je vous dis encore, il est plus
facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à
un riche d'entrer dans le royaume de Dieu » [51]. Cette
déclaration étonna les disciples. « Qui peut
donc être sauvé ? » se demandèrent-ils.
Jésus comprit leur perplexité et les encouragea en leur
assurant qu'à Dieu tout est possible. C'est ainsi qu'il leur
fut donné de comprendre que si la richesse est une tentation à
laquelle beaucoup succombent, elle ne constitue pas un obstacle
insurmontable ni une barrière infranchissable pour entrer dans
le royaume. Si le jeune dirigeant avait suivi le conseil qu'il était
venu chercher, les richesses qu'il possédait lui auraient
permis de rendre des services méritoires que peu sont capables
de rendre. La seule chose qui lui manquait était la volonté
de placer le royaume de Dieu audessus de tous les biens
matériels [52]. Chacun de nous peut demander avec
pertinence : Que me manque-t-il ?
LES
PREMIERS POURRONT ÊTRE LES DERNIERS ET LES DERNIERS LES
PREMIERS [53]
Le
triste départ du jeune dirigeant riche dont les grands biens
faisaient tellement partie de la vie qu'il ne pouvait les abandonner
à l'époque, bien que nous puissions espérer
qu'il le fit plus tard, provoqua chez Pierre une brusque question,
qui révélait le cours suivi par ses pensées et
ses aspirations : « Voici que nous avons tout quitté
et que nous t'avons suivi, qu'en sera-t-il pour nous ? »
Qu'il ait parlé pour lui seul ou que l'emploi du pronom
pluriel « nous » ait voulu inclure les Douze,
c'est là une chose incertaine et sans importance. Il pensait
au foyer et à la famille qu'il avait quittés, et son
désir de les retrouver était pardonnable ; il
pensait également aux bateaux et aux filets, aux hameçons
et aux lignes, et aux affaires lucratives que cela représentait.
Tout cela il l'avait abandonné ; quelle serait sa
récompense ? Jésus répondit : « En
vérité, je vous le dis, quand le Fils de l'homme, au
renouvellement de toutes choses, sera assis sur son trône de
gloire, vous de même qui m'avez suivi, vous serez assis sur
douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d'Israël. »
Il est douteux que Pierre ou aucun des Douze ait jamais conçu
qu'une distinction si grande pût être possible. Le jour
de la régénération, où le Fils de l'homme
siégera sur le trône de sa gloire comme Juge et Roi est
encore à venir, mais ce jour-là, ceux des Douze du
Seigneur qui persévérèrent jusqu'à la fin
seront placés sur des trônes comme juges en Israël.
Ils reçurent en outre l'assurance suivante : « Et
quiconque aura quitté, à cause de mon nom, maisons,
frères, sœurs, père, mère, femme, enfants
ou terre recevra beaucoup plus, et héritera la vie
éternelle. » Il serait impossible de calculer des
récompenses d'une valeur aussi transcendante ni de comprendre
leur sens. De crainte que ceux à qui elles étaient
promises ne fussent trop certains d'y parvenir, au point de négliger
les efforts et de devenir orgueilleux par surcroît, le Seigneur
ajouta cet avertissement profond : « Plusieurs des
premiers seront les derniers et plusieurs des derniers seront les
premiers. »
Ce
fut le sujet du sermon que nous appelons la parabole des
ouvriers [54]. Écoutez-la.
« Car
le royaume des cieux est semblable à un maître de maison
qui sortit dès le matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa
vigne. Il se mit d'accord avec les ouvriers pour un denier par jour
et les envoya dans sa vigne. Il sortit vers la troisième
heure, en vit d'autres qui étaient sur la place sans rien
faire et leur dit : Allez, vous aussi à ma vigne, et je
vous donnerai ce qui sera juste. Ils y allèrent. Il sortit de
nouveau vers la sixième, puis vers la neuvième heure,
et il fit de même. Vers la onzième heure il sortit
encore, en trouva d'autres qui se tenaient (encore) là et leur
dit : Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans
rien faire ? Ils lui répondirent : C'est que
personne ne nous a embauchés. Allez, vous aussi, dans la
vigne, leur dit-il. Le soir venu, le maître de la vigne dit à
son intendant : Appelle les ouvriers et paie-leur le salaire, en
allant des derniers aux premiers. Ceux de la onzième heure
vinrent et reçurent chacun un denier. Les premiers vinrent
ensuite, pensant recevoir davantage, mais ils reçurent eux
aussi, chacun un denier. En le recevant, ils murmurèrent
contre le maître de la maison et dirent : Ces derniers
venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites à l'égal
de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur. Il
répondit à l'un d'eux : Mon ami ! Je ne te
fais pas tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour
un denier ? Prends ce qui est à toi et va-t-en. Je veux
donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi. Ne
m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou
vois-tu de mauvais œil que je sois bon ? Ainsi les
derniers seront les premiers et les premiers seront les
derniers » [la version du roi Jacques ajoute :
« car il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus »,
ndt].
Ce
procédé qui nous montre un maître de maison s'en
aller sur la place du marché embaucher des ouvriers était
une pratique ordinaire à cette époque et en cet
endroit, et est encore ordinaire dans beaucoup de pays. Dans cette
histoire, les premiers à être loués conclurent un
accord bien précis quant à leur salaire. Ceux qui
furent employés respectivement à neuf heures, à
midi et à trois heures vinrent de bon gré sans aucun
accord quant à ce qu'ils allaient recevoir ; ils étaient
si heureux d'avoir l'occasion de travailler qu'ils ne perdirent pas
de temps à préciser des conditions. À cinq
heures de l'après-midi ou du soir, alors qu'il ne restait
qu'une heure de travail ce jour-là, le dernier groupe de
travailleurs alla au travail, confiant en la parole du maître
qu'ils recevraient ce qui était juste. Ce n'était pas
de leur faute s'ils n'avaient pas trouvé de travail plus tôt
dans la journée ; ils étaient prêts et
disposés et avaient attendu à l'endroit où ils
avaient le plus de chance d'obtenir un emploi. À la fin du
jour, les ouvriers vinrent recevoir leurs gages ; cela était
conforme à la loi et à la coutume, car il avait été
établi par statut en Israël que l'employeur devait payer
le serviteur, embauché pour la journée, avant le
coucher du soleil [55]. Conformément aux instructions
reçues, l'intendant qui faisait fonction de payeur commença
par ceux qui avaient été engagés à la
onzième heure ; et il donna à chacun d'eux un
denier, ou centime romain, valant environ quinze cents américains,
salaire ordinaire d'une journée de travail. C'était le
montant convenu respectivement avec ceux qui avaient commencé
le plus tôt ; et lorsqu'il virent les autres travailleurs
qui n'avaient donné qu'une heure recevoir chacun un denier,
ils se réjouirent probablement dans l'attente d'un salaire
proportionnellement plus grand en dépit de l'accord qu'ils
avaient conclu. Mais chacun d'eux reçut un denier et pas plus.
Alors ils se plaignirent, non pas parce qu'ils n'avaient pas été
payés suffisamment, mais parce que les autres avaient reçu
la paie d'une journée complète alors qu'ils n'avaient
travaillé qu'une partie d'une journée. Le maître
répondit avec gentillesse, leur rappelant leur convention. Ne
pouvait-il pas être juste avec eux et charitable envers le
reste s'il en décidait ainsi ? Son argent lui
appartenait, et il pouvait le donner comme il le voulait. Le
mécontentement de ces rouspéteurs était-il
justifié parce que leur maître était charitable
et bon ? « Ainsi », dit Jésus,
passant directement de l'histoire à l'une des leçons
qu'elle avait pour but d'enseigner, « Ies derniers seront
les premiers et les premiers seront les derniers : car il y a
beaucoup d'appelés mais peu d'élus » [56].
Il
est clair que la parabole était destinée à
édifier les Douze. Elle fut provoquée par la question
de Pierre : « Qu'en sera-t-il pour nous ? »
Elle reste aussi valable aujourd'hui que lorsque le maître la
donna, pour réprimander l'esprit marchandeur dans l'œuvre
du Seigneur. Dieu a besoin d'ouvriers, et ceux qui veulent travailler
fidèlement et efficacement sont les bienvenus dans la vigne.
Si, avant de commencer ils exigent que le salaire soit fixé,
et que celui-ci soit convenu, chacun recevra son denier à
condition ne n'avoir pas perdu sa place par paresse ou transgression.
Mais ceux qui travaillent diligemment, en sachant que le Maître
leur donnera ce qui est juste, et en pensant plus au travail qu'au
salaire, se verront plus abondamment enrichis. Un homme peut
travailler pour un salaire sans être mercenaire. Entre le
serviteur embauché et digne et le mercenaire il y a la
différence qui distingue le berger du portier [57]. N'y
avait-il pas un peu de l'esprit du mercenaire dans la question qui
tourmentait même le premier des apôtres : « Qu'en
sera-t-il pour nous ? » Les Douze avaient été
appelés à servir au début du ministère du
Sauveur ; ils avaient répondu à l'appel, sans
qu'il leur fût promis ne serait-ce un denier ; ils
ressentiraient le fardeau et la chaleur du jour, mais ils reçurent
l'avertissement solennel de ne pas essayer ni désirer fixer
leur récompense. Le Maître jugera les mérites de
chaque serviteur ; le salaire est tout au plus un don
volontaire, car si on s'en tient strictement aux comptes, lequel de
nous n'est pas endetté vis-à-vis de Dieu ? Le
dernier appelé risque autant que le premier de se révéler
indigne. Il n'est pas question d'un renversement général
selon lequel tous les derniers venus seraient avancés et tous
les premiers ouvriers réduits à une place inférieure.
« Plusieurs des premiers seront les derniers »,
déclara le Seigneur, et nous pouvons en déduire que ce
ne sont pas tous ceux qui sont les derniers, mais un certain nombre
d'entre eux, qui pourront être comptés parmi les
premiers. Parmi les nombreuses personnes qui ont reçu l'appel
ou la permission de travailler dans la vigne du Seigneur, un petit
nombre pourront se surpasser au point d'être élus pour
l'exaltation au-dessus de leurs semblables. Même l'appel et
l'ordination au saint apostolat n'est pas une garantie d'exaltation
dans le royaume céleste.
L'lscariot
fut appelé et placé parmi les premiers ;
aujourd'hui, en vérité, il est bien en dessous du
dernier dans le royaume de Dieu.
[1]
Lc 14:1-24.
[2]
Cette question est identique à celle qui fut posée à
Jésus dans la synagogue de Capernaüm avant la guérison
de l'homme à la main sèche (Mt 12:10).
[3]
Ex 23:5, Dt 22:4, Lc 13:15.
[4]
Cf. Mt 23:12, Lc 1:52, 18:14, Jc 4:6, 1 P 5:5.
[5]
Cf. Mt 8: 11, Ap 19:9.
[6]
Lc 14:16-24. Comparer avec la parabole relative aux noces du fils du
roi (Mt 22:2-10) ; étudier les points de ressemblance et
de divergence entre les deux et la leçon particulière
de chacune. Voir chap. 30 du présent ouvrage.
[7]
Lc 14:25-35.
[8]
Mt 8:19, 20 ; cf. Lc 9:57, 58 ; chap. 20 du présent
ouvrage.
[9]
Comparer avec la loi sous l'administration mosaïque, Dt 13:6-11
et noter l'application de ce principe aux apôtres ; Mt
10:37-39.
[10]
Cf. Mt 5:13, Mc 9:50.
[11]
Lc 15.
[12]
Mt 9:10-13, Mc 2:15-17, Lc 5:29 32.
Voir chap. 14 du présent ouvrage.
[13]
Mt 18:12-14. Voir chap. 24 du présent ouvrage
[14]
Lc 15:11-32.
[15]
D&A 1:31 ; LM, Al 45:16.
[16]
Cf. Mt 18:14 ; PGP, Moïse 1:39.
[17]
Lc 16:1-8.
[18]
Note 1, fin du chapitre.
[19]
Lc 16:8-13.
[20]
Note 2, fin du chapitre.
[21]
Lc 16:14-31.
[22]
Note 2, fin du chapitre.
[23]
Version révisée [anglaise], Lc 16:16: « La
loi et les prophètes ont subsisté jusqu'à Jean ;
depuis lors, l'Évangile du royaume de Dieu est prêché,
et chacun use de violence pour y entrer. »
[24]
Cf. Mt 5:18 ; voir chap. 17 du présent ouvrage.
[25]
Lc 16:19-31.
[26]
Note 3, fin du chapitre. Comparer avec LM, Al 40:11-14 ; voir
Articles de Foi, p. 478, note 5 : « L'état
intermédiaire de l'âme ».
[27]
Ap 14:13.
[28]
Lc 17:1-10.
[29]
Cf. Mt 17:20, 21:21, Mc 9:23, 11:23 ; voir chap. 24 du présent
ouvrage.
[30]
Cf. Jb 22:3, 35:7.
[31]
Lc 17:11-19. Beaucoup d'auteurs traitent cet événement
comme s'il suivait immédiatement le rejet de Jésus et
des apôtres dans un village samaritain (Lc 9:52-56). Nous le
plaçons dans l'ordre suivi par Luc, seul rapporteur des deux
incidents.
[32]
Cf. Lv 13:2, 14:2 ; voir aussi chap. 14 du présent
ouvrage.
[33]
Comparer avec le cas de Naaman le Syrien, 2 R 5:14.
[34]
Lc 18:9-14. Le récit de Luc dont nous avons respecté
l'ordre dans les événements qui suivirent le départ
du Christ de Jérusalem après la fête des Huttes,
contient la réponse de notre Seigneur à la question du
Pharisien sur le point de savoir « quand viendrait le
royaume de Dieu », et d'autres commentaires à ce
sujet (17:20-37) ; ces questions furent traitées plus
complètement plus tard dans un discours près de
Jérusalem (Mt 24), et nous les examinerons à propos de
cet événement ultérieur. La parabole du juge
inique (Lc 18:1-7) a déjà retenu notre attention.
[35]
Noter à quels extrêmes blasphématoires la
doctrine de la surérogation, ou excès de mérites,
fut portée par la papauté du XIIIe siècle ;
voir The Great Apostasy, 913-15.
[36]
Comparer avec Lc 14:11.
[37]
Mt 19:3-12 ; voir aussi Mc 10:2-12. Matthieu et Marc
introduisent ce sujet immédiatement avant que le Christ ne
bénisse les petits enfants ; ce dernier événement,
Luc le place après la parabole du Pharisien et du péager.
Nous abandonnons donc le document de Luc pour les récits
donnés par les autres écrivains synoptiques.
[38]
Note 4, fin du chapitre.
[39]
Cf. Gn 1:27, 2:24, 5:2, Ep 5:31.
[40]
Dt 24:1-4.
[41]
Cf. Mt 5:32, Lc 16:18 ; voir aussi 1 Co 7:10-13.
[42]
Note 5, fin du chapitre.
[43]
Cf. Hé 13:4.
[44]
Cf. 1 Co 11:11.
[45]
Mc 10:13-16 ; cf. Mt 19:13-15, Lc 18:15-17.
[46]
Cf. LM, 3 Néphi 17:11-25. Voir note 6, fin du chapitre.
[47]
Chap. 24 du présent ouvrage.
[48]
Mt 19:16-26, Mc 10: 17-27, Lc 18:18-30.
[49]
Lc 10:25. Chap. 26 du présent ouvrage.
[50]
Ceci est le récit de Marc (10:21), qui est le plus détaillé
des trois [dans la version du roi Jacques, ndt].
[51]
Note 7, fin du chapitre.
[52]
Considérer les leçons des paraboles du trésor
caché et de la perle de grand prix, chap. 19 du présent
ouvrage
[53]
Mt 19:27-30, Mc 10:28-31, Lc 18:28-30.
[54]
Mt 20:1-16. Cette parabole est la résultante des événements
qui la précèdent immédiatement. Mt 19:27-30 fait
partie du récit qui continue au chapitre 20 et doit être
lu comme tel. La division actuelle en chapitres est malheureuse.
[55]
Dt 24:15.
[56]
La proposition finale [de la version du roi Jacques, ndt] « car
il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus »,
est omise dans la version révisée [anglaise]. Note
8, fin du chapitre.
[57]
Chap. 25 du présent ouvrage.
NOTES
DU CHAPITRE 27
1.
Les riches et leurs intendants : « 'Un homme riche
avait un intendant.’ Nous apprenons ici en passant à
quel point les diverses positions sociales dans une communauté
sont équilibrées, et combien peu d'avantages
substantiels la richesse peut conférer à son
possesseur. À mesure que les biens augmentent, le contrôle
que l'on exerce personnellement sur eux diminue ; plus on
possède, plus on doit confier aux autres. Ceux qui font leur
propre travail ne sont pas gênés par des serviteurs
désobéissants ; ceux qui s'occupent de leurs
propres affaires ne sont pas ennuyés par des surveillants
infidèles. » - Parables of our Lord, Arnot, p. 454.
2.
Les richesses injustes : Le conseil donné par le Seigneur
aux disciples était qu'ils devaient utiliser la richesse
matérielle pour faire du bien grâce à elle, de
sorte que quand elle, c'est-à-dire tous les biens terrestres,
viendrait à manquer, ils auraient des amis pour les accueillir
dans « les tabernacles éternels » ou les
demeures célestes. Quand on étudie une parabole basée
sur des contrastes, comme celle-ci, il faut prendre soin de ne pas
aller trop loin dans l'une des analogies qui s'y trouvent. Nous ne
pouvons pas conclure raisonnablement que Jésus voulait ne
fût-ce que sous-entendre que la prérogative de recevoir
une âme dans les « tabernacles éternels »
ou l'en exclure repose sur ceux qui, sur terre, ont été
avantagés ou désavantagés par les actions de
cette personne, si ce n'est dans la mesure où leur témoignage
sur ces actes pourra être pris en compte dans le jugement
final. La parabole tout entière est pleine de sagesse pour qui
veut la voir ; pour l'esprit trop critique elle peut sembler
illogique, comme elle sembla l'être aux Pharisiens qui se
moquèrent de Jésus lorsqu'il raconta son histoire. La
version révisée anglaise traduit Lc 16:14 par :
« Et les Pharisiens, qui aimaient l'argent, entendirent
toutes ces choses ; et ils se moquèrent de lui. »
3.
Lazare et Divès : De toutes les paraboles rapportées
par le Seigneur, celle-ci est la seule dans laquelle un prénom
soit donné à l'un des personnages. Le nom « Lazare »
utilisé dans la parabole était également le nom
véritable d'un homme que Jésus aimait, et qui, après
que cette parabole fut donnée, fut ressuscité après
avoir passé plusieurs jours dans le tombeau. Le nom, variante
grecque d'Eléazar, signifie « Dieu est mon
secours ». Dans beaucoup d'écrits théologiques,
l'homme riche de cette parabole est appelé Divès, mais
ce nom n'est pas employé dans les Écritures. « Divès »
est un adjectif latin signifiant « riche ».
Lazare, le frère de Marthe et de Marie (Jn 11:1, 2, 5) est
l'un des trois bénéficiaires des miracles de notre
Seigneur dont le nom soit donné ; les deux autres sont
Bartimée (Mc 10:46) et Malchus (Jn 18:10). Commentant le fait
que notre Seigneur donna un nom au mendiant mais laissa anonyme
l'homme riche de la parabole, Augustin (dans le sermon XLI) demande :
« Ne vous semble-t-il pas qu'il lisait dans ce livre où
il trouva écrit le nom du pauvre mais ne trouva pas le nom du
riche : car ce livre est le Livre de Vie ? »
4.
Opinions divergentes concernant le divorce : À propos des
diverses opinions qui existaient à ce sujet parmi les
autorités juives de l'époque du Christ, Geikie (vol. II
p. 347-8) dit : « Parmi les questions qui étaient
débattues férocement à l'époque par les
grandes écoles rivales de Hillel et Chammaï, nulle ne
l'était plus que le divorce. L'école de Hillel
affirmait que l'homme avait le droit de divorcer de sa femme quelle
que fût la cause qu'il en donnât, même si ce
n'était que le fait qu'il avait cessé de l'aimer, ou
qu'il en avait vu une qu'il aimait mieux, ou qu'elle avait mal
préparé un repas. L'école de Chammaï, au
contraire, affirmait que le divorce ne pouvait résulter que du
crime d'adultère et des infractions à la chasteté.
S'il était possible d'amener Jésus à se
prononcer en faveur de l'une ou de l'autre école, l'hostilité
de l'autre serait suscitée. Cela semblait donc être une
occasion favorable de le compromettre. » Nous trouvons une
autre illustration dans ce qui suit, tiré du Commentary, de
Dummelow, à propos de Mt 5:32: « Rabbi Akiba
(Hillelite) disait : ‘Si un homme voit une femme plus
belle que sa propre femme, il peut la [sa femme] répudier,
parce qu'il est dit : Si elle ne trouve pas faveur à ses
yeux.’ L'école de Hillel disait : ‘Si la
femme prépare mal la nourriture de son mari, en la salant ou
en la rôtissant exagérément, elle doit être
répudiée.’ D'autre part, Rabbi Jochanan
(Chammaïte) disait : ‘Répudier une femme est
odieux.’ Les deux écoles étaient d'accord pour
dire qu'une divorcée ne pouvait être reprise... Rabbi
Chananiah disait : ‘Dieu n'a pas approuvé le
divorce, sauf parmi les Israélites, comme s'il avait dit :
J'ai concédé aux Israélites le droit de renvoyer
leurs femmes ; mais aux Gentils je ne l'ai pas concédé.’
Jésus réplique que ce n'est pas le privilège
mais l'infamie et l'opprobre d'Israël que Moïse ait jugé
nécessaire de tolérer le divorce. »
5.
Jésus, l'ennoblisseur de la femme : Geikie paraphrase
comme suit une partie de la réponse du Christ à la
question du Pharisien relative au divorce et en fait le commentaire.
« Je dis donc que quiconque répudie sa femme, si ce
n'est pour cause de fornication, laquelle détruit l'essence
même du mariage en dissolvant l'unité qu'il avait formé,
et en épouse une autre, commet l'adultère ; et
quiconque épouse celle qui est ainsi répudiée
pour une autre cause commet l'adultère, parce que la femme est
toujours, aux yeux de Dieu, l'épouse de celui dont elle a été
divorcée. » Cette déclaration avait une
importance beaucoup plus profonde que le simple fait de réduire
au silence des espions animés de mauvaises intentions. Elle
avait pour but de fixer pour tous les temps la loi de son Nouveau
Royaume dans la question suprême de la vie de famille. Elle
balayait à jamais de sa société la conception
que la femme n'est qu'un simple jouet ou une esclave de l'homme et
basait les rapports véritables des sexes sur le fondement
éternel de la vérité, de la droiture, de
l'honneur et de l'amour. Il était essentiel à la
stabilité future de son royaume, qui allait être un
royaume de pureté et de valeurs spirituelles, d'ennoblir la
maison et la famille en élevant la femme à son rang
véritable. En rendant le mariage indissoluble, il proclamait
l'égalité des droits de la femme et de l'homme au sein
de la famille et, en cela, donnait aux mères du monde leurs
lettres de noblesse. C'est à Jésus-Christ que la femme
doit la position noble qui est la sienne à l'ère
chrétienne par rapport à celle que lui accordait
l'antiquité. » - Life and Words of Christ, vol. 11,
p. 349.
6.
La bénédiction des enfants : Lorsque le Christ,
Être ressuscité, apparut parmi les Néphites sur
le continent américain, il prit les enfants un par un et les
bénit ; et la multitude assemblée vit les petits
entourés comme de feu, tandis que des anges les servaient (3
Né 17:11-25). Dans la révélation moderne, le
Seigneur a ordonné que tous les enfants nés dans
l'Église soient amenés pour être bénis à
ceux qui ont l'autorité d'administrer cette ordonnance de la
sainte prêtrise. Ce commandement est le suivant : « Tout
membre de l'Église du Christ qui a des enfants doit les amener
devant l'assemblée, aux anciens, lesquels doivent leur imposer
les mains au nom de Jésus-Christ et les bénir en son
nom » (D&A 20:70). Par conséquent, il est
maintenant de coutume dans l'Église d'amener les petits
enfants à la réunion de jeûne et de témoignage,
à laquelle ils sont reçus un par un dans les bras des
anciens et bénis, et où, à cette occasion, un
nom leur est donné. Il est attendu du père de l'enfant,
s'il est ancien, qu'il participe à cette ordonnance.
La
bénédiction des enfants n'est en aucun sens analogue à
l'ordonnance du baptême et s'y substitue encore moins, le
baptême ne devant être administré qu'à ceux
qui sont arrivés à l'âge de compréhension
et sont capables de se repentir. Comme l'auteur l'a écrit
ailleurs : « Certains citent l'incident au cours
duquel le Seigneur bénit les petits enfants et réprimanda
ceux qui voulaient empêcher les petits d'aller à lui (Mt
19:13, Mc 10:13, Lc 18:15), comme preuve en faveur du baptême
des petits enfants ; mais comme il a été dit
sagement dans cette remarque concise : « Déduire
de cette action du Christ bénissant les enfants qu'ils doivent
être baptisés ne prouve rien tant que l'on manque d'un
meilleur argument ; car la conclusion la plus probable est
celle-ci : le Christ bénit les petits enfants puis les
renvoya, mais il ne les baptisa pas ; donc les petits enfants ne
doivent pas être baptisés. » - L'auteur,
Articles de Foi, p. 159-160. Voir également le chap. 11 du
présent ouvrage.
7.
Le chameau et le chas de l'aiguille : Comparant la difficulté
d'un riche à entrer dans le royaume à celle d'un
chameau passant par le chas d'une aiguille, Jésus utilisait
une figure de rhétorique qui, aussi forte et prohibitive
qu'elle apparaisse dans notre traduction, était d'un genre
bien connu de ceux qui entendirent cette réflexion. Il y avait
un « proverbe juif bien connu, qu'un homme ne voyait même
pas dans ses rêves un éléphant passer par le chas
d'une aiguille » (Edersheim). Certains interprètes
affirment que c'était d'une corde et non d'un chameau que
Jésus parlait, et ils basent leurs affirmations sur le fait
que le mot grec kamelos (chameau) ne diffère que par une seule
lettre de kamilos (corde), et que l'on peut imputer aux anciens
copistes la prétendue erreur d'avoir substitué
« chameau » à « corde »
dans le texte scripturaire. Farrar (p. 476) rejette cette
interprétation possible pour la raison que les proverbes
contenant des comparaisons semblables à celle du chameau
traversant le chas d'une aiguille sont communes dans le Talmud.
On
a affirmé que le terme « le chas d'une aiguille »
s'appliquait à un portillon placé le long des grandes
portes taillées dans les murs des villes ; et on a avancé
la théorie que Jésus pensait à ce genre de
portillon lorsqu'il parla de l'impossibilité apparente pour un
chameau de passer par le chas d'une aiguille. Il serait possible
quoique très difficile à un chameau de se glisser à
travers cette petite porte, et il ne pourrait absolument pas le faire
sans être soulagé de son chargement et débarrassé
de tous ses harnais. Si cette conception est correcte, nous pouvons
trouver une ressemblance entre le fait que le chameau doit tout
d'abord être déchargé et débarrassé,
quelque précieux que soit son chargement ou riche son
accoutrement, et la nécessité pour le jeune chef riche
ou n'importe quel autre homme de se libérer du fardeau et des
ornements de la richesse, s'il veut passer par la voie étroite
qui mène au royaume. L'explication que donne Seigneur de ses
paroles suffit amplement pour le but de la leçon : « Aux
hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible »
(Mt 19:26).
8.
Le souci inopportun du salaire dans le service du Seigneur : La
parabole instructive et édifiante des ouvriers fut provoquée
par la question égoïste de Pierre : « Qu'en
sera-t-il de nous ? » Avec une tendre miséricorde,
le Seigneur s'abstint de réprimander directement son serviteur
impulsif pour son souci inopportun du salaire auquel il devait
s'attendre ; mais il tira un excellent parti de cet incident en
en faisant le sujet d'une leçon précieuse. L'analyse
suivante d'Edersheim (vol. 11, p. 416) vaut d'être étudiée.
« Il y avait ici un grand danger pour les disciples :
le danger d'entretenir des sentiments semblables à ceux des
Pharisiens pour les publicains pardonnés, ou du fils aîné
de la parabole pour son frère cadet, le danger de mal
comprendre les rapports corrects et avec eux la caractéristique
même du royaume et du travail à accomplir en et pour
lui. C'est à cela que fait allusion la parabole des ouvriers
dans la vigne. Le principe que le Christ expose est que, bien que
rien de ce que l'on fait pour lui ne perdra sa récompense,
cependant on ne peut, pour aucune raison, faire de prévisions
ni tirer la conclusion que l'on est juste. Il ne s'ensuit absolument
pas que c'est celui qui a fait le plus de travail - du moins à
nos yeux et à notre jugement - qui recevra la plus grande
récompense. Au contraire, « plusieurs des premiers
seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers ».
Pas tous, ni même toujours et nécessairement, mais
« plusieurs ». Et dans de tels cas aucun mal
n'a été fait ; nul ne peut élever de
réclamations, même s'il nous a été promis
que notre travail sera dûment reconnu. L'orgueil et
l'outrecuidance spirituels ne peuvent être que le résultat
soit d'une mauvaise compréhension des rapports entre Dieu et
nous, soit d'un mauvais état d'esprit vis-à-vis des
autres - c'est-à-dire que c'est le signe d'une incapacité
mentale ou morale. La parabole des ouvriers en est une
illustration... Mais, tout en illustrant comment il peut se faire que
certains de ceux qui étaient les premiers sont les derniers et
combien erronée et fausse est la pensée que ceux qui
apparemment ont fait plus doivent nécessairement recevoir plus
que d'autres - comment, en bref, le travail pour le Christ n'est pas
une quantité tangible, autant pour autant, et comment ce n'est
pas à nous de juger du moment et de la raison pour lesquels un
travailleur est venu - elle apporte aussi beaucoup de choses qui sont
nouvelles et, sous beaucoup d'aspects, très réconfortantes. »
CHAPITRE
28 : LE DERNIER HIVER
À
LA FÊTE DE LA DÉDICACE [1]
Jésus
retourna à Jérusalem à temps pour assister à
la fête de la Dédicace au cours du dernier hiver de sa
vie terrestre. Cette fête, comme celle des Huttes, était
une fête de réjouissances nationales et était
célébrée tous les ans pendant huit jours à
partir du 25 chisIev [2], qui correspond partiellement à
notre mois de décembre. Ce n'était pas une des grandes
fêtes prescrites par statut mosaïque, mais elle avait été
établie en 164 ou en 163 av. J.-C., au moment de la
reconsécration du temple de Zorobabel lorsque le bâtiment
sacré, profané par Antiochus Epiphane, le roi païen
de Syrie, avait pu être restauré. Tandis que la fête
était en cours, Jésus se rendit au temple, et on le vit
se promener dans la partie de l'enceinte appelée le portique
de Salomon [3]. Sa présence fut bientôt connue des
Juifs, qui vinrent s'attrouper autour de lui dans un esprit hostile,
ostensiblement pour poser des questions. Ils demandèrent :
« Jusques à quand tiendras-tu notre âme en
suspens ? Si toi, tu es le Christ, dis-le nous ouvertement. »
Le simple fait qu'ils aient posé pareille question prouve
l'impression profonde et troublante que le ministère du Christ
avait produite parmi les classes officielles et le peuple en
général ; dans leur estimation, les œuvres
qu'il avait accomplies semblaient dignes du Messie.
La
réponse du Seigneur fut indirecte dans sa forme, bien qu'en
substance et dans son effet elle fût tranchante et ne permît
aucun doute. Il les renvoya à ses paroles antérieures
et à ses œuvres constantes. « Je vous l'ai
dit », dit-il, « et vous ne croyez pas. Les
œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage
de moi. Mais vous ne croyez pas, parce que vous n'êtes pas de
mes brebis. Mes brebis entendent ma voix. Moi, je les connais, et
elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle ; elles
ne périront jamais, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que
tous ; et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Moi et le Père, nous sommes un. » L'allusion à
ce qui avait déjà été dit était un
rappel des enseignements qu'il avait prodigués lors d'un
séjour antérieur parmi eux, lorsqu'il avait proclamé
être le grand JE SUIS, qui était plus ancien et plus
grand qu'Abraham et de cette autre proclamation qu'il avait faite de
lui-même, disant qu'il était le bon berger [4].
Il
ne pouvait pas répondre à leur question par une
affirmation simple et sans réserve, sinon on aurait pensé
qu'il proclamait être le Messie conformément à
leur conception, le roi et conquérant terrestre qu'ils
professaient attendre. Il n'était pas le genre de Christ
qu'ils avaient à l'esprit ; et cependant il était
réellement le Berger et Roi de tous ceux qui voudraient
écouter ses paroles et accomplir ses œuvres ; et
c'est pour ceux-là qu'il renouvela la promesse de la vie
éternelle et l'assurance que nul homme ne pourrait les
arracher de sa main ou de la main de son Père. À cette
doctrine, à la fois élevée et profonde dans sa
perspective, les casuistes juifs ne pouvaient présenter aucune
réfutation, pas plus qu'ils ne pouvaient y trouver le prétexte
désiré pour l'accuser ouvertement ; cependant la
dernière phrase de notre Seigneur poussa la foule hostile à
la frénésie. « Moi et le Père, nous
sommes un », déclara-t-il solennellement [5].
Dans leur rage ils ramassèrent des pierres pour le lapider. Du
fait que les bâtiments du temple n'étaient pas terminés,
il y avait probablement un grand nombre de blocs et de fragments
brisés de rochers par terre ; et ce fut la seconde
tentative de meurtre contre la vie de notre Seigneur dans les murs de
la Maison de son Père [6].
Impavide
et avec le calme impressionnant d'une majesté plus qu'humaine,
Jésus dit : « Je vous ai fait voir beaucoup
d'œuvres bonnes venant du Père. Pour laquelle de ces
œuvres me lapidezvous ? » Ils répondirent
avec colère : « Ce n'est pas pour une œuvre
bonne que nous te lapidons, mais pour un blasphème, et parce
que toi, qui es un homme, tu te fais Dieu » [7]. Il
est évident qu'ils n'avaient trouvé aucune ambiguïté
dans ses paroles. Il leur cita alors les Écritures, dans
lesquelles même des juges dotés d'autorité divine
sont appelés dieux [8] et demanda : « N'est-il
pas écrit dans votre loi : J'ai dit : Vous êtes
des dieux ? Si elle a appelé dieux ceux à qui la
parole de Dieu a été adressée - et l'Écriture
ne peut être abolie - à celui que le Père a
sanctifié et envoyé dans le monde, vous dites : Tu
blasphèmes ! parce que j'ai dit : je suis le Fils de
Dieu ! » Puis, réaffirmant ce qu'il avait déjà
dit, à savoir que son autorité venait du Père
qui est plus grand que tous, il ajouta : « Si je ne
fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas !
Mais si je les fais, quand même vous ne me croiriez pas, croyez
à ces œuvres, afin de savoir et de reconnaître que
le Père est en moi, et moi dans le Père. »
De nouveau les Juifs cherchèrent à se saisir de lui,
mais leur dessein fut déjoué par un moyen qui n'est pas
indiqué ; il échappa à leur atteinte et
quitta le temple.
LA
RETRAITE DE NOTRE SEIGNEUR EN PÉRÉE
L'hostilité
violente des Juifs à Jérusalem, siège de la
théocratie, était telle que Jésus se retira de
la ville et de ses environs. Le jour de son sacrifice n'était
pas encore venu, et bien que ses ennemis ne puissent le tuer tant
qu'il ne leur permettait pas de se saisir de lui, son œuvre
serait retardée s'il y avait d'autres manifestations hostiles.
Il se retira dans le lieu où Jean-Baptiste avait commencé
son ministère public, probablement aussi l'endroit du baptême
de notre Seigneur. L'emplacement exact n'est pas précisé ;
c'était certainement au-delà du Jourdain et par
conséquent en Pérée. Nous lisons que Jésus
y demeura, et nous en concluons qu'il resta dans un emplacement bien
déterminé au lieu de voyager de ville en ville comme
cela avait été sa coutume. Mais même là,
les gens vinrent le trouver, et beaucoup crurent en lui. Le lieu
était cher à ceux qui étaient allés
écouter Jean se faire baptiser par lui [9]. Et en se
souvenant de l'appel passionné au repentir, de la proclamation
émouvante du royaume par le Baptiste maintenant assassiné
et regretté, ils se souvenaient qu'il en avait annoncé
Un qui serait plus puissant que lui et virent en Jésus la
réalisation de ce témoignage. « Jean »,
direntils, « n'a fait aucun miracle ; mais tout
ce que Jean a dit de cet homme était vrai. »
La
durée de son séjour en Pérée n'est
rapportée nulle part dans nos Écritures. Elle n'a pas
pu dépasser plus de quelques semaines maximum. Il est possible
que certains des discours, des enseignements et des paraboles que
nous avons déjà traités, suite au départ
du Seigneur de Jérusalem après la fête des Huttes
l'automne précédent, se situent pendant cet intervalle.
Quittant cette retraite de calme relatif, Jésus retourna en
Judée pour répondre à un ardent appel de
personnes qu'il aimait. Il quitta la Béthanie de Pérée
pour la Béthanie judéenne où Marthe et Marie
demeuraient [10].
RÉSURRECTION
DE LAZARE [11]
Lazare,
frère de Marthe et Marie, était malade dans la maison
familiale de Béthanie de Judée. Ses sœurs
dévouées envoyèrent un messager à Jésus
avec la simple nouvelle dans laquelle nous ne pouvons cependant
manquer de reconnaître un appel pitoyable : « Seigneur,
voici, celui que tu aimes est malade. » Quand Jésus
reçut le message, il fit la réflexion : « Cette
maladie n'est pas pour la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que
le Fils de Dieu soit glorifié par elle. » C'est
probablement la nouvelle qui fut rapportée aux sœurs que
Jésus aimait. Lazare était mort dans l'entre-temps ;
en fait il dut expirer peu après que le messager se fût
mis en route avec la nouvelle que le jeune homme était malade.
Le Seigneur savait que Lazare était mort, cependant il resta
où il était deux jours après avoir reçu
la nouvelle ; puis il surprit les disciples en disant :
« Retournons en Judée. » Ils cherchèrent
à dissuader le Maître en lui rappelant l'attentat qui
avait été perpétré récemment
contre sa vie à Jérusalem et demandèrent avec
étonnement : « Et tu y retournes ! »
Jésus leur expliqua clairement qu'il n'était pas
question de le détourner de son devoir lorsque le moment était
là, ni que ce devait être le cas pour d'autres ;
car comme il le montra, la journée de travail est de douze
heures, et pendant cette période l'homme peut marcher sans
trébucher, il marche dans la lumière, mais s'il laisse
les heures passer puis essaie de marcher ou de travailler dans les
ténèbres, il trébuche. Le moment présent
était sa journée pour travailler, et il ne commettait
aucune erreur en retournant en Judée.
Il
ajouta : « Lazare, notre ami, s'est endormi, mais je
pars pour le réveiller. » La comparaison entre la
mort et le sommeil était aussi courante parmi les Juifs que
parmi nous [12], mais les disciples interprétèrent
la parole littéralement et firent la réflexion que si
le malade dormait, il serait guéri. Jésus les corrigea.
« Lazare est mort », dit-il, et il ajouta :
« Et, pour vous, je me réjouis de n'avoir pas été
là, afin que vous croyiez. Mais allons vers lui. »
Il est clair que Jésus avait déjà décidé
de ressusciter Lazare ; et, comme nous le verrons, le miracle
devait être un témoignage du caractère
messianique de notre Seigneur, convaincant pour tous ceux qui
l'accepteraient. Certains au moins des apôtres appréhendaient
sérieusement un retour en Judée à ce moment-là ;
ils craignaient pour la sécurité de leur Maître
et pensaient que leur propre vie serait en péril ;
néanmoins ils n'hésitèrent pas à
l'accompagner. Thomas dit hardiment aux autres : « Allons,
nous aussi, afin de mourir avec lui. »
Arrivé
dans la banlieue de Béthanie, Jésus apprit que Lazare
« était déjà, depuis quatre jours,
dans le tombeau » [13]. Les sœurs endeuillées
étaient chez elles, où s'étaient rassemblés,
suivant la coutume, des amis, pour les consoler dans leur douleur.
Parmi ceux-ci, il y avait beaucoup de personnes importantes dont
certaines étaient venues de Jérusalem. La nouvelle de
l'approche du Maître parvint tout d'abord à Marthe, et
elle se hâta de venir à sa rencontre. Ses premières
paroles furent : « Seigneur, si tu avais été
ici, mon frère ne serait pas mort. » C'était
une expression à la fois d'angoisse et de foi ; mais,
craignant paraître manquer de confiance, elle se hâta
d'ajouter : « Mais maintenant même, je sais que
tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. »
Alors Jésus lui dit avec une tendre assurance : « Ton
frère ressuscitera. » Il se peut que certains des
Juifs qui étaient venus la consoler avaient déjà
dit la même chose, car, à l'exception des Sadducéens,
ils croyaient en une résurrection ; et Marthe ne vit dans
la promesse du Seigneur rien de plus que l'assurance générale
que son frère décédé ressusciterait avec
le reste des morts. Approuvant naturellement, et semble-t-il, sans y
faire trop attention, elle dit : « Je sais qu'il
ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. »
Alors Jésus dit : « Moi, je suis la
résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, quand
même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne
mourra jamais. Crois-tu cela ? »
La
foi de cette femme endeuillée devait être élevée
et centrée sur le Seigneur de la Vie avec qui elle parlait.
Elle avait déjà confessé précédemment
sa conviction que tout ce que Jésus demandait de Dieu serait
accordé ; elle devait apprendre que Jésus avait
déjà reçu du pouvoir sur la vie et la mort. Elle
attendait avec espoir quelque interposition surhumaine du Seigneur
Jésus en sa faveur, et pourtant elle ne savait pas ce que cela
pouvait être. Il semble qu'à ce moment-là elle
n'avait aucune idée précise ni même aucun espoir
qu'il ferait sortir son frère du tombeau. Lorsque le Seigneur
lui demanda si elle croyait ce qu'il venait de dire, elle répondit
avec une franchise simple ; elle n'était pas capable de
tout comprendre, mais elle croyait en son Interlocuteur, même
si elle était incapable de comprendre pleinement ses paroles.
« Oui, Seigneur », dit-elle, « je
crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le
monde. »
Puis
elle rentra dans la maison, et, en cachette, par mesure de
précaution, à cause de la présence de certaines
personnes qu'elle savait être hostiles à Jésus,
elle dit à Marie : « Le Maître est ici,
et il t'appelle. » Marie quitta la maison en hâte.
Les Juifs qui étaient avec elle, pensant qu'elle avait été
poussée à se rendre sur la tombe par une nouvelle vague
de douleur, la suivirent. Lorsqu'elle arriva auprès du Maître,
elle s'agenouilla à ses pieds et exprima sa profonde douleur
dans les mêmes termes que Marthe avait utilisés :
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère
ne serait pas mort. » Nous ne pouvons douter que la
conviction ainsi exprimée ait été le sujet de
commentaires et de lamentations entre les deux sœurs : si
seulement Jésus avait été avec elles, elles
n'auraient pas été privées de leur frère.
La
vue des deux femmes accablées par le chagrin et des gens se
lamentant avec elles attrista Jésus, au point qu'il frémit
en son esprit et fut profondément ému. « Où
l'avez-vous mis ? » demanda-t-il, et il pleura.
Tandis que le groupe endeuillé se rendait vers la tombe,
certains des Juifs, remarquant l'émotion et les larmes du
Seigneur, dirent : « Voyez comme il l'aimait ! »
Mais d'autres moins sympathisants, à cause de leurs préjugés
contre le Christ, demandèrent sur un ton critique et de
reproche : « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle,
ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne meure pas ? »
Le miracle par lequel la vue avait été rendue à
un aveugle-né était connu de tout le monde, en grande
partie à cause de l'enquête officielle qui avait suivi
la guérison [14]. Les Juifs avaient été
obligés d'admettre la réalité de cet événement
étonnant ; et la question que l'on posait quant au point
de savoir si ou pourquoi quelqu'un qui pouvait accomplir un tel
miracle n'avait pu préserver de la mort un homme frappé
d'une maladie ordinaire, un homme qu'il semblait avoir tendrement
aimé, était une insinuation que le pouvoir possédé
par Jésus était après tout limité et d'un
fonctionnement incertain ou capricieux. Cette manifestation
d'incrédulité méchante fit frémir de
nouveau Jésus en lui-même de chagrin sinon
d'indignation [15].
Le
corps de Lazare avait été enseveli dans une grotte dont
l'entrée était fermée par un grand bloc de
pierre. Ce genre de tombeau était courant dans cette région,
des grottes ou caveaux naturels creusés dans le roc étant
utilisés comme sépulcres par les classes supérieures
du peuple. Jésus ordonna l'ouverture du tombeau. Marthe, qui
n'était pas encore préparée à ce qui
allait suivre, se hasarda à protester, rappelant à
Jésus que le corps était emmuré depuis quatre
jours et que la décomposition devait déjà avoir
commencé [16]. Jésus répondit ainsi à
son objection : « Ne t'ai-je pas dit que si tu crois,
tu verras la gloire de Dieu ? » Cela pouvait être
une allusion tant à la promesse qu'il avait faite à
Marthe en personne - que son frère ressusciterait - qu'au
message envoyé de Pérée - que la maladie de
Lazare n'était pas une mort définitive à
l'époque mais était pour la gloire de Dieu et pour que
le Fils de Dieu en fût glorifié.
On
ôta la pierre. Se tenant devant l'entrée ouverte de la
tombe, Jésus leva les yeux et pria : « Père,
je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. Pour moi,
je savais que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à
cause de la foule de ceux qui se tiennent ici, afin qu'ils croient
que c'est toi qui m'as envoyé. » Il ne demandait
pas des pouvoirs ou de l'autorité à son Père :
Ceux-ci lui avaient déjà été donnés ;
mais il rendit grâces et, entendu de tous ceux qui se tenaient
là, rendit hommage au Père et exprima l'unité de
ses desseins et de ceux du Père. Puis, d'une voix forte, il
cria : « Lazare, sors ! » Le mort
entendit la voix de ce commandement autorisé ; l'esprit
rentra immédiatement dans le tabernacle de chair, les
processus physiques de la vie reprirent ; et Lazare, de nouveau
vivant, sortit. La liberté de ses mouvements était
limitée, car les vêtements funéraires gênaient
ses mouvements, et son visage était encore lié dans la
serviette qui maintenait la mâchoire sans vie. Jésus dit
à ceux qui se tenaient tout près : « Déliez-le,
et laissez-le aller. »
La
procédure fut caractérisée de bout en bout par
une profonde solennité et par l'absence totale de tout élément
de mise en scène inutile. Jésus qui, alors qu'il se
trouvait à des kilomètres de là et n'avait aucun
moyen ordinaire de recevoir ce renseignement, savait que Lazare était
mort, aurait certainement pu trouver le tombeau ; pourtant il
dernanda : « Où l'avez-vous mis ? »
Lui qui pouvait apaiser les vagues de la mer d'un seul mot aurait pu
enlever miraculeusement la pierre qui scellait l'entrée du
sépulcre ; pourtant il dit : « Otez la
pierre. » Lui qui pouvait réunir l'esprit au corps
aurait pu détacher sans aucune main le suaire qui liait Lazare
ressuscité ; pourtant il dit : « Déliez-le,
et laissez-le aller. » Tout ce que les hommes pouvaient
faire leur était laissé. Nous ne voyons en aucun cas le
Christ utiliser inutilement les pouvoirs surhumains de sa divinité ;
l'énergie divine n'était jamais gaspillée ;
même la création matérielle qui résultait
de son utilisation était conservée, comme en témoignent
ses ordres relatifs à la récolte des fragments de pain
et de poisson après que les multitudes eurent été
miraculeusement nourries [17].
La
résurrection de Lazare est le troisième exemple de
résurrection par Jésus qui nous soit rapporté [18].
Dans chacun le miracle eut pour résultat le recouvrement de
l'existence mortelle et ne fut en aucun sens une résurrection
de la mort à l'immortalité.
Dans
la résurrection de la fille de Jaïrus, l'esprit fut
rappelé dans son habitation dans l'heure de son départ ;
la résurrection du fils de la veuve était un exemple de
résurrection au moment où le corps était prêt
pour le tombeau ; le plus grand des trois était l'ordre à
un esprit de réintégrer son corps des jours après
la mort et alors que, en vertu de processus naturels, le corps serait
déjà dans les premiers stades de la décomposition.
Lazare fut ressuscité des morts, pas simplement pour apaiser
la douleur d'une famille endeuillée ; des milliers de
personnes ont dû souffrir à cause de la mort et des
milliers d'autres devront encore le faire. L'un des buts du Seigneur
était de démontrer que les œuvres de Jésus
le Christ manifestaient réellement la puissance de Dieu, et
c'était Lazare qui avait été accepté pour
être le sujet de cette manifestation ; de même que
l'homme affligé de cécité avait été
choisi pour être celui par lequel les œuvres de Dieu
seraient manifestées [19].
Il
est explicitement indiqué que la résurrection de Lazare
par le Seigneur témoigna efficacement de sa qualité de
Messie [20]. Tous les événements conduisant au
dénouement que fut le miracle contribuèrent à
l'attester. On ne pouvait douter de la réalité de la
mort de Lazare, car on avait été témoin de son
décès, on avait préparé et enseveli son
corps de la manière habituelle, et il avait passé
quatre jours dans la tombe. Au tombeau, il y avait de nombreux
témoins dont certains étaient des Juifs importants,
parmi lesquels beaucoup étaient hostiles à Jésus
et auraient volontiers nié le miracle s'ils l'avaient pu. Dieu
était glorifié, et la divinité du Fils de
l'Homme était confirmée par le résultat.
AGITATION
PROFONDE DE LA HIÉRARCHIE À PROPOS DU MIRACLE [21]
Comme
ce fut le cas pour la plupart des actions publiques de notre Seigneur
- tandis que certains de ceux qui entendaient et voyaient étaient
amenés à croire en lui, d'autres rejetaient la leçon
qui était offerte et réprimandaient le Maître -
de même pour cette œuvre puissante - certains furent
poussés à la foi et d'autres passèrent leur
chemin, l'esprit enténébré et plus méchant
que jamais. Certains de ceux qui avaient vu le mort ressuscité
s'en allèrent immédiatement raconter l'affaire aux
dirigeants, qu'ils savaient être intensément hostiles
envers Jésus. Dans la parabole que nous avons étudiée
récemment, l'esprit de l'homme riche suppliait de son lieu de
tourment que Lazare, le mendiant jadis pitoyable, fût envoyé
du paradis à la terre, en avertir d'autres du sort qui
attendait les méchants, supplique à laquelle Abraham
répondit : « S'ils n'écoutent pas Moïse
et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même
si quelqu'un ressuscitait d'entre les morts » [22]. Or
voici qu'un Lazare venait réellement d'être ressuscité
d'entre les morts, et beaucoup de Juifs rejetaient le témoignage
de son retour et refusaient de croire au Christ par lequel seul la
mort est vaincue. Les Juifs essayèrent de s'emparer de Lazare
afin de le tuer et, espéraient-ils, réduire au silence
son témoignage du pouvoir que le Seigneur avait sur la
mort [23].
Les
principaux sacrificateurs, qui étaient pour la plupart des
Sadducéens, et les Pharisiens s'assemblèrent en conseil
pour examiner la situation créée par cette dernière
grande œuvre de notre Seigneur. La question qu'ils discutèrent
fut : « Qu'allons-nous faire ? Car cet homme
fait beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tous croiront
en lui, et les Romains viendront (nous) enlever et notre Lieu (saint)
et notre nation. » Comme ils le disaient eux-mêmes,
il n'était pas question de nier les nombreux miracles que
Jésus avait opérés ; mais au lieu de
chercher à savoir sérieusement et en priant si ces
œuvres puissantes ne comptaient pas parmi les caractéristiques
prédites du Messie, ils ne réfléchirent qu'à
l'effet que pourrait avoir l'influence du Christ pour éloigner
le peuple de la théocratie établie et à la
crainte que les Romains, profitant de la situation, ne privassent les
dirigeants de leur « pIace » et n'enlevassent à
la nation le peu de semblant d'autonomie distincte qu'elle possédait
encore. Caïphe, le souverain sacrificateur, coupa court à
la discussion en disant : « Vous n'y entendez rien. »
Cette accusation crue d'ignorance s'adressait très
vraisemblablement aux Pharisiens du sanhédrin ; Caïphe
était Sadducéen. Sa phrase suivante était plus
importante qu'il ne pensait : « Vous ne vous rendez
pas compte qu'il est avantageux pour vous qu'un seul homme meure pour
le peuple et que la nation entière ne périsse pas. »
Jean déclare solennellement que Caïphe ne parlait pas de
luimême mais par l'esprit de prophétie qui, en
dépit de son indignité sous-entendue, lui était
donné en vertu de son office, et ce de la manière
suivante : « Il prophétisa que Jésus
devait mourir pour la nation. Et non seulement pour la nation, mais
aussi afin de réunir en un seul (corps) les enfants de Dieu
dispersés. » Mais quelques années après
que le Christ eût été mis à mort pour le
salut des Juifs et de toutes les autres nations, les calamités
mêmes que Caïphe et le sanhédrin avaient espéré
éviter s'abattirent dans toute leur intensité ; la
hiérarchie fut renversée, le temple détruit,
Jérusalem démolie et la nation démembrée.
Dès le jour de cette session mémorable du sanhédrin,
les dirigeants accrurent leurs efforts pour faire mettre Jésus
à mort par tous les moyens qui se présenteraient à
eux. Ils émirent un décret disant que quiconque savait
où il était devrait renseigner les dirigeants, afin
qu'ils pussent l'arrêter promptement [24].
JÉSUS
SE RETIRE À ÉPHRAÏM [25]
L'hostilité
des dirigeants ecclésiastiques devint telle que Jésus
chercha une fois de plus la retraite d'une région suffisamment
éloignée de Jérusalem pour le protéger
des regards attentifs et méchants de ses puissants ennemis
jurés. Il ne lui restait que quelques semaines de vie
mortelle, et il fallait consacrer la plus grande partie de cette
brève période à continuer à instruire les
apôtres. Il s'éloigna prudemment du voisinage de
Béthanie et « partit de là pour la contrée
voisine du désert, dans une ville appelée Éphraïm ;
il y séjournait avec ses disciples ». C'est ainsi
que notre Seigneur passa le reste de l'hiver et probablement les
premiers jours du printemps suivant. Le fait que sa retraite était
privée sinon pratiquement secrète est suggéré
par la déclaration de Jean : « Jésus
donc ne circula plus ouvertement parmi les Juifs » ;
et nous trouvons une autre indication dans le fait que bien que les
principaux sacrificateurs et les Pharisiens eussent virtuellement mis
sa tête à prix, nul ne le dénonça. Le lieu
où il se retira en dernier lieu n'est pas bien connu ; on
pense généralement que ce fut la localité que
l'on appelle Éphraïm et Éphron [26], qui se
trouvait à un peu moins de trente kilomètres au nord de
Jérusalem. La durée du séjour que notre Seigneur
y fit est tout aussi incertaine. Lorsqu'il apparut de nouveau en
public, ce fut pour entreprendre sa marche solennelle vers Jérusalem
et la croix.
[1]
Jn 10:22-39.
[2]
Rendu aussi par kislev, chisleu et cisleu, voir Za 7:1.
[3]
Josèphe, Antiquités, XII, 5:3-5. Voir Esdras 6:17, 18
et note 1, fin du chapitre. Note 2, fin du chapitre.
[4]
Jn 8:58 et 10:11 ; voir aussi chap. 25 du présent
ouvrage.
[5]
Voir note 3, fin du chapitre.
[6]
Jn 8:59. Chap. 25 du présent ouvrage.
[7]
Concernant le blasphème voir chap. 14, 18 et 34 du présent
ouvrage.
[8]
Ps 82, en particulier les versets 1 et 6. Note 8, fin du chapitre.
[9]
Chap. 18 du présent ouvrage.
[10]
Note 4, fin du chapitre.
[11]
Jn 11: 1-46.
[12]
Cf. Mt 9:24, Mc 5:39, Lc 8:52, Jb 14:12, 1 Th 4:14.
[13]
Note 5, fin du chapitre.
[14]
Jn 9 ; voir chap. 25 du présent ouvrage.
[15]
Note 6, fin du chapitre.
[16]
Note 5, fin du chapitre.
[17]
Jn. 6:12, Mt 15:37 ; voir chap. 21 et 22 du présent
ouvrage.
[18]
Mt 9:23-25, Luc 7:11-17, chap. 18 et 20 du présent ouvrage.
[19]
Jn 9:3.
[20]
Jn 12:9-11,17.
[21]
Jn 11:46-54.
[22]
Lc 16:31 ; chap. 27 du présent ouvrage.
[23]
Jn 12: 10.
[24]
Note 7, fin du chapitre.
[25]
Jn 11:57.
[26]
2 Ch 13:19, Jos 15:9.
NOTES
DU CHAPITRE 28
1.
Origine de la fête de la Dédicace : Concernant le
deuxième temple, appelé le temple de Zorobabel,
l'auteur a écrit ailleurs : « Quant au reste
de l'histoire de ce temple, le récit biblique ne nous donne
que peu de détails ; mais d'autres sources nous parlent
de ses vicissitudes. La maison du Seigneur fut profanée au
moment de la persécution des Macchabées. Un roi syrien,
Antiochus Epiphane, s'empara de Jérusalem (168 à 165
av. J. -C.) et blasphéma outrageusement la religion du peuple.
Il pilla le temple et en emporta le chandelier d'or, l'autel d'or
pour l'encens, la table des pains de proposition et il alla jusqu'à
arracher les voiles sacrés, qui étaient faits de fine
toile et d'écarlate. Il poussa la malignité jusqu'à
profaner sciemment l'autel du sacrifice en y offrant du porc et à
ériger un autel païen dans l'enceinte sacrée. Non
content de violer le temple, ce méchant monarque fit ériger
des autels dans les villes et ordonna d'y offrir des animaux impurs.
Le rite de la circoncision fut interdit sous peine de mort, et le
culte de Jéhovah fut considéré comme un crime.
Suite à cette persécution, de nombreux Juifs
apostasièrent et déclarèrent qu'ils étaient
Mèdes ou Perses - nations dont ils avaient secoué le
joug par la puissance de Dieu... Puis, en l'an 163 av. J.-C., la
maison fut dédiée à nouveau ; cet événement
fut commémoré dans la suite par une festivité
annuelle appelée la fête de la Dédicace. »
- La Maison du Seigneur, p. 41-42. Selon Josèphe (Ant. XII,
7:7) la fête fut appelée Les Lumières, et de
brillantes illuminations, tant du temple que des maisons, la
caractérisèrent. Les récits traditionnels disent
qu'on avait fixé à huit jours la durée de la
fête pour commémorer un miracle légendaire selon
lequel l'huile consacrée dans la seule jarre que l'on trouva
intacte et portant le sceau non brisé du souverain
sacrificateur avait servi à l'usage du temple pendant huit
jours, temps requis pour la préparation cérémonielle
d'une nouvelle quantité.
2.
Le portique de Salomon : Ce nom a été appliqué
à la colonnade ou rangée de portiques qui se trouve à
l'est de l'enceinte du temple, en vertu d'une tradition selon
laquelle le portique recouvrait et englobait une partie du mur
original appartenant au temple de Salomon. Voir La Maison du
Seigneur, p. 45.
3.
L'unité du Christ et du Père : La version Segond
traduit Jean 10:30: « Moi et le Père, nous sommes
un. » Par le « Père » les
Juifs comprirent, à bon droit, le Père éternel,
Dieu. Dans le grec originel « un » est au
neutre, et exprime par conséquent l'unité dans les
attributs, la puissance ou le dessein, et non une unité de
personnalité, laquelle aurait exigé le masculin.
L'unité de la Divinité et la distinction des
personnalités de chaque membre sont traitées dans
Articles de Foi, p. 45-48.
4.
Lieu de retraite de notre Seigneur : Jésus alla « au-delà
du Jourdain, à l'endroit où Jean avait d'abord
baptisé » (Jn 10:40). C'était probablement
Béthanie (1:28). Il faut prendre soin de ne pas confondre
cette Béthanie de Pérée avec la Béthanie
de Judée, résidence de Marthe et Marie, qui se trouvait
à trois kilomètres de Jérusalem.
5.
Lazare quatre jours au tombeau : En supposant, avec de grandes
chances d'être dans le vrai, que le voyage de Béthanie
de Judée à l'endroit où Jésus était,
en Pérée, demanderait un jour, Lazare avait dû
mourir le jour du départ du messager ; en effet ce
jour-là, les deux jours qui s'écoulèrent avant
que Jésus ne se mit en route vers la Judée et le jour
requis pour le retour ne couvriraient pas plus que les quatre jours
spécifiés. C'était et c'est encore la coutume en
Palestine comme dans d'autres pays orientaux d'enterrer le jour du
décès.
On
croyait communément que le quatrième jour après
la mort l'esprit avait finalement quitté le voisinage du
cadavre et que dès lors la décomposition se poursuivait
sans entrave. Cela peut expliquer l'objection impulsive quoique douce
de Marthe à voir le tombeau de son frère ouvert quatre
jours après sa mort (Jn 11:39). Il est possible que le
consentement du plus proche parent ait été requis pour
ouvrir légalement un tombeau. Marthe et Marie étaient
toutes deux là et, en présence d'un grand nombre de
témoins, consentirent à l'ouverture du tombeau dans
lequel se trouvait leur frère.
6.
Jésus frémit en son esprit : Les lectures
marginales [de la version anglaise, ndt] pour « il
frémit en son esprit » (Jn 11:33) et « frémissant
de nouveau en lui-même » (v. 38), que l'on trouve
dans la version révisée, sont « fut ému
d'indignation dans l'esprit » et « étant
ému d'indignation en lui-même ». Toutes les
autorités philologiques s'accordent pour dire que les termes
du grec originel expriment une indignation attristée ou, comme
certains l'affirment, la colère, et pas seulement l'émotion
sympathisante de la douleur. L'indignation que le Seigneur peut avoir
ressentie, comme l'implique le verset 33, peut être attribuée
au fait qu'il désapprouvait les lamentations coutumières
sur la mort qui, de la manière dont les Juifs y donnaient
libre cours en cette occasion, profanaient la douleur réelle
et profonde de Marthe et de Marie ; et son indignation, qui
s'exprima par un frémissement, comme le dit le verset 38, peut
avoir été due aux critiques harassantes émises
par certains des Juifs, comme le rapporte le verset 37.
7.
Caïphe, souverain sacrificateur cette année-là :
Il ne faut pas penser que la déclaration de Jean disant que
Caïphe était souverain sacrificateur « cette
année-là » ait voulu dire que l'office de
souverain sacrificateur n'était que pour un an. En vertu de la
loi juive, le prêtre président, que l'on appelait le
souverain sacrificateur, restait indéfiniment dans son office,
mais le gouvernement romain s'était arrogé le pouvoir
de nommer les détenteurs de cet office, et on faisait souvent
des changements. Ce Caïphe, dont le nom complet était
Joseph Caïphe, resta souverain sacrificateur nommé par
les Romains pendant une période de onze ans. Les Juifs
devaient se soumettre à ces nominations, bien qu'ils
reconnussent souvent, comme souverain sacrificateur selon leur loi,
quelqu'un d'autre que le « souverain sacrificateur civil »
nommé par l'autorité romaine. C'est ainsi que nous
voyons Anne et Caïphe exercer tous les deux l'autorité de
cet office à l'époque de l'arrestation de notre
Seigneur et plus tard (Jn 18:13,24, Ac 4:6, comparer avec Lc 3:2).
Farrar (p. 484, note) dit : « Il y en a qui ont vu
une ironie ouverte dans l'expression de Jean (11:49) que Caïphe
était souverain sacrificateur « cette année-là »,
comme si les Juifs avaient pris l'habitude de parler de cette manière
méprisante au cours de la succession rapide des prêtres
- de simples fantoches placés et déplacés par
l'autorité romaine - qui s'étaient succédés
au cours des récentes années. Il dut y avoir au moins
cinq souverains sacrificateurs et ex-souverains sacrificateurs à
ce conseil : Anne, Ismaël Ben Phabi, Eléazar Ben
Haman, Simon Ben Kamhith et Caïphe, qui avait acquis son poste
par corruption. »
8.
Les juges divinement nommés appelés « dieux » :
Dans Ps 82:6, les juges investis de l'autorité divine sont
appelés « dieux ». C'est à cette
Écriture que le Sauveur faisait allusion lorsqu'il répondit
aux Juifs dans le portique de Salomon. Les juges ainsi autorisés
agissaient comme représentants de Dieu et sont honorés
du titre sublime de « dieux ». Comparez
l'appellation semblable appliquée à Moïse (Ex
4:16, 7:1). JésusChrist avait une autorité divine,
non par la parole de Dieu à lui transmise par l'homme, mais
comme un attribut inhérent. Si les Juifs n'avaient pas eu
l'esprit enténébré par le péché,
ils auraient vu combien il était illogique d'appeler « dieux »
des juges humains et d'accuser de blasphème le Christ qui se
donnait le nom de Fils de Dieu.
CHAPITRE
29 : EN ROUTE POUR JÉRUSALEM
JÉSUS
PRÉDIT DE NOUVEAU SA MORT ET SA RÉSURRECTION [1]
Chacun
des trois auteurs synoptiques a rapporté le dernier voyage à
Jérusalem et des incidents qui s'y rapportent. La grande
solennité des événements qui étaient
maintenant si proches et du sort vers lequel il se dirigeait affecta
tellement Jésus que même ses apôtres furent
surpris de son air absorbé et de sa tristesse évidente,
ils restèrent en arrière, étonnés et
craintifs. Puis il s'arrêta, appela les Douze auprès de
lui, et dit, dans un langage parfaitement clair, sans métaphore
ni images : « Voici : nous montons à
Jérusalem ; et tout ce qui a été écrit
par les prophètes au sujet du Fils de l'homme s'accomplira.
Car il sera livré aux païens ; on se moquera de lui,
on le maltraitera, on crachera sur lui et, après l'avoir
flagellé on le fera mourir ; et le troisième jour
il ressuscitera. »
Pour
nous il est stupéfiant que les Douze n'aient pu comprendre ce
qu'il voulait dire ; cependant Luc affirme formellement :
« Mais ils n'y comprirent rien ; ces paroles leur
restaient cachées ; ils ne savaient pas ce que cela
voulait dire. » C'était la troisième fois
que le Seigneur annonçait confidentiellement aux Douze sa mort
et sa résurrection proches comme une certitude ; et
malgré cela ils ne pouvaient se résoudre à
accepter cette terrible vérité [2]. Selon le récit
de Matthieu, ils apprirent la manière exacte dont le Seigneur
mourrait - que les Gentils le crucifieraient - et pourtant ils ne le
comprenaient pas. Pour eux il y avait quelque incongruité
terrible, quelque manque de logique atroce ou une contradiction
inexplicable dans les paroles de leur Maître bien-aimé.
Ils savaient qu'il était le Christ, le Fils du Dieu vivant ;
comment quelqu'un de pareil pouvait-il être arrêté
et tué ! Ils ne pouvaient manquer de se rendre compte
qu'un événement sans précédent dans sa
vie était sur le point de se produire ; ils ont pu
concevoir vaguement que c'était la crise qu'ils attendaient,
la proclamation ouverte de sa dignité messianique, son
couronnement comme Seigneur et Roi. Et c'était ce qui allait
être, bien que d'une manière extrêmement
différente de ce qu'ils attendaient. C'est la prédiction
culminante - que le troisième jour il ressusciterait - qui
semble les avoir le plus intrigués ; et, en même
temps, l'assurance de son triomphe ultime a pu faire paraître
tous les événements intermédiaires comme
d'importance secondaire et passagère. Ils repoussaient avec
persistance la pensée qu'ils suivaient leur Seigneur à
la croix et au sépulcre.
DE
NOUVEAU LA QUESTION DE PRÉSÉANCE [3]
En
dépit de toutes les instructions que les apôtres avaient
reçues sur l'humilité, et bien qu'ils eussent devant
eux l'exemple suprême de la vie et de la conduite du Maître
qui montrait abondamment que le service était le seul critère
de la vraie grandeur, ils continuaient à rêver et de
rang et d'honneurs dans le royaume du Messie. C'est peut-être à
cause de l'imminence du triomphe du Maître qui s'imposait à
ce moment-là à leur esprit, bien qu'ils fussent
ignorants de sa véritable signification, que certains des
Douze adressèrent au Seigneur, au cours de ce voyage, une
requête extrêmement ambitieuse. Les solliciteurs étaient
Jacques et Jean, bien que, d'après le texte de Matthieu,
c'était leur mère [4] qui fut la première à
faire la demande. Il fut demandé que lorsque Jésus
entrerait en possession de son royaume, il fît au couple
d'ambitieux l'insigne honneur de les installer à des postes
suprêmes, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche.
Au lieu de réprimander vertement pareille présomption,
Jésus demanda doucement mais d'une manière
impressionnante : « Pouvez-vous boire la coupe que je
vais boire, ou être baptisés du baptême dont je
vais être baptisé ? » La réponse
était pleine de confiance en soi inspirée par une
méprise due à l'ignorance. « Nous le
pouvons », répliquèrent-ils. Alors Jésus
dit : « Il est vrai que vous boirez la coupe que je
vais boire, et que vous serez baptisés du baptême dont
je vais être baptisé ; mais pour ce qui est d'être
assis à ma droite ou à ma gauche, ce n'est pas à
moi de le donner, sinon à ceux pour qui cela est préparé
par mon Père. »
Les
dix apôtres furent indignés contre les deux frères,
moins peut-être parce qu'ils désapprouvaient l'esprit
qui les avait poussés à faire cette demande que parce
que ces deux-là avaient devancé les autres en demandant
les postes de distinction principaux. Mais Jésus, tolérant
patiemment leurs faiblesses humaines, attira les Douze autour de lui
et les instruisit comme un père aimant pourrait instruire et
exhorter ses enfants querelleurs. Il leur montra comment les
souverains terrestres, comme les princes parmi les Gentils, dominent
sur leurs sujets, manifestant leur suzeraineté et exerçant
arbitrairement l'autorité de leur office. Mais il ne devait
pas en être ainsi parmi les serviteurs du Maître ;
quiconque voulait être grand devrait être un serviteur,
disposé à servir ses semblables ; le serviteur le
plus humble et celui qui manifesterait le plus de bonne volonté
serait le chef des serviteurs. « C'est ainsi que le Fils
de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et
donner sa vie en rançon pour beaucoup » [5].
UN
AVEUGLE RECOUVRE LA VUE PRÈS DE JÉRICHO [6]
Au
cours de son voyage, Jésus arriva à Jéricho,
ville dans laquelle ou près de laquelle il exerça de
nouveau son merveilleux pouvoir d'ouvrir les yeux des aveugles.
Matthieu déclare que deux aveugles furent guéris et que
le miracle fut accompli au moment où Jésus quittait
Jéricho ; Marc ne parle que d'un aveugle, qu'il appelle
Bartimée ou fils de Timée, et s'accorde avec Matthieu
pour dire que la guérison se produisit alors que Jésus
quittait la ville ; Luc ne spécifie qu'un bénéficiaire
de la miséricorde guérisseuse du Seigneur, « un
aveugle », et rapporte le miracle comme un incident qui se
produisit au moment où le Christ s'approchait de Jéricho.
Ces légères variantes témoignent du fait que
chacun des documents a un auteur indépendant, et les
divergences apparentes n'ont pas d'effet direct sur les faits
principaux ni ne diminuent la valeur pédagogique de l'œuvre
du Seigneur. Comme nous avons vu que c'était le cas lors d'une
occasion antérieure, deux hommes furent cités bien
qu'un seul figure dans le récit détaillé [7].
L'homme
dont il est parlé plus particulièrement, Bartimée,
était assis au bord de la route, demandant l'aumône.
Jésus s'approcha, accompagné des apôtres, de
beaucoup d'autres disciples et d'une grande multitude de gens,
constituée probablement en grande partie de voyageurs en route
pour Jérusalem pour assister à la fête de la
Pâque, qui était dans une semaine environ. Entendant le
piétinement d'un si grand nombre de personnes, le mendiant
aveugle demanda ce que tout cela voulait dire, et on lui répondit
que : « Jésus de Nazareth passait. »
Impatient, craignant de perdre l'occasion d'attirer l'attention du
Maître, il s'écria immédiatement d'une voix
forte : « Jésus, Fils de David, aie pitié
de moi. » Son appel, et surtout le fait qu'il utilisa le
titre Fils de David, montre qu'il avait entendu parler du grand
Maître, avait confiance en son pouvoir de guérir et
avait la foi qu'il était le Roi et Libérateur promis
d'Israël [8]. Ceux qui se trouvaient en avant de Jésus
dans le groupe essayèrent de réduire l'homme au
silence, mais plus ils le réprimandaient, plus il criait fort
et avec insistance : « Fils de David, aie pitié
de moi ! » Jésus s'arrêta et ordonna
qu'on lui amenât l'homme. Ceux qui, un instant auparavant
encore, auraient arrêté l'appel ardent de l'aveugle,
étaient désireux de lui rendre service maintenant que
le Maître l'avait remarqué. Ils apportèrent la
bonne nouvelle à l'aveugle : « Prends courage,
lève-toi, il t'appelle. » Et lui, jetant son
manteau, de crainte qu'il ne l'embarrassât, se hâta de
s'approcher du Christ. À la question du Seigneur : « Que
veux-tu que je te fasse ? » Bartimée
répondit : « Seigneur, que je recouvre la
vue ! » Alors Jésus prononça les mots
tout simples remplis de puissance et de bénédictions :
« Recouvre la vue ; ta foi t'a sauvé. »
L'homme, plein de reconnaissance et sachant que seule l'intervention
divine avait pu lui ouvrir les yeux, suivit son Bienfaiteur,
glorifiant Dieu en de sincères prières d'actions de
grâce, auxquelles un grand nombre de ceux qui avaient été
témoins du miracle se joignirent avec ferveur.
ZACHÉE,
CHEF DES PÉAGERS [9]
Jésus
se trouvait dans une ville d'une importance considérable ;
parmi les fonctionnaires qui y résidaient se trouvait une
équipe de péagers, ou collecteurs d'impôts, dont
le chef était Zachée [10], que les revenus de son
office avaient rendu riche. Il avait indubitablement entendu parler
du grand Galiléen qui n'hésitait pas à se mêler
aux péagers, quelque détestés qu'ils fussent des
Juifs en général ; il savait peut-être aussi
que Jésus avait placé un de cette classe des péagers
parmi les principaux disciples. Le nom Zachée, variante de
« Zacharie », indique qu'il était juif.
Il devait être particulièrement détesté de
son peuple à cause de la haute position parmi les péagers,
qui étaient tous à la solde des Romains. Il avait un
grand désir de voir Jésus ; ce sentiment n'était
pas de la simple curiosité ; ce qu'il avait entendu au
sujet de ce Maître de Nazareth l'avait frappé et l'avait
fait réfléchir. Mais Zachée était un
homme de petite taille, et ordinairement il lui était
impossible de voir par-dessus la tête des autres ; aussi
courut-il en avant de la compagnie et grimpa-t-il sur un arbre qui se
dressait au bord de la route. Lorsque Jésus parvint à
cet endroit, à la grande surprise de l'homme qui se trouvait
dans l'arbre, il leva les yeux et dit : « Zachée,
hâte-toi de descendre ; car il faut que je demeure
aujourd'hui dans ta maison. » Zachée descendit en
hâte et reçut avec joie le Seigneur comme hôte. La
multitude qui avait accompagné Jésus semble avoir été
en général amicale à son égard ;
mais lorsque les affaires prirent cette tournure, ils murmurèrent
et critiquèrent, disant du Maître : « il
est allé loger chez un homme pécheur » ;
car tous les péagers étaient pécheurs aux yeux
des Juifs, et Zachée admit que dans son cas il était
probable que l'opprobre était méritée. Mais
ayant vu Jésus et ayant parlé avec lui, ce chef des
péagers crut et fut converti. Pour prouver le changement de
son cœur, Zachée promit sur-le-champ de faire amende
honorable et de restituer si cela s'avérait nécessaire.
« Voici, Seigneur », dit-il : « je
donne aux pauvres la moitié de mes biens, et si j'ai fait tort
de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. »
C'étaient des œuvres qui prouvaient le repentir. L'homme
se rendait compte qu'il ne pouvait changer son passé ;
mais il savait qu'il pouvait du moins en partie expier certains de
ses méfaits. Sa promesse de restituer au quadruple ce qu'il
avait mal acquis était conforme à la loi mosaïque
de la restitution mais dépassait de loin la compensation
requise [11]. Jésus accepta la profession de repentir de
cet homme et dit : « Aujourd'hui le salut est venu
pour cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham. »
Une autre brebis égarée était revenue au
bercail ; un autre trésor perdu avait été
retrouvé ; un autre fils prodigue était rentré
dans la maison du Père [12]. « Car le Fils de
l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
ON
DONNERA À CELUI QUI A [13]
Comme
la multitude s'approchait de Jérusalem, Jésus se
trouvant au milieu d'elle, on s'interrogea vivement sur ce que le
Seigneur ferait lorsqu'il arriverait dans la capitale du pays.
Beaucoup de ceux qui étaient avec lui s'attendaient à
ce qu'il proclamât son autorité royale et « on
pensait que le royaume de Dieu devait apparaître à
l'instant ». Jésus leur raconta une histoire ;
nous l'appelons la parabole des mines :
« Un
homme de haute naissance s'en alla dans un pays lointain, pour
recevoir la royauté et revenir ensuite. Il appela dix de ses
serviteurs, leur donna dix mines et leur dit : Faites-les
valoir, jusqu'à ce que je revienne. Mais ses concitoyens le
haïssaient, et ils envoyèrent une ambassade après
lui, pour dire : Nous ne voulons pas que celui-là règne
sur nous. Lorsqu'il fut de retour, après avoir reçu la
royauté, il fit appeler auprès de lui les serviteurs
auxquels il avait donné l'argent, afin de connaître
comment chacun l'avait fait valoir. Le premier vint et dit :
Seigneur, ta mine a rapporté dix mines. Il lui dit :
C'est bien, bon serviteur ; parce que tu as été
fidèle en peu de chose, reçois le gouvernement de dix
villes. Le second vint et dit : Seigneur, ta mine a produit cinq
mines. Il lui dit : Toi aussi, sois établi sur cinq
villes. Un autre vint, et dit : Seigneur, voici ta mine que j'ai
gardée dans un linge, car j'avais peur de toi, parce que tu es
un homme sévère ; tu prends ce que tu n'as pas
déposé, et tu moissonnes ce que tu n'as pas semé.
Il lui dit : Je te jugerai sur tes paroles, mauvais serviteur ;
tu savais que je suis un homme sévère ; que je
prends ce que je n'ai pas déposé, et moissonne ce que
je n'ai pas semé ; pourquoi donc n'as-tu pas placé
mon argent dans une banque, et à mon retour je l'aurais retiré
avec un intérêt ? Puis il dit à ceux qui
étaient là : Otez-lui la mine et donnez-la à
celui qui a les dix mines. Ils lui dirent : Seigneur, il a dix
mines. Je vous le dis, on donnera à celui qui a, mais à
celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a. Au reste,
amenez ici mes ennemis qui n'ont pas voulu que je règne sur
eux, et égorgez-les en ma présence. »
Le
détail de l'histoire et l'application de la parabole étaient
tous deux plus faciles à comprendre à la multitude
juive qu'à nous. Le départ d'un homme de haute
naissance d'une province vassale pour la cour du suzerain pour
obtenir l'investiture de l'autorité royale, et la protestation
des citoyens sur qui il prétendait régner étaient
des incidents de l'histoire juive encore frais à l'esprit du
peuple à qui le Christ parlait [14]. L'explication de la
parabole est la suivante : le peuple ne devait pas attendre
l'établissement immédiat du royaume dans son pouvoir
temporel. Celui qui allait être roi était représenté
étant parti pour un pays lointain dont il retournerait
certainement. Avant de partir, il avait donné à chacun
de ses serviteurs une somme d'argent bien déterminée ;
et c'est par le succès avec lequel ils l'utiliseraient qu'il
jugerait de leur capacité à remplir des postes de
confiance. Lorsqu'il revint, il demanda des comptes, dans lesquels
les cas des trois serviteurs sont typiques. L'un d'eux avait utilisé
la mine de manière à en produire dix autres ; il
fut félicité et reçut une récompense que
seul un souverain pourrait donner, le gouvernement de dix villes. Le
deuxième serviteur, qui avait reçu le même
capital, ne l'avait accru que cinq fois ; il reçut donc
la récompense proportionnée en étant nommé
gouverneur de cinq villes. Le troisième rendit ce qu'il avait
reçu sans accroissement, car il ne l'avait pas utilisé.
Il n'avait aucune raison et seulement une très mauvaise excuse
à présenter pour sa négligence. Il fut justement
réprimandé avec sévérité, et
l'argent lui fut enlevé. Lorsque le roi ordonna que la mine
ainsi perdue par le serviteur infidèle fût donnée
à celui qui en avait déjà dix, certains qui se
trouvaient là manifestèrent une certaine surprise ;
mais le roi expliqua que « on donnera à celui qui
a » ; car il tire parti de ce qui lui est confié,
tandis que « à celui qui n'a pas, on ôtera
même ce qu'il a », car il a prouvé qu'il
était totalement incapable de posséder et d'utiliser
convenablement. Cette partie de la parabole, bien que d'application
générale, dut être frappante pour les apôtres ;
car chacun d'eux avait reçu par son ordination une investiture
égale, et chacun devrait rendre des comptes de son
administration. Il est clair que le Christ était l'homme de
haute naissance qui devait recevoir la royauté et qui
reviendrait réclamer des comptes des serviteurs auxquels il
avait fait confiance [15]. Mais un grand nombre de citoyens le
haïssaient et protestèrent contre son investiture disant
qu'ils ne voulaient pas qu'il régnât sur eux [16].
Lorsqu'il reviendra avec puissance et autorité, ces citoyens
rebelles recevront certainement le châtiment qu'ils
méritent [17].
CHEZ
SIMON LE LÉPREUX [18]
Six
jours avant la fête de la Pâque, c'est-à-dire
avant le jour où l'agneau pascal devait être mangé [19],
Jésus arriva à Béthanie, ville natale de Marthe
et Marie, et de Lazare qui était mort récemment et
avait été rappelé à la vie. La
chronologie des événements, tels qu'ils se présentent
au cours de la dernière semaine de la vie de notre Seigneur,
soutient la croyance généralement acceptée que
cette année-là, le 14 nisan, date à laquelle la
fête de Pâque commençait, tombait un jeudi ;
ceci étant, le jour où Jésus parvint à
Béthanie était le vendredi précédent,
veille du sabbat juif. Jésus savait parfaitement que ce sabbat
était le dernier qu'il verrait dans la mortalité. Les
évangélistes ont tiré le voile d'un silence
respectueux sur les événements de ce jour-là. Il
semble que Jésus passa son dernier sabbat dans la retraite de
Béthanie. Le voyage à pied depuis Jéricho
n'avait pas été une promenade facile, car la route
montait à une altitude de près de neuf cents mètres
et était d'ailleurs par elle-même une route fatigante.
Le
samedi, probablement le soir, après la fin du sabbat, un repas
fut préparé pour Jésus et les Douze chez Simon
le lépreux. L'Écriture ne dit rien d'autre de ce Simon.
S'il vivait à l'époque où le Seigneur fut reçu
dans la maison qui porte son nom, et s'il était là, il
avait dû déjà être guéri de sa
lèpre, sinon on ne lui aurait pas permis de résider à
l'intérieur de la ville et encore moins de se trouver parmi
les invités d'une fête. Il est raisonnable de penser que
l'homme avait jadis été victime de la lèpre, ce
qui lui avait valu le nom de Simon le lépreux, et qu'il était
l'une des nombreuses personnes qui souffraient de cette terrible
maladie et qui avaient été guéries par
l'intervention du Seigneur.
En
cette occasion mémorable, Marthe était chargée
des préparatifs pour le repas, et sa sœur Marie était
avec elle, tandis que Lazare était à table avec Jésus.
Beaucoup ont pensé que la maison de Simon le lépreux
était la résidence familiale des deux sœurs de
Lazare, auquel cas il est possible que Simon ait été le
père des trois jeunes gens, mais nous n'en avons aucune
preuve [20]. Aucune tentative ne fut faite d'obtenir une
intimité particulière à ce repas. À cette
époque, ce genre d'événement était
ordinairement marqué de la présence d'un grand nombre
de badauds non invités ; et nous ne sommes donc pas
surpris d'apprendre que beaucoup de gens étaient là et
qu'ils étaient venus « non pas seulement à
cause de Jésus, mais pour voir aussi Lazare qu'il avait
ressuscité d'entre les morts ». Lazare était
pour le peuple un sujet très intéressant et sans aucun
doute un objet de curiosité et, à l'époque où
il avait le privilège d'être en rapports étroits
avec Jésus à Béthanie, les principaux
sacrificateurs complotaient pour le mettre à mort à
cause de l'effet que sa résurrection avait eue sur le peuple,
dont un grand nombre croyait en Jésus à cause du
miracle.
Ce
souper de Béthanie était un événement qui
devait être inoubliable. Marie, la plus contemplative et la
plus empreinte de spiritualité des deux sœurs, celle qui
aimait s'asseoir aux pieds de Jésus et écouter ses
paroles, et qui avait été félicitée
d'avoir ainsi choisi la seule chose nécessaire qui manquait à
sa sœur plus pratique [21], sortit de parmi ses trésors
un vase d'albâtre contenant une livre d'un parfum de nard de
grand prix, rompit le vase et en déversa le contenu parfumé
sur la tête et les pieds de son Seigneur, et lui essuya les
pieds de ses tresses dénouées [22]. Oindre d'huile
ordinaire la tête d'un invité, c'était lui faire
honneur ; lui oindre également les pieds, c'était
montrer une considération extraordinaire et insigne ;
mais oindre la tête et les pieds de nard, et en telle
abondance, était un acte d'hommage respectueux rarement rendu
même aux rois [23]. L'acte de Marie était une
expression d'adoration ; c'était l'exubérance
parfumée d'un cœur plein de dévotion et
d'affection.
Mais
ce splendide tribut de l'amour d'une femme pieuse fut le sujet d'une
protestation désagréable. Judas Iscariot, trésorier
des Douze mais malhonnête, cupide et mesquin, laissa libre
cours à ses murmures, disant : « Pourquoi
n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers pour les donner aux
pauvres [24] ? » Cette sollicitude apparente
pour les pauvres était pure hypocrisie. C'était un
voleur, et il se plaignait de ne pas avoir reçu le précieux
parfum à vendre, ou que le prix n'en eût pas été
versé dans l'escarcelle dont il était le gardien
intéressé. Marie avait utilisé si abondamment le
précieux parfum que d'autres que Judas avaient laissé
leur surprise se transformer en murmures ; mais c'est à
lui qu'est attribuée la distinction d'être le principal
mécontent. La nature sensible de Marie fut affligée de
la méchante désapprobation, mais Jésus
s'interposa, disant : « Pourquoi faites-vous de la
peine à cette femme ? Elle a accompli une bonne action à
mon égard. » Puis continuant à les
réprimander et en guise d'instruction solennelle, il
poursuivit : « Car vous avez toujours les pauvres
avec vous, mais moi, vous ne m'avez pas toujours. En répandant
ce parfum sur mon corps, elle l'a fait pour ma sépulture. En
vérité, je vous le dis, partout où cette bonne
nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on
racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait. »
On
ne nous dit pas avec certitude si Marie savait qu'avant quelques
jours son Seigneur bien-aimé serait au tombeau. Il se peut
qu'elle en ait été informée, étant donné
l'intimité sacrée qui existait entre Jésus et la
famille ; il se peut aussi qu'elle ait déduit des
réflexions du Christ aux apôtres qu'il était sur
le point de faire le sacrifice de sa vie ; ou peut-être
est-ce inspirée par l'intuition qu'elle fut poussée à
rendre ce tribut d'amour dans lequel son souvenir a été
enchâssé dans le cœur de tous ceux qui connaissent
et aiment le Christ. Jean nous a conservé la réflexion
de Jésus dans la réprimande provoquée par les
grognements de l'Iscariot : « Laisse-la ; c'est
pour le jour de mon ensevelissement qu'elle l'a gardé » [version
du roi Jacques, ndt] ; et la version de Marc suggère de
même que Marie avait une intention bien déterminée
et solennelle : « elle a d'avance embaumé mon
corps pour la sépulture. »
L'ENTRÉE
TRIOMPHALE DU CHRIST À JÉRUSALEM [25]
Tandis
qu'il se trouvait encore à Béthanie ou dans le village
voisin de Bethphagé et, selon le récit de Jean, le
lendemain du repas chez Simon, Jésus ordonna à deux de
ses disciples de se rendre en un certain lieu où, leur dit-il,
ils trouveraient une ânesse attachée et avec elle un
ânon sur lequel nul ne s'était jamais assis. Ils
devaient les lui amener. Si on les arrêtait ou si on les
questionnait, ils devaient dire que le Seigneur avait besoin des
animaux. Matthieu est le seul à parler de l'ânesse et de
l'ânon ; les autres écrivains ne parlent que du
dernier ; il est très vraisemblable que la mère
suivit lorsqu'on emmena le petit, et la présence de la mère
servit probablement à tenir l'ânon tranquille. Les
disciples trouvèrent tout comme le Seigneur l'avait dit. Ils
amenèrent l'ânon à Jésus, étendirent
leurs manteaux sur le dos du doux animal et y firent asseoir le
Maître. Le groupe se mit en route pour Jérusalem, Jésus
chevauchant au milieu d'eux.
Or,
comme c'était l'habitude, un grand nombre de personnes
s'étaient rendues à la ville plusieurs jours avant le
commencement des rites de la Pâque, afin de régler les
questions de purification personnelle et de payer leurs arriérés
dans l'offrande des sacrifices prescrits. Bien que le grand moment où
la fête devait commencer ne fût que quatre jours plus
tard, la ville était bondée de pèlerins ;
parmi ceux-ci on se demandait beaucoup si Jésus s'aventurerait
à paraître publiquement à Jérusalem au
cours de la fête, étant donné les plans bien
connus de la hiérarchie de le faire arrêter. Le commun
du peuple s'intéressait à toutes les actions et à
tous les mouvements du Maître, et la nouvelle qu'il avait
quitté Béthanie le devança, de sorte que
lorsqu'il se mit à descendre la partie la plus élevée
de la route, au flanc du mont des Oliviers, de grandes foules
s'étaient assemblées autour de lui. Le peuple jubilait
de voir Jésus se diriger vers la ville sainte ; les gens
étendirent leurs vêtements et jetèrent des
feuilles de palmiers et d'autres feuillages sur son chemin, tapissant
ainsi la route tout comme pour le passage d'un roi. Pour le moment il
était le roi et eux ses sujets adorateurs. Les voix des gens
résonnaient en un écho harmonieux : « Béni
soit le roi, celui qui vient au nom du Seigneur ! Paix dans le
ciel, et gloire dans les lieux très hauts ! »
Et encore : « Hosanna au Fils de David ! Béni
soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux
très hauts » [26].
Mais
au milieu de toute cette allégresse, Jésus était
triste lorsqu'il arriva en vue de la grande ville où se
trouvait la Maison du Seigneur, et il pleura à cause de la
méchanceté de son peuple, de son refus de l'accepter
comme Fils de Dieu ; en outre, il prévoyait les scènes
terribles de destruction à cause de laquelle la ville et le
temple allaient tous deux tomber bientôt. Dans son angoisse et
ses larmes, il apostropha ainsi la ville condamnée : « Si
tu connaissais, toi aussi, en ce jour, ce qui te donnerait la paix !
Mais maintenant c'est caché à tes yeux. Il viendra sur
toi des jours où tes ennemis t'environneront de palissades,
t'encercleront et te presseront de toutes parts ; ils
t'écraseront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ne
laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu
le temps où tu as été visitée. »
La multitude s'augmentait de foules nouvelles qui se joignaient à
l'imposante procession à chaque croisement de chemins ;
et les cris de louange et d'hommage se faisaient entendre à
l'intérieur de la ville tandis que la compagnie était
encore loin des murs. Lorsque le Seigneur traversa le massif portail
et entra dans la capitale du grand Roi, la ville tout entière
était en émoi. À la question de ceux qui
n'étaient pas informés. « Qui est
celui-ci ? », la multitude criait : « C'est
Jésus, le prophète, de Nazareth en Galilée. »
Il se peut que les pèlerins galiléens furent les
premiers à répondre et les plus forts à faire la
joyeuse proclamation ; car les orgueilleux judéens
tenaient la Galilée en piètre estime, et ce jour-là,
Jésus de Galilée était le personnage le plus
important de Jérusalem. Les Pharisiens, jaloux des honneurs
ainsi donnés à quelqu'un dont ils complotaient la mort
depuis si longtemps, se lamentèrent impuissants les uns auprès
des autres de l'échec de tous leurs plans hostiles, disant :
« Vous voyez que vous ne gagnez rien, voici que (tout) le
monde est allé après lui. » Incapables
d'arrêter l'enthousiasme débordant des multitudes ou de
réduire au silence les joyeuses acclamations, certains des
Pharisiens se frayèrent un chemin dans la foule jusqu'à
Jésus, et firent appel à lui, disant : « Maître,
reprends tes disciples. » Mais le Seigneur répondit :
« Je vous le dis, s'ils se taisent, les pierres
crieront [27] ! » Descendant de l'ânon, il
entra à pied dans l'enceinte du temple ; des cris
d'adulation l'y accueillirent. Les principaux sacrificateurs, les
scribes et les Pharisiens, les représentants officiels de la
théocratie, la hiérarchie du judaïsme, étaient
en rage ; il était indéniable que le peuple
rendait les honneurs messianiques à ce Nazaréen
gênant ; et cela dans l'enceinte même du temple de
Jéhovah.
Le
but du Christ en cédant ainsi pour ce jour aux désirs
du peuple et en acceptant son hommage avec une grâce royale,
notre esprit limité ne peut peut-être pas le comprendre
pleinement. Il est clair que l'événement n'était
pas une occasion accidentelle ou fortuite dont il profitait sans
intention préconçue. Il savait d'avance ce qui serait
et ce qu'il ferait. Ce n'était pas une mise en scène
sans signification, mais l'arrivée réelle du Roi des
rois. Il entra, chevauchant un ânon, en signe de paix, acclamé
par les cris de Hosanna des multitudes, non sur un destrier
caparaçonné avec la panoplie de combat ni aux accents
de coups de trompe et de fanfares de trompettes. Le fait que le
joyeux événement ne suggérait aucunement de
l'hostilité physique ou des troubles séditieux est
suffisamment démontré par le désintéressement
indulgent avec lequel les fonctionnaires romains le considérèrent,
eux qui étaient ordinairement prompts à envoyer leurs
légionnaires se déverser du haut de la forteresse
d'Antonia au premier signe d'émeute, et ils étaient
particulièrement vigilants à supprimer tous les
prétendants messianiques, car de faux messies s'étaient
déjà levés, et on avait versé beaucoup de
sang pour dissiper de force leurs prétentions trompeuses. Mais
les Romains ne voyaient rien à craindre, et peut-être
beaucoup de choses qui prêtaient à sourire dans le
spectacle d'une roi monté sur un âne et accompagné
de sujets qui, quoique nombreux, ne brandissaient pas d'armes mais
agitaient au contraire des palmes et des rameaux de myrte. L'âne
a été désigné dans la littérature
comme « l'antique symbole de la royauté juive »,
et celui qui chevauche un âne comme le modèle de la
marche pacifique.
Pareille
entrée triomphale de Jésus dans la principale ville des
Juifs aurait été absolument contraire à la
teneur générale de son ministère dans ses
premiers stades. Même lorsqu'il avait laissé entendre
qu'il était le Christ, il l'avait fait avec beaucoup de soin,
s'il l'avait jamais fait, et il avait étouffé dans
l'œuf toute manifestation de considération populaire
dans laquelle il aurait pu figurer comme chef national. Mais
maintenant, l'heure de la grande consommation était proche ;
le fait d'accepter publiquement l'hommage de la nation et de
reconnaître les deux titres de roi et de Messie, c'était
proclamer ouvertement et officiellement son investiture divine. Il
était entré dans la ville et dans le temple de la
manière royale qui convenait au prince de la paix. Les chefs
de la nation l'avaient rejeté et s'étaient moqués
de ses prétentions. La manière dont il entra aurait dû
frapper les savants docteurs de la loi et les prophètes ;
car la prédiction impressionnante de Zacharie dont Jean,
l'évangéliste, voit l'accomplissement dans les
événements de ce dimanche mémorable [28],
était fréquemment citée parmi eux : « Sois
transportée d'allégresse, fille de Sion ! Lance
des clameurs, fille de Jérusalem ! Voici ton roi, il
vient à toi ; il est juste et victorieux [la version
du roi Jacques dit : « détenteur du salut »,
ndt], il est humble et monté sur un âne, sur un ânon,
le petit d'une ânesse » [29].
DES
GRECS RENDENT VISITE AU CHRIST [30]
Parmi
les multitudes qui se rendaient à Jérusalem à
l'époque de la Pâque annuelle, il y avait des gens de
nombreuses nations. Certains d'entre eux, bien que n'étant pas
d'ascendance juive, avaient été convertis au judaïsme ;
ils étaient admis dans l'enceinte du temple mais n'avaient pas
la permission de dépasser la cour des Gentils [31].
Pendant la dernière semaine que notre Seigneur passa dans la
mortalité, probablement le jour de son entrée royale
dans la viIle [32], certains Grecs, qui comptaient de toute
évidence parmi les prosélytes puisqu'ils étaient
venus « pour adorer pendant la fête »,
demandèrent un entretien avec Jésus. Justement remplis
d'un sentiment de bienséance, ils hésitaient à
aborder directement le Maître et s'adressèrent au lieu
de cela à Philippe, l'un des apôtres, disant :
« Seigneur, nous voudrions voir Jésus. »
Philippe consulta André, et les deux hommes en informèrent
alors Jésus qui, comme nous pouvons le déduire
raisonnablement du contexte, bien que le fait ne soit pas déclaré
explicitement, reçut favorablement les visiteurs étrangers
et leur donna des préceptes d'une très grande valeur.
Il est évident que le désir que ces Grecs avaient de
rencontrer le Maître n'était pas basé sur de la
curiosité ou une autre impulsion mauvaise ; ils
désiraient vivement voir et entendre le Maître dont la
réputation était parvenue jusqu'à leur pays et
dont les enseignements les avaient frappés.
Jésus
leur attesta que l'heure de sa mort était proche, l'heure à
laquelle « le Fils de l'homme doit être glorifié ».
Ils furent surpris et affligés des paroles du Seigneur et
demandèrent probablement si pareil sacrifice était
nécessaire. Jésus expliqua en citant une illustration
frappante tirée de la nature : « En vérité,
en vérité, je vous le dis, si le grain de blé ne
tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; mais s'il meurt, il
porte beaucoup de fruit » [33]. La comparaison est
excellente, et en même temps magistralement simple et belle. Un
fermier qui néglige ou refuse de semer son blé en
terre, parce qu'il veut le garder, ne peut avoir d'accroissement ;
mais s'il sème le blé dans un sol bon et riche, chaque
grain vivant peut se multiplier de nombreuses fois, bien que la
semence doive nécessairement être sacrifiée dans
ce processus. C'est ainsi, dit le Seigneur, que « celui
qui aime sa vie la perd, et celui qui a de la haine pour sa vie dans
ce monde la conservera pour la vie éternelle ». Ce
que le Maître veut dire est clair ; celui qui aime sa vie
au point de ne pas vouloir la mettre en danger ou, si c'est
nécessaire, la sacrifier au service de Dieu, perdra son
occasion d'acquérir l'accroissement abondant de la vie
éternelle, tandis que celui qui considère l'appel de
Dieu comme à ce point supérieur à la vie que son
amour de la vie est comme de la haine en comparaison, trouvera la vie
qu'il abandonne librement ou est disposé à abandonner,
même si pour le moment elle disparaît comme le grain
enfoui dans la terre ; et il se réjouira de l'abondance
d'un développement éternel. Si cela est vrai de
l'existence de chaque homme, combien cela était-il éminemment
vrai de la vie de celui qui était venu mourir afin que les
hommes vivent ? C'est pourquoi il était nécessaire
qu'il mourût, comme il avait dit qu'il était sur le
point de le faire ; mais sa mort, loin d'être une vie
perdue, devait être une vie glorifiée.
LA
VOIX DU CIEL [34]
La
conscience des expériences atroces qu'il était sur le
point de connaître, et en particulier la contemplation de
l'état de péché qui rendait son sacrifice
impérieux pesaient tellement sur l'esprit du Sauveur qu'il fut
profondément affligé. « Maintenant mon âme
est troublée », gémit-il. « et
que dirai-je ? » s'exclama-t-il avec angoisse.
Dirait-il : « Père sauve-moi de cette heure »
alors qu'il savait que « c'est pour cela »
qu'il était venu « jusqu'à cette heure » ?
Ce n'était qu'à son Père qu'il pouvait
s'adresser pour trouver du soutien et du réconfort, non pour
être soulagé de ce qui allait venir, mais pour avoir la
force de l'endurer ; et il pria : « Père,
glorifie ton nom ! » C'était une âme
puissante qui s'apprêtait à affronter l'épreuve
suprême, qui pour le moment semblait écrasante. À
cette prière dans laquelle le Fils se soumettait de nouveau à
la volonté du Père : « Une voix vint
alors du ciel : je l'ai glorifié et je le glorifierai de
nouveau. »
La
voix était réelle ; ce n'était pas un
murmure subjectif de consolation pour la conscience intérieure
de Jésus mais une réalité extérieure et
objective. Des gens qui se trouvaient tout près entendirent le
bruit et l'interprétèrent de différentes
manières ; certains dirent que c'était le
tonnerre, d'autres, dont le discernement spirituel était
meilleur, dirent : « Un ange lui a parlé » ;
et certains peuvent avoir compris les paroles comme Jésus les
avaient comprises. Complètement sorti maintenant du nuage
d'angoisse qui l'enveloppa passagèrement, le Seigneur se
tourna vers le peuple, disant : « Ce n'est pas à
cause de moi que cette voix s'est fait entendre ; c'est à
cause de vous. » Puis, conscient que son triomphe sur le
péché et la mort était assuré, il
s'exclama avec des accents de joie divine, comme si la croix et le
sépulcre étaient déjà dépassés :
« Maintenant c'est le jugement de ce monde ;
maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. »
Satan, prince du monde, était condamné [35]. « Et
moi », poursuivit le Seigneur, « quand j'aurai
été élevé de la terre, j'attirerai tous
(les hommes) à moi. » Jean nous assure que cette
dernière parole avait trait à la manière dont le
Seigneur mourrait ; c'est ce que le peuple comprit, et il
demanda l'explication de ce qui lui semblait être un manque de
logique. En effet, les Écritures, comme on lui avait appris à
les interpréter, déclaraient que le Christ devait
demeurer éternellement [36], et maintenant voilà
que lui, qui se prétendait être le Messie, le Fils de
l'homme affirmait qu'il devait être élevé. « Qui
est ce Fils de l'homme ? » demandèrent-ils.
Soucieux comme toujours de ne pas jeter de perles là où
elles ne seraient pas appréciées, le Seigneur s'abstint
de répondre directement mais les exhorta à marcher dans
la lumière tant que la lumière était avec eux,
car les ténèbres suivraient certainement ; et,
comme il le leur rappelait, « celui qui marche dans les
ténèbres ne sait pas où il va ». En
conclusion le Seigneur les exhorta de cette manière :
« Pendant que vous avez la lumière, croyez en la
lumière, afin que vous deveniez des enfants de
lumière » [37]. À la fin de ce
discours, Jésus quitta le peuple « et se cacha loin
d'eux ».
Voici
comment Marc termine le rapport du premier jour de ce qui a pris le
nom de la semaine de la passion de notre Seigneur [38] :
« Quand il eut tout regardé, vu l'heure tardive, il
s'en alla à Béthanie avec les douze » [39].
[1]
Mt 20:17-19, Mc 10:32-34, Lc 18:31-34.
[2]
Les prédictions précédentes étaient :
(1) celle qui fut faite peu avant la Transfiguration (Mt 16:21, Mc
8:31) et (2) celle qui suivit, en Galilée (Mt 17:22, 23, Mc
9:31 ; cf. Lc 9:44).
[3]
Mt 20:20-28, Mc 10:35-45.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
On trouvera, chap. 24 et 27 du présent ouvrage, des leçons
plus anciennes sur la grandeur de l'humilité ; pour le
sens du titre Fils de l'homme, voir chap. 11 du présent
ouvrage.
[6]
Mt 20:30-34, Mc 10:46-52, Lc 18:35-43.
[7]
Voir l'histoire des deux démoniaques, Mt 8:28 ; cf. Mc
5:1, Lc 8:27. Voir aussi chap. 16 du présent ouvrage.
[8]
Cf. Mt 9:27, 15:22 ; chap. 7 du présent ouvrage.
[9]
Lc 19:1-10.
[10]
Note 2, fin du chapitre.
[11]
Ex 22:1-9.
[12]
Cf. chap. 24 et 27 du présent ouvrage.
[13]
Lc 19:11-27.
[14]
Note 3, fin du chapitre.
[15]
Cf. Mc 13:34.
[16]
Note 4, fin du chapitre.
[17]
Nous comparerons les ressemblances et les différences entre
cette parabole et celle des talents (Mt 25:14-30) au chapitre 32 du
présent ouvrage.
[18]
Jn 12:1-8, Mt 26:6-13, Mc 14:3-9.
[19]
Voir Ex 12:1-10 ainsi que chap. 9 du présent ouvrage.
[20]
Note 6, fin du chapitre.
[21]
Lc 10:40-42 ; chap. 26 du présent ouvrage.
[22]
Il ne faut pas confondre cet événement avec la scène
plus ancienne où une pécheresse repentante oignit Jésus
chez Simon le Pharisien (Lc 7:36-50) en Galilée. Voir chap. 18
du présent ouvrage.
[23]
Note 7, fin du chapitre.
[24]
Trois cents deniers romains équivaudraient approximativement à
quarante-cinq dollars.
[25]
Mt 21:1-11, Mc 11:1-11, Lc 19:29-44, Jn 12:12-19.
[26]
Note 8, fin du chapitre.
[27]
Cf. Ha 2:11.
[28]
Beaucoup d'Églises chrétiennes célèbrent
le dimanche précédant Pâques, qu'elles appellent
le dimanche des Rameaux, en souvenir de l'entrée triomphale de
notre Seigneur à Jérusalem.
[29]
Za 9:9.
[30]
Jn 12:20-26.
[31]
Voir La Maison du Seigneur, chap. 2, p. 46.
[32]
Jean rapporte cet événement immédiatement après
l'entrée triomphale du Seigneur, quoique sans indiquer
exactement le moment où il se produisit.
[33]
Cf. 1 Co 15:36.
[34]
Jn 12:27-36.
[35]
Cf. Jn 14:30 ; 16:11.
[36]
Voir p. ex. Es 9:7, Dn 7:14, 27, Ez 37:25.
[37]
Cf. Jn 1:9, 3:19, 8:12, 9:5, 12:46 ; voir chap. 25 du présent
ouvrage.
[38]
Ac 1:3.
[39]
Mc 11:11. Note 9, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 29
1.
La mère de Jacques et de Jean : La mère de ces
deux fils de Zébédée (Mt 20:20, comparer avec
4:21) est généralement considérée comme
la Salomé citée parmi les femmes qui assistaient à
la crucifixion (Mc 15:40, comparer avec Mt 27:56 où il est
parlé de « la mère des fils de Zébédée »,
et où le nom « Salomé » est
omis), et l'une de celles qui arrivèrent les premières
au tombeau le matin de la résurrection (Mc 16:1). Du fait que
Jean parle de la mère de Jésus et de « Ia
sœur de sa mère » (19:25) et omet de
mentionner le nom de Salomé, certains exégètes
prétendent que Salomé était la sœur de
Marie, mère de Jésus, et par conséquent la tante
du Sauveur. Cette parenté ferait de Jacques et de Jean les
cousins de Jésus. Bien que les Écritures ne contestent
pas cette prétendue parenté, elles ne les affirment
certainement pas.
2.
Jéricho : C'était une ville antique, située
au nord-est de Jérusalem, à un peu moins de
vingt-quatre kilomètres en ligne droite. Au cours de l'exode,
le peuple d'Israël la captura par l'intervention miraculeuse de
la puissance divine (Jos 6). La fertilité de la région
est indiquée par une appellation descriptive « Ia
ville des palmiers » (Dt 34:3, Jg 1:16, 3:13, 2 Ch 28:15).
Le nom Jéricho veut dire « lieu de parfum ».
Son climat était semi-tropical, conséquence de sa basse
altitude. Elle se trouvait dans une vallée située à
plusieurs dizaines de mètres en dessous du niveau de la
Méditerranée ; cela explique la déclaration
de Luc (19:28) que, lorsque Jésus eut prononcé la
parabole des mines tandis qu'il était sur le chemin de
Jéricho, il « prit les devants et monta vers
Jérusalem ». À l'époque du Christ,
Jéricho était une ville importante ; du fait de
l'abondance de ses produits commerciaux, en particulier le baume et
les épices, un bureau de péage y était installé,
que Zachée semble avoir dirigé.
3.
L'homme de haute naissance et le royaume : Le cadre local de la
partie de la parabole des mines qui a trait à un homme de
haute naissance s'en allant dans un pays lointain recevoir un royaume
avait son parallèle dans l'histoire. À Rome pour
demander à l'empereur la confirmation de son statut royal. Une
protestation du peuple s'y opposa. Farrar (p. 493, note) dit de cet
événement dans la parabole : « Un homme
de haute naissance se rendant dans un pays lointain pour recevoir un
royaume » serait totalement incompréhensible, si
par chance nous ne savions que c'est ce qu'avaient fait Archélaüs
et Antipas (Jos, An. XVII, 9:4). Et dans le cas d'Archélaüs,
les Juifs avaient effectivement envoyé à Auguste une
députation de cinquante personnes pour faire le récit
de ses cruautés et s'opposer à ses prétentions,
députation qui, bien qu'échouant cette fois-là,
réussit ultérieurement (Josèphe, Ant. XVII,
13:2). En l'absence d'Archélaüs, Philippe défendit
les biens de celui-ci contre les empiétements du proconsul
Sabinus. Le splendide palais qu'Archélaüs avait construit
à Jéricho (Jos. Ant. XVII, 13: 1) devait tout
naturellement rappeler ces événements à l'esprit
de Jésus, et la parabole est un exemple supplémentaire
frappant de la manière dont il utilisait les événements
les plus ordinaires qui se passaient autour de lui comme base de ses
enseignements les plus élevés. C'est aussi une
indication supplémentaire insoupçonnée de
l'authenticité et de la véracité des
évangiles. »
4.
« Nous ne voulons pas que cet homme règne sur
nous » : Trench (Miracles, p. 390) note très
justement à propos de cette partie de la parabole :
« Deux fois avant qu'il ne s'en fût allé
recevoir son royaume, cette déclaration même fut
exprimée officiellement de leurs lèvres : une fois
lorsqu'ils crièrent à Pilate : « Nous
n'avons de roi que César » ; et de nouveau
lorsqu'ils réclamèrent de lui : « N'écris
pas : Roi des Juifs » (Jn 19:15, 21 ; comparer
avec Ac 17:7). Mais on trouvera un accomplissement plus littéral
de ces paroles dans le comportement des Juifs après son
ascension, leur hostilité féroce au Christ dans sa
jeune Église (Ac 12:3, 13:45, 14:18, 17:5, 18:6, 22:22,
23:12 ; 1 Th 2:15).
5.
Le jour du repas de Béthanie : Jean place cet événement
le jour suivant l'arrivée du Christ à Béthanie,
car comme nous pouvons le voir dans 12:12, l'entrée triomphale
à Jérusalem se produisit le lendemain du repas et,
ainsi que nous l'avons dit dans le texte, Jésus arriva à
Béthanie très probablement le vendredi. La joyeuse
procession à Jérusalem n'eut pas lieu le jour qui
suivit le vendredi, car c'était le sabbat juif. Matthieu
(26:2-13) et Marc (14:1-9) situent l'incident du repas après
le récit de l'entrée triomphale et d'autres événements,
ce dont certains ont conclu que ces deux auteurs placent le repas
deux jours avant la Pâque. Cette déduction n'est pas
confirmée. Dans ce domaine, l'ordre chronologique donné
par Jean semble être le véritable.
6.
La maison familiale de Béthanie : La maison de Marthe,
Marie et Lazare semble avoir été le lieu de résidence
habituel de Jésus lorsqu'il était à Béthanie.
Il ne fait aucun doute qu'il avait des rapports étroits et
affectueux avec tous les membres de la famille, même avant la
résurrection de Lazare, et cet événement suprême
et heureux dut intensifier l'estime dans laquelle on tenait notre
Seigneur dans ce foyer et la transformer en un respect adorateur. Le
récit scripturaire ne dit pas si cette maison était
identique à celle de Simon le lépreux. Jean, qui donne
un récit assez détaillé du repas servi par
Marthe, ne parle ni de Simon ni de sa maison. Il est à
remarquer que les écrivains synoptiques parlent très
peu de cette maison de Béthanie. Farrar a bien remarqué
(p. 483) : « Il semble que nous trouvions chez les
Synoptiques une réticence particulière à propos
de la famille de Béthanie. La maison dans laquelle elle assure
une position importante est appelée « la maison de
Simon le lépreux » ; Marie est appelée
simplement « une femme » par Matthieu et Marc
(Mt 26:6, 7, Mc 14:3), et Luc se contente d'appeler Béthanie
« un village » (Lc 10:38), bien qu'il en connût
parfaitement le nom (Lc 19:29).
7.
Le nard : C'était l'un des parfums orientaux les plus
estimés. Celui avec lequel Marie oignit Jésus, Matthieu
l'appelle « très cher », et Marc et Jean
« de grand prix ». Dans l'original on trouve
l'adjectif « pistic » ; certains le
traduisent par « liquide » mais d'autres lui
donnent le sens de « authentique ». Il y avait
beaucoup d'imitations inférieures du véritable nard ;
mais il ne fait pas l'ombre d'un doute que le don précieux de
Marie était du meilleur. La plante dont l'extrait odoriférant
est tiré est une espèce d'herbe barbée indigène
de l'Inde. Le nard est mentionné dans le Cantique des
Cantiques 1:12, 4:13, 14.
8.
Hosanna ! : « Hosanna » est la forme
grecque de l'expression hébraïque « Sauve-nous
maintenant », ou « Sauve-nous, nous t'en
prions », que l'on trouve dans l'original du psaume
118:25. On ne le trouve nulle part dans la Bible anglaise, si ce
n'est dans les exclamations du peuple lors de l'entrée
triomphale à Jérusalem et dans les cris joyeux des
enfants au temple (Mt 21:9, 15). Remarquez que le « cri du
Hosanna » est poussé dans l'Église rétablie
du Christ à notre époque en des occasions où
l'on se réjouit tout particulièrement devant le
Seigneur (voir La Maison du Seigneur). « Hallélujah »,
traduit littéralement, signifie « louez Jéhovah ».
On le trouve sous sa forme grecque « Alléluia »
dans Ap 19:1, 3, 4, 6.
9.
Le premier jour de la semaine de la Passion : Si l'on compare
les récits de l'entrée triomphale du Seigneur à
Jérusalem et de certains événements qui
s'ensuivirent, tels que les trois synoptiques les rapportent, on
trouvera qu'il y a au moins une possibilité de divergence dans
la chronologie. Il semble certain que Jésus se rendit dans les
cours du temple le jour de l'arrivée royale dans la ville. On
a conclu de Mt 21:12 et de Luc 19:45 ainsi que du contexte qui
précède ces passages, que la deuxième
purification du temple se produisit le jour de l'entrée en
procession ; tandis que d'autres interprètent Mc 11:11 et
15 comme signifiant que cet événement se produisit un
jour ultérieur. Il est reconnu que la question reste ouverte ;
et l'ordre de présentation qui a été suivi dans
le texte a été adopté pour faciliter l'analyse
et sur la base d'une probabilité qui est raisonnable.
CHAPITRE
30 : JÉSUS RETOURNE
QUOTIDIENNEMENT AU TEMPLE
INCIDENT
INSTRUCTIF EN CHEMIN [1]
Le
lendemain qui, selon notre calcul, était lundi, deuxième
jour de la semaine de la Passion, Jésus et les Douze
retournèrent à Jérusalem et passèrent la
plus grande partie de la journée au temple. Ils partirent très
tôt de Béthanie, et Jésus eut faim en route.
Regardant devant lui, il vit un figuier qui différait du reste
des nombreux figuiers de la région en ce qu'il n'était
pas pleinement feuillu bien que la saison des fruits ne fût pas
encore venue [2]. Il est bien connu que les bourgeons des fruits
du figuier apparaissent avant les feuilles, mais qu'au moment où
l'arbre a tout son feuillage, les figues sont déjà très
près de la maturité. En outre, certaines espèces
de figues sont comestibles alors qu'elles sont encore vertes ;
en fait le fruit non encore mûr fait encore maintenant les
délices de l'Orient. Il serait donc raisonnable de s'attendre
à trouver, dès le début d'avril, des figues
comestibles sur un arbre déjà couvert de feuilles.
Lorsque Jésus et son groupe parvinrent à cet arbre dont
ils avaient pensé à bon droit qu'il promettait une
grande abondance de fruits, ils n'y trouvèrent que des
feuilles ; c'était un arbre prétentieux, infécond,
stérile. Il n'avait même pas de vieilles figues, celles
de la saison précédente, qu'on trouve souvent au
printemps sur les arbres fertiles. Jésus prononça sur
cet arbre la sentence de la stérilité perpétuelle.
« Que jamais personne ne mange plus de ton fruit ! »,
dit-il selon le récit de Marc ; ou comme Matthieu
rapporte le jugement : « Qu'aucun fruit ne naisse
jamais plus de toi ! » Ce dernier auteur nous dit
immédiatement après : « Et à
l'instant le figuier sécha » ; mais l'autre
montre que l'effet de la malédiction ne s'observa que le
lendemain matin, lorsque, comme Jésus et les apôtres se
trouvaient de nouveau en route entre Béthanie et Jésuralem,
ils virent que le figuier s'était desséché
jusqu'aux racines. Pierre attira l'attention sur l'arbre mort et,
s'adressant à Jésus s'exclama : « Rabbi,
regarde, le figuier que tu as maudit a séché. »
Appliquant
la leçon de cet événement, Jésus dit :
« Ayez foi en Dieu » ; puis il répéta
les assurances qu'il avait déjà données sur la
puissance de la foi, laquelle permettait même de déplacer
des montagnes, s'il était besoin de pareil miracle, et
laquelle permet d'ailleurs d'accomplir n'importe quelle chose
nécessaire. Il montra que faire flétrir un arbre était
bien peu en comparaison des choses plus grandes qu'il était
possible d'accomplir par la foi et la prière. Mais pour
parvenir à ce résultat, on doit travailler et prier
sans réserve ni doute, comme le Seigneur nous le dit
clairement de la manière suivante : « C'est
pourquoi je vous dis : Tout ce que vous demandez en priant,
croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé. »
La prière doit être acceptable à Dieu pour être
efficace ; et il s'ensuit que celui qui désire accomplir
une œuvre quelconque par la prière et la foi doit être
capable de se présenter devant le Seigneur en prière ;
c'est pourquoi Jésus instruisit de nouveau les apôtres,
disant : « Et, lorsque vous êtes debout en
prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un,
pardonnez, afin que votre Père qui est dans les cieux vous
pardonne aussi vos fautes. [Mais si vous ne pardonnez pas, votre
Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera pas non plus
vos fautes] » [3].
Beaucoup
considèrent que la flétrissure du figuier stérile
est unique parmi les miracles de Jésus qui soient parvenus
jusqu'à nous, en ce sens qu'alors que tous les miracles
étaient accomplis pour soulager, bénir et donner un
bienfait en général, celui-ci apparaît comme un
acte de jugement et d'exécution destructrice. Néanmoins
le but du Seigneur dans ce miracle n'est pas caché ; et
le résultat, quoique fatal à un arbre, constitue une
bénédiction durable pour tous ceux qui veulent
apprendre et profiter des œuvres de Dieu. Si le miracle n'a pas
fait plus que présenter une leçon de choses si
frappante pour les enseignements qui suivirent, cet arbre tué
a rendu un service plus grand à l'humanité que tous les
figuiers de Bethphagé [4]. Pour les apôtres, cet
acte était une preuve indiscutable du pouvoir que le Seigneur
possédait sur la nature, de son contrôle sur les forces
naturelles et toutes les choses matérielles, de son autorité
sur la vie et sur la mort. Il avait guéri des multitudes ;
le vent et les vagues avaient obéi à ses paroles ;
en trois occasions il avait rendu les morts à la vie. Il
convenait qu'il montrât son pouvoir de frapper et de détruire.
En manifestant sa domination sur la mort, il avait relevé
miséricordieusement : une jeune fille du lit sur lequel
elle était morte, un jeune homme de la bière sur
laquelle on le portait au tombeau, un autre du sépulcre dans
lequel son cadavre avait été déposé ;
mais pour prouver son pouvoir de détruire d'un mot, il choisit
pour sujet un arbre stérile et sans valeur. Aucun des Douze
put-il douter lorsque, quelques jours plus tard ils le virent entre
les mains des prêtres vindicatifs et de païens sans cœur,
que s'il l'avait voulu il aurait pu frapper ses ennemis d'un mot,
même à mort ? Et pourtant ce n'est qu'après
sa résurrection glorieuse que même les apôtres se
rendirent compte à quel point son sacrifice avait été
volontaire.
Mais
le sort qui s'abattit sur le figuier stérile est instructif à
un autre point de vue. Cet incident est autant une parabole qu'un
miracle. Cet arbre feuillu se distinguait parmi les figuiers ;
les autres n'offraient aucune invitation, ne donnaient aucune
promesse ; « ce n'était pas la saison des
figues » ; ceux-là porteraient en leur saison,
des fruits et des feuilles ; mais ce prétentieux précoce
et feuillu agitait ses branches ombrageuses comme pour affirmer avec
vantardise sa supériorité. À ceux qui
répondaient à sa voyante invitation, au Christ affamé
qui venait chercher du fruit, il n'avait rien d'autre à offrir
que des feuilles. Même pour les besoins de la leçon que
cela comportait, nous ne pouvons concevoir que l'arbre ait été
desséché avant tout parce qu'il était stérile,
car à cette époque les autres figuiers ne portaient pas
de fruit non plus ; il devint l'objet d'une malédiction
et le sujet du discours instructif du Seigneur, parce que, ayant des
feuilles, il était trompeusement stérile. S'il était
raisonnable de considérer que l'arbre possédait la
liberté morale, nous devrions le considérer comme
hypocrite ; sa stérilité totale à laquelle
s'ajoutait son abondance de feuillage en faisait un type de
l'hypocrisie humaine.
L'arbre
feuillu et stérile était un symbole du judaïsme
qui se proclamait à voix haute être la seule religion
vraie de l'époque et invitait avec condescendance le monde
entier à venir prendre de son fruit riche et mûr, alors
qu'en réalité ce n'était qu'une croissance
dénaturée de feuilles, sans aucun fruit en saison, ni
même de bulbes comestibles restés d'une année
précédente, parce que ce qu'il avait en fait de fruits
anciens était desséché au point de devenir sans
valeur et rendu répugnant, mangé qu'il était des
vers. La religion d'Israël avait dégénéré
en une dévotion religieuse artificielle, qui dépassait
les abominations du paganisme dans la prétention de son
étalage et dans le vide de ses professions. Comme nous l'avons
déjà fait remarquer dans ces pages, le figuier était
un symbole favori dans les représentations rabbiniques de la
race juive, et le Seigneur avait déjà adopté ce
symbolisme dans la parabole du figuier stérile, plante sans
valeur qui ne faisait qu'encombrer le sol [5].
DEUXIÈME
PURIFICATION DU TEMPLE [6]
Dans
les cours du temple, Jésus fut rempli d'indignation devant la
scène de tumulte et de profanation que le lieu offrait. Trois
années plus tôt, à l'époque de la Pâque,
il avait été poussé à une violente et
juste colère par un tableau de marchandage sordide de ce genre
à l'intérieur de l'enceinte sacrée ; il en
avait chassé les brebis et les bœufs et expulsé
de force les marchands et les changeurs et tous ceux qui faisaient de
la maison de son Père une maison de trafic [7]. C'était
vers le commencement de son ministère public, et cette
vigoureuse action fut une de ses premières œuvres qui
attirèrent l'attention du public ; maintenant, à
quatre jours de la croix, il purifiait de nouveau les cours en
expulsant « tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans
le temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges
des vendeurs de pigeons », et il ne permit à
personne de passer ses seaux et ses paniers à l'intérieur
de l'enceinte, comme beaucoup avaient l'habitude de le faire,
transformant ainsi le chemin en une rue ordinaire. « Il
est écrit », leur dit-il avec colère :
« Ma maison sera appelée une maison de prière.
Mais vous, vous en faites une caverne de voleurs. » La
fois précédente, avant d'avoir annoncé ou même
confessé qu'il était le Messie, il avait dit du temple
que c'était « Ia maison de mon Père » ;
maintenant il s'était reconnu ouvertement être le
Christ, il l'appelait « ma maison ». Dans un
certain sens ces expressions sont synonymes ; le Père et
lui étaient et sont un dans la possession et la domination. Le
moyen par lequel la seconde expulsion se produisit n'est pas donné,
mais il est clair que personne ne pouvait résister à
son commandement impérieux ; il agissait avec la force de
la droiture devant laquelle les puissances du mal devaient céder.
La
colère de son indignation fut suivie du calme d'un ministère
de douceur ; dans les cours purifiées de sa maison, les
aveugles et les invalides s'approchèrent de lui en boitant et
en tâtonnant, et il les guérit. La colère des
principaux sacrificateurs et des scribes faisait rage contre lui,
mais elle était impuissante. Ils avaient décrété
sa mort et avaient fait des efforts répétés pour
se saisir de lui, et voilà qu'il était là à
l'endroit même sur lequel ils prétendaient avoir
autorité suprême, et ils avaient peur de le toucher à
cause des gens du commun qu'ils professaient mépriser et
pourtant craignaient du fond du cœur, « car
tout le peuple était suspendu à ses lèvres ».
La
rage des dirigeants fut encore accrue par un incident touchant qui
semble avoir accompagné ou suivi immédiatement sa
guérison miséricordieuse des affligés dans le
temple. Des enfants virent ce qu'il faisait ; dans leur esprit
innocent et que n'avaient pas encore souillé les préjugés
de la tradition et leur vue que n'avait pas encore assombrie le
péché, ils reconnurent en lui le Christ et éclatèrent
en louanges et en adoration dans un cantique qu'entendirent les
anges : « Hosanna au Fils de David. » Avec
une colère mal dissimulée les officiers du temple lui
demandèrent : « Entends-tu ce qu'ils
disent ? » Ils s'attendaient probablement à ce
qu'il refusât le titre ou espéraient peut-être
qu'il réaffirmerait ses prétentions d'une manière
qui leur donnerait une excuse pour intenter une action légale
contre lui, car pour la plupart d'entre eux le Fils de David était
le Messie, le Roi promis. Se disculperait-il du blasphème que
constituait le fait de reconnaître une dignité aussi
terrible ? Jésus répondit, avec une réprimande
sous-entendue pour leur ignorance des Écritures : « Oui.
N'avez-vous jamais lu ces paroles : Tu as tiré des
louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la
mamelle [8] ? »
C'était
lundi soir ; Jésus quitta la ville et se retira de
nouveau à Béthanie, où il logeait. Cette action
était prudente, étant donnée la détermination
des dirigeants à le faire tomber en leur pouvoir s'ils
pouvaient le faire sans exciter le peuple. Cela, il leur était
impossible de le faire le jour, car partout où il apparaissait
il était le centre d'une multitude ; mais s'il était
resté la nuit à Jérusalem, les émissaires
vigilants de la hiérarchie auraient pu réussir à
se saisir de lui, à moins qu'il ne leur résistât
par quelque action miraculeuse. Aussi proche que fût l'heure,
elle n'avait pas encore sonné, et on ne le ferait prisonnier
que s'il se laissait prendre, victime volontaire, entre les mains de
ses ennemis.
L'AUTORITÉ
DU CHRIST MISE AU DÉFI PAR LES DIRIGEANTS [9]
Le
lendemain, c'est-à-dire le mardi, il retourna au temple avec
les Douze, passant en chemin devant le figuier desséché
et soulignant, comme nous l'avons déjà vu, la morale de
ces miracle et parabole combinés. Tandis qu'il enseignait dans
le lieu sacré, prêchant l'Évangile à tous
ceux qui voulaient l'entendre, les principaux sacrificateurs et un
certain nombre de scribes et d'anciens se dirigèrent en groupe
vers lui. Ils avaient discuté à son sujet pendant la
nuit et s'étaient décidés à faire au
moins un pas ; ils allaient contester son autorité pour
ce qu'il avait fait la veille. Ils étaient les gardiens du
temple, tant du bâtiment que du système théocratique
que représentait l'édifice sacré ; et ce
Galiléen, qui se laissait appeler le Christ et défendait
ceux qui l'acclamaient ainsi, ignorait pour la seconde fois leur
autorité à l'intérieur des murs du temple et en
présence du commun du peuple qu'ils gouvernaient avec tant
d'arrogance. Ainsi donc, cette députation officielle, ayant
préparé ses plans, vint le trouver, disant : « Par
quelle autorité fais-tu cela, et qui t'a donné cette
autorité ? » Cette mesure était
indubitablement une étape préliminaire d'une tentative
concertée d'avance pour faire cesser les activités de
Jésus, tant par la parole que par l'action, à
l'intérieur de l'enceinte du temple. On se souviendra qu'après
la première purification du temple, les Juifs avaient demandé
avec colère à Jésus un signe qui leur
permettrait de juger du point de savoir s'il était divinement
autorisé [10] et il est significatif qu'en cette dernière
occasion on ne demanda aucun signe mais un aveu formel de l'autorité
qu'il possédait et de la personne qui la lui avait donnée.
Ils avaient connaissance d'une carrière de trois années
de miracles et d'enseignements ; la veille, des aveugles et des
boiteux avaient été guéris à l'intérieur
des murs du temple ; et Lazare, témoignage vivant de la
puissance que le Seigneur avait sur la mort et la tombe, se trouvait
devant eux. Demander un signe supplémentaire aurait été
s'exposer de manière flagrante aux railleries du peuple.
Ils
savaient de quelle autorité le Seigneur se réclamait ;
leur question avait un but sinistre. Jésus ne condescendit pas
à exprimer une réponse dans laquelle ils auraient pu
trouver une autre excuse de s'opposer à lui ; mais il
profita d'une méthode très commune parmi eux :
celle de répondre à une question par une autre. « Jésus
leur répondit : je vous poserai moi aussi une seule
question, et si vous m'y répondez je vous dirai par quelle
autorité je fais cela. Le baptême de Jean, d'où
venait-il ? Du ciel, ou des hommes ? »
Ils
se consultèrent pour savoir quelle serait la meilleure réponse
pour les extirper d'une situation embarrassante ; il n'y a pas
d'indication qu'ils aient essayé de s'assurer de la vérité
et de répondre en conséquence ; ils étaient
absolument désarçonnés. S'ils répondaient
que le baptême de Jean était de Dieu, Jésus leur
demanderait probablement pourquoi ils n'avaient pas cru au Baptiste
et pourquoi ils n'acceptaient pas le témoignage que Jean avait
rendu de lui. D'autre part, s'ils affirmaient que Jean n'avait pas
l'autorité divine de prêcher et de baptiser, le peuple
se tournerait contre eux, car le Baptiste martyrisé était
révéré comme un prophète par les masses.
En dépit de l'érudition dont ils se vantaient, ils
répondirent comme des écoliers embarrassés
pourraient le faire lorsqu'ils découvrent des difficultés
cachées dans ce qui semblait au début n'être
qu'un problème tout simple. « Nous ne savons pas »,
dirent-ils. Alors Jésus répondit : « Moi
non plus, je ne vous dirai pas par quelle autorité je fais
cela. »
Les
principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple
étaient battus en finesse et humiliés. La situation
était entièrement renversée à leurs
dépens ; Jésus, qu'ils étaient venus
questionner, devenait l'examinateur ; eux, une classe
d'auditeurs intimidés, réticents, lui, l'instructeur
tout prêt, et la multitude qui observait avec intérêt.
Comme il était peu vraisemblable qu'il serait immédiatement
interrompu, le Maître continua avec une calme lenteur à
leur raconter une série de trois histoires splendides dont ils
sentirent que chacune s'appliquait à eux avec une certitude
tranchante. La première de ces histoires, nous l'appelons la
parabole des deux fils.
« Qu'en
pensez-vous ? Un homme avait deux fils ; il s'adressa au
premier et dit : (Mon) enfant, va travailler aujourd'hui dans ma
vigne. Il répondit : je ne veux pas. Ensuite, il se
repentit et il y alla. Il s'adressa alors au second et donna le même
ordre. Celui-ci répondit : je veux bien, Seigneur, mais
il n'y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ?
Ils répondirent : Le premier. Et Jésus leur dit :
En vérité je vous le dis, les péagers et les
prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu. Car Jean
est venu à vous dans la voie de la justice, et vous n'avez pas
cru en lui. Mais les péagers et les prostituées ont cru
en lui, et vous, qui avez vu cela, vous ne vous êtes pas
ensuite repentis pour croire en lui » [11].
La
première phrase « Qu'en pensez-vous ? »
les appelait à faire très attention. Elle impliquait
qu'une question allait bientôt s'ensuivre ; et cette
question fut : Lequel des deux fut le fils obéissant ?
Il n'y avait qu'une réponse logique, et ils durent la donner,
autant qu'ils y répugnassent. L'application de la parabole
suivit avec une promptitude condamnatrice. Eux, les principaux
sacrificateurs, scribes, Pharisiens et anciens du peuple, étaient
représentés par le deuxième fils qui, lorsqu'il
lui fut dit d'aller travailler dans la vigne, répondit avec
tant d'assurance mais n'alla point, bien que les vignes fussent en
train de devenir sauvages parce qu'on ne les taillait pas et que les
pauvres fruits qui pourraient arriver à maturité
seraient abandonnés pour tomber et pourrir par terre. Les
péagers et les prostituées sur qui ils donnaient libre
cours à leur mépris, dont le contact était une
souillure, étaient semblables au premier fils, qui par un
refus grossier bien que franc ignora l'appel du père mais
changea d'avis plus tard et se mit au travail, espérant avec
repentir s'amender du temps qu'il avait perdu et de l'esprit peu
filial qu'il avait montré [12]. Les péagers et les
prostituées, touchés dans leur cœur par
l'appel de clairon au repentir, s'étaient attroupés
auprès du Baptiste dans le désert, lui demandant avec
ferveur : « Maître, que ferons-nous [13] ? »
L'appel de Jean ne s'était pas adressé à une
classe en particulier ; mais tandis que des pécheurs qui
se reconnaissaient comme tels s'étaient repentis et avaient
demandé le baptême de ses mains, ces mêmes
Pharisiens et anciens du peuple avaient rejeté son témoignage
et avaient hypocritement cherché à le prendre au
piège [14]. Par la parabole, Jésus répondait
à sa propre question quant au point de savoir si le baptême
de Jean était de Dieu ou de l'homme. L'affirmation du
Seigneur : « En vérité je vous le dis,
les péagers et les prostituées vous devanceront dans le
royaume de Dieu » condamnait de bout en bout la conduite
corrompue mais moralisatrice de la hiérarchie. Elle ne restait
cependant pas tout à fait sans laisser l'espoir d'une réforme
possible. Il ne disait pas que les pécheurs repentants
entreraient et que les hypocrites ecclésiastiques seraient
éternellement exclus ; il y avait, pour ces derniers, de
l'espoir s'ils voulaient seulement se repentir, quoiqu'ils seraient
obligés de suivre et non de guider dans la glorieuse
procession des rachetés. Poursuivant le même discours,
le Seigneur présenta la parabole des vignerons, comme suit :
« Écoutez
une autre parabole. Il y avait un maître de maison qui planta
une vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir et y bâtit
une tour, puis il la loua à des vignerons et partit en voyage.
À l'approche des vendanges il envoya ses serviteurs vers les
vignerons pour recevoir les fruits de la vigne. Les vignerons prirent
ces serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre et
lapidèrent le troisième. Il envoya encore d'autres
serviteurs en plus grand nombre que les premiers ; et les
vignerons les traitèrent de la même manière.
Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant : Ils respecteront
mon fils. Mais, quand les vignerons virent le fils, ils se dirent
entre eux : C'est lui l'héritier, venez, tuons-le, et
nous aurons son héritage. Ils le prirent, le jetèrent
hors de la vigne et le tuèrent. Maintenant, lorsque le maître
de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils
lui répondirent : Il fera périr misérablement
ces misérables et il louera la vigne à d'autres
vignerons qui lui donneront les fruits en leur saison » [15].
De
nouveau les Juifs étaient obligés de répondre à
la grande question dont traitait la parabole, et de nouveau par leur
réponse ils énonçaient un jugement sur
eux-mêmes. La vigne, au sens large, était la famille
humaine, mais plus particulièrement le peuple de l'alliance,
Israël ; le terrain était bon et pouvait produire
une grande abondance ; les vignes étaient de choix et
avaient été plantées avec soin, et le vignoble
tout entier était amplement protégé par une haie
et bien équipé d'une presse à vin et d'une
tour [16]. Les vignerons ne pouvaient être personne
d'autre que les prêtres et les instructeurs d'Israël, y
compris les dirigeants ecclésiastiques qui étaient
présents en personne dans l'exercice de leurs fonctions. Le
Seigneur de la vigne avait envoyé parmi le peuple des
prophètes autorisés à parler en son nom ;
ceux-ci, les locataires corrompus les avaient rejetés,
maltraités et, en de nombreux cas, cruellement massacrés [17].
Dans les rapports plus détaillés de la parabole nous
lisons que lorsque le premier serviteur arriva, les cruels vignerons
« Ie frappèrent et le renvoyèrent (les
mains) vides », il frappèrent le suivant « à
la tête et l'outragèrent », ils en
assassinèrent encore un autre, et tous ceux qui vinrent
ensuite furent brutalement maltraités, et certains d'entre eux
furent tués. Ces hommes corrompus avaient utilisé la
vigne de leur seigneur pour leur gain personnel et n'avaient rien
rendu de la vendange au propriétaire légal. Lorsque le
Seigneur renvoya d'autres messagers, « en plus grand
nombre que les premiers » (la version du roi Jacques dit :
« Plus que les premiers », ce qui entraîne
le commentaire suivant, ndt) ou en d'autres termes plus grands que
les précédents, l'exemple plus récent étant
Jean-Baptiste, les vignerons les rejetèrent avec une
détermination perverse plus prononcée que jamais.
Finalement, le Fils était venu en personne ; ils
craignaient son autorité, car c'était celle de
l'héritier légal, et avec une méchanceté
presque incroyable, ils décidèrent de le tuer afin de
perpétuer leur possession injuste de la vigne et de la
conserver dorénavant comme la leur.
Sans
interruption, Jésus porta l'histoire du passé criminel
à l'avenir encore plus tragique et terrible, qui n'était
à ce moment-là éloigné que de trois
jours, et raconta calmement avec les images prophétiques,
comme si cela était déjà accompli, comment ces
hommes corrompus chassèrent le Fils bien-aimé de la
vigne et le tuèrent. Incapables d'échapper à la
question incisive de ce que le Seigneur de la vigne ferait
naturellement et justement aux méchants vignerons, les
dirigeants juifs donnèrent la seule réponse pertinente
possible : qu'il détruirait certainement ces misérables
pécheurs et affermerait sa vigne à des locataires plus
honnêtes et plus dignes.
Changeant
soudain d'image, « Jésus leur dit :
N'avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre
qu'ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue la
principale, celle de l'angle ; c'est du Seigneur que cela est
venu, et c'est une merveille à nos yeux ? C'est pourquoi,
je vous le dis, le royaume de Dieu vous sera enlevé et sera
donné à une nation qui en produira les fruits.
Quiconque tombera sur cette pierre s'y brisera, et celui sur qui elle
tombera, elle l'écrasera » [18] Il ne pouvait
y avoir de doute quant à ce que le Seigneur voulait dire, la
pierre rejetée qui allait jouer finalement le premier rôle,
« la principale, celle de l'angle » dans
l'édifice du salut, c'était lui-même, le Messie.
Pour certains cette pierre serait une pierre d'achoppement ;
malheur à eux, car c'est par elle qu'ils seraient brisés,
et ce ne serait que par le repentir et les œuvres de justice
qu'ils pourraient se rattraper ne serait-ce qu'en partie ; quant
aux autres, ceux qui persisteraient dans leur opposition, la pierre
les jugerait ; et malheur à eux, car ils seraient
détruits, comme pulvérisés [19]. Le royaume
de Dieu était sur le point de leur être enlevé, à
eux, les dirigeants, et au peuple qui suivait leurs préceptes
impies, et il serait donné en temps voulu aux Gentils qui,
affirma le Seigneur, se révéleraient plus dignes que ne
l'avait été Israël. Luc nous dit qu'à la
pensée de ce terrible châtiment, « ils »,
on ne nous dit pas si c'était les dirigeants sacerdotaux ou le
commun du peuple, s'exclamèrent avec désespoir :
« Qu'il n'en soit pas ainsi ! »
Lorsque
les principaux sacrificateurs et les Pharisiens se rendirent compte
que leur défaite avait été totale et qu'ils
avaient été profondément humiliés aux
yeux du peuple, ils en conçurent une colère sans mesure
et allèrent jusqu'à essayer de se saisir de Jésus
à l'intérieur même du temple ; mais la
sympathie de la multitude était si nettement en sa faveur que
les ecclésiastiques furieux s'abstinrent. Le peuple en
général, bien que n'étant pas prêt à
le proclamer ouvertement être le Christ, savait qu'il était
prophète de Dieu, et sa crainte du déplaisir officiel
et du châtiment possible ne l'empêcha pas de faire des
démonstrations d'amitié.
Jésus
reprit son enseignement en donnant la parabole des noces.
« Jésus
leur parla de nouveau en paraboles et il dît : Le royaume
des cieux est semblable à un roi qui fit des noces pour son
fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler ceux qui étaient
invités aux noces ; mais ils ne voulurent pas venir. Il
envoya encore d'autres serviteurs en disant : Dites aux
invités : J'ai préparé mon festin, mes
bœufs et mes bêtes grasses sont tués, tout est
prêt, venez aux noces. Mais, négligeant (l'invitation)
ils s'en allèrent, celui-ci à son champ, celui-là
à son commerce, et les autres se saisirent des serviteurs, les
outragèrent et les tuèrent. Le roi fut irrité ;
il envoya son armée, fit périr ces meurtriers et brûla
leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : Les noces
sont prêtes, mais les invités n'en étaient pas
dignes. Allez donc aux carrefours, et invitez aux noces tous ceux que
vous trouverez. Ces serviteurs s'en allèrent par les chemins,
rassemblèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, méchants
et bons, et la salle des noces fut remplie de convives » [20].
L'invitation
d'un roi à ses sujets équivaut à un
commandement. Les noces n'étaient pas un événement
surprenant, car les invités avaient été avertis
longtemps d'avance et, conformément à la coutume
orientale, furent de nouveau appelés le jour de l'ouverture
des festivités [21] qui, selon les coutumes hébraïques,
devaient s'étendre sur une période de sept ou quatorze
jours ; dans ce cas, qui est celui d'un mariage dans la famille
royale, c'est la plus longue des deux périodes qui est
probable. Un grand nombre des invités qui avaient été
conviés refusèrent de venir lorsqu'ils reçurent
l'avis officiel ; et ils traitèrent à la légère
le message ultérieur et plus pressant du roi tolérant
et passèrent leur chemin, tandis que les plus méchants
d'entre eux se tournaient contre les serviteurs qui apportaient la
convocation royale, les maltraitaient cruellement et tuaient certains
d'entre eux. Il est clair que le refus d'assister à la fête
du roi était une révolte délibérée
contre l'autorité royale et une insulte personnelle tant au
souverain régnant qu'à son fils. C'était aussi
bien un devoir qu'un honneur pour de loyaux sujets que d'assister aux
noces du prince que nous pouvons considérer sans risque
d'erreur comme l'héritier légal du trône et par
conséquent celui qui pourrait régner un jour sur eux.
Le fait que l'un d'eux se détourna pour aller à sa
ferme et l'autre à ses affaires montre en partie à quel
point ils étaient occupés à des entreprises
matérielles au mépris total de la volonté de
leur souverain ; mais elle signifie en outre un effort pour
étouffer par quelque occupation absorbante leur conscience
troublée ; et peut-être aussi une démonstration
préméditée du fait qu'ils considéraient
leurs affaires personnelles comme plus importantes que l'appel de
leur roi. Le monarque infligea un châtiment terrible à
ses sujets rebelles. Si la parabole était destinée à
être la présentation allégorique d'événements
réels, elle passe à cet endroit de l'histoire du passé
à celle de l'avenir, car la destruction de Jérusalem
est ultérieure de plusieurs dizaines d'années à
la mort du Christ. Voyant que les invités qui avaient quelque
droit à l'invitation royale étaient totalement
indignes, le roi envoya de nouveau ses serviteurs, et ceux-ci
rassemblèrent des grandes routes et des carrefours, des voies
secondaires et des ruelles, tous ceux qu'ils pouvaient trouver, quel
que fût leur rang ou leur situation, qu'ils fussent riches ou
pauvres, bons ou mauvais ; « et la salle des noces
fut remplie de convives ».
La
grande fête qui devait inaugurer l'ère messianique était
le thème favori des discours de réjouissance tant dans
les synagogues que dans les écoles, et l'on jubilait à
la pensée du décret rabbinique selon lequel nul autre
que les enfants d'Abraham ne serait parmi les participants bénis.
Le roi de la parabole est Dieu. Le fils dont le mariage était
l'occasion de la fête est Jésus, le Fils de Dieu ;
les invités qui furent appelés de bonne heure, mais qui
refusèrent de venir lorsque la fête fut prête,
sont le peuple de l'alliance qui rejeta son Seigneur, le Christ ;
les invités ultérieurs qui furent amenés des
rues et des routes sont les nations des Gentils à qui
l'Évangile a été porté depuis que les
Juifs l'ont rejeté ; les noces symbolisent le
couronnement glorieux de la mission du Messie [22].
Tous
ceux qui étudient la question ont dû remarquer les
points de ressemblance qui apparentent cette parabole à celle
des invités [23] ; un nombre moins grand peut-être
a étudié les différences qui existent entre les
deux. La première histoire fut racontée chez un des
chefs des Pharisiens, probablement dans une ville de Pérée ;
l'autre fut racontée dans le temple, après que
l'opposition des Pharisiens au Christ fût parvenue à son
maximum. L'intrigue de la première est plus simple et son
point culminant est plus doux. La négligence des invités
de la première histoire s'accompagnait d'excuses qui
ressemblent quelque peu à des excuses polies ; le refus
des invités de la deuxième parabole était
nettement offensant et s'accompagnait d'outrages et de meurtres. Dans
un cas l'hôte était un citoyen riche quoique privé,
dans l'autre celui qui donnait la fête était un roi.
Dans la première, la fête avait pour but de s'amuser
d'une manière ordinaire, quoique abondante ; dans la
seconde, la cause déterminante était le mariage de
l'héritier royal. Dans le premier cas le châtiment se
limita à exclure les transgresseurs du banquet ; dans le
deuxième, la punition que chacun encourut était la
mort, après quoi la ville fut détruite en guise
d'exemple.
Notre
récit du festin des noces n'est pas encore complet ;
l'histoire que nous avons déjà étudiée se
termine de la manière suivante :
« Le
roi entra pour voir les convives, et il aperçut là un
homme qui n'avait pas revêtu un habit de noces. Il lui dit :
Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir un habit de
noces ? Cet homme resta la bouche fermée. Alors le roi
dit aux serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains, et
jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y
aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup
d'appelés, mais peu d'élus. »
Il
peut être profitable d'examiner les leçons contenues
dans cette section de la parabole séparément de celles
de la première section. Comme il convenait à sa
dignité, le roi entra dans la salle de banquet lorsque les
invités eurent pris place dans l'ordre de la bienséance.
Il dut examiner chacun des invités, car il découvrit
immédiatement celui qui ne portait pas le vêtement
prescrit. On peut se demander comment, étant donné
qu'ils avaient été conviés en hâte, les
divers invités auraient pu s'habiller en conséquence
pour la fête. L'unité du récit exige que quelque
chose ait été prévu qui permit à tous
ceux qui en faisaient dûment la demande de recevoir le vêtement
prescrit par l'ordre du roi et conformément à la
coutume établie à la cour. Le contexte nous montre bien
que l'invité sans robe était coupable de négligence,
de manque de respect intentionnel ou de quelque offense plus grave.
Le roi montra tout d'abord une considération gracieuse,
demandant seulement comment l'homme était entré sans
vêtement de noces. Si l'invité avait été
capable d'expliquer son aspect exceptionnel ou avait eu une excuse
raisonnable à offrir, il aurait certainement parlé ;
mais on nous dit qu'il resta muet. L'invitation du roi avait été
faite libéralement à tous ceux que ses serviteurs
avaient trouvés ; mais chacun d'eux devait entrer dans le
palais royal par la porte, et avant de parvenir à la salle du
banquet, dans laquelle le roi apparaîtrait en personne, chacun
devait être habillé convenablement ; mais le
transgresseur était entré d'une autre manière et
n'était pas passé devant les sentinelles postées
à l'entrée ; c'était un intrus, semblable à
l'homme dont le Seigneur avait déjà dit que c'était
un voleur et un pillard parce que, n'entrant pas par la porte, il
était monté par ailleurs [24]. Le roi donna un
ordre, et ses ministres [25] lièrent le transgresseur et
le jetèrent à la porte du palais dans les ténèbres
du dehors, où l'angoisse du remords causait les pleurs et les
grincements de dents.
En
guise de résumé et d'épilogue des trois grandes
paraboles constituant cette série, le Seigneur dit ces paroles
importantes : « Car il y a beaucoup d'appelés,
mais peu d'élus » [26]. Chacune de ces
paraboles a son propre trésor de sagesse ; et toutes
trois s'accordent pour déclarer la grande vérité
que même les enfants de l'alliance seront rejetés s'ils
ne se rendent pas dignes de leur titre en accomplissant des œuvres
pieuses ; tandis que les portes du ciel s'ouvriront aux païens
et aux pécheurs s'ils méritent le salut par le repentir
et l'obéissance aux lois et aux ordonnances de l'Évangile.
L'histoire
du festin des noces fut la dernière des paraboles que notre
Seigneur prononça publiquement à un auditoire mêlé.
Il en dit deux autres aux apôtres tandis qu'ils conversaient
solennellement avec le Seigneur sur le mont des Oliviers lorsque le
ministère public du Christ prit fin.
[1]
Mt 21:18-22, Mc 11:12-14, 20-26.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Chap. 17 du présent ouvrage.
[4]
« Bethphagé », nom d'un village proche
de Béthanie, et par conséquent près du mont des
Oliviers, signifie « maison des figues ».
Mentionné dans Mt 21.1, Mc 11.1, Lc 19:29. Béthanie
signifie « maison des dattes ». Dans la
traduction littérale, nous pouvons remplacer « maison »
par « lieu ».
[5]
Lc 13: 6-9 ; chap. 26 du présent ouvrage.
[6]
Mt 21:12-13, Mc 11:15-17, Lc 19:45, 46.
[7]
Jn 2:14-17 ; chap. 12 du présent ouvrage.
[8]
Mt 21:16 ; cf. Ps 8:2 ; voir aussi Mt 11:25, 1 Co 1:27.
[9]
Mt 21:23-27, Mc 11:27-33, Lc 20:1-8.
[10]
Jn 2:18-21 ; chap. 12 du présent ouvrage.
[11]
Mt 21:28-32.
[12]
Note 2, fin du chapitre.
[13]
Lc 3:12 ; cf. 7:29 ; voir chap. 10 du présent
ouvrage.
[14]
Mt 3:7.
[15]
Mt 21:33-41 ; cf. Mc 12:1-9, Lc 20:9-16.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Cf. Lc 11:47, 48, Mt 23:29-33.
[18]
Mt 21:42-44 ; voir aussi Mc 12:10, 11, Lc 20:17,18 ; cf. Ps
118:22, Es 28:16, Ac 4: 11, Ep 2:20, 1 P 2:6, 7.
[19]
Cf. Dn 2:44, 45, Es 60:12.
[20]
Mt 22:1-10.
[21]
Note 4, fin du chapitre.
[22]
Cf. Mt 25:10,2 Co 11:2, Ep 5:32, Ap 19:7,21:2,9.
[23]
Lc 14:16-24 ; chap. 27 du présent ouvrage.
[24]
Cf. chap. 25 du présent ouvrage.
[25]
Note 5, fin du chapitre.
[26]
Mt 22:14 ; cf. 20:16 ; voir chap. 27 du présent
ouvrage. Note 6, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 30
1.
Le figuier : « Le figuier est très connu en
Palestine (Dt 8:8). Son fruit est un aliment bien connu et estimé.
Il y en a de trois sortes en Orient : (1) la figue précoce
qui mûrit vers la fin juin, (2) la figue d'été,
qui mûrit en août, (3) la figue d'hiver, plus grosse et
plus sombre que la deuxième espèce, qui pend et mûrit
sur l'arbre à une saison avancée, même après
que les feuilles soient tombées et que l'on récolte
parfois au printemps. Les bourgeons du figuier se trouvent dans le
réceptacle ou fruit et ne sont pas visibles de l'extérieur ;
ce fruit commence à se développer avant les feuilles.
On pourrait par conséquent s'attendre tout naturellement à
ce que le figuier qui portait des feuilles avant la saison porte
également des figues (Marc 11:13) ; mais ses prétentions
ne se vérifièrent pas » (Comp. Bible Dict.,
de Smith).
2.
Les deux fils de la parabole : Bien que cette excellente
parabole s'adressât aux principaux sacrificateurs, aux scribes
et aux anciens qui étaient venus dans un esprit hostile
demander au Christ d'où il tenait son autorité, cette
leçon s'applique universellement. Les deux fils sont encore
vivants dans toutes les communautés humaines. L'un qui se
vante ouvertement de ses péchés, l'autre qui feint
hypocritement. Jésus n'approuva pas le refus brutal du premier
fils à qui le père avait demandé en justice de
lui rendre un service ; mais son repentir ultérieur
accompagné d'œuvres le rendit supérieur à
son frère qui avait fait de belles promesses mais ne les avait
pas tenues. Il y en a beaucoup aujourd'hui qui se vantent de ne pas
avoir de religion et de ne pas mener une vie pieuse. Leur franchise
ne diminuera en rien leurs péchés ; elle montre
simplement que parmi leurs nombreuses offenses on ne trouve pas une
certaine espèce d'hypocrisie ; mais le fait qu'un homme
est innocent d'un vice, disons de l'ivrognerie, ne diminue nullement
sa responsabilité s'il est menteur, voleur, adultère ou
assassin. Les deux fils de la parabole commirent des péchés
graves ; mais l'un d'eux se détourna de la mauvaise voie
qu'il avait jusqu'alors suivie ouvertement, tandis que l'autre
poursuivait ses péchés dans le secret, tout en
cherchant à les couvrir d'un manteau d'hypocrisie. Que
personne ne pense que parce qu'il s'enivre au cabaret il est moins
ivrogne que celui qui avale « la boisson de l'enfer »
en privé, bien que ce soit un ivrogne hypocrite. Pour ces
péchés, comme pour tous les autres, le seul antidote
sauveur est le repentir sincère.
3.
Israël symbolisé par la vigne et les ceps :
L'habileté avec laquelle notre Seigneur représenta
Israël comme une vigne ne pouvait avoir échappé à
la perception des Juifs, qui connaissaient bien les comparaisons de
forme analogue que l'on trouve dans l'Ancien Testament. Remarquable
entre toutes est l'image frappante que présente Ésaïe
(5:1-7), dans laquelle on voit la vigne bien fournie ne produire que
du raisin sauvage, ce qui déçut si gravement l'attente
de son propriétaire que celui-ci décida de détruire
le mur, d'enlever la haie et de laisser la vigne à l'abandon.
Voici l'explication de la parabole donnée par Ésaïe :
« Or, la vigne de l'Éternel des armées,
c'est la maison d'Israël, et les hommes de Juda, c'est le plant
qu'il chérissait. Il avait espéré la droiture,
et voici la forfaiture ! La justice, et voici le cri du vice ! »
Le Seigneur décréta, par l'intermédiaire de son
prophète Ézéchiel (15:2-5) que ce qui donnait de
la valeur à un cep de vigne c'était uniquement son
fruit ; et c'est vrai, car le bois d'une vigne ne sert à
rien qu'à brûler ; comme bois la vigne tout entière
est inférieure à une branche d'arbre de la forêt
(verset 3), et Israël est représenté comme une
vigne de ce genre, précieuse si elle est fertile, sinon rien
d'autre que du combustible et de mauvaise qualité encore. Le
psalmiste chanta la vigne que Jéhovah avait fait sortir
d'Égypte et qui, plantée avec soin et entourée
de haies, avait prospéré même avec de belles
branches ; mais la faveur de l'Éternel s'était
détournée de la vigne, et elle avait été
dans la désolation (Psaumes 80:8-16). On trouvera d'autres
allusions dans Es 27:2-6, Jr 2:21, Ez 19:10-14, Os 10:1.
4.
L'invitation au festin de noces : Voici comment Trench
(Parables, p. 175-6) commente l'appel fait aux invités qui
avaient déjà été invités
d'avance : « Cet appel de ceux qui avaient déjà
été invités était, et comme l'attestent
les voyageurs modernes, est encore tout à fait conforme aux
coutumes orientales. C'est ainsi qu'Esther invite Haman à un
banquet le lendemain (Est 5:8), et quand le moment est arrivé,
les eunuques viennent le conduire au festin (6:14). Il n'y a donc pas
la moindre raison de transformer « ceux qui étaient
invités » en ceux qui allaient maintenant être
invités ; pareille interprétation ne fait pas
seulement violence à toutes les lois de la grammaire, mais au
but supérieur dans lequel la parabole fut donnée ;
car notre Seigneur, prenant pour acquis le fait que les invités
avaient été invités longtemps auparavant,
rappelle ainsi à ses auditeurs que si ce qu'il apportait était
nouveau dans un certain sens, il était dans un autre sens
l'accomplissement de ce qui était autrefois ; qu'il
prétendait être entendu, non comme quelqu'un qui
commençait soudain, sans être relié à rien
de ce qui était avant lui, mais comme lui même « à
la fin de la loi », vers laquelle elle avait toujours
tendu, la naissance à laquelle la dispensation juive tout
entière s'était préparée et qui seule
donnerait du sens à tout cela. Dans ses paroles, « ceux
qui étaient invités », est impliqué
le fait qu'il n'y avait rien de brusque dans la venue de son royaume,
que ses rudiments avaient été posés longtemps
avant, que toutes les choses auxquelles ses adversaires étaient
attachés et qu'ils considéraient comme précieuses
dans leur passé prophétisaient des bénédictions
qui se trouvaient réellement présentes devant eux en
lui. L'invitation originelle, qui était maintenant venue à
maturité, remontait à la fondation de la république
juive, fut reprise et répétée par tous les
prophètes qui se succédèrent lorsqu'ils
prophétisaient la grâce suprême qui serait
apportée un jour à Israël (Lc 10:24, 1 P. 1:12) et
appelaient le peuple à se tenir spirituellement prêt à
accueillir son Seigneur et Roi. »
5.
Serviteurs et ministres : Selon de bonnes autorités
philologiques, « ministres » est une traduction
plus littérale de l'origine de « serviteurs »
dans Mt 22:13. Dans les versets précédents 3, 4, 6, 8,
10 du même chapitre, c'est le terme « serviteurs »
qui exprime le mieux le sens de l'original. Cette distinction est
importante, car elle implique une différence majeure d'état
entre les serviteurs qui furent envoyés appeler le peuple à
la fête et les ministres qui servaient immédiatement le
roi. Les premiers représentent les serviteurs de Dieu qui
proclament sa parole au monde ; les autres symbolisent les anges
qui exécuteront ses jugements contre les méchants en
expulsant de son royaume tout ce qui offense. Comparer avec Mt 13:30,
39, 41, D&A 86:5.
6.
Les appelés et les élus : Nous donnons ci-après
quelques-unes des réflexions d'Edersheim (vol. 11, p. 429,
430) : « Le roi entra pour voir ses invités,
et parmi eux en découvrit un qui n'avait pas de vêtement
de noces... Comme les invités avaient voyagé et que la
fête se tenait dans le palais du roi, nous ne pouvons nous
tromper en pensant que ces vêtements étaient fournis au
palais à tous ceux qui les demandaient. Cela s'accorde avec le
détail qui nous montre que l'homme à qui il s'adressa
« resta la bouche fermée ». Son
comportement démontrait qu'il était totalement
inconscient de ce à quoi il avait été appelé
- qu'il ignorait ce qui était dû au Roi et ce qui
convenait à pareille fête. Car, bien qu'aucun état
de préparation préalable ne fut requis des invités,
tous ayant été conviés, qu'ils fussent bons ou
mauvais, il n'en restait cependant pas moins vrai que s'ils voulaient
prendre part au festin, ils devaient revêtir un vêtement
de circonstance. Tous sont invités au festin de l'Évangile ;
mais ceux qui veulent y participer doivent revêtir le vêtement
de noces du roi qui est la sainteté évangélique.
Et bien qu'il soit dit dans la parabole que le roi n'en vit qu'un
seul sans ce vêtement, cela a pour but d'enseigner que le Roi
ne se contentera pas de jeter un coup d'œil général
sur ses invités, mais que chacun d'eux sera examiné
séparément, et que personne - non, pas un seul - ne
pourra éviter d'être découvert dans la masse des
invités, s'il ne porte pas de vêtements de noces. Bref,
en ce jour d'épreuve, il ne s'agira pas d'un examen des
Églises, mais des individus de l'Église... L'appel est
donné à tous ; mais on peut l'accepter
extérieurement, et un homme peut s'asseoir à la fête,
et cependant il ne pourra pas être choisi pour prendre part au
festin, parce qu'il ne porte pas le vêtement de noces de la
grâce qui convertit et sanctifie. Et ainsi on peut être
rejeté de la table même des noces dans les ténèbres
du dehors, avec leurs douleurs et leurs angoisses. C'est ainsi que
l'on trouve côte à côte, quoique extrêmement
séparés, ces deux éléments : l'appel
de Dieu et le choix de Dieu. Le lien qui les unit est le vêtement
des noces, donné gracieusement dans le palais. Cependant, nous
devons le chercher, le demander, le revêtir. Et comme ici, nous
avons aussi côte à côte le don de Dieu et
l'activité de l'homme. Et il est vrai pour toujours et pour
tous les hommes, aussi bien dans son avertissement que dans son
enseignement et sa bénédiction : « Il y
a beaucoup d'appelés mais peu d'élus. »
Beaucoup de mots de sens apparenté, tant hébreux que
grecs, sont traduits « vêtements » dans
notre Bible. L'original grec qui est traduit par vêtement de
noces est enduma ; on ne le trouve pas dans d'autres passages
bibliques comme original de « vêtement ».
Le nom est apparenté au verbe grec enduein, « revêtir ».
CHAPITRE
31 : FIN DU MINISTÈRE PUBLIC DE
NOTRE SEIGNEUR
CONSPIRATION
DES PHARISIENS ET DES HÉRODIENS [1]
Les
autorités juives persistaient sans relâche dans leurs
efforts, bien décidées à tenter ou à
entraîner Jésus à commettre un acte ou à
prononcer une parole sur lesquels elles pourraient baser l'accusation
qu'il avait commis un délit, soit en vertu de leur loi, soit
en vertu de la loi romaine. Les Pharisiens se consultèrent
« sur les moyens de prendre Jésus au piège
de ses propres paroles » ; puis, mettant de côté
leurs préjugés partisans, ils conspirèrent à
cette fin avec les Hérodiens, faction politique dont la
caractéristique principale était l'objectif de
maintenir au pouvoir la famille des Hérode [2], politique
qui entraînait nécessairement le soutien du pouvoir
romain dont les Hérode détenaient l'autorité qui
leur était déléguée. Ils avaient conclu
la même association incongrue que précédemment,
lorsqu'ils essayèrent d'inciter Jésus à parler
ou à agir ouvertement en Galilée ; et le Seigneur
avait associé les deux partis dans l'avertissement qu'il avait
donné aux disciples de se méfier du levain de l'un et
de l'autre [3]. C'est ainsi que le dernier jour où le
Seigneur enseigna en public, les Pharisiens et les Hérodiens
unirent leurs forces contre lui ; les uns veillant à la
moindre infraction technique à la loi mosaïque, les
autres prêts à s'emparer du moindre prétexte pour
l'accuser de déloyauté envers les pouvoirs séculiers.
Leurs plans furent conçus par traîtrise et mis à
exécution comme l'incarnation vivante d'un mensonge.
Choisissant du milieu d'eux certains qui n'étaient pas encore
apparus personnellement en conflit avec Jésus, et qui étaient
censés lui être inconnus, les principaux conspirateurs
les envoyèrent avec l'ordre de feindre « d'être
de bonne foi, pour le prendre à l'une de ses paroles et le
livrer aux magistrats et à l'autorité du gouverneur ».
Cette
délégation d'espions hypocrites vint poser une
question, avec une sincérité feinte, comme s'ils
étaient troublés dans leur conscience et demandaient
conseil à l'éminent instructeur. « Maître »,
dirent-ils avec une flatteuse duplicité, « nous
savons que tu es véridique, et que tu enseignes la voie de
Dieu en toute vérité, sans redouter personne, car tu ne
regardes pas à l'apparence des hommes ». Cet éloge
étudié du courage et de l'indépendance de pensée
et d'action de notre Seigneur était vrai à tous points
de vue ; mais, prononcé par ces hypocrites écœurants
et avec leur intention mauvaise, il était faux à
l'extrême. Cependant la formule mielleuse avec laquelle les
conspirateurs essayèrent d'endormir la méfiance du
Seigneur indiquait que la question qu'ils étaient sur le point
de poser exigeait précisément, pour que l'on pût
y répondre convenablement, les qualités d'esprit qu'ils
faisaient semblant de lui attribuer.
« Dis-nous
donc », continuèrent-ils, « ce que tu en
penses : Est-il permis, ou non, de payer le tribut à
César ? » La question avait été
choisie avec une ruse diabolique ; car de tous les actes qui
attestaient la fidélité forcée à Rome,
l'obligation de payer la capitation était celui qui offensait
le plus les Juifs. Si Jésus avait répondu « oui »,
les fourbes Pharisiens auraient pu enflammer la multitude contre lui
en faisant de lui un fils déloyal d'Abraham ; s'il avait
répondu « non », les Hérodiens
comploteurs l'auraient dénoncé comme fomenteur de
troubles contre le gouvernement romain. En outre la question était
inutile ; la nation, tant le peuple que les gouverneurs, l'avait
réglée, quoique de mauvais gré, car ils
acceptaient et faisaient circuler parmi eux comme moyen commun
d'échange la monnaie romaine ; et pour les Juifs, celui
qui utilisait couramment la monnaie d'un souverain quelconque
reconnaissait son autorité royale. « Mais Jésus
qui connaissait leur malice répondit : Pourquoi me
mettez-vous à l'épreuve, hypocrites ? »
Toutes leurs manifestations habiles de fausse adulation furent
coupées par l'épithète flétrissante :
« hypocrites ». « Montrez-moi la
monnaie avec laquelle on paie le tribut », commanda-t-il,
et ils lui présentèrent un denier romain portant
l'effigie et le nom de Tibère, empereur de Rome. « De
qui sont cette effigie et cette inscription ? »
demanda-t-il. Ils répondirent : « De César. »
Alors il leur dit : « Rendez donc à César
ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à
Dieu » [4].
Quel
que soit l'angle sous lequel nous la considérons, cette
réplique était magistrale ; elle est devenue un
aphorisme utilisé dans la littérature et dans la vie.
Et si quelqu'un avait continué de penser qu'il y eût,
dans l'esprit de celui qui était entré si récemment
à Jérusalem comme roi d'Israël et prince de la
paix, le moindre désir de pouvoir ou domination terrestre,
cette réponse l'aurait dégrisé. Elle fixait pour
toujours la seule base licite des rapports entre les devoirs
spirituels et séculiers, entre l'Église et l'État.
Les apôtres des années ultérieures édifièrent
sur ce fondement et enjoignirent l'obéissance aux lois des
gouvernements établis [5].
On
peut, si l'on veut, tirer une leçon de l'association des
paroles du Seigneur avec la présence de l'image de César
sur la pièce de monnaie. C'était cette effigie avec
l'inscription qui l'accompagnait qui donnaient un sens particulier à
son commandement mémorable : « Rendez donc à
César ce qui est à César. » Il y
ajouta cet autre ordre : « Et à Dieu ce qui
est à Dieu. » Toute âme humaine est marquée
de l'image et de l'inscription de Dieu, quelque flous et indistincts
que les contours aient pu devenir du fait de la corrosion ou de
l'usure du péché [6] ; et comme on doit
rendre à César les pièces sur lesquelles
apparaît son effigie, de même il faut rendre à
Dieu les âmes qui portent son image. Rendez au monde les pièces
frappées qui reçoivent cours légal par les
insignes des pouvoirs profanes, et donnez-vous à Dieu et à
son service, vous, la monnaie divine de son royaume éternel.
Pharisiens
et Hérodiens furent réduits au silence par la sagesse
sans réplique de la réponse que le Seigneur fit à
leur question rusée. Quoi qu'ils fassent, ils ne pouvaient
« le prendre à l'une de ses paroles »,
et ils furent humiliés devant le peuple qui était
témoin. S'étonnant de sa réponse, et peu
disposés à courir le risque d'être de nouveau
embarrassés, et peut-être pire, ils « le
quittèrent et s'en allèrent ». Néanmoins
ces Juifs pervertis persistèrent dans leurs desseins vils et
traîtres. Comme cela n'apparaît nulle part avec plus
d'évidence que lorsqu'ils formulèrent devant Pilate
l'accusation absolument fausse que Jésus était coupable
d'empêcher « de payer l'impôt à César,
et se disait lui-même Christ, roi » [7].
LES
SADDUCÉENS POSENT DES QUESTIONS SUR LA RÉSURRECTION [8]
Ensuite
les Sadducéens essayèrent de désarçonner
Jésus en posant ce qu'ils considéraient comme une
question compliquée sinon très difficile. Les
Sadducéens affirmaient qu'il ne pouvait y avoir de
résurrection du corps, point de doctrine, parmi bien d'autres,
sur lequel ils étaient les adversaires avoués des
Pharisiens [9]. La question posée par les Sadducéens
en cette occasion avait directement trait à la résurrection
et était formulée de manière à
discréditer cette doctrine en lui donnant une application
extrêmement peu favorable et grossièrement exagérée.
« Maître », dit le porte-parole du
groupe, « Moïse a dit : Si quelqu'un meurt sans
enfants, son frère épousera la veuve et suscitera une
descendance à son frère. Or, il y avait parmi nous sept
frères. Le premier se maria et mourut, et comme il n'avait pas
d'enfants, il laissa sa femme à son frère. Il en fut de
même du deuxième, puis du troisième, jusqu'au
septième. Après eux tous, la femme mourut. À la
résurrection, duquel des sept frères sera-t-elle donc
la femme ? Car tous l'ont eue. » Il était hors
de doute que la loi mosaïque autorisait et exigeait que le frère
vivant d'un mari décédé et sans enfants épousât
sa veuve dans le but d'élever des enfants au nom du mort, dont
la lignée familiale serait légalement continuée [10].
Un état de choses tel que celui qu'avaient présenté
les casuistes sadducéens dans lequel sept frères, l'un
après l'autre, avaient eu pour épouse et laissée
veuve sans enfants la même femme, était possible en
vertu du code mosaïque relatif au lévirat ; mais
c'était un exemple extrêmement improbable.
Mais
Jésus ne perdit pas de temps à discuter des éléments
du problème qui lui était présenté ;
que le cas fût théorique ou réel n'avait pas
d'importance, puisque la question : « De qui
sera-t-elle donc la femme ? » était basée
sur une conception absolument fausse. « Jésus leur
répondit : Vous êtes dans l'erreur, parce que vous
ne comprenez ni les Écritures, ni la puissance de Dieu. Car à
la résurrection, les hommes ne prendront pas de femmes, ni les
femmes de maris, mais ils seront comme les anges de Dieu dans le
ciel. » L'intention du Seigneur était claire :
dans l'état ressuscité, il n'y a aucun doute sur le
point de savoir auquel des sept frères la femme appartiendra
pour l'éternité, puisque tous, sauf le premier, ne
l'avaient épousée que pour la durée de la vie
ici-bas et avant tout dans le but de perpétuer dans la
mortalité le nom et la famille du frère qui était
mort le premier. Voici une partie des paroles du Seigneur telles que
Luc les rapporte : « Mais ceux qui seront trouvés
dignes d'avoir part au siècle à venir et à la
résurrection d'entre les morts ne prendront ni femmes ni
maris. Ils ne pourront pas non plus mourir, parce qu'ils seront
semblables aux anges et qu'ils seront fils de Dieu, étant fils
de la résurrection. » Dans la résurrection,
on ne se mariera pas ni ne donnera en mariage ; car toutes les
questions relatives à l'état matrimonial doivent être
réglées avant ce moment-là, selon l'autorité
de la sainte prêtrise, qui détient le pouvoir de sceller
en mariage pour le temps et l'éternité [11].
Passant
du cas présenté par ses perfides interlocuteurs, Jésus
parla de la réalité de la résurrection, qui
était impliquée par la question. « Pour ce
qui est de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce
que Dieu vous a dit : Moi, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu
d'Isaac, et le Dieu de Jacob ? Dieu n'est pas le Dieu des morts,
mais des vivants. » C'était une attaque directe
contre la doctrine sadducéenne qui niait la résurrection
littérale des morts. Les Sadducéens se distinguaient
comme défenseurs zélés de la loi, dans laquelle
Jéhovah affirme lui-même être le Dieu d'Abraham,
d'Isaac et de Jacob [12] ; et cependant ils niaient qu'il
fût possible à ces patriarches de ressusciter et
rendaient le titre exalté, sous lequel le Seigneur s'était
révélé à Moïse, valide seulement au
cours de la brève existence mortelle des ancêtres de la
nation israélite. En déclarant que Jéhovah n'est
pas le Dieu des morts mais des vivants, Jésus dénonçait
de manière irréfutable la déformation des
Écritures par les Sadducéens ; et de manière
définitive et solennelle, le Seigneur ajouta : « Votre
erreur est grande. » Certains des scribes présents
furent frappés par cette démonstration incontestable de
la vérité et s'exclamèrent avec approbation :
« Maître, tu as bien parlé. » Les
orgueilleux Sadducéens étaient convaincus d'erreur et
réduits au silence. « Et ils n'osaient plus lui
poser aucune question. »
LE
GRAND COMMANDEMENT [13]
Les
Pharisiens, se réjouissant sous cape de la déconfiture
de leurs rivaux, réunirent maintenant suffisamment de courage
pour préparer une autre attaque à leur propre compte.
L'un d'entre eux, docteur de la loi, titre sous lequel nous pouvons
entendre l'un des scribes, qui était également
professeur des lois ecclésiastiques, demanda : « Quel
est le premier de tous les commandements ? » ou,
comme Matthieu rapporte la question : « Maître,
quel est le grand commandement de la loi ? » La
réponse fut prompte, tranchante et universelle au point de
couvrir dans leur intégralité les exigences de la loi.
Avec l'appel impérieux que Moïse avait utilisé
pour commander à Israël d'écouter et de faire
attention [14], les termes mêmes qui étaient écrits
sur les phylactères [15] que les Pharisiens portaient sur
le front entre les yeux, Jésus répondit : « Voici
le premier : Écoute Israël, le Seigneur, notre Dieu,
le Seigneur est un, et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton
cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de
toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme
toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que
ceux-là. » Matthieu formule la fin de cette
déclaration comme suit : « De ces deux
commandements dépendent toute la loi et les prophètes. »
Le
bien-fondé philosophique de la profonde généralisation
du Seigneur et de son résumé universel de « la
loi et des prophètes » [16] apparaîtra à
tous ceux qui étudient la nature humaine. Il est une tendance
commune parmi les hommes de rechercher, ou du moins de s'informer et
de s'étonner du superlatif. Qui est le plus grand poète,
le plus grand philosophe, le plus grand savant, le plus grand
prédicateur ou le plus grand chef d'État ? Qui se
trouve au premier rang de la communauté, de la nation ou même,
comme les apôtres le demandèrent dans leur ambitieuse
ignorance, dans le royaume des cieux ? Quelle est la montagne
qui domine tout le reste ? Quel est le fleuve qui est le plus
long ou le plus large ? Pareilles questions sont éternelles.
Les Juifs avaient divisé et subdivisé les commandements
de la loi et avaient ajouté à la moindre subdivision
des règles inventées par eux-mêmes.
Maintenant
venait le Pharisien, demandant laquelle de ces exigences était
la plus grande [17]. Aimer Dieu de tout son cœur, de toute
son âme et de tout son esprit, c'est le servir et garder tous
ses commandements. Aimer son prochain comme soi-même, c'est
être un frère dans le sens à la fois le plus
large et le plus exigeant du terme. C'est pourquoi le commandement
d'aimer Dieu et l'homme est le plus grand, étant donné
la vérité simple et mathématique que le tout est
plus grand que n'importe laquelle de ses parties. Quel besoin
aurait-on du décalogue si l'humanité obéissait à
ce premier grand commandement universel ? La réponse que
le Seigneur fit à la question était convaincante même
pour le savant scribe qui s'était présenté comme
porte parole de ses collègues pharisiens. L'homme fut
suffisamment honnête pour admettre la droiture et la sagesse
sur lesquelles la réponse reposait et exprima impulsivement
son accord, disant : « Bien, maître, tu as dit
avec vérité que Dieu est unique et qu'il n'y en a pas
d'autre que lui, et que l'aimer de tout son cœur, de toute son
intelligence et de toute sa force, ainsi qu'aimer son prochain comme
soi même, c'est plus que tous les
holocaustes et tous les sacrifices. » Jésus ne fut
pas moins prompt que le scribe aux bonnes intentions en reconnaissant
le mérite des paroles d'un adversaire ; et il encouragea
l'homme en lui assurant : « Tu n'es pas loin du
royaume de Dieu. » Les Écritures ne nous disent pas
si le scribe resta ferme dans son intention et obtint finalement le
droit d'entrer dans cette demeure bénie.
JÉSUS
SE FAIT QUESTIONNEUR [18]
Sadducéens,
Hérodiens, Pharisiens, docteurs de la loi et scribes avaient
tour à tour subi la déconfiture et la défaite
dans leurs efforts pour embrouiller Jésus dans des questions
de doctrine ou de pratique et avaient complètement échoué
dans leurs tentatives pour l'amener à commettre un acte ou
prononcer une parole qui leur permettrait de l'accuser légalement
de délit. Ayant si efficacement réduit au silence tous
ceux qui s'étaient risqués à l'affronter en
discussion, soit d'une manière cachée soit ouvertement,
de sorte que « personne n'osa plus lui poser de
questions », Jésus se fit à son tour
interrogateur offensif. Se tournant vers les Pharisiens qui s'étaient
groupés pour se consulter plus facilement, Jésus lança
la discussion suivante : « Que pensez-vous du
Christ ? De qui est-il fils ? Ils lui répondirent :
de David. Et Jésus leur dit : Comment donc David, (animé)
par l'Esprit, l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit : Le
Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma
droite, jusqu'à ce que je mette tes ennemis sous tes pieds ?
Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ? »
Cette citation que le Seigneur fit du cantique d'actions de grâce
joyeux et adorateur de David dont, comme l'affirme Marc, Jésus
déclara qu'il avait été inspiré du
Saint-Esprit, se rapportait au psaume messianique [19] dans
lequel le roi chanteur affirmait sa loyauté et son respect et
exaltait le règne glorieux du Roi des rois promis, qui y est
spécialement appelé « sacrificateur pour
toujours, à la manière de Melchisédek » [20].
Aussi embarrassante que fût cette question inattendue pour les
Juifs érudits, il ne nous est possible d'y voir aucune
difficulté inexplicable, puisque pour nous, qui avons moins de
préjugés qu'eux qui vivaient dans l'attente d'un Messie
qui ne serait fils de David que dans le sens de la lignée
familiale et la succession royale dans la splendeur du règne
temporel, la Divinité éternelle du Messie est un fait
démontré et indéniable. Jésus le Christ
est le Fils de David dans le sens physique de la lignée par
laquelle Jésus et David sont fils de Jacob, Isaac, Abraham et
Adam. Mais bien que Jésus fût né dans la chair à
une époque aussi tardive que le « midi des
temps » [21], il était Jéhovah,
Seigneur et Dieu, avant que David, Abraham ou Adam ne fussent connus
sur la terre [22].
DÉNONCIATION
DES SCRIBES ET DES PHARISIENS PERVERS [23]
La
défaite humiliante du parti pharisien fut parachevée
par la dénonciation que fit le Seigneur de ce système
et par la condamnation qu'il prononça contre ses indignes
représentants. S'adressant avant tout aux disciples, mais
parlant cependant de manière que la foule l'entendît, il
attira l'attention de tous sur les scribes et les Pharisiens qui,
fit-il remarquer, occupaient la chaire de Moïse comme
interprètes de la doctrine et administrateurs officiels de la
loi et auxquels on devait par conséquent obéir dans
leur gouvernement autorisé ; il mit cependant fortement
en garde les disciples contre leur exemple pernicieux. « Faites
donc et observez tout ce qu'ils vous diront », dit le
Seigneur, « mais n'agissez pas selon leurs œuvres.
Car ils disent et ne font pas. » Il n'était pas
possible de faire plus clairement la distinction entre l'obéissance
qui est due aux préceptes officiels et la responsabilité
qu'ont personnellement ceux qui suivent le mauvais exemple, même
si c'est celui d'hommes d'une grande autorité. On n'avait pas
le droit de désobéir à la loi parce que les
représentants de celle-ci étaient corrompus, mais il ne
fallait pas non plus excuser ou diminuer la méchanceté
de qui que ce fût à cause des vilenies d'un autre.
Expliquant
l'avertissement qu'il proclamait ainsi ouvertement contre les vices
des dirigeants, le Seigneur poursuivit : « Ils lient
des fardeaux pesants et les mettent sur les épaules des
hommes, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. »
Le rabbinisme avait pratiquement supplanté la loi en y
substituant de multiples règles et demandes exorbitantes, avec
des châtiments y afférents ; la journée
était remplie d'observances traditionnelles qui encombraient
jusqu'aux activités courantes de la vie ; cependant les
dirigeants hypocrites pouvaient trouver des raisons d'être
exemptés personnellement de ces fardeaux et d'autres charges
pénibles.
Leur
vanité sans borne et leur prétention irrespectueuse à
une piété excessive furent stigmatisées comme
suit : « Ils font toutes leurs actions pour être
vus des hommes. Ainsi ils élargissent leurs phylactères [24]
et ils agrandissent les franges de leurs vêtements ; ils
aiment la première place dans les repas, les premiers sièges
dans les synagogues et les salutations sur les places publiques ;
(ils aiment) aussi être appelés par les hommes, Rabbi. »
Le titre prétentieux de rabbi, signifiant maître,
instructeur ou docteur, avait éclipsé la sainteté
divinement reconnue de la prêtrise ; être rabbi des
Juifs était considéré comme infiniment supérieur
à être prêtre du Dieu Très-Haut [25].
« Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi »,
dit Jésus aux apôtres et aux autres disciples présents :
« car un seul est votre Maître, et vous êtes
tous frères. Et n'appelez personne sur la terre père,
car un seul est votre Père, celui qui est dans les cieux. Ne
vous faites pas appeler directeurs, car un seul est votre Directeur,
le Christ » [26].
Ceux
sur qui allait reposer la responsabilité d'édifier
l'Église qu'il avait fondée ne devaient pas aspirer aux
titres profanes ni aux honneurs des hommes ; car ces élus
étaient frères, et leur seul but devait être de
rendre le plus grand service possible à leur seul et unique
Maître. Comme cela avait déjà été
si fortement souligné en d'autres occasions, ce n'est qu'en
servant avec humilité et dévouement qu'on parvenait et
qu'on parvient à l'excellence ou à la suprématie
dans l'appel apostolique, de même que dans les devoirs de
disciple ou de membre de l'Église du Christ ; c'est
pourquoi le Maître dit de nouveau : « Le plus
grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera
sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé. »
De
la multitude mêlée de disciples et d'incrédules,
comprenant beaucoup de gens du commun qui écoutaient avec un
joyeux empressement pour apprendre [27], Jésus se tourna
vers les dirigeants déjà décontenancés
mais en colère et les abreuva d'un véritable torrent de
juste indignation, que traversait l'éclair d'invectives
flétrissantes, accompagné de coups de tonnerre
d'anathème divin.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n'y entrez pas
vous-mêmes, et vous n'y laissez pas entrer ceux qui le
voudraient. « Le critère de piété des
Pharisiens était l'érudition des écoles ;
celui qui n'était pas versé dans les questions
techniques de la loi était considéré comme
inacceptable devant Dieu et véritablement maudit [28].
Par leur casuistique et leurs explications perverties des Écritures,
ils embrouillaient et égaraient le « commun du
peuple » et constituaient ainsi des obstacles à
l'entrée du royaume de Dieu, refusant d'y entrer eux-mêmes
et barrant le chemin aux autres.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
dévorez les maisons des veuves, et que vous faites pour
l'apparence de longues prières ; à cause de cela,
vous subirez une condamnation particulièrement
sévère » [29]. La cupidité
des dirigeants juifs à l'époque de notre Seigneur était
un scandale public. Par des extorsions et des exactions illégales
sous couvert du devoir religieux, les gouverneurs ecclésiastiques
avaient amassé un énorme trésor [30], dont
les contributions des pauvres et les confiscations de biens, y
compris même les maisons de veuves endettées, formaient
une proportion considérable ; et la perfidie de cette
pratique était assombrie par l'apparence extérieure de
sainteté et l'accompagnement sacrilège de prières
verbeuses.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
courez la mer et la terre pour faire un prosélyte, et, quand
il l'est devenu, vous en faites un fils de la géhenne, deux
fois pire que vous. » Il est possible que ce malheur se
soit adressé davantage à l'effort de faire des
prosélytes au pharisaïsme qu'à celui de convertir
les étrangers au judaïsme ; mais comme ce dernier
était absolument dégradé et le premier
horriblement corrompu, on peut appliquer la dénonciation de
notre Seigneur à l'un ou à l'autre ou aux deux. Il a
été dit des Juifs qui s'efforçaient de faire des
prosélytes que « d'un mauvais païen ils
faisaient un Juif pire encore ». Un grand nombre de leurs
convertis devenaient bientôt pervers.
« Malheur
à vous, conducteurs aveugles ! Qui dites : Si
quelqu'un jure par le temple, cela ne compte pas ; mais si
quelqu'un jure par l'or du temple, il est engagé. Insensés
et aveugles ! Lequel est le plus grand, l'or, ou le temple qui
sanctifie l'or ? Si quelqu'un, dites-vous encore, jure par
l'autel, cela ne compte pas ; mais si quelqu'un jure par
l'offrande qui est sur l'autel, il est engagé. Aveugles !
lequel est le plus grand, l'offrande, ou l'autel qui sanctifie
l'offrande ? Celui qui jure par l'autel jure par l'autel et par
tout ce qui est dessus ; celui qui jure par le temple jure par
le temple et par celui qui l'habite, et celui qui jure par le ciel
jure par le trône de Dieu et par celui qui y est assis. »
C'est ainsi que le Seigneur condamnait les décrets infâmes
des écoles et du sanhédrin concernant les serments et
les vœux ; car ils avaient établi ou sanctionné
un code de lois illogique et injuste concernant les vétilles
techniques par lesquelles un vœu pouvait être rendu
obligatoire ou invalidé. Si un homme jurait par le temple, la
maison de Jéhovah, il pouvait obtenir une indulgence pour
avoir enfreint son serment ; mais s'il faisait vœu par
l'or et les trésors de la sainte maison, il était tenu
par les liens indestructibles de la loi ecclésiastique. Si on
jurait par l'autel de Dieu, ce serment pouvait être annulé ;
mais si on faisait vœu par le don corban ou par l'or qui se
trouvait sur l'autel [31], l'obligation était impérieuse.
Dans quelles profondeurs de déraison et de dépravation
désespérées les hommes étaient-ils
tombés, combien coupablement insensés et combien
perversement aveugles étaient-ils, eux qui ne voyaient pas que
le temple était plus grand que son or, et l'autel que
l'offrande qui se trouvait dessus ! Dans le sermon sur la
montagne, le Seigneur avait dit de ne « pas jurer » [32] ;
mais ceux qui ne vivraient pas conformément à cette loi
supérieure, ceux qui persisteraient à se servir de
serments et de vœux, la loi moindre et évidemment juste
de la stricte fidélité aux termes des obligations
contractées personnellement devait leur être imposée,
sans faux-fuyant malhonnête ni discrimination injuste.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et que vous
laissez ce qu'il y a de plus important dans la loi : le droit,
la miséricorde et la fidélité ; c'est là
ce qu'il fallait pratiquer sans laisser de côté le
reste. Conducteurs aveugles ! Qui retenez au filtre le moucheron
et qui avalez le chameau. »
La
loi de la dîme était un trait caractéristique des
exigences théocratiques en Israël depuis l'époque
de Moïse ; et en réalité, cette pratique
remontait à bien avant l'exode. Interprétée
littéralement, la loi exigeait la dîme des troupeaux,
des fruits et du grain [33] ; mais la tradition avait
étendu cette loi à tous les produits de la terre. Le
Seigneur approuvait ceux qui prélevaient consciencieusement la
dîme de tous leurs biens, même les herbes potagères
et autres produits de jardin ; mais il dénonçait
comme purs hypocrites ceux qui observaient ces lois pour s'en servir
comme excuse à leur négligence des autres devoirs de la
vraie religion. La mention de « ce qu'il y a de plus
important dans la loi » peut avoir été une
allusion à la falsification rabbinique des règlements
« légers » et « lourds »
dans la loi, bien qu'il soit certain que le Seigneur n'approuvait pas
des distinctions aussi arbitraires. Omettre la dîme à
prélever sur de petites choses, comme les feuilles de menthe
et les brindilles d'aneth et de cumin, c'était un manquement à
la bonne observance ; mais ignorer ce que demandaient la
justice, la miséricorde et la fidélité, c'était
perdre son droit aux bénédictions comme enfant de Dieu
selon l'alliance. Utilisant une puissante comparaison, le Seigneur
stigmatisa pareil manque de logique en le comparant aux soins
scrupuleux que l'on mettrait à retenir au filtre un moucheron
tout en étant disposé, au figuré, à
avaler un chameau.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
purifiez le dehors de la coupe et du plat, alors qu'en dedans ils
sont pleins de rapine et d'intempérance. Pharisien aveugle !
Purifie premièrement l'intérieur de la coupe et du
plat, afin que l'extérieur aussi devienne pur » [34].
Nous avons déjà dit que les Pharisiens mettaient un
soin scrupuleux à purifier cérémoniellement les
plats et les coupes, les pots et les vases de cuivre. Le Seigneur ne
dépréciait nullement la propreté ; les
traits de sa désapprobation visaient l'hypocrisie de ceux qui
entretenaient à la fois une propreté immaculée à
l'extérieur et la corruption à l'intérieur. Les
coupes et les plats, bien que parfaitement purifiés, étaient
impurs devant le Seigneur si leur contenu était acheté
avec l'or de l'extorsion ou s'ils devaient être utilisés
pour servir la gourmandise, l'ivrognerie ou d'autres excès.
« Malheur
à vous scribes et Pharisiens hypocrites ! parce que vous
ressemblez à des sépulcres blanchis qui paraissent
beaux au dehors, et qui au dedans sont pleins d'ossements de morts et
de toute espèce d'impureté. Vous de même, au
dehors, vous paraissez justes aux hommes mais au dedans vous êtes
remplis d'hypocrisie et d'iniquité. » C'était
une image terrible que cette comparaison à des sépulcres
blanchis, pleins d'ossements de morts et de chair en putréfaction.
Étant donné que les dogmes des rabbis faisaient du
moindre contact avec un cadavre ou les linceuls, ou avec la bière
sur laquelle il était porté, ou le tombeau dans lequel
il avait été déposé, une cause de
souillure personnelle que seules les ablutions cérémonielles
et l'offrande des sacrifices pouvaient enlever, on prenait soin de
rendre les sépulcres visiblement blancs, de sorte que personne
ne pût être souillé pour avoir ignoré qu'il
se trouvait tout près d'endroits aussi impurs ; et en
outre, on considérait le blanchissage périodique des
sépulcres comme un acte que l'on devait accomplir en souvenir
des morts pour les honorer. Mais de même qu'aucun soin ou
mesure de diligence aussi grands soient-ils pour conserver bien clair
l'extérieur d'une tombe ne pourrait empêcher la
putréfaction qui se produit à l'intérieur, de
même aucun signe extérieur de prétendue justice
ne pourrait atténuer la corruption répugnante d'un cœur
qui exhale l'iniquité. Jésus avait déjà
comparé les Pharisiens à des sépulcres qui ne
paraissent pas, sur lesquels les hommes marchaient par inadvertance
et devenaient ainsi souillés sans le savoir [35] ;
en cette occasion, que nous examinons maintenant, il les dénonça
comme des sépulcres blanchis, se montrant avec ostentation,
mais néanmoins des sépulcres.
« Malheur
à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous
bâtissez les sépulcres des prophètes et ornez les
tombeaux des justes, et que vous dites : Si nous avions vécu
au temps de nos pères, nous ne nous serions pas associés
à eux pour (répandre) le sang des prophètes.
Vous témoignez ainsi contre vous-mêmes que vous êtes
les fils de ceux qui ont tué les prophètes. »
L'orgueil national, qui n'est pas entièrement différent
du patriotisme, s'était exprimé pendant des siècles
dans le respect officiel des cryptes dans lesquelles étaient
ensevelis les anciens prophètes, dont beaucoup avaient été
mis à mort à cause de leur zèle juste et
impavide. Ces Juifs modernes proclamaient qu'ils désavouaient
toute sympathie avec les actes meurtriers de leurs ancêtres qui
avaient martyrisé les prophètes et prétendaient
avec ostentation que s'ils avaient vécu à l'époque
de ces martyres, ils n'y auraient pas participé, et cependant
par cet aveu ils se proclamaient les descendants de ceux qui avaient
versé le sang innocent.
Avec
des malédictions flétrissantes, le Seigneur les voua à
leur destin : « Mettez donc le comble à la
mesure de vos pères ! Serpents, race de vipères !
Comment fuirez-vous la condamnation de la géhenne ? C'est
pourquoi, je vous envoie des prophètes, des sages et des
scribes. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous flagellerez les
autres dans vos synagogues et vous les persécuterez de ville
en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu
sur la terre depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de
Zacharie, fils de Bérékia, que vous avez tué
entre le temple et l'autel. En vérité je vous le dis,
tout cela viendra sur cette génération. »
Ils affirmaient d'un air papelard être supérieurs à
leurs pères qui avaient tué les envoyés de
Jéhovah, et Jéhovah lui-même leur répondait
en prédisant qu'ils se teindraient les mains du sang des
prophètes, des sages et des scribes justes qu'il enverrait
parmi eux et se révéleraient ainsi être fils
littéraux d'assassins et assassins eux-mêmes, de sorte
que sur eux reposerait le fardeau de tout le sang juste qui avait été
versé en témoignage de Dieu, depuis Abel le juste
jusqu'au martyr Zacharie [36]. Ce destin effroyable décrit
avec un réalisme aussi terrible ne devait pas être un
événement de l'avenir lointain ; chacun des
affreux malheurs que le Seigneur avait prononcés devait se
réaliser dans cette génération-là.
LAMENTATION
DU SEIGNEUR SUR JÉRUSALEM [37]
Ce
furent les dernières paroles que Jésus prononça
sur les scribes, les Pharisiens et le pharisaïsme. Contemplant
des hauteurs du temple la ville du grand Roi qui allait bientôt
être abandonnée à la destruction, le Seigneur
éprouva un profond chagrin. Avec l'éloquence immortelle
de l'angoisse, il émit une lamentation telle qu'aucun père
mortel n'en a jamais exprimée sur le plus indigne et le plus
renégat des fils.
« Jérusalem,
Jérusalem, qui tues les prophètes et qui lapides ceux
qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler
tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes,
et vous ne l'avez pas voulu ! Voici : votre maison vous est
laissée déserte, car je vous le dis, vous ne me verrez
plus désormais jusqu'à ce que vous disiez : Béni
soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
L'OFFRANDE
DE LA VEUVE [38]
Quittant
la cour ouverte, Jésus se dirigea vers le trésor du
temple garni de colonnades, et là, il s'assit, apparemment
absorbé dans une triste rêverie. Il y avait dans ce lieu
treize coffres, chacun muni d'un réceptacle en forme de
trompette ; et c'est là que le peuple déposait ses
contributions pour les divers objectifs indiqués par les
inscriptions des boîtes. Levant les yeux, Jésus observa
les files de donateurs, de tous rangs et de tous niveaux de richesse
et de pauvreté, certains déposant leurs dons avec une
dévotion et une sincérité d'intention évidentes,
d'autres y jetant avec ostentation de grandes sommes d'argent et
d'or, surtout pour être vus des hommes. Parmi la foule se
trouvait une pauvre veuve qui, faisant probablement un effort pour
échapper à l'attention, laissa tomber dans l'un des
coffres du trésor deux petites pièces de bronze
appelées oboles ; sa contribution se montait à
moins d'un demi-cent en argent américain. Le Seigneur appela
ses disciples autour de lui, attira leur attention sur la pauvre
veuve et son action, et dit : « En vérité,
je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus qu'aucun de ceux qui
ont mis dans le tronc ; car tous ont mis de leur superflu, mais
elle a mis de son nécessaire, tout ce qu'elle possédait,
tout ce qu'elle avait pour vivre. »
Dans
les comptes gérés par les anges qui tiennent les
registres, calculés selon l'arithmétique du ciel, les
inscriptions sont faites en termes de qualité et non de
quantité, et les valeurs sont déterminées en
fonction de la capacité et de l'intention. Les riches
donnaient beaucoup, mais pourtant ils conservaient davantage ;
le don de la veuve était tout ce qu'elle avait. Ce n'était
pas la petitesse de son offrande qui la rendait particulièrement
acceptable, mais l'esprit de sacrifice et d'intention pieuse avec
lequel elle donnait. Dans le livre des comptables célestes, la
contribution de cette veuve était inscrite comme un don
magnifique, surpassant en valeur les largesses des rois. « Les
bonnes dispositions, quand elles existent, sont agréables en
raison de ce qu'on a, mais non de ce qu'on n'a pas » [39].
LE
CHRIST QUITTE DÉFINITIVEMENT LE TEMPLE
Les
discours publics de notre Seigneur et les discussions ouvertes
auxquelles il avait participé avec des professionnels et des
officiels ecclésiastiques au cours de ses visites quotidiennes
au temple pendant la première moitié de la semaine de
la Passion, avaient poussé un grand nombre d'entre les
principaux dirigeants, ainsi que d'autres, à croire qu'il
était le véritable Fils de Dieu ; mais la peur de
la persécution par les Pharisiens et la crainte d'être
excommuniés de la synagogue [40] les empêchaient de
confesser la loyauté qu'ils éprouvaient et d'accepter
le moyen de salut si gracieusement offert. « Car ils
aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de
Dieu » [41].
Il
se peut que ce soit au moment où Jésus se dirigeait
pour la dernière fois vers ce grand portail de sortie du lieu
jadis saint qu'il prononça le témoignage solennel de sa
divinité rapporté par Jean [42]. Il cria d'une
voix forte aux dirigeants sacerdotaux et à la multitude en
général : « Celui qui croit en moi,
croit, non pas en moi, mais en celui qui m'a envoyé ; et
celui qui me contemple, contemple celui qui m'a envoyé. »
Lui être fidèle, c'est déjà être
fidèle à Dieu, et il dit clairement au peuple que
l'accepter, lui, n'était pas affaiblir le moins du monde sa
fidélité à Jéhovah, mais au contraire la
confirmer. Répétant le précepte qu'il avait déjà
exprimé, il proclama de nouveau être la lumière
du monde, par les rayons de laquelle seule l'humanité pouvait
être délivrée des ténèbres
d'incrédulité spirituelle qui l'enveloppaient. Les
témoignages qu'il laissait au peuple seraient le moyen par
lequel seraient jugés et condamnés tous ceux qui le
rejetaient volontairement. « Car mes paroles ne viennent
pas de moi ; mais le Père, qui m'a envoyé, m'a
commandé lui-même ce que je dois dire et ce dont je dois
parler. Et je sais que son commandement est la vie éternelle.
Ainsi ce dont je parle, j'en parle comme le Père me l'a dit. »
PRÉDICTION
DE LA DESTRUCTION DU TEMPLE [43]
Comme
Jésus quittait l'enceinte où se trouvait ce qui avait
jadis été la maison du Seigneur, un disciple ou
davantage attirèrent son attention sur le magnifique bâtiment,
les pierres massives, les colonnes énormes et les ornements
abondants et coûteux des divers bâtiments. Le commentaire
que le Seigneur fit en réponse était une prophétie
sans réserve de la destruction totale du temple et de tout ce
qui y avait trait. « En vérité je vous le
dis, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. »
Telle était la prédiction précise et terrible.
Ceux qui l'entendirent furent abasourdis ; ils n'essayèrent
pas d'en savoir plus ni en posant d'autres questions ni par d'autres
réactions. L'accomplissement littéral de cette terrible
menace ne fut qu'un incident dans l'annihilation de la ville moins de
quarante ans plus tard.
Après
le départ définitif du Seigneur hors du temple, qui se
produisit probablement l'après-midi du mardi de cette dernière
semaine, son ministère public prenait solennellement fin.
Quels que fussent les discours, les paraboles ou les ordonnances qui
allaient suivre, ils ne serviraient plus qu'à instruire et à
investir davantage les apôtres.
[1]
Mt 22:15-22, Mc 12:13-17, Lc 20:19-26.
[2]
Chap. 6, note 1.
[3]
Mc 3:6, 8:15.
[4]
Note 1, fin du chapitre.
[5]
Note 2, fin du chapitre.
[6]
Chap. 2.
[7]
Lc 23:2 ; chap. 34 du présent ouvrage.
[8]
Mt 22:23-33, Mc 12:18-27, Lc 20:27-38.
[9]
Chap. 6 et chap. 6, note 4.
[10]
Dt 25:5.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Gn 28:13, Ex 3:6,15.
[13]
Mt 22:34-40, Mc 12:28-34.
[14]
Dt 6:4,5.
[15]
Note 5, fin du chapitre.
[16]
Cf. chap. 17.
[17]
Note 4, fin du chapitre.
[18]
Mt 22:41-46, Mc 12:35-37, Lc 20:41-44.
[19]
Ps 110.
[20]
Ps 110:4 ; cf. Hé 5:6.
[21]
Chapitre 6.
[22]
Chapitres 4 et 5.
[23]
Mt 23, Mc 12:38-40, Lc 20:45-57 ; cf. Lc 11:39-52.
[24]
Note 5, fin du chapitre.
[25]
Chap. 6 du présent ouvrage et notes.
[26]
Note 6, fin du chapitre.
[27]
Mc 12:37.
[28]
Jn 7:49 ; cf. 9:34.
[29]
Note 7, fin du chapitre.
[30]
Note 8, fin du chapitre.
[31]
Chap. 22.
[32]
Mt 5:33-37 ; chap. 17 du présent ouvrage.
[33]
Lv 27:30, Nb 18:21, Dt 12:6, 14:22-28. Voir aussi The Law of the
Tithe, de l'auteur, 20 pp., 1914.
[34]
Cf. Lc 11:39, 40, Mc 7:4 ; chap. 26 du présent ouvrage.
[35]
Lc 11:44.
[36]
Note 9, fin du chapitre.
[37]
Mt 23:37-39 ; cf. Lc 13:34, 35.
[38]
Mc 12:41-44, Lc 21:1-4.
[39]
2 Co 8:12.
[40]
Jn 12:42 ; cf. 7:13, 9:22.
[41]
Jn 12:43 ; cf. 5:44.
[42]
Jn 12:44-50.
[43]
Mt 24:1, 2, Mc 13:1, 2, Lc 21:5, 6, note 10, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 31
1.
L'effigie de la pièce : Les Juifs avaient une aversion
pour les images ou les effigies en général, professant
considérer leur usage comme une violation du deuxième
commandement. Mais leurs scrupules ne les empêchaient point
d'accepter des pièces de monnaie portant l'effigie de rois,
même si ces rois étaient païens. Leurs propres
pièces de monnaie portaient d'autres représentations,
telles que des plantes, des fruits, etc., au lieu d'une tête
humaine ; et les Romains avaient permis avec condescendance
l'émission d'une monnaie spéciale à l'usage
juif, chaque pièce portant le nom mais pas l'effigie du
monarque. Les monnaies ordinaires de Rome avaient cependant cours en
Palestine.
2.
La soumission à l'autorité séculière :
Les gouvernements sont institués par Dieu, parfois par son
intervention directe, parfois avec sa permission. Lorsque les Juifs
avaient été soumis par Nebucadnetsar, roi de Babylone,
le Seigneur commanda au peuple, par l'intermédiaire du
prophète Jérémie (27:4-8), d'obéir à
son conquérant, qu'il appelait son serviteur ; car en
vérité le Seigneur avait utilisé le roi païen
pour châtier les enfants renégats et infidèles de
l'alliance. L'obéissance ainsi imposée comprenait le
paiement d'impôts et s'étendait à la soumission
complète. Après la mort du Christ, les apôtres
enseignèrent l'obéissance aux pouvoirs en vigueur,
lesquels pouvoirs, déclara Paul, « ont été
institués par Dieu » (voir Rm 13:1-7, Tt 3:1, 1 Tm
2:1-3, voir aussi 1 P. 2:13,14). Par la révélation
moderne, le Seigneur a ordonné à son peuple actuel
d'obéir et de soutenir loyalement les gouvernements dûment
établis qui existent dans tous les pays. Voir D&A
58:21-22, 98:4-6 et la section 134 tout entière. L'Église
rétablie proclame comme une partie essentielle de sa croyance
et de ses pratiques : « Nous croyons que nous devons
nous soumettre aux rois, aux présidents, aux gouverneurs et
aux magistrats ; obéir aux lois, les honorer et les
soutenir » (12e article de foi).
3.
Le mariage pour l'éternité : La révélation
divine à l'époque moderne a montré clairement
que les contrats de mariage, de même que tous les accords entre
parties dans la mortalité, n'ont aucune valeur au-delà
de la tombe, si ces contrats ne sont pas ratifiés et validés
par les ordonnances dûment établies de la sainte
prêtrise. Le scellement dans l'alliance du mariage pour le
temps et l'éternité, qui a pris le nom de mariage
céleste, est une ordonnance établie par l'autorité
divine dans l'Église rétablie de Jésus-Christ.
Voir l'analyse de ce sujet par l'auteur dans Articles de Foi, p.
539-541, et La Maison du Seigneur, sous « Le scellement
dans le mariage », p. 82-88.
4.
Divisions et subdivisions de la loi : « Les écoles
rabbiniques, dans leur esprit touche-à-tout, charnel et
superficiel qui jouait sur les mots et avait le culte de la lettre,
avaient tissé de vastes accumulations de subtilités
sans valeur sur toute la loi mosaïque. Entre autres choses,
elles avaient gaspillé leur vanité en des tentatives
fantastiques de compter, de classer, de peser et de mesurer chacun
des commandements de la loi cérémonielle et morale.
Elles en étaient venues à la conclusion savante qu'il y
avait deux cent quarante-huit préceptes affirmatifs, lesquels
étaient aussi nombreux que les artères et les veines,
ou les jours de l'année : le total étant de six
cent treize, qui était aussi le nombre de lettres du
décalogue. Ils arrivaient au même résultat en
partant du fait que les Juifs avaient reçu le commandement (Nb
15:38) de porter des franges (tsitsit) sur les coins de leur tallit,
reliées par un fil de tissu bleu ; et comme chaque frange
avait huit fils et cinq nœuds, et que les lettres du mot
tsitsit font six cents, le nombre total de commandements était
comme précédemment six cent treize. Mais il est certain
que dans un nombre aussi grand de préceptes et
d'interdictions, tout ne pouvait pas avoir tout à fait la même
valeur ; certains étaient ‘légers’
(kal), et certains étaient ‘lourds’ (kobhed). Mais
lesquels ? Et quel était le plus grand de tous les
commandements ? Selon certains rabbis, le plus important de tous
est celui qui a trait aux tephillin et aux tsitsit, aux franges et
aux phylactères ; et « celui qui l'observe
avec diligence est estimé de la même manière que
s'il avait gardé la Loi tout entière ».
« Les
uns considéraient l'omission des ablutions comme aussi grave
que l'homicide ; les autres, que les préceptes de la
michna étaient tous ‘lourds' ; ceux de la loi
étaient, les uns ‘lourds’, les autres ‘légers'.
D'autres considéraient le troisième comme le plus grand
commandement. Aucun d'entre eux ne s'était rendu compte du
grand principe que la violation volontaire d'un commandement, c'est
les transgresser tous (Jc 2:10), parce que l'objet de la Loi tout
entière c'est l'esprit de l'obéissance à Dieu.
Chammaïtes et hillélites étaient en désaccord
sur la question proposée par les docteurs de la loi et, comme
d'habitude, les deux écoles avaient tort : les
chammaïtes, en pensant que de simples observances extérieures
ordinaires avaient de la valeur, indépendamment de l'esprit
dans lequel on les accomplissait et le principe qu'elles
représentaient, les hillélites, en pensant que
n'importe quel commandement affirmatif pouvait être secondaire
en lui-même, et ne voyant pas que les grands principes sont
essentiels pour accomplir correctement les devoirs même les
plus petits. » Farrar, Life of Christ, chap. 52.
5.
Phylactères et bords : Par une interprétation
traditionnelle d'Ex 13:9 et de Dt 6:8, les Hébreux adoptèrent
la coutume de porter des phylactères, qui consistaient
essentiellement en des bandes de parchemin sur lesquelles étaient
inscrits en entier ou en partie les textes suivants : Ex 13:2-10
et 11:17, Dt 6:4-9, et 11:13-21. On portait les phylactères
sur la tête et le bras. Les bandes de parchemin pour la tête
étaient au nombre de quatre, sur chacun desquels un des textes
cités ci-dessus était écrit. On plaçait
ceux-ci dans un réceptacle cubique de cuir mesurant de 1,5 cm
à 3,5 cm de côté ; le réceptacle
était divisé en quatre compartiments, et on plaçait
dans chacun d'eux un des petits rouleaux de parchemin. Des courroies
maintenaient le réceptacle sur le front entre les yeux du
porteur. Le phylactère du bras ne contenait qu'un seul rouleau
de parchemin sur lequel les quatre textes prescrits étaient
notés ; on le plaçait dans une petite boîte
attachée par des lanières sur l'intérieur du
bras gauche de manière à pouvoir être approché
du cœur lorsque les mains étaient placées
ensemble dans l'attitude de la dévotion. Les Pharisiens
portaient le phylactère du bras au-dessus du coude, tandis que
leurs rivaux, les Sadducéens, l'attachaient à la paume
de la main (voir Ex 13:9). Le commun du peuple ne portait les
phylactères qu'au moment de la prière, mais on disait
que les Pharisiens les montraient pendant toute la journée.
L'allusion que fit notre Seigneur à la coutume des Pharisiens
de fabriquer de grands phylactères avait trait à
l'agrandissement du réceptacle qui les contenait, en
particulier celui du front. La grandeur des bandes de parchemin était
fixée par une règle rigide.
Le
Seigneur avait commandé au peuple d'Israël, par
l'intermédiaire de Moïse (Nb 15:35), d'attacher au bord
de son vêtement une frange avec un ruban de bleu. Étalant
avec ostentation leur prétendue piété, les
scribes et les Pharisiens prenaient plaisir à porter de larges
bords pour attirer l'attention publique. C'était une autre
manifestation d'hypocrisie.
6.
Les titres ecclésiastiques : Notre Seigneur condamna
sévèrement la recherche de titres comme signes de rang
à son service. Néanmoins il nomma les Douze qu'il
choisit comme apôtres ; et dans l'Église qu'il
fonda, les offices d'évangéliste, grand prêtre,
pasteur, ancien, évêque, prêtre, instructeur et
diacre furent établis (voir Articles de Foi, p. 245-247).
C'est aux titres vides créés par les hommes qui
s'attachaient à l'individu et non aux titres autorisés
de l'office auquel les hommes étaient appelés par
ordination autorisée que le Seigneur apposa le sceau de sa
désapprobation. Les titres des offices de la sainte prêtrise
sont d'un caractère trop sacré pour qu'on les utilise
comme signe de distinction parmi les hommes. Dans l'Église
rétablie à notre époque, les hommes sont
ordonnés à la prêtrise et aux divers offices de
la moindre prêtrise ou Prêtrise d'Aaron et de la Prêtrise
de Melchisédek ; et même si quelqu'un est nommé
ancien, soixante-dix, grand prêtre, patriarche ou apôtre,
il ne doit pas chercher à utiliser le titre simplement pour
embellir son nom (voir « The Honor and Dignity of
Priesthood », par l'auteur, dans Improvement Era, Salt
Lake City, mars 1914).
Charles
F. Deems, dans The Light of the Nations, p. 583-584, dit en parlant
de l'usage irrespectueux des titres ecclésiastique :
« Les Pharisiens aimaient aussi les places les plus
élevées dans les synagogues, et cela réjouissait
leur vanité que d'être appelés maître,
docteur, rabbi. C'est contre ces titres que Jésus mit ses
disciples en garde. Ils ne devaient pas aimer se faire appeler rabbi,
titre qui apparaît sous trois formes, rab, instructeur,
docteur, rabbi, mon docteur ou instructeur, rabbouni, mon grand
docteur. Et ils ne devaient appeler personne ‘père' dans
le sens de lui accorder l'infaillibilité du jugement ou du
pouvoir sur leur conscience... ‘Papa’, comme les simples
Moraves appellent leur grand homme, le comte Zinzendorf, ‘fondateur’,
comme les méthodistes appellent le bon John Wesley, ‘saint
père en Dieu’, comme on appelle parfois les évêques,
‘pape’, qui est la même chose que ‘papa’,
‘docteur en théologie’, équivalent chrétien
du ‘rabbi’ juif, sont tous des titres dangereux. Mais ce
n'est pas l'utilisation d'un nom que Jésus dénonce,
c'est l'esprit de vanité qui animait les Pharisiens et
l'esprit servile que l'usage de titres peut engendrer. Paul et Pierre
disaient d'eux-mêmes qu'ils étaient des pères
spirituels. Jésus enseigne que les offices dans les sociétés
de ses disciples, telles que celles qui seraient formées par
la suite, ne devaient pas être considérés comme
des dignités, mais plutôt comme des services, que
personne ne devait les rechercher pour l'honneur qu'ils pouvaient
conférer mais pour le champ de services qu'ils pouvaient
fournir, que personne ne devait entraîner une secte, car il n'y
avait qu'un seul dirigeant ; et que le groupe tout entier des
croyants est composé de frères dont Dieu est le Père. »
L'auteur
cité en dernier lieu discrédite avec beaucoup
d'à-propos les aspirations, stimulées par la vanité
et la présomption hypocrite, à l'emploi du titre
‘révérend’ appliqué aux hommes.
7.
Sept ou huit malheurs ? : Certains des anciens manuscrits
des évangiles omettent le verset 14 de Mt 23. Cette omission
réduit le nombre des paroles commençant par « Malheur
à vous » de huit à sept. Il n'y a aucun
doute sur la présence dans l'original des passages que l'on
trouve dans Marc 12:40 et Lc 20:47, qui ont le même sens que Mt
23:14.
8.
Le trésor du temple : À propos de l'incident de
l'obole de la veuve, Edersheim (vol. 11, p. 387-388) écrit :
« Certains peuvent venir avec l'apparence du pharisaïsme,
certains même avec ostentation, certains comme s'ils
accomplissaient de bon cœur un joyeux devoir. Plusieurs riches
mettaient beaucoup - oui, beaucoup, car la tendance était
telle que l'on dut décréter une loi interdisant de
donner au temple plus qu'une certaine proportion de ses biens. Et
l'on peut déduire le montant de ces contributions en se
souvenant de cet incident, qu'à l'époque de Pompée
et de Crassus, le trésor du temple, après avoir défrayé
abondamment tous les frais possibles, contenait en argent près
d'un demi million, et des vases précieux d'une valeur de près
de deux millions de sterling. » Voir aussi Josèphe,
Antiquités XIV, 4:4, 7:1,2.
9.
Zacharie le martyr : À propos des martyrs de l'époque
antérieure au midi des temps, l'évangéliste fait
utiliser au Seigneur l'expression « tout le sang innocent
répandu sur la terre depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au
sang de Zacharie, fils de Bérékia, que vous avez tué
entre le temple et l'autel » (Mt 23:35). L'Ancien
Testament, tel que nous l'avons maintenant, ne parle pas d'un martyr
nommé Zacharie, fils de Bérékia, mais rapporte
le martyre de Zacharie fils de Yehoyada (2 Ch 24:20-22). La plupart
des spécialistes de la Bible sont d'avis que le Zacharie dont
il est question dans le récit de Matthieu est Zacharie fils de
Yehoyada. Dans la compilation juive des Écritures de l'Ancien
Testament, l'assassinat de Zacharie apparaît comme le dernier
martyre rapporté par écrit ; et l'allusion que le
Seigneur fait aux justes qui ont été massacrés
d'Abel à Zacharie peut avoir inclus d'un seul grand trait tous
les martyrs jusqu'à cette époque-là, du premier
au dernier. Cependant nous avons connaissance de Zacharie, fils de
Bérékia (Za 1:1, 7), et ce Bérékia était
fils d'Iddo. Il est également question de Zacharie, fils
d'Iddo, dans Esdras 5: 1, mais comme on le voit ailleurs dans les
anciennes Écritures, le petit fils est appelé le fils.
L'Ancien Testament ne compte pas ce Zacharie parmi les martyrs, mais
les récits traditionnels (Whitby citant le Targum) disent
qu'il fut tué « Ie jour des expiations ».
Il est probable que le Seigneur parlait d'un martyre récent et
probablement du dernier des martyres rapportés par écrit ;
et il est tout aussi évident que l'affaire était bien
connue des Juifs. Il est vraisemblable qu'un récit plus
complet existait dans les Écritures qui avaient cours parmi
les Juifs à l'époque du Christ mais qui ont été
perdues depuis.
10.
Destruction du temple : « Pendant trente ans ou
davantage après la mort du Christ, les Juifs continuèrent
d'aménager et d'embellir les bâtiments du temple. Le
plan complexe conçu et projeté par Hérode avait
été pratiquement mené à bien ; le
temple était pour ainsi dire achevé et, comme il
apparut bientôt, il était prêt pour la
destruction. Son destin avait été nettement prédit
par le Sauveur lui-même. Commentant une remarque d'un des
disciples concernant les grandes pierres et les bâtiments
splendides de la colline du temple, Jésus avait dit :
« Vois-tu ces grandes constructions ? Il ne restera
pas pierre sur pierre qui ne soit renversée » (Mc
13:1, 2, voir aussi Mt 24:1, 2, Lc 21:5, 6). Cette amère
prédiction fut bientôt littéralement accomplie.
Dans le grand conflit qui les opposa aux légions romaines sous
Titus, beaucoup de Juifs avaient cherché un refuge dans les
cours du temple, apparemment dans l'espoir que le Seigneur mènerait
à nouveau la lutte pour son peuple et lui donnerait la
victoire. Mais la présence protectrice de Jéhovah s'en
était éloignée depuis longtemps, et Israël
fut abandonné en proie à ses ennemis. Quoique Titus eût
voulu épargner le temple, ses légionnaires, ivres de
carnage, déclenchèrent l'incendie, et tout ce qui
pouvait brûler fut brûlé. Le massacre des Juifs
fut épouvantable ; des milliers d'hommes, de femmes et
d'enfants furent égorgés sans merci à
l'intérieur des murs, et les cours du temple furent
littéralement inondées de sang humain. Cet événement
se passa en 70 ap. J.-C. et, selon Josèphe, le même mois
et le même jour du mois où le jadis glorieux temple de
Salomon était devenu la proie des flammes allumées par
le roi de Babylone (Josèphe, Guerres des Juifs, VI, 4:5, 8. On
trouvera dans l'ensemble des chapitres 4 et 5 le récit
détaillé et imagé de la destruction du temple).
Le chandelier d'or et la table des pains de proposition qui faisaient
partie du mobilier du temple furent enlevés du saint et
rapportés à Rome par Titus en guise de trophées
de guerre ; on peut les voir représentés sur l'arc
de triomphe élevé au nom de ce général
victorieux. Depuis la destruction du splendide temple d'Hérode,
aucune construction de cette espèce, aucun temple, aucune
maison du Seigneur - puisque ces termes ont un sens distinct - n'a
plus été consacré dans l'hémisphère [oriental] »
- La Maison du Seigneur, p. 49-50.
Josèphe
attribue la destruction du temple d'Hérode à la colère
de Dieu et déclare que les flammes dévorantes « prirent
naissance chez les Juifs eux-mêmes et furent occasionnées
par eux ». Le soldat qui appliqua la torche à la
sainte maison, qui était restée intacte tandis que le
feu faisait rage dans les cours, l'historien le considère
comme l'instrument de la vengeance divine. Nous lisons (Guerres VI,
4, 5) : « Un des soldats, sans attendre d'ordre et
sans se soucier ou craindre pareille entreprise, et poussé par
une fureur divine, arracha un morceau des matériaux qui
étaient en feu, et soulevé par un autre soldat, mit le
feu à une fenêtre dorée donnant sur les salles
qui se trouvaient autour de la sainte maison, du côté
nord. Lorsque les flammes s'élevèrent, les juifs
poussèrent une grande clameur, comme le réclamait une
affliction aussi grande. »
CHAPITRE
32 : AUTRES ENSEIGNEMENTS AUX APÔTRES
PROPHÉTIES
RELATIVES À LA DESTRUCTION DE JÉRUSALEM ET À
L'AVÈNEMENT FUTUR DU SEIGNEUR [1]
Au
cours de son dernier voyage de retour de Jérusalem à la
maison bien-aimée de Béthanie, Jésus se reposa
en un endroit favorable du mont des Oliviers d'où l'on pouvait
voir la grande ville et le temple magnifique dans le maximum de leur
splendeur, illuminés par le soleil déclinant vers la
fin de l'après-midi de ce jour mouvementé d'avril.
Tandis qu'il était assis, perdu dans sa rêverie, Pierre
et Jacques, Jean et André, des Douze, s'approchèrent de
lui, et il donna, certainement à eux bien que probablement
aussi à tous les apôtres, des enseignements contenant
d'autres prophéties relatives à l'avenir de Jérusalem,
d'Israël et du monde entier. Sa prédiction prophétique
- que des bâtiments du temple il ne resterait pas pierre sur
pierre - avait étonné et effrayé les apôtres ;
ils vinrent donc en privé lui demander des explications.
« Dis-nous, dirent-ils, quand cela arrivera et quel sera
le signe de ton avènement et de la fin du monde ? »
Le caractère complexe de la question montre que les apôtres
se rendaient compte que la destruction dont le Seigneur avait parlé
devait précéder les signes qui devaient annoncer
immédiatement son avènement en gloire et l'inauguration
encore ultérieure de l'événement final que l'on
appelait communément alors comme maintenant « la
fin du monde ». D'après la manière dont ils
formulèrent leur question, les apôtres devaient penser
que les événements se suivraient de près.
Leur
question portait sur le temps : Quand ces choses se
produiraient-elles ? La réponse ne parlait pas de dates
mais d'événements ; et l'esprit du discours qui
suivit fut un avertissement contre les malentendus et une exhortation
à veiller sans cesse. « Prenez garde que personne
ne vous séduise », tel fut le premier avertissement
capital ; en effet dans la vie de la plupart des apôtres,
beaucoup d'imposteurs se lèveraient et blasphémeraient,
chacun prétendant être le Messie. Le retour du Christ
sur la terre comme Seigneur et Juge était plus éloigné
qu'aucun des Douze ne le pensait. Avant cet événement
extraordinaire, on assisterait à un grand nombre de
circonstances étonnantes et effrayantes, les premières
d'entre elles devant être des guerres et des bruits de guerre,
causés par le fait qu'une nation se dresserait contre l'autre
et un royaume contre l'autre, accompagnés en de nombreux
endroits de famine, de peste et de tremblements de terre terribles ;
et cependant tout cela ne serait que le commencement des douleurs qui
s'ensuivraient.
Il
leur fut dit à eux, les apôtres, de s'attendre à
être persécutés, non seulement de la part de gens
irréfléchis, mais à l'instigation de dirigeants
tels que ceux qui s'efforçaient à ce moment-là
d'ôter la vie au Seigneur lui-même et qui les
flagelleraient dans les synagogues, les livreraient à des
tribunaux hostiles, les feraient comparaître devant les
gouverneurs et les rois et mettraient même certains d'entre eux
à mort : tout cela à cause de leur témoignage
du Christ. Comme cela leur avait déjà été
promis, ils reçurent de nouveau l'assurance que lorsqu'ils se
tiendraient devant les tribunaux, les magistrats ou les rois, les
paroles qu'ils prononceraient leur seraient données à
l'heure de leur épreuve, et il leur fut dit par conséquent
de ne pas réfléchir d'avance à ce qu'ils
diraient ni à la manière dont ils répondraient
aux problèmes qui se poseraient à eux. « Car,
dit le Maître, ce n'est pas vous qui parlerez, mais l'Esprit
Saint » [2]. Même s'ils se voyaient
méprisés et haïs des hommes, et même s'ils
devaient subir l'ignominie, la torture et la mort, cependant il leur
fut promis tant de sécurité quant à leur
bien-être éternel qu'en comparaison ils ne perdraient
pas même un cheveu de leur tête. Les consolant et les
encourageant, le Seigneur leur ordonna de sauver leur âme par
la persévérance [3]. Devant toutes les épreuves
et même dans les persécutions les plus cruelles, il leur
incombait de persévérer dans leur ministère, car
le plan divin prévoyait et exigeait que l'Évangile du
royaume fût prêché dans toutes les nations. Leur
tâche serait compliquée et concurrencée par la
propagande révolutionnaire de beaucoup de faux prophètes,
et des différences de croyances diviseraient les familles et
engendreraient de telles violences que les frères se
trahiraient mutuellement et que des enfants se dresseraient contre
leurs parents, les accusant d'hérésie et les livrant à
la mort. Même parmi ceux qui avaient professé être
disciples du Christ, beaucoup s'offenseraient et la haine
abonderait ; l'amour de l'Évangile se refroidirait et
l'iniquité régnerait parmi les hommes, et seuls ceux
qui endureraient jusqu'à la fin pourraient être sauvés.
De
cette prévision détaillée des conditions qui
étaient alors imminentes, le Seigneur passa à d'autres
événements qui précéderaient
immédiatement la destruction de Jérusalem et le
démembrement total de la nation juive. « C'est
pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation
dont a parlé le prophète Daniel, établie dans le
lieu saint », dit-il, selon le récit de Matthieu,
et virtuellement comme le dit Marc, ou « Iorsque vous
verrez Jérusalem investie par des armées »,
comme l'écrit Luc, « sachez alors que sa désolation
est proche. » C'était un signe bien clair sur
lequel personne ne pouvait se tromper. Daniel le prophète en
avait prévu la désolation et l'abomination, parmi
lesquelles la cessation forcée des rites du temple et la
profanation du sanctuaire d'Israël par des conquérants
païens [4].
Des
armées encercleraient Jérusalem, et cela annoncerait
l'accomplissement de la vision prophétique de Daniel. Alors
tous ceux qui voudraient s'enfuir devraient se hâter : de
Judée ils s'enfuiraient dans les montagnes ; celui qui se
trouverait sur le toit de sa maison n'aurait pas le temps de prendre
ses biens mais devrait descendre rapidement par l'escalier extérieur
et fuir ; celui qui se trouverait dans les champs ferait mieux
de s'en aller sans retourner d'abord chez lui, ne serait-ce que pour
aller chercher ses vêtements. Oui, terrible serait ce jour pour
les femmes handicapées par l'état qui accompagne une
maternité proche ou par la responsabilité de soigner
leur nourrisson. Tous feraient bien de prier pour que leur fuite ne
leur fût pas imposée en hiver, ni le jour du sabbat, de
peur que le respect des restrictions sur les voyages le jour du
sabbat ou la fermeture habituelle des portes de la ville ce jour-là
ne diminuent les chances de fuite. Les tribulations prédites
de ce moment-là se révéleraient être d'une
horreur sans précédent, et leurs détails
terribles n'auraient aucun parallèle dans l'histoire
d'Israël ; mais, dans sa miséricorde, Dieu avait
décrété que cette terrible période serait
écourtée pour l'amour des croyants élus, sinon
nulle chair d'Israël ne resterait en vie. Des multitudes
tomberaient par l'épée, d'autres foules seraient
emmenées captives et seraient ainsi dispersées parmi
toutes les nations, et Jérusalem, orgueil de l'Israël
dégénéré, serait « foulée
aux pieds par les nations, jusqu'à ce que les temps des
nations soient accomplis ». Comme l'histoire l'a démontré,
la prédiction du Seigneur se réalisa dans le moindre de
ses terribles détails.
Lorsque
ces temps terribles seraient passés, et à partir de là
pendant une période dont la durée ne fut pas précisée,
Satan tromperait le monde par ses fausses doctrines, répandues
par des hommes pervers se travestissant en ministres de Dieu, qui
continueraient à crier « le Christ est ici, ou :
Il est là » ; mais les Douze furent mis en
garde contre tous ceux-là, et c'est par eux et par d'autres
instructeurs, qu'ils appelleraient et qu'ils ordonneraient, que le
monde serait averti. Les prophètes trompeurs, émissaires
du diable, seraient actifs, certains attirant les gens dans le désert
et les poussant à des vies d'ermites d'un ascétisme
pernicieux, d'autres affirmeraient avec insistance qu'on pourrait
trouver le Christ dans les chambres secrètes de la réclusion
monastique, et certains d'entre eux montreraient, par le pouvoir de
Satan, des signes et des prodiges de nature à « séduire
si possible même les élus », mais le Seigneur
avertit les siens contre tous ces plans du prince du mal : « Ne
le croyez pas », et ajouta : « Je vous ai
tout prédit » [5].
Lorsque
viendra le jour de gloire et de vengeance où le Seigneur
reviendra, nul ne pourra en douter ; les Églises en
conflit n'auront aucune possibilité d'élever des
prétentions diverses. « En effet, comme l'éclair
part de l'orient et brille jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement
du Fils de l'homme » [6]. Le rassemblement
d'Israël dans les derniers jours fut décrit comme
l'attroupement des aigles à l'endroit où le corps de
l'Église serait établi [7].
L'ordre
chronologique des événements prédits que nous
avons examinés jusqu'à maintenant dans ce discours
merveilleux sur les choses à venir est clair ; tout
d'abord il devait y avoir une période de persécutions
violentes contre les apôtres de l'Église dont ils
auraient la charge ; puis la destruction de Jérusalem,
avec toutes les horreurs d'une guerre impitoyable, suivrait ; à
cela succéderait une longue période d'intrigues de
prêtres et d'apostasie avec de violentes dissensions
confessionnelles et de cruelles persécutions des justes. La
brève allusion aux phénomènes non localisés
et universels qui signaleront son avènement constitue une
dénonciation, donnée entre parenthèses, des
fausses prétentions quant au lieu où l'on pourrait
trouver le Christ. Ensuite le Seigneur passa à une allusion
claire et indubitable aux circonstances de son avènement qui
était alors et est maintenant encore à venir. Après
l'époque des religions d'hommes et du ministère non
autorisé caractéristique de la grande apostasie, des
événements merveilleux se produiront par
l'intermédiaire des forces de la nature, et le signe du Fils
de l'homme apparaîtra finalement, l'un des traits qui doivent
l'accompagner étant l'achèvement du rassemblement des
élus de toutes les parties de la terre dans les endroits
désignés.
Le
devoir que Jésus avait imposé aux apôtres comme
étant de première importance pendant toutes les scènes
de douleur, de souffrances et de tourments à venir, fut celui
de la vigilance. Ils devaient prier, veiller et travailler
diligemment et avec une foi inébranlable. La leçon fut
illustrée par une analogie magistrale qui, dans la
classification la plus large, peut être appelée
parabole. Attirant leur attention sur le figuier et les autres arbres
qui poussaient sur les pentes ensoleillées du mont des
Oliviers, le Maître dit : « Voyez le figuier et
tous les arbres. Dès qu'ils bourgeonnent, vous savez de
vous-mêmes, en regardant, que déjà l'été
est proche. De même vous aussi, quand vous verrez ces choses
arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche. » En ce
qui concerne particulièrement le figuier, le Seigneur
remarqua : « Dès que ses branches deviennent
tendres et que les feuilles poussent, vous savez que l'été
est proche. » Ce signe d'événements proches
s'appliquait aussi bien aux conditions préalables qui devaient
annoncer la chute de Jérusalem et la fin de l'autonomie juive
qu'aux événements qui précéderont
immédiatement le second avènement du Seigneur.
La
déclaration suivante, dans l'ordre où la présente
le texte évangélique, dit : « En
vérité, je vous le dis, cette génération
ne passera point que tout cela n'arrive. » On peut penser
que cela s'appliquerait à la génération dans
laquelle les événements terribles déjà
décrits se produiraient. Pour ce qui est des prédictions
relatives à la destruction de Jérusalem, elles
s'accomplirent littéralement du vivant même de plusieurs
des apôtres et d'une foule de leurs contemporains ; celles
des prophéties du Seigneur qui ont trait à l'annonce de
sa seconde venue doivent se réaliser au cours de la génération
de certains de ceux qui sont témoins du début de leur
accomplissement. Soulignant que tout cela se produirait assurément,
le Seigneur fit une profonde affirmation : « Le ciel
et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » [8].
Le
Seigneur prévint toute conjecture concernant l'époque
de son apparition, que ce fût sur la base de théories,
de déductions ou de calculs de dates, en disant : « Pour
ce qui est du jour ou de l'heure, personne ne les connaît, pas
même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais le
Père (seul) » [9].
Il
montra que son avènement en puissance et en gloire devait être
soudain et inattendu pour le monde inattentif et pécheur mais
suivrait immédiatement les signes que ceux qui sont vigilants
et pieux peuvent lire et comprendre, en faisant la comparaison avec
la situation sociale qui régnait à l'époque de
Noé, lorsque, en dépit des prophéties et des
avertissements, le peuple avait continué à festoyer et
à se réjouir, à se marier et à donner en
mariage, jusqu'au jour même où Noé entra dans
l'arche, « et ils ne se doutèrent de rien, jusqu'à
ce que le déluge vienne et les emporte tous ; il en sera
de même à l'avènement du Fils de l'homme ».
Dans
les derniers stades du rassemblement des élus, les liens de
camaraderie seront rapidement rompus ; de deux hommes
travaillant dans le champ, ou de deux femmes occupées côte
à côte aux devoirs ménagers, celui qui est fidèle
sera pris et le pécheur sera laissé. « Veillez
donc », fut le commandement solennel, « puisque
vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra. »
Expliquant cette exhortation, le Seigneur condescendit à
comparer la soudaineté et le caractère secret de sa
venue aux mouvements d'un voleur au cours de ses exploits nocturnes
et fit remarquer que si le maître de maison savait avec
certitude quand un cambrioleur avait décidé de lui
rendre visite, il veillerait avec vigilance ; mais à
cause de son incertitude, il peut être surpris au moment où
il ne se méfie pas, et le voleur peut entrer et piller la
maison.
Comparant
de nouveau les apôtres à des intendants dûment
nommés dans une grande maison [10], le Seigneur parla de
lui-même comme s'il était le maître de la maison,
disant : « Il en sera comme d'un homme qui part en
voyage, laisse sa maison, donne pouvoir à ses serviteurs, à
chacun sa tâche, et commande au portier de veiller. Veillez
donc, car vous ne savez quand viendra le maître de la maison,
le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin ;
craignez qu'il n'arrive à l'improviste et ne vous trouve
endormis. Ce que je vous dis, je le dis à tous :
Veillez. » Mais si l'intendant devient négligent à
cause de l'absence prolongée de son maître, s'il
s'adonne aux fêtes et aux plaisirs débridés ou
devient autocrate et injuste vis-à-vis des autres serviteurs,
son Seigneur viendra à l'heure où il s'y attend le
moins et condamnera ce méchant serviteur à aller dans
un lieu où il se trouvera parmi les hypocrites, où il
versera des larmes amères de remords et grincera des dents en
un désespoir impuissant [11].
ILLUSTRATION
PAR PARABOLES DE LA NÉCESSITÉ DE LA VIGILANCE ET DE LA
DILIGENCE
Pour
frapper d'une manière plus indélébile les
apôtres et, par l'intermédiaire de leur ministère
ultérieur, le monde, de la nécessité absolue de
veiller sans cesse et de faire preuve d'une diligence inébranlable
à se préparer au jour où le Seigneur viendra
pour juger, Jésus décrivit en paraboles l'état
futur de l'humanité dans les derniers temps. La première
de ces descriptions est la parabole des dix vierges. Le seul rapport
que nous ayons est celui qui est donné par Matthieu [12]
comme suit :
« Alors
le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui prirent
leur lampe pour aller à la rencontre de l'époux. Cinq
d'entre elles étaient folles, et cinq sages. Les folles en
prenant leurs lampes, ne prirent pas d'huile avec elles ; mais
les sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases.
Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri : Voici l'époux,
sortez à sa rencontre ! Alors toutes ces vierges se
levèrent et préparèrent leurs lampes. Les folles
dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes
s'éteignent. Les sages répondirent : Non, il n'y
en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt
chez ceux qui en vendent et achetez-en pour vous. Pendant qu'elles
allaient en acheter, l'époux arriva ; celles qui étaient
prêtes entrèrent avec lui au (festin) de noces, et la
porte fut fermée. Plus tard, les autres vierges arrivèrent
aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il
répondit : En vérité, je vous le dis, je ne
vous connais pas. Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni
l'heure. »
L'histoire
elle-même est basée sur les coutumes orientales du
mariage que les auditeurs attentifs du Seigneur connaissaient bien.
Il était et il est encore commun dans ces pays, en particulier
lors des festins de noces dans les classes riches, que l'époux
se rendit chez l'épouse, accompagné en procession par
ses amis, et conduisît plus tard l'épouse à sa
nouvelle demeure, suivi d'un groupe plus grand, composé de
garçons d'honneur, de dames d'honneur, de parents et d'amis. À
mesure que les personnes qui faisaient partie de la fête
avançaient, accompagnées d'une musique joyeuse, le
cortège s'augmentait de petits groupes qui s'étaient
rassemblés pour attendre à des endroits propices le
long de la route, et en particulier vers le bout du chemin où
des compagnies organisées avançaient à la
rencontre de la procession. Les cérémonies de mariage
étaient fixées pour la soirée et la nuit, et
l'usage nécessaire des torches et des lampes donnait de
l'éclat et une beauté supplémentaire à la
scène.
Dans
la parabole, dix vierges attendaient pour accueillir et s'unir aux
gens de la noce dont l'heure d'arrivée était
incertaine. Chacune avait sa lampe attachée au bout d'un bâton
de manière qu'on pût la tenir en l'air lors de la
procession, mais des dix vierges cinq avaient sagement emmené
une quantité supplémentaire d'huile, tandis que les
cinq autres, se disant probablement que le délai ne serait pas
grand, ou pensant qu'elles pourraient emprunter aux autres, ou
n'ayant peut-être pas réfléchi du tout à
la question par négligence, n'avaient d'autre huile que celle
dont elles avaient rempli leur lampe au départ. L’époux
tarda, et les vierges qui attendaient s'assoupirent et tombèrent
endormies. À minuit, l'avant-garde de la procession des noces
annonça à grands cris l'approche de l'époux, et
s'écria en hâte : « Sortez à sa
rencontre ! » Les dix vierges, qui ne dormaient plus
mais s'empressaient, se mirent au travail pour activer leur lampe ;
c'est alors que les vierges sages eurent l'occasion d'utiliser
l'huile qu'elles avaient dans leurs bouteilles, tandis que les cinq
vierges irréfléchies se lamentaient de leur manque
d'huile, car leurs lampes étaient vides, et elles n'avaient
pas d'huile pour les remplir. Elles firent appel à leurs sœurs
plus sages, demandant à partager l'huile ; mais celles-ci
refusèrent, car donner de leurs réserves à un
moment aussi important, ç'aurait été se
disqualifier, étant donné qu'il n'y avait assez d'huile
que pour leurs propres lampes. Au lieu d'huile, elles ne pouvaient
donner que des conseils à leurs malheureuses sœurs, à
qui elles recommandèrent d'aller au magasin le plus proche en
acheter. Tandis que les vierges folles étaient parties à
la recherche d'huile, la noce entra dans la maison où le
festin était donné, et on ferma la porte aux
retardataires. Plus tard, les vierges folles, arrivant trop tard pour
prendre part à l'entrée de la procession, crièrent
à l'extérieur, demandant à être reçues ;
mais l'époux refusa de leur accorder leur demande et nia
absolument les connaître, puisqu'elles ne se trouvaient pas
parmi sa suite ni celle de l'épouse.
L'époux
est le Seigneur Jésus ; le festin de noces symbolise sa
venue en pleine gloire pour recevoir l'Église terrestre pour
épouse [13]. Les vierges représentent ceux qui
professent croire au Christ, et par conséquent, s'attendent
avec confiance à être comptés parmi les
bienheureux qui participeront au festin. La lampe allumée, que
chacune des vierges portait, est la profession extérieure de
croyance et de pratique chrétiennes ; dans les réserves
d'huile des vierges sages, nous pouvons voir la force et l'abondance
spirituelles que seules la diligence et la dévotion au service
de Dieu peuvent assurer. Le manque d'huile chez les vierges folles
est analogue au manque de terre dans le champ pierreux, dans lequel
la semence a germé rapidement mais s'est bientôt
desséchée [14]. La venue de l'époux fut
soudaine ; cependant les vierges qui attendaient ne furent pas
considérées comme blâmables parce qu'elles
avaient été surprises de cette brusque nouvelle, mais
les cinq vierges folles subirent les résultats naturels de
leur manque de préparation. Il ne faut pas considérer
comme un manque de charité le fait que les vierges sages
refusèrent de donner de leur huile à un moment aussi
critique ; cet événement symbolise le fait que le
jour du jugement chaque âme devra répondre d'elle-même ;
il n'est aucun moyen par lequel la justice de l'un puisse être
mise au crédit d'un autre ; la doctrine de la
surérogation est entièrement fausse [15]. Le
reniement condamnateur de l'Époux : « Je ne
vous connais pas », équivalait à une
déclaration que les vierges implorantes mais négligentes,
qui n'étaient pas prêtes, ne le connaissaient pas [16].
Le
Seigneur résuma d'une manière magistrale l'explication
de la parabole et sa richesse de suggestions splendides par cette
exhortation impressionnante : « Veillez donc, puisque
vous ne savez ni le jour, ni l'heure. » L'accomplissement
des prédictions contenues dans cette précieuse parabole
est encore futur, mais proche. En 1831, le Seigneur Jésus-Christ
révéla de nouveau les signes par lesquels on pourrait
reconnaître l'imminence de son avènement glorieux. Par
la bouche de son prophète Joseph Smith, il dit : « Ce
jour-là, lorsque je viendrai dans ma gloire, la parabole que
j'ai racontée au sujet des dix vierges sera accomplie. Car
ceux qui sont sages, ont accepté la vérité, ont
pris le Saint-Esprit pour guide et n'ont pas été
séduits - en vérité, je vous le dis, ils ne
seront pas abattus et jetés au feu, mais supporteront le jour.
Et la terre leur sera donnée en héritage ; ils
multiplieront et se fortifieront, et leurs enfants grandiront sans
péché au salut. Car le Seigneur sera au milieu d'eux,
sa gloire sera sur eux et il sera leur roi et leur
législateur » [17].
S'adressant
toujours avec une ferveur solennelle aux apôtres, tandis que
les ombres du soir s'intensifiaient autour du mont des Oliviers, le
Seigneur donna la dernière des paraboles qui nous soient
rapportées. Nous l'appellerons la parabole des talents [18].
« Il
en sera comme d'un homme qui en partant pour un voyage appela ses
serviteurs, et leur confia ses biens. Il donna cinq talents à
l'un, deux à l'autre, et un au troisième, à
chacun selon sa capacité et il partit en voyage. Aussitôt
celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit
valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu
les deux talents en gagna deux autres. Celui qui n'en avait reçu
qu'un alla faire un trou dans la terre et cacha l'argent de son
maître. Longtemps après, le maître de ces
serviteurs revint et leur fit rendre compte. Celui qui avait reçu
les cinq talents s'approcha en apportant cinq autres talents et dit :
Seigneur, tu m'avais confié cinq talents ; voici cinq
autres que j'ai gagnés. Son maître lui dit : Bien,
bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle
en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup ; entre
dans la joie de ton maître. Celui qui avait reçu les
deux talents s'approcha aussi et dit : Seigneur, tu m'avais
confié deux talents, en voici deux autres que j'ai gagnés.
Son maître lui dit : Bien, bon et fidèle serviteur,
tu as été fidèle en peu de choses, je
t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton
maître. Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approcha
ensuite et dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui
moissonnes où tu n'as pas semé, et qui récoltes
où tu n'as pas répandu ; j'ai eu peur, et je suis
allé cacher ton talent dans la terre ; voici :
prends ce qui est à toi. Son maître lui répondit :
Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne où
je n'ai pas semé, et que je récolte où je n'ai
pas répandu ; il te fallait donc placer mon argent chez
les banquiers, et à mon retour, j'aurais retiré ce qui
est à moi avec un intérêt. Otez-lui donc le
talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car on
donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à
celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a. Et le
serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du
dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
Certaines
des ressemblances entre cette parabole et celle des mines [19]
apparaîtront dès la première lecture ; mais
en comparant et en étudiant on découvre des différences
importantes. La première parabole fut prononcée devant
une multitude mêlée au cours du dernier voyage que notre
Seigneur fit de Jéricho à Jérusalem ; la
dernière fut donnée en privé à ses
disciples les plus intimes dans les dernières heures du
dernier jour de sa prédication publique. Les deux paraboles
doivent être étudiées ensemble. Dans l'histoire
des mines, un capital égal est donné à chacun
des serviteurs, et les capacités diverses des hommes
d'utiliser et d'appliquer, avec des résultats proportionnés
sous forme de récompense ou de châtiment, y sont
démontrées ; dans celle des talents, les
serviteurs reçoivent des quantités différentes,
« à chacun selon sa capacité » ;
et une diligence égale, quoique se soldant dans un cas par un
grand bénéfice et dans l'autre par une augmentation
réduite mais proportionnée, est récompensée
d'une manière égale. Dans les deux paraboles, ce sont
l'infidélité et la négligence qui sont
condamnées et punies.
Dans
la parabole que nous examinons maintenant, nous voyons le maître
remettre sa richesse entre les mains de ses serviteurs, littéralement
ses esclaves ; ils lui appartenaient aussi bien que les biens
qui leur étaient confiés. Ces serviteurs n'avaient
aucun droit de possession réelle, aucun titre à être
en permanence possesseurs du trésor confié à
leurs soins ; tout ce qu'ils avaient, le temps et l'occasion
d'utiliser leurs talents et eux-mêmes, appartenait à
leur Seigneur.
Nous
ne pouvons manquer de voir, dès les premiers incidents de
l'histoire, que le maître des serviteurs était le
Seigneur Jésus ; les serviteurs étaient par
conséquent les disciples et plus particulièrement les
apôtres qui, bien qu'ils eussent une autorité égale
par ordination dans la sainte prêtrise, comme l'illustre tout
particulièrement la parabole précédente des
mines, étaient de capacités diverses, de personnalités
différentes et inégaux en général en
nature et dans les accomplissements qu'ils seraient appelés à
utiliser pendant tout leur ministère. Le Seigneur était
sur le point de partir ; il ne reviendrait que « longtemps
après » ; l'importance de ce dernier détail
est la même que celle que nous trouvons dans la parabole des
dix vierges lorsqu'il y est déclaré que l'époux
tardait.
Au
moment des comptes, les serviteurs qui avaient bien agi, celui avec
ses cinq talents, l'autre avec ses deux, firent joyeusement rapport,
conscients qu'ils étaient de s'être au moins efforcés
de faire de leur mieux. Le serviteur infidèle proféra
une excuse grognonne en guise de préambule à son
rapport, dans laquelle il accusait le maître d'injustice. Les
serviteurs honnêtes, diligents et fidèles voyaient et
respectaient dans leur Seigneur la perfection des qualités
qu'ils possédaient dans une certaine mesure ; le serf
paresseux et inutile, affligé d'une vue déformée,
professait voir chez le maître ses propres et vils défauts.
Dans ce détail, comme dans les autres traits relatifs aux
actes et aux tendances humaines, cette histoire est psychologiquement
vraie ; étrangement, les hommes ont tendance à
penser que les attributs de Dieu sont, à un degré
accru, les traits dominants de leur propre nature.
Le
serviteur qui avait reçu cinq talents et celui qui n'en avait
reçu que deux furent félicités de la même
manière, et, pour autant que nous sachions, furent récompensés
de la même manière. Les talents qui avaient été
confiés à chacun d'eux étaient le don de son
Seigneur, qui savait bien si ce serviteur était capable d'en
exploiter au mieux un, deux ou cinq. Que personne n'en tire la
conclusion que les bonnes œuvres d'une envergure relativement
réduite sont moins nécessaires ou acceptables que les
services analogues d'une envergure plus grande. Maint homme qui a
bien réussi dans les affaires avec un petit capital aurait
échoué s'il avait dû administrer de vastes
sommes ; il en va de même dans les accomplissements
spirituels : « Il y a diversité de dons, mais
le même Esprit » [20]. On attendait de plus
grands bénéfices de la part de l'homme doté de
nombreux talents ; il n'était requis que relativement peu
de l'homme qui n'avait qu'un seul talent, et cependant il échoua
dans le peu qu'on lui demandait [21]. Il aurait au moins pu
remettre l'argent à la banque, qui l'aurait maintenu en
circulation au profit de la communauté et aurait gagné
entre-temps des intérêts. De même, dans
l'application spirituelle, un homme qui possède un don tel que
le talent musical, l'éloquence, l'adresse manuelle ou quelque
chose de semblable doit utiliser ce don au maximum, afin que lui et
les autres puissent en profiter ; mais s'il est trop négligent
pour exercer ses capacités dans une activité
indépendante, il peut aider les autres à faire un
effort profitable, au moins en les encourageant.
Qui
peut douter, dans l'esprit de l'enseignement du Seigneur, que si
l'homme avait pu faire rapport qu'il avait doublé son unique
talent, il aurait été aussi cordialement félicité
et aussi richement récompensé que ses deux collègues
mieux doués et plus fidèles ? Il est à
remarquer que le Seigneur ne daigne pas réfuter l'accusation
d'injustice que le serviteur infidèle porte contre lui ;
l'esprit de la réponse était le même que celui
qui s'exprima dans la parabole antérieure : « Je
te jugerai sur tes paroles, mauvais serviteur » [22]. L'homme
indigne cherchait à s'excuser en employant le subterfuge
méprisable mais malheureusement trop commun de rejeter
présomptueusement la culpabilité sur un autre et, dans
ce cas, cet autre était son Seigneur. Les talents ne sont pas
donnés pour être ensevelis, puis pour être
déterrés et rendus sans avoir été
exploités, exhalant l'odeur de terre et ternis par la rouille
de l'inutilité. Le talent non employé fut à
juste titre enlevé à l'homme qui l'avait considéré
comme de si peu de valeur et fut donné à quelqu'un qui,
quoique possédant beaucoup, utiliserait le don supplémentaire
à son profit pour l'amélioration de ses semblables et
pour la gloire de son Seigneur.
LE
JUGEMENT INÉVITABLE [23]
Le
Seigneur avait prononcé sa dernière parabole. En termes
simples quoique empreints de la beauté propre aux excellentes
comparaisons, il pénétra les disciples qui l'écoutaient
de la certitude du jugement qui s'abattra sur le monde le jour de son
apparition. Alors le blé sera séparé de
l'ivraie [24], et les brebis seront séparées des
boucs. « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa
gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur son trône
de gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il
séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare
les brebis d'avec les boucs, et il mettra les brebis à sa
droite, et les boucs à sa gauche. » Ceux qui se
trouvent à sa droite, le roi les félicitera et les
bénira, leur accordant une belle récompense pour leurs
bonnes œuvres, manifestées chez les affamés
qu'ils ont nourris, les assoiffés à qui ils ont donné
à boire, les étrangers qu'ils ont logés, les
gens nus qu'ils ont vêtus, les malades qu'ils ont soignés,
les prisonniers qu'ils ont visités et encouragés, tous
actes de miséricorde qu'il a portés à leur
crédit, disant qu'ils les ont faits à leur Seigneur en
personne. La multitude bénie, comblée par les bienfaits
du roi, dont elle se considère indigne, niera les mérites
qui lui sont attribués. « Et le roi leur répondra :
En vérité, je vous le dis, dans la mesure où
vous avez fait cela à l'un de ces plus petits de mes frères,
c'est à moi que vous l'avez fait. »
À
ceux qui se trouvent à gauche et attendent, le roi rappellera
leurs divers manquements, disant qu'ils ne lui ont donné ni
nourriture, ni boisson, ni abri, ni vêtement alors qu'il en
avait besoin ; qu'ils ne l'ont pas non plus visité bien
qu'il fût malade, et qu'ils n'ont pas répondu à
ses besoins tandis qu'il se trouvait en prison. Dans leur angoisse
désespérée, ceux-ci demanderont quand et où
ils ont eu pareilles occasions de le réconforter, et il
répondra : « En vérité, je vous
le dis, dans la mesure où vous n'avez pas fait cela à
l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas
fait. » Les justes seront accueillis par : « Venez,
vous qui êtes bénis de mon Père » ;
les méchants entendront la sentence terrible :
« Retirez-vous de moi, maudits. » La vie
éternelle est la récompense inestimable ; le
châtiment éternel, la condamnation insondable [25].
En
considérant comme un seul discours les deux paraboles et
l'enseignement qui les suivit immédiatement, nous y trouvons
une unité de sujet et une profondeur d'analyse qui donnent à
l'ensemble une beauté et une valeur dépassant la somme
des qualités que révèlent les diverses parties.
L'histoire des vierges symbolise l'attente vigilante dans la cause du
Seigneur et les dangers du manque de préparation ; les
traits dominants de l'histoire des talents sont la diligence dans le
travail et les résultats calamiteux de la paresse. Ces deux
aspects du service ont une importance réciproque et
complémentaire ; il est aussi nécessaire à
certains moments d'attendre qu'à d'autres de travailler. Le
retard de l'époux et l'absence du maître parti « pour
un voyage » montrent clairement qu'une longue période
s'écoulera entre le départ du Seigneur et son retour en
gloire. Le résumé sublime de ce discours sans pareil
est l'absolue certitude que le Christ viendra juger la terre,
jugement par lequel chaque âme recevra selon ses mérites.
AUTRE
PRÉDICTION PRÉCISE DE LA MORT DU SEIGNEUR
Après
avoir instruit les apôtres à l'endroit où ils se
reposaient au mont des Oliviers et probablement pendant la suite du
trajet vers Béthanie ce soir-là, Jésus rappela
aux Douze le sort terrible qui l'attendait et précisa l'époque
où il serait trahi et la manière dont il mourrait.
« Vous savez », dit-il, « que la
Pâque a lieu dans deux jours, et que le fils de l'homme sera
livré pour être crucifié » [26].
[1]
Mt 24:3-51, Mc 13:3-37, Lc 21:5-36, cf. PGP, Joseph Smith 1.
[2]
Mc 13:11 ; cf. Mt 10:19, 20, Lc 12:11, 12, 21:14, 15.
[3]
Lc 21:19 ; cf. D&A 101:38.
[4]
Dn 9:27.
[5]
Note 1, fin du chapitre. Note 2, fin du chapitre.
[6]
Mt 24:27 ; cf. Lc 17:22-24.
[7]
On trouvera une application de l'image des aigles se rassemblant
autour d'un cadavre au rassemblement d'Israël dispersé,
dans PGP, Joseph Smith, Mt 27, où nous lisons : « De
la même façon, mes élus seront rassemblés
des quatre coins de la terre. » Chez les spécialistes
de la Bible, l'interprétation favorite du passage « Où
que soit le cadavre là s'assembleront les aigles »,
c'est que le Christ comparait à des aigles (édition
révisée anglaise « vautours »)
les anges qui viendront avec lui passer jugement sur l'humanité,
et à un cadavre, la corruption du péché. Voir Mt
24:28 ; cf. Lc 17:37.
[8]
Mt 24:35 ; cf. 5:18, Mc 13:31, Le 21:33 ; cf. 16:17 ;
voir aussi Hé 1:10, 11, 2 P 3:7-10, Ap 21:1. Note 5, fin du
chapitre.
[9]
Voir note 3, fin du chapitre.
[10]
Chap. 26.
[11]
Mt 24:45-51, Mc 13:34-37, Lc 21:34-36 ; cf. 12:35-48.
[12]
Mt 25:1-13.
[13]
Cf. Ap 21:2, 9, 22:17 ; voir aussi Mt 9:15, Jn 3:29.
[14]
Voir parabole du semeur, Mt 13:5, 6, 20, 21 ; chap. 19 du
présent ouvrage.
[15]
Note 4, fin du chapitre.
[16]
Cf. Jn 10:14.
[17]
D&A 45:56-59 ; voir aussi 63:53, 54.
[18]
Mt 25:14-30.
[19]
Lc 19:12-27 ; voir aussi chap. 29 du présent ouvrage.
[20]
1 Co 12:4 ; étudier tout le chapitre.
[21]
Lc 12:48.
[22]
Lc 19:22 ; cf. Mt 12:37.
[23]
Mt 25:31-46.
[24]
Mt 13:24-30 ; chap. 19 du présent ouvrage.
[25]
Chap. 19.
[26]
Mt 26:2.
NOTES
DU CHAPITRE 32
1.
Accomplissement rapide des prophéties du Seigneur : Pour
ce qui est de l'accomplissement littéral des prédictions
du Seigneur relatives aux temps qui suivraient immédiatement
son ascension jusqu'à la destruction de Jérusalem,
l'étudiant doit se reporter à l'histoire scripturaire
et autre. Nous ne pouvons tenter de faire ici qu'un résumé
très bref des événements les plus notables.
Pour
la question des guerres et des bruits ou menaces de guerre, voir
Josèphe, Antiquités, XVIII, ch. 9 et Guerres Il, ch.
10. La dernière référence reportera le lecteur
au récit du décret promulgué par Caligula,
ordonnant que sa statue fût élevée et dûment
révérée dans le temple, à la suite de
quoi les Juifs protestèrent si violemment que la guerre leur
fut déclarée mais n'eut pas lieu du fait de la mort de
l'empereur. À propos de la mort de Caligula, Josèphe
remarque qu'elle « se produisit fort heureusement pour
notre nation en particulier, qui aurait péri presque
totalement s'il n'avait été soudainement frappé ».
Les empereurs Claude et Néron respectivement proférèrent
d'autres menaces de guerre contre les Juifs.
Les
nations se dressèrent contre les nations, par exemple dans
l'assaut des Grecs et des Syriens contre les Juifs, au cours duquel
50000 Juifs furent tués à Séleucie sur le Tigre,
et 20000 à Césarée, 13000 à Scythopolis
et 2500 à Ascalon. La famine, et la peste qui l'accompagne,
sévirent pendant le règne de Claude (41-54 ap. J.-C.) ;
Agabus les avait exactement prédites par inspiration (Ac
11:28). La famine fut très violente en Palestine (Josèphe,
Antiquités, XX, ch. 2). Les tremblements de terre furent d'une
fréquence alarmante et d'une puissance extraordinaire entre la
mort du Christ et la destruction de Jérusalem, en particulier
en Syrie, en Macédoine et en Achaïe.
Voir
Tacite, Annales, livres XII et XIV ; on trouvera le récit
de violentes secousses telluriques à Rome dans Suétone,
Vie de Galba. Josèphe (Guerres IV, chapitre 4) rapporte un
tremblement de terre particulièrement violent qui bouleversa
certaines parties de la Judée et s'accompagna de « secousses
et de grondements étonnants de la terre - signes évidents
qu'une destruction s'abattait sur les hommes ». La menace
des « phénomènes terribles et de grands
signes dans le ciel » que rapporte Luc, se réalisa
dans les événements phénoménaux notés
par Josèphe (Préface des Guerres).
Le
docteur Adam Clarke dit, dans son commentaire sur des passages de Mt
24, à propos des persécutions qui s'abattirent sur les
apôtres et d'autres, et sur leur mise en accusation devant les
dirigeants : « Nous n'avons pas besoin d'aller plus
loin que les Actes des Apôtres pour voir ces détails se
réaliser. Les uns, comme Pierre et Jean, furent livrés
aux tribunaux (Ac 4:5). Les autres, comme Paul devant Gallion
(18:12), devant Félix (chap. 24), devant Festus et Agrippa
(ch. 25) furent amenés devant des gouverneurs et des rois.
D'autres, comme par exemple Étienne (6:10), et Paul qui fit
trembler jusqu'à Félix lui-même (24:25) eurent
des paroles et une sagesse auxquelles leurs adversaires furent
incapables de résister. D'autres encore, comme Pierre et Jean,
furent emprisonnés (4:3). D'autres toujours furent battus,
comme Paul et Silas (16:23). D'autres enfin, comme Étienne
(7:59) et Jacques, frère de Jean, furent mis à mort.
Mais si nous regardons au-delà du livre des Actes des Apôtres,
pour voir les persécutions sanglantes qui se produisirent sous
Néron, nous verrons ces prédictions encore plus
complètement accomplies ; outre ces deux champions de la
foi, Pierre et Paul, de nombreux chrétiens y périrent.
Et ce fut, comme le dit Tertullien, une guerre contre le nom même
du Christ ; car celui à qui l'on donnait le nom de
chrétien avait commis, en portant ce nom, un crime
suffisamment grand pour qu'on le mit à mort. Tant étaient
vraies les paroles de notre Seigneur lorsqu'il disait qu'ils seraient
haïs de tous les hommes à cause de son nom. »
Parmi
les faux prophètes et les hommes qui se prétendaient
ministres dûment accrédités du Christ, il y avait
Simon le magicien qui attira beaucoup de gens derrière lui (Ac
8:9, 13, 18-24, voir aussi La Grande apostasie, 7:1,2), Ménandre,
Dosithée et Théudas et les faux apôtres dont
parle Paul (2 Co 11:13) et d'autres, tels qu'Hyménée et
Philète (2 Tm 2:17,18). Le Commentary, de Dummelow, applique
ici le récit de Josèphe concernant « un
groupe d'hommes méchants, qui trompaient et séduisaient
le peuple prétendant avoir l'inspiration divine, qui
convainquirent la multitude d'agir comme des fous et marchèrent
devant elle dans le désert, prétendant que Dieu lui
montrerait là les signes de la victoire ». Comparer
avec 2 P. 2:1, 1 Jn 2:18, 4:1. Le fait que l'amour d'un grand nombre
de personnes se refroidit, tant avant qu'après la destruction
de Jérusalem, est attesté par l'apostasie mondiale,
laquelle fut le résultat de la corruption de l'Église
de l'intérieur et des persécutions exercées
contre elle de l'extérieur (voir La Grande apostasie, chap.
3-9).
La
prédication de l'Évangile et du royaume « dans
le monde entier » n'en fut pas moins réellement une
caractéristique essentielle de la période apostolique
que ne l'est l'époque actuelle ou dernière dispensation
de l'Évangile. L'expansion rapide de l'Évangile et la
croissance phénoménale de l'Église sous la
direction des apôtres d'autrefois est considérée
comme l'une des merveilles de l'histoire (La Grande apostasie 1:21,
et la citation d'Eusèbe). Paul, écrivant trente ans
environ après l'ascension du Christ affirme que l'Évangile
avait déjà été porté à
toutes les nations et avait « été prêché
à toute créature sous le ciel » (Col 1:23,
comparer avec verset 6).
« L'abomination
de la désolation » citée par le Seigneur
d'après la prophétie de Daniel s'accomplit
littéralement lorsque l'armée romaine mit le siège
devant Jérusalem (comparer avec Lc 21:20, 21). Pour les Juifs,
les enseignes et les images des Romains étaient une
abomination dégoûtante. Josèphe (Guerres VI,
chap. 6) dit que les enseignes romaines furent dressées à
l'intérieur du temple et que la soldatesque offrit des
sacrifices devant elles.
L'avertissement
donné à tous de fuir Jérusalem et la Judée
pour aller dans les montagnes quand les armées commenceraient
à entourer la ville fut suivi d'une manière si générale
par les membres de l'Église que, selon les premiers écrivains
de l'Église, il ne périt pas un seul chrétien
dans ce terrible siège (voir Eusèbe, Hist. Ecclés.,
livre Ill, chap. 5). Le premier siège mis par Gallus fut levé
inopinément. Alors, avant que les armées de Vespasien
n'arrivassent aux murs, tous les Juifs qui avaient foi dans
l'avertissement que le Christ avait donné aux apôtres et
que ceux-ci avaient donné au peuple, s'enfuirent au-delà
du Jourdain et s'assemblèrent surtout à Pella (comparer
avec Josèphe, Guerres II, ch. 19).
Pour
ce qui est des horreurs sans précédent du siège
qui culminèrent dans la destruction totale de Jérusalem
et du temple, voir Josèphe, Guerres VI, ch. 3 et 4. Cet
historien estime que le nombre de tués, rien qu'à
Jérusalem, s'élevait à 1100000 et dans d'autres
villes et les régions rurales un tiers de plus encore. On
trouvera des détails dans Josèphe, Guerres II, ch. 18,
20, 1112, 7, 8, 9, IV 1, 2, 7, 8, 9, VII, 6, 9, 11. Des dizaines de
milliers de personnes furent emmenées en captivité pour
être vendues plus tard comme esclaves ou être massacrées
par des bêtes sauvages ou dans les combats de gladiateurs dans
l'arène pour l'amusement des spectateurs romains. Au cours du
siège, un mur fut édifié autour de la ville tout
entière, accomplissant ainsi la prédiction du Seigneur
(Lc 19:43) : « Tes ennemis t'environneront de
palissades. » En septembre de 70 après J.-C., la
ville tomba au pouvoir des Romains, et par la suite sa destruction
fut si complète que son emplacement fut passé à
la charrue. Jérusalem fut « foulée aux pieds
par les nations », et dès lors s'est trouvée
sous la domination des nations et continuera à l'être
« jusqu'à ce que les temps des nations soient
accomplis » (Lc 21:24).
2.
Dans le désert et les chambres secrètes : Le 24e
chapitre de Matthieu et les écritures parallèles de
Marc 13 et Luc 21 sont plus faciles à comprendre si nous nous
rappelons que le Seigneur y parle de deux événements
distincts, chacun étant la fin de longues périodes de
préparation et le premier d'un prototype du deuxième.
Beaucoup de prédictions précises s'appliquent à
la fois à l'époque précédant la
destruction de Jérusalem et les événements des
temps qui s'ensuivront jusqu'à la seconde venue du Christ, ou
contemporaine de ces faits. Le passage de Mt 24:26 peut recevoir
cette double application. Josèphe parle d'hommes emmenant
d'autres personnes dans le désert, disant en vertu d'une
prétendue inspiration qu'elles y trouveraient Dieu ; et
le même historien parle d'un faux prophète qui en
conduisit beaucoup dans les chambres secrètes du temple au
cours de l'assaut romain, leur promettant que le Seigneur les y
délivrerait. Hommes, femmes et enfants suivirent ce chef
fanatique et furent pris dans l'holocauste, de sorte que 6000 d'entre
eux périrent dans les flammes (Josèphe, Guerres XI, ch.
5). Concernant une application des préceptes du Seigneur à
des temps et des situations ultérieurs, l'auteur a écrit
ailleurs (La Grande apostasie, 7:22, 25) : « L'une
des hérésies du début et qui se développa
rapidement dans l'Église fut la doctrine de l'antagonisme
entre le corps et l'esprit selon laquelle le premier était
considéré comme un fardeau et comme une malédiction.
D'après ce que l'on a dit, on reconnaîtra en cela une
des perversions dérivées de l'alliance du gnosticisme
avec le christianisme. Un des résultats de cette greffe des
doctrines païennes fut une croissance abondante de vie
anachorétique par laquelle les hommes cherchaient à
affaiblir, torturer et subordonner leur corps, pour que leur esprit
ou « âme », puisse acquérir plus
de liberté. Beaucoup de ceux qui adoptèrent cette
vision artificielle de l'existence humaine se retirèrent dans
le désert pour être seuls et passèrent leur temps
à d'austères pratiques d'abnégation et à
des actes de torture personnelle frénétique. D'autres
s'enfermèrent comme prisonniers volontaires, cherchant la
gloire dans la privation et dans la pénitence qu'ils
s'imposaient à eux-mêmes. Ce fut cette vision
artificielle de la vie qui donna naissance aux différents
ordres de reclus, d'ermites et de moines.
Ne
pensez-vous pas que le Christ ait eu ces pratiques à l'esprit
quand, avertissant les disciples des fausses prétentions à
la sainteté qui caractériseraient les temps qui
devaient bientôt suivre, il dit : « Si donc on
vous dit : Voici : il est dans le désert, n'y allez
pas ; voici : il est dans les chambres, ne le croyez
pas » ?
3.
L'époque de l'avènement du Christ est inconnue :
Lorsque le Seigneur dit que l'époque de son avènement
était inconnue de l'homme, et que les anges ne la
connaissaient pas, « ni le Fils », mais qu'elle
n'est connue que du Père, il parlait clairement et sans
ambiguïté, en dépit des commentaires, nombreux et
contradictoires qui ont été faits sur ces paroles.
Jésus affirma à de nombreuses reprises que sa mission
était de faire la volonté du Père ; et il
est évident que la volonté du Père lui fut
révélée de temps en temps. Tandis qu'il se
trouvait dans la chair, il ne prétendit pas à
l'omniscience. Bien qu'il pût apprendre tout ce qu'il voulait
en communiquant avec le père, Jésus n'avait pas demandé
à savoir ce que le Père ne s'était pas déclaré
prêt à révéler, à savoir le jour et
l'heure fixés pour le retour sur la terre du Fils glorifié
et ressuscité. Nous ne devons pas hésiter à
croire qu'à l'époque où Jésus fit aux
apôtres le discours que nous examinons ici, il n'était
pas au courant de la question, car il le dit. Dans le dernier
entretien entre le Christ et les apôtres, immédiatement
avant son ascension (Ac 1:6,7) ils demandèrent :
« Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le
royaume pour Israël ? Il leur répondit : Ce
n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments
que le Père a fixés de sa propre autorité. »
Et depuis, la date de la fin messianique n'a été
révélée à personne ; bien que d'ores
et déjà le figuier pousse rapidement ses feuilles, et
celui qui a des yeux pour voir et un cœur pour comprendre sait
que l'été du dessein du Seigneur est proche.
4.
La doctrine erronée de la surérogation : Parmi les
erreurs pernicieuses promulguées comme dogmes autorisés
par l'Église apostate au cours de la longue période de
ténèbres spirituelles qui suivit la fin du ministère
apostolique, il faut compter la terrible énormité que
l'on appelle la doctrine de la surérogation. Comme le dit
Mosheim (Ecc. Hist. Cent. XII, 2e partie, ch. 3:4), cette horrible
doctrine fut formulée comme suit au treizième siècle :
« Qu'il existait réellement un immense trésor
de mérites, composé des actes pieux et des actions
vertueuses que les saints avaient accomplis au-delà de ce qui
était nécessaire pour leur propre salut, et qui était
par conséquent disponible au profit des autres ; que le
gardien et le dispensateur de ce trésor précieux était
le pontife romain et que, par voie de conséquence, il avait le
pouvoir d'accorder à ceux qu'il voulait, une partie de cette
source inépuisable de mérites, selon leur culpabilité
respective et en quantité suffisante pour les délivrer
du châtiment dû à leurs crimes. »
Concernant la fausseté de cette doctrine, l'auteur a écrit
(La Grande apostasie, 9:15) ce qui suit : « La
doctrine de la surérogation manque tout autant de raison que
de base [scripturaire] et de véracité. La
responsabilité individuelle de l'homme pour ses actes est tout
aussi sûrement un fait que son libre arbitre d'agir, pour
lui-même. Il sera sauvé par les mérites et par le
sacrifice expiatoire de notre Rédempteur et Sauveur ; et
son appel au salut fourni dépend strictement de sa soumission
aux principes et ordonnances de l'Évangile tel que
Jésus-Christ l'a établi. La rémission des péchés
et le salut [final] de l'âme humaine sont donnés ;
mais ces dons de Dieu ne peuvent s'acheter avec de l'argent. Comparer
avec les terribles fausses idées de la surérogation et
la pratique blasphématoire de prendre sur soi de remettre les
péchés d'un homme sur la base des mérites d'un
autre avec la déclaration du seul et unique Sauveur de
l'humanité : « je vous le dis : au jour
du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils
auront proférée. » Si l'on peut tirer des
conclusions en matière de doctrine des paraboles de notre
Seigneur, la parabole des dix vierges réfute la suggestion
satanique que le péché d'un homme peut être
neutralisé par la droiture d'un autre. Nous ne connaissons
d'autre surérogation que celle du Seigneur Jésus-Christ,
par les mérites duquel le salut est mis à la portée
de tous les hommes.
5.
« Cette génération » :
Consultez n'importe quel bon dictionnaire non abrégé de
la langue anglaise, vous y trouverez la preuve que le terme
« génération » dans le sens d'une
période de temps, a beaucoup de sens, parmi lesquels on trouve
« race, espèce, classe ». Le terme ne se
limite pas à un groupe de gens vivant à un moment
donné. La Bible Cyclopedia, Critical and Expository, de
Fausett, après avoir cité un grand nombre de sens qui
se rattachent au mot, dit : « Dans Mt 24:34 ‘Cette
génération ne passera point (à savoir la race
juive, dont la génération à l'époque du
Christ était un échantillon : comparez le discours
du Christ à la « génération »
23:35, 36 prouvant que « génération »
signifie parfois la race juive tout entière) que tout cela
n'arrive’ - prophétie annonçant que les Juifs
constitueront encore un peuple distinct lorsque le Seigneur
reviendra. »
CHAPITRE
33 : LA DERNIÈRE CÈNE ET LA
TRAHISON
LES
CONSPIRATEURS ECCLÉSIASTIQUES ET LE TRAÎTRE
À
l'approche de la fête annuelle de la Pâque, et en
particulier au cours des deux jours qui précédèrent
immédiatement le commencement de la fête, les principaux
sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple, bref, le
sanhédrin et le parti ecclésiastique tout entier, se
consultèrent constamment pour déterminer la meilleure
façon d'arrêter Jésus et de le mettre à
mort. À l'une de ces sinistres assemblées, qui se
tenait au palais du souverain sacrificateur, Caïphe [1], on
décida de se saisir de Jésus d'une manière
subtile si possible, car une arrestation ouverte aurait probablement
pour effet de soulever le peuple. Les dirigeants craignaient tout
particulièrement un éclat des Galiléens, qui
manifestaient une fierté de provinciaux devant l'importance de
Jésus, un des leurs, et dont un grand nombre se trouvait alors
à Jérusalem. On conclut en outre, et pour les mêmes
raisons, que la coutume juive de faire des exemples frappants des
transgresseurs notoires en leur infligeant un châtiment public
aux époques des grandes assemblées générales
devait être mise de côté dans le cas de Jésus ;
les conspirateurs dirent donc : « Pas en pleine fête,
afin qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple. »
Ils
avaient déjà vainement essayé en d'autres
occasions de se saisir de Jésus [2], et ils doutaient
naturellement du résultat de leurs machinations ultérieures.
À ce moment ils furent encouragés et réjouis
dans leur complot pervers par l'apparition d'un allié
inattendu. Judas Iscariot, l'un des Douze, demanda audience auprès
de ces dirigeants des Juifs, et l'infâme se proposa pour trahir
son Seigneur et le livrer entre leurs mains [3]. Mû par
une cupidité diabolique qui n'était probablement qu'un
élément secondaire dans la cause réelle de sa
trahison perfide, il offrit de vendre son Maître pour de
l'argent et marchanda avec les acheteurs ecclésiastiques sur
le prix du sang du Sauveur. « Que voulez-vous me
donner ? » demanda-t-il. « Et ils lui
payèrent trente pièces d'argent » [4]. Ce
montant, correspondant à dix-sept dollars de notre argent
environ, mais d'un pouvoir d'achat beaucoup plus grand parmi les
Juifs de cette époque que maintenant chez nous, était
le prix fixé par la loi pour la vente d'un esclave ;
c'était aussi la somme prévue comme prix du sang à
payer pour trahir le Seigneur [5]. Les événements
ultérieurs montrent que l'argent fut bien payé à
Judas, soit lors de cette première entrevue, soit au cours
d'une rencontre ultérieure du traître et des
prêtres [6].
Il
s'était engagé dans l'acte de trahison le plus noir
dont l'homme soit capable, et, dès lors, il chercha l'occasion
de pousser sa promesse infâme jusqu'à son
accomplissement plus vil encore. Nous serons encore affligés
plus loin par d'autres aperçus du pervers Iscariot dans le
déroulement de ce terrible récit de tragédie et
de perdition ; disons pour le moment qu'avant que Judas ne
vendît le Christ aux Juifs, il s'était vendu au diable ;
il était devenu l'esclave de Satan et obéissait aux
ordres de son maître.
LA
DERNIÈRE CÈNE
La
veille du moment où l'on mangeait l'agneau pascal était
devenue pour les Juifs le premier jour de la fête des pains
sans levain [7] ; puisque en ce jour-là tout le
levain devait être enlevé de leurs demeures, et dès
lors il était illégal, pendant huit jours, de manger
quoi que ce fût qui contint du levain. L'après-midi de
ce jour-là, les agneaux pascaux étaient immolés
dans la cour du temple par les représentants des familles ou
des groupes qui allaient manger ensemble, et une partie du sang de
chaque agneau était répandue au pied de l'autel du
sacrifice par les nombreux prêtres en service ce jour-là.
L'agneau immolé que l'on considérait alors sacrifié
était emporté au lieu de rassemblement désigné
pour ceux qui devaient le manger. Pendant le premier des jours des
pains sans levain, qui semble être tombé un jeudi
l'année de la mort de notre Seigneur [8], certains des
Douze demandèrent à Jésus où ils feraient
les préparatifs du repas pascal [9]. Il ordonna à
Pierre et à Jean de retourner à Jérusalem et
ajouta : « Voici : quand vous serez entrés
dans la ville, un homme portant une cruche d'eau vous rencontrera ;
suivez-le dans la maison où il entrera, et vous direz au
maître de la maison : Le Maître te dit : Où
est la salle où je mangerai la Pâque avec mes
disciples ? Et il vous montrera une grande chambre haute,
aménagée : c'est là que vous préparerez
(la Pâque). Ils partirent, trouvèrent les choses comme
il le leur avait dit et préparèrent la Pâque. »
Le
soir, jeudi soir selon notre calcul du temps, mais le début de
vendredi selon le calendrier juif [10], Jésus vint avec
les Douze, et ils s'assirent ensemble pour le dernier repas que le
Seigneur prendrait avant sa mort. Profondément ému,
« il leur dit : J'ai désiré vivement
manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir, car, je vous
le dis, je ne la mangerai plus, jusqu'à ce qu'elle soit
accomplie dans le royaume de Dieu. Il prit une coupe, rendit grâces
et dit : Prenez cette coupe, et distribuez-la entre vous ;
car, je vous le dis, je ne boirai plus désormais du fruit de
la vigne, jusqu'à ce que le royaume de Dieu soit venu ».
Il était de coutume pour l'hôte de commencer le souper
de la Pâque en bénissant une coupe de vin, qui était
passée ensuite autour de la table à chaque participant.
À ce repas solennel, Jésus semble avoir observé
les règles essentielles de la procédure de la Pâque ;
mais il n'est pas dit qu'il se soit conformé à la
pléthore d'exigences dont la coutume traditionnelle et les
prescriptions rabbiniques avaient surchargé la fête que
Dieu avait établie en mémoire de la libération
d'Israël de l'esclavage. Comme nous le verrons, les événements
qui se passèrent ce soir-là dans cette chambre haute
contenaient beaucoup de choses en plus de l'observance ordinaire
d'une fête annuelle.
Le
repas se déroula dans une atmosphère de tristesse
tendue. Comme ils mangeaient, le Seigneur remarqua tristement :
« En vérité, je vous le dis, l'un de vous
qui mange avec moi me livrera. » La plupart des apôtres
se mirent à s'examiner et s'exclamèrent l'un après
l'autre : « Est-ce moi, Seigneur ? »
Il est agréable de remarquer que chacun de ceux qui posèrent
cette question se souciait plus de la pensée terrible qu'il
était peut-être transgresseur, même s'il l'était
par inadvertance, plutôt que de savoir si son frère
était sur le point de se révéler traître.
Jésus répondit que c'était l'un des Douze qui
mangeaient avec lui du plat commun et poursuivit par cette
déclaration terrifiante : « Le Fils de l'homme
s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à
cet homme-là par qui le Fils de l'homme est livré !
Mieux vaudrait pour cet homme n'être jamais né. »
Alors judas Iscariot, qui avait déjà convenu de vendre
son Maître pour de l'argent, et qui craignait probablement à
ce moment-là que son silence n'éveillât les
soupçons contre lui, demanda avec une audace impudente qui
était véritablement diabolique : « Est-ce
moi, Rabbi ? » Avec une promptitude tranchante le
Seigneur répondit : « Tu l'as dit » [11].
Il
y eut une autre cause de chagrin pour Jésus lors du souper.
Certains des Douze s'étaient mis à se disputer à
voix basse sur la question de savoir qui était le plus
important de tous [12], peut-être sur le point de savoir
dans quel ordre ils devaient s'asseoir à table, détail
mesquin sur lequel les scribes et les Pharisiens aussi bien que les
Gentils se querellaient souvent [13] ; de nouveau le
Seigneur dut rappeler aux apôtres que le plus grand de tous
serait celui qui serait le plus disposé à servir ses
semblables. Ils l'avaient déjà appris ; et
pourtant maintenant, en cette heure tardive et solennelle, ils
étaient remplis d'une ambition vaine et égoïste.
Avec une ferveur pleine de chagrin le Seigneur les raisonna,
demandant qui est le plus grand, celui qui est assis à la
table, ou celui qui sert ? Et il ajouta à la réponse
évidente la déclaration : « Et moi,
cependant, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »
Avec une émotion affectueuse il ajouta : « Vous,
vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi
dans mes épreuves [14] » ; puis il leur
assura qu'on ne les priverait ni d'honneur ni de gloire dans le
royaume de Dieu, car s'ils s'avéraient fidèles, ils
recevraient des trônes en qualité de juges d'Israël.
Pour ceux de ses élus qui lui étaient fidèles,
le Seigneur n'avait d'autre sentiment que l'amour et l'espoir qu'ils
vaincraient Satan et le péché.
L'ORDONNANCE
DU LAVEMENT DES PIEDS [15]
Quittant
la table, le Seigneur déposa ses vêtements extérieurs
et se ceignit d'un linge en guise de tablier ; puis, s'étant
muni d'un bassin et d'eau, il s'agenouilla devant chacun des Douze
tour à tour, lui lava les pieds et les essuya avec le linge.
Lorsqu'il arriva à Pierre, l'impulsif apôtre protesta,
disant : « Toi, Seigneur, tu me laverais les
pieds ! » Les paroles que le Seigneur adressa à
Pierre montrent que son comportement était quelque chose de
plus qu'un simple service rendu pour assurer le confort et plus qu'un
exemple d'humilité : « Ce que je fais, tu ne
le sais pas maintenant, mais tu le comprendras dans la suite. »
Pierre, incapable de comprendre, objecta avec plus de véhémence
encore : « Non, jamais tu ne me laveras les pieds »,
s'exclama-t-il. Jésus répondit : « Si
je ne te lave, tu n'as point de part avec moi. » Alors
avec une impétuosité encore plus grande qu'avant,
Pierre implora en tendant les pieds et les mains : « Seigneur,
non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête. »
Il était passé à l'autre extrême,
insistant, bien qu'avec ignorance et manque de réflexion, pour
que les choses se fassent à sa manière, et cependant
incapable de voir que l'ordonnance devait être administrée
comme le Seigneur le voulait. Corrigeant de nouveau son serviteur
bien intentionné quoique présomptueux, Jésus lui
dit : « Celui qui s'est baigné n'a pas besoin
de se laver [sauf les pieds], mais il est entièrement
pur ; et vous êtes purs, mais non pas tous. »
Chacun d'eux avait été immergé lors du baptême ;
le lavement des pieds était une ordonnance appartenant à
la sainte prêtrise dont ils devaient encore apprendre toute
l'importance [16].
Ayant
repris ses vêtements et étant revenu à sa place à
table, Jésus inculqua l'importance de ce qu'il avait fait, en
disant : « Vous m'appelez : le Maître et
le Seigneur, et vous dites bien, car je (le) suis. Si donc je vous ai
lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi
vous devez vous laver les pieds les uns aux autres ; car je vous
ai donné un exemple, afin que, vous aussi, fassiez comme moi
je vous ai fait. En vérité, en vérité, je
vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son seigneur, ni
l'apôtre plus grand que celui qui l'a envoyé. Si vous
savez cela, vous êtes heureux, pourvu que vous le mettiez en
pratique » [17].
LE
SACREMENT DU REPAS DU SEIGNEUR [18]
Tandis
que Jésus était encore assis avec les Douze à
table, il prit un pain ou une galette de pain, et ayant pieusement
rendu grâces et l'ayant sanctifié en le bénissant,
il en donna un morceau à chacun des apôtres, disant :
« Prenez, mangez, ceci est mon corps », ou,
selon le récit plus détaillé : « Ceci
est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en
mémoire de moi. » Puis, prenant une coupe de vin,
il rendit grâces et la bénit, et la leur donna avec ce
commandement : « Buvez en tous, car ceci est mon
sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour beaucoup,
pour le pardon des péchés. Je vous le dis, je ne boirai
plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où
j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. »
De cette manière simple mais impressionnante fut instituée
l'ordonnance qui a pris depuis le nom de sacrement de la Cène
du Seigneur. Le pain et le vin, dûment consacrés par la
prière, deviennent des emblèmes du corps et du sang du
Seigneur, que l'on doit manger et boire pieusement et en souvenir de
lui.
Les
événement qui se déroulèrent lors de
l'institution de ce rite sacré furent révélés
par la suite à Paul l'apôtre dont le témoignage
écrit sur son établissement et sa sainteté
s'accorde avec les récits donnés par les
évangélistes [19]. Comme nous le montrerons par la
suite, le Seigneur institua cette ordonnance parmi les Néphites,
sur le continent américain, et il la rétablit dans à
notre époque [20]. Au cours des âges sombres de
l'apostasie, des changements non autorisés furent introduits
dans l'administration de la Sainte-Cène, et beaucoup de
fausses doctrines furent promulguées sur sa signification et
son effet [21].
LE
TRAÎTRE SORT DANS LA NUIT [22]
En
disant aux Douze, dont il avait lavé les pieds : « Vous
êtes purs », le Seigneur avait précisé
une exception par sa remarque ultérieure : « mais
non pas tous. » Jean, qui nous rapporte cet événement,
prend soin d'expliquer que Jésus pensait au traître et
que c'est pourquoi il dit : « Vous n'êtes pas
tous purs. » Iscariot le coupable avait reçu sans
protester les services du Seigneur lorsqu'il lui lava ses pieds de
renégat, bien qu'après cette ablution il fût
spirituellement plus impur qu'avant. Jésus s'était
assis et fit part de nouveau de sa connaissance de la duplicité
du cœur traître de Judas. « Ce n'est pas de
vous tous que je le dis ; je connais ceux que j'ai choisis. Mais
il faut que l'Écriture s'accomplisse : Celui qui mange
avec moi le pain, a levé son talon contre moi » [23]. Le
Seigneur voulait qu'ils se rendissent pleinement compte qu'il savait
d'avance ce qui allait se produire, de sorte que lorsque les
terribles événements seraient un fait accompli, les
apôtres se rendissent compte qu'ainsi les Écritures
auraient été accomplies. Troublé en esprit, il
répéta l'affirmation terrible que l'un de ceux qui
étaient là le trahirait. Pierre fit des signes à
Jean qui occupait le siège à côté de Jésus
et penchait à ce moment là la tête sur la
poitrine du Seigneur, de demander lequel d'entre eux était le
traître. À la question chuchotée de Jean, le
Seigneur répliqua : « C'est celui pour qui je
tremperai le morceau et à qui je le donnerai. »
Il
n'y avait rien d'extraordinaire pour une personne qui se trouvait à
table, en particulier l'hôte, de tremper un morceau de pain
dans le plat de sauce ou de mélange savoureux, et de le donner
à quelqu'un d'autre. Pareil acte de la part de Jésus
n'attira pas l'attention de tout le monde. Il trempa le morceau de
pain et le donna à Judas Iscariot, en disant : « Ce
que tu fais, fais-le vite. » Les autres comprirent que ce
que le Seigneur disait était un ordre de s'acquitter de
quelque devoir ou d'une commission ordinaire, peut-être
d'acheter quelque chose de plus pour la célébration de
la Pâque ou de porter des dons à des pauvres, car Judas
était le trésorier du groupe et « tenait la
bourse ». Mais Iscariot comprit. Son cœur s'endurcit
encore davantage lorsqu'il découvrit que Jésus était
au courant de ses plans infâmes, et l'humiliation qu'il
éprouvait en présence du Maître le rendit
furieux. Lorsque Judas ouvrit la bouche pour recevoir le morceau de
pain trempé de la main du Seigneur, « Satan entra
en lui » et affirma sa domination maligne. Judas sortit
immédiatement, abandonnant pour toujours la compagnie bénie
de ses frères et du Seigneur. Jean rapporte le départ
du traître par la remarque concise et de mauvais augure :
« Il faisait nuit. »
LE
DISCOURS APRÈS LE REPAS
Le
départ de Judas Iscariot semble avoir dissipé dans une
certaine mesure le nuage de tristesse infinie qui avait déprimé
le petit groupe ; et notre Seigneur lui-même fut
visiblement soulagé. Dès que la porte se fut refermée
sur le déserteur, Jésus s'exclama, comme si sa victoire
sur la mort était déjà accomplie :
« Maintenant, le Fils de l'homme a été
glorifié, et Dieu a été glorifié en
lui. » S'adressant aux Onze en des termes qui révélaient
l'affection d'un père, il dit : « Petits
enfants, je suis encore pour peu de temps avec vous. Vous me
chercherez ; et comme j'ai dit aux Juifs : ‘Là
où je vais, vous ne pourrez venir', à vous aussi je le
dis maintenant. Je vous donne un commandement nouveau :
Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés,
vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous
connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de
l'amour les uns pour les autres » [24]. La loi
de Moïse imposait l'amour mutuel entre amis et voisins [25] ;
mais le nouveau commandement, qui devait gouverner les apôtres,
comprenait un amour d'un ordre supérieur. Ils devaient s'aimer
les uns les autres comme le Christ les aimait ; et leur
affection fraternelle devait être le signe distinctif de leur
apostolat qui permettrait au monde de les reconnaître comme des
hommes mis à part.
L'allusion
que le Seigneur avait faite à la séparation imminente
qui allait l'éloigner d'eux troubla les frères. Pierre
posa la question : « Seigneur, ou vas-tu ? »
Jésus répondit : « Là où
je vais, tu ne peux pas maintenant me suivre, mais tu me suivras plus
tard. Seigneur, lui dit Pierre, pourquoi ne puis-je pas te suivre
maintenant ? Je donnerai ma vie pour toi. » Pierre
semble s'être rendu compte que son Maître allait à
la mort ; cependant, sans se laisser effrayer, il se déclara
prêt à suivre même cette voie ténébreuse
plutôt que d'être séparé de son Seigneur.
Nous ne pouvons douter du sérieux des intentions de Pierre ni
de la sincérité de son désir à ce
moment-là. Cependant, dans cet aveu hardi, il n'avait compté
qu'avec le désir de son esprit et n'avait pas pris pleinement
en considération la faiblesse de sa chair. Jésus, qui
connaissait Pierre mieux que l'homme ne se connaissait lui-même,
réprimanda tendrement comme suit son excès de
confiance : « Simon, Simon, Satan vous a réclamés
pour vous passer au crible comme le blé. Mais j'ai prié
pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu
seras revenu (à moi) affermis tes frères. »
Le premier des apôtres, l'homme de pierre, devait encore être
converti, ou pour le traduire avec plus de précision,
« revenir au Christ » [26] ; car,
comme le Seigneur le prévoyait, Pierre serait bientôt
vaincu au point de nier connaître le Christ. Lorsque Pierre se
déclara de nouveau et avec fermeté prêt à
accompagner Jésus, jusqu'en prison ou à la mort, le
Seigneur le réduisit au silence par la réflexion :
« Pierre, je te le dis, le coq ne chantera pas
aujourd'hui, que tu n'aies nié trois fois de me connaître. »
Il
fallait que les apôtres fussent préparés à
faire face à un nouvel état de choses, à une
nouvelle situation et à de nouvelles exigences ; des
persécutions les attendaient, et ils allaient bientôt
être privés de la présence encourageante du
Maître. Jésus leur demanda : « Quand je
vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous
manqué de quelque chose ? Ils répondirent :
De rien. Et il leur dit : Maintenant, au contraire, que celui
qui a une bourse la prenne, de même celui qui a un sac, et que
celui qui n'a pas d'épée vende son vêtement et en
achète une. Car, je vous le dis, ce qui est écrit doit
s'accomplir en moi : Il a été compté parmi
les malfaiteurs. Et ce qui me concerne touche à sa fin. »
Le Seigneur allait bientôt être compté parmi les
malfaiteurs, comme il l'avait prévu [27] ; et ses
disciples seraient considérés comme les partisans d'un
criminel exécuté. Lorsqu'il parla de bourse, de sac, de
sandales et d'une épée, certains des frères
s'accrochèrent au sens littéral et dirent :
« Seigneur, voici deux épées. »
Jésus répondit sèchement : « C'est
assez », où comme nous pourrions le dire :
« C'en est assez. » Il n'avait pas voulu dire
que l'on aurait un besoin immédiat d'armes, et certainement
pas pour sa propre défense. De nouveau, ils avaient été
incapables de sonder ses paroles ; mais l'expérience le
leur enseignerait plus tard [28].
Les
renseignements que nous avons concernant le dernier discours que
Jésus fit aux apôtres avant sa crucifixion, nous les
devons à Jean seul parmi les évangélistes ;
nous conseillons à chaque lecteur d'étudier
soigneusement les trois chapitres dans lesquels ces paroles sublimes
sont conservées pour la gouverne de l'humanité [29].
Remarquant l'état de tristesse des Onze, le Maître leur
dit de prendre courage, basant leur encouragement et leur espoir sur
leur foi en lui. « Que votre cœur ne se trouble
pas », dit-il. « Croyez en Dieu, croyez aussi
en moi. » Puis, comme s'il écartait le voile
séparant l'état terrestre et l'état céleste
et donnant à ses fidèles serviteurs un aperçu
des conditions qui règnent dans l'au-delà, il
poursuivit : « Il y a beaucoup de demeures dans la
maison de mon Père. Sinon, je vous l'aurais dit ; car je
vais vous préparer une place. Donc, si je m'en vais et vous
prépare une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi,
afin que là où je suis, vous y soyez aussi. Et où
je vais, vous en savez le chemin » [30]. C'est
ainsi qu'en un langage simple et clair, le Seigneur annonça
qu'il y a des états gradués dans l'au-delà, une
diversité d'emplois et de degrés de gloire, de postes
et de places dans les mondes éternels [31]. Il avait
affirmé sa Divinité inhérente, et c'est par leur
confiance en lui et leur obéissance à ses lois qu'ils
trouveraient la voie à suivre pour se rendre au lieu où
il était sur le point de les précéder. Thomas,
cette âme aimante et brave, quoique quelque peu sceptique,
désirant des renseignements plus précis, s'aventura à
dire : « Seigneur, nous ne savons où tu vas ;
comment en saurions-nous le chemin ? » Dans sa
réponse, le Seigneur réaffirma sa divinité :
« Moi, je suis le chemin, la vérité et la
vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez,
vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès
maintenant, vous le connaissez et vous l'avez vu. »
À
ce moment Philippe intervint en disant : « Seigneur,
montre-nous le Père, et cela nous suffit. » Jésus
répondit par une réprimande pathétique et
douce : « Il y a si longtemps que je suis avec vous,
et tu ne m'as pas connu, Philippe ! Celui qui m'a vu, a vu le
Père. Comment dis-tu : Montre-nous le Père ? »
Il était attristé à la pensée que les
amis les plus proches et les plus chers qu'il avait sur la terre,
ceux à qui il avait conféré l'autorité de
la sainte prêtrise, ignoraient de nouveau son unité
absolue d'intentions et d'actions avec le Père. Si le Père
éternel s'était tenu parmi eux, en personne, dans les
conditions qui existaient à cet endroit-là, il aurait
fait ce que faisait le Fils bien-aimé et unique, qu'ils
appelaient Jésus, leur Seigneur et Maître. Le Père
et le Fils étaient si absolument unis de cœur et de
volonté que le fait de connaître l'un ou l'autre
revenait à connaître les deux ; néanmoins on
ne pouvait parvenir au Père que par le Fils. C'est dans la
mesure où les apôtres avaient foi au Christ et faisaient
sa volonté qu'ils seraient à même d'accomplir les
œuvres que le Christ avait faites dans la chair et même
des choses plus grandes, car sa mission mortelle n'allait plus durer
que quelques heures, et l'exécution du plan divin des siècles
réclamerait des miracles encore plus grands que ceux que Jésus
avait accomplis pendant la brève durée de son
ministère.
Pour
la première fois, le Seigneur ordonna à ses disciples
de prier le Père en son nom et leur donnait l'assurance que
les prières qu'ils feraient en justice seraient couronnées
de succès : « Et tout ce que vous demanderez
en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié
dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le
ferai » [32]. Le nom de Jésus-Christ
serait dorénavant le talisman divinement établi grâce
auquel on pourrait invoquer les puissances des cieux pour qu'elles
fonctionnent dans toute entreprise juste.
Le
Saint-Esprit fut promis aux apôtres ; il serait envoyé
par l'intercession du Christ, afin d'être pour eux « un
autre Consolateur », ou selon des traductions (anglaises,
ndt) ultérieures, « un autre Avocat » ou
« Auxiliaire », à savoir l'Esprit de
vérité, qui, bien que le monde le rejetterait, comme il
avait rejeté le Christ, demeurerait avec les disciples et en
eux, tout comme le Christ demeurait à ce moment-là en
eux et le Père en lui. « Je ne vous laisserai pas
orphelins, je viens vers vous. Encore un peu de temps, et le monde ne
me verra plus, mais vous, vous me verrez parce que moi je vis, et
que, vous aussi, vous vivrez. En ce jour-là, vous connaîtrez
que moi, je suis en mon Père, vous en moi, et moi en
vous » [33]. Vint ensuite l'assurance que le
Christ, bien qu'inconnu du monde, se manifesterait à ceux qui
l'aimaient et gardaient ses commandements.
Jude
Thaddée, également appelé Lebbée [34],
« non pas l'Iscariot », précise
l'écrivain évangélique, fut intrigué par
cette pensée contraire à la tradition et au génie
juif d'un Messie qui ne serait connu que de quelques élus et
non pas du gros d'Israël ; il demanda : « Seigneur,
comment se fait-il que tu doives te manifester à nous et non
au monde ? » Jésus expliqua que seuls les
fidèles pouvaient obtenir sa compagnie et celle du Père.
Il continua à fortifier les apôtres en leur promettant
que lorsque le Consolateur, le Saint-Esprit, que le Père
enverrait au nom du Fils, viendrait sur eux, il continuerait à
les instruire et leur rappellerait les enseignements qu'ils avaient
reçus du Christ. Nous retrouvons ici la preuve de la
personnalité distincte dont jouit chaque membre de la
Divinité, Père, Fils et Saint-Esprit [35].
Réconfortant les disciples toujours troublés, Jésus
dit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma
paix » ; et, pour qu'ils se rendissent compte que
cela avait un sens supérieur à la salutation
conventionnelle de l'époque, car « la paix soit
avec vous » était le salut quotidien des Juifs, le
Seigneur affirma qu'il faisait cette prière dans un sens
supérieur, et « pas comme le monde donne ».
Leur demandant de nouveau de faire taire leur chagrin et de ne pas
avoir peur, Jésus ajouta : « Vous avez entendu
que je vous ai dit : je m'en vais et je reviendrai vers vous. Si
vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais vers le
Père, car le Père est plus grand que moi. »
Le Seigneur fit clairement entendre à ses serviteurs qu'il
leur avait déjà dit tout cela d'avance, de manière
que lorsque les événements prédits se
produiraient les apôtres verraient leur foi en lui, le Christ,
fortifiée. Il n'avait pas le temps d'en dire beaucoup plus,
car l'heure suivante verrait le commencement du combat suprême ;
« le prince du monde vient », dit-il, et il
ajouta d'une voix triomphante : « Il n'a rien en
moi » [36].
Dans
une allégorie superbe le Seigneur commença alors
d'illustrer les rapports vivants qui existaient entre les apôtres
et lui, et entre lui et le Père, en employant pour image un
vigneron, un cep et des sarments [37] : « Moi,
je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Tout sarment
qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il le retranche ;
et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde afin qu'il
porte encore plus de fruit. » On ne pourrait trouver
d'analogie plus belle dans la littérature du monde. Ces
serviteurs que le Seigneur avait ordonnés étaient aussi
impuissants et inutiles sans lui qu'une branche coupée de
l'arbre. De même que la branche n'est rendue féconde que
par la vertu de la sève nourricière qu'elle reçoit
du tronc enraciné, et se fane, se dessèche et ne sert
absolument plus à rien que comme combustible si on la coupe ou
si on la brise, de même ces hommes, bien qu'ordonnés au
saint apostolat, ne seraient forts et féconds en bonnes œuvres
que s'ils restaient en communion constante avec le Seigneur. Sans le
Christ, qu'étaient-ils d'autre que des Galiléens
ignorants, certains d'entre eux pêcheurs, l'un péager,
les autres d'accomplissements indistincts et tous de faibles
mortels ? Branches du cep, ils étaient en cette heure-là
purs et sains, grâce aux instructions et aux ordonnances
autorisées dont ils avaient été bénis et
par l'obéissance pieuse qu'ils avaient manifestée.
« Demeurez
en moi », exhorta puissamment le Seigneur, sinon ils ne
deviendraient que des branches desséchées. « Moi,
je suis le cep », ajouta-t-il pour expliquer l'allégorie.
« Vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, comme moi
en lui, porte beaucoup de fruit, car sans moi, vous ne pouvez rien
faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors
comme le sarment, et il sèche ; puis l'on ramasse les
sarments, on les jette au feu et ils brûlent. Si vous demeurez
en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que
vous voudrez, et cela vous sera accordé. Mon Père est
glorifié en ceci : que vous portiez beaucoup de fruit, et
vous serez mes disciples. » Le Seigneur précisa de
nouveau que leur amour mutuel était un élément
essentiel à la constance de leur amour pour le Christ [38].
C'est dans cet amour qu'ils trouveraient de la joie. Dès le
jour où ils s'étaient rencontrés pour la
première fois, le Christ leur avait donné l'exemple
d'un amour plein de justice, et il était sur le point de
donner la preuve suprême de son affection, comme le laissaient
entendre ses paroles : « Il n'y a pour personne de
plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Il
affirma ensuite gracieusement que ces hommes étaient les amis
du Seigneur : « Vous êtes mes amis, si vous
faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs,
parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître. Je
vous ai appelés amis, parce que tout ce que j'ai appris de mon
Père, je vous l'ai fait connaître. » Ces
rapports intimes ne modifiaient aucunement la position du Christ qui
était leur Seigneur et Maître, car c'est lui qui les
avait choisis et ordonnés ; il voulait qu'ils vécussent
de manière à ce que tout ce qu'ils demanderaient au nom
de la sainte amitié qu'il leur déclarait, le Père
le leur accordât.
Il
leur parla de nouveau des persécutions qui les attendaient et
de leur appel apostolique de témoins spéciaux et
personnels du Seigneur [39]. Le fait que le monde les haïssait
alors et les exécrerait encore plus intensément était
une réalité à laquelle ils devaient faire face ;
mais ils devaient se souvenir que le monde avait haï leur Maître
avant eux et qu'ils avaient été choisis et mis à
part du monde par ordination ; par conséquent ils ne
devaient pas espérer échapper à la haine du
monde. Le serviteur n'est pas plus grand que son Maître, ni
l'apôtre que son Seigneur, règle qu'ils connaissaient
déjà et qui leur avait été rappelée
expressément. Ceux qui les haïssaient haïssaient le
Christ ; et ceux qui haïssaient le Fils haïssaient le
Père ; grande sera leur condamnation. Si les Juifs
pervers n'avaient pas fermé les yeux et ne s'étaient
pas bouché les oreilles devant les œuvres puissantes et
les paroles pleines de grâce du Messie, ils auraient été
convaincus de la vérité, et la vérité les
aurait sauvés ; mais leur péché leur
restait sans voile ni excuse ; et le Christ affirma que les
Écritures étaient accomplies dans leur comportement
pervers en ce qu'ils l'avaient haï sans cause [40]. Puis,
revenant à la grande et réconfortante promesse que les
disciples seraient soutenus par la venue du Saint-Esprit, le Seigneur
dit : « Quand sera venu le Consolateur que je vous
enverrai de la part du Père, l'Esprit de vérité
qui provient du Père, il rendra témoignage de moi, et
vous aussi, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes
avec moi depuis le commencement. »
Cela,
Jésus le leur avait annoncé afin qu'ils ne fussent pas
« scandalisés », ou en d'autres termes,
pris par surprise, trompés et poussés à douter
et à trébucher à cause des événements
sans précédent qui étaient alors sur le point de
se produire. Les apôtres furent prévenus qu'ils seraient
persécutés, expulsés des synagogues, et que le
temps viendrait où la haine qui s'exercerait contre eux serait
si violente, et que les ténèbres sataniques de l'esprit
seraient si denses que quiconque réussirait à tuer l'un
d'eux professerait que son crime avait été commis au
service de Dieu. À cause de leur profond chagrin devant son
départ, le Seigneur chercha de nouveau à les
réconforter, disant : « Cependant, je vous dis
la vérité : il est avantageux pour vous que je
parte, car si je ne pars pas, le Consolateur ne viendra pas vers
vous ; mais si je m'en vais, je vous l'enverrai. »
Dans
cette partie de son discours, le Seigneur choisit pour thème
inspirant l'assurance que le Saint-Esprit, qui les fortifierait de
manière qu'ils pussent faire face à tous les besoins et
à toutes les crises, descendrait sur eux. Le Saint-Esprit leur
enseignerait un grand nombre de choses que le Christ devait encore
dire à ses apôtres mais qu'il leur était à
l'époque impossible de comprendre. « Quand il sera
venu, lui », dit Jésus, « I'Esprit de
vérité, il vous conduira dans toute la vérité ;
car ses paroles ne viendront pas de lui-même, mais il parlera
de tout ce qu'il aura entendu et vous annoncera les choses à
venir. Lui me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à
moi et vous l'annoncera. Tout ce que le Père a, est à
moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prendra de ce qui est à
moi, et vous l'annoncera » [41].
Revenant
à la question de son départ qui était à
ce moment-là si proche qu'on pouvait en compter les heures, le
Seigneur dit, sous une forme plus ample, ce qu'il avait affirmé
précédemment : « Encore un peu de
temps, et vous ne me verrez plus ; et puis encore un peu de
temps, et vous me verrez de nouveau [parce que je vais vers le
Père] » [42]. Les apôtres se mirent
à réfléchir, et certains s'interrogèrent
mutuellement pour savoir ce que le Seigneur avait voulu dire ;
cependant la solennité de l'événement était
si grande qu'ils n'osèrent pas poser ouvertement de questions.
Jésus connaissait leur perplexité et leur expliqua
gracieusement qu'ils pleureraient et se lamenteraient bientôt
tandis que le monde se réjouirait ; cela était une
allusion à sa mort ; mais il promit que leur douleur se
transformerait en joie, et cela était basé sur sa
résurrection dont ils seraient témoins. Il compara leur
état alors présent et futur à celui d'une femme
dans les douleurs de l'enfantement, qui oublie son angoisse lorsque
peu après elle éprouve les joies d'une douce maternité.
Le bonheur qui les attendait serait tel qu'il ne serait pas dans le
pouvoir de l'homme de le leur enlever ; et dorénavant ils
ne demanderaient plus au Christ uniquement, mais également au
Père au nom du Christ : « En ce jour-là »,
dit le Seigneur, « vous ne m'interrogerez plus sur rien.
En vérité, en vérité, je vous le dis, ce
que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom.
Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon
nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit
complète » [43]. Ils allaient être
avancés à un tel honneur et un crédit tellement
sublime qu'ils s'adresseraient directement au Père dans leurs
prières, mais au nom du Fils ; car ils étaient
bien-aimés du Père parce qu'ils avaient aimé
Jésus, le Fils, et l'avaient accepté comme quelqu'un
que le Père avait envoyé.
Le
Seigneur réaffima solennellement : « Je suis
sorti du Père et je suis venu dans le monde ; maintenant,
je quitte le monde et je vais vers le Père. » Les
disciples furent reconnaissants de cette affirmation claire et
s'exclamèrent : « Voici que maintenant, tu
parles ouvertement et que tu ne dis rien en parabole. Maintenant,
nous savons que tu sais toutes choses et que tu n'as pas besoin que
personne t'interroge ; c'est pourquoi nous croyons que tu es
sorti de Dieu. » Leur satisfaction risquait d'être
dangereuse du fait de leur excès de confiance ; le
Seigneur les avertit, disant que dans une heure qui était
alors proche ils seraient dispersés, chacun étant
réduit à lui-même, laissant Jésus seul, à
part la présence du Père. Dans cet ordre d'idées,
il leur dit qu'avant que la nuit ne fût passée, il
serait pour chacun d'eux une occasion de chute, comme cela avait été
écrit : « Je frapperai le berger, et les
brebis du troupeau seront dispersées » [44]. Pierre,
le plus véhément de tous dans ses protestations s'était
entendu dire, comme nous l'avons déjà vu, que lorsque
le coq chanterait cette nuit-là, il aurait renié son
Seigneur trois fois ; mais tous avaient déclaré
qu'ils seraient fidèles quelle que fût l'épreuve [45].
Continuant d'affirmer qu'il ressusciterait littéralement,
Jésus promit aux apôtres que lorsqu'il se relèverait
du tombeau il irait avant eux en Galilée [46].
Pour
conclure le dernier et le plus solennel des discours que le Christ
fit dans la chair, le Seigneur dit : « Je vous ai
parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des
tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi, j'ai
vaincu le monde » [47].
LA
PRIÈRE FINALE
Ce
discours impressionnant aux apôtres fut suivi d'une prière
telle qu'on ne pourrait en adresser à nul autre qu'au Père
éternel, et telle que nul autre que le Fils de ce Père
ne pouvait l'offrir [48]. On l'a appelée, non sans
raison, la prière sacerdotale. Jésus y reconnaissait
que le Père était la source de sa puissance et de son
autorité, autorité qui allait jusqu'à donner la
vie éternelle à tous ceux qui en sont dignes :
« Or, la vie éternelle, c'est qu'ils te
connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ. » Faisant respectueusement rapport de
l'œuvre qui lui avait été confiée, le Fils
dit : « Je t'ai glorifié sur la terre ;
j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donnée à
faire. Et maintenant, toi, Père, glorifie-moi auprès de
toi-même de la gloire que j'avais auprès de toi, avant
que le monde fût. » Avec un amour insondable, le
Seigneur plaida en faveur de ceux que le Père lui avait
donnés, les apôtres qui étaient alors présents,
qui avaient été appelés hors du monde et qui
avaient été fidèles à leur témoignage
qu'il était le Fils de Dieu. Un seul d'entre eux seulement, le
fils de perdition, avait été perdu. Dans la ferveur de
sa supplique, le Seigneur implora :
« Je
ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du
Malin. Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde.
Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la
vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi
aussi je les ai envoyés dans le monde. Et moi, je me sanctifie
moi-même pour eux, afin qu'eux aussi soient sanctifiés
dans la vérité. Ce n'est pas pour eux seulement que je
prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin
que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et
moi en toi, qu'eux aussi soient (un] en nous, afin que le monde croie
que tu m'as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire
que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un
- moi en eux, et toi en moi - afin qu'ils soient parfaitement un, et
que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les a
aimés, comme tu m'as aimé. Père, je veux que là
où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec
moi, afin qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée,
parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. Père
juste, le monde ne t'a pas connu ; mais moi, je t'ai connu, et
ceux-ci ont connu que tu m'as envoyé. Je leur ai fait
connaître ton nom, et je le leur ferai connaître, afin
que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux, et que moi, je sois
en eux. »
Lorsqu'ils
eurent chanté un cantique, Jésus et les Onze sortirent
pour se rendre au mont des Oliviers [49].
L'AGONIE
DU SEIGNEUR À GETHSEMANE [50]
Jésus
et les onze apôtres sortirent de la maison dans laquelle ils
avaient mangé, franchirent la porte de la ville qui restait
ordinairement ouverte le soir pendant les fêtes publiques,
traversèrent le ravin du Cédron, ou plus exactement
Kidron, un ruisseau, et entrèrent dans une olivaie appelée
Gethsémané [51], sur le flanc du mont des
Oliviers. Il laissa huit d'entre les apôtres à l'entrée
ou près de celle-ci, avec l'ordre : « Asseyez-vous
ici, pendant que je m'éloignerai pour prier », et
avec l'injonction fervente : « Priez, afin de ne pas
entrer en tentation. » Accompagné de Pierre,
Jacques et Jean, il s'en alla plus loin et fut bientôt envahi
par une profonde tristesse, qui semble l'avoir, dans une certaine
mesure, surpris lui-même, car nous lisons qu'il « commença
à être cruellement surpris et à être très
triste » (version du roi Jacques, ndt). Il fut poussé
à refuser la compagnie même des trois disciples choisis
et « il leur dit alors : Mon âme est triste
jusqu'à la mort, restez ici et veillez avec moi. Puis il
s'avança un peu, se jeta la face (contre terre) et pria
ainsi : Mon Père, s'il est possible, que cette coupe
s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas comme je veux, mais
comme tu veux. » La version que Marc donne de la prière
est celle-ci : « Abba, Père, toutes choses te
sont possibles, éloigne de moi cette coupe. Toutefois non pas
ce que je veux, mais ce que tu veux [52]. »
Un
au moins des trois apôtres qui l'attendaient entendit cette
partie de sa supplication passionnée ; mais tous cédèrent
bientôt à la fatigue et cessèrent de veiller.
Comme ils l'avaient fait sur le mont de la Transfiguration, lorsque
le Seigneur apparut en gloire, de même maintenant à
l'heure de sa plus profonde humiliation, ces trois apôtres
s'assoupirent. Retournant vers eux dans l'angoisse de son âme,
Jésus les trouva endormis ; et s'adressant à
Pierre qui, si peu de temps auparavant, avait proclamé bien
haut qu'il était prêt à suivre le Seigneur
jusqu'en prison et dans la mort, Jésus s'exclama : « Vous
n'avez donc pas été capables de veiller une heure avec
moi ! Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation » ;
puis il ajouta avec tendresse : « L'esprit est bien
disposé, mais la chair est faible. » Cette
exhortation qu'il donna aux apôtres de prier à ce
moment-là de peur qu'ils ne tombassent en tentation peut avoir
été dictée par les circonstances du moment dans
lesquelles ils seraient tentés, si on les laissait à
eux-mêmes, d'abandonner prématurément leur
Seigneur.
Tirés
de leur sommeil, les trois apôtres virent le Seigneur
s'éloigner de nouveau et l'entendirent supplier dans son
angoisse : « Mon Père, s'il n'est pas possible
que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté
soit faite ! » Revenant une deuxième fois, il
vit que ceux à qui il avait demandé si tristement de
veiller avec lui dormaient de nouveau, « car leurs yeux
étaient appesantis » ; et lorsqu'ils furent
éveillés, ils furent embarrassés et honteux, au
point de ne savoir que dire. Une troisième fois, il retourna à
sa veille solitaire et à sa lutte personnelle, et on
l'entendit implorer le Père en employant les mêmes
paroles empreintes de désir et de supplication. Luc nous dit :
« Alors un ange lui apparut du ciel, pour le fortifier » ;
mais même la présence de ce visiteur supra-terrestre ne
pouvait dissiper l'atroce angoisse de son âme. « En
proie à l'angoisse, il priait plus instamment, et sa sueur
devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à
terre » [53].
Pierre
avait eu un aperçu de la route ténébreuse qu'il
s'était déclaré si prêt à suivre ;
et les frères Jacques et Jean savaient maintenant mieux que
jamais combien ils étaient peu prêts à boire à
la coupe que le Seigneur viderait jusqu'à la lie [54].
Lorsque
pour la dernière fois Jésus revint trouver les
disciples auxquels il avait demandé de veiller, il dit :
« Vous dormez maintenant et vous vous reposez. C'en est
fait. L'heure est venue ; voici que le Fils de l'homme est livré
aux mains des pécheurs. » Il ne servait à
rien de continuer à veiller ; déjà les
torches de la bande conduite par Judas, qui se rapprochait, étaient
visibles dans le lointain. Jésus s'exclama :
« Levez-vous, allons ; celui qui me livre
s'approche. » Debout avec les Onze, le Seigneur attendit
calmement la venue du traître.
L'agonie
que le Christ éprouva dans le jardin, l'esprit limité
ne peut en sonder ni l'intensité ni la cause. La pensée
qu'il ait souffert par crainte de la mort est intenable. Pour lui, la
mort était préliminaire à la résurrection,
au retour triomphal auprès du Père d'où il était
venu et à un état de gloire qui transcendait même
celui qu'il possédait précédemment ; en
outre, il était dans son pouvoir de donner volontairement sa
vie [55]. Il luttait et gémissait sous un fardeau dont
aucun autre être qui a vécu sur la terre ne pourrait
même concevoir la possibilité. Ce n'était pas
uniquement une douleur physique ni une angoisse mentale qui lui
infligèrent une torture telle qu'elle produisit un suintement
de sang de chaque pore, mais une angoisse spirituelle comme seul Dieu
était capable d'en ressentir. Aucun autre homme, si grande que
pût être son endurance physique ou mentale, n'aurait pu
souffrir ainsi ; son organisme humain aurait succombé, et
la syncope aurait produit la perte de conscience et un oubli
bienvenu. Dans cette heure d'angoisse, le Christ rencontra et
vainquit toutes les horreurs que Satan « Ie prince du
monde » [56] pouvait infliger. La lutte effrayante
que le Seigneur dut livrer dans les tentations qui l'assaillirent
immédiatement après son baptême était
dépassée et jetée dans l'oubli par cette lutte
suprême avec les puissances du mal.
D'une
certaine manière, terriblement réelle bien
qu'incompréhensible à l'homme, le Sauveur prenait sur
lui le fardeau des péchés de l'humanité depuis
Adam jusqu'à la fin du monde. La révélation
moderne nous aide à comprendre partiellement cette terrible
expérience. En mars 1830, le Seigneur glorifié,
Jésus-Christ, dit ce qui suit : « Car voici,
moi, Dieu, j'ai souffert cela pour tous afin qu'ils ne souffrent pas
s'ils se repentent. Mais s'ils ne veulent pas se repentir, ils
doivent souffrir tout comme moi. Et ces souffrances m'ont fait
trembler de douleur, moi Dieu, le plus grand de tous, et elles m'ont
fait saigner à chaque pore, m'ont torturé à la
fois le corps et l'esprit, m'ont fait souhaiter ne pas devoir boire à
la coupe amère et m'ont fait reculer d'effroi - néanmoins,
gloire soit au Père, j'ai bu à la coupe et j'ai terminé
tout ce que j'avais préparé pour les enfants des
hommes [57].
Le
Christ sortit victorieux du terrible conflit de Gethsémané.
Bien que dans les sombres tribulations de cette heure terrible il eût
supplié que la coupe amère fût éloignée
de ses lèvres, cette demande, même souvent répétée,
était toujours conditionnelle ; le Fils ne perdit jamais
de vue son désir suprême qui était d'accomplir la
volonté du Père. Le reste de la tragédie de
cette nuit-là et le traitement cruel qui l'attendait le
lendemain et prendrait fin avec les tortures terrifiantes de la
croix, ne pouvait dépasser l'atroce angoisse qu'il avait
réussi à surmonter.
LA
TRAHISON ET L'ARRESTATION [58]
Pendant
la dernière et la plus aimante communion que le Seigneur eut
avec les Onze, Judas s'était occupé de sa conspiration
perfide avec les autorités ecclésiastiques. Il est
probable que l'on prit la décision d'opérer
l'arrestation cette nuit-là, lorsque Judas annonça que
Jésus se trouvait dans les murs de la ville et qu'il pourrait
être facile de l'appréhender. Les dirigeants juifs
réunirent un groupe de gardes ou de policiers du temple et
obtinrent une cohorte de soldats romains sous le commandement d'un
tribun ; cette cohorte était probablement un détachement
de la garnison d'Antonia chargé des travaux de nuit sur
requête des principaux sacrificateurs. Cette compagnie d'hommes
et d'officiers, représentant un mélange d'autorités
ecclésiastiques et militaires, se mit en route pendant la nuit
avec Judas à sa tête, avec l'intention d'arrêter
Jésus. Ils étaient équipés de lanternes,
de torches et d'armes. Il est probable qu'ils furent tout d'abord
conduits à la maison dans laquelle Judas avait laissé
les autres apôtres et le Seigneur, lorsque le traître
avait été renvoyé, et qu'en s'apercevant que le
petit groupe était sorti, Judas conduisit la multitude à
Gethsémané, car il connaissait le lieu et savait aussi
que « Jésus et ses disciples s'y étaient
souvent réunis ».
Alors
que Jésus parlait encore aux Onze qu'il avait éveillés
en leur annonçant que le traître arrivait, Judas et la
multitude approchèrent. Donnant le signe par lequel il avait
été convenu d'identifier Jésus, l'Iscariot
renégat, avec une perfide duplicité, s'approcha avec
une démonstration hypocrite d'affection, disant :
« Salut, Rabbi ! », et profana le visage
sacré de son Seigneur par un baiser [59]. On peut voir à
son reproche pathétique quoique perçant et condamnateur
que Jésus comprenait la signification perfide de cet acte :
« Judas, c'est par un baiser que tu livres le Fils de
l'homme ! » Puis, appliquant le titre dont il avait
honoré les autres apôtres, le Seigneur dit : « Ami,
ce que tu es venu faire, fais-le. » C'était une
répétition du commandement qu'il avait donné à
la table du repas : « Ce que tu fais, fais-le vite. »
La
bande armée hésita, bien que leur guide lui eût
donné le signal convenu. Jésus se dirigea vers les
officiers avec lesquels se tenait Judas et demanda : « Qui
cherchez-vous ? » À leur réponse,
« Jésus de Nazareth », le Seigneur
répliqua : « C'est moi. » Au lieu
de s'avancer pour se saisir de lui, la foule recula, et un grand
nombre tombèrent sur le sol, frappés d'effroi. La
dignité simple et la force douce quoique irrésistible
de la réponse du Christ se révélaient plus
puissantes que les bras forts et les armes de violence. De nouveau,
il posa la question : « Qui cherchez-vous ? »
et de nouveau ils répondirent : « Jésus
de Nazareth. » Alors Jésus dit : « je
vous ai dit que c'est moi. Si donc c'est moi que vous cherchez,
laissez partir ceux-ci. » Cette dernière parole se
rapportait aux apôtres, qui couraient le danger d'être
arrêtés ; et dans cette preuve de la sollicitude du
Christ pour leur sécurité personnelle, Jean vit
l'accomplissement de ce que le Seigneur avait dit récemment
dans sa prière : « Je n'ai perdu aucun de ceux
que tu m'as donnés » [60]. Il est possible que
si l'un des Onze avait été appréhendé
avec Jésus et obligé de partager les souffrances
cruelles et les humiliations torturantes des heures qui suivirent, sa
foi aurait pu lui manquer, car elle était à ce
moment-là relativement peu mûre et non éprouvée ;
de même qu'au cours des années qui suivirent, un grand
nombre de ceux qui avaient pris sur eux le nom du Christ cédèrent
à la persécution et tombèrent dans
l'apostasie [61].
Lorsque
les officiers s'approchèrent et saisirent Jésus,
certains des apôtres, prêts à combattre et à
mourir pour leur Maître bien-aimé, demandèrent :
« Seigneur, frapperons-nous de l'épée ? »
Pierre, n'attendant pas de réponse, tira l'épée
et porta un coup mal assuré à la tête d'un des
hommes de la foule qui se trouvait le plus près, et la lame
coupa l'oreille de celui-ci. L'homme ainsi blessé était
Malchus, serviteur du souverain sacrificateur. Jésus,
demandant à ses gardes la liberté par cette simple
demande : « Tenez-vous en Ià ! » [62],
s'avança et guérit l'homme blessé en le
touchant. S'adressant à Pierre, le Seigneur réprimanda
son acte impulsif et lui commanda de remettre son épée
au fourreau, lui rappelant que « ceux qui prendront l'épée
périront par l'épée ». Puis pour
montrer combien il était inutile d'opposer une résistance
armée et pour souligner le fait qu'il se soumettait
volontairement et conformément à des événements
prévus et prédits, le Seigneur poursuivit :
« Penses-tu que je ne puisse pas invoquer mon Père
qui me donnerait à l'instant plus de douze légions
d'anges ? Comment donc s'accompliraient les Écritures,
d'après lesquelles il doit en être ainsi [63] ? »
Et en outre : « Ne boirai-je pas la coupe que le Père
m'a donnée [64] ? »
Mais,
quoique se rendant sans résister, Jésus n'oubliait pas
ses droits ; il protesta contre cette arrestation nocturne
illégale, demandant aux officiels ecclésiastiques,
principaux sacrificateurs, capitaine de la garde du temple et anciens
du peuple qui étaient là : « Vous êtes
venus, comme après un brigand, avec des épées et
des bâtons, pour vous emparer de moi. J'étais tous les
jours assis dans le temple, j'enseignais, et vous ne vous êtes
pas saisis de moi. Mais tout cela est arrivé afin que les
écrits des prophètes soient accomplis. » Luc
rapporte comme suit les paroles finales du Seigneur : « Mais
c'est ici votre heure et le pouvoir des ténèbres. »
Sans faire attention à sa question et sans aucune déférence
pour son comportement soumis, le capitaine et les officiers des Juifs
lièrent Jésus de cordes et l'emmenèrent
prisonnier à la merci de ses ennemis les plus mortels.
Les
onze apôtres, voyant que toute résistance était
inutile, non seulement à cause de la différence
numérique et de la quantité des armes, mais surtout
parce que le Christ était décidé à se
soumettre, firent demi-tour et s'enfuirent. Chacun d'eux l'abandonna,
tout comme il l'avait prédit. Le fait qu'ils étaient
réellement en danger est montré par un incident que
seul Marc préserve. Un jeune homme dont le nom n'est pas
donné, éveillé par le tumulte de la bande en
marche, s'était avancé avec pour tout vêtement un
drap de lit. L'intérêt qu'il manifestait pour
l'arrestation de Jésus et le fait qu'il venait tout près
incitèrent quelques-uns des gardes ou des soldats à se
saisir de lui ; mais il se dégagea et s'échappa,
laissant le drap de lit entre leurs mains.
[1]
Mt 26:3-5 ; voir aussi Marc 14:1, Luc 22:1, 2.
[2]
Jean 7:30, 44, 45:53, 11:47-57.
[3]
Mt 26:14-16, Marc 14:10, 11, Luc 22:3-6.
[4]
Mt 26:15. La version révisée anglaise dit : « Et
ils lui pesèrent trente pièces d'argent. »
Cf. Za 11:12.
[5]
Ex 21:32, Za 11:12, 13.
[6]
Mt 27:3-10.
[7]
Mt 26:17.
[8]
Note 1, fin du chapitre.
[9]
Mt 26:17-19, Marc 14:12-16, Luc 22:7-13.
[10]
Il faut se souvenir que les Juifs comptaient leurs jours à
partir du coucher du soleil et non, comme nous, à partir de
minuit.
[11]
Note 2, fin du chapitre.
[12]
Luc 22:24-30.
[13]
Luc 14:7-11 ; voir chap. 27 du présent ouvrage.
[14]
Luc 22:28 ; voir chap. 10 du présent ouvrage.
[15]
Jean 13:1-20.
[16]
Note 3, fin du chapitre.
[17]
Voir chap. 16.
[18]
Mt 26:26-29, Marc 14:22-25, Luc 22:19-20.
[19]
1 Co 11:23-34.
[20]
LM, 3 Néphi 18:6-11, D&A 20:75 ; voir aussi Articles
de Foi chap. 9,
[21]
Voir La Grande apostasie 8:15-19.
[22]
Jean 13:18-30.
[23]
Cf. Ps 41:9.
[24]
Jean 13:31-34.
[25]
Lv 19:18.
[26]
Selon la version révisée de Luc 22:32.
[27]
Es 53:12 ; cf. Marc 15:28.
[28]
Lire Jean 13:36-38, Luc 22:31-38 ; cf. Mt 26:31-35, Marc
14:27-31.
[29]
Jean chap. 14, 15, 16.
[30]
Jean 14:1-4.
[31]
Voir Les Articles de Foi, p. 115-116 et 493-497.
[32]
Jean 14:13, 14 ; cf. 16:24.
[33]
Jean 14:15-20 ; cf. verset 26 et 15:26.
[34]
Mt 10:3 ; aussi chap. 16 du présent ouvrage.
[35]
Voir Articles de Foi, p. 47 ; chap. 10 du présent
ouvrage.
[36]
Jean 14:22-31.
[37]
Jean 15:1-8.
[38]
Version révisée (anglaise) « le purifie ».
[39]
Jean 15:9-17.
[40]
Jean 15:18-27.
[41]
Verset 25 ; cf. Ps 35:19, 69:4, 109:3.
[42]
Jean 16:13-15 ; lire versets 1-15.
[43]
Jean 16:16 ; cf. 7:33, 13:33, 14:19.
[44]
Jean 16:17, 23, 24 ; lire versets 17-28.
[45]
Mt 26:31, Marc 14:27 ; cf. Za 13:7 ; voir aussi Mt 11:6.
[46]
Mt 26:31-35, Marc 14:29-31.
[47]
Mt 26:32, Marc 14:28 ; cf. 16:7.
[48]
Jean 16:33.
[49]
Jean 17. Note 4, fin du chapitre.
[50]
Mt 26:36-46, Marc 14:32-42, Luc 22:39-46.
[51]
Note 5, fin du chapitre.
[52]
« Abba » est un terme d'affection en même
temps qu'honorifique et signifie « Père ».
Jésus l'applique au Père éternel dans le passage
ci-dessus, et Paul fait de même dans Rm 8:15, Gal 4:6.
[53]
Note 6, fin du chapitre.
[54]
Jean 13:37, Mt 20:22, Marc 10:38, 39.
[55]
Jean 5:26, 27 et 10: 17, 18 ainsi que chap. 25 du présent
ouvrage.
[56]
Jean 14:30.
[57]
Chap. 10.
[58]
D&A 19:16-19 ; cf. 18:11 - voir aussi LM, 2 Néphi
9:5, 7, 21 ; Mosiah 3:7-14, 15:12, Alma 7:11-13, 11:40, 22:14,
34:8-15, 3 Néphi 11: 11, 27:14, 15 et chapitre 4 supra.
[59]
Mt 26:47-56, Marc 14:43-52, Luc 22:47-53, Jean 18:1-12.
[60]
Le texte grec de Mt 26:49 et de Marc 14:45 implique clairement que
Judas « l'embrassa beaucoup », c'est-à-dire
de nombreuses fois ou avec effusion. Voir note marginale de la
version révisée anglaise.
[61]
Jean 18:9 ; cf. 17:12.
[62]
Voir La Grande apostasie, chap. 4 et 5.
[63]
Note 7, fin du chapitre.
[64]
Cf. Es 53:8. Note 8, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 33
1.
Le jour de la Pâque : Il y a de nombreux siècles
qu'une controverse passionnée existe quant au jour où
la fête de la Pâque eut lieu dans la semaine où
notre Seigneur mourut. Les quatre évangélistes
attestent qu'il fut crucifié le vendredi, veille du sabbat
juif, et qu'il ressuscita le dimanche, lendemain de ce sabbat.
D'après les trois synoptiques nous déduisons que la
dernière Cène se produisit la veille du premier jour
des pains sans levain et par conséquent au commencement du
vendredi juif. On peut constater, d'après Matthieu 26:2, 17,
18, 19 et les passages parallèles, Marc 14:14-16, Luc
22:11-13, de même que d'après Luc 22:7,15, que le
Seigneur et les apôtres considéraient la dernière
Cène comme un repas pascal. Cependant, Jean qui écrivit
après les synoptiques et qui avait probablement leurs écrits
devant lui, comme le montre le caractère de supplément
que revêt son témoignage ou « évangile »,
laisse penser que la dernière Cène que Jésus et
les Douze prirent ensemble eut lieu avant la fête de la Pâque
(Jean 13:1, 2) ; le même auteur nous informe que le
lendemain, le vendredi, les Juifs s'abstinrent d'entrer dans le
tribunal romain de crainte d'être souillés et de devenir
indignes de prendre la Pâque (18:28). Il faut se souvenir que
dans l'usage courant, le terme « Pâque »
s'appliquait non seulement au jour ou à l'époque de son
observance, mais au repas lui-même, et en particulier à
l'agneau tué (Mt 26:17, Marc 14:12, 14, 16, Luc 22:8, 11, 13,
15, Jean 18-28, comparer avec 1 Co 5:7) Jean spécifie
également que le jour de la crucifixion était « la
préparation de la Pâque » (19:14), et que le
lendemain, qui était samedi, le sabbat, « était
un grand jour » (verset 31), c'est-à-dire un sabbat
rendu doublement sacré parce que c'était aussi un jour
de fête.
On
a beaucoup écrit pour essayer d'expliquer cette contradiction
apparente. Nous n'essayerons pas d'analyser ici les points de vue
divergents des savants bibliques ; cette question n'est qu'un
détail par rapport aux faits fondamentaux de la trahison et de
la crucifixion de notre Seigneur ; l'étudiant qui désire
trouver de brefs résumés des opinions et des arguments
peut se reporter au Comprehensive Bible Dictionary, de Smith, article
« Passover », Life and Times of Jesus the
Messiah, d'Edersheim, pp.480-482, et 566-568, Life of Christ, de
Farrar, appendice, Excursus 10, Life of our Lord, d'Andrew, et les
Dissertations, de Gresswell. Qu'il nous suffise de dire ici que le
manque apparent d'accord peut s'expliquer par l'une ou l'autre de
plusieurs théories. Ainsi, premièrement et très
probablement, la Pâque dont Jean parlait et pour laquelle les
prêtres désiraient se protéger de toute souillure
lévitique peut ne pas avoir été le repas lors
duquel l'agneau pascal fut mangé, mais le repas
supplémentaire, la Chaguigah. On en était venu à
éprouver pour ce repas, dont la viande était désignée
comme sacrifice, une vénération égale à
celle qui s'attachait au repas pascal. Deuxièmement, beaucoup
d'autorités en matière d'histoire juive pensent
qu'avant, pendant et après le temps du Christ on consacrait
annuellement deux nuits à l'observance pascale, que l'on
pouvait manger l'agneau au cours de l'une ou de l'autre de ces nuits,
et que cette extension de temps avait été introduite
pour tenir compte de l'accroissement de population qui nécessitait
le sacrifice cérémoniel d'un nombre plus grand
d'agneaux qu'on ne pouvait en tuer en un seul jour, et dans cet ordre
d'idées il est intéressant de noter que Josèphe
(Guerres, VI, ch. 9:3) rapporte que le nombre d'agneaux immolés
pour une seule Pâque était de 256500. Dans le même
paragraphe, Josèphe déclare que les agneaux devaient
être tués entre la neuvième et la onzième
heure (entre 15 et 17 heures). Selon cette explication, Jésus
et les Douze peuvent avoir pris le repas de la Pâque le premier
des deux soirs, et les Juifs qui, le lendemain, craignaient d'être
souillés, pouvaient avoir retardé leur observance
jusqu'au deuxième soir. Troisièmement, le dernier repas
pascal du Seigneur peut avoir été pris plus tôt
que le moment de l'observance ordinaire, étant donné
qu'il savait que cette nuit-là serait la dernière qu'il
passerait dans la mortalité. Les partisans de cette opinion
considèrent que le message donné à l'homme qui
fournit la chambre pour la Dernière Cène : « Mon
temps est proche » (Mt 26:18) indiquait qu'il était
particulièrement urgent que le Christ et les apôtres
observassent la Pâque avant le jour régulièrement
fixé. Certaines autorités affirment qu'une erreur d'un
jour s'était glissée dans le calcul juif du temps et
que Jésus mangea la Pâque à la date exacte,
tandis que les Juifs avaient un jour de retard. Si « Ia
préparation de la Pâque » (Jean 19:14) le
vendredi, jour de la crucifixion du Christ, signifie l'immolation des
agneaux pascaux, notre Seigneur, du sacrifice duquel toutes les
victimes antérieures de l'autel n'avaient été
que des prototypes, mourut sur la croix tandis que les agneaux de la
Pâque étaient immolés au temple.
2.
Judas Iscariot prit-il le sacrement de la Sainte-Cène du
Seigneur ? : Les brefs récits que nous avons des
événements qui se produisirent lors de la dernière
Cène ne permettent pas de donner une réponse précise
à cette question. Tout ce que l'on peut faire, ce sont des
déductions et non des conclusions. Selon les récits de
Matthieu et de Marc, c'est vers le début du repas que le
Seigneur annonça qu'il y avait un traître parmi les
Douze ; l'institution de la Sainte-Cène se produisit plus
tard. Luc place la prédiction de la trahison après
l'administration du pain et du vin sacramentels. Tous les synoptiques
sont d'accord pour dire que le sacrement de la Sainte-Cène du
Seigneur fut administré avant la fin du repas ordinaire ;
cependant Jésus fit du sacrement un élément
clairement séparé et distinct du repas. Jean (13:2-5)
déclare que le lavement des pieds se produisit après le
repas et nous donne de bonnes raisons de déduire que Judas fut
lavé avec les autres (versets 10-11), et que c'est plus tard
(versets 26-30) qu'il sortit dans la nuit dans le but de trahir
Jésus. Le fait que Jésus donna un morceau trempé
à Judas (versets 26-27) alors même que le repas était
pratiquement terminé ne contredit pas Jean lorsqu'il dit que
le repas proprement dit était terminé avant que le
lavement des pieds ne fût accompli ; cette action ne
semble pas avoir été extraordinaire au point de
provoquer de la surprise. Pour beaucoup il a semblé plausible
qu'à cause de son extrême vilenie Judas ne reçut
pas la permission de prendre avec les autres apôtres
l'ordonnance sacrée de la Sainte-Cène ; d'autres
pensent qu'il reçut la permission de la prendre parce que
c'était le moyen possible de le pousser à abandonner
son dessein mauvais, même à cette heure avancée,
ou de remplir la coupe de son iniquité jusqu'à ce
qu'elle débordât. Personnellement, l'auteur se range à
cette dernière conception.
3.
Le lavement des pieds : L'ordonnance du lavement des pieds fut
rétablie par révélation le 27 décembre
1832. On l'introduisit dans les conditions d'admission à
l'école des prophètes, et des instructions détaillées
quant à son administration furent données (voir D&A
88:140, 141). D'autres directives relatives aux ordonnances
comportant des ablutions furent révélées le 19
janvier 1841 (voir D&A 124:37-39).
4.
Discontinuité du dernier discours du Seigneur aux apôtres :
Il est certain qu'une partie du discours qui suivit la dernière
Cène fut donnée dans la chambre haute où le
Christ et les Douze avaient mangé ; il est possible que
la dernière partie fut prononcée et la prière
offerte (Jean 15, 16, 17) à l'extérieur tandis que
Jésus et les Onze se dirigeaient vers le mont des Oliviers. Le
quatorzième chapitre de Jean se termine par « Levez-vous,
partons d'ici » ; le chapitre suivant commence avec
une autre section du discours. D'après Matthieu 26:30-35 et
Marc 14:26-31 nous pouvons conclure que c'est pendant que le petit
groupe se dirigeait de la ville vers la montagne que le Seigneur
prédit que Pierre le renierait. D'autre part, Jean (18:1) dit
que « après avoir dit cela », à
savoir, le discours tout entier et la prière finale, « Jésus
sortit avec ses disciples (pour aller) de l'autre côté
du ravin du Cédron ». Aucune des paroles sublimes
que le Seigneur prononça ce soir-là, où il
conversa solennellement avec les siens et communia avec le Père
n'est affectée par le lieu : celui-ci a donc peu
d'importance.
5.
Gethsémané : Ce nom signifie « presse à
huile » et provenait probablement d'un moulin qui
fonctionnait à cet endroit-là pour l'extraction d'huile
des olives qui y étaient cultivées. Jean appelle
l'endroit un jardin, appellation qui nous permet de le considérer
comme une propriété privée clôturée.
Le même auteur montre que c'était un lieu fréquenté
par Jésus lorsqu'il cherchait une retraite pour prier ou une
occasion de parler confidentiellement avec les disciples (Jean
18:1,2).
6.
La sueur sanglante : Luc, seul évangéliste à
parler de la sueur et du sang tandis que notre Seigneur agonisait à
Gethsémané, déclare que « sa sueur
devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre »
(22:44). Beaucoup d'exégètes critiques nient qu'il y
ait eu un suintement réel de sang, se basant sur le fait que
l'évangéliste ne l'affirme pas formellement et que les
trois apôtres, qui étaient les seuls témoins
humains, n'auraient pas pu distinguer entre du sang et de la sueur
tombant par gouttes, puisqu'ils regardaient de loin dans la nuit,
même si la lune, qui au moment de la Pâque était
pleine, n'avait pas été cachée. Les Écritures
modernes excluent tout doute à ce sujet. Voir D&A 19:16-19
cité dans le texte (p. 745), ainsi que 18:11. Voir en outre
une prédiction précise sur la sueur sanglante dans le
LM, Mosiah 3:7.
7.
« Tenez-vous en là ! » :
Beaucoup pensent que ces paroles que Jésus prononça en
levant la main pour guérir Malchus blessé s'adressaient
aux disciples, leur interdisant d'intervenir davantage. Trench
(Miracles, 355) considère que le sens est le suivant :
« Arrêtez maintenant, vous avez assez résisté,
restez-en là. » Cette interprétation,
d'ailleurs contestée, a peu d'importance, l'incident n'ayant
aucune influence sur les événements qui suivirent.
8.
Le symbole de la coupe : Prévoyant les souffrances qu'il
allait endurer, le Seigneur les comparait souvent à la coupe
que le Père voulait lui faire boire (Matthieu 26:39, 42, Marc
14:36, Luc 22:42, Jean 18:11, comparer avec Matthieu 20:22, Marc
10:38, 1Co 10:21) ; cela est tout à fait conforme à
l'usage que fait l'Ancien Testament du terme « coupe »,
expression symbolique d'une potion amère ou empoisonnée,
représentant les expériences de la souffrance. Voir Ps
11:6, 75:8, Es 51:17, 22, Jr 25:15,17, 49:12. On trouvera par
contraste ce terme employé dans le sens opposé dans
certains passages, par exemple Ps 16:5, 23:5, 116:13, Jr 16:7.
CHAPITRE
34 : LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION
LE
PROCÈS JUIF
De
Gethsémané le Christ ligoté et captif fut traîné
devant les dirigeants juifs. Jean est seul à nous apprendre
que le Seigneur fut emmené tout d'abord devant Anne, qui
l'envoya, toujours lié, à Caïphe, le souverain
sacrificateur [1] ; les synoptiques ne rapportent que la
comparution devant Caïphe [2]. Nous n'avons aucun détail
sur l'entretien avec Anne ; et il était aussi irrégulier
et illégal, selon la loi hébraïque, de faire
comparaître Jésus devant lui que le furent les autres
actes de procédure de cette nuit-là. Anne, qui était
le beau-père de Caïphe, avait été déposé
de ses fonctions de souverain sacrificateur plus de vingt ans
auparavant, mais pendant toute cette période il avait exercé
une puissante influence dans toutes les affaires de la
hiérarchie [3]. Caïphe, comme Jean prend bien soin
de nous le rappeler, « était celui qui avait donné
aux Juifs le conseil : 'Il est préférable qu'un
seul homme meure pour le peuple.' [4] »
Au
palais de Caïphe étaient assemblés les principaux
sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple en réunion
du sanhédrin, non officielle, tous attendant impatiemment le
résultat de l'expédition menée par Judas.
Lorsque Jésus, objet de leur haine violente et leur future
victime, fut introduit, prisonnier ligoté, on le fit
immédiatement passer en jugement, contrairement à la
loi, tant écrite que traditionnelle, dont ces dirigeants des
Juifs rassemblés professaient être les champions si
zélés. On ne pouvait procéder légalement
à un interrogatoire pour un crime capital que dans la salle de
tribunal officielle du sanhédrin. Le récit que nous
donne le quatrième évangile nous permet de conclure que
le prisonnier fut tout d'abord soumis à un interrogatoire de
la part du souverain sacrificateur en personne [5]. Ce
fonctionnaire, il n'est pas dit si c'était Anne ou Caïphe,
interrogea Jésus sur ses disciples et ses enseignements. Cette
enquête préliminaire était tout à fait
illégale, car le code hébreu prévoyait que les
témoins de l'accusation dans une cause quelconque devant la
cour devaient formuler leur accusation contre l'accusé, et que
ce dernier devait être protégé contre toute
tentative de le pousser à témoigner contre lui-même.
La réponse du Seigneur aurait dû être une
protestation suffisante devant le souverain sacrificateur pour
l'empêcher de se livrer à d'autres procédés
illégaux. « J'ai parlé ouvertement au
monde ; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans
le temple, où tous les Juifs s'assemblent, et je n'ai parlé
de rien en secret. Pourquoi m'interroges-tu ? Demande à
ceux qui m'ont entendu de quoi je leur ai parlé ; voici
qu'ils savent, eux, ce que moi j'ai dit. » C'était
une objection légale contre ce procédé illégal
de refuser à un prisonnier qui passait en jugement son droit
d'être confronté avec ses accusateurs. Elle fut reçue
ouvertement avec dédain, et l'un des huissiers qui se trouvait
tout près, espérant peut-être obtenir ainsi la
faveur de ses supérieurs, alla jusqu'à frapper
violemment Jésus [6], en lui posant la question :
« Est-ce ainsi que tu réponds au souverain
sacrificateur ? » À cette lâche attaque
le Seigneur répondit avec une douceur presque surhumaine [7] :
« Si j'ai mal parlé, prouve ce qu'il y a de mal ;
et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
À cette soumission se mêlait cependant ici un autre
appel aux principes de la justice ; si ce que Jésus avait
dit était mal, pourquoi celui qui l'avait assailli ne
l'accusait-il pas, et s'il avait bien parlé, de quel droit un
officier de police ou un juge condamnait-il et punissait-il, et ce,
en présence du souverain sacrificateur ? La loi et la
justice avaient été détrônées cette
nuit-là.
« Les
principaux sacrificateurs et tout le sanhédrin cherchaient
quelque faux témoignage contre Jésus, pour le faire
mourir » [8]. Que « tout le
sanhédrin » signifie un quota légal, ce qui
ferait 23 ou davantage ou l'assemblée complète des
soixante-douze sanhédristes, cela n'a que peu d'importance.
Toute session nocturne du sanhédrin, et plus particulièrement
pour l'examen d'une accusation de crime, était directement une
violation de la loi juive. De même, il était illégal
de la part du sanhédrin d'examiner pareille accusation un jour
de sabbat, un jour férié ou la veille d'un jour de ce
genre. Au sanhédrin, tous les membres étaient juges ;
le groupe des juges devait entendre le témoignage et, selon ce
témoignage et rien d'autre, rendre une décision dans
tous les cas dûment présentés. Il était
requis des accusateurs qu'ils comparussent en personne, et on devait
tout d'abord les avertir contre tout faux témoignage. Tous les
accusés devaient être considérés et
traités comme innocents jusqu'à ce qu'ils fussent
dûment condamnés. Mais dans le prétendu jugement
de Jésus, les juges non seulement cherchèrent des
témoins mais essayèrent tout particulièrement de
trouver de faux témoins. Beaucoup de faux témoins
vinrent, mais cependant il n'y eut aucun témoignage contre le
prisonnier, parce que les parjures subornés n'étaient
pas d'accord entre eux, et même les sanhédristes sans
loi hésitaient à enfreindre ouvertement la règle
fondamentale qui voulait que deux témoins concordants au moins
témoignassent contre un accusé, faute de quoi l'affaire
devait être rejetée.
Les
juges ecclésiastiques avaient déjà décidé
que Jésus devait être condamné sur une accusation
ou une autre et être mis à mort ; leur incapacité
à trouver des témoins contre lui menaçait de
retarder l'exécution de leur néfaste projet. La haine
et la précipitation caractérisèrent de bout en
bout leur façon de procéder ; ils firent arrêter
illégalement Jésus le soir ; ils procédaient
illégalement à un semblant de jugement la nuit ;
leur but était de condamner le prisonnier suffisamment à
temps pour l'amener devant les autorités romaines aussitôt
que possible dans la matinée - comme criminel dûment
jugé et considéré digne de mourir. L'absence de
deux témoins hostiles qui diraient les mêmes mensonges
était un obstacle grave. Mais « enfin il en vint
deux qui dirent : Celui-là a dit : je puis détruire
le temple de Dieu, et le rebâtir en trois jours. »
Cependant d'autres attestèrent : « Nous
l'avons entendu dire : Je détruirai ce temple fait par la
main de l'homme et en trois jours j'en bâtirai un autre qui ne
sera pas fait par la main de l'homme » [9]. Et
ainsi, comme l'observe Marc même dans ce détail leurs
témoignages ne concordaient pas. Il est certain que dans une
affaire portée devant un tribunal, une différence comme
celle qui apparaît entre « je puis » et
« je détruirai » dans des paroles
attribuées à l'accusé est d'importance capitale.
Cependant ce semblant d'accusation officielle était la seule
base de l'accusation portée contre le Christ à ce stade
du jugement. On se souviendra que lors de la première
purification du temple, vers le début du ministère du
Christ, celui-ci avait répondu aux Juifs qui avaient demandé
à cor et à cri un signe de son autorité en
disant : « Détruisez ce temple, et en trois
jours je le relèverai. » Il n'avait pas du tout dit
que c'était lui qui allait détruire ; c'était
les Juifs qui détruiraient, et lui qui relèverait. Mais
l'auteur inspiré prend le soin d'expliquer que Jésus
« parlait du temple de son corps », et pas du
tout des bâtiments élevés par l'homme [10].
Il
pourrait être raisonnable de se demander quelle portée
sérieuse on pouvait attacher à une déclaration
comme celle que les témoins parjures prétendaient avoir
entendue des lèvres du Christ. La vénération que
les Juifs professaient pour la sainte maison, dont ils profanaient
cependant les lieux sans pudeur, donne une réponse partielle
mais insuffisante. Dans leur conspiration contre le Christ, il semble
que les dirigeants aient eu pour plan de le condamner pour sédition,
le faisant passer pour un fauteur de troubles dangereux qui mettait
en péril la paix de la nation, attaquait les institutions
établies et incitait par conséquent à
l'opposition contre l'autonomie vassale de la nation juive et la
domination suprême de Rome [11].
L'ombre
vaguement définie d'une accusation légale produite par
le témoignage ténébreux et sans consistance des
faux témoins suffit à enhardir l'inique tribunal.
Caïphe, se levant de son siège pour souligner sa question
d'une manière dramatique, demanda à Jésus :
« Ne réponds-tu rien ? De quoi témoignent-ils
contre toi ? » Il n'y avait rien à répondre.
Le témoignage qui avait été porté contre
lui n'était ni logique ni valable ; par conséquent
il garda un silence digne. Alors Caïphe, enfreignant
l'interdiction légale de demander à quiconque de
témoigner dans sa propre affaire si ce n'est volontairement et
de sa propre initiative, ne se contenta pas d'exiger une réponse
de la part du prisonnier mais exerça la puissante prérogative
de l'office du souverain sacrificateur de placer l'accusé sous
serment, comme témoin devant le tribunal sacerdotal. « Et
le souverain sacrificateur », prenant la parole, « Iui
dit : je t'adjure par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le
Christ, le Fils de Dieu » [12]. Le fait qu'il sépara
les deux qualificatifs « le Christ » et le
« Fils de Dieu » est significatif en ce qu'il
indique que les Juifs attendaient un Messie mais ne reconnaissaient
pas qu'il devait être d'origine divine. Rien de ce qui avait
été dit avant ne pouvait justifier pareille question.
L'accusation de sédition était sur le point d'être
remplacée par une accusation plus énorme encore :
celle de blasphème [13].
Jésus
répondit à cette adjuration absolument injuste et
pourtant officielle du souverain sacrificateur : « Tu
l'as dit. De plus je vous le déclare, vous verrez désormais
le Fils de l'homme assis à la droite du Tout-Puissant et
venant sur les nuées du ciel. » Cette expression :
« Tu l'as dit » était équivalente
à « Je suis ce que tu as dit » [14].
C'était un aveu sans restriction de sa filiation divine et de
sa Divinité inhérente. « Alors le souverain
sacrificateur déchira ses vêtements et dit : Il a
blasphémé. Qu'avons-nous encore besoin de témoins ?
Vous venez d'entendre son blasphème. Qu'en pensez-vous ?
Ils répondirent : Il est passible de mort » [15].
C'est
ainsi que les juges d'Israël, y compris le souverain
sacrificateur, les principaux sacrificateurs, les scribes et les
anciens du peuple, le grand sanhédrin, illégalement
assemblés, décrétaient que le Fils de Dieu
méritait la mort sans autre preuve que sa propre affirmation
d'identité. Le code juif interdisait expressément de
condamner, spécialement lors d'une accusation de crime, toute
personne sur son propre aveu, si celui-ci n'était amplement
confirmé par la déposition de témoins dignes de
confiance. De même que dans le jardin de Gethsémané
Jésus s'était rendu volontairement, ainsi donnait-il
personnellement et volontairement devant les juges les preuves sur
lesquelles ils déclarèrent injustement qu'il méritait
la mort. Il ne pouvait y avoir d'autre crime dans la prétention
à être Messie ou à une filiation divine que la
fausseté de cette prétention. C'est en vain que nous
examinons les documents pour y trouver ne serait-ce qu'un
sous-entendu pour nous informer qu'une enquête fut faite ou
proposée quant aux raisons sur lesquelles Jésus basait
ses prétentions sublimes. En déchirant ses vêtements,
le souverain sacrificateur affectait d'une manière
spectaculaire son horreur pieuse devant le blasphème dont ses
oreilles avaient été agressées. La loi
interdisait expressément au souverain sacrificateur de
déchirer ses vêtements [16], mais les écrits
extra-scripturaires nous apprennent que les lois traditionnelles
permettaient de déchirer ses vêtements pour attester un
crime extrêmement grave comme celui de blasphème [17].
Nous n'avons aucune indication nous informant si le vote des juges
fut demandé et enregistré de la manière exacte
et ordonnée requise par la loi.
Jésus
était donc condamné pour la transgression la plus
abominable connue de la juiverie. Bien qu'injustement, il avait été
jugé coupable de blasphème par le tribunal suprême
du pays. Pour être précis, nous ne pouvons pas dire que
les sanhédristes condamnèrent le Christ à mort,
étant donné que le pouvoir de prononcer des sentences
de mort avait été retiré au tribunal juif par
décret romain. Le tribunal des souverains sacrificateurs
décida cependant que Jésus méritait de mourir,
et c'est ce qu'ils attestèrent lorsqu'ils le livrèrent
à Pilate. Débordant de haine et de méchanceté,
les juges d'Israël abandonnèrent leur Seigneur aux
caprices des valets, qui lui firent subir toutes les indignités
que leurs instincts brutaux pouvaient leur inspirer. Ils lui
lancèrent leurs crachats impurs au visage [18] ;
ensuite, lui ayant bandé les yeux, ils s'amusèrent à
le frapper sans arrêt, en disant : « Christ,
devine, dis-nous qui t'a frappé. » La foule des
mécréants le couvrit de moqueries et de sarcasmes, et
en réalité se fit en fait blasphématrice [19].
La
loi et les coutumes de l'époque requéraient qu'une
personne jugée coupable d'un crime capital fût soumise,
après avoir été dûment jugée devant
un tribunal juif, à un deuxième jugement le lendemain ;
lors de cette seconde séance, l'un des juges, ou l'ensemble de
ceux-ci, qui avaient précédemment voté pour la
culpabilité, pouvait changer d'avis ; mais quiconque
avait demandé l'acquittement ne pouvait altérer son
vote. La majorité simple suffisait pour l'acquittement, mais
il fallait plus qu'une majorité qualifiée pour
condamner. En vertu d'un article qui doit nous sembler absolument
extraordinaire, si tous les juges votaient pour la condamnation dans
un crime capital, le verdict était invalidé et l'accusé
devait être mis en liberté ; en effet, disait-on,
si l'on votait unanimement contre un prisonnier, cela voudrait dire
qu'il n'avait ni ami ni défenseur au tribunal et que les juges
pouvaient avoir ourdi une conspiration contre lui. En vertu de cette
loi de la jurisprudence hébraïque, le verdict prononcé
contre Jésus et qui fut rendu lors de la session nocturne
illégale des sanhédristes, était sans valeur,
car il nous est dit clairement que « tous le condamnèrent
comme passible de mort » [20].
Voulant
apparemment créer un vague prétexte de légalité
dans leur procédure, les sanhédristes ajournèrent
la séance pour se réunir de nouveau au petit matin. Ils
se conformaient ainsi techniquement à la loi selon laquelle,
dans tous les cas où l'on avait décrété
la peine de mort, le tribunal devait entendre et juger une deuxième
fois dans une session ultérieure, mais ils ignorèrent
complètement la règle absolument formelle qui voulait
que le deuxième jugement eût lieu le lendemain de la
première séance. Entre les deux sessions séparées
d'un jour les juges devaient jeûner et prier, et examiner
calmement et sérieusement l'affaire à juger.
Luc,
qui ne donne aucun détail sur le procès nocturne de
Jésus, est le seul évangéliste à faire un
récit détaillé de la session du matin. Il dit :
« Quand il fit jour, le collège des anciens du
peuple, les principaux sacrificateurs et les scribes s'assemblèrent
et firent amener Jésus devant leur sanhédrin » [21].
Certains savants bibliques ont compris l'expression « amener
Jésus devant leur sanhédrin », dans le sens
que Jésus fut condamné par le sanhédrin dans la
salle officielle du tribunal, c'est-à-dire la gazith ou salle
des pierres taillées, comme le voulait la loi de l'époque ;
mais c'est une position qui est contredite par Jean qui dit qu'ils
emmenèrent Jésus directement de Caïphe au tribunal
romain [22].
Il
est probable qu'à cette session du petit matin on approuva la
procédure irrégulière des heures nocturnes et
que l'on décida des détails de la procédure
ultérieure à suivre. Ils « se consultèrent
sur les moyens de le faire périr » ; néanmoins
ils remplirent les formalités d'un deuxième procès,
dont les conclusions furent grandement facilitées par les
déclarations volontaires du prisonnier. Absolument rien ne
permettait aux juges de demander à l'accusé de
témoigner ; ils auraient dû examiner de nouveau les
témoins à charge. La première question qui lui
fut posée fut : « Si tu es le Christ, dis-le
nous. » Le Seigneur répondit avec dignité :
« Si je vous le dis, vous ne le croirez point ; et si
je vous interroge vous ne répondrez point. Désormais le
Fils de l'homme sera assis à la droite de la Puissance de
Dieu. » Ni la question, ni la réponse
n'entraînaient la condamnation. Le pays tout entier attendait
le Messie ; si Jésus prétendait l'être, la
seule action judiciaire appropriée serait de s'informer des
mérites de cette prétention. La question cruciale
suivit immédiatement : « Tu es donc le Fils de
Dieu ? Et il leur répondit : Vous le dites, je le
suis. Alors ils dirent : Qu'avons-nous encore besoin de
témoignage ? Nous l'avons entendu nous-mêmes de sa
bouche » [23].
Jéhovah
était donc déclaré coupable de blasphème
contre Jéhovah. Le seul mortel à qui il était
impossible d'imputer ce crime terrible qu'est le blasphème en
prétendant avoir des attributs et des pouvoirs divins était
condamné comme blasphémateur devant les juges d'Israël.
« Tout le sanhédrin », expression qui
peut vouloir dire un quota légal, était impliqué
dans l'action finale. C'est ainsi que prit fin le prétendu
« jugement » de Jésus devant le
souverain sacrificateur et les anciens [24] de son peuple. « Le
matin venu, tous les principaux sacrificateurs et les anciens du
peuple tinrent conseil contre Jésus, pour le faire mourir.
Après l'avoir lié, ils l'emmenèrent et le
livrèrent à Pilate le gouverneur » [25]. Pendant
les quelques heures qui lui restaient à vivre sur terre, il
serait entre les mains des Gentils, trahi et livré par les
siens [26].
PIERRE
RENIE SON SEIGNEUR [27]
Lorsque
Jésus fut arrêté dans le jardin de Gethsémané,
les Onze l'abandonnèrent tous et s'enfuirent. Il ne faut pas
considérer ce fait comme une preuve certaine qu'ils étaient
des lâches, car le Seigneur avait voulu qu'ils partent [28].
Pierre et un autre disciple au moins suivirent de loin ; lorsque
les gardes armés furent entrés au palais du souverain
sacrificateur avec leur prisonnier, Pierre « entra et
s'assit avec les gardes pour voir comment cela finirait ».
Le disciple dont le nom n'est pas donné et qui connaissait le
souverain sacrificateur l'aida à s'introduire. Cet autre
disciple était probablement Jean, du moins c'est ce que nous
pouvons penser puisqu'il n'est mentionné que dans le quatrième
évangile, dont l'auteur, et cela est caractéristique
chez lui, ne se désigne jamais par son propre nom [29].
Tandis
que Jésus se trouvait devant les sanhédristes, Pierre
demeura en bas avec les serviteurs. La porte était gardée
par une jeune femme ; ses soupçons féminins
avaient été éveillés lorsqu'elle reçut
Pierre, et tandis qu'il était assis avec d'autres dans la cour
du palais, elle s'approcha de lui et, l'ayant observé
attentivement, dit : « Toi aussi, tu étais
avec Jésus le Galiléen. » Mais Pierre nia,
affirmant qu'il ne connaissait pas Jésus. Pierre était
agité ; sa conscience et la peur d'être reconnu
comme disciple du Seigneur le troublaient. Il quitta la foule et
chercha une solitude partielle sous le porche ; mais là,
une autre servante le découvrit et dit à ceux qui se
trouvaient tout près : « Celui-ci était
avec Jésus de Nazareth » ; accusation à
laquelle Pierre répondit avec serment : « Je
ne connais pas cet homme. »
On
était en avril et la nuit était froide ; on avait
fait un feu dans le hall ou la cour du palais. Pierre s'assit près
du feu avec d'autres, pensant peut-être qu'il valait sans doute
mieux, pour ne pas être repéré, se découvrir
avec audace que chercher à se cacher. Une heure environ après
ses deux premiers reniements, quelques-uns des hommes qui se
trouvaient autour du feu l'accusèrent d'être disciple de
Jésus et se servirent de son dialecte galiléen pour
prouver qu'il était au moins compatriote du prisonnier du
souverain sacrificateur ; menace plus grande encore, un parent
de Malchus, dont Pierre avait coupé l'oreille de son épée,
demanda péremptoirement : « Ne t'ai-je pas vu
avec lui dans le jardin ? » Dans la série de
mensonges où il s'était lancé, Pierre alla
jusqu'à proférer des imprécations, à
jurer et à déclarer avec véhémence pour
la troisième fois : « Je ne connais pas cet
homme. » Comme le dernier mensonge impie quittait ses
lèvres, les notes claires du chant d'un coq lui frappèrent
les oreilles [30], et dans son esprit jaillit le souvenir de ce
que son Seigneur avait prédit. Tremblant et conscient de sa
perfide lâcheté, le malheureux se détourna de
l'attroupement et rencontra le regard douloureux du Christ qui, du
milieu de la foule insolente, regardait dans les yeux son apôtre
vantard, et cependant aimant mais faible. Quittant précipitamment
le palais, Pierre sortit dans la nuit, pleurant amèrement.
Comme l'atteste sa vie ultérieure, ses larmes étaient
celles d'une contrition réelle et d'un véritable
repentir.
PREMIÈRE
COMPARUTION DU CHRIST DEVANT PILATE
Comme
nous l'avons déjà appris, aucun tribunal juif n'avait
l'autorité d'infliger la peine de mort ; la Rome
impériale s'était réservé cette
prérogative. Il serait inutile au sanhédrin de
prétendre à l'unisson que Jésus méritait
la mort tant que cela n'était pas sanctionné par le
représentant de l'empereur, qui était à l'époque
Ponce Pilate, gouverneur, ou plus exactement procurateur de Judée,
de Samarie et d'Idumée. Pilate avait sa résidence
officielle à Césarée [31], au bord de la
Méditerranée ; mais il avait coutume d'être
à Jérusalem à l'époque des grandes fêtes
hébraïques, voulant probablement préserver l'ordre
ou étouffer promptement tous les troubles qui pourraient
naître parmi les vastes multitudes hétérogènes
qui se pressaient dans la ville pendant ces fêtes. Lors de
cette Pâque importante, le gouverneur était à
Jérusalem avec ses lieutenants. Au petit matin du vendredi,
tous les membres du sanhédrin menèrent Jésus,
lié, au tribunal de Ponce Pilate ; mais ils évitèrent
scrupuleusement d'entrer dans le bâtiment de crainte de se
souiller ; en effet le lieu du jugement faisait partie de la
maison d'un Gentil, et il pouvait s'y trouver quelque part du pain
avec du levain, et le fait même de s'en approcher les rendrait
cérémoniellement impurs. Chacun pourra qualifier
lui-même le genre d'hommes qui ont peur ne serait-ce que d'être
près du levain alors même qu'ils sont assoiffés
de sang innocent.
Par
déférence pour leurs scrupules, Pilate sortit du
palais ; lorsqu'ils lui remirent leur prisonnier, il demanda :
« Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »
La question, quoique strictement de circonstance et judiciairement
nécessaire, surprit et déçut les gouverneurs
ecclésiastiques, qui s'étaient évidemment
attendus à ce que le gouverneur approuvât tout
simplement leur verdict par pure formalité et prononçât
la sentence en conséquence ; mais au lieu de cela, Pilate
était apparemment décidé à exercer son
autorité de juger seul. Avec une contrariété mal
cachée, leur porte-parole, probablement Caïphe,
répondit : « Si ce n'était pas un
malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. »
C'était maintenant au tour de Pilate de prendre ou du moins de
feindre de prendre ombrage, et il dit en substance : Oh, très
bien ; si vous ne voulez pas énoncer l'accusation selon
les formes, prenez-le et jugez-le selon vos lois ; ne m'ennuyez
plus avec cette affaire. Mais les Juifs répondirent :
« Il ne nous est pas permis de mettre quelqu'un à
mort. »
Jean
l'apôtre voit dans cette dernière réflexion la
détermination des Juifs de faire mettre Jésus à
mort non seulement par une sanction romaine mais aussi par des
bourreaux romains [32] ; en effet comme nous pourrons le
voir rapidement, si Pilate avait approuvé la sentence de mort
et remis le Prisonnier aux Juifs pour qu'ils l'infligent, Jésus
aurait été lapidé conformément au
châtiment hébreu pour le blasphème ; le
Seigneur, lui, avait clairement prédit que sa mort serait par
crucifixion, ce qui était une méthode d'exécution
romaine que ne pratiquaient jamais les Juifs. En outre, si Jésus
avait été mis à mort par les dirigeants Juifs,
même avec la sanction gouvernementale, il aurait pu en résulter
une insurrection parmi le peuple, car il y en avait beaucoup qui
croyaient en lui. Les chefs rusés étaient décidés
à obtenir sa mort par condamnation romaine.
« Ils
se mirent à l'accuser, en disant : Nous avons trouvé
celui-ci qui incitait notre nation à la révolte,
empêchait de payer l'impôt à César, et se
disait lui-même Christ, roi » [33]. Il est
important de remarquer qu'on ne formula aucune accusation de
blasphème devant Pilate ; si pareille accusation avait
été présentée, le gouverneur dont le cœur
et l'esprit étaient totalement païens, aurait
probablement laissé tomber l'accusation, la considérant
comme absolument indigne d'être entendue ; en effet, Rome,
avec ses dieux multiples, dont le nombre grandissait constamment du
fait que les païens déifiaient continuellement des
mortels, n'avaient pas connaissance d'une violation de la loi telle
que le blasphème dans le sens juif. Les sanhédristes
accusateurs n'hésitèrent pas à substituer au
blasphème, qui était le plus grand crime connu dans le
code hébraïque, l'accusation de haute trahison, qui était
la violation de la loi la plus grave dans la catégorie des
crimes romains. Le Christ, calme et digne, ne daigna pas répondre
aux accusations vociférées par les principaux
sacrificateurs et les anciens. Il leur avait parlé pour la
dernière fois - jusqu'au moment fixé d'un autre procès
où c'est lui qui sera le Juge et eux les prisonniers devant la
barre.
Pilate
fut surpris du comportement soumis et cependant majestueux de Jésus ;
il y avait certainement, chez cet homme, beaucoup de caractère
royal ; jamais quelqu'un comme celui-ci ne s'était tenu
devant lui. Néanmoins, l'accusation était grave. Les
hommes qui prétendaient au titre de roi pouvaient se révéler
dangereux pour Rome, et cependant l'accusé ne répondait
rien à cette accusation. Entrant au tribunal, Pilate fit
appeler Jésus [34]. Le récit détaillé
des événements que nous trouvons dans le quatrième
évangile montre que certains des disciples, et parmi eux
presque certainement Jean, entrèrent également.
N'importe qui pouvait entrer, car un trait réel et très
célèbre des procès romains était qu'ils
étaient publics.
Pilate
qui, c'est clair, n'éprouvait aucune animosité ni aucun
préjugé contre Jésus, demanda : « Es-tu
le roi des Juifs ? Jésus répondit : Est-ce de
toi-même que tu dis cela, ou d'autres te l'ont-ils dit de
moi ? » La question du Seigneur signifiait, c'est
ainsi que le comprit Pilate, comme le montre sa réplique et
comme nous pourrions la formuler : Demandes-tu cela dans le sens
romain et littéral - à savoir si je suis un roi dont le
royaume est terrestre - ou dans le sens juif et plus spirituel ?
S'il avait répondu directement « oui »,
il aurait dit vrai dans le sens messianique, mais aurait menti dans
le sens profane ; et « non » aurait été
inversement vrai ou faux. « Pilate répondit :
Moi, suis-je donc juif ? Ta nation et les principaux
sacrificateurs t'ont livré à moi : qu'as-tu fait ?
Jésus répondit : Mon royaume n'est pas de ce
monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs
auraient combattu pour moi, afin que je ne sois pas livré aux
Juifs ; mais maintenant, mon royaume n'est pas d'ici-bas. Pilate
lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit :
Tu le dis : je suis roi. Voici pourquoi je suis né et
voici pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre
témoignage à la vérité. Quiconque est de
la vérité écoute ma voix. »
Il
était clair pour le gouverneur romain que cet homme admirable,
avec sa mission sublime d'un royaume qui ne serait pas de ce monde et
d'un empire de vérité dans lequel il devait régner,
n'était pas un révolté politique ; et que
le considérer comme une menace pour les institutions romaines
serait absurde. Ces dernières paroles - au sujet de la vérité
- étaient les plus embarrassantes de toutes ; Pilate
était agité, et peut-être un peu effrayé
de leur importance. « Qu'est-ce que la vérité ? »
s'exclama-t-il plutôt avec appréhension qu'il ne le
demanda en s'attendant à une réponse, au moment où
il s'apprêtait à quitter la salle. Il annonça
officiellement aux Juifs qui se trouvaient à l'extérieur
que le prisonnier était acquitté. « Moi, je
ne trouve aucun motif (de condamnation) en lui », fut son
verdict.
Mais
les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple
ne se laissèrent pas rebuter. Ils étaient tellement
assoiffés du sang du Christ que cette soif s'était
transformée en folie. Ils hurlèrent sauvagement et
férocement : « Il soulève le peuple, en
enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée où
il a commencé, jusqu'ici. » Lorsqu'il fut parlé
de la Galilée, cela donna à Pilate l'idée
d'employer une nouvelle procédure. S'étant assuré
par une enquête que Jésus était Galiléen,
il décida d'envoyer le prisonnier à Hérode,
gouverneur vassal de cette province, qui se trouvait à
Jérusalem à l'époque [35]. Pilate espérait
ainsi se débarrasser de toute responsabilité dans
l'affaire, et en outre, Hérode, avec lequel il avait de
mauvais rapports, pourrait ainsi être apaisé.
LE
CHRIST DEVANT HÉRODE [36]
Hérode
Antipas, fils dégénéré de son infâme
père, Hérode le Grand [37] était à
ce moment-là tétrarque de Galilée et de Pérée,
et selon l'usage populaire, que ne justifiait cependant pas la
sanction impériale, se faisait flatteusement appeler roi.
C'est lui qui, accomplissant un vœu impie inspiré par
les flatteries voluptueuses d'une femme, avait ordonné le
meurtre de Jean-Baptiste. Il gouvernait comme vassal romain et
professait être orthodoxe dans les observances du judaïsme.
Il était venu en grande pompe à Jérusalem pour
célébrer la fête de la Pâque. Hérode
fut heureux de se voir envoyer Jésus par Pilate, car cette
action n'était pas seulement gracieuse de la part du
procurateur, constituant comme le prouvèrent les événements
ultérieurs, le préliminaire d'une réconciliation
entre les deux gouverneurs [38], mais c'était aussi un
moyen de satisfaire la curiosité qu'éprouvait Hérode
à voir Jésus dont il avait tant entendu parler, dont la
réputation l'avait terrifié et grâce auquel il
espérait maintenant voir accomplir quelque miracle
intéressant [39].
Si
effrayé qu'Hérode ait pu être jadis devant Jésus,
qu'il avait superstitieusement cru être la réincarnation
de sa victime assassinée, Jean-Baptiste, ce sentiment était
maintenant remplacé par un intérêt amusé
lorsqu'il vit, lié devant lui, le célèbre
prophète de Galilée, accompagné d'une garde
romaine et de fonctionnaires ecclésiastiques. Hérode
commença à questionner le prisonnier, mais Jésus
resta silencieux. Les principaux sacrificateurs et les scribes
exprimèrent avec véhémence leurs accusations,
mais le Seigneur ne prononça pas un mot. Hérode est le
seul personnage de l'histoire à qui Jésus, pour autant
qu'on le sache, appliqua personnellement une épithète
méprisante. « Allez dire à ce renard »,
dit-il un jour à certains Pharisiens qui étaient venus
le trouver pour lui dire qu'Hérode avait l'intention de le
tuer [40]. Pour autant que nous le sachions, Hérode se
distingue en outre par ce qu'il est le seul être qui ait vu le
Christ face à face et qui lui ait parlé sans jamais
entendre sa voix. Pour les pécheurs repentants, les femmes en
pleurs, les enfants babillards, pour les scribes, les Pharisiens, les
Sadducéens, les rabbis, pour le souverain sacrificateur
parjure et son sujet obséquieux et insolent, et pour Pilate le
païen, le Christ avait des paroles - de réconfort ou
d'enseignement, d'avertissement ou de réprimande, de
protestation ou de dénonciation - et cependant pour Hérode,
le renard, il n'avait qu'un silence dédaigneux et royal. Piqué
au vif, Hérode passa des questions insultantes à des
actes de dérision méchante. Lui et ses soldats se
moquèrent des souffrances du Christ et le traitèrent
« avec mépris », puis, après
l'avoir, pour se moquer de lui, « revêtu d'un habit
éclatant, il le renvoya à Pilate » [41].
Hérode n'avait rien trouvé en Jésus qui
justifiât une condamnation.
LE
CHRIST COMPARAÎT DE NOUVEAU DEVANT PILATE [42]
Le
procurateur romain, voyant qu'il ne pouvait éviter l'examen du
cas, assembla « Ies principaux sacrificateurs, les chefs
et le peuple, et leur dit : Vous m'avez amené cet homme
comme entraînant le peuple à la révolte. Voici :
je l'ai interrogé devant vous et je ne l'ai trouvé
coupable d'aucune des fautes dont vous l'accusez : Hérode
non plus, car il nous l'a renvoyé, et voici : cet homme
n'a rien fait qui soit digne de mort. Je le relâcherai donc
après l'avoir fait châtier ». Pilate désirait
sincèrement sauver Jésus de la mort, mais il faisait
une concession infâme aux préjugés juifs en
décidant de faire flageller le prisonnier, dont il avait
affirmé et répété l'innocence. Il savait
que l'accusation de sédition et de trahison n'était pas
fondée, et qu'il était parfaitement ridicule de la part
de la hiérarchie juive, dont la loyauté feinte à
César n'était que le manteau dont elle couvrait une
haine inhérente et inextinguible, de formuler pareille
accusation ; et il était parfaitement conscient que les
dirigeants ecclésiastiques avaient livré Jésus
entre ses mains par envie et méchanceté [43].
Il
était de coutume qu'au moment de la Pâque le gouverneur
amnistiât et remit en liberté tout prisonnier condamné
que le peuple nommerait. Ce jour-là, il y avait en suspens, en
attendant son exécution, « un nommé
Barabbas... en prison avec des émeutiers pour avoir, lors
d'une émeute, commis un meurtre ». Cet homme était
condamné du délit même dont Jésus avait
été prononcé innocent, explicitement par Pilate
et implicitement par Hérode, et en plus de cela, Barabbas
était un assassin. Pilate essaya d'apaiser les prêtres
et le peuple en libérant Jésus. Le faire bénéficier
de l'amnistie de la Pâque, c'était reconnaître
tacitement la condamnation du Christ devant le tribunal
ecclésiastique et pratiquement confirmer la sentence de mort,
remplacée par le pardon officiel. C'est pourquoi il leur
demanda : « Lequel voulez-vous que je vous relâche,
Barabbas, ou Jésus appelé le Christ ? »
Il semble qu'il y ait eu un bref intervalle entre la question de
Pilate et la réponse du peuple, intervalle au cours duquel les
principaux sacrificateurs et les anciens s'activèrent parmi la
multitude à l'exhorter à demander la libération
du révolté et de l'assassin. Aussi, lorsque Pilate
répéta la question : « Lequel des deux
voulez-vous que je vous relâche ? » Israël
assemblé cria : « Barabbas. »
Pilate, surpris, déçu et irrité, demanda alors :
« Que ferai-je donc de Jésus, appelé le
Christ ? Tous répondirent : Qu'il soit crucifié !
Le gouverneur dit : Mais quel mal a-t-il fait ? Et ils
crièrent encore plus fort : Qu'il soit crucifié ! »
Le
gouverneur romain était profondément troublé et
intérieurement effrayé. Pour augmenter sa perplexité,
il reçut un message avertisseur de sa femme, alors même
qu'il était assis sur le siège du jugement : « Ne
te mêle pas de l'affaire de ce juste, car aujourd'hui j'ai
beaucoup souffert en songe à cause de lui. » Il est
caractéristique de ceux qui ne connaissent pas Dieu qu'ils
sont superstitieux. Pilate avait peur de penser à la menace
terrible dont le songe de sa femme pouvait être le présage.
Mais voyant qu'il ne pouvait l'emporter et prévoyant un
tumulte parmi le peuple s'il persistait à défendre le
Christ, il se fit apporter de l'eau et se lava les mains devant la
multitude - acte symbolique par lequel on rejetait toute
responsabilité, et que tous comprirent - proclamant en même
temps : « Je suis innocent du sang de ce juste. Cela
vous regarde. » C'est alors que s'éleva le terrible
cri par lequel le peuple de l'alliance se condamnait lui-même :
« Que son sang (retombe) sur nous et sur nos enfants ! »
L'histoire rend un témoignage effrayant de ce que ce vœu
terrible s'accomplit littéralement [44]. Pilate libéra
Barabbas et remit Jésus à la garde des soldats pour
qu'ils le flagellent.
La
flagellation était un préliminaire terrible à la
mort sur la croix. L'instrument du châtiment était un
fouet fait de nombreuses lanières, armées de métal
et terminées par des morceaux d'os dont les extrémités
étaient déchiquetées. Les documents rapportent
certains cas dans lesquels le condamné mourait sous le fouet
et échappait ainsi aux horreurs d'être crucifié
vif. Conformément aux coutumes brutales de l'époque,
Jésus, affaibli et sanglant après l'effrayante
flagellation qu'il avait subie, fut livré aux soldats à
demi sauvages pour leur amusement. Ce n'était pas une victime
ordinaire, et par conséquent toute la soldatesque s'attroupa
dans le prétoire, ou grande salle du palais, pour participer à
cet amusement diabolique. Ils enlevèrent à Jésus
son vêtement supérieur et le couvrirent d'un manteau de
pourpre [45]. Puis avec un sens démoniaque du réel
ils tressèrent une couronne d'épines et la placèrent
sur le front du martyr ; on lui mit un roseau dans la main
droite en guise de sceptre royal et, s'inclinant devant lui en un
hommage feint, ils le saluèrent des mots : « Salut,
roi des Juifs ! » Lui arrachant le roseau ou la
baguette, ils l'en frappaient brutalement sur la tête,
enfonçant les épines cruelles dans la chair ; ils
le giflaient de leurs mains et crachaient sur lui avec un entrain vil
et vicieux [46].
Pilate
avait probablement observé cette scène en silence. Il
l'arrêta et décida d'essayer encore une fois de faire
appel à la pitié juive, si elle existait. Il sortit et
dit à la multitude : « Voici, je vous l'amène
dehors, afin que vous sachiez que je ne trouve aucun motif (de
condamnation). » C'était la troisième fois
que le gouverneur proclamait nettement l'innocence du prisonnier.
« Jésus sortit donc, portant la couronne d'épines
et le manteau de pourpre. Et Pilate leur dit : Voici
l'homme ! [47] » Pilate semble avoir compté
que l'aspect pitoyable du Christ fouetté et sanglant
adoucirait le cœur des Juifs en colère. Mais il ne
réussit pas son effet. Réfléchissez à ce
fait terrible : un païen qui ne connaissait pas Dieu,
suppliant les prêtres et le peuple d'Israël de laisser la
vie à leur Seigneur et Roi ! Lorsque, sans se laisser
émouvoir par ce spectacle, les principaux sacrificateurs et
les officiers s'écrièrent sur un ton de plus en plus
vindicatif : « Crucifie ! crucifie ! »,
Pilate prononça la sentence fatale : « Prenez-le
vous-mêmes et crucifiez-le », mais il ajouta avec
irritation : « Car moi, je ne trouve pas de motif (de
condamnation) en lui. »
On
se souviendra que la seule accusation proférée contre
le Christ devant le gouverneur romain était celle de
sédition ; les persécuteurs juifs avaient
soigneusement évité la moindre mention du blasphème
qui était l'offense pour laquelle ils avaient estimé
que Jésus méritait de mourir. Maintenant qu'ils avaient
arraché à Pilate la peine de la crucifixion, ils
essayèrent impudemment de faire croire que l'autorisation du
gouverneur n'était qu'une ratification de leur propre
condamnation à mort ; ils dirent donc : « Nous
avons une loi, et selon la loi, il doit mourir, parce qu'il s'est
fait Fils de Dieu. » Qu'est ce que cela voulait dire ?
Ce
titre intimidant, Fils de Dieu, toucha plus profondément la
conscience troublée de Pilate. Une fois de plus il emmena
Jésus devant le tribunal et lui demanda en tremblant :
« D'où es-tu ? » Il voulait savoir
si Jésus était humain ou surhumain. Si le Seigneur
avait reconnu directement sa divinité il aurait effrayé
le gouverneur païen sans l'éclairer ; c'est pourquoi
Jésus ne lui répondit pas. Pilate fut encore plus
surpris et peut-être quelque peu offensé de ce mépris
apparent de son autorité. Il demanda une explication, disant :
« À moi, tu ne parles pas ? Ne sais-tu pas que
j'ai le pouvoir de te relâcher, et que j'ai le pouvoir de te
crucifier ? » Alors Jésus répondit :
« Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été
donné d'en-haut. C'est pourquoi celui qui me livre à
toi est coupable d'un plus grand péché. »
Les situations étaient renversées ; le Christ
était le juge et Pilate le sujet de la décision de ce
dernier. Sans être considéré innocent, le Romain
était jugé moins coupable que celui ou ceux qui avaient
remis Jésus de force en son pouvoir et avaient exigé de
lui une exécution injuste.
Le
gouverneur, quoique ayant prononcé sa sentence, cherchait
encore le moyen de libérer le Patient soumis. Dès qu'il
montra aux Juifs qu'il hésitait, ceux-ci s'écrièrent :
« Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César.
Quiconque se fait roi, se déclare contre César. »
Pilate s'assit au tribunal, qui était érigé au
lieu appelé le Pavé ou Gabbatha, en dehors de la salle.
Il en voulait à ces Juifs qui avaient osé laisser
entendre qu'il n'était pas l'ami de César et dont
l'insinuation pouvait provoquer l'envoi d'une ambassade à Rome
pour se plaindre et le faire apparaître autrement qu'il n'était
par une accusation exagérée. Indiquant Jésus, il
s'exclama avec un sarcasme non voilé : « Voici
votre roi ! » Mais les Juifs répondirent avec
des cris menaçants : « À mort ! À
mort ! crucifie-le ! » Leur rappelant d'une
manière mordante leur assujettissement national, Pilate
demanda avec une ironie encore plus tranchante :
« Crucifierai-je votre roi ? » Et les
principaux sacrificateurs crièrent d'une voix forte :
« Nous n'avons de roi que César. »
Ainsi
en fut-il et ainsi en devait-il être. Le peuple qui avait
accepté par alliance Jéhovah pour roi, le rejetait
maintenant en personne et ne reconnaissait d'autre souverain que
César. Depuis lors il a été sujet et serf de
César au cours des siècles. Pitoyable est l'état
de l'homme ou de la nation qui ne veut, dans son cœur et dans
son esprit, n'avoir d'autre roi que César [48] !
En
quoi résidait la cause de la faiblesse de Pilate ? Il
était le représentant de l'empereur, le procurateur
impérial qui avait le pouvoir de crucifier ou de sauver ;
officiellement c'était un autocrate. Il ne fait aucun doute
qu'il était convaincu de l'innocence du Christ et qu'il
désirait le sauver de la croix. Pourquoi donc Pilate
hésita-t-il, vacilla-t-il, et finalement céda-t-il
contrairement à sa conscience et à sa volonté ?
Parce qu'au fond, il était plus esclave qu'homme libre. Il
était asservi à son passé. Il savait que si on
se plaignait de lui à Rome, sa corruption et ses cruautés,
ses extorsions et le massacre injustifiable qu'il avait provoqué
seraient tous relevés contre lui. Il était le
gouverneur romain, mais le peuple qu'il dominait officiellement se
réjouissait de le voir se replier sur lui-même lorsqu'il
faisait claquer au-dessus de sa tête, avec un bruit sec et
féroce, le fouet menaçant d'un rapport sur lui à
son maître impérial, Tibère [49].
JUDAS
ISCARIOT [50]
Lorsque
Judas Iscariot vit les effets terribles de sa trahison, il fut saisi
d'un remords frénétique. Au cours du procès du
Christ devant les autorités juives, qui s'accompagna
d'humiliations et de cruautés, le traître avait vu la
gravité de son acte ; et lorsque le Martyr s'était
laissé livrer aux Romains sans résister, et que l'issue
fatale était devenue certaine, l'énormité de son
crime remplit Judas d'une horreur sans nom. Se précipitant
auprès des principaux sacrificateurs et des anciens, tandis
que l'on faisait les derniers préparatifs pour la crucifixion
du Seigneur, il implora les gouverneurs ecclésiastiques de
reprendre le salaire maudit qu'ils lui avaient payé, s'écriant
dans son désespoir terrible : « J'ai péché,
en livrant le sang innocent. » Il se peut qu'il ait
vaguement espéré une parole de sympathie de la part des
conspirateurs entre les mains perverses et adroites desquels il avait
été un instrument aussi empressé et utile. Il
espérait peut-être que son aveu pourrait freiner le
cours de leur méchanceté et qu'ils demanderaient une
réforme du jugement. Mais les gouverneurs d'Israël le
repoussèrent avec dégoût. « Que nous
importe ? », raillèrent-ils, « cela
te regarde. » Il les avait servis, ils lui avaient payé
son salaire, ils ne voulaient plus jamais le voir ; et ils le
rejetèrent impitoyablement dans les ténèbres
hantées de sa conscience affolée. Serrant encore le sac
d'argent, souvenir trop réel de son affreux péché,
il se précipita dans le temple, pénétrant même
dans les locaux réservés aux prêtres, et lança
les pièces d'argent sur le sol du sanctuaire [51]. Puis,
poussé par l'aiguillon de son maître, le diable, dont il
était devenu corps et âme l'esclave, il sortit et s'en
alla se pendre.
Les
principaux sacrificateurs rassemblèrent les pièces
d'argent et, avec un scrupule sacrilège, tinrent une réunion
solennelle pour décider de ce qu'ils feraient du « prix
du sang ». Comme ils estimaient illégal d'ajouter
les pièces souillées au trésor sacré, ils
s'en servirent pour acheter un certain champ d'argile, qui était
autrefois la propriété d'un potier et qui était
l'endroit même où Judas s'était suicidé ;
ce morceau de terre, ils le réservèrent comme lieu
d'enterrement pour les étrangers et les païens. Le corps
de Judas, qui trahit le Christ, fut probablement le premier à
y être enterré. Et ce champ fut appelé
« Hakeldamah, c'est-à-dire, champ du sang » [52].
[1]
Jean 18:13,24.
[2]
Mt 26:57, Marc 14:53, Luc 22:54.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Jean 18:14 ; cf. 11:49, 50.
[5]
Jean 18:19-23.
[6]
Le texte dit que l'homme donna un soufflet à Jésus,
c'est-à-dire qu'il le gifla. Cet acte ajoutait l'insulte
humiliante à la violence. En marge de la version anglaise on
trouve « avec une baguette ». Les premiers
manuscrits ne sont pas d'accord sur ce point.
[7]
Note 2, fin du chapitre.
[8]
Mt 26:59-61, Marc 14:55-59.
[9]
Mt 26:61 et Marc 14:58.
[10]
Jean 2:18-22 ; voir chap. 12 du présent ouvrage.
[11]
Notez l'accusation portée devant Pilate que Jésus était
coupable d'exciter la nation à la révolte, Luc 23:2.
[12]
Mt 26:63-66 ; cf. Marc 14:61-64.
[13]
Chap. 14 et Notes.
[14]
Cf. Marc 14:62.
[15]
Mt 26:65, 66. La version révisée anglaise porte en
marge une traduction plus littérale : « passible
de mort ».
[16]
Lv 21: 10.
[17]
Josèphe, Guerres, 11, 15:2, 4 ; et 1 Maccabées
11:71.
[18]
Mt 26:67, Marc 14:65 ; cf. Luc 18:32, voir aussi Es 50:6.
[19]
Mt 26:68, Luc 22:62-65.
[20]
Marc 14:64.
[21]
Luc 22:66.
[22]
Jean 18:28.
[23]
Luc 22:66-71.
[24]
Note 3, fin du chapitre.
[25]
Marc 15:1 ; cf. Mt 27:1, 2, Jean 18:28.
[26]
La note 4, à la fin du chapitre, donne d'autres détails
sur les irrégularités du procès juif de Jésus.
[27]
Mt 26:58, 69-75, Marc 14:54, 66-72, Luc 22:54-62, Jean 18:15-18,
25-27
[28]
Jean 18:8,9 ; chap. 33 du présent ouvrage.
[29]
Jean 1:35, 40, 13:23, 19:26, 20:2, 21:7, 20, 24.
[30]
Observez que Marc, qui est seul à déclarer que le
Seigneur dit à Pierre « Avant que le coq chante
deux fois, toi tu me renieras trois fois » (14:30),
rapporte un premier chant du coq après le premier reniement de
Pierre (v. 68) et un deuxième chant après le troisième
reniement (v. 72).
[31]
Césarée de Palestine, pas Césarée de
Philippe.
[32]
Jean 18:28-32.
[33]
Luc 23:2.
[34]
Jean 18:33-38 ; cf. Mt 27:11, Marc 15:2, Luc 23:3,-4.
[35]
Luc 23:5-7.
[36]
Luc 23:8-12.
[37]
Chap. 9 ; voir aussi chap. 8, notes.
[38]
Luc 23:12.
[39]
Mt 14: 1, Marc 6:14, Luc 9:7, 9.
[40]
Luc 13:31, 32 chap. 26 du présent ouvrage.
[41]
Luc 23:11. Clarke (« Commentaries ») et
beaucoup d'autres auteurs pensent que la tunique était
blanche, cette couleur étant la teinte ordinaire des
vêternents de la noblesse juive.
[42]
Luc 23:13-25, Mt 27:15-31, Marc 15:6-20, Jean 18:39, 40, 19:1-16.
[43]
Mt 27:18, Marc 15:10.
[44]
Note 5, fin du chapitre.
[45]
Matthieu dit « écarlate », Marc et Jean
disent « pourpre ».
[46]
Cf. Luc 18:32.
[47]
« Ecce Homo ».
[48]
Note 6, fin du chapitre.
[49]
Note 7, fin du chapitre.
[50]
Mt 27:3-10 ; cf. Actes 1:16-20
[51]
La version révisée (anglaise) de Mt 27:5 dit :
« Judas jeta les pièces d'argent dans le
sanctuaire » au lieu de « dans le temple »,
ce qui veut dire qu'il lança l'argent dans le portique de la
maison sainte, par distinction avec les cours extérieures et
publiques.
[52]
Actes 1:19, Mt 27:8, note 8, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 34
1.
Anne et son entretien avec Jésus : « Il n'est
pas de personnage mieux connu dans l'histoire juive contemporaine que
celui d'Anne, pas de personnalité jugée plus fortunée
ou heureuse, mais également aucune qui ait été
haïe d'une manière aussi universelle que l'ex-souverain
sacrificateur. Il n'avait détenu le pontificat que pendant six
ou sept ans, mais pas moins de cinq de ses fils le remplirent, ainsi
que son beau-fils Caïphe et un petit-fils, et à cette
époque-là il valait mieux, du moins pour quelqu'un qui
avait la tournure d'esprit d'Anne, avoir été qu'être
souverain sacrificateur. Il bénéficiait de toute la
dignité de cette fonction ainsi que de toute son influence,
puisqu'il était à même d'y avancer ceux qui
avaient le plus de relations avec lui. Et s'ils agissaient
publiquement, en réalité c'était lui qui
dirigeait les affaires sans être encombré des
responsabilités ou des restrictions qu'imposait cet office.
Son influence auprès des Romains, il la devait aux opinions
religieuses qu'il professait, à sa collaboration ouverte avec
l'étranger et à sa richesse énorme... Nous avons
vu les revenus immenses que la famille d'Anne avait dû retirer
des échoppes du temple, et combien ce trafic était
néfaste et impopulaire. Quand on prononçait le nom de
ce fils d'Aaron orgueilleux, licencieux, sans scrupule et dégénéré,
on le faisait en chuchotant des malédictions. Sans même
penser à l'intervention du Christ dans ce trafic du temple,
intervention qui, si son autorité l'avait emporté, lui
aurait naturellement été fatale, nous pouvons
comprendre quelle opposition il devait y avoir à tous points
de vue entre un Messie - et un Messie tel que Jésus - et
Anne... Il ne nous est rien dit de ce qui se passa devant Anne. Le
quatrième évangile ne fait que mentionner au passage le
fait que le Christ lui fut amené en premier lieu. Comme les
disciples l'avaient tous abandonné et s'étaient enfuis,
nous pouvons comprendre qu'ils aient ignoré ce qui se passa
réellement jusqu'à ce qu'ils se fussent repris, du
moins au point que Pierre et « un autre disciple »,
de toute évidence Jean, « entra avec Jésus
dans la cour du souverain sacrificateur » - c'est-à-dire
dans le palais de Caïphe et non d'Anne. Car si, comme le disent
les trois évangiles synoptiques, c'est le palais du souverain
sacrificateur Caïphe qui fut la scène du reniement de
Pierre, le récit qu'en fait le quatrième évangile
doit avoir trait au même endroit et non au palais d'Anne. »
- Edersheim, Life and Times of Jesus the Messiah, vol.11, p. 547-548.
2.
La patience du Christ sous les coups : Le fait que Jésus
resta d'humeur égale et demeura soumis, même quand il
fut provoqué par un serviteur brutal qui lui asséna un
coup en présence du souverain sacrificateur, confirme
l'affirmation de notre Seigneur lorsqu'il dit qu'il avait « vaincu
le monde » (Jean 16:33). On ne peut lire ce passage sans
comparer, peut-être involontairement, la soumission divine de
Jésus en cette occasion, à l'indignation entièrement
naturelle et humaine de Paul dans une situation ultérieure
analogue (Actes 23:1-5). Le souverain sacrificateur Ananias,
mécontent des réflexions de Paul, ordonna à
quelqu'un qui se trouvait là de le frapper sur la bouche. Paul
éclata en une protestation furieuse : « Dieu
te frappera, muraille blanchie ! Tu sièges pour me juger
sur la loi, et contre la loi, tu ordonnes de me frapper. »
Il s'excusa ensuite, disant qu'il ne savait pas que c'était le
souverain sacrificateur qui avait ordonné qu'on le frappe.
Voir Articles de Foi, p. 506-508 et note 1 page 519, et Life and
Words of Saint Paul, de Farrar, p. 539-540.
3.
Principaux sacrificateurs et anciens : Ces titres (le terme
« principaux sacrificateurs » employé
par la version Segond a pour équivalent en anglais le terme
« grand prêtre », ndt) détenus par
les fonctionnaires de la hiérarchie juive à l'époque
du Christ ne doivent pas être confondus avec les mêmes
désignations appliquées aux détenteurs de la
prêtrise supérieure ou Prêtrise de Melchisédek.
Le souverain sacrificateur (grand prêtre) des Juifs était
le prêtre président ; il devait être de
descendance aaronique pour être prêtre ; il devenait
souverain sacrificateur (grand prêtre) quand les Romains le
nommaient à ce poste. Les anciens, comme le nom l'indique,
étaient des hommes d'âge mûr et d'expérience,
qui étaient nommés aux fonctions de magistrats dans les
villes et de juges dans les tribunaux ecclésiastiques, soit
dans les sanhédrins auxiliaires des provinces ou au grand
sanhédrin de Jérusalem. Le terme « ancien »
tel qu'il était utilisé parmi les Juifs à
l'époque de Jésus, n'avait pas plus de rapport avec la
qualité d'ancien dans la Prêtrise de Melchisédek
que le titre de « scribe ». Les devoirs des
souverains sacrificateurs et des anciens des Juifs combinaient à
la fois les fonctions ecclésiastiques et séculières ;
en fait les deux offices étaient devenus en grande mesure des
bénéfices politiques. Voir « Elder »
dans le Bible Dictionary, de Smith. Depuis le départ de Moïse
jusqu'à la venue du Christ, la théocratie organisée
d'Israël fut celle de la moindre prêtrise ou Prêtrise
d'Aaron, comprenant l'office de prêtre, qui était limité
à la lignée d'Aaron, et les offices moindres
d'instructeur et de diacre qui étaient combinés dans
l'ordre lévitique. Voir « Ordre et offices de la
prêtrise », par l'auteur, dans les Articles de Foi,
p. 251 253.
4.
Procédures illégales dans le procès juif de
Jésus : On a écrit beaucoup de volumes sur le
prétendu procès de Jésus. Nous ne pouvons
introduire ici qu'un résumé très bref des
principaux faits et lois. Quiconque désire
faire un examen plus approfondi peut se reporter aux ouvrages
suivants : Edersheim, Life and Times of Jesus the Messiah ;
Andrews, Life of our Lord ; Dupin, Jesus before Caiaphas and
Pilate ; Mendelsohn, Criminal Jurisprudence of the Ancient
Hebrews ; Salvador, Institutions of Moses ; Innes, The
Trial of Jesus Christ ; Maimonide, Sanhedrin ; MM. Lemann,
Jesus before the Sanhedrin ; Benny, Criminal Code of the Jews ;
et Walter M. Chandler, du Barreau de New York, The trial of Jesus
from a lawyer's Standpoint. Le dernier titre cité est
un ouvrage en deux volumes commentant respectivement « Le
procès hébreu » et « Le procès
romain » et contient des citations des ouvrages ci-dessus
et d'autres encore.
Edersheim
(vol. 2, p. 556-558) est d'avis que la mise en accusation nocturne de
Jésus dans la maison de Caïphe n'était pas un
jugement devant le sanhédrin, et note les irrégularités
et les illégalités de la procédure pour prouver
que le sanhédrin n'aurait pas pu faire ce que l'on fit cette
nuit-là. Employant de nombreuses citations pour confirmer les
conditions légales qu'il spécifie, l'auteur dit :
« Mais en outre, le procès et la condamnation de
Jésus dans le palais de Caïphe auraient enfreint tous les
principes de la loi et de la procédure pénales juives.
Pour juger les causes de ce genre et prononcer une peine capitale, il
fallait le faire dans le local officiel du sanhédrin et non,
comme ici, au palais du souverain sacrificateur. Aucun procès,
et bien moins encore un procès de ce genre, ne pouvait être
entrepris au milieu de la nuit, et pas même dans l'après-midi,
bien que, si la discussion s'était prolongée toute la
journée, on pouvait prononcer la sentence de nuit. En outre,
aucun procès ne pouvait avoir lieu le sabbat ou les jours
fériés, ni même la veille de ceux-ci, ce fait
annulant l'action ; d'un autre côté, on pourrait
avancer qu'un procès contre quelqu'un qui avait séduit
le peuple devrait de préférence avoir lieu lors des
jours fériés publics, et la sentence devrait être
exécutée ces jours-là, en guise d'exemple.
Enfin, dans les affaires capitales il y avait un système
compliqué pour avertir et mettre sur leurs gardes les
témoins ; on peut affirmer en toute sécurité
que lors d'un procès ordinaire, les juges juifs, quels
qu'aient été les préjugés qu'ils aient pu
avoir, n'auraient pas agi comme les sanhédristes et Caïphe
le firent en cette occasion... Mais bien que le Christ ne fut pas
jugé et condamné en une assemblée officielle du
sanhédrin, il ne peut y avoir, hélas, aucun doute que
sa condamnation et sa mort furent l'œuvre, sinon du sanhédrin,
du moins des sanhédristes - du conseil tout entier (« tout
le sanhédrin »), ce qui exprime quel était
le jugement et les intentions du tribunal suprême et des
dirigeants d'Israël, à un très petit nombre
d'exceptions près. Nous devons garder à l'esprit que la
résolution de sacrifier le Christ était prise depuis
quelque temps. »
Si
nous avons cité ce qui précède, c'est pour
montrer, en nous appuyant sur une autorité reconnue et
éminente, certains des procédés illégaux
qui furent employés dans le procès nocturne de Jésus,
qui fut mené, comme le montre le texte ci-dessus et les
documents scripturaires, par le souverain sacrificateur et le
sanhédrin d'une manière reconnue irrégulière
et illégale. Si les sanhédristes jugèrent et
condamnèrent sans être en session au sanhédrin,
l'énormité de cette procédure est, si pareille
chose est possible, plus profonde et plus noire que jamais.
Dans
son excellent ouvrage (vol. 1, The Hebrew Trial), Chandler examine de
manière exhaustive les faits que nous possédons sur ce
procès et la loi pénale hébraïque dans ce
domaine. Suit un sommaire compliqué qui présente l'un
après l'autre les points suivants :
« Article
1: L'arrestation de Jésus fut illégale »,
puisqu'elle se produisit la nuit et grâce à la trahison
de Judas, un complice, deux éléments qui étaient
expressément interdits par la loi juive de l'époque.
« Article
2: L'interrogatoire privé de Jésus devant Anne ou
Caïphe était illégal » ; en effet
(1) il se fit pendant la nuit ; (2) il était expressément
interdit à un « juge unique »
d'instruire une cause quelconque, (3) selon une citation tirée
de Salvador « un principe qui est perpétuellement
reproduit dans les Écritures hébraïques traite de
ces deux conditions : le caractère public et la
liberté ».
« Article
3: L'inculpation portée contre Jésus était
illégale dans sa forme. » « La procédure
criminelle tout entière du code mosaïque repose sur
quatre règles : la certitude de l'accusation, le
caractère public de la discussion, la garantie d'une liberté
pleine et entière à l'accusé et les précautions
contre tout danger d'erreur dans les témoignages. »
- Salvador, p. 365. « Le sanhédrin ne lançait
pas et ne pouvait pas lancer d'accusation ; il ne faisait
qu'enquêter sur ceux qui étaient amenés devant
lui. » - Edersheim, vol. 1, p. 309. « C'étaient
les preuves apportées par les témoins principaux qui
constituaient l'accusation. Il n'y avait pas d'autre accusation, pas
d'inculpation plus officielle. Le prisonnier n'était pas
considéré comme accusé tant qu'ils n'avaient pas
parlé et parlé dans l'assemblée publique. »
- Innes, p. 41. « Les seuls plaignants connus de la
jurisprudence criminelle talmudique sont les témoins du délit.
Leur devoir est de porter l'affaire à la connaissance du
tribunal et de rendre témoignage contre le criminel. Dans les
affaires capitales, ils sont aussi les bourreaux légaux. Il
n'y a nulle part la moindre trace d'accusateur officiel ou de
ministère public dans les lois des anciens Hébreux. »
- Mendelsohn, p. 110.
« Article
4: L'action du sanhédrin contre Jésus était
illégale parce qu'elle fut menée pendant la nuit. »
« Jugez un crime capital pendant le jour mais suspendez la
nuit. » - Michna, sanhédrin 4:1. « Les
divers tribunaux ne peuvent statuer sur les affaires pénales
que pendant la journée, les sanhédrions auxiliaires
entre la fin du service matinal et midi et le grand sanhédrion
jusqu'au soir. » - Mendelsohn, p. 112.
« Article
5: L'action du sanhédrin contre Jésus était
illégale parce que le tribunal se réunit avant que le
sacrifice matinal ne fût offert. » « Le
sanhédrin siégeait de la fin du sacrifice matinal
jusqu'au moment du sacrifice vespéral. » - Talmud
Jer. San. 1:19. « Il ne pouvait y avoir aucune session du
tribunal avant que le sacrifice matinal ne fût offert. »
- MM. Lemann, p. 109. « Comme le sacrifice matinal était
offert à l'aube du jour, il n'était guère
possible au sanhédrin de s'assembler avant l'heure qui suivait
ce moment-là. » - Michna, Tamid, ch. 3.
« Article
6: l'action intentée contre Jésus était illégale
parce qu'elle fut menée la veille d'un sabbat juif, ainsi que
le premier jour des pains sans levain et la veille de la Pâque. »
« On ne jugera pas la veille du sabbat ni celle d'aucune
fête. » - Michna, San. 4:1. « Il n'était
permis à aucun tribunal en Israël de siéger le
jour du sabbat ni aucun des sept jours fériés
bibliques. Dans les cas de crime capital, on ne pouvait entreprendre
aucun procès le vendredi ou la veille d'un jour férié
parce qu'il était illégal aussi bien d'ajourner ces
procès plus longtemps que pour une nuit que de les poursuivre
lors du sabbat ou du jour férié. » - Rabbi
Wise, Martyrdom of Jesus, p. 67.
« Article
7: Le procès de Jésus était illégal parce
qu'il se termina dans le délai d'une journée. »
« Une affaire criminelle qui a pour résultat
l'acquittement de l'accusé peut se terminer le jour même
où le procès a commencé. Mais si l'on prononce
la peine de mort, on ne peut mettre fin au procès que le jour
suivant. » - Michna, San. 4:1.
« Article
8: La sentence de condamnation prononcée contre Jésus
par le sanhédrin était illégale parce qu'elle
était fondée sur sa confession non confirmée. »
« Un principe fondamental de notre jurisprudence est que
nul ne peut porter une accusation contre lui-même. Si un homme
plaide coupable devant un tribunal légalement constitué,
pareille confession ne peut être utilisée contre lui que
si elle est dûment attestée par deux autres témoins. »
- Maïmonide, 4:2. « Non seulement on n'oblige jamais
l'accusé, par la torture, à se condamner lui-même,
mais on n'essaie jamais de l'amener à s'incriminer. En outre,
le fait qu'il confesse volontairement n'est pas admis comme preuve et
ne suffit par conséquent pas à le condamner tant qu'un
nombre légal de témoins ne confirment pas
minutieusement l'accusation qu'il porte contre lui-même. »
- Mendelsohn, p. 133.
« Article
9: La condamnation de Jésus était illégale parce
que le verdict du sanhédrin était unanime. »
« Un verdict simultané et unanime de culpabilité
rendu le jour du procès équivaut à un
acquittement. » - Mendelsohn, p. 141. « Si
aucun des juges ne défend le coupable, c'est-à-dire si
tous le prononcent coupable, sans personne pour le défendre au
tribunal le verdict de culpabilité est non valable et la
sentence de mort ne peut être mise à exécution. »
- Rabbi Wise, « Martyrdom of Jesus », p. 74.
« Article
10: l'action intentée contre Jésus était
illégale en ce sens que : (1) La sentence de condamnation
fut prononcée en un lieu interdit par la loi, (2) le souverain
sacrificateur déchira ses vêtements, (3) le vote était
irrégulier. » « Après avoir
quitté la salle Gazith on ne peut prononcer de sentence de
mort contre personne. » - Talmud Bab. « De
l'idolâtrie » 1:8. « On ne peut prononcer
de peine de mort que tant que le sanhédrin est en session au
lieu désigné. » - Maïmonide 14. Voir en
outre Lv 21:10, comparer 10:6. « Que les juges absolvent
ou condamnent, chacun à son tour. » - Michna, San.
15:5. « Les membres du sanhédrin étaient
assis en demi-cercle, à l'extrémité duquel on
plaçait deux greffiers, l'un qui avait pour mission de prendre
note des votes en faveur de l'accusé, l'autre ceux qui étaient
contre lui. » - Michna, San. 4:3. « Dans les
cas ordinaires les juges votaient par rang d'ancienneté, en
commençant par le plus ancien ; dans une affaire capitale
on suivait l'ordre inverse. » - Benny, p. 73.
« Article
11: Les membres du grand sanhédrin n'avaient légalement
pas qualité pour juger Jésus. » « Il
ne doit pas y avoir non plus sur le siège du jugement soit un
parent ou un ami particulier soit un ennemi que ce soit de l'accusé
ou de l'accusateur. » - Mendelsohn p. 108. « Et
en aucune circonstance il n'était permis à un homme
connu pour être ennemi de l'accusé d'occuper un poste
parmi les juges. » Benny, p. 37.
« Article
12: La condamnation de Jésus était illégale
parce que les mérites de la défense ne furent pas
examinés. » « Tu feras des recherches,
tu examineras, tu interrogeras avec soin. » - Dt 13:14.
« Les juges délibéreront de l'affaire dans
la sincérité de leur conscience. » - Michna,
San. 4:5. « L'objectif principal du système
hébraïque était de rendre impossible la
condamnation d'un innocent. Toute l'ingéniosité des
légistes juifs était orientée vers la
réalisation de cet objectif. » - Benny, p. 56.
Nous
recommandons aux chercheurs le magistral énoncé des
faits par Chandler et ses arguments à propos de chacun des
articles ci-dessus. L'auteur affirme brièvement : « Les
pages de l'histoire humaine n'offrent pas de cas plus net
d'assassinat judiciaire que le procès et la crucifixion de
Jésus de Nazareth, pour la simple raison que toutes les formes
de la loi furent violées et piétinées dans
l'action menée contre lui » (p. 216).
5.
« Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » :
Edersheim (vol. 2, p. 578) fait le commentaire puissant qui suit sur
cette phrase par laquelle les Juifs acceptaient la responsabilité
de la mort du Christ : « La Michna nous dit que,
lorsque les anciens s'étaient solennellement lavé les
mains et avaient rejeté toute culpabilité, les prêtres
répondaient par la prière : « Pardonne
à ton peuple d'Israël que tu as racheté, ô
Seigneur, et ne mets pas du sang innocent sur ton peuple d'Israël. »
Mais ici, en réponse aux paroles de Pilate, se faisait
entendre le cri profond et rauque : « Que son sang
retombe sur nous », et, - comment est-ce possible - « sur
nos enfants. » Une trentaine d'années plus tard, et
en ce lieu même, le jugement était prononcé
contre l'élite de Jérusalem, et parmi les 3600 victimes
de la furie du gouverneur dont un nombre considérable furent
flagellées et crucifiées juste à côté
contre le prétoire, se trouvaient un grand nombre des citoyens
les plus nobles de Jérusalem (Josèphe, Guerres, XIX,
ch. 8:9). Quelques années plus tard, des centaines de croix
portaient des corps juifs mutilés tout près de
Jérusalem. Et depuis lors ces errants semblent porter, d'un
siècle à l'autre et d'un pays à l'autre, ce
fardeau de sang ; et depuis lors il semble peser « sur
eux et leurs enfants ».
6.
« Nous n'avons de roi que César » :
« Par ce cri le judaïsme se rendait, dans la personne
de ses représentants, coupable de renier Dieu, de blasphème
ou d'apostasie. Il se suicidait ; et depuis lors, son cadavre
est transporté pour être montré d'un pays à
l'autre et d'un siècle à l'autre - pour être mort
et rester mort jusqu'à ce que revienne une deuxième
fois celui qui est la résurrection et la vie. » -
Edersheim, vol. 2, p. 581.
7.
La raison fondamentale pour laquelle Pilate se rendit aux exigences
juives : Pilate savait ce qui était juste mais n'avait
pas le courage de le faire. Il avait peur des Juifs et craignait plus
encore une influence hostile à Rome. Il avait peur de sa
conscience mais craignait plus encore de perdre son poste officiel.
La politique de Rome était de faire preuve de libéralisme
et de conciliation dans ses rapports avec les religions et les
coutumes sociales des nations conquises. Ponce Pilate enfreignait
cette politique libérale depuis le commencement de son mandat.
Ne tenant absolument aucun compte de l'antipathie hébraïque
pour les images et les enseignes païennes, il faisait entrer les
légionnaires à Jérusalem le soir, portant leurs
aigles et leurs étendards décorés de l'effigie
de l'empereur. Pour les Juifs, cet acte constituait une profanation
de la ville sainte. En grandes foules ils se rassemblèrent à
Césarée et firent une pétition auprès du
procurateur pour que les étendards et les autres images
fussent enlevés de Jérusalem. Pendant cinq jours le
peuple supplia et Pilate refusa. Il le menaça d'un massacre
général et eut la stupéfaction de voir le peuple
s'offrir comme victime à l'épée plutôt que
d'abandonner sa demande. Pilate dut céder (Josèphe,
Ant. XVIII, ch. 3:1, et Guerres II, chap. 9:2, 3). Il les offensa de
nouveau en s'appropriant de force le corban ou fonds sacré du
temple, pour la construction d'un aqueduc destiné à
fournir à Jérusalem l'eau des réservoirs de
Salomon. S'attendant à la protestation publique du peuple, il
avait fait déguiser des soldats romains en Juifs et leur avait
ordonné de se mélanger à la foule en cachant des
armes sur eux. À un signal donné ces assassins
utilisèrent leurs armes et un grand nombre de Juifs sans
défense furent tués ou blessés (Josèphe,
Ant. XVIII, ch. 3:2 et Guerres 11, ch. 9:3-4). Une autre fois, Pilate
avait gravement offensé le peuple en installant dans sa
résidence officielle de Jérusalem des boucliers qui
avaient été consacrés à Tibère, et
ce « moins pour honorer Tibère que pour ennuyer le
peuple juif ». Une pétition signée par les
fonctionnaires ecclésiastiques de la nation et par d'autres
personnes influentes, y compris quatre princes hérodiens, fut
envoyée à l'empereur, qui réprimanda Pilate et
ordonna que les boucliers fussent transférés de
Jérusalem à Césarée (Philon, De Legatione
ad Caium, sect. 38).
Ces
outrages au sentiment national et un grand nombre de petits actes de
violence, d'extorsion et de cruauté, les Juifs pouvaient s'en
servir contre le procurateur. Il se rendait compte que sa position
n'était pas sûre, et il craignait d'être démasqué.
Il avait fait tant de mal que lorsqu'il aurait voulu faire du bien,
il en fut empêché par la crainte lâche qu'il avait
de son passé accusateur.
8.
Judas Iscariot : Aujourd'hui quand nous parlons d'un traître,
nous l'appelons « Judas » ou « Iscariot ».
L'homme qui a rendu infâme ce nom combiné fait depuis
des siècles le sujet de discussions parmi les théologiens
et les philosophes, et ces derniers temps la lumière de
l'analyse psychologique a été dirigée sur lui.
Les philosophes allemands furent les premiers à affirmer que
l'homme avait été jugé injustement, et que sa
personnalité réelle était d'un ton plus brillant
que celui dans lequel elle avait été dépeinte.
En effet, certains critiques sont d'avis que des Douze, Judas était
celui qui était le plus entièrement convaincu de la
divinité de notre Seigneur dans la chair ; et ces
apologistes essaient d'expliquer la trahison comme une manœuvre
délibérée et bien intentionnée de mettre
Jésus de force dans une situation difficile dont il ne
pourrait s'échapper qu'en exerçant les pouvoirs de sa
Divinité que jusqu'alors il n'avait jamais utilisés en
sa faveur.
Il
ne nous appartient pas de juger Judas ni personne d'autre ; mais
il est de notre compétence de former et d'entretenir des
opinions sur les actions de n'importe qui. À la lumière
de la parole révélée, il apparaît que
Judas Iscariot s'était rangé à la cause de Satan
tout en servant ostensiblement le Christ dans des fonctions élevées.
Ce n'est que par le péché qu'il pouvait s'abandonner
ainsi aux forces du mal. La nature et l'étendue des
transgressions que cet homme commit au cours des années ne
nous sont pas précisées. Il avait reçu le
témoignage que Jésus était le Fils de Dieu et,
dans la pleine lumière de cette conviction, il se tourna
contre son Seigneur et le trahit pour le livrer à la mort. La
révélation moderne déclare d'une façon
non moins explicite que l'ancienne que le sentier du péché
est celui des ténèbres spirituelles conduisant à
une destruction certaine. L'homme qui est coupable d'adultère,
ne serait-ce que dans son cœur, perd certainement, s'il ne se
repent, la compagnie de l'Esprit de Dieu et « reniera sa
foi » ; c'est d'ailleurs ce que la voix de Dieu a
affirmé (voir D&A 63:16). Nous ne pouvons donc pas douter
que toute forme de péché mortel empoisonnera l'âme
et, si elle n'est pas abandonnée par un repentir véritable,
placera cette âme sous la condamnation. Satan fournit aux
serviteurs habiles qu'il a formés des occasions de servir
proportionnelles à leurs capacités mauvaises. Quelle
que puisse être l'opinion des critiques modernes quant à
la bonne réputation de Judas, nous avons le témoignage
de Jean, qui pendant près de trois ans avait été
en rapports étroits avec lui, que cet homme était un
voleur (12:6) ; Jean dit de lui que c'était un démon
(6:70) et « le fils de perdition » (17:12).
Voir à ce propos D&A 76:41-48.
Il
est un fait que les tendances mauvaises de Judas Iscariot étaient
connues du Christ, puisque le Seigneur déclara sans détours
que parmi les Douze, il y en avait un qui était un démon
(Jean 6:70, comparez 13:27, Luc 22:3) ; en outre il est évident
qu'il le savait lorsque les Douze furent choisis, puisque Jésus
dit : « Je connais ceux que j'ai choisis »,
expliquant que les Écritures seraient accomplies par le choix
qu'il avait fait. De même que la mort sacrificatoire de
l'Agneau de Dieu était connue d'avance et prédite, de
même les circonstances de la trahison étaient prévues.
Il serait contraire, tant à la lettre qu'à l'esprit de
la parole révélée de dire que si le misérable
Iscariot agit comme il le fit pour parvenir à un but aussi
exécrable, c'était parce qu'il était privé
de liberté ou de libre arbitre. En commun avec les Douze il
avait la possibilité et le droit de vivre dans la lumière
de la présence immédiate du Seigneur et de recevoir de
la source divine la révélation des objectifs de Dieu.
Judas Iscariot n'était pas victime des circonstances, ce
n'était pas un instrument insensible guidé par une
puissance surhumaine, si ce n'est dans la mesure où il se
livra volontairement à Satan et accepta un salaire au service
du démon. Si judas avait été fidèle à
la justice, d'autres moyens que sa perfidie auraient agi pour amener
l'Agneau à la boucherie. Son ordination à l'apostolat
le rendit possesseur de possibilités et de droits supérieurs
à ceux des hommes qui n'avaient été ni appelés,
ni ordonnés ; et à une possibilité aussi
merveilleuse de se surpasser au service de Dieu correspondait la
capacité de tomber. Un membre du gouvernement investi de la
confiance du peuple peut commettre des actes de trahison qui sont
impossibles au citoyen qui n'a jamais appris les secrets d'État.
L'avancement comporte un accroissement de responsabilités,
plus littéralement encore dans les affaires du royaume de Dieu
que dans les institutions des hommes.
Il
y a une contradiction apparente entre le récit de la mort de
Judas Iscariot tel qu'il est donné par Matthieu (27:3-10) et
tel qu'il est donné dans les Actes (1:16-20). Selon le
premier, Judas se pendit ; le deuxième déclare
qu'il « est tombé en avant, s'est brisé par
le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues ».
Ces deux récits sont exacts : il est probable que le
misérable se pendit puis tomba, peut-être à cause
de la rupture de la corde ou de la branche à laquelle elle
était attachée. Matthieu dit que les gouverneurs juifs
achetèrent le « champ du sang » ;
l'auteur des Actes cite Pierre disant que Judas acheta le champ avec
l'argent qu'il avait reçu des prêtres. Comme le champ
avait été acheté avec l'argent qui avait
appartenu à Iscariot et comme cet argent n'avait jamais été
repris officiellement par les fonctionnaires du temple, le champ qui
avait été acheté ainsi appartenait techniquement
au bien foncier de Judas. Les divergences sont surtout importantes en
ce qu'elles montrent que les auteurs écrivent indépendamment
les uns des autres. Les récits concordent pour l'élément
essentiel : Judas connut la fin d'un misérable suicidé.
Pour
ce qui est du sort des « fils de perdition »,
le Seigneur en a fait un tableau partiel mais terrible dans une
révélation en date du 16 février 1832 :
« Ainsi dit le Seigneur concernant tous ceux qui
connaissent mon pouvoir et à qui il a été donné
d'y prendre part, qui ont permis au pouvoir du diable de les vaincre
et de leur faire renier la vérité et défier mon
pouvoir : ce sont ceux qui sont les fils de perdition, de qui je
déclare qu'il aurait mieux valu pour eux qu'ils ne fussent
jamais nés ; car ils sont des vases de colère,
condamnés à subir la colère de Dieu dans
l'éternité avec le diable et ses anges ; à
propos desquels j'ai dit qu'il n'y a pas de pardon dans ce monde ni
dans le monde à venir : car ils ont renié le
Saint-Esprit après l'avoir reçu, ont renié le
Fils unique du Père, l'ont crucifié et l'ont exposé
à l'ignominie. Ce sont eux qui s'en iront dans le lac de feu
et de soufre avec le diable et ses anges, les seuls sur lesquels la
seconde mort aura un pouvoir quelconque... Il sauve donc tout le
monde, sauf eux : ils s'en iront au châtiment perpétuel,
qui est le châtiment sans fin, qui est le châtiment
éternel, pour régner avec le diable et ses anges pour
l'éternité, là où leur ver ne meurt pas,
là où le feu ne s'éteint pas, ce qui est leur
tourment. Et nul n'en connaît la fin, ni le lieu, ni leur
tourment. Et cela n'a pas été révélé
à l'homme, ne l'est pas et ne le sera jamais, si ce n'est à
ceux qui y sont condamnés. Néanmoins, moi, le Seigneur,
je le montre en vision à beaucoup, mais je la referme
immédiatement ; c'est pourquoi, ils n'en comprennent pas
la fin, la largeur, la hauteur, la profondeur et la misère, ni
personne, si ce n'est ceux qui sont destinés à cette
condamnation. » - D&A 76:31-37, 44-48.
CHAPITRE
35 : LA MORT ET L'ENSEVELISSEMENT
SUR
LE CHEMIN DU CALVAIRE [1]
Ponce
Pilate, s'étant rendu à contrecœur aux bruyantes
exigences des Juifs, décréta l'ordre fatal ; et
Jésus, dévêtu de la robe pourpre et habillé
de ses propres vêtements, fut emmené pour être
crucifié. Un groupe de soldats romains avait la charge du
Christ condamné ; et tandis que la procession s'éloignait
du palais du gouverneur, une foule bigarrée comprenant des
fonctionnaires sacerdotaux, des gouverneurs des Juifs et des gens de
nombreuses nationalités suivait. Deux criminels, qui avaient
été condamnés à la croix pour vol, furent
conduits en même temps à la mort ; il y aurait une
triple exécution, et la perspective de cette scène
d'horreur attirait les gens à l'esprit morbide qui se
repaissent des souffrances de leurs semblables. Dans la foule, il y
avait aussi, comme nous le montrerons, des gens qui s'affligeaient
sincèrement. Les Romains avaient coutume de rendre l'exécution
des condamnés à mort aussi publique que possible, en
vertu de l'idée fausse et peu psychologique que le spectacle
d'un châtiment terrible exercerait un effet préventif.
Cette conception erronée de la nature humaine n'a pas encore
été abandonnée par tous.
La
peine de mort par crucifixion exigeait que le condamné porte
la croix sur laquelle il devait souffrir. Jésus se mit en
route, portant sa croix. L'effort terrible des heures précédentes,
les douleurs atroces de Gethsémané, le traitement
barbare qu'il avait subi dans le palais du souverain sacrificateur,
l'humiliation et les mauvais traitements auxquels il avait été
soumis devant Hérode, la flagellation effrayante qui lui avait
été infligée sous les ordres de Pilate, le
traitement brutal de la soldatesque inhumaine, auxquels venaient se
joindre l'humiliation extrême et l'angoisse mentale de tout
cela avaient tellement affaibli son organisme qu'il n'avançait
que lentement sous le fardeau de la croix. Les soldats, agacés
par ce retard, obligèrent un homme venant de la campagne à
Jérusalem qu'ils rencontrèrent à prêter
ses services, et le forcèrent à porter la croix de
Jésus. Aucun Romain, aucun Juif n'aurait accepté
volontairement l'ignominie de porter un fardeau aussi horrible ;
car tous les détails relatifs à l'exécution
d'une sentence de crucifixion étaient considérés
comme dégradants. L'homme ainsi obligé de marcher sur
les traces de Jésus, portant la croix sur laquelle le Sauveur
du monde devait consommer sa mission glorieuse, était Simon,
originaire de Cyrène. Marc nous dit que Simon était le
père d'Alexandre et de Rufus ; nous pouvons conclure que
les deux fils étaient connus des lecteurs de l'Évangile
comme membres de la jeune Église, et nous avons lieu de croire
que la maison de Simon de Cyrène se rangea plus tard parmi les
croyants [2].
Parmi
ceux qui suivaient ou regardaient passer la procession macabre, il y
avait des gens, en particulier des femmes, qui pleuraient et se
lamentaient sur le sort qui attendait Jésus. Nous ne voyons
aucun homme s'aventurer à élever la voix pour protester
ou exprimer sa pitié ; mais en cette occasion comme en
d'autres, les femmes ne craignaient pas d'exprimer leur commisération
ou leurs éloges. Jésus, qui était resté
silencieux pendant l'inquisition des prêtres, silencieux sous
les moqueries humiliantes du sensuel Hérode et de ses valets
grossiers, silencieux tandis qu'il était tourmenté et
battu par les légionnaires brutaux de Pilate, se tourna vers
les femmes dont les lamentations pleines de sympathie étaient
parvenues à ses oreilles et leur lança une exhortation
et un avertissement pathétiques et sinistres : « Filles
de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur
vous et sur vos enfants. Car voici : des jours viendront où
l'on dira : Heureuses les stériles, (heureuses) celles
qui n'ont pas enfanté, et qui n'ont pas allaité !
Alors on se mettra à dire aux montagnes : Tombez sur
nous ! Et aux collines : Couvrez-nous ! Car, si l'on
fait cela au bois vert, qu'arrivera-t-il au bois sec ? »
C'était le dernier témoignage que le Seigneur rendait
de l'holocauste et de la destruction imminente qui devaient
s'ensuivre parce que la nation avait rejeté son roi. Bien que
la maternité fût le couronnement de la vie de toute
Juive, cependant dans les événements terribles que
verraient un grand nombre de celles qui pleuraient là, la
stérilité serait considérée comme une
bénédiction ; car celles qui n'avaient pas eu
d'enfants auraient moins de personnes sur qui pleurer et se verraient
du moins épargner l'horreur de voir leurs enfants mourir de
faim ou par la violence ; car ce jour-là serait si
terrible que le peuple verrait avec joie les montagnes tomber sur lui
pour mettre fin à ses souffrances [3]. Si les oppresseurs
d'Israël pouvaient faire ce qu'on était occupé à
faire au « bois vert » qui portait le feuillage
de la liberté et de la vérité et offrait le
fruit sans prix de la vie éternelle, que ne feraient pas les
puissances du mal aux branches desséchées et au tronc
flétri du judaïsme apostat ?
Le
cortège, avançant le long des rues de la ville, sortit
par la porte du mur massif et se dirigea ensuite vers un endroit qui
se trouvait au-delà mais était cependant proche de
Jérusalem. Sa destination était un lieu appelé
Golgotha ou Calvaire, signifiant « lieu du Crâne » [4].
LA
CRUCIFIXION [5]
Au
Calvaire, les bourreaux officiels se mirent sans délai en
devoir de mettre à exécution la terrible sentence
prononcée contre Jésus et les deux criminels. Avant
d'attacher les condamnés à la croix, il était de
coutume d'offrir à chacun d'eux une gorgée de vinaigre
mélangée de myrrhe et contenant peut-être
d'autres ingrédients stupéfiants, dans l'intention
miséricordieuse d'engourdir la sensibilité de la
victime. Ce n'était pas une pratique romaine mais une
concession à la sentimentalité juive. Lorsque la coupe
contenant la drogue fut présentée à Jésus,
il la porta à ses lèvres, mais s'étant rendu
compte de la nature de son contenu, refusa de boire et manifesta
ainsi sa détermination d'aller à la rencontre de la
mort dans la possession de toutes ses facultés et l'esprit
clair.
Ils
le crucifièrent alors sur la croix centrale et placèrent
l'un des malfaiteurs condamnés à sa droite et l'autre à
sa gauche. Ainsi était réalisée la vision
d'Ésaïe prophétisant que le Messie serait mis au
nombre des malfaiteurs [6]. Nous n'avons que peu de détails
sur la crucifixion proprement dite. Nous savons cependant que notre
Seigneur fut cloué à la croix par des pointes qu'on lui
enfonça dans les mains et les pieds, méthode romaine,
au lieu d'être seulement lié de cordes comme c'était
la coutume d'infliger cette forme de châtiment parmi les autres
nations. La mort par crucifixion était, de toutes les formes
d'exécution, à la fois celle qui durait le plus
longtemps et qui était la plus douloureuse. La victime
continuait à vivre tandis que sa torture augmentait
constamment, généralement pendant de longues heures,
parfois pendant des jours. Les pointes si cruellement enfoncées
dans les mains et les pieds pénétraient et écrasaient
des nerfs sensibles et des tendons frémissants sans infliger
de blessures mortelles. La victime souffrait jusqu'à ce que
survînt la mort, soulagement auquel elle aspirait, provoquée
soit par l'épuisement que causait la douleur intense et
ininterrompue ou par l'inflammation et la congestion localisées
d'organes provenant du fait que le corps se trouvait dans une
position tendue et anormale [7].
Tandis
que les bourreaux s'acquittaient de leur horrible tâche,
vraisemblablement avec une rudesse accompagnée de railleries,
car tuer était leur métier et ils s'étaient
endurcis au spectacle de la souffrance par une longue habitude, le
martyr torturé, qui n'éprouvait aucune rancune et était
plein de pitié pour leur endurcissement et leur cruauté,
prononça la première des sept paroles dites sur la
croix. Dans un esprit de miséricorde divine, il pria :
« Père pardonne-leur, car ils ne savent pas ce
qu'ils font. » N'essayons pas de fixer les limites de la
miséricorde du Seigneur ; il devrait être admis
qu'elle s'étend à tous ceux qui d'une manière
quelconque pourraient, à juste titre, tomber sous sa
juridiction bénie. La manière dont le Seigneur exprima
cette bénédiction miséricordieuse est
importante. S'il avait dit : « Je vous pardonne »,
on aurait pu croire que son pardon gracieux n'était qu'une
rémission de l'offense cruelle commise contre lui en le
torturant en vertu d'une condamnation injuste ; mais cette
invocation faite au Père de pardonner était une
supplication pour ceux qui avaient causé la souffrance et la
mort au Fils bien-aimé du Père, Sauveur et Rédempteur
du monde. Moïse pardonna à Miryarn l'offense qu'elle
avait commise contre lui, son frère ; mais Dieu seul
pouvait remettre le châtiment et enlever la lèpre qui
s'était abattue sur elle pour avoir parlé contre le
souverain sacrificateur de Jéhovah [8].
Il
semble qu'en vertu de la loi humaine, les vêtements portés
par un condamné au moment de l'exécution devenaient la
propriété des bourreaux. Les quatre soldats
responsables de la croix sur laquelle le Seigneur souffrait se
distribuèrent des parties de son vêtement ; il
restait sa tunique, qui était un bon vêtement tissé
d'une seule pièce, sans couture. La déchirer, ç'aurait
été l'abîmer ; aussi les soldats
tirèrent-ils au sort pour voir qui la posséderait ;
dans cet événement, les évangélistes
virent l'accomplissement de la prévision du psalmiste :
« Ils se sont partagé mes vêtements, et ils
ont tiré au sort ma tunique » [9].
On
attacha à la croix, au-dessus de la tête de Jésus,
un titre ou inscription, rédigé sur ordre de Pilate
conformément à la coutume qui voulait que l'on indiquât
le nom du crucifié et la nature de l'infraction pour laquelle
il avait été condamné à mort. Dans ce
cas, le titre fut écrit en trois langues, en grec, en latin et
en hébreu, langues dont tous les spectateurs qui pouvaient
lire comprendraient une ou plusieurs. Le titre ainsi affiché
disait : « Celui-ci est Jésus, le roi des
Juifs » ou selon la version plus étendue donnée
par Jean : « Jésus de Nazareth, le roi des
Juifs » [10]. Beaucoup de personnes lurent
l'inscription, car le Calvaire était proche du chemin public
et en ce jour férié les passants étaient
certainement nombreux. Cela suscita des commentaires. En effet, si on
l'interprétait littéralement, l'inscription constituait
une déclaration officielle que Jésus crucifié
était réellement roi des Juifs. Lorsque ce détail
fut porté à l'attention des principaux sacrificateurs,
ils firent appel, tout excités, au gouverneur, disant :
« N'écris pas : Le roi des Juifs ; mais
il a dit : je suis le roi des Juifs. Pilate répondit :
Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. » En
formulant ainsi le titre et en refusant purement et simplement de
permettre toute altération, Pilate a peut-être voulu
infliger une rebuffade aux fonctionnaires juifs qui l'avaient forcé
à condamner Jésus contre son jugement et sa volonté ;
mais il se peut cependant que le comportement soumis du prisonnier et
son affirmation qu'il détenait une royauté surpassant
toutes les royautés de la terre aient frappé l'esprit
sinon le cœur du gouverneur romain et lui aient donné la
conviction de la supériorité unique du Christ et du
droit inhérent qu'il avait à la domination. Quel qu'ait
pu être le but poursuivi par Pilate dans son écrit,
cette inscription a traversé l'histoire pour témoigner
de la considération manifestée par un païen par
contraste avec l'attitude d'Israël qui avait rejeté
brutalement son Roi [11].
Les
soldats, dont le devoir était de garder les croix jusqu'à
ce que la mort lente soulageât les crucifiés de leur
torture croissante, plaisantaient entre eux et se gaussaient du
Christ, buvant à sa santé, raillerie tragique, leur
coupe de vin amer. Regardant le titre affiché au-dessus de la
tête du Martyr, ils hurlaient le défi inspiré du
démon : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi
toi-même ! » La multitude morbide et les
passants « blasphémaient contre lui et secouaient
la tête, en disant : Hé ! toi qui détruis
le temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même
- et descends de la croix ! » Mais le comble, c'est
que les principaux sacrificateurs et les scribes, les anciens du
peuple, les peu respectables sanhédristes, devinrent les
meneurs de la populace inhumaine, se réjouissant avec une
satisfaction méchante et s'écriant : « Il
a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même !
Il est roi d'Israël, qu'il descende de la croix ; et nous
croirons en lui. Il s'est confié en Dieu ; que Dieu le
délivre maintenant, s'il l'aime. Car il a dit : Je suis
Fils de Dieu » [12]. Bien que prononcée
avec une moquerie éhontée, la déclaration des
gouverneurs d'Israël n'en reste pas moins une attestation que le
Christ en avait sauvé d'autres et une proclamation faite dans
une intention ironique mais néanmoins littéralement
vraie qu'il était le Roi d'Israël. Les deux malfaiteurs,
chacun pendant à sa croix, se joignirent à la dérision
générale, et d'insultaient de la même manière ».
L'un d'eux, dans le désespoir qu'il éprouvait à
voir la mort approcher, fit écho aux provocations des prêtres
et du peuple : « Sauve-toi toi-même, et
sauve-nous ! »
La
note dominante dans toutes ces railleries et toutes ces injures, dans
ce langage ordurier et ces moqueries, dont le Christ patient et
soumis était assailli tandis qu'il était pendu à
la croix, « éIevé » comme il
l'avait prédit de lui même [13],
était ce terrible « Si » que les
émissaires du diable lui lançaient au visage au moment
de son agonie ; de la même manière le diable
lui-même le lui avait fait sentir très insidieusement
lorsqu'il le tenta immédiatement après son
baptême [14]. Ce « si » était
le dernier trait de Satan, soigneusement barbelé et doublement
empoisonné, et il filait comme avec le sifflement féroce
d'une vipère. Etait-il possible, à ce stade final et
effroyable de la mission du Christ, de lui faire douter de sa
filiation divine, ou, à défaut, d'accabler de sarcasmes
ou d'irriter le Sauveur mourant, afin qu'il utilise ses pouvoirs
surhumains pour soulager sa propre douleur ou commettre un acte de
vengeance contre ses tortionnaires ? Obtenir pareille victoire,
tel était le dessein désespéré de Satan.
Le trait manqua son but. Le Christ torturé resta silencieux
durant les provocations et la dérision, les défis
blasphématoires et les excitations diaboliques.
Alors
l'un des voleurs crucifiés, adouci au point de se repentir par
le courage patient du Sauveur, et voyant dans le comportement du
martyr divin quelque chose de surhumain, réprimanda son
compère railleur, en disant : « Ne crains-tu
pas Dieu, toi qui subis la même condamnation ? Pour nous,
c'est justice, car nous recevons ce qu'ont mérité nos
actes ; mais celui-ci n'a rien fait de mal. » Ayant
confessé sa culpabilité et reconnu la justice de sa
propre condamnation, il fut amené à un début de
repentir, et à la foi au Seigneur Jésus, son compagnon
d'agonie. « Et il dit : Jésus, souviens-toi de
moi, quand tu viendras dans ton règne » [15]. À
cet appel du repentir, le Seigneur répondit par une promesse
telle que lui seul pouvait en faire : « En vérité,
je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis » [16].
Parmi
les spectateurs de cette tragédie, la plus grande de
l'histoire, il y avait des personnes qui éprouvaient de la
sympathie et de la douleur. On ne nous dit pas qu'aucun des Douze ait
été là à l'exception d'un seul, à
savoir le disciple « que Jésus aimait »,
Jean l'apôtre, évangéliste et révélateur ;
mais il est fait explicitement mention de certaines femmes qui, tout
d'abord à distance, puis tout près de la croix,
pleurèrent dans l'angoisse de leur amour et de leur douleur.
« Près de la croix de Jésus, se tenaient sa
mère et la sœur de sa mère, Marie femme de
Clopas, et Marie-Madeleine » [17].
Outre
les femmes citées il y en avait beaucoup d'autres, dont
certaines avaient servi Jésus dans le courant de ses travaux
en Galilée et qui se trouvaient parmi celles qui étaient
venues avec lui à Jérusalem [18]. En tout premier
lieu il y avait Marie, mère de Jésus, dont l'âme
avait été transpercée par l'épée
comme Simon le juste l'avait prophétisé [19].
Jésus, contemplant avec une tendre compassion sa mère
en larmes qui se trouvait avec Jean au pied de la croix, la
recommanda aux soins et à la protection du disciple bien-aimé,
en disant : « Femme, voici ton fils. » Et
à Jean : « Voici ta mère. »
Le disciple emmena tendrement Marie, pleine de douleur, loin de son
Fils mourant et « la prit chez lui », se
chargeant ainsi immédiatement des nouvelles relations établies
par son Maître mourant.
Jésus
fut cloué sur la croix pendant la matinée de ce
vendredi fatal, probablement entre neuf et dix heures [20]. À
midi le soleil s'obscurcit et les ténèbres s'étendirent
sur tout le pays. Cette terrible obscurité dura trois heures.
Ce phénomène remarquable, la science ne l'a pas
expliqué de manière satisfaisante. Il ne pouvait avoir
été dû à une éclipse du soleil
comme des ignorants l'ont proposé, car on se trouvait à
l'époque de la pleine lune ; en effet le moment de la
Pâque était déterminé par la première
pleine lune après l'équinoxe de printemps. Des ténèbres
furent provoquées par un fonctionnement miraculeux des lois
naturelles dirigé par la puissance divine. C'était un
signe approprié du deuil profond de la terre causé par
la mort imminente de son Créateur [21]. Les évangélistes
gardent un silence respectueux sur l'agonie du Seigneur sur la croix.
À
la neuvième heure, soit à environ trois heures de
l'après-midi, une voix forte, dépassant le cri de
souffrance physique le plus angoissé, se fit entendre de la
croix centrale, déchirant les terribles ténèbres.
C'était la voix du Christ : « Eli, Eli, lama
sabachthani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m'as-tu abandonné ? » Quel esprit
humain peut sonder la signification de ce cri affreux ? Il
semble qu'en plus des souffrances terribles causées par la
crucifixion, l'angoisse de Gethsémané soit revenue,
intensifiée au point qu'il aurait été au-delà
des forces humaines de la supporter. En cette heure extrêmement
cruelle, le Christ mourant était seul, seul d'une manière
réelle et terrible. Pour que le sacrifice suprême du
Fils pût être consommé dans toute sa plénitude,
il semble que le Père ait retiré le soutien de sa
Présence immédiate, laissant au Sauveur des hommes la
gloire d'une victoire complète sur les forces du péché
et de la mort. Le cri poussé sur la croix, tous ceux qui
étaient tout près l'entendirent, mais peu le
comprirent. Quand on entendit sa première exclamation, Eli,
signifiant Mon Dieu, on crut qu'il appelait Élie.
Le
moment de faiblesse, le sentiment d'abandon total passa bientôt,
et les besoins naturels du corps se firent de nouveau sentir. La soif
insoutenable, qui constituait l'une des douleurs les plus atroces de
la crucifixion, arracha des lèvres du Sauveur la seule parole
qui nous soit rapportée exprimant sa souffrance physique.
« J'ai soif », dit-il. L'un de ceux qui étaient
tout près, on ne nous dit pas s'il était Romain ou
Juif, disciple ou sceptique, imprégna rapidement une éponge
de vinaigre, dont un récipient se trouvait tout près,
et ayant attaché l'éponge à l'extrémité
d'un roseau ou d'une tige d'hysope, l'appuya sur les lèvres
enfiévrées du Seigneur. D'autres auraient empêché
cette seule réaction humaine, car ils dirent : « Laisse,
voyons si Élie viendra le sauver. » Jean affirme
que le Christ ne s'exclama : « J'ai soif »
que lorsqu'il sut que tout était déjà accompli,
et l'apôtre vit dans cet incident l'accomplissement d'une
prophétie [22].
Se
rendant pleinement compte qu'il n'était plus abandonné,
mais que son sacrifice expiatoire avait été accepté
par le Père et que sa mission dans la chair avait été
menée à une fin glorieuse, il s'exclama d'une voix
forte avec un saint triomphe : « Tout est accompli. »
Il s'adressa au Père avec respect, résignation et
soulagement, disant : « Père, je remets mon
esprit entre tes mains » [23]. Il inclina la tête
et donna volontairement sa vie.
Jésus
le Christ était mort. Sa vie ne lui avait été
enlevée que parce qu'il l'avait permis. Aussi doux et bienvenu
qu'aurait été le soulagement procuré par la mort
à chacune des étapes précédentes de sa
souffrance, de Gethsémané à la croix, il vécut
jusqu'à ce que tout fût accompli comme prévu. À
notre époque la voix du Seigneur Jésus s'est fait
entendre, confirmant qu'il avait souffert et qu'il était mort,
et définissant le dessein éternel qui avait été
ainsi accompli. Prêtez attention à ses paroles :
« Car voici, le Seigneur, votre Rédempteur, a
souffert la mort dans la chair et il a subi les souffrances de tous
les hommes, afin que tous les hommes puissent se repentir et venir à
lui » [24].
ÉVÉNEMENTS
IMPORTANTS QUI SE PRODUISIRENT ENTRE LA MORT ET L'ENSEVELISSEMENT DU
SEIGNEUR
La
mort du Christ s'accompagna de phénomènes terrifiants.
Il y eut un violent tremblement de terre, les rochers des montagnes
se détachèrent, et beaucoup de tombes s'ouvrirent.
Mais, chose la plus terrible de toutes dans l'esprit juif, le voile
du temple qui pendait entre le Saint et le Saint des Saints [25]
se déchira du haut en bas, et l'intérieur, que nul
autre que le souverain sacrificateur n'avait pu voir jusque là,
fut exposé aux regards de tous. C'était le démembrement
du judaïsme, la consommation de l'ère mosaïque et
l'inauguration du christianisme sous l'administration apostolique.
Le
centurion romain et les soldats qui étaient sous ses ordres à
l'endroit de l'exécution furent étonnés et
extrêmement effrayés. Ils avaient probablement été
témoins de nombreuses morts sur la croix, mais jamais encore
ils n'avaient vu d'homme mourir visiblement de sa propre volonté
et capable de crier d'une voix forte au moment de périr. Ce
mode d'exécution barbare et inhumain provoquait un épuisement
lent et progressif. Tous ceux qui étaient là
considérèrent la mort de Jésus comme un miracle,
ce qu'elle était en effet. Ce prodige, auquel venaient
s'ajouter le tremblement de terre et les horreurs qui
l'accompagnèrent, frappa tellement le centurion qu'il pria
Dieu et déclara solennellement : « Réellement,
cet homme était juste. » D'autres se joignirent à
lui pour prononcer cette affirmation effrayante : « Il
était vraiment Fils de Dieu. » Les gens terrifiés
qui parlèrent et ceux qui entendirent quittèrent cet
endroit pleins de crainte, se frappant la poitrine et se lamentant
sur ce qui semblait être une destruction imminente [26].
Cependant quelques femmes aimantes observaient de loin et virent tout
ce qui se passait jusqu'au moment où le corps fut enseveli.
C'était
maintenant la fin de l'après-midi ; le sabbat
commencerait au coucher du soleil. Ce sabbat qui s'approchait était
considéré comme plus qu'ordinairement sacré, car
c'était un grand jour, en ce que c'était le sabbat
hebdomadaire et un jour pascal sacré [27]. Les dirigeants
juifs, qui n'avaient pas hésité à mettre leur
Seigneur à mort, étaient horrifiés à la
pensée que des hommes resteraient en croix en un tel jour, ce
qui souillerait la terre [28] ; par conséquent, ces
dirigeants scrupuleux allèrent trouver Pilate pour lui
demander de liquider sommairement Jésus et les deux
malfaiteurs par la méthode brutale romaine qui consistait à
leur rompre les jambes, car on savait que le choc de ce traitement
violent provoquait la mort rapide des crucifiés. Le gouverneur
donna son consentement, et les soldats brisèrent avec des
gourdins les membres des deux voleurs. Cependant, s'apercevant que
Jésus était déjà mort, ils ne lui
rompirent pas les os. Le Christ, le grand sacrifice de la Pâque
dont toutes les victimes de l'autel n'avaient été que
des prototypes pour le rappeler au souvenir des hommes, mourut de
manière violente mais cependant sans qu'un seul os de son
corps fût brisé, condition prescrite pour les agneaux
pascaux immolés [29]. L'un des soldats, voulant s'assurer
que Jésus était réellement mort, ou pour être
certain de le tuer s'il vivait encore, lui enfonça une lance
dans le côté, faisant une blessure suffisamment grande
pour permettre à un homme d'y introduire la main [30].
Lorsqu'il retira la lance, du sang et de l'eau coulèrent [31],
événement si surprenant que Jean, qui était
témoin oculaire, en rend lui-même formellement
témoignage et cite les Écritures qui étaient par
là accomplies [32].
L'ENSEVELISSEMENT [33]
Un
homme appelé Joseph d'Arimathée, qui de cœur
était disciple du Christ, mais qui avait hésité
à confesser ouvertement sa conversion par peur des Juifs,
voulut donner au corps du Christ des funérailles décentes
et honorables. Sans cette intervention divinement inspirée, le
corps de Jésus aurait probablement été jeté
dans la fosse commune des criminels exécutés. Cet
homme, Joseph, était « membre du conseil... homme
bon et juste ». Il est expressément dit de lui
qu'il « n'avait point participé à la
décision et aux actes des autres », déclaration
qui nous permet de conclure que c'était un sanhédriste
et qu'il s'était opposé à la mesure prise par
ses collègues lorsqu'ils condamnèrent Jésus à
mort, ou du moins s'était abstenu de voter avec les autres.
Joseph était un homme riche, important et influent. Il alla
hardiment trouver Pilate et lui demanda le corps du Christ. Le
gouverneur fut surpris d'apprendre que Jésus était déjà
mort ; il fit venir le centurion et lui demanda combien de temps
Jésus avait vécu sur la croix. Ce détail peu
ordinaire semble avoir augmenté le trouble et les
préoccupations de Pilate. Il donna ses ordres et le corps du
Christ fut remis à Joseph.
Le
corps fut descendu de la croix, et dans la préparation pour le
tombeau, Joseph fut aidé de Nicodème, autre membre du
sanhédrin, celui-là même qui, trois ans
auparavant, était allé trouver Jésus de nuit et
avait protesté, lors d'une des réunions de conspiration
du sanhédrin, contre le projet de condamner Jésus
illégalement sans interrogatoire [34]. Nicodème
apporta une grande quantité de myrrhe et d'aloès, cent
livres environ. Ce mélange parfumé était
hautement estimé pour les onctions et les embaumements, mais
son prix en limitait l'usage aux riches. Ces deux disciples pieux
enveloppèrent le corps du Seigneur dans du linge propre,
« avec les aromates, comme c'était la coutume
d'ensevelir chez les Juifs », puis le posèrent dans
un sépulcre neuf, taillé dans le roc. Le tombeau se
trouvait dans un jardin, non loin du Calvaire, et appartenait à
Joseph. À cause de la proximité du sabbat,
l'ensevelissement dut se faire en hâte ; l'entrée
du sépulcre fut fermée, une grande pierre fut roulée
contre elle [35], et ainsi mis à l'abri, le corps fut
laissé à son repos. Quelques-unes des femmes dévotes,
en particulier Marie-Madeleine et « l'autre Marie »,
qui était la mère de Jacques et de Jude, avaient
regardé de loin la mise au tombeau ; lorsqu'elle fut
terminée, elles « s'en retournèrent pour
préparer des aromates et des parfums. Puis pendant le sabbat,
elles observèrent le repos, selon le commandement ».
LE
SÉPULCRE GARDÉ [36]
Le
lendemain de la « préparation »,
c'est-à-dire le samedi, jour du sabbat et « Ie
grand jour » [37], les principaux sacrificateurs et
les Pharisiens vinrent en bloc trouver Pilate, disant :
« Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit,
quand il vivait encore : Après trois jours je
ressusciterai. Ordonne donc qu'on s'assure du sépulcre
jusqu'au troisième jour, afin que ses disciples ne viennent
pas dérober le corps et dire au peuple : Il est
ressuscité des morts. Cette dernière imposture serait
pire que la première. » Il est évident que
les ennemis humains les plus invétérés du Christ
se souvenaient de ses prédictions dans lesquelles il assurait
qu'il ressusciterait le troisième jour après sa mort.
Pilate répondit par un consentement bref : « Vous
avez une garde ; allez, assurez-vous (de lui) comme vous
l'entendrez. » C'est ainsi que les principaux
sacrificateurs et les Pharisiens s'assurèrent que le sépulcre
était bien protégé en veillant à ce que
le sceau officiel fût apposé au point de jonction de la
grande pierre et de l'entrée et qu'une garde armée en
fût responsable.
[1]
Mt 27:31-33, Mc 15:20-22, Lc 23:26-33, Jn 19:16, 17.
[2]
Note 1, fin du chapitre.
[3]
Note 2, fin du chapitre.
[4]
Note 3, fin du chapitre.
[5]
Mt 27:34-50, Mc 15:23-37, Lc 23:33-46, Jn 19:18-30.
[6]
Es 53:12 ; cf. Mc 15:28, Lc 22:37.
[7]
Note 4, fin du chapitre.
[8]
Nb 12.
[9]
Mt 27:35, Mc 15:24, Lc 23:34, Jn 19:23, 24 ; cf. Ps 22:18.
[10]
Note 5, fin du chapitre.
[11]
Chap. 7 et notes.
[12]
Mt 27:42, 43. La proposition « s'il est roi d'Israël »
au verset 42 est reconnue comme un contresens ; elle devrait
dire « il est roi d'Israël ». Voir version
révisée anglaise et Edersheim, vol. 2, p. 596 ;
cf. Mc 15:32.
[13]
Jn 3:14, 8:28, 12:32.
[14]
Mt 4:3, 6 ; voir chap. 10 et notes.
[15]
Lc 23:42.
[16]
Voir chapitres 36, infra.
[17]
Jn 19:25 ; cf. Mt 27:55, 56, Mc 15:40, 41, Lc 23:48, 49. Voir
note 6, fin du chapitre.
[18]
Voir les références citées en dernier lieu et Lc
8:2, 3, ainsi que chap. 18 du présent ouvrage.
[19]
Lc 2:34, 39 ; chap. 8 du présent ouvrage.
[20]
Mc 15:25 ; voir note 7, fin du chapitre.
[21]
Cf. PGP., Moïse 7:37, 40, 48, 49, 56.
[22]
Jn 19:28 ; cf. Ps 69:21.
[23]
Les évangélistes nous laissent un peu dans
l'incertitude quant à savoir laquelle des deux dernières
paroles prononcées sur la croix : « Tout est
accompli » et « Père, je remets mon âme
entre tes mains », l'a été la première.
[24]
D&A 18:11, révélation donnée en juin 1829 ;
voir aussi 19:16-19 et chap. 33 du présent ouvrage.
[25]
Voir La Maison du Seigneur, page 48.
[26]
Mt 27:15-54, Mc 15:38, 39, Lc 23:47-49.
[27]
Jn 19:31-37.
[28]
Dt 21:33.
[29]
Ex 12:46, Nb 9:12, Ps 34:20, Jn 19:36, 1 Co 5:7.
[30]
Jn 20:27, LM, 3 Né 11: 14, 15.
[31]
Note 8, fin du chapitre.
[32]
Jn 19:34-37 ; cf. Ps 22:16, 17 ; Za 12:10, Ap 1:7.
[33]
Mt 27:57-61, Mc 15:42-47, Lc 23:50-56, Jn 19:38-42.
[34]
Jn 3:1, 2, 7:50 ; voir chap. 12 et 25 du présent ouvrage.
[35]
Voir version révisée anglaise Mc 15:46.
[36]
Mt 27:62-66.
[37]
Note 9, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 35
1.
Simon le Cyrénien : Simon, sur qui la croix de Jésus
fut posée, était membre de la colonie juive d'Afrique
du Nord, qui avait été établie près de
trois siècles avant la naissance du Christ par Ptolémée
Lagi, qui y déporta un grand nombre de Juifs de Palestine
(Josèphe, Ant. XII, chap. 1). Cyrène, lieu de résidence
de Simon, se trouvait dans la province de Libye ; son
emplacement se trouve dans les limites actuelles de Tunis. Il est
certain que les Juifs africains étaient nombreux et avaient de
l'influence puisqu'ils entretenaient une synagogue à Jérusalem
(Ac 6:9) destinée à recevoir ceux d'entre eux qui
rendaient visite à la ville. Paul fait amicalement allusion à
Rufus et à sa mère plus d'un quart de siècle
après la mort du Christ (Rm 16:13). Si ce Rufus est l'un des
fils de Simon dont parle Marc (5:21), comme le dit la tradition, il
est probable que la famille de Simon occupait une situation
importante dans l'Église primitive. Quant à savoir si
Simon était devenu disciple avant la crucifixion ou fut
converti parce qu'il avait été obligé à
porter la croix du Seigneur, ou devint membre de l'Église à
une date ultérieure, cela ne nous est pas dit formellement.
2.
Les paroles du Christ aux filles de Jérusalem : « Le
temps viendrait où la stérilité prédite
par la malédiction de l'Ancien Testament (voir Os 9:14) serait
désirée comme une bénédiction. Pour
montrer l'accomplissement de cette lamentation prophétique de
Jésus, il n'est pas nécessaire de se souvenir des
détails atroces rapportés par Josèphe (Guerres,
VI, 3:4), où une mère affolée rôtissait
son propre enfant et dans l'ironie du désespoir réservait
la moitié de l'horrible repas pour les assassins qui
s'introduisaient quotidiennement chez elle pour la dépouiller
du peu de nourriture qui lui était resté, ni même
d'autres de ces incidents, trop révoltants pour qu'on les
répète utilement, que rapporte l'historien du dernier
siège de Jérusalem. Mais combien de fois au cours de
ces nombreux siècles, les femmes d'Israël ont-elles dû
éprouver le désir terrible de rester sans enfant, et
combien de fois les martyrs d'Israël n'ont-ils pas senti venir à
leurs lèvres la prière désespérée
demandant que des montagnes s'écroulent sur eux et que les
collines les ensevelissent, leur assurant une mort rapide, plutôt
que d'avoir à subir des tortures prolongées (voir Os
10:8) ! Et cependant, ces mots prophétisaient un avenir
encore plus terrible (Ap 6:10). Car, si Israël avait mis de
telles flammes à son « bois vert »,
combien terriblement le jugement divin brûlerait parmi le bois
sec d'un peuple apostat et rebelle, qui avait ainsi livré son
Roi divin, et prononcé sentence contre lui-même en la
prononçant contre lui ! » - Edersheim, Life
and Times of Jesus the Messiah, vol. 2, p. 588.
Concernant
la prière pour que les montagnes s'écroulent pour
écraser et cacher, Farrar (Life of Christ, p. 645, note),
dit : « Ces paroles du Christ trouvèrent une
illustration littérale pénible lorsque des centaines de
malheureux Juifs, lors du siège de Jérusalem, se
cachèrent dans les réduits souterrains les plus
ténébreux et les plus dégoûtants, et
lorsque, outre ceux qui furent pourchassés, pas moins de deux
mille personnes furent tuées, ensevelies sous les ruines de
leurs cachettes. » Un autre accomplissement peut encore
être réservé pour l'avenir. Consultez Josèphe,
Guerres, VI 9:4 ; voir aussi Os 9:12-16, 10:8, Es 2:10, comparez
Ap 6:16.
3.
« Le lieu du Crâne » : Le nom hébreu
araméen « Golgotha », le grec
« Kranion » et le latin « Calvaria »
ou, sous sa forme francisée, « Calvaire »,
ont le même sens et veulent dire « crâne ».
Ce nom peut avoir été appliqué par allusion à
un aspect topographique, de la même manière que nous
parlons du pied d'une colline ; ou si cet endroit était
le lieu ordinaire des exécutions, il se peut qu'il ait été
appelé ainsi pour exprimer la mort, tout comme nous appelons
un crâne une tête de mort. Il est probable que les corps
des condamnés exécutés étaient ensevelis
près du lieu de leur mort ; et si le Golgotha ou le
Calvaire était le lieu fixé pour l'exécution, il
ne serait pas surprenant que des crânes et d'autres ossements
humains aient été mis à découvert par les
ravages des animaux et par d'autres moyens ; il faut cependant
remarquer qu'il était contraire aux lois et aux sentiments
juifs de laisser sans sépulture les corps ou l'une quelconque
de leurs parties. L'origine de ce nom a aussi peu d'importance que
les nombreuses théories divergentes concernant l'emplacement
exact du lieu.
4.
La Crucifixion : « Elle était considérée
unanimement comme la plus horrible des morts. En outre, chez les
Romains, à cette peine venait également s'ajouter la
dégradation, et lorsqu'on appliquait ce châtiment à
un homme libre, on ne le faisait que dans le cas des criminels les
plus vils... Le criminel portait sa propre croix, ou tout au moins
une partie de celle-ci. De là, au figuré, prendre ou
porter sa croix veut dire endurer des souffrances, de l'affliction ou
de la honte, comme un criminel se dirigeant vers le lieu de la
crucifixion (Mt 10:38, 16:24, Lc 14:27, etc.). Le lieu d'exécution
était en dehors de la ville (1 R 21:13, Ac 7:58, et Hé
13:12), souvent sur une route publique ou à un autre endroit
bien visible. Arrivé au lieu de l'exécution, on
enlevait les vêtements du condamné, ceux-ci devenant la
propriété des soldats (Mt 27:35). On enfonçait
alors la croix dans le sol, de sorte que les pieds du condamné
se trouvaient à quarante ou cinquante centimètres
au-dessus du sol et puis on l'élevait avec elle. »
Il était de coutume de mettre des soldats de garde pour
veiller sur la croix, de manière à empêcher qu'on
enlevât le condamné tandis qu'il vivait encore.
« C'était une chose nécessaire étant
donné le caractère lent de la mort, qui ne se
produisait parfois pas avant trois jours et était en fin de
compte le résultat d'un engourdissement graduel et de la faim.
Sans cette garde, les intéressés pouvaient être
détachés et récupérés, ce qui se
passa d'ailleurs dans le cas d'un ami de Josèphe... Dans la
plupart des cas, on laissait le corps pourrir sur la croix sous
l'influence du soleil et de la pluie ou bien on laissait les oiseaux
et les animaux le dévorer. Pour cette raison, la sépulture
était généralement interdite ; mais du fait
de Dt 21:22, on faisait une exception nationale expresse en faveur
des Juifs (Mt 27:58). Ce châtiment maudit et horrible fut
heureusement aboli par Constantin. » Bible dict., de
Smith.
5.
L'inscription de Pilate : « Roi des Juifs » :
Il n'y a pas deux des évangélistes qui formulent dans
les mêmes termes le titre ou l'inscription qui fut placée
sur l'ordre de Pilate au-dessus de la tête de Jésus sur
la croix ; cependant son sens est le même chez tous, et
les divergences secondaires sont la preuve de la liberté avec
laquelle chacun des écrivains faisait son récit. Il est
probable qu'il y eut réellement une diversité dans les
versions en trois langues. C'est la version de Jean qui est suivie
dans les abréviations ordinaires que les catholiques utilisent
lorsqu'ils représentent le Christ : J. N. R. J., ou
encore, étant donné que « I »
était l'équivalent de « J » - I.
N. R. I. - Jésus de Nazareth, Roi des Juifs.
6.
Les femmes près de la croix : Selon la version autorisée
et la version révisée, trois femmes seulement sont
citées, mais la plupart des critiques modernes affirment qu'il
est question de quatre. Il faut par conséquent traduire :
« sa mère et la sœur de sa mère
(C'est-à-dire Salomé, mère de l'évangéliste
Jean) et Marie, femme de Clopas et Marie-Madeleine. » -
tiré du commentaire de Dummelow sur Jean 19:25.
7.
L'heure de la crucifixion : Marc (15:25) dit : « C'était
la troisième heure quand ils le crucifièrent » ;
le moment ainsi précisé correspond à l'heure qui
s'étend entre neuf et dix heures du matin. Cet auteur et les
autres synoptiques, Matthieu et Luc, notent un grand nombre
d'incidents qui se produisirent entre le moment où le Christ
fut cloué sur la croix et la sixième heure,
c'est-à-dire l'heure qui s'étend de midi à
treize heures. Ces divers récits montrent bien que Jésus
fut crucifié dans la matinée. Il y a clairement une
divergence entre ces récits et la déclaration de Jean
(19:14) que l'on était environ à « la
sixième heure » (midi) lorsque Pilate prononça
la sentence d'exécution. Toutes les tentatives de faire
concorder les récits à ce point de vue se sont avérées
futiles parce que la contradiction est réelle. La plupart des
critiques et des commentateurs supposent que « environ la
sixième heure » du récit de Jean est une
faute due à des erreurs commises par d'anciens copistes des
manuscrits de l'évangile, qui confondirent le signe signifiant
la troisième avec celui qui signifiait sixième.
8.
La cause physique de la mort du Christ : Si, comme nous l'avons
dit dans le texte, c'était volontairement que Jésus-Christ
donnait sa vie, car il avait la vie en lui et nul ne pouvait lui ôter
la vie s'il ne permettait qu'elle lui fût enlevée (Jn
1:4, 5:26, 10:15-18), il y avait nécessairement une cause
physique directe à cette mort. Comme nous l'avons également
dit, les crucifiés vivaient parfois pendant des jours sur la
croix, et la mort résultait, non pas de ce qu'étaient
infligées des blessures mortelles, mais de congestion interne,
d'inflammations, de troubles organiques et de l'épuisement de
l'énergie vitale qui s'ensuivait. Jésus, quoique
affaibli par de longues tortures au cours de la nuit précédente
et du petit matin, par le choc de la crucifixion elle-même,
ainsi que par l'intense douleur morale, et en particulier par une
souffrance spirituelle comme aucun homme n'en a jamais supporté
de pareille, manifesta une vigueur surprenante, tant d'esprit que de
corps, jusqu'à la dernière minute. Le fait qu'il parla
d'une voix forte pour incliner la tête immédiatement
après et « rendit l'esprit », quand on
l'examine dans le cadre des autres détails qui nous sont
rapportés, permet de penser que la cause directe de la mort
fut une rupture physique du cœur. Si la lance du soldat fut
enfoncée dans le côté gauche du corps du Seigneur
et alla jusqu'à pénétrer dans le cœur,
l'écoulement de sang et d'eau observé par Jean est une
autre preuve d'une rupture cardiaque ; car on sait que dans les
rares cas où la mort a résulté de la rupture
d'une partie quelconque de la paroi du cœur, le sang s'accumule
dans le péricarde, et y subit un changement dans lequel les
globules forment une masse partiellement coagulée qui se
sépare du sérum aqueux et presque incolore. Il se
produit des accumulations semblables de globules coagulés et
de sérum à l'intérieur de la plèvre. Le
Dr Abercrombie, d'Edimbourg, cité par Deems (Light of the
Nations, p. 682) « indique un cas où un homme âgé
de soixante-dix-sept ans mourut soudainement par suite de rupture du
cœur. Dans son cas, (les cavités de la plèvre
contenaient environ trois litres de liquide, mais les poumons étaient
sains) ». Deems cite également le cas suivant :
le Dr Elliotson rapporte le cas d'une femme qui mourut subitement.
« Lorsque l'on ouvrit le corps, on s'aperçut que le
péricarde était tendu par du sérum clair, et une
très grosse masse de sang coagulé qui s'était
échappée par la rupture spontanée de l'aorte
près de sa racine, sans qu'il y eut d'autres apparences de
maladie. » On pourrait citer beaucoup de cas, mais ceux-ci
suffisent. Le lecteur qui désire une étude détaillée
de ce sujet peut se rapporter à l'ouvrage du Dr Wm Stroud, On
the Physical Cause of the Death of Christ. L'effort mental intense,
une émotion poignante, que ce soit de souffrance ou de joie,
et une lutte spirituelle violente comptent parmi les causes reconnues
des ruptures cardiaques.
L'auteur
croit que le Seigneur Jésus mourut le cœur brisé.
Le psalmiste chantait sur un rythme douloureux selon sa prévision
inspirée de la passion du Seigneur : « Le
déshonneur me brise le cœur, et je suis malade ;
j'espère un signe de pitié, mais rien ! Des
consolateurs, et je n'en trouve pas. Ils mettent du poison dans ma
nourriture, et, pour (apaiser) ma soif, ils m'abreuvent de vinaigre »
(Ps 69:21, 22 ; voir également 22:14).
9.
La requête pour que le tombeau du Christ fût scellé :
Beaucoup de critiques prétendent que la députation
rendit visite à Pilate le samedi soir, après la fin du
sabbat. Cette théorie est basée sur l'idée que
le fait de contrôler personnellement le scellement du tombeau,
comme le firent ces dirigeants sacerdotaux, c'était se
souiller, et qu'ils n'auraient pas fait pareille chose le jour du
sabbat. La déclaration de Matthieu est précise :
la demande fut faite « le lendemain, qui était le
jour après la préparation ». Le jour de la
préparation s'étendait du coucher du soleil le jeudi,
au commencement du sabbat au coucher du soleil le vendredi.
CHAPITRE
36 : DANS LE ROYAUME DES ESPRITS
DÉSINCARNÉS
Jésus
le Christ mourut dans le sens littéral dans lequel tous les
hommes meurent. Il subit une dissolution physique en vertu de
laquelle son esprit immortel fut séparé de son corps de
chair et d'os, et ce corps était bel et bien mort. Tandis que
le cadavre gisait dans le tombeau de Joseph creusé dans le
roc, le Christ vivant existait comme esprit désincarné.
Nous pouvons nous demander où il était et quelles
étaient ses activités au cours de l'intervalle qui
s'étendit entre sa mort sur la croix et sa sortie du sépulcre
lorsque son esprit et son corps furent réunis et qu'il fut
devenu une âme ressuscitée. La théorie qui vient
tout naturellement à l'esprit, c'est qu'il se rendit là
où les esprits des morts vont ordinairement ; et que,
puisque dans la chair il avait été Homme parmi les
hommes, il était dans l'état désincarné,
Esprit parmi les esprits. Les Écritures confirment cette
conception, car d'après elles c'est un fait réel.
Comme
nous l'avons montré jusqu'ici [1], Jésus-Christ
était le Rédempteur et Sauveur élu et ordonné
de l'humanité ; il avait été mis à
part pour cette mission sublime au commencement, avant même que
la terre fût préparée pour être la
résidence du genre humain. Des multitudes innombrables qui
n'avaient jamais entendu l'Évangile vécurent et
moururent sur la terre avant la naissance de Jésus. De ces
morts innombrables, beaucoup avaient passé l'épreuve
mortelle en observant la loi de Dieu à des degrés
divers, dans la mesure où elle leur avait été
révélée, mais étaient morts dans une
ignorance de l'Évangile dont on ne pouvait les blâmer ;
tandis que d'autres multitudes avaient vécu et étaient
mortes coupables de transgressions envers cette portion de la loi de
Dieu aux hommes qui leur avait été enseignée et
à laquelle elles avaient professé obéir. La mort
les avait tous enlevés, aussi bien les justes que les
injustes. C'est eux que le Christ alla trouver, leur apportant la
nouvelle sublime qu'ils étaient rachetés des liens de
la mort et qu'il leur était possible d'être sauvés
des effets des péchés qu'ils avaient commis
personnellement. Cette œuvre faisait partie du service
prédéterminé et unique que le Sauveur devait
rendre à la famille humaine. Le cri de joie divine poussé
sur la croix : « Tout est accompli »
signifiait la fin de la mission du Seigneur dans la mortalité ;
mais il lui restait cependant un autre ministère à
remplir avant de retourner auprès du Père.
Quand
le transgresseur repentant, crucifié à son côté,
demanda au Seigneur de se souvenir de lui lorsqu'il viendrait dans
son règne [2], le Christ l'avait rassuré par des
paroles de réconfort : « En vérité,
je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. »
L'esprit de Jésus et l'esprit du voleur repentant quittèrent
leur corps crucifié et se rendirent au même endroit dans
le royaume des défunts [3]. Le troisième jour,
Jésus, alors ressuscité, affirma à
Marie-Madeleine en pleurs : « Je ne suis pas encore
monté vers mon Père. » Il était allé
au paradis mais non pas à l'endroit où Dieu demeure. Le
paradis n'est donc pas le ciel, si par ce dernier terme nous
entendons la demeure du Père éternel et de ses enfants
célestialisés [4]. Le paradis est le lieu où
demeurent les esprits justes et repentants entre la mort et la
résurrection corporelle. Une autre section du monde des
esprits est réservée aux êtres désincarnés
qui ont mené une vie de méchanceté et qui ne se
repentent pas, même après la mort. Alma, prophète
néphite, parlait comme suit de la situation dans laquelle se
trouvaient les morts :
« Maintenant,
en ce qui concerne l'état de l'âme entre la mort et la
résurrection, voici, il m'a été appris par un
ange que les esprits de tous les hommes, dès qu'ils ont quitté
ce corps mortel, oui, les esprits de tous les hommes, qu'ils soient
bons ou mauvais, retournent à ce Dieu qui leur a donné
la vie. Alors il arrivera que les esprits de ceux qui sont justes
seront reçus dans un état de félicité,
appelé paradis, un état de repos, un état de
paix où ils se reposeront de tous soucis et de toute peine. Et
il arrivera que les esprits des méchants ou des pécheurs
- car ils n'ont ni part ni portion dans l'Esprit du Seigneur ;
car voici, ils ont choisi les œuvres du mal au lieu de celles
du bien ; c'est pourquoi, l'esprit du diable est entré en
eux et a pris possession de leur maison - et ceux-ci seront rejetés
dans les ténèbres du dehors. Il y aura là des
pleurs, des gémissements et des grincements de dents, et cela
à cause de leur propre iniquité, parce qu'ils sont
emmenés captifs à la volonté du diable. C'est là
l'état des âmes des méchants ; oui, dans les
ténèbres et dans un état d'attente terrible et
épouvantable de l'indignation ardente de la colère de
Dieu contre eux ; ils demeurent ainsi dans cet état,
comme les justes dans le paradis, jusqu'au jour de leur
résurrection [5] »
Tandis
qu'il était privé de son corps, le Christ instruisit
les morts, tant au paradis que dans le royaume de la prison où
demeuraient dans un état d'attente les esprits des
désobéissants. C'est ce dont témoigna Pierre
près de trois décennies après ce grand
événement : « Christ aussi est mort une
seule fois pour les péchés, lui juste pour les
injustes, afin de vous amener à Dieu. Mis à mort selon
la chair, il a été rendu vivant selon l'Esprit. Par cet
Esprit, il est aussi allé prêcher aux esprits en prison,
qui avaient été rebelles autrefois, lorsque la patience
de Dieu se prolongeait, aux jours où Noé construisait
l'arche dans laquelle un petit nombre de personnes, c'est-à-dire
huit, furent sauvées à travers l'eau » [6].
Les
désobéissants qui avaient vécu sur la terre à
l'époque de Noé sont tout particulièrement cités
parmi les bénéficiaires du ministère du Seigneur
dans le monde des esprits. Ils s'étaient rendus coupables de
transgressions graves et avaient délibérément
rejeté les enseignements et les exhortations de Noé,
ministre terrestre de Jéhovah. À cause de leurs péchés
flagrants ils avaient été détruits dans la
chair, et leur esprit avait vécu en prison sans espoir, du
moment de leur mort jusqu'à l'avènement du Christ dont
l'Esprit venait parmi eux. Nous ne devons pas supposer, parce que
Pierre, pour illustrer, parlait des antédiluviens qui avaient
désobéi, qu'eux seuls étaient compris dans les
merveilleuses possibilités qu'offrait le ministère du
Christ dans le royaume des esprits ; au contraire, la raison et
la logique nous font conclure que tous ceux dont la méchanceté
dans la chair avait conduit leur esprit en prison, avaient part aux
possibilités de l'Expiation, du repentir et de la libération.
La justice exigeait que l'Évangile fût prêché
parmi les morts comme il l'avait été et devait l'être
encore plus parmi les vivants. Voyons ce que Pierre dit encore dans
son exhortation pastorale aux membres de l'Église primitive :
« Ils en rendront compte à celui qui est prêt
à juger les vivants et les morts. C'est pour cela, en effet,
que les morts aussi ont été évangélisés,
afin qu'après avoir été jugés selon les
hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à
l'Esprit » [7].
Le
fait que Jésus savait, alors qu'il était encore dans la
chair, que sa mission de Rédempteur et Sauveur universel du
genre humain ne prendrait pas fin lorsqu'il mourrait est suffisamment
démontré par ce qu'il dit aux casuistes juifs après
la guérison, le jour du sabbat, à Béthesda :
« En vérité, en vérité, je
vous le dis, l'heure vient, - et c'est maintenant - où les
morts entendront la voix du Fils de Dieu ; et ceux qui l'auront
entendue vivront. En effet, comme le Père a la vie en
lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en
lui-même, et il lui a donné le pouvoir d'exercer le
jugement, parce qu'il est Fils de l'homme. Ne vous en étonnez
pas ; car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les
tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront fait le bien en
sortiront pour la résurrection et la vie, ceux qui auront
pratiqué le mal pour la résurrection et le
jugement » [8]. Cette vérité
solennelle que le salut serait accessible aux morts aussi bien qu'aux
vivants grâce à l'expiation du Christ fut révélée
aux prophètes des siècles avant le midi des temps. Il
fut permis à Ésaïe de voir le destin des impies et
l'état préparé pour les transgresseurs hautains
et rebelles de la justice ; mais la terrible vision était
partiellement adoucie par la délivrance qui avait été
prévue. « En ce jour-là, l'Éternel
châtiera là-haut l'armée d'en-haut, et sur la
terre les rois de la terre. On les ramassera (comme) une masse de
détenus dans une fosse, ils seront emprisonnés dans une
prison, et, après un grand nombre de jours, ils seront
châtiés » [9]. À ce même
grand prophète fut montrée l'universalité de la
victoire expiatrice du Sauveur, comprenant la rédemption du
Juif et du Gentil, vivants et morts ; il dit, porte-parole
convaincant de la révélation : « Et
ainsi parle Dieu, l'Éternel, qui a créé les
cieux et qui les déploie, qui étend la terre et ses
productions, qui donne la respiration à ceux qui la peuplent
et le souffle à ceux qui la parcourent. Moi, l'Éternel,
je t'ai appelé pour la justice et je te prends par la main, je
te protège et je t'établis pour (faire) alliance avec
le peuple, pour être la lumière des nations, polir
ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison le captif
et de leur cachot les habitants des ténèbres » [10].
David,
chantant les louanges du Rédempteur dont la domination devait
s'étendre jusqu'aux âmes en enfer, poussa des cris de
joie à la perspective de la délivrance : « Aussi
mon cœur est dans la joie, mon esprit dans l'allégresse,
même mon corps repose en sécurité. Car tu
n'abandonneras pas mon âme au séjour des morts, tu ne
permettras pas que ton bien-aimé voie le gouffre. Tu me feras
connaître le sentier de la vie ; il y a abondance de joies
devant ta face, des délices éternelles à ta
droite » [11].
Ces
Écritures et d'autres encore montrent clairement que le
ministère du Christ parmi les désincarnés était
prévu, prédit et fut accompli. Le fait que l'Évangile
fut prêché aux morts implique nécessairement que
les morts ont la possibilité de l'accepter et de bénéficier
du salut qu'il offre. Dans la providence miséricordieuse du
Tout-Puissant, il a été prévu que les vivants
agiront par procuration pour les morts dans les ordonnances
essentielles au salut, de sorte que tous ceux qui, dans le monde des
esprits, acceptent la parole de Dieu qui leur aura été
prêchée, acquièrent la foi véritable que
Jésus-Christ est le seul et unique Sauveur et se repentent
avec contrition de leurs transgressions, bénéficieront
de l'effet sauveur du baptême d'eau pour la rémission
des péchés et recevront le baptême de l'Esprit ou
le don du Saint-Esprit [12]. Paul cite le principe et la
pratique du baptême des vivants pour les morts pour prouver la
réalité de la résurrection : « Autrement,
que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si les
morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser
pour eux [13] ? » Le libre arbitre, droit divin
de toutes les âmes humaines, ne sera pas annulé par la
mort. Ce n'est que lorsque les esprits des morts deviendront
pénitents et fidèles qu'ils profiteront de l'œuvre
qui est accomplie par procuration en leur faveur sur la terre.
C'est
le Christ qui commença l'œuvre missionnaire parmi les
morts ; qui de nous peut douter qu'elle ait été
poursuivie par ses serviteurs autorisés, les désincarnés,
qui avaient reçu, tandis qu'ils étaient dans la chair,
par ordination à la sainte prêtrise, la mission de
prêcher l'Évangile et d'en administrer les ordonnances ?
Qui peut en douter alors que l'Écriture implique si
abondamment que les apôtres fidèles qui restèrent
pour édifier l'Église sur la terre après le
départ de son Fondateur divin, ainsi que d'autres ministres de
la parole de Dieu ordonnés à la prêtrise par
l'autorité dans l'Église primitive aussi bien que dans
l'Église des derniers jours, sont passés du service du
ministère parmi les mortels à la continuation de cette
œuvre parmi les désincarnés ? Ils sont
appelés à suivre les traces du Maître, oeuvrant
ici-bas parmi les vivants et dans l'au-delà parmi les morts.
La
victoire du Christ sur la mort et le péché serait
incomplète si ses effets étaient limités à
la petite minorité qui a entendu, accepté et respecté
l'Évangile de salut dans la chair. Pour être sauvé,
il est essentiel de se conformer aux lois et aux ordonnances de
l'Évangile. Nulle part les Écritures ne font, sous ce
rapport, de distinction entre les vivants et les morts. Les morts
sont ceux qui ont vécu dans la mortalité sur la terre ;
les vivants sont des mortels qui doivent encore passer par le
changement prévu que nous appelons la mort. Tous sont enfants
du même Père, tous doivent être jugés et
récompensés ou punis par la même justice qui ne
se trompe pas, avec la même intervention d'une douce
miséricorde. Le sacrifice expiatoire du Christ fut offert, non
seulement pour les quelques-uns qui vivaient sur la terre tandis
qu'il était dans la chair, et pour ceux qui devaient naître
dans la mortalité après sa mort, mais pour tous les
habitants de la terre alors passés, présents et à
venir. Le Père l'ordonna juge tant des vivants que des
morts [14] ; il est aussi bien le Seigneur des vivants que
des morts [15], pour employer la terminologie des hommes qui
parlent des morts et des vivants, bien que tous doivent être
mis sur le même pied devant lui ; il n'y aura qu'une seule
classe, car tous sont vivants en lui [16]. Tandis que son corps
reposait dans le tombeau, le Christ s'occupait activement à
continuer d'accomplir les desseins du Père, en offrant les
bienfaits du salut aux morts, tant au paradis qu'en enfer.
[1]
Chapitres 2 et 3.
[2]
Chap. 35.
[3]
Note 1, fin du chapitre.
[4]
Noter la distinction faite par Paul 2 Co 12:2-4.
[5]
LM, Al 40:11-14.
[6]
1 P 3:18-20.
[7]
1 P 4:5-6
[8]
Jn 5:25-29 ; voir aussi chap. 15 du présent ouvrage.
[9]
Es 24:21-22.
[10]
Es 42:5-7.
[11]
Ps 16:9-11.
[12]
Voir chap. 10 et Les Articles de foi, p. 180-189 et La Maison du
Seigneur.
[13]
1 Co 15:29 ; voir aussi La Maison du Seigneur, p. 62.
[14]
Ac 10:42, 2 Tm 4:1, 1 P 4:5.
[15]
Rm 14:9.
[16]
Lc 20:36,38 ; Les Articles de Foi, p. 180.
NOTES
DU CHAPITRE 36
1.
Le paradis : Les Écritures prouvent qu'au moment du
jugement dernier tous les hommes se tiendront devant la barre de
Dieu, revêtus de leur corps ressuscité, et ce, quelle
que soit leur droiture ou leur culpabilité. En attendant la
résurrection, les esprits désincarnés existent
dans un état intermédiaire de bonheur et de repos ou de
souffrance et d'attente, selon la vie qu'ils ont choisi de mener
pendant la mortalité. Le prophète Néphi (2 Né
13), un prophète ultérieur du même nom (4 Né
14), Moroni (Moro 10:34) et aussi Alma dont les paroles sont citées
dans le texte (AI 40:12,14) parlent du paradis qu'ils décrivent
comme la demeure des esprits des justes entre le moment de la mort et
celui de la résurrection. Les Écritures du Nouveau
Testament sont d'accord avec eux (Lc 23:43, 2 Co 12:4, Ap 2:7). Le
mot « paradis » dérivé du perse
par le grec signifie un lieu agréable ou un lieu de repos
plaisant (voir Les Articles de Foi, page 478, note 5). Beaucoup
pensent que les termes « hadès » et
« Schéol » désignent le lieu des
esprits décédés, comprenant à la fois le
paradis et la prison ; d'autres n'appliquent les termes qu'à
cette dernière, lieu des méchants, séparés
du paradis, demeure des justes.
Il
est contraire, tant à la lettre qu'à l'esprit des
Écritures, de la raison et de la justice de croire que,
lorsque le Christ donna sa gracieuse assurance au pécheur
pénitent sur la croix, il lui remettait ses péchés.
C'est sur une fondation extrêmement peu sûre que se
basent ceux qui ont confiance en l'efficacité des professions
de foi et des confessions sur le lit de mort, en se servant du
témoignage de cet incident. Le malfaiteur crucifié
manifesta la foi et le repentir ; la bénédiction
qui lui fut promise fut qu'il entendrait, le jour même, prêcher
l'Évangile au paradis ; il serait alors libre d'accepter
ou de rejeter la parole de vie. Dans son cas, la loi qui prévoit
qu'il est essentiel pour le salut d'obéir aux lois et aux
ordonnances de l'Évangile n'était pas écartée,
suspendue ou remplacée par une autre.
CHAPITRE
37 : RÉSURRECTION ET ASCENSION
LE
CHRIST RESSUSCITÉ
Samedi,
le sabbat juif, était passé, et la nuit précédant
l'aube du dimanche le plus mémorable de l'histoire était
presque terminée, tandis que les soldats romains montaient la
garde devant le sépulcre sacré où gisait le
corps du Seigneur Jésus. Tandis qu'il faisait encore noir, la
terre commença à trembler ; un ange du Seigneur
descendit en gloire, roula la pierre massive de devant l'entrée
du tombeau et s'assit dessus. Son aspect était aussi brillant
que l'éclair et son vêtement était blanc comme la
neige fraîche. Les soldats, paralysés de peur, tombèrent
comme morts sur le sol. Lorsqu'ils se furent partiellement ressaisis
de leur effroi, ils s'enfuirent terrorisés. Même la
rigueur de la discipline romaine, qui décrétait
l'exécution sommaire de tout soldat désertant son
poste, ne put les arrêter. En outre, il ne leur restait plus
rien à garder ; le sceau de l'autorité avait été
brisé, le sépulcre était ouvert et vide [1].
Dès
les premières lueurs de l'aube, la dévouée
Marie Madeleine et d'autres femmes fidèles
se mirent en route pour la tombe, apportant des épices et des
onguents qu'elles avaient préparés pour achever
d'oindre le corps de Jésus. Certaines d'entre elles avaient
assisté à l'ensevelissement et se rendaient compte de
la nécessité dans laquelle Joseph et Nicodème
s'étaient trouvés d'envelopper hâtivement le
corps d'épices et de le mettre au tombeau, juste avant le
commencement du sabbat ; et maintenant ces adoratrices venaient
au petit matin servir leur Seigneur avec amour en oignant et en
embaumant d'une manière plus approfondie l'extérieur du
corps. C'est en cours de route et tandis qu'elles conversaient
tristement qu'elles pensèrent, apparemment pour la première
fois, à la difficulté d'entrer au tombeau. « Qui
nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau ? »
se demandèrent-elles les unes aux autres. De toute évidence,
elles ne savaient rien du sceau ni de la garde. Au tombeau, elles
virent l'ange et eurent peur ; mais il leur dit : « Pour
vous, n'ayez pas peur, car je sais que vous cherchez Jésus, le
crucifié. Il n'est pas ici ; en effet il est ressuscité,
comme il l'avait dit. Venez, voyez l'endroit où il était
couché, et allez promptement dire à ses disciples qu'il
est ressuscité des morts. Il vous précède en
Galilée ; c'est là que vous le verrez. Voici :
je vous l'ai dit. »
Les
femmes, quoique ayant reçu la faveur d'une visitation et d'une
assurance angéliques, quittèrent le lieu étonnées
et effrayées. Il semble que Marie-Madeleine ait été
la première à apporter aux disciples la nouvelle que le
tombeau était vide. Elle avait été incapable de
comprendre le sens joyeux de la proclamation de l'ange : « Il
est ressuscité, comme il l'avait dit » ; dans
son amour et sa douleur, elle ne se souvenait que des mots :
« Il n'est pas ici », dont la vérité
lui avait été si formellement confirmée par le
regard qu'elle avait hâtivement jeté à la tombe
ouverte et sans occupant. « Elle courut trouver Simon
Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait, et leur dit :
On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où
on l'a mis. »
Pierre,
et « l'autre disciple » qui était
certainement Jean, se mirent hâtivement en route, courant
ensemble vers le sépulcre. Jean dépassa son compagnon
et, en arrivant au tombeau, se pencha pour regarder à
l'intérieur et entrevit ainsi le linceul posé sur le
sol ; mais Pierre, hardi et impétueux, se précipita
dans le sépulcre, et le jeune apôtre le suivit. Ils
virent tous deux le vêtement funéraire et, gisant à
part, la serviette qui avait été placée autour
de la tête du cadavre. Jean affirme franchement qu'ayant vu
cela il crut, et explique en son nom et en celui des autres apôtres :
« Car ils n'avaient pas encore compris l'Écriture,
selon laquelle Jésus devait ressusciter d'entre les
morts » [2].
Madeleine,
frappée par le chagrin, était retournée à
la suite des apôtres au jardin où le Seigneur avait été
enseveli. Il semble que dans son cœur accablé de douleur
la pensée que le Seigneur avait pu reprendre vie n'ait pas
trouvé place ; elle savait seulement que le corps de son
Maître bien-aimé avait disparu. Tandis que Pierre et
Jean se trouvaient à l'intérieur du sépulcre,
elle s'était tenue au-dehors, en pleurs. Lorsque les hommes
furent partis, elle se pencha et regarda dans la caverne creusée
dans le roc. Elle y vit deux personnages, des anges en blanc, « assis
à la place où avait été couché le
corps de Jésus, l'un à la tête, l'autre aux
pieds ». Ils lui demandèrent avec tendresse :
« Femme, pourquoi pleures-tu ? » Pour
toute réponse elle ne put qu'exprimer de nouveau le chagrin
qui l'accablait : « Parce qu'on a enlevé mon
Seigneur, et je ne sais où on l'a mis. » L'absence
du corps, qu'elle pensait être tout ce qui restait sur terre de
celui qu'elle aimait si profondément, constituait un deuil
personnel. Il y a énormément de pathétique et
d'affection dans ces mots : « On a enlevé mon
Seigneur. »
Se
détournant du tombeau qui, quoiqu'à ce moment-là
illuminé par la présence des anges, était pour
elle vide et désolé, elle s'avisa de la présence
toute proche d'un autre personnage. Elle entendit sa question
sympathisante : « Femme, pourquoi pleures-tu ?
Qui cherches-tu ? » Levant à peine son visage
baigné de larmes pour regarder celui qui la questionnait, et
pensant vaguement qu'il était le jardinier et qu'il savait
peut-être ce qu'on avait fait du corps de son Seigneur, elle
s'exclama : « Seigneur, si c'est toi qui l'as
emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai. »
Elle savait que Jésus avait été enterré
dans une tombe empruntée ; et si le corps avait été
dépossédé de ce lieu de repos, elle était
prête à lui en donner un autre. « Dis-moi où
tu l'as mis », supplia-t-elle.
C'était
à Jésus, son Seigneur bien-aimé, qu'elle
parlait, bien qu'elle ne le sût pas. Un mot des lèvres
vivantes du Seigneur transforma sa douleur profonde en une joie
pleine d'extase. « Jésus lui dit : Marie ! »
La voix, le ton, l'accent plein de tendresse qu'elle avait entendus
et aimés dans le passé la firent sortir des profondeurs
du désespoir dans lesquelles elle était plongée.
Elle se retourna et vit le Seigneur. Dans un transport de joie, elle
tendit les bras pour l'étreindre, ne prononçant que le
mot plein d'affection et d'adoration : « Rabbouni »,
signifiant mon Maître bien-aimé. Jésus arrêta
cette manifestation impulsive d'amour respectueux, en disant :
« Ne me touche pas [3] ; car je ne suis pas
encore monté vers mon Père », et ajoutant :
« Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte
vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu, et votre
Dieu » [4].
C'est
à une femme, à Marie-Madeleine, qu'était fait
l'honneur d'être le premier mortel à voir une âme
ressuscitée, et cette âme était le Seigneur
Jésus [5]. Ensuite le Seigneur ressuscité se
manifesta à d'autres femmes favorisées, entre autres
Marie, mère de Jude, à Jeanne, et à Salomé,
mère des apôtres Jacques et Jean. Celles-ci et les
autres femmes qui les accompagnaient étaient effrayées
de la présence de l'ange au tombeau et s'étaient
éloignées avec une crainte mêlée de joie.
Elles n'étaient pas là lorsque Pierre et Jean entrèrent
dans le caveau, ni plus tard lorsque le Seigneur se fit connaître
à Marie-Madeleine. Il se peut qu'elles y soient retournées
plus tard, car certaines d'entre elles semblent être entrées
dans le sépulcre et avoir vu que le corps du Seigneur n'y
était pas. Tandis qu'elles étaient là, pleines
de perplexité et d'étonnement, elles s'aperçurent
soudain de la présence de deux hommes en habits
resplendissants ; elles « baissèrent le visage
vers la terre », mais les anges leur dirent :
« Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ?
Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous de
quelle manière il vous a parlé, lorsqu'il était
encore en Galilée et qu'il disait : « Il faut
que le Fils de l'homme soit livré entre les mains des
pécheurs, qu'il soit crucifié et qu'il ressuscite le
troisième jour. Et elles se souvinrent des paroles de
Jésus » [6]. Tandis qu'elles retournaient
à la ville pour remettre le message aux disciples, « Jésus
vint à leur rencontre et dit : je vous salue. Elles
s'approchèrent pour saisir ses pieds et elles l'adorèrent.
Alors Jésus leur dit : Soyez sans crainte ; allez
dire à mes frères de se rendre en Galilée :
C'est là qu'ils me verront » [7].
On
peut se demander pourquoi Jésus avait interdit à
Marie-Madeleine de le toucher pour permettre ensuite si rapidement à
d'autres femmes de lui tenir les pieds tandis qu'elles se
prosternaient devant lui pour l'adorer. Nous pouvons supposer que
l'attitude émotionnelle de Marie avait été
provoquée plus par un sentiment d'affection personnelle
quoique sacrée que par l'impulsion d'une adoration pieuse
comme celle dont faisaient preuve les autres femmes. Bien que le
Christ ressuscité manifestât la même considération
amicale et intime qu'il avait montrée dans son état
mortel envers ceux dont il avait partagé étroitement la
compagnie, il ne faisait plus partie d'eux dans le sens littéral
du terme. Il y avait chez lui une dignité divine qui
interdisait toute familiarité intime de la part de qui que ce
fût. Le Christ avait dit à Marie-Madeleine : « Ne
me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon
Père. » Si la deuxième proposition fut
ajoutée pour expliquer la première, nous devons en
déduire qu'il ne devait être permis à aucune main
humaine de toucher le corps ressuscité et immortalisé
du Seigneur tant qu'il ne s'était pas présenté
au Père. Il semble raisonnable et probable qu'entre la
tentative impulsive de Marie de toucher le Seigneur et l'action des
autres femmes qui le tinrent par les pieds tout en se prosternant
devant lui avec un respect adorateur, le Christ monta vers le Père,
et revint plus tard sur terre poursuivre son ministère dans
son état ressuscité.
Marie-Madeleine
et les autres femmes racontèrent aux disciples l'histoire
merveilleuse de leurs expériences respectives, mais les frères
ne purent ajouter foi à leurs paroles ; « ces
paroles leur apparurent comme une niaiserie et ils ne crurent pas ces
femmes » [8]. Après tout ce que le Christ
avait enseigné concernant sa résurrection des morts le
troisième jour [9], les apôtres étaient
incapables d'accepter la réalité de l'événement ;
dans leur esprit, la résurrection était un événement
mystérieux et lointain et non une possibilité actuelle.
Il n'y avait ni précédent ni analogie pour appuyer les
histoires que ces femmes racontaient - d'un mort qui serait revenu à
la vie, ayant un corps de chair et d'os que l'on pouvait voir et
toucher - à part les cas du jeune homme de Naïn, de la
fille de Jaïrus et du bien-aimé Lazare de Béthanie ;
mais ils voyaient les différences essentielles qui existaient
entre ces cas de restitution à un renouveau de vie mortelle et
la nouvelle de la résurrection de Jésus. La douleur et
le sentiment de perte irréparable qui avaient caractérisé
le sabbat de la veille étaient remplacés, en ce premier
jour de la semaine, par une perplexité profonde et des doutes
en conflit. Mais alors que les apôtres hésitaient à
croire que le Christ fût réellement ressuscité,
les femmes moins sceptiques, plus confiantes, savaient, car elles
l'avaient vu et avaient entendu sa voix, et certaines d'entre elles
lui avaient touché les pieds.
UNE
CONSPIRATION DU MENSONGE DE LA PART DES CHEFS RELIGIEUX [10]
Lorsque
les gardes romains se furent suffisamment remis de leur effroi pour
quitter précipitamment le tombeau, ils allèrent trouver
les principaux sacrificateurs sous les ordres desquels Pilate les
avaient placés [11] et racontèrent les événements
surnaturels dont ils avaient été témoins. Les
principaux sacrificateurs étaient des Sadducéens,
confession ou parti dont un trait caractéristique était
qu'ils niaient qu'il pût y avoir une résurrection. On
convoqua une session du sanhédrin et on examina le rapport
troublant des gardes. Conservant le même esprit dans lequel ils
avaient essayé de tuer Lazare dans le dessein d'étouffer
l'intérêt populaire pour le miracle de sa résurrection,
ces chefs trompeurs conspirèrent maintenant pour discréditer
la vérité de la résurrection du Christ en
corrompant les soldats pour qu'ils mentissent. Ils leur ordonnèrent
de dire : « Ses disciples sont venus de nuit le
dérober, pendant que nous dormions » ; et pour
ce mensonge, ils leur offrirent de grosses sommes d'argent. Les
soldats acceptèrent le pot-de-vin tentant et firent ce qui
leur était commandé ; cette attitude leur
semblait, en effet, être le meilleur moyen de sortir d'une
situation critique. Si on prouvait qu'ils étaient coupables
d'avoir dormi à leur poste, ils seraient condamnés à
une mort immédiate [12] ; mais les Juifs les
encouragèrent par la promesse : « Si le
gouverneur l'apprend, nous userons de persuasion et nous vous
tirerons d'ennui. » Il faut se souvenir que les soldats
avaient été mis à la disposition des principaux
sacrificateurs, et il est par conséquent probable qu'ils
n'étaient pas obligés de rapporter les détails
de leurs faits et gestes aux autorités romaines.
L'historien
ajoute qu'à la date où il écrivait, l'histoire
fausse que le corps du Christ avait été volé de
la tombe par les disciples était courante parmi les Juifs. Il
est clair que cette histoire mensongère est absolument
intenable. Si tous les soldats avaient été endormis -
événement extrêmement improbable, étant
donné que pareille négligence était un crime
capital - comment leur aurait-il été possible de savoir
que quelqu'un s'était approché du tombeau ? Et
plus particulièrement, comment pouvaient-ils prouver leur
déclaration, même si elle était vraie, que le
corps avait été volé et que c'était les
disciples qui étaient les pilleurs de tombes [13] ?
Ce récit mensonger avait été inventé par
les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple. Cependant le
cercle ecclésiastique tout entier n'était pas impliqué.
Certains d'entre eux, qui avaient peut-être compté parmi
les disciples secrets de Jésus avant sa mort, ne craignirent
pas de s'allier ouvertement à l'Église lorsque, grâce
aux preuves de la résurrection du Seigneur, ils furent
complètement convertis. Nous lisons que peu de mois après
seulement, « une grande foule de sacrificateurs obéissait
à la foi » [14].
LE
CHRIST MARCHE ET PARLE AVEC DEUX DES DISCIPLES [15]
Au
cours de l'après-midi de ce même dimanche, deux
disciples, qui ne faisaient pas partie des apôtres, quittèrent
le petit groupe de croyants de Jérusalem et se mirent en route
pour Emmaüs, village situé à douze ou treize
kilomètres de la ville. Il ne pouvait y avoir qu'un seul sujet
de conversation entre eux, et en ce jour-là, ils conversaient
tout en marchant, citant des incidents de la vie du Seigneur,
s'étendant tout particulièrement sur sa mort qui avait
si tristement détruit leur espoir d'un règne
messianique et s'étonnant profondément du témoignage
incompréhensible des femmes concernant sa réapparition
sous la forme d'une âme vivante. Tandis qu'ils marchaient,
absorbés dans une conversation triste et profonde, un autre
voyageur se joignit à eux ; c'était le Seigneur
Jésus, « mais leurs yeux étaient empêchés
de le reconnaître ». Avec un intérêt
courtois, il demanda : « Quels sont ces propos que
vous échangez en marchant ? Et ils s'arrêtèrent,
l'air attristé. » L'un des disciples, nommé
Cléopas, répondit avec une surprise teintée de
commisération pour l'ignorance apparente de l'étranger :
« Es-tu le seul qui séjourne à Jérusalem
et ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? »
Voulant obtenir des hommes un énoncé complet de
l'affaire qui les agitait si évidemment, le Christ, qui
n'avait pas été reconnu, demanda : « Quoi ? »
Ils ne pouvaient que répondre. « Ce qui s'est
produit au sujet de Jésus de Nazareth »,
expliquèrent-ils, « qui était un prophète
puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le
peuple, et comment nos principaux sacrificateurs et nos chefs l'ont
livré pour être condamné à mort et l'ont
crucifié. » Avec tristesse ils continuèrent
à lui raconter comment ils avaient espéré que
Jésus maintenant crucifié se serait révélé
être le Messie envoyé pour racheter Israël ;
mais hélas ! Il y avait trois jours qu'il avait été
mis à mort. Puis, malgré leur perplexité, leur
visage s'éclaira et ils parlèrent de certaines femmes
de leur groupe qui les avaient étonnés ce matin-là
en disant qu'elles s'étaient rendues au sépulcre au
petit matin et avaient découvert que le corps du Seigneur n'y
était pas ; des anges leur étaient apparus et leur
avaient annoncés qu'il était vivant ». En
outre, d'autres que les femmes étaient allés au tombeau
et avaient constaté que le corps était absent mais
n'avaient pas vu le Seigneur.
Alors
Jésus, réprimandant doucement ses compagnons de voyage,
les traitant d'hommes sans intelligence et lents de cœur, parce
qu'ils hésitaient à accepter ce que les prophètes
avaient dit, demanda d'une manière impressionnante : « Le
Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte et entrer dans sa
gloire ? » Commençant par les prédictions
inspirées de Moïse, il leur expliqua les Écritures,
s'attachant à toutes les paroles prophétiques relatives
à la mission du Sauveur. Ayant continué la route avec
les deux hommes jusqu'à leur destination, Jésus « parut
vouloir aller plus loin », mais ils l'exhortèrent à
demeurer avec eux, car le jour était déjà
avancé. Il accepta leur invitation hospitalière ;
il entra même dans la maison et s'assit avec eux à
table, dès que leur simple repas fut préparé.
Étant l'invité d'honneur, il « prit le pain,
dit la bénédiction ; puis il le rompit et le leur
donna ». Peut-être y eut-il quelque chose dans la
ferveur de la bénédiction ou dans la manière de
rompre et de distribuer le pain qui raviva le souvenir des jours
passés, ou peut-être aperçurent-ils les mains
percées ; mais quelle qu'ait pu en être la cause
immédiate, ils regardèrent intensément leur
invité, « leurs yeux s'ouvrirent et ils le
reconnurent ; mais il disparut de devant eux ».
Pleins d'un étonnement joyeux, ils se levèrent de
table, surpris de ne pas l'avoir reconnu plus tôt. L'un dit à
l'autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas
au-dedans de nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous
expliquait les Écritures ? » Sur-le-champ ils
revinrent sur leurs pas et se hâtèrent de rentrer à
Jérusalem pour confirmer par leur témoignage ce que les
frères avaient été auparavant lents à
croire.
LE
SEIGNEUR RESSUSCITÉ APPARAÎT AUX DISCIPLES À
JÉRUSALEM ET MANGE EN LEUR PRÉSENCE [16]
Lorsque
Cléopas et son compagnon parvinrent à Jérusalem
cette nuit-là, ils trouvèrent les apôtres et les
autres croyants dévots assemblés en conversation
solennelle et pieuse derrière des portes fermées. On
avait pris la précaution de faire tout en secret à
cause de la « crainte qu'ils avaient des Juifs ».
Même les apôtres avaient été dispersés
par l'arrestation, le procès et le meurtre judiciaire de leur
Maître ; cependant les disciples et eux s'étaient
de nouveau réunis à la nouvelle de sa résurrection,
noyau d'une armée qui allait bientôt balayer le monde. À
leur retour, les deux disciples furent reçus par la joyeuse
nouvelle : « Le Seigneur est réellement
ressuscité, et il est apparu à Simon. »
C'est la seule allusion des évangélistes à
l'apparition personnelle que le Christ accorda ce jour-là à
Simon Pierre. L'entrevue entre le Seigneur et son apôtre jadis
renégat mais maintenant repentant dut être pénible.
La pénitence pleine de remords que Pierre avait manifestée
pour son reniement du Christ dans le palais du souverain
sacrificateur était profonde et pitoyable ; peut-être
doutait-il que le Maître pût jamais l'appeler encore son
serviteur ; mais le message du tombeau que les femmes
apportèrent dans lequel le Seigneur envoyait ses salutations
aux apôtres qu'il désignait pour la première fois
comme ses frères [17], titre honorable et affectueux dont
Pierre n'avait pas été exclu, avait dû faire
naître de l'espoir en lui ; en outre, dans la mission dont
ils avaient chargé les femmes, les anges avaient mis Pierre en
avant en le citant tout particulièrement [18]. Le
Seigneur alla trouver Pierre repentant pour lui apporter, nous n'en
doutons pas, le pardon et le rassurer avec amour. L'apôtre
lui-même conserve un silence respectueux au sujet de cette
visite. Toutefois Paul en parle lorsqu'il cite les preuves
incontestables de la résurrection du Seigneur [19].
Après
le témoignage réjoui des croyants assemblés,
Cléopas et son compagnon de voyage racontèrent qu'ils
avaient voyagé en compagnie du Seigneur sur la route d'Emmaüs
et parlèrent de ce qu'il leur avait enseigné et de la
manière dont il s'était révélé à
eux lorsqu'il rompit le pain. Tandis que le petit groupe conversait,
« lui-même se présenta au milieu d'eux et
leur dit : Que la paix soit avec vous ! » Ils
furent terrifiés, pensant avec une crainte superstitieuse
qu'un esprit s'était introduit parmi eux. Mais le Seigneur les
rassura, disant : « Pourquoi êtes-vous troublés
et pourquoi ces raisonnements s'élèvent-ils dans vos
cœurs ? Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi ;
touchez-moi et voyez ; un esprit n'a ni chair ni os, comme vous
voyez que j'en ai. » Puis il leur montra les blessures de
ses mains, de ses pieds et de son côté. « Dans
leur joie, ils ne croyaient pas encore », ce qui veut dire
qu'ils pensaient que la réalité, dont ils étaient
tous témoins, était trop belle, trop merveilleuse pour
être vraie. Pour leur assurer encore davantage qu'il n'était
pas une ombre ni un être immatériel d'une substance
intangible, mais une personne vivante avec des organes corporels
internes aussi bien qu'externes, il demanda : « Avez-vous
ici quelque chose à manger ? » Ils lui
présentèrent un morceau de poisson grillé et
d'autres aliments [20], qu'il prit et mangea devant eux.
Ces
preuves indubitables de la matérialité de leur visiteur
calma et ramena à la raison les disciples ; maintenant
qu'ils s'étaient repris et étaient réceptifs, le
Seigneur leur rappela que tout ce qui lui était arrivé
était conforme à ce qu'il leur avait dit tandis qu'il
vivait parmi eux. En sa présence divine, leur compréhension
fut vivifiée et augmentée, et ils comprirent les
Écritures comme jamais auparavant - la loi de Moïse, les
livres des prophètes et les psaumes - en ce qui le concernait.
Il attesta aussi pleinement qu'il l'avait prédit et affirmé
précédemment, que sa mort maintenant accomplie, était
nécessaire. Puis il leur dit : « Ainsi il est
écrit que le Christ souffrirait, qu'il ressusciterait d'entre
les morts le troisième jour et que la repentance en vue du
pardon des péchés serait prêchée en son
nom à toutes les nations à commencer par Jérusalem.
Vous en êtes témoins. »
Alors
les disciples se réjouirent. Comme il était sur le
point de s'en aller, le Seigneur leur donna sa bénédiction,
disant : « Que la paix soit avec vous ! Comme le
Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ce détail montre directement que les apôtres étaient
envoyés par l'autorité. « Après ces
paroles, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit
Saint. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés,
ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus. [21] »
THOMAS
L'INCRÉDULE [22]
Lorsque
le Seigneur Jésus apparut au milieu des disciples le soir du
dimanche de la résurrection, l'un des apôtres, Thomas,
était absent. Il fut informé de ce dont les autres
avaient été témoins mais ne fut pas convaincu ;
même leur témoignage solennel : « Nous
avons vu le Seigneur », ne put éveiller le moindre
écho de foi en son cœur. Dans son scepticisme il
s'exclama : « Si je ne vois dans ses mains la marque
des clous, si je ne mets mon doigt à la place des clous, et si
je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. »
Notre
jugement doit être tempéré de prudence et de
charité dans toute conclusion que nous pourrions tirer quant à
l'attitude incrédule de cet homme. Il ne pouvait guère
douter du fait bien prouvé que le sépulcre était
vide, ni de la sincérité de Marie-Madeleine et des
autres femmes à propos de la présence d'anges et de
l'apparition du Seigneur, ni du témoignage de Pierre, ni de
celui du groupe assemblé ; mais il se peut qu'il ait
considéré les manifestations qui lui étaient
rapportées comme une série de visions subjectives ;
peut-être a-t-il considéré l'absence du corps du
Seigneur comme un résultat de la résurrection
surnaturelle du Christ suivie d'un départ corporel et final de
la terre. C'était en ce qui concernait la manifestation
corporelle du Seigneur ressuscité, l'exhibition des blessures
provoquées par la crucifixion, l'invitation à toucher
et à sentir le corps ressuscité de chair et d'os que
Thomas soulevait des objections. Sa conception de la résurrection
n'était pas définie au point de lui permettre
d'accepter littéralement le témoignage de ses frères
et sœurs qui avaient vu, entendu et touché.
Une
semaine plus tard, car c'est ainsi qu'il faut comprendre le terme
juif « huit jours après », par
conséquent le dimanche suivant, jour de la semaine que l'on
appela plus tard dans l'Église le « jour du
Seigneur » et qu'elle observa comme jour du sabbat au lieu
du samedi, sabbat mosaïque [23] les disciples étaient
de nouveau assemblés et Thomas se trouvait avec eux. La
réunion se tenait derrière des portes fermées et
probablement gardées, car il y avait risque d'immixtion des
policiers juifs. « Jésus vint, les portes étant
fermées, et debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la
paix soit avec vous ! Puis il dit à Thomas : Avance
ici ton doigt, regarde mes mains, avance aussi ta main et mets-la
dans mon côté ; et ne sois pas incrédule,
mais crois ! »
L'esprit
sceptique de Thomas fut instantanément libéré,
son cœur rempli de doute fut purifié, et la conviction
de la vérité glorieuse envahit son âme. Avec un
respect empreint de contrition, il se prosterna devant son Sauveur en
s'exclamant en des termes qui reconnaissaient avec adoration la
Divinité du Christ : « Mon Seigneur et mon
Dieu ! » Son adoration fut acceptée, et le
Sauveur dit : « Parce que tu m'as vu, tu as cru.
Heureux ceux qui n'ont pas vu et ont cru ! »
PRÈS
DE LA MER DE TIBÉRIADE [24]
L'ange
du tombeau et le Christ ressuscité lui même
avaient chacun fait savoir aux apôtres qu'ils devaient aller en
Galilée, où le Seigneur les rencontrerait comme il
l'avait dit avant sa mort [25]. Ils retardèrent leur
départ jusqu'après la semaine qui suivit la
résurrection, et une fois de retour dans leur province natale,
ils attendirent la suite des événements. L'après-midi
d'une de ces journées d'attente, Pierre dit à six des
apôtres : « Je vais pêcher » ;
et les autres répondirent : « Nous allons,
nous aussi, avec toi. » Ils embarquèrent sans
retard dans un bateau de pêche. Ils travaillèrent toute
la nuit, mais, après chaque lancer, ils remontèrent le
filet vide à bord. Comme le matin approchait, ils se
dirigèrent vers la rive, déçus et découragés.
Dans
les premières lueurs de l'aube, ils furent interpellés
du rivage par quelqu'un qui demandait : « Enfants,
n'avez-vous rien à manger [26] ? » Ils
répondirent : « Non. » C'était
Jésus qui posait la question, mais aucun de ceux qui étaient
dans le bateau ne le reconnut. Il s'adressa de nouveau à eux,
disant : « Jetez le filet du côté droit
de la barque, et vous trouverez. Ils le jetèrent donc ;
et ils n'étaient plus capables de le retirer, à cause
de la grande quantité de poissons. » Ils firent
comme il leur était demandé et le résultat,
surprenant, leur parut miraculeux ; cela dut éveiller en
eux le souvenir de cette autre pêche remarquable où leur
adresse de pêcheurs avait été dépassée ;
et au minimum trois témoins de l'autre miracle se trouvaient
maintenant dans le bateau [27].
Jean,
dont le discernement était rapide, dit à Pierre :
« C'est le Seigneur ! » et Pierre,
impulsif comme toujours, noua hâtivement son vêtement de
pêcheur autour de lui et se jeta dans la mer, pour parvenir
plus rapidement à terre et se prosterner aux pieds de son
Maître. Les autres quittèrent le bateau et entrèrent
dans une petite barque qu'ils ramenèrent jusqu'au rivage,
traînant le filet lourdement chargé. À terre, ils
virent un feu sur lequel cuisaient des poissons et, à côté,
des pains. Jésus leur dit d'amener quelques-uns des poissons
qu'ils venaient de prendre. Le fidèle Pierre obéit en
se précipitant dans l'eau peu profonde et en tirant le filet
sur la terre ferme. Après avoir compté, on s'aperçut
que la prise se composait de cent cinquante-trois grands poissons, et
le narrateur prend soin de noter que « quoiqu'il y en eût
tant, le filet ne se déchira pas ».
Alors
Jésus dit : « Venez mangez » ;
étant l'hôte du repas, il rompit et distribua le pain et
les poissons. On ne nous dit pas qu'il mangea avec ses invités.
Chacun savait que c'était le Seigneur qui servait avec tant
d'hospitalité ; cependant, en cette occasion, comme en
toutes les autres occasions où il apparut dans son état
ressuscité, il y avait chez lui quelque chose d'impressionnant
et d'intimidant. Ils auraient aimé le questionner mais ne
l'osaient point. Jean nous dit que c'était « Ia
troisième fois que Jésus se manifestait à ses
disciples, depuis qu'il était ressuscité d'entre les
morts » ; nous devons comprendre par là que
c'était la troisième fois que le Christ se manifestait
aux apôtres assemblés au complet ou en partie ; en
effet, si l'on compte également l'apparition à
Marie-Madeleine, aux autres femmes, à Pierre et aux disciples
sur le chemin de campagne, c'était la septième
apparition du Seigneur ressuscité qui nous soit rapportée.
Lorsque
le repas fut terminé, « Jésus dit à
Simon Pierre : Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que (ne le
font) ceux-ci ? » Cette question, si tendrement
qu'elle ait été posée, dut percer le cœur
de Pierre, puisqu'elle suscitait le souvenir de sa protestation
hardie mais indigne de confiance : « Quand tu serais
pour tous une occasion de chute, tu ne le seras jamais pour
moi » [28], après laquelle il avait nié
avoir jamais connu cet homme [29]. À la question du
Seigneur, Pierre répondit humblement : « Oui,
Seigneur, tu sais que je t'aime. » Jésus lui dit :
« Prends soin de mes agneaux ! » La
question fut répétée, et Pierre répliqua
en employant des termes identiques, à quoi le Seigneur
répondit : « Sois le berger de mes brebis. »
Une troisième fois Jésus demanda : « Simon,
fils de Jonas, m'aimes-tu ? » Pierre fut peiné
et attristé de cette répétition, pensant
peut-être que le Seigneur n'avait pas confiance en lui ;
mais de même qu'il avait renié trois fois, de même
il avait maintenant l'occasion de faire une triple confession. À
la question répétée trois fois, Pierre
répondit : « Seigneur, tu sais toutes choses,
tu sais que je t'aime. Jésus lui dit : Prends soin de mes
brebis. »
Le
commandement « Prends soin de mes brebis »
l'assurait que le Seigneur avait confiance en lui et qu'il était
réellement le président des apôtres. Il s'était
formellement déclaré prêt à suivre son
Maître jusqu'en prison et dans la mort. Maintenant, le Seigneur
qui était mort, lui dit : « En vérité,
en vérité, je te le dis, quand tu étais plus
jeune, tu attachais toi-même ton vêtement et tu allais où
tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras tes
mains, et un autre te l'attachera et te mènera où tu ne
voudras pas. » Jean nous informe que le Seigneur parlait
ainsi de la mort par laquelle Pierre prendrait sa place parmi les
martyrs ; l'analogie indique la crucifixion, et l'histoire
traditionnelle affirme sans aucune contradiction que ce fut la mort
par laquelle Pierre scella son témoignage du Christ.
Le
Seigneur dit alors à Pierre : « Suis moi. »
Ce commandement avait un sens à la fois immédiat et
futur. L'homme suivit Jésus sur la rive tandis qu'il
s'éloignait des autres ; dans quelques années,
Pierre suivrait son Seigneur sur la croix. Il ne fait aucun doute que
Pierre comprit l'allusion à son martyre, comme le montrent ses
écrits, des années plus tard [30]. Tandis que le
Christ et Pierre marchaient ensemble, ce dernier, regardant derrière
lui, vit que Jean suivait, et demanda : « Et
celui-ci, Seigneur, que lui arrivera-t-il ? « Pierre
voulait avoir un aperçu du sort de son compagnon : Jean
allait-il mourir, lui aussi, pour la foi ? Le Seigneur
répliqua : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à
ce que je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi. »
C'était un avertissement à Pierre qu'il devait
s'occuper de son propre devoir et suivre le maître où
que la route le conduisît.
Pour
ce qui le concernait personnellement, Jean ajoute : « Là-dessus
le bruit se répandit parmi les frères que ce disciple
ne mourrait pas. Pourtant, Jésus ne lui avait pas dit qu'il ne
mourrait pas, mais : Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce
que je vienne, que t'importe ? » Les révélations
ultérieures attestent que Jean continue à vivre dans
son corps et demeurera dans la chair jusqu'à l'avènement
encore futur du Seigneur [31]. De concert avec Pierre et
Jacques, ses compagnons martyrisés et ressuscités, le
« disciple que Jésus aimait » a rétabli
le saint apostolat à notre époque.
AUTRES
MANIFESTATIONS DU SEIGNEUR RESSUSCITÉ EN GALILÉE [32]
Jésus
avait désigné une montagne de Galilée sur
laquelle il rencontrerait les apôtres ; c'est là
que les Onze se rendirent. Lorsqu'ils le virent à l'endroit
fixé, ils l'adorèrent. Le document ajoute « mais
quelques-uns eurent des doutes », ce qui peut
sous-entendre qu'il y avait là d'autres personnes que les
apôtres, parmi lesquelles s'en trouvaient quelques-unes qui
n'étaient pas convaincues que le Christ ressuscité
avait vraiment un corps. Il se peut que ce soit de cette occasion que
Paul a parlé un quart de siècle plus tard, au sujet de
laquelle il affirme que le Christ « a été vu
par plus de cinq cents frères à la fois »,
dont certains étaient morts, mais dont la majorité
étaient encore en vie à l'époque où Paul
écrivait, témoins vivants de son témoignage [33].
Aux
personnes qui étaient assemblées sur la montagne, Jésus
déclara : « Tout pouvoir m'a été
donné dans le ciel et sur la terre. » C'était
rien moins que l'affirmation de sa Divinité absolue. Son
autorité était suprême, et ceux qui étaient
chargés de mission par lui devaient agir en son nom et en
vertu d'un pouvoir que nul ne pouvait donner ou enlever.
LA
DERNIÈRE DIRECTIVE ET L'ASCENSION
Pendant
les quarante jours qui suivirent sa résurrection, le Seigneur
se manifesta aux apôtres à intervalles, dans certains
cas à des personnes isolées, dans d'autres à
tous à la fois [34], et les instruisit « de ce
qui concerne le royaume de Dieu » [35]. Le récit
ne précise pas toujours le moment et le lieu des événements ;
mais il n'y a aucune possibilité de douter de l'importance des
enseignements que le Seigneur donna pendant cette période. Une
grande partie des choses qu'il dit et fit n'est pas écrite [36],
mais celles qui sont écrites, assure Jean à ses
lecteurs « l'ont été afin que vous croyiez
que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant,
vous ayez la vie en son nom » [37].
Comme
le moment de son ascension approchait, le Seigneur dit aux apôtres :
« Allez dans le monde entier et prêchez la bonne
nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui
sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas
sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui
auront cru : En mon nom, ils chasseront les démons ;
ils parleront de nouvelles langues ; ils saisiront des
serpents ; s'ils boivent quelque breuvage mortel, il ne leur
fera point de mal ; ils imposeront les mains aux malades et
ceux-ci seront guéris » [38]. En contraste
avec leur mission précédente, dans laquelle ils étaient
envoyés uniquement « vers les brebis perdues de la
maison d'Israël [39] », ils devaient maintenant
aller vers le Juif et le Gentil, l'esclave et l'homme libre,
l'humanité en général, quels que fussent la
nation, le pays ou la langue. Le salut par la foi au Seigneur
Jésus-Christ suivie du repentir et du baptême devait
être offert librement à tous ; dorénavant
quiconque rejetterait l'offre tomberait sous la condamnation. Il
promit que des signes et des miracles « accompagneront
ceux qui auront cru », confirmant ainsi leur foi en la
puissance divine, mais rien ne leur permit de croire que ces
manifestations devaient précéder la foi pour appâter
le chercheur de miracles crédule.
Assurant
de nouveau aux apôtres que la promesse du Père se
réaliserait par la venue du Saint-Esprit, le Seigneur leur
ordonna de rester à Jérusalem, où ils étaient
maintenant retournés de Galilée, jusqu'à ce
qu'ils fussent « revêtus de la puissance d'en
haut » [40] ; et il ajouta : « Car
Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours, vous serez
baptisés d'Esprit Saint » [41].
Dans
cette entrevue solennelle, probablement alors que le Sauveur
ressuscité conduisait les Onze mortels de la ville vers leur
vieil endroit favori sur le mont des Oliviers, les frères,
encore imbus de leur conception que le royaume de Dieu devait être
l'établissement d'un pouvoir et d'une domination terrestres,
lui demandèrent : « Seigneur, est-ce en ce
temps que tu rétabliras le royaume pour Israël ? »
Jésus répondit : « Ce n'est pas à
vous de connaître les temps ou les moments que le Père a
fixés de sa propre autorité. Mais vous recevrez une
puissance, celle du Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez
mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée,
dans la Samarie et jusqu'aux extrémités de la
terre » [42]. Leur devoir fut défini et
souligné de la manière suivante : « Allez,
faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à
garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous
tous les jours, jusqu'à la fin du monde » [43].
Lorsque
le Christ et les disciples furent allés « jusque
vers Béthanie », le Seigneur leva les mains et les
bénit ; et tandis qu'il parlait encore, il s'éleva
du milieu d'eux, et ils le regardèrent tandis qu'il montait
jusqu'à ce qu'une nuée le dérobât à
leur vue. Tandis que les apôtres avaient les regards fixés
vers le ciel, deux personnages vêtus de blanc apparurent à
leur côté ; ils s'adressèrent aux Onze,
disant : « Vous Galiléens, pourquoi vous
arrêtez-vous à regarder au ciel ? Ce Jésus,
qui a été enlevé au ciel du milieu de vous,
reviendra de la même manière dont vous l'avez vu aller
au ciel » [44].
Pleins
d'adoration et animés d'une grande joie, les apôtres
retournèrent à Jérusalem pour y attendre la
venue du Consolateur. L'ascension du Seigneur était chose
accomplie ; son départ avait été aussi
réellement le départ littéral d'un être
matériel que sa résurrection avait été le
retour véritable de son esprit dans son corps de chair,
jusqu'alors mort. Le monde avait reçu et a encore la promesse
merveilleuse que Jésus le Christ, l'être qui s'éleva
du mont des Oliviers dans son corps immortalisé de chair et
d'os reviendra, descendant des cieux dans une forme et une substance
matérielles semblables.
[1]
Mt 28:1-4 ; voir aussi verset 11.
[2]
Jn 20:1-10.
[3]
Version révisée : « Ne te saisis pas de
moi » (marge).
[4]
Jn 20:11-17.
[5]
Mc 16:9.
[6]
Lc 24:3-8.
[7]
Mt 28:9-10.
[8]
Lc 24:9-11 ; cf. Mc 16:9-13.
[9]
Note 1, fin du chapitre.
[10]
Mt 28:11-15.
[11]
Mt 27:65, 66 ; chap. 35 du présent ouvrage.
[12]
Cf. Ac 12:19.
[13]
Note 2, fin du chapitre.
[14]
Ac 6:7 ; cf. Mc 16:12.
[15]
Lc 24:13-32 ; cf. Mc 16:12.
[16]
Lc 24:33-48, Jn 20:19-23.
[17]
Mt 28: 10, Jn 20:17.
[18]
Mc 16:7.
[19]
1 Co 15:5.
[20]
Les mots « et un rayon de miel » (Lc 24:42)
sont omis dans la version révisée anglaise ;
beaucoup d'autorités les déclarent être une
interpolation dans l'original.
[21]
Jn 20:21-23.
[22]
Jn 20:24-29 ; cf. Mc 16:14.
[23]
Ap 1: 10 ; cf. Ac 20:7, 1 Co 16:2.
[24]
Jn 21:1-23.
[25]
Mt 28:10, Mc 16:7 ; cf. Mt 26:32, Mc 14:28.
[26]
Le terme « enfants » dans une interpellation
équivaut à nos formules modernes « messieurs »,
ou « mes amis ». C'était un terme tout à
fait courant.
[27]
Lc 5:4-10 et chap. 14 du présent ouvrage.
[28]
Mt 26:33, Mc 14:29 ; cf. Lc 22:33, Jn 13:37 ; chap. 33 du
présent ouvrage.
[29]
Mt 26:70, 72, 74 et chap. 34 du présent ouvrage.
[30]
2 P 1:14
[31]
D&A 7 ; cf. LM, 3 Né 28:1-12.
[32]
Mt 28:16-18.
[33]
1 Co 15:6.
[34]
Note 3, fin du chapitre.
[35]
Ac 1:3.
[36]
Jn 20:30 ; cf. 21:25 en se souvenant que le dernier passage peut
avoir trait à des événements tant antérieurs
qu'ultérieurs à la mort du Seigneur.
[37]
Jn 20:31.
[38]
Mc 16:15-18.
[39]
Mt 10:5, 6.
[40]
Lc 24:49.
[41]
Ac 1:5 ; voir aussi Lc 24:49 et cf. Jn 14:16, 17, 26, 15:26,
16:7, 13.
[42]
Ac 1:7, 8 ; cf. Mt 24:36, Mc 13:32.
[43]
Mt 28:19, 20.
[44]
Ac 1:19-11 ; voir aussi Lc 24:50, 51.
NOTES
DU CHAPITRE 37
1.
Le moment précis et la manière exacte dont le Christ
sortit du tombeau sont inconnus : Notre Seigneur prédit
nettement sa résurrection d'entre les morts le troisième
jour (Mt 16:21, 17:23, 20:19, Mc 9:31, 10:34, Le 9:22, 13:32, 18:33),
et les anges au tombeau (Lc 24:7) et le Seigneur ressuscité en
personne (Lc 24:46) confirmèrent l'accomplissement des
prophéties ; en outre, des apôtres témoignèrent
dans ce sens au cours d'années ultérieures (Ac 10:40, 1
Co 15:4). Il ne faut pas déduire que le troisième jour
spécifié veut dire la fin de trois jours complets. Les
Juifs commençaient à calculer les heures quotidiennes
au coucher du soleil ; par conséquent l'heure précédant
le coucher du soleil et l'heure suivante appartenaient à des
jours différents. Le Christ mourut et fut enterré le
vendredi après-midi. Son corps demeura au tombeau, mort,
pendant une partie du vendredi (premier jour), tout le samedi, ou
selon notre manière de diviser les jours, du vendredi au
coucher du soleil au samedi au coucher du soleil (deuxième
jour), et une partie du dimanche (troisième jour). Nous ne
savons pas à quelle heure entre le samedi au coucher du soleil
et dimanche à l'aube il ressuscita.
Le
fait qu'un tremblement de terre se produisit et que l'ange du
Seigneur descendit et roula la pierre de devant l'entrée du
tombeau à l'aube du dimanche - c'est en effet ce que nous
pouvons déduire de Matthieu 28:1, 2 - ne prouve pas que le
Christ n'était pas déjà ressuscité. La
grande pierre fut déplacée et l'intérieur du
sépulcre exposé au regard, de sorte que ceux qui
viendraient pourraient voir par eux-mêmes que le corps du
Seigneur n'était plus là ; il n'était pas
nécessaire d'ouvrir l'entrée pour permettre au Christ
ressuscité de sortir. Dans son état immortalisé,
il apparaissait et disparaissait de pièces fermées. Un
corps ressuscité, bien que d'une substance tangible et
possédant tous les organes du tabernacle mortel, n'est pas lié
à la terre par la gravitation ni ne peut être freiné
dans ses mouvements par des barrières matérielles. Pour
nous qui ne pouvons concevoir le mouvement que dans les sens imposés
par les trois dimensions de l'espace, le fait qu'un solide, tel qu'un
corps vivant de chair et d'os, puisse traverser les murs de pierre
est nécessairement incompréhensible. Cependant, il est
prouvé, non seulement par l'exemple du Christ ressuscité
mais par les mouvements d'autres personnages ressuscités, que
les êtres ressuscités se déplacent en vertu de
lois qui permettent pareil passage et qui sont naturelles pour eux.
C'est ainsi qu'en septembre 1823, Moroni, le prophète néphite
qui était mort vers 400 après J.-C., apparut à
trois reprises en une seule nuit, à Joseph Smith dans sa
chambre, allant et venant sans être gêné par les
murs ni le toit (voir PGP, Joseph Smith 2:43 ainsi que Les Articles
de Foi, p. 13, 14). Moroni était un homme ressuscité
comme en témoigne son état corporel, lequel se
manifesta lorsqu'il manipula les plaques métalliques sur
lesquelles était inscrit le document que nous appelons le
Livre de Mormon. De même les êtres ressuscités
peuvent se rendre visibles et invisibles aux yeux des mortels.
2.
Tentatives de discréditer la résurrection par le
mensonge : Nous avons suffisamment traité dans le texte
l'affirmation absurde que le Christ n'était pas ressuscité
mais que son corps avait été volé du tombeau par
les disciples. Le mensonge constitue sa propre réfutation. Les
incrédules d'une époque ultérieure,
reconnaissant l'absurdité évidente de cette tentative
grossière de déformer les faits, n'ont pas hésité
à proposer d'autres hypothèses, dont chacune est
intenable, cela a été prouvé d'une manière
concluante. Ainsi la théorie basée sur la supposition
invraisemblable que le Christ n'était pas mort lorsqu'on le
descendit de la croix mais se trouvait dans un état de coma ou
de syncope et qu'on le ranima plus tard, se réfute d'elle-même
lorsqu'on l'examine à la lumière des faits dont nous
disposons. Le coup de lance du soldat romain aurait été
fatal, même si la mort ne s'était pas déjà
produite. Le corps fut descendu, manipulé, enveloppé
d'un linceul et enseveli par des membres du sanhédrin juif,
dont on ne peut concevoir qu'ils aient pu participer à
l'ensevelissement d'un homme vivant ; et pour ce qui est de la
possibilité que Jésus ait pu être ranimé
plus tard, Edersheim (vol. 2, p. 626) tranche la question comme
suit : « Pour ne pas parler des nombreuses absurdités
que cette théorie entraîne, en réalité
elle transfère - si nous acquittons les disciples de toute
complicité - l'imposture sur le Christ lui-même. »
Une personne crucifiée, descendue de croix avant sa mort et
ranimée ultérieurement, aurait été
incapable de marcher les pieds percés et mutilés le
jour de son retour à la vie, comme Jésus le fit sur la
route d'Emmaüs. Une autre théorie qui a eu son temps est
que ceux qui affirmèrent avoir vu le Christ ressuscité
furent trompés sans le savoir, ayant été
victimes de visions subjectives mais irréelles provoquées
par leur état d'excitation et d'imagination. L'indépendance
et l'individualité marquées des diverses apparitions du
Seigneur qui sont parvenues jusqu'à nous réfutent la
théorie de la vision. Les illusions visuelles subjectives du
genre de celles que propose cette hypothèse présupposent
un état d'attente de la part de ceux qui pensent qu'ils
voient ; mais tous les incidents relatifs aux manifestations de
Jésus après sa résurrection étaient
directement opposés à l'attente de ceux qui furent les
témoins de son état ressuscité.
Nous
citons ces théories fausses et intenables concernant la
résurrection de notre Seigneur comme exemples des nombreuses
tentatives manquées pour nier par le raisonnement le plus
grand miracle et le fait le plus merveilleux de l'histoire. Nous
avons des preuves plus concluantes pour attester la résurrection
de Jésus-Christ que nous n'en avons pour les événements
historiques en général que nous acceptons. Et
cependant, le témoignage de la résurrection de notre
Seigneur n'est pas basé sur des pages écrites. Celui
qui cherche avec sincérité et foi recevra une
conviction personnelle qui lui permettra de confesser pieusement
comme l'apôtre éclairé d'autrefois : « Tu
es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Jésus, qui
est dieu le Fils, n'est pas mort. « Je sais que mon
Rédempteur est vivant » (Job 19:25).
3.
Apparitions du Christ signalées entre sa résurrection
et son ascension :
1.
À Marie-Madeleine, près du sépulcre (Mc 16:9,
10 ; Jn 20:14).
2.
À d'autres femmes, quelque part entre le sépulcre et
Jérusalem (Mt 28:9).
3.
À deux disciples sur la route d'Emmaüs (Mc 16:12, Lc
24:13).
4.
À Pierre, à ou près de Jérusalem (Lc
24:34, 1 Co 15:5).
5.
À dix des apôtres et à d'autres à
Jérusalem (Lc 24:36, Jn 20:19).
6.
Aux onze apôtres à Jérusalem (Mc 16:14, Jn
20:26).
7.
Aux apôtres à la mer de Tibériade, en Galilée
(Jn 21).
8.
Aux onze apôtres sur une montagne de Galilée (Mt 28:16).
9.
À cinq cents frères à la fois (1 Co 15:6) ;
endroit non précisé mais probablement en Galilée.
10.
À Jacques (1 Co 15:7). Notez que les évangélistes
ne parlent pas de cette manifestation.
11.
Aux onze apôtres au moment de l'ascension, au mont des
Oliviers, près de Béthanie (Mc 16:19, Lc 24:50, 51).
Nous
examinerons plus tard les occasions où le Seigneur se
manifesta aux hommes après l'ascension.
CHAPITRE
38 : LE MINISTÈRE APOSTOLIQUE
ORDINATION
DE MATTHIAS À L'APOSTOLAT [1]
Après
avoir été témoins de l'ascension du Seigneur sur
le mont des Oliviers, les onze apôtres retournèrent à
Jérusalem remplis de joie et inondés de l'esprit
d'adoration. Dans le temple et dans une chambre haute, qui était
le lieu ordinaire de leurs réunions, ils continuèrent à
prier et à supplier, souvent en compagnie d'autres disciples,
y compris Marie, mère du Seigneur, certains de ses fils et le
petit groupe de femmes fidèles qui avaient servi Jésus
en Galilée et l'avaient suivi de là à Jérusalem
et au Calvaire [2]. Les disciples, dont la plupart avaient été
dispersés par les événements tragiques de cette
dernière Pâque fatale, s'étaient réunis,
avec une foi renouvelée et fortifiée, autour du grand
fait de la résurrection du Seigneur. Le Christ était
devenu « Ies prémices de ceux qui sont décédés »,
« Ie premier-né d'entre les morts », et
« le premier-né » du genre humain à
passer de la mort à l'immortalité [3]. Ils
savaient que le tombeau n'avait pas seulement été
obligé de rendre le corps de leur Seigneur mais que s'était
ouverte une voie par laquelle les entraves de la mort pourraient être
détachées de toutes les âmes. Immédiatement
après la résurrection du Seigneur Jésus, un
grand nombre de justes qui avaient dormi au tombeau avaient été
ressuscités et étaient apparus à Jérusalem,
se révélant à un grand nombre de personnes [4].
L'universalité de la résurrection des morts devait
bientôt devenir un trait dominant de l'enseignement
apostolique.
Le
premier acte officiel entrepris par les apôtres fut de remplir
la vacance occasionnée au sein du conseil des Douze par
l'apostasie et le suicide de Judas Iscariot. Entre le moment de
l'ascension du Christ et la fête de la Pentecôte, alors
que les Onze et d'autres disciples, cent vingt en tout environ,
étaient ensemble, « tous d'un commun accord
persévéraient dans la prière », et
Pierre souleva le problème devant l'Église assemblée,
faisant remarquer que la chute de Judas avait été
prévue [5], et citant la prière du psalmiste :
« Que sa demeure devienne déserte, et que personne
ne l'habite ! Et : Qu'un autre prenne sa charge [6] ! »
Pierre affirma qu'il était nécessaire de compléter
le collège des apôtres ; et voici l'énumération
qu'il fit des qualités essentielles que devait posséder
celui qui serait ordonné au saint apostolat : « Ainsi,
parmi ceux qui nous ont accompagnés tout le temps que le
Seigneur Jésus allait et venait avec nous, depuis le baptême
de Jean, jusqu'au jour où il a été enlevé
du milieu de nous, il faut qu'il y en ait un qui soit avec nous
témoin de sa résurrection. » Deux disciples
fidèles furent nommés par les Onze, Joseph appelé
Barsabas et Matthias. Avec ferveur l'assemblée supplia le
Seigneur de lui montrer si l'un ou l'autre de ces hommes, et dans
l'affirmative lequel, devait être choisi à cette
fonction élevée ; ensuite, « ils
tirèrent au sort, et le sort tomba sur Matthias, qui fut
associé aux onze apôtres ».
D'un
bout à l'autre, cette démarche est profondément
significative et instructive. Les Onze se rendaient pleinement compte
que c'était sur eux que reposait la responsabilité et
que c'était en eux que résidait l'autorité
d'organiser et de développer l'Église du Christ, que le
conseil ou collège des apôtres était limité
à douze personnes et que le nouvel apôtre, comme
eux-mêmes, devait être compétent pour témoigner
d'une manière particulière et personnelle du ministère
terrestre, de la mort et de la résurrection du Seigneur Jésus.
Le choix de Matthias se fit dans une assemblée générale
de l'Église primitive ; et bien que les nominations
fussent faites par les apôtres, il semble être
sous-entendu que toutes les personnes présentes aient eu voix
à l'installation. Le principe de l'administration par
l'autorité avec le consentement commun des membres dont un
exemple si frappant est donné dans l'élection de
Matthias, fut suivi quelques semaines plus tard par le choix de
« sept hommes, de qui l'on rende un bon témoignage,
remplis de l'Esprit et de sagesse », qui, ayant été
soutenus par le vote de l'Église, furent mis à part
pour un ministère particulier par l'imposition des mains des
apôtres [7].
LA
RÉCEPTION DU SAINT-ESPRIT [8]
Au
moment de la Pentecôte, qui tombait le cinquantième jour
après la Pâque [9], et par conséquent, dans
ce cas particulier, neuf jours environ après l'ascension du
Christ, les apôtres étaient tous ensemble dans le même
lieu occupés à leurs dévotions ordinaires et
s'attendaient, comme cela leur avait été ordonné,
à recevoir une investiture personnelle de puissance d'en
haut [10]. Le baptême promis de feu et du Saint-Esprit
leur échut ce jour-là. « Tout à coup
il vint du ciel un bruit comme celui d'un souffle violent qui remplit
toute la maison où ils étaient assis. Des langues qui
semblaient de feu qui se séparaient les unes des autres leur
apparurent ; elles se posèrent sur chacun d'eux. Ils
furent tous remplis d'Esprit Saint et se mirent à parler en
d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. »
Le
bruit du ciel « comme celui d'un souffle violent »
fut entendu au-dehors, et une multitude se rassembla autour de
l'endroit. La manifestation visible des « langues qui
semblaient de feu », dont chacun des Douze fut investi,
fut perçue par ceux qui se trouvaient à l'intérieur
de la maison, mais apparemment pas par les multitudes qui
s'attroupaient. Les apôtres parlèrent à la
multitude, et un grand miracle s'opéra, dans lequel « chacun
les entendait parler dans sa propre langue » ; car
les apôtres, maintenant abondamment dotés, parlaient en
plusieurs langues, selon que le Saint-Esprit, qui les avait investis,
leur donnait de s'exprimer. Il y avait là des gens de nombreux
pays et de nombreuses nations, qui parlaient différentes
langues. Avec étonnement certains d'entre eux dirent :
« Voici, ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous
Galiléens ? Comment les entendons-nous chacun dans notre
propre langue maternelle ? » Si un grand nombre de
personnes furent frappées par les talents surnaturels des
frères, d'autres dirent sur un ton moqueur qu'ils étaient
ivres. Cet exemple d'incitation satanique à parler sans
réflexion illustre spécialement le manque de logique et
la sottise étourdie. Les boissons fortes ne donnent de sagesse
à personne ; elles font perdre le sens et rendent
ridicules.
Pierre,
président des Douze, se leva alors et proclama en son nom et
en celui de ses frères : « Vous Juifs, et vous
tous qui séjournez à Jérusalem, sachez ceci et
prêtez l'oreille à mes paroles ! Ces gens ne sont
pas ivres comme vous le supposez, car c'est la troisième heure
du jour. » Il était de coutume chez les Juifs, en
particulier lors des jours de fête, de s'abstenir de nourriture
et de boisson jusqu'après le service du matin à la
synagogue, qui se tenait vers la troisième heure, soit neuf
heures du matin. L'apôtre cita les prophéties anciennes
contenant la promesse de Jéhovah qu'il déverserait son
Esprit sur toute chair, de sorte que s'accompliraient des prodiges,
semblables à ceux dont les spectateurs étaient
témoins [11]. Ensuite Pierre témoigna hardiment de
Jésus de Nazareth, disant qu'il était « cet
homme approuvé de Dieu devant vous par les miracles, les
prodiges et les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous,
comme vous le savez vous-mêmes » ; et leur
rappelant avec une gravité accusatrice le crime terrible
auquel ils avaient dans une certaine mesure participé, il
poursuivit : « Cet homme, livré selon le
dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous
l'avez fait mourir en le clouant (à la croix) par la main des
impies. Dieu l'a ressuscité, en le délivrant des liens
de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'il soit retenu
par elle. » Citant l'exclamation inspirée du
psalmiste, qui avait chanté en vers joyeux l'âme qui ne
resterait pas en enfer et la chair qui ne verrait pas la corruption,
il montra comment ces Écritures s'appliquaient au Christ et
affirma sans peur : « Ce Jésus, Dieu l'a
ressuscité ; nous en sommes tous témoins. Élevé
par la droite de Dieu, il a reçu du Père l'Esprit Saint
qui avait été promis, et il l'a répandu, comme
vous le voyez et l'entendez. » Avec une ferveur
croissante, ne craignant ni la dérision ni la violence, et
enfonçant dans le cœur de ses auditeurs fascinés
la conscience terrible de leur culpabilité, Pierre proclama
d'une voix de tonnerre : « Que toute la maison
d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et
Christ ce Jésus que vous avez crucifié. »
Il
était impossible de résister à la puissance du
Saint-Esprit ; il apportait la conviction à toutes les
âmes sincères. Ceux qui entendirent eurent le cœur
vivement touché et, pleins de contrition, crièrent aux
apôtres : « Frères, que ferons-nous ? »
Maintenant qu'ils étaient prêts à recevoir le
message du salut, il leur fut donné sans réserve.
« Repentez-vous, répondit Pierre, et que chacun de
vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour le pardon
de vos péchés ; et vous recevrez le don du
Saint-Esprit. Car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et
pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le
Seigneur notre Dieu les appellera. »
Le
peuple répondit au témoignage, à l'exhortation
et à l'avertissement des apôtres par une profession de
foi et de repentir. Leur joie était comparable à celle
des esprits en prison, à qui le Christ désincarné
avait apporté la parole autorisée de la rédemption
et du salut. Ceux qui se repentirent et confessèrent leur foi
au Christ en cette Pentecôte mémorable furent reçus,
au nombre de trois mille environ, dans l'Église par le
baptême. Leur conversion était sincère et n'était
pas l'effet d'un enthousiasme passager, ils étaient
littéralement nés de nouveau par le baptême en un
renouveau de vie, comme le prouve le fait qu'ils endurèrent
dans la foi : « ils persévéraient dans
l'enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans
la fraction du pain et dans les prières ». Ces
premiers convertis étaient si pieux, l'Église était
si bénie par le déversement du Saint-Esprit, en ce
temps-là, que les membres donnèrent volontairement
leurs biens personnels et eurent tout en commun. Pour eux la foi au
Seigneur Jésus-Christ avait une plus grande valeur que les
richesses de la terre [12]. Parmi eux, il n'y avait rien que
l'on appelât « le mien » ou « le
tien », mais tout leur appartenait dans le Seigneur [13].
Des signes et des miracles suivirent les apôtres, « et
le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Église ceux qui
étaient sauvés ».
Le
don du Saint-Esprit avait changé les apôtres. Clarifiées
à leurs yeux par l'Esprit de Vérité, les
Écritures constituaient un document préparatoire aux
événements dont ils étaient les témoins
spéciaux et ordonnés. Pierre qui, quelques semaines
auparavant encore, avait manqué de courage devant une
servante, parlait maintenant ouvertement, ne craignant personne.
Voyant un jour un mendiant paralytique devant la Belle Porte qui
conduisait dans la cour du temple, il prit l'affligé par la
main, disant : « Je ne possède ni argent, ni
or ; mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de
Jésus-Christ de Nazareth : lève-toi et
marche [14], L'homme fut guéri et bondit de joie en
sentant ses forces nouvelles ; puis il entra au temple avec
Pierre et Jean, louant Dieu à haute voix. Une foule étonnée,
qui finit par atteindre cinq mille hommes, s'assembla autour des
apôtres au portique de Salomon ; Pierre, voyant leur
étonnement, profita de l'occasion pour leur prêcher
Jésus le Crucifié. Il attribua tous les mérites
du miracle au Christ, que les Juifs avaient livré pour être
mis à mort, et déclara avec une accusation sans
détours : « Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur
Jésus, que vous avez livré et renié devant
Pilate qui avait jugé bon de le relâcher. Mais vous,
vous avez renié le Saint et le juste, et vous avez demandé
comme une faveur qu'on vous remette un meurtrier. Vous avez fait
mourir le prince de la vie, que Dieu a ressuscité d'entre les
morts ; nous en sommes témoins. »
Reconnaissant miséricordieusement l'ignorance dans laquelle
ils se trouvaient lorsqu'ils péchèrent, il les exhorta
à expier et à faire pénitence, s'écriant :
« Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos
péchés soient effacés, afin que des temps de
rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il
envoie celui qui vous a été destiné, le Christ
Jésus. C'est lui que le ciel doit recevoir jusqu'aux temps du
rétablissement de tout ce dont Dieu a parlé par la
bouche de ses saints prophètes d'autrefois. » Il ne
les encourageait pas à croire que leurs péchés
pouvaient être annulés par des professions de foi
verbeuses ; la possibilité leur était accordée
de se repentir pendant un temps déterminé, s'ils
voulaient croire.
Tandis
que Pierre et Jean témoignaient de la sorte, les prêtres
et le commandant du temple, avec les Sadducéens au pouvoir,
tombèrent sur eux vers le soir et les mirent en prison en
attendant la décision des juges le jour suivant [15]. Le
lendemain on les fit comparaître devant Anne, Caïphe et
d'autres dirigeants, qui leur demandèrent par quelle autorité
ou au nom de qui ils avaient guéri le paralytique. Pierre,
poussé par la puissance du Saint-Esprit, répondit :
« Sachez-le bien, vous tous, ainsi que tout le peuple
d'Israël ! C'est par le nom de Jésus-Christ de
Nazareth, que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité
des morts, c'est par lui que cet homme se présente en bonne
santé devant vous. C'est lui : la pierre rejetée
par vous, les bâtisseurs, et devenue la principale, celle de
l'angle. Le salut ne se trouve en aucun autre ; car il n'y a
sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par
lequel nous devions être sauvés » [16].
La
hiérarchie apprit à sa consternation que l'œuvre
qu'elle avait essayé de détruire en crucifiant
Jésus-Christ se répandait maintenant comme elle ne
l'avait jamais fait avant. En désespoir de cause, « ils
leur défendirent absolument de parler et d'enseigner au nom de
Jésus ». Mais Pierre et Jean répondirent
hardiment : « Est-il juste, devant Dieu, de vous
obéir plutôt qu'à Dieu ? À vous d'en
juger, car nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu
et entendu. » Cette réponse, un saint défi,
les gouverneurs ecclésiastiques n'osèrent pas le
relever ; ils durent se contenter de proférer des
menaces.
L'Église
grandissait avec une rapidité surprenante ; des
multitudes d'hommes et de femmes qui croyaient au Seigneur
augmentaient toujours plus ». Le don de guérison se
manifesta si abondamment par le ministère des apôtres
que le peuple s'attroupa autour d'eux comme il l'avait fait autrefois
autour du Christ, apportant ses malades et ceux qui étaient
possédés d'esprits malins ; et tous furent guéris.
Si grande était la foi des croyants qu'ils posaient leurs
affligés sur des lits dans les rues, « afin que,
lors du passage de Pierre, son ombre au moins puisse couvrir l'un
d'eux » [17].
Le
souverain sacrificateur et ses associés sadducéens
orgueilleux firent de nouveau arrêter et jeter les apôtres
dans la prison commune. Mais cette nuit-là l'ange du Seigneur
ouvrit les portes du cachot et fit sortir les prisonniers, leur
disant d'aller au temple et de continuer à proclamer leur
témoignage du Christ. C'est ce que les apôtres firent,
et c'était à cela qu'ils étaient occupés
lorsque le sanhédrin s'assembla pour les faire passer en
jugement. Les huissiers qui furent envoyés amener les
prisonniers à la salle du tribunal revinrent, en disant :
« Nous avons trouvé la prison soigneusement fermée,
et les gardiens à leur poste devant les portes, mais après
avoir ouvert, nous n'avons trouvé personne à
l'intérieur. » Tandis que les juges restaient
figés, consternés et impuissants, on vint leur apporter
la nouvelle que les hommes qu'ils cherchaient se trouvaient à
ce moment-là occupés à prêcher dans les
cours. Le commandant et sa garde arrêtèrent les apôtres
une troisième fois et les firent entrer, mais sans violence,
car ils craignaient le peuple. Le souverain sacrificateur accusa les
prisonniers par une question et une affirmation : « Nous
vous avions formellement défendu d'enseigner en ce nom-là.
Et voici que vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement,
et que vous voudriez faire retomber sur nous le sang de cet homme ! »
Cependant ces mêmes dirigeants avaient, tout récemment
encore, pris la tête de la foule pour prononcer la terrible
imprécation : « Que son sang (retombe) sur
nous et sur nos enfants [18] ! »
Pierre
et les autres apôtres, que n'intimidait pas l'auguste présence
et que n'effrayaient pas les paroles ou les actions menaçantes,
répondirent par l'accusation directe que ceux qui étaient
là pour juger étaient les assassins du Fils de Dieu.
Réfléchissez bien à cette affirmation
solennelle : « Il faut obéir à Dieu
plutôt qu'aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité
Jésus, que vous avez tué en le pendant au bois. Dieu
l'a élevé par sa droite comme Prince et Sauveur, pour
donner à Israël la repentance et le pardon des péchés.
Nous sommes témoins de ces choses, de même que le
Saint-Esprit que Dieu a donné à ceux qui lui
obéissent. »
Fermant,
barrant, verrouillant leur cœur contre le témoignage des
gens du Seigneur, les principaux sacrificateurs, les scribes et les
anciens du peuple se consultèrent sur la manière de
mettre ces hommes à mort. Il y eut au moins une exception
honorable parmi les conseillers enclins au meurtre. Gamaliel,
Pharisien et célèbre docteur de la loi, maître de
Saul de Tarse connu plus tard grâce à sa conversion, ses
œuvres et son autorité divine sous le nom de Paul
l'apôtre [19], se leva dans le conseil, et ayant ordonné
qu'on éloignât les apôtres de la salle, mit ses
collègues en garde contre l'injustice qu'ils avaient à
l'esprit. Il cita le cas d'hommes qui avaient prétendu à
tort avoir été envoyés de Dieu, dont chacun
avait eu à se repentir lorsque ses plans séditieux
échouèrent totalement et d'une manière tout à
fait ignominieuse ; de même ces hommes finiraient mal si
l'œuvre qu'ils professaient s'avérait être des
hommes ; mais, ajouta ce docteur désintéressé
et savant, si cette entreprise « vient de Dieu, vous ne
pourrez pas les détruire. Prenez garde de peur de vous trouver
en guerre contre Dieu » [20]. Le conseil de Gamaliel
l'emporta sur le moment, et il en résulta que la vie des
apôtres fut épargnée ; mais le sanhédrin,
enfreignant la justice et les usages, fit battre les prisonniers.
Puis les frères furent renvoyés avec ordre renouvelé
de ne pas parler au nom de Jésus. Ils s'en allèrent,
joyeux d'avoir été considérés dignes de
souffrir des coups et de l'humiliation pour défendre le nom du
Seigneur ; et quotidiennement, tant au temple qu'en allant de
maison en maison, ils enseignèrent et prêchèrent
vaillamment Jésus le Christ. Les convertis à l'Église
ne se limitèrent pas aux laïcs ; un grand nombre de
prêtres augmentèrent le nombre des disciples, qui se
multiplièrent rapidement à Jérusalem [21].
ÉTIENNE
LE MARTYR - IL VOIT LE SEIGNEUR [22]
Le
premier des « sept hommes, de qui l'on rende un bon
témoignage » qui furent mis à part sous les
mains des apôtres pour administrer les biens communs de
l'Église était Étienne, homme remarquable par sa
foi et ses bonnes œuvres, par lequel le Seigneur accomplit de
nombreux miracles. Il était zélé dans le
service, hardi dans la doctrine et impavide en qualité de
ministre du Christ. Certains des Juifs étrangers, qui
entretenaient une synagogue à Jérusalem, engagèrent
Étienne dans une discussion et, incapables de « résister
à la sagesse et à l'Esprit par lequel il parlait »,
conspirèrent pour le faire accuser d'hérésie et
de blasphème. Il fut amené devant le sanhédrin
sur l'accusation d'hommes subornés pour témoigner
contre lui ; ceux-ci affirmèrent qu'ils l'avaient
« entendu proférer des paroles blasphématoires
contre Moïse et contre Dieu ». Les accusateurs
parjures témoignèrent en outre qu'il avait parlé
à plusieurs reprises et en termes blasphématoires
contre le temple et la loi, et avait même déclaré
que Jésus de Nazareth détruirait un jour le temple et
changerait les cérémonies mosaïques. L'accusation
était absolument fausse dans l'esprit et dans les faits, bien
que peut-être partiellement vraie dans un certain sens dans sa
forme ; en effet, à en juger par ce qui nous est rapporté
sur la personnalité et les œuvres d'Étienne,
c'était un prédicateur zélé de la parole,
désireux d'en faire une religion mondiale qui mettrait fin à
l'esprit de caste, lequel voulait attribuer un caractère sacré
à Jérusalem en sa qualité de ville sainte et au
temple maintenant profané en tant que lieu de résidence
terrestre de Jéhovah ; en outre il semble s'être
rendu compte que la loi de Moïse avait été
accomplie lors de la mission du Messie.
Lorsque
les sanhédristes fixèrent les regards sur lui, son
visage illuminé leur apparut « comme celui d'un
ange ». En réponse à l'accusation, il fit un
discours qui, lorsqu'on en fait l'analyse critique, semble avoir été
improvisé ; néanmoins il est d'une logique et
d'une puissance d'argumentation frappantes. Cependant un assaut
meurtrier y mit brusquement fin [23]. En un résumé
efficace Étienne retraça l'histoire du peuple de
l'alliance depuis l'époque d'Abraham, montrant que les
patriarches puis, tour à tour, Moïse et les prophètes,
avaient vécu et œuvré pour préparer
progressivement aux événements dont étaient
témoins ceux qui étaient présents. Il fit
remarquer que Moïse avait prédit la venue d'un prophète,
qui n'était nul autre que Jéhovah que leurs pères
avaient adoré dans le désert, devant le tabernacle, et
plus tard dans le temple ; mais, affirma-t-il, « Ie
Très-Haut n'habite pas dans ce qui est fait par la main de
l'homme », dont le plus splendide ne pouvait être
que petit pour celui qui a déclaré : « Le
ciel est mon trône, et la terre mon marchepied » [24].
On
voit clairement que le discours d'Étienne n'était pas
une apologie et était loin d'être un plaidoyer en sa
faveur ; c'était une proclamation de la parole et des
desseins de Dieu par un serviteur dévoué qui n'avait
aucune considération pour les conséquences dont il
pourrait souffrir personnellement. Il accusa puissamment ses juges
comme suit : « (Hommes) au cou raide, incirconcis de
cœur et d'oreilles ! vous vous opposez toujours au
Saint-Esprit, vous comme vos pères. Lequel des prophètes
vos pères n'ont-ils pas persécuté ? Ils ont
mis à mort ceux qui annonçaient à l'avance la
venue du juste, dont vous êtes devenus maintenant les
meurtriers après l'avoir livré. » Rendus
fous furieux par cette accusation directe, les sanhédristes
« grinçaient des dents contre lui ». Il
savait qu'ils étaient assoiffés de son sang ; mais
galvanisé par le Saint-Esprit, il fixa les yeux au ciel, et
s'exclama, en extase : « Voici : je vois les
cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de
Dieu » [25]. C'est le premier passage du Nouveau
Testament qui rapporte une manifestation du Christ à des yeux
mortels, par vision ou autrement, après son ascension. Les
gouverneurs ecclésiastiques poussèrent de grands cris
et se bouchèrent les oreilles devant ce qu'ils avaient décidé
de considérer comme des paroles blasphématoires ;
se jetant d'un commun accord sur le prisonnier, ils le traînèrent
en hâte en dehors des murs de la ville et le lapidèrent.
Fidèle à son Maître, il pria : « Seigneur
Jésus reçois mon esprit ! Puis, il se mit à
genoux et s'écria d'une voix forte : Seigneur, ne les
charge pas de ce péché ! Et, après avoir
dit cela, il s'endormit. »
C'est
ainsi que mourut le premier martyr du témoignage du Christ
ressuscité. Il fut tué par une foule hostile comprenant
les principaux sacrificateurs, les scribes et les anciens du peuple.
Qu'est-ce que cela pouvait bien leur faire qu'aucune sentence n'eût
été prononcée contre lui, qu'ils fussent occupés
à agir d'une manière qui défiait avec impudence
la loi romaine ? Des hommes pieux portèrent le corps
mutilé à son lieu d'ensevelissement, et tous les
disciples se lamentèrent profondément. La persécution
augmenta, et les membres de l'Église furent dispersés
en de nombreux pays où ils prêchèrent l'Évangile
et gagnèrent un grand nombre de personnes au Seigneur. Le sang
d'Étienne le martyr se révéla être un
ferment puissant d'où sortit une grande moisson d'âmes [26].
LE
CHRIST SE MANIFESTE À SAUL DE TARSE APPELÉ PLUS TARD
PAUL L'APÔTRE
Parmi
les controversistes qui, lorsqu'ils avaient été mis en
déroute lors de la discussion, avaient conspiré contre
Étienne et avaient provoqué sa mort, il y avait des
Juifs de Cilicie [27]. Parmi eux se trouvait un jeune homme du
nom de Saul, natif de la ville cilicienne de Tarse. Cet homme était
un savant capable, un polémiste puissant, défenseur
ardent de ce qu'il considérait être la justice et
assaillant vigoureux de ce qui, pour lui, était mal. Quoique
né à Tarse, il avait été amené à
Jérusalem dans sa tendre jeunesse, et en grandissant, y était
devenu un Pharisien strict et un défenseur farouche du
judaïsme. Il étudiait la loi sous l'égide de
Gamaliel, l'un des maîtres les plus éminents de
l'époque [28], et il avait la confiance du souverain
sacrificateur [29]. Son père, ou peut-être l'un de
ses ancêtres, avait acquis la citoyenneté romaine et
Saul avait hérité, par sa naissance, de cette
distinction. Saul était un adversaire violent des apôtres
et de l'Église ; il avait pris part à la mort
d'Étienne en y consentant ouvertement et en gardant
personnellement les vêtements des faux témoins tandis
qu'ils lapidaient le martyr.
Il
fit des hécatombes dans l'Église en entrant dans des
maisons privées et en sortant de force des hommes et des
femmes soupçonnés de croire au Christ, et en les
faisant jeter en prison [30]. La persécution dans
laquelle il joua un rôle aussi important provoqua la dispersion
des disciples dans toute la Judée, la Samarie et d'autres
pays ; cependant les apôtres demeurèrent et
poursuivirent leur ministère à Jérusalem [31].
Non content d'agir localement contre l'Église, « Saul,
qui respirait encore la menace et le meurtre contre les disciples du
Seigneur, se rendit chez le souverain sacrificateur et lui demanda
des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il y trouvait
quelques uns, hommes ou femmes, qui suivent
cette Voie, il les amène liés à
JérusaIem » [32].
Comme
Saul et sa suite approchaient de Damas, ils furent arrêtés
par un événement d'une majesté terrifiante [33].
En plein midi, apparut soudain une lumière dépassant de
loin l'éclat du soleil. La compagnie tout entière fut
enveloppée de cette splendeur éblouissante et tomba
terrorisée sur le sol. Au milieu de cette gloire surnaturelle,
un son se fit entendre, que seul Saul comprit comme une voix
articulée ; il entendit et comprit la question
réprobatrice posée en hébreu : « Saul,
Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Tremblant,
il demanda : « Qui es-tu, Seigneur ? »
La réponse pénétra jusqu'au plus profond du cœur
de Saul : « Moi, je suis Jésus que tu
persécutes » ; le Seigneur poursuivit, comme
s'il avait de la considération et de la sympathie pour la
situation du persécuteur et la renonciation qui serait requise
de lui : « Il te serait dur de regimber contre les
aiguillons » [34]. L'énormité de
son hostilité et de son inimitié contre le Seigneur et
son peuple lui remplit l'âme de terreur, et il demanda,
tremblant et contrit : « Seigneur, que veux-tu que je
fasse ? » La réponse fut : « Lève-toi,
entre dans la ville, et l'on te dira ce que tu dois faire. »
L'éclat de la lumière céleste avait aveuglé
Saul. Ses compagnons le conduisirent à Damas où, dans
la maison de Judas, dans la rue qu'on appelle la Droite, il resta
pendant trois jours dans les ténèbres, période
au cours de laquelle il ne mangea ni ne but.
Dans
cette ville vivait un disciple fidèle appelé Ananias, à
qui le Seigneur parla, lui ordonnant de rendre visite à Saul
et de le bénir afin qu'il fût guéri de sa cécité.
Ananias fut étonné de cet ordre et se risqua à
rappeler au Seigneur que Saul était un persécuteur
notoire des saints et était venu à ce moment-là
à Damas pour arrêter et jeter tous les croyants aux
fers. Mais le Seigneur répondit : « Va, car
cet homme est pour moi un instrument de choix, afin de porter mon nom
devant les nations et les rois, et devant les fils d'Israël ;
et je lui montrerai combien il faudra qu'il souffre pour mon nom. »
Ananias alla trouver Saul, posa les mains sur le malade repentant,
disant : « Saul, mon frère, le Seigneur Jésus,
qui t'est apparu sur le chemin par lequel tu venais, m'a envoyé
pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli d'Esprit Saint. »
L'obstruction physique à la vision fut enlevée ;
des particules ressemblant à des écailles tombèrent
des yeux de Saul, et il recouvra la vue. Sans retard ni hésitation,
il se fit baptiser. Après avoir mangé et repris des
forces, il rencontra les disciples de Damas et se mit immédiatement
en devoir de prêcher dans les synagogues, déclarant que
Jésus était le Fils de Dieu [35].
Lorsque
Saul retourna à Jérusalem, les disciples doutèrent
de sa sincérité, car ils l'avaient connu comme leur
persécuteur acharné ; mais Barnabas, un disciple
de confiance, l'amena aux apôtres, parla de sa conversion
miraculeuse et témoigna des services vaillants qu'il avait
rendus en prêchant la parole de Dieu. Il fut accueilli et
ordonné plus tard par les apôtres [36]. Son nom
hébreu, Saul, fut plus tard remplacé par le latin
Paulus, ou selon notre manière de prononcer, Paul [37].
Étant donné que sa mission était de porter
l'Évangile aux Gentils, l'utilisation de son nom romain peut
avoir été avantageux, surtout du fait qu'étant
citoyen romain, il pouvait se réclamer des droits et des
exemptions qui s'attachaient à cette citoyenneté [38].
Nous
n'avons nullement l'intention actuellement de suivre, pas même
dans les grands traits, les travaux de l'homme ainsi appelé
péremptoirement et miraculeusement au ministère ;
le seul sujet que nous voulons examiner en ce moment, ce sont les
manifestations que le Christ en personne lui accorda. Tandis qu'il se
trouvait à Jérusalem, Paul eut la bénédiction
de recevoir une manifestation visible du Seigneur Jésus, qui
s'accompagna de la réception d'ordres précis. Voici ce
que dit son propre témoignage : « Comme je
priais dans le temple, je fus ravi en extase et je vis le Seigneur
qui me disait : Hâte-toi, et sors promptement de
Jérusalem, parce qu'ils ne recevront pas ton témoignage
sur moi. » Expliquant pourquoi il était rejeté
par le peuple, Paul confessa son passé mauvais, disant :
« Seigneur, ils savent eux-mêmes que j'allais de
synagogue en synagogue pour faire emprisonner et battre ceux qui
croient en toi, et lorsqu'on répandit le sang d'Étienne,
ton témoin, j'étais moi-même présent, je
les approuvais et je gardais les vêtements de ceux qui le
faisaient mourir. » À cela le Seigneur répondit :
« Va, car je t'enverrai au loin vers les
païens » [39]. Une fois encore, tandis que
Paul était prisonnier dans la forteresse romaine, le Seigneur
se tint près de lui pendant la nuit et dit : « Prends
courage ; car, de même que tu as rendu témoignage
de moi à Jérusalem, il faut aussi que tu rendes
témoignage à Rome » [40].
Le
témoignage personnel de Paul qu'il avait vu le Christ
ressuscité est explicite et net. À son énumération
de certaines des apparitions du Seigneur ressuscité il associe
son propre témoignage, s'adressant de la manière
suivante aux saints de Corinthe : « Je vous ai
transmis, avant tout, ce que j'avais aussi reçu : Christ
est mort pour nos péchés, selon les Écritures ;
il a été enseveli, il est ressuscité le
troisième jour, selon les Écritures, et il a été
vu par Céphas, puis par les douze. Ensuite, il a été
vu par plus de cinq cents frères à la fois, dont la
plupart sont encore vivants, et dont quelques uns
sont décédés. Ensuite, il a été vu
par Jacques, puis par tous les apôtres. Après eux tous,
il s'est fait voir à moi, comme à l'avorton ; car
je suis, moi, le moindre des apôtres, je ne mérite pas
d'être appelé apôtre, parce que j'ai persécuté
l'Église de Dieu » [41].
FIN
DU MINISTÈRE APOSTOLIQUE - LA RÉVÉLATION DE JEAN
La
période du ministère apostolique se poursuivit jusque
vers la fin du premier siècle de notre ère, soit
soixante à soixante-dix ans environ après l'ascension
du Seigneur. Au cours de cette période, l'Église connut
la prospérité mais aussi les vicissitudes. Tout d'abord
le groupe organisé grandit en nombre et en influence d'une
manière qui est considérée comme phénoménale
sinon miraculeuse [42]. Les apôtres et les nombreux autres
ministres qui œuvraient sous leur direction dans des postes
d'autorité graduée travaillèrent si efficacement
à répandre la parole de Dieu que Paul, écrivant
une trentaine d'années après l'ascension, affirma que
l'Évangile avait déjà été porté
à toutes les nations ou, pour employer ses termes, « prêché
à toute créature sous le ciel ». Par
l'entremise du Saint-Esprit, le Christ continua à diriger les
affaires de son Église sur terre ; et ses représentants
mortels, les apôtres, voyagèrent et enseignèrent,
guérirent les affligés, réprimandèrent
les mauvais esprits et rendirent les morts à une vie
nouvelle [43].
Nous
n'avons connaissance d'aucune apparition directe ou personnelle du
Christ à des mortels entre les manifestations à Paul et
la révélation à Jean sur l'île de Patmos.
La tradition confirme le sous-entendu de Jean qu'il y avait été
exilé « à cause de la parole de Dieu et du
témoignage de Jésus » [44]. Il affirme
que ce qu'il écrivait, et que l'on appelle maintenant
l'Apocalypse, est la « révélation de
Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à
ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt, et qu'il a fait
connaître par l'envoi de son ange à son serviteur
Jean » [45]. L'apôtre décrit d'une
manière frappante le Christ glorifié tel qu'il le vit ;
et il rapporta les paroles du Christ comme suit : « Sois
sans crainte ! Moi je suis le premier et le dernier, le vivant.
J'étais mort, et me voici vivant aux siècles des
siècles. Je tiens les clefs de la mort et du séjour des
morts » [46]. Jean reçut le commandement
d'écrire à chacune des sept Églises ou branches
de l'Église du Christ qui existaient alors en Asie, leur
administrant des reproches, des exhortations et des encouragements
suivant que l'exigeait la situation de chacune d'elles. Le ministère
final de Jean marqua la fin de l'administration apostolique dans
l'Église primitive. Les autres apôtres avaient trouvé
le repos, la plupart y étant entrés par les portes du
martyre, et bien qu'il eût le privilège de demeurer dans
la chair jusqu'à l'avènement du Seigneur en
gloire [47], il ne devait pas continuer son service comme
ministre officiel, connu de l'Église et accepté par
elle. Alors même que beaucoup des apôtres vivaient et
œuvraient, la semence de l'apostasie avait pris racine dans
l'Église et avait grandi, produisant une surabondance de tant
par les prophètes de l'Ancien Testament [48] que par le
Seigneur Jésus [49]. Les apôtres prédirent
clairement, eux aussi, la croissance de l'apostasie qui, dans les
progrès qu'elle faisait à leur époque, ne leur
était que trop tristement manifeste [50]. Il semble que
les manifestations personnelles du Seigneur Jésus aux mortels
aient cessé avec la disparition des apôtres d'autrefois
et ne se soient plus manifestées qu'à l'aube de notre
époque.
[1]
Ac 1:15-26.
[2]
Lc 24:52, 53, Ac 1:12-14.
[3]
1 Co 15:20 ; Ap 1:5 ; Co 1:18.
[4]
Mt 27:52, 53.
[5]
Ac 1:16 ; cf. Ps 41:9 ; voir aussi Jn 13:18.
[6]
Ac 1:20 ; cf. Ps 109:8.
[7]
Ac 6:1-6. Note 1, fin du chapitre.
[8]
Ac 2:1-41. Note 7, fin du chapitre.
[9]
Note 2, fin du chapitre.
[10]
Lc 24:49, Ac 1:4, 5, 8.
[11]
JI 2:28, 29 ; cf. Za 12:10.
[12]
Note 3, fin du chapitre.
[13]
Ac 2:44-46, 4:32-37, 6:1-4.
[14]
Ac 3:6 ; lire tout le chapitre.
[15]
Ac 4:1-22.
[16]
Ac 4:8-12 ; cf. Ps 118:22, Es 28:16, Mt 21:42.
[17]
Actes 5:12-17.
[18]
Mt 27:25 ; cf. 23:35 ; chap. 34 du présent ouvrage
et notes.
[19]
Ac 22:3.
[20]
Ac 5:33-40.
[21]
Ac 6:7.
[22]
Ac 6:8-15 et 7.
[23]
Ac 7:1-53.
[24]
Es 66:1,2 ; voir aussi Mt 5:34, 35, 23:32.
[25]
Ac 7:56. Notez cette application exceptionnelle du titre, Fils de
l'homme, au Christ par quelqu'un d'autre que lui même.
Voir chap. 11 du présent ouvrage.
[26]
Ac 8:4, 11:19.
[27]
Ac 6:9.
[28]
Ac 22:3 ; cf. 5:34 ; chap. 38 du présent ouvrage.
[29]
À cause de la situation sociale de Saul et de ses capacités
reconnues, beaucoup croient qu'il était membre du sanhédrin ;
cependant les Écritures ne justifient pas formellement cette
supposition.
[30]
Ac 7:58, 8:1-3.
[31]
Ac 8:1.
[32]
Ac 9:1, 2.
[33]
Trois versions de cette manifestation et de ses résultats
immédiats apparaissent dans les Actes (9:3-29, 22:6-16 et
26:12-18) : la première est le récit de
l'historien, tandis que les autres sont données comme rapport
des propres paroles de Saul.
[34]
Note 4, fin du chapitre.
[35]
Note 4, fin du chapitre.
[36]
Ac 9:26-28, 13:2, 3.
[37]
Ac 13:9.
[38]
Ac 16:37-40, 22:25-28, 23:27, 25:11, 26:32, 28:19.
[39]
Ac 22:17-21.
[40]
Ac 23:11.
[41]
1 Co 15:3-9.
[42]
Note 5, fin du chapitre.
[43]
Ac 9:36-43.
[44]
Ap 1:9 ; voir note 6, fin du chapitre.
[45]
Ap 1:1 ; lire tout le chapitre.
[46]
Ap 1:10-20.
[47]
Chap. 37.
[48]
Es 24:1-6, Am 8:11,12.
[49]
Mt 24:4, 5,10-13, 23-26.
[50]
Ac 20:17-31, en particulier 29, 30, 1 Tm 4:1-3, 2 Tm 4:1-4, 2 Th 2:3,
4, 7, 8, 2 P 2:1-3, lire tout le chapitre et observer qu'il
s'applique à l'état du monde actuel ; Jude 3, 4,
17-19, Ap 13:4, 6-9, 14:6, 7. Voir La Grande apostasie, chapitre 2.
NOTES
DU CHAPITRE 38
1.
L'autorité présidente et le consentement commun :
« Un autre exemple d'action officielle pour choisir et
mettre à part des hommes à des offices spéciaux
dans l'Église apparut peu après l'ordination de
Matthias. Il apparaît qu'un trait de l'organisation de l'Église
dans les premiers jours des apôtres fut une mise en commun des
choses matérielles, la distribution se faisant selon les
besoins. À mesure que les membres devenaient plus nombreux, on
trouva irréalisable que les apôtres consacrent
l'attention et le temps nécessaires à ces sujets
temporels ; ils firent donc appel aux membres pour qu'ils
choisissent sept hommes honnêtes que les apôtres
chargeraient de s'occuper spécialement de ces affaires. Ces
hommes furent mis à part par la prière et par
l'imposition des mains. L'exemple est instructif en ceci qu'il montre
que les apôtres ont compris qu'ils possédaient
l'autorité de diriger dans les affaires de l'Église, et
qu'ils observaient très fidèlement le principe du
consentement commun dans l'administration de leur office élevé.
Ils exerçaient leur pouvoir sacerdotal dans un esprit d'amour
et en prenant dûment en considération les droits des
gens sur lesquels ils présidaient de par leur position »
(L'auteur, La Grande apostasie, 1:19).
2.
La Pentecôte : Ce nom signifie « cinquantième »
et était appliqué à la fête juive que l'on
célébrait cinquante jours après le second jour
des pains sans levain, ou le jour de la Pâque. On l'appelle
également la « fête des semaines »
(Ex 34:22, Dt 16:10), parce que selon le style hébreu, elle
tombait sept semaines, ou une semaine de semaines après la
Pâque ; ainsi que « la fête de la
moisson » (Ex 23:16) et « le jour des
prémices » (Nb 28:26). La Pentecôte était
l'une des grandes fêtes d'Israël, et son observance était
obligatoire. Des sacrifices spéciaux étaient prévus
pour ce jour-là, ainsi qu'une offrande appropriée à
la saison de la moisson, se composant de deux pains avec du levain
faits avec le blé nouveau ; ceux-ci devaient être
agités devant l'autel puis donnés aux prêtres (Lv
23:15-20). Du fait des événements sans précédent
qui caractérisèrent la première Pentecôte
après l'ascension de notre Seigneur, le nom est devenu courant
dans la littérature chrétienne pour exprimer tout grand
éveil spirituel ou manifestation extraordinaire de la grâce
divine.
3.
Tout en commun : Aucun récit de la situation des débuts
du ministère apostolique n'exprime d'une manière plus
frappante l'unité et la dévotion des membres de
l'Église à l'époque que le fait que les membres
avaient créé un système de possession en commun
des biens (Ac 2:44, 46, 4:32-37, 6:1-4). L'un des résultats de
cette communauté d'intérêts dans les affaires
temporelles fut une unité marquée dans les affaires
spirituelles ; ils n'étaient « qu'un cœur
et qu'une âme ». Ne manquant de rien, ils vivaient
dans la satisfaction et la piété. Plus de trente
siècles auparavant le peuple d'Énoch avait bénéficié
d'une unité semblable, et ses réalisations dans
l'excellence spirituelle avaient été si efficaces que
« le Seigneur vint demeurer avec son peuple... Et le
Seigneur appela son peuple Sion, parce qu'ils étaient d'un
seul cœur et d'un seul esprit, et qu'ils demeuraient dans la
justice ; et il n'y avait pas de pauvres parmi eux »
(PGP, Moïse 7:16-18). Les disciples néphites grandirent
en sainteté, car « toutes choses étaient en
commun parmi eux et ils pratiquaient tous la justice les uns envers
les autres » (LM, 3 Né 26:19, voir aussi 4 Né
1:2-3). Un système d'unité dans les affaires
matérielles a été révélé à
l'Église à notre époque (D&A 82:17,18,
51:10-13, 18, 104:70-77), et le peuple pourra parvenir aux
bénédictions que ce système offre lorsqu'il
apprendra à remplacer les soucis égoïstes par
l'altruisme et les avantages individuels par le dévouement au
bien-être général (voir Les Articles de Foi, p.
532-536).
4.
La conversion de Saul : Le changement soudain de cœur qui
fit d'un persécuteur ardent des saints un disciple véritable
constitue un miracle pour l'esprit moyen. Saul de Tarse était
un étudiant et un observateur pieux de la loi, un Pharisien
strict. Rien ne nous permet de croire qu'il ait jamais rencontré
ou vu Jésus pendant que le Seigneur vivait dans la chair ;
et son contact avec le mouvement chrétien semble avoir été
provoqué par la discussion avec Étienne. Pour
déterminer ce qu'il appelait le bien et le mal, le jeune
enthousiaste se laissait trop guider par l'esprit et trop peu par le
cœur. Son érudition, qui aurait dû être sa
servante, était au contraire sa maîtresse. C'était
un esprit directeur dans la persécution cruelle des premiers
convertis du christianisme ; et cependant nul ne peut douter
qu'il ait cru rendre ainsi service à Jéhovah (comparez
avec Jn 16:2). Son énergie extraordinaire et ses capacités
superbes étaient mal dirigées. Aussitôt qu'il se
rendit compte de son erreur, il fit volte-face, sans réfléchir
aux risques, au prix ou à la certitude de la persécution
et à la possibilité du martyre. Son repentir fut aussi
sincère que l'avait été son zèle à
persécuter. Pendant tout son ministère, il fut torturé
par le passé (Ac 22:4,19, 20, 1 Co 15:9, 2 Co 12:7, Ga 1:13) ;
cependant il trouva un certain soulagement dans sa conscience d'avoir
agi de bonne foi (Ac 26:9-11). Il lui était « dur
de regimber contre les aiguillons » de la tradition, de la
formation et de l'éducation ; cependant il n'hésita
pas. Il était un instrument choisi pour l'œuvre du
Seigneur (Ac 9:15) ; et il répondit promptement à
la volonté du Maître. Toutes les erreurs que Saul de
Tarse avait commises dans son zèle juvénile, Paul
l'apôtre donna tout ce qu'il avait - son temps, ses talents et
sa vie - pour les expier. Il fut par excellence l'apôtre du
Seigneur auprès des Gentils ; et cette ouverture des
portes à d'autres que les Juifs était le sujet même
de la dispute qu'il avait eue avec Étienne. Conformément
au dessein divin et fatidique, Paul fut appelé à
accomplir l'œuvre qu'il avait contribué à freiner
en martyrisant Étienne. Sur les ordres du Seigneur, Paul était
prêt à prêcher le Christ aux Gentils ; ce
n'est que par miracle que l'esprit de caste juif de Pierre et de
l'Église en général put être vaincu (Ac 10
et 11:1-18).
5.
Croissance rapide de l'Église primitive : Eusèbe,
qui écrivit au début du quatrième siècle,
à propos de la première décennie qui suivit
l'ascension du Seigneur, dit : « Ainsi donc, sous une
influence et une coopération célestes, la doctrine du
Sauveur, comme les rayons du soleil, irradia rapidement le monde
entier. Maintenant, conformément à la prophétie
divine, la voix de ces évangélistes et apôtres
inspirés s'était fait entendre sur toute la terre et
leurs paroles jusqu'aux extrémités du monde. Dans
toutes les villes et les villages, comme sur le sol d'une grange
remplie, des églises apparaissaient et se multipliaient
rapidement et se remplissaient de membres de toutes les nations. Ceux
qui, à la suite des erreurs dont ils avaient hérité
de leurs ancêtres, avaient été enchaînés
par l'antique maladie de la superstition idolâtre, étaient
maintenant libérés par la puissance du Christ, par les
enseignements et les miracles de ses messagers » (Eusèbe,
Hist. Ecclés., Livre 1, ch. 3).
6.
Patmos : Petite île de la région icarienne de la
mer Égée. Le Dr John Sterret écrit à son
sujet dans le Standard Bible Dictionary : « Ile
volcanique des Sporades, maintenant presque dépourvue
d'arbres. Elle se caractérise par une côte déchiquetée
et est dotée d'un bon port. Les Romains en firent un lieu
d'exil pour les criminels de classe inférieure. Jean, auteur
de « l'Apocalypse », y fut banni par Domitien
en 94 ap. J.-C. Selon la tradition, il y fut condamné aux
travaux forcés pendant dix-huit mois.
7.
Le Saint Esprit donné : En
réponse à une question sur le point de savoir si les
apôtres reçurent le Saint-Esprit à la Pentecôte
ou avant, la Première Présidence de l'Église
publia une déclaration, le 5 février 1916 (voir le
Deseret News de cette date), déclaration dont nous tirons les
extraits suivants : « La réponse à
cette question dépend de ce que l'on veut dire par
« recevoir » le Saint-Esprit. Si l'on pense à
la promesse faite par Jésus à ses apôtres au
sujet de l'investiture ou du don du Saint-Esprit par la présence
et le ministère du « personnage d'Esprit »
que la révélation appelle le Saint-Esprit (D&A
130:22), alors la réponse est que ce n'est que le jour de la
Pentecôte que la promesse s'accomplit. Mais l'essence divine
appelée Esprit de Dieu, ou Esprit Saint, ou Saint-Esprit, par
laquelle Dieu créa ou organisa toutes choses, et par laquelle
les prophètes écrivaient et parlaient, fut conférée
dans les temps anciens et inspira les apôtres dans leur
ministère longtemps avant le jour de la Pentecôte...
Nous lisons que Jésus, après sa résurrection,
souffla sur ses disciples et dit : « Recevez l'Esprit
Saint. » Nous lisons aussi qu'il dit : « Et [voici] :
j'enverrai sur vous ce que mon Père a promis, mais vous,
restez dans la ville (Jérusalem), jusqu'à ce que vous
soyez revêtus de la puissance d'en haut » (Jn
20:22 ; Lc 24:49). Nous lisons encore : « Car le
Saint-Esprit n'avait pas encore été donné, parce
que Jésus n'était pas encore glorifié »
(Jn 7:39 selon la version du roi Jacques, ndt). Ainsi la promesse fut
donnée, mais l'accomplissement vint plus tard, de sorte que le
Saint-Esprit que Jésus envoya du Père ne vint en
personne que le jour de la Pentecôte, et les langues de feu
étaient le signe de sa venue. »
CHAPITRE
39 : LE MINISTÈRE DU CHRIST
RESSUSCITÉ SUR LE CONTINENT AMERICAIN
En
considérant le ministère apostolique immédiatement
après notre récit de l'ascension du Seigneur depuis le
mont des Oliviers, nous nous sommes écartés de l'ordre
chronologique des manifestations personnelles du Seigneur ressuscité
aux mortels ; en effet c'est rapidement après son adieu
final aux apôtres en Judée qu'il rendit visite à
ses « autres brebis », qui n'étaient pas
de la bergerie orientale, dont il avait affirmé l'existence
dans le sermon impressionnant concernant le bon berger et ses
brebis [1]. Ces autres brebis qui devaient entendre la voix du
Berger et être finalement incluses dans le troupeau unifié
étaient les descendants de Léhi qui, avec sa famille et
quelques autres personnes, avait quitté Jérusalem en
600 av. J.-C. et avait traversé le grand abîme jusqu'à
l'endroit que nous appelons maintenant le continent américain,
sur lequel ils s'étaient multipliés et étaient
devenus un peuple puissant quoique divisé [2].
LA
MORT DU SEIGNEUR FUT SIGNALÉE PAR DE GRANDES CALAMITÉS
SUR LE CONTINENT AMÉRICAIN
Comme
nous l'avons déjà exposé dans ces pages, la
naissance de Jésus à Bethléhem avait été
communiquée par révélation divine à la
nation néphite sur le continent américain ; ce
joyeux événement avait été marqué
par l'apparition d'une nouvelle étoile, par une nuit sans
ténèbres, de sorte que deux jours et la nuit qui les
séparait avaient été comme un seul jour, et par
d'autres événements étonnants, qui tous avaient
été prédits par les prophètes du monde
américain [3]. Samuel le Lamanite qui, par sa fidélité
et ses bonnes œuvres, était devenu prophète,
puissant en paroles et en actions, dûment choisi et envoyé
de Dieu, avait ajouté, lorsqu'il prédit les événements
merveilleux qui devaient marquer la naissance du Christ, des
prophéties sur l'apparition d'autres signes - de ténèbres,
de terreur et de destruction - qui signaleraient la mort du Sauveur
sur la croix [4]. Toutes les paroles prophétiques
relatives aux phénomènes qui devaient accompagner la
naissance du Sauveur s'étaient accomplies. Beaucoup de
personnes avaient été ainsi amenées à
croire que le Christ était le Rédempteur promis ;
cependant, comme c'est de coutume chez ceux dont la croyance repose
sur les miracles, une partie du peuple néphite « commença
à oublier les signes et les prodiges qu'il avait entendus, et
commença à être de moins en moins étonné
devant un signe ou un prodige venu du ciel, de sorte qu'il commença
à être dur de cœur et aveugle d'esprit, et
commença à ne plus croire à tout ce qu'il avait
entendu et vu » [5].
Trente-trois
ans s'étaient écoulés depuis la nuit illuminée
et les autres signes de l'avènement du Messie ; alors, le
quatrième jour du premier mois, ou, selon notre calendrier,
pendant la première semaine d'avril, dans la trente-quatrième
année, une grande et terrible tempête s'éleva,
accompagnée de coups de tonnerre, d'éclairs, de
plissements et de dépressions de la surface de la terre, de
sorte que les routes furent détruites, les montagnes furent
divisées et un grand nombre de villes furent totalement
détruites par des tremblements de terre, des incendies et des
raz de marée. Cet holocauste sans précédent se
poursuivit pendant trois heures ; ensuite, des ténèbres
épaisses tombèrent dans lesquelles il fut impossible
d'allumer du feu ; l'horrible obscurité était
semblable aux ténèbres d'Égypte [6] en ce
qu'on pouvait sentir ses vapeurs froides et humides. Cela dura
jusqu'au troisième jour, de sorte qu'une nuit, un jour et une
nuit, furent comme une nuit ininterrompue, et les ténèbres
impénétrables furent rendues d'autant plus terribles
par les lamentations du peuple, dont le refrain déchirant
était partout le même : « Oh ! si
nous nous étions repentis avant ce jour grand et
terrible » [7].
Alors,
perçant les ténèbres, se fit entendre une
voix [8], devant laquelle le chœur effrayant des
lamentations humaines fut réduit au silence : « Malheur,
malheur, malheur à ce peuple » entendit-on dans
tout le pays. La voix proclama des malheurs croissants si le peuple
ne se repentait pas. La destruction s'était abattue sur lui à
cause de sa méchanceté, et le démon se
réjouissait alors du nombre des morts et du châtiment
que leur destruction constituait. L'étendue de cette terrible
calamité fut détaillée ; les villes qui
avaient été brûlées avec leurs habitants,
les autres qui s'étaient enfoncées dans la mer ;
d'autres encore qui avaient été ensevelies dans la
terre, furent énumérées ; et la raison
divine de cette destruction générale fut clairement
donnée : c'était pour que la méchanceté
et les abominations du peuple fussent chassées de la surface
de la terre. Ceux qui avaient survécu pour entendre furent
déclarés être les plus justes des habitants ;
et il leur fut laissé de l'espoir à condition de se
repentir et de se réformer plus complètement.
Voici
comment l'identité de la voix fut révélée :
« Voici, je suis Jésus-Christ, le Fils de Dieu.
J'ai créé les cieux et la terre, et tout ce qui s'y
trouve. J'étais avec le Père dès le
commencement. Je suis dans le Père, et le Père est en
moi ; et en moi, le Père a glorifié son nom. »
Le Seigneur commanda au peuple de ne plus le servir par des
sacrifices sanglants et des holocaustes, car la loi de Moïse
était accomplie, et dorénavant le seul sacrifice
acceptable serait le cœur brisé et l'esprit contrit ;
ceux-là ne seraient jamais rejetés. Le Seigneur
recevrait dans son sein les humbles et les repentants. « Voici,
dit-il, c'est pour ceux qui leur ressemblent que j'ai donné ma
vie et l'ai reprise ; c'est pourquoi, repentez-vous, et venez à
moi, extrémités de la terre, et soyez sauvées. »
La
voix se tut, et pendant les nombreuses heures que les ténèbres
continuèrent, les vociférations et les lamentations
furent réduites au silence, car le peuple sentait sa
culpabilité et pleurait silencieusement, étonné
de ce qu'il avait entendu et attendant avec espoir le salut qui lui
avait été offert. Une deuxième fois la voix se
fit entendre, comme attristée de ceux qui avaient refusé
d'accepter le secours du Sauveur ; car il les avait souvent
protégés, et il l'aurait fait plus souvent encore s'ils
avaient été disposés et à l'avenir il les
chérirait encore « comme une poule rassemble ses
poussins sous ses ailes » s'ils se repentaient et vivaient
dans la justice. Le matin du troisième jour les ténèbres
se dispersèrent, les remous telluriques cessèrent et
les tempêtes se calmèrent. Lorsque le manteau de
ténèbres fut ôté du pays, le peuple vit
combien profondes avaient été les convulsions de la
terre et combien grandes avaient été les pertes qu'il
avait subies en parents et en amis. Dans sa contrition et son
humiliation, il se souvint des prédictions des prophètes
et sut que le commandement du Seigneur avait été
exécuté contre lui [9].
PREMIÈRE
VISITE DE JÉSUS-CHRIST AUX NÉPHITES
Six
semaines environ ou davantage après les événements
que nous venons d'examiner [10], une grande multitude de
Néphites s'était assemblée au temple dans le
pays appelé Abondance [11] et discutait avec gravité
des grands changements qui s'étaient produits dans le pays, et
en particulier de Jésus-Christ. Elle avait pu assister aux
signes prévus de sa mort expiatoire dans tous leurs détails
tragiques. L'Esprit qui régnait dans l'assemblée était
celui de la contrition et de la piété. Tandis qu'elle
était ainsi réunie, elle entendit un bruit, comme celui
d'une voix provenant d'en haut ; mais elle fut incapable de
comprendre, tant les premières paroles que les deuxièmes.
Tandis qu'elle écoutait avec une vive attention, la voix se
fit entendre pour la troisième fois : « Voici
mon Fils bien-aimé, en qui je me complais, en qui j'ai
glorifié mon nom - écoutez-le » [12].
Tandis
qu'il levait les yeux dans une attente pieuse, le peuple vit un
Homme, vêtu d'une robe blanche, qui descendit et se tint au
milieu de lui. Il parla, disant : « Voici, je suis
Jésus-Christ, de qui les prophètes ont témoigné
qu'il viendrait au monde. Et voici, je suis la lumière et la
vie du monde ; j'ai bu à cette coupe amère que le
Père m'a donnée et j'ai glorifié le Père
en prenant sur moi les péchés du monde, en quoi j'ai
souffert la volonté du Père en toutes choses depuis le
commencement. » La multitude se prosterna en adoration,
car elle se souvenait que ses prophètes avaient prédit
que le Seigneur apparaîtrait parmi elle après sa
résurrection et son ascension [13].
Sur
son commandement, le peuple se leva, et les gens vinrent un par un à
lui, virent et sentirent les empreintes des clous dans ses mains et
ses pieds et la blessure de la lance dans son côté.
Poussés à exprimer leur adoration, ils s'écrièrent
à l'unisson : « Hosanna ! Béni
soit le nom du Dieu très haut ! » puis,
tombant aux pieds de Jésus, ils l'adorèrent.
Commandant
à Néphi et à onze autres de s'approcher, le
Seigneur leur donna l'autorité de baptiser le peuple après
son départ et prescrivit le mode du baptême en leur
interdisant particulièrement d'avoir des disputes parmi eux au
sujet de l'altération de la forme donnée, comme en
témoignent les paroles du Seigneur :
« En
vérité, je vous dis que quiconque se repent de ses
péchés à cause de vos paroles et désire
être baptisé en mon nom, vous le baptiserez de cette
manière : voici, vous descendrez et vous vous tiendrez
dans l'eau, et vous le baptiserez en mon nom. Et maintenant, voici,
telles sont les paroles que vous direz, les appelant par leur nom,
disant : Ayant reçu l'autorité de Jésus-Christ,
je te baptise au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Amen. Et alors, vous les immergerez dans l'eau et ressortirez de
l'eau. Et c'est de cette manière que vous baptiserez en mon
nom; car voici, en vérité, je vous dis que le Père,
et le Fils, et le Saint-Esprit sont un ; et je suis dans le
Père, et le Père est en moi, et le Père et moi
sommes un. Et vous baptiserez comme je vous l'ai commandé, et
il n'y aura plus de controverses parmi vous, comme il y en a eu
jusqu'à présent; et il n'y aura plus non plus de
controverses parmi vous concernant les points de ma doctrine, comme
il y en a eu jusqu'à présent. [14] »
Le
peuple en général, et surtout les Douze, choisis comme
nous l'avons dit, furent avertis d'une manière frappante
contre les querelles sur les sujets de doctrine ; il fut déclaré
que l'esprit de celles-ci était du diable, qui est le père
de la querelle. La doctrine de Jésus-Christ fut exposée
en un résumé simple et cependant complet en ces
termes :
« Voici,
en vérité, en vérité, je vous le dis, je
vais vous annoncer ma doctrine. Et ceci est ma doctrine, et c'est la
doctrine que le Père m'a donnée ; et je témoigne
du Père, et le Père témoigne de moi, et le
Saint-Esprit témoigne du Père et de moi; et je témoigne
que le Père commande à tous les hommes de partout de se
repentir et de croire en moi. Et quiconque croit en moi et est
baptisé, celui-là sera sauvé ; et ce sont
ceux-là qui hériteront le royaume de Dieu. Et quiconque
ne croit pas en moi et n'est pas baptisé, sera damné » [15].
Le
repentir et une humilité semblable à celle de l'enfant
confiant et innocent étaient les conditions du baptême,
ordonnance sans laquelle nul ne pouvait hériter du royaume de
Dieu. Employant le ton tranchant et simple qui avait caractérisé
ses enseignements en Palestine, le Seigneur donna les commandements
suivants aux Douze qu'il venait de choisir :
« En
vérité, en vérité, je vous dis que c'est
ma doctrine, et quiconque bâtit là-dessus bâtit
sur mon roc, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas
contre lui. Et quiconque annonce plus ou moins que cela et l'établit
comme étant ma doctrine, celui-là vient du mal et n'est
pas bâti sur mon roc ; mais il construit sur une fondation
de sable, et les portes de l'enfer seront ouvertes pour le recevoir
lorsque les torrents viendront et que les vents s'abattront sur lui.
C'est pourquoi, allez vers ce peuple et annoncez les paroles que j'ai
dites, jusqu'aux extrémités de la terre » [16].
Puis
se tournant vers la multitude, Jésus l'exhorta à prêter
attention aux enseignements des Douze et poursuivit par un discours
contenant les principes sublimes qu'il avait enseignés parmi
les Juifs dans le sermon sur la montagne [17]. On trouve, tant
dans la version de Matthieu que dans celle de Néphi de ce
discours sans pareil, les béatitudes, le Notre Père et
le même exposé splendide de préceptes
ennoblissants, et on y voit apparaître la même richesse
de comparaisons efficaces et d'excellentes illustrations ; mais
on découvre une différence significative dans toutes
les allusions à l'accomplissement de la loi mosaïque ;
car tandis que les Écritures juives nous montrent le Seigneur
parlant d'un accomplissement alors incomplet, les expressions
correspondantes du récit néphite sont formulées
au passé, la loi ayant déjà été
accomplie dans son intégralité par la mort et la
résurrection du Christ. C'est ainsi que Jésus avait dit
aux Juifs : « Jusqu'à ce que le ciel et la
terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la
loi ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé » ;
aux Néphites, il dit : « Car, en vérité,
je vous le dis : Pas un seul iota, pas un seul trait de lettre
n'est passé de la loi ; mais en moi, elle a été
toute accomplie. [18] »
Beaucoup
s'étonnèrent de cela, se demandant ce que le Seigneur
voulait qu'ils fissent à propos de la loi de Moïse ;
« car ils n'avaient pas compris ces paroles : Que les
anciennes choses étaient finies, et que toutes choses étaient
devenues nouvelles ». Jésus, connaissant leur
perplexité, proclama clairement que c'était lui qui
avait donné la loi, et que c'est par lui qu'elle avait été
accomplie et par conséquent abrogée. Son affirmation
est particulièrement explicite :
« Voici,
je vous dis que la loi qui fut donnée à Moïse est
accomplie. Voici, je suis celui qui a donné la loi, et je suis
celui qui a fait alliance avec mon peuple d'Israël ; c'est
pourquoi, la loi est accomplie en moi, car je suis venu pour
accomplir la loi ; c'est pourquoi elle est finie. Voici, je ne
détruis pas les prophètes, car tous ceux qui n'ont pas
été accomplis en moi, en vérité, je vous
le dis, seront tous accomplis. Et parce que je vous ai dit que les
choses anciennes ont pris fin, je ne détruis pas ce qui a été
dit concernant les choses qui sont à venir. Car voici,
l'alliance que j'ai faite avec mon peuple n'est pas toute accomplie ;
mais la loi qui a été donnée à Moïse
est finie en moi » [19].
S'adressant
aux Douze, il affirma que le Père ne lui avait jamais commandé
de mettre les Juifs au courant de l'existence des Néphites, si
ce n'est indirectement en parlant d'autres brebis qui n'étaient
pas de la bergerie juive ; et comme ils avaient été
incapables de comprendre ce qu'il disait « à cause
de leur obstination et de leur incrédulité »,
le Père lui avait commandé de ne plus rien dire que ce
fût au sujet des Néphites ou du troisième
troupeau comprenant les « autres tribus de la maison
d'Israël, que le Père a emmenées hors du pays ».
Jésus enseigna aux disciples néphites beaucoup d'autres
sujets qui avaient été tenus cachés des Juifs,
lesquels par leur incapacité à recevoir avaient été
laissés dans l'ignorance. Même les apôtres juifs
avaient cru à tort que « ces autres brebis »
étaient les nations païennes, ne se rendant pas compte
que l'apport de l'Évangile aux Gentils faisait partie de leur
mission à eux, et oubliant que le Christ ne se manifesterait
jamais en personne à ceux qui n'étaient pas de la
maison d'Israël. C'est par les inspirations du Saint-Esprit et
les labeurs d'hommes revêtus d'autorité et envoyés
que les Gentils entendraient la parole de Dieu ; mais ils
n'avaient pas droit à la manifestation personnelle du
Messie [20]. Cependant la miséricorde et les bénédictions
du Seigneur seront grandes pour les Gentils qui acceptent la vérité,
car le Saint-Esprit leur témoignera du Père et du Fils,
et tous ceux d'entre eux qui se conforment aux lois et aux
ordonnances de l'Évangile seront comptés dans la maison
d'Israël. Leur conversion et leur admission dans le troupeau du
Seigneur se feront sur le plan individuel et non par nations, tribus
ou peuples [21].
La
multitude pleine d'adoration, comptant environ deux mille cinq cents
âmes, pensa que Jésus était sur le point de
partir ; et elle le supplia, en pleurant, de rester. Il la
consola en l'assurant qu'il reviendrait le lendemain et l'exhorta à
réfléchir aux choses qu'il avait enseignées et à
prier le Père en son nom pour recevoir de l'intelligence. Il
avait déjà informé les Douze, et maintenant
déclarait au peuple qu'il se montrerait et administrerait
l'Évangile « aux tribus perdues d'Israël, car
elles ne sont pas perdues pour le Père, car il sait où
il les a emmenées ». Exprimant la compassion qu'il
ressentait, le Seigneur ordonna au peuple d'aller chercher ses
affligés, les paralytiques, les estropiés, les mutilés,
les aveugles et les sourds et les lépreux ; lorsque
ceux-ci lui furent amenés, il guérit chacun d'eux.
Puis, sur son ordre, les parents amenèrent leurs petits
enfants et les mirent en cercle autour de lui. La multitude se
prosterna en prière et Jésus pria pour elle ; et,
écrit Néphi, « aucune langue ne peut
exprimer, ni aucun homme ne peut écrire, ni le cœur des
hommes concevoir des choses aussi grandes et aussi merveilleuses que
celles que nous vîmes et entendîmes Jésus dire ;
et nul ne peut concevoir la joie qui nous remplit l'âme lorsque
nous l'entendîmes prier le Père pour nous. »
La
prière terminée, Jésus commanda à la
multitude de se lever et s'exclama joyeusement : « Vous
êtes bénis à cause de votre foi. Et maintenant,
voici, ma joie est pleine. » Jésus
pleura. Puis il prit les enfants, un par un, et les bénit,
priant le Père pour chacun d'eux.
« Et
lorsqu'il eut fait cela, il pleura de nouveau ; et il parla à
la multitude et lui dit : Voyez vos petits enfants. Et comme ils
regardaient, ils jetèrent les regards vers le ciel, et ils
virent les cieux ouverts, et ils virent des anges descendre du ciel
comme au milieu d'un feu ; et ils descendirent et entourèrent
ces petits enfants, et ils étaient environnés de feu ;
et les anges les servirent » [22].
Le
Seigneur Jésus fit chercher du pain et du vin et fit asseoir
le peuple. Il rompit et bénit le pain et en donna aux Douze ;
ceux-ci ayant mangé, distribuèrent le pain à la
multitude. Le vin fut béni, et tous en prirent, les Douze en
premiers, ensuite le peuple. D'une manière frappante,
semblable à celle qui accompagna l'institution du sacrement du
repas du Seigneur parmi les apôtres de Jérusalem, Jésus
expliqua clairement la sainteté et l'importance de cette
ordonnance, disant que l'autorité serait donnée pour
l'administrer dans l'avenir et que tous ceux qui avaient été
baptisés pour avoir la compagnie du Christ devaient y prendre
part et qu'ils devaient toujours l'observer en souvenir de lui, le
pain étant l'emblème sacré de son corps, le vin
le signe de son sang qui avait été versé. Le
Seigneur interdit expressément le sacrement du pain et du vin
à tous ceux qui n'étaient pas dignes ; « car,
expliqua-t-il, quiconque mange et boit ma chair et mon sang
indignement, mange et boit la damnation pour son âme ;
c'est pourquoi, si vous savez qu'un homme est indigne de manger et de
boire de ma chair et de mon sang, vous le lui interdirez. »
Mais le peuple reçut l'interdiction de chasser de ses
assemblées ceux à qui la Sainte-Cène devait être
refusée, si ceux-ci se repentaient et demandaient à
être intégrés par le baptême [23]. Le
Seigneur souligna explicitement la nécessité de la
prière, le commandement de prier étant donné
séparément aux Douze et à la multitude. Voici
comment le Seigneur commanda les prières personnelles, le
recueillement en famille et le culte en communauté :
« C'est
pourquoi vous devez toujours prier le Père en mon nom. Et tout
ce que vous demanderez de juste au Père, en mon nom, croyant
le recevoir, voici, cela vous sera donné. Priez le Père
dans vos familles, toujours en mon nom, afin que vos épouses
et vos enfants soient bénis. Et voici, vous vous réunirez
souvent; et vous n'interdirez à personne de venir à
vous lorsque vous vous réunirez, mais vous souffrirez qu'ils
viennent à vous et ne le leur interdirez pas ; mais vous
prierez pour eux et ne les chasserez pas; et s'ils viennent souvent
chez vous, vous prierez le Père pour eux, en mon nom » [24].
Le
Seigneur toucha alors chacun des Douze de la main, les investissant,
par des paroles que les autres n'entendirent pas, de l'autorité
de conférer le Saint-Esprit par l'imposition des mains sur
tous les croyants repentants et baptisés [25]. Lorsqu'il
eut fini d'ordonner les Douze, une nuée recouvrit le peuple,
de sorte que le Seigneur fut caché à sa vue ; mais
les douze disciples « virent et témoignèrent
qu'il était remonté au ciel ».
LA
DEUXIÈME VISITE DU CHRIST AUX NÉPHITES [26]
Le
lendemain, une multitude plus grande encore se réunit pour
attendre le retour du Sauveur. Pendant toute la nuit des messagers
avaient répandu la merveilleuse nouvelle de l'apparition du
Seigneur et de sa promesse de rendre de nouveau visite à son
peuple. Si grande fut l'assemblée que Néphi et ses
compagnons demandèrent au peuple de se diviser en douze
groupes, afin de charger chacun des disciples de donner des
instructions et de diriger dans la prière l'un de ces groupes.
La teneur des prières était que le Saint-Esprit leur
fût donné. Dirigée par les disciples choisis,
l'immense multitude s'approcha du bord de l'eau, et Néphi,
descendant le premier, fut baptisé par immersion ;
ensuite il baptisa les onze autres que Jésus avait choisis.
Lorsque les Douze furent sortis de l'eau, « ils
furent remplis du Saint-Esprit et de feu. Et voici, ils furent
environnés comme par du feu ; et ce feu descendait du
ciel, et la multitude le vit et en témoigna ; et des
anges descendirent du ciel et les servirent. Et il arriva que tandis
que les anges servaient les disciples, voici, Jésus vint et se
tint au milieu d'eux et les servit » [27].
Ainsi
Jésus apparut au milieu des disciples et des anges qui les
instruisaient. Sur son ordre, les Douze et la multitude
s'agenouillèrent ; et ils prièrent Jésus,
l'appelant leur Seigneur et leur Dieu. Jésus s'éloigna
d'eux de quelques pas, et pria dans une attitude humble, disant entre
autres : « Père,
je te remercie de ce que tu as donné le Saint-Esprit à
ceux-ci que j'ai choisis; et c'est à cause de leur croyance en
moi que je les ai choisis de parmi le monde. Père, je te prie
pour que tu donnes le Saint-Esprit à tous ceux qui croiront en
leurs paroles. » Les disciples
étaient encore occupés à prier Dieu avec
ferveur, lorsqu'il revint auprès d'eux ; et tandis qu'il
les regardait avec un sourire miséricordieux et approbateur,
ils furent glorifiés en sa présence, de sorte que leur
visage et leurs vêtements brillèrent avec un éclat
semblable à celui du visage et des vêtements du
Seigneur, au point que « il
ne pouvait rien y avoir sur la terre d'aussi blanc que leur
blancheur ». Une deuxième
et une troisième fois Jésus se retira et pria le Père ;
et bien que le peuple comprit le sens de sa prière, il
confessa et témoigna que « si
grandes et merveilleuses étaient les paroles qu'il dit dans sa
prière, qu'elles ne peuvent être écrites, et
qu'elles ne peuvent pas non plus être exprimées par
l'homme ». Le Seigneur se
réjouit de la foi du peuple, et il dit aux disciples :
« Je n'ai jamais vu
une aussi grande foi parmi tous les Juifs ; c'est pourquoi je
n'ai pas pu leur montrer d'aussi grands miracles à cause de
leur incrédulité. En vérité, je vous le
dis, il n'y en a aucun parmi eux qui ait vu des choses aussi grandes
que celles que vous avez vues ; et ils n'ont pas non plus
entendu de choses aussi grandes que celles que vous avez
entendues » [28]. Alors
le Seigneur administra la Sainte-Cène de la même manière
que la veille ; mais le pain et le vin furent fournis sans aide
humaine. La sainteté de l'ordonnance fut exprimée de la
manière suivante : « Celui
qui mange ce pain, mange de mon corps pour son âme ; et
celui qui boit de ce vin, boit de mon sang pour son âme; et son
âme n'aura jamais faim ni soif, mais sera rassasiée. »
À
ceci succédèrent des instructions concernant le peuple
de l'alliance, Israël, dont les Néphites faisaient
partie, et des rapports qu'ils auraient avec des nations gentiles
dans l'évolution future des desseins de Dieu. Jésus se
déclara être le Prophète dont Moïse avait
prédit la venue et le Christ dont tous les prophètes
avaient témoigné. La suprématie temporaire des
Gentils, qui accomplirait la dispersion définitive d'Israël,
et le rassemblement final du peuple de l'alliance furent prédits,
avec des allusions fréquentes aux paroles inspirées
d'Ésaïe à ce sujet [29]. Décrivant
l'avenir des descendants de Léhi, le Seigneur dit qu'ils
tomberaient dans l'incrédulité à cause de leur
iniquité ; en conséquence de cela, les Gentils
deviendraient un peuple puissant sur le continent américain en
dépit du fait que ce pays avait été donné
comme héritage final à la maison d'Israël. Voici
comment fut prédit l'établissement de la nation
américaine alors encore à naître, dont la
caractéristique serait d'être un « peuple
libre », et comment fut expliqué le dessein de Dieu
dans ce domaine : « car
le Père juge sage qu'ils soient établis dans ce pays et
installés comme peuple libre par le pouvoir du Père,
afin que ces choses viennent d'eux à un reste de votre
postérité, afin que soit accomplie l'alliance que le
Père a conclue avec son peuple, ô maison d'Israël [30] »
Comme
signe de l'époque à laquelle se produirait le
rassemblement des diverses branches d'Israël depuis leur longue
dispersion, le Seigneur spécifia la prospérité
des Gentils en Amérique et leur intervention dans l'apport des
Écritures au reste dégénéré de la
postérité de Léhi, les Indiens américains [31].
Il expliqua que tous les Gentils qui se repentiraient et
accepteraient l'Évangile du Christ par le baptême
seraient comptés parmi le peuple de l'alliance et recevraient
les bénédictions qui seraient données dans les
derniers jours où la nouvelle Jérusalem serait établie
sur le continent américain. Le récit joyeux du
rassemblement d'Israël que Jéhovah avait donné
précédemment par la bouche de son prophète
Ésaïe, Jéhovah ressuscité le répéta
à son troupeau néphite [32]. Les exhortant à
réfléchir aux paroles des prophètes dont le
texte se trouvait parmi eux et d'obéir aux Écritures
nouvelles qu'il leur avait révélées, et
commandant tout particulièrement aux Douze d'enseigner
davantage au peuple les choses qu'il avait exposées, le
Seigneur les informa des révélations qui avaient été
données par l'intermédiaire de Malachie et ordonna
qu'elles fussent écrites [33].
Les
prophéties ainsi répétées par celui qui
avait inspiré Malachie à parler, étaient de
toute évidence pour l'avenir à ce moment-là, et
aujourd'hui encore, elles ne sont pas encore intégralement
accomplies. L'avènement du Seigneur, dont ces Écritures
témoignent, est encore à venir ; mais le fait que
ce moment est maintenant proche - « Ie jour de l'Éternel,
ce jour grand et redoutable » - est attesté par le
fait qu'Élie, qui devait venir avant ce moment-là, est
apparu pour s'acquitter de sa mission personnelle - qui était
de tourner le cœur des enfants vivants vers leurs ancêtres
décédés, et le cœur des pères morts
vers leur postérité encore mortelle [34].
Le
ministère personnel du Christ lors de sa deuxième
visite dura trois jours, au cours desquels il donna au peuple de
nombreuses Écritures semblables à celles qui avaient
été données précédemment aux
Juifs, car c'est ce que le Père avait commandé ;
et il leur exposa les desseins de Dieu, depuis le commencement
jusqu'au moment où le Christ reviendra dans sa gloire ;
« et même jusqu'au grand et dernier jour, lorsque
tous les peuples, toutes les familles, toutes les nations et langues
se tiendront devant Dieu pour être jugés selon leurs
œuvres, bonnes ou mauvaises. - Si elles sont bonnes, à
la résurrection de la vie éternelle ; et si elles
sont mauvaises, à la résurrection de la damnation ;
étant sur un parallèle, les uns d'un côté,
les autres de l'autre, suivant la miséricorde, la justice et
la sainteté qui sont en Jésus-Christ qui était
avant que le monde ne commençât ». Dans sa
miséricorde, il guérit les affligés et
ressuscita un homme d'entre les morts. À des époques
ultérieures mais non précisées, il se montra
parmi les Néphites et « rompit souvent le pain, le
bénit et le leur donna » [35].
Après
sa deuxième ascension de parmi eux, l'esprit de prophétie
se manifesta parmi le peuple, et cela s'étendit même aux
enfants et aux nourrissons, dont beaucoup parlèrent de choses
merveilleuses selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Les
Douze entreprirent leur ministère avec vigueur, instruisant
tous ceux qui voulaient les écouter, et baptisant ceux qui,
par leur repentir, demandèrent la communion de l'Église.
Le Saint-Esprit fut conféré à tous ceux qui se
conformaient ainsi aux exigences de l'Évangile ; et ceux
qui étaient ainsi bénis vivaient ensemble dans l'amour
et furent appelés dans l'Église du Christ [36].
VISITE
DU CHRIST AUX DOUZE QU'IL AVAIT CHOISIS D'ENTRE LES NÉPHITES [37]
Sous
l'administration des douze disciples ordonnés, l'Église
grandit et prospéra dans le pays de Néphi [38].
Les disciples, témoins spéciaux du Christ, voyageaient,
prêchaient, instruisaient et baptisaient tous ceux qui
professaient avoir la foi et se montraient repentants. En une
occasion les Douze étaient assemblés « en
une prière et un jeûne fervents », demandant
des instructions sur un sujet particulier qui, en dépit des
injonctions du Seigneur contre les querelles, avait donné lieu
à des disputes parmi le peuple. Tandis qu'ils suppliaient le
Père au nom du Fils, Jésus apparut au milieu d'eux et
demanda : « Que voulez-vous que je vous donne ? »
Leur réponse fut : « Seigneur, nous désirons
que tu nous indiques le nom par lequel nous désignerons cette
Église ; car il y a des disputes à ce sujet parmi
le peuple. » Provisoirement, ils avaient appelé la
communauté des croyants baptisés Église du
Christ ; mais apparemment ce nom vrai et distinctif n'avait pas
été généralement accepté sans
restriction.
« Et
le Seigneur leur dit : En vérité, en vérité,
je vous le dis, pourquoi le peuple murmure-t-il et se querelle-t-il à
cause de cela ? N'a-t-il pas lu les Écritures, qui disent
que vous devez prendre sur vous le nom du Christ, qui est mon nom ?
Car c'est de ce nom que vous serez appelés au dernier jour ;
et quiconque prend sur lui mon nom, et persévère
jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé au dernier
jour. C'est pourquoi, tout ce que vous ferez, vous le ferez en mon
nom; c'est pourquoi vous appellerez l'Église de mon nom ;
et vous invoquerez le Père en mon nom, pour qu'il bénisse
l'Église à cause de moi. Et comment est-elle mon
Église, si elle n'est pas appelée de mon nom ? Car
si une Église est appelée du nom de Moïse, alors
c'est l'Église de Moïse, ou si elle est appelée du
nom d'un homme, alors c'est l'Église d'un homme ; mais si
elle est appelée de mon nom, alors c'est mon Église, si
elle est édifiée sur mon Évangile. En vérité,
je vous dis que vous êtes édifiés sur mon
Évangile ; c'est pourquoi, tout ce que vous appellerez,
vous l'appellerez de mon nom ; c'est pourquoi, si vous invoquez
le Père, pour l'Église, si c'est en mon nom, le Père
vous entendra ; et si l'Église est édifiée
sur mon Évangile, alors le Père montrera ses œuvres
en elle. Mais si elle n'est pas édifiée sur mon
Évangile et est édifiée sur les œuvres des
hommes, ou sur les œuvres du diable, en vérité,
je vous dis qu'ils trouvent de la joie dans leurs œuvres
pendant un certain temps, et bientôt la fin arrive, et ils sont
abattus et jetés au feu, d'où il n'y a pas de retour.
Car leurs œuvres les suivent, car c'est à cause de leurs
œuvres qu'ils sont abattus ; c'est pourquoi, souvenez-vous
des choses que je vous ai dites » [39].
C'est
ainsi que le Seigneur confirma, comme une investiture autorisée,
le nom qui, par inspiration, avait été pris par ses
enfants obéissants, l'Église de Jésus-Christ.
L'explication que le Seigneur donna sur le seul et unique nom qui
convenait à l'Église est logique et convaincante. Ce
n'était pas l'Église de Léhi ou de Néphi,
de Mosiah ou d'Alma, de Samuel ou d'Hélaman, sinon on aurait
dû l'appeler du nom de l'homme dont c'était l'Église,
tout comme aujourd'hui il y a des Églises qui tirent leur nom
d'un homme [40] ; mais c'était l'Église
établie par Jésus-Christ, elle ne pouvait, à bon
droit, porter d'autre nom que le sien.
Jésus
répéta alors aux douze néphites un grand nombre
des principes cardinaux qu'il leur avait précédemment
énoncés, à eux et au peuple en général,
et commanda que ces paroles fussent écrites, à
l'exception de certaines communications sublimes qu'il leur interdit
de noter. Il leur montra combien il était important de
conserver comme un trésor sans prix les nouvelles Écritures
qu'il avait données, les assurant qu'au ciel des livres
étaient tenus de toutes les choses qui étaient faites
sur ordre divin. Il fut dit aux Douze qu'ils devaient être les
juges de leur peuple ; et à cause de cette investiture,
ils furent exhortés à la diligence et à la
piété [41]. Le Seigneur se réjouit de la
foi et de l'obéissance facile des Néphites parmi
lesquels il avait enseigné ; et il dit aux douze témoins
spéciaux : « Et
maintenant, voici, ma joie est grande jusqu'à la plénitude,
à cause de vous et aussi de cette génération ;
oui, et même le Père se réjouit, et aussi tous
les saints anges, à cause de vous et de cette génération ;
car aucun d'eux n'est perdu. Voici, je voudrais que vous compreniez ;
car je veux parler de ceux de cette génération qui sont
maintenant en vie ; et aucun d'eux n'est perdu ; et en eux
j'ai une plénitude de joie. »
Sa joie était cependant mêlée de tristesse à
cause de l'apostasie dans laquelle les générations
ultérieures tomberaient ; il prévoyait une
situation terrible qui atteindrait son paroxysme dans la quatrième
génération qui suivrait la leur. [42]
LES
TROIS NÉPHITES
Avec
une compassion aimante, le Seigneur parla, un à un, aux douze
disciples, demandant : « Que désirez vous
de moi, après que je serai allé au Père [43] ? »
Tous, à l'exception de trois, exprimèrent le désir
de poursuivre le ministère jusqu'à ce qu'ils fussent
parvenus à un âge avancé, et ensuite être
reçus en leur temps par le Seigneur dans son royaume. Jésus
leur donna une merveilleuse assurance, disant : « Quand
vous aurez atteint l'âge de soixante-douze ans, vous viendrez à
moi dans mon royaume ; et, avec moi, vous trouverez du repos. »
Il se tourna vers les trois autres qui avaient réservé
la requête qu'ils n'osaient pas exprimer :
« Et
il leur dit: Voici, je connais vos pensées, et vous avez
désiré ce que Jean, mon bien-aimé, qui était
avec moi dans mon ministère avant que je fusse élevé
par les Juifs, a désiré de moi. C'est pourquoi, vous
êtes bénis davantage, car vous ne goûterez jamais
la mort; mais vous vivrez pour voir toutes les actions du Père
envers les enfants des hommes jusqu'à ce que tout soit
accompli selon la volonté du Père, lorsque je viendrai
dans ma gloire avec les puissances du ciel. Et vous ne subirez jamais
les souffrances de la mort ; mais lorsque je viendrai dans ma
gloire, vous serez changés en un clin d'œil de la
mortalité à l'immortalité ; et alors, vous
serez bénis dans le royaume de mon Père. [44] »
Les
trois apôtres bénis reçurent l'assurance qu'au
cours de leur vie prolongée ils seraient immunisés
contre la douleur et ne connaîtraient le chagrin que dans la
mesure où ils s'affligeraient des péchés du
monde. À cause de leur désir d'œuvrer à
amener des âmes au Christ tant que le monde existerait, il leur
fut promis qu'ils recevraient finalement une plénitude de
joie, semblable à celle à laquelle était parvenu
le Seigneur lui-même. Jésus toucha chacun des neuf qui
devaient vivre et mourir dans le Seigneur, mais les trois qui
devaient demeurer jusqu'à sa venue en gloire, il ne les toucha
point. « Puis il partit. »
Un
changement se produisit dans le corps des trois Néphites, de
sorte que, tant qu'ils demeureraient dans la chair, ils seraient
exempts des effets ordinaires des vicissitudes physiques. Les cieux
furent ouverts à leurs yeux ; ils furent enlevés,
et virent et entendirent des choses indicibles. « Et il
leur fut défendu de les rapporter ; et le pouvoir ne leur
fut pas donné non plus d'exprimer les choses qu'ils virent et
entendirent. » Ils vécurent et œuvrèrent
comme hommes parmi leurs semblables, prêchant, baptisant et
conférant le Saint-Esprit à tous ceux qui prêtaient
attention à leurs paroles, cependant que les ennemis de la
vérité étaient impuissants à leur nuire.
Un peu plus de cent-soixante-dix ans après la dernière
visite du Seigneur, une persécution maligne fut lancée
contre les trois.
À
cause de leur zèle dans le ministère, on les jeta en
prison ; et « Ies prisons ne pouvaient les retenir,
car elles se fendaient en deux ». Ils furent incarcérés
dans des cachots souterrains ; « mais ils frappaient
la terre de la parole de Dieu, de sorte que, par son pouvoir, ils
étaient délivrés des entrailles de la terre ;
c'est pourquoi, on ne pouvait creuser des puits assez profonds pour
les contenir ». Trois fois, ils furent jetés dans
une fournaise, mais ne souffrirent aucun mal ; trois fois ils
furent jetés dans des antres de bêtes sauvages, mais,
« ils jouèrent avec les bêtes, comme un
enfant avec un agneau qui tète encore ; et il ne reçurent
aucun mal » [45]. Mormon affirme qu'en réponse
à ses prières le Seigneur lui avait révélé
que le changement opéré sur le corps des trois était
de nature à priver Satan de tout pouvoir sur eux, et « qu'ils
étaient saints, et que les pouvoirs de la terre n'avaient
aucune prise sur eux. Et ils devaient rester dans cet état
jusqu'au jour du jugement du Christ ; et en ce jour-là,
ils devaient recevoir un plus grand changement et être reçus
dans le royaume du Père pour n'en plus sortir, mais pour
demeurer avec Dieu éternellement dans les cieux » [46].
Pendant près de trois cents ans, et peut-être plus, les
trois Néphites servirent visiblement parmi leurs semblables ;
mais lorsque la méchanceté du peuple augmenta, ces
ministres spéciaux furent retirés et dorénavant
ne se manifestèrent qu'au nombre restreint des justes. Moroni,
dernier prophète des Néphites, tandis qu'il était
occupé à mettre la dernière main aux annales de
son père, Mormon, et y ajoutant ce qu'il connaissait, écrivit
à propos de ces trois disciples du Seigneur qu'ils « restèrent
dans le pays jusqu'à ce que la méchanceté du
peuple fût si grande, que le Seigneur ne leur permit plus de
demeurer avec le peuple ; et s'ils sont sur la surface du pays,
nul ne le sait. Mais voici, mon père et moi, nous les avons
vus, et ils nous ont enseignés » [47]. Leur
ministère devait s'étendre aux Juifs et aux Gentils,
parmi lesquels ils œuvrent sans qu'on connaisse leur antique
naissance ; et ils sont envoyés aux tribus dispersées
d'Israël et à toutes les nations, familles, langues et
peuples, d'où ils ont amené et continuent à
amener beaucoup d'âmes au Christ, « pour que leur
désir soit satisfait, et à cause du pouvoir de
conviction qu'ils ont reçu de Dieu » [48].
CROISSANCE
DE L'ÉGLISE SUIVIE PAR L'APOSTASIE DE LA NATION NÉPHITE
L'Église
de Jésus-Christ se développa rapidement dans le pays de
Néphi et apporta à ses adhérents fidèles
des bénédictions sans précédent. Même
l'animosité héréditaire entre Néphites et
Lamanites fut oubliée ; et tous vivaient dans la paix et
la prospérité. Si grande était l'unité de
l'Église que ses membres avaient tout en commun, et « c'est
pourquoi il n'y avait ni riches ni pauvres, ni esclaves ni libres,
mais ils étaient tous affranchis et bénéficiaires
du don céleste » [49]. Des villes populeuses
remplacèrent la désolation des ruines qui s'était
abattue au moment de la crucifixion du Seigneur. Le pays fut béni,
et le peuple se réjouissait dans la justice. « Et
il n'y eut aucune querelle dans le pays, parce que l'amour de Dieu
demeurait dans le cœur du peuple. Et il n'y avait pas d'envies,
ni de luttes, ni de tumultes, ni de luxure, ni de mensonges, ni de
meurtres, ni aucune sorte de lasciveté ; et assurément
il ne pouvait exister de peuple plus heureux parmi tous les peuples
qui avaient été créés par la main de
Dieu » [50]. Neuf des douze témoins
spéciaux choisis par le Seigneur décédèrent
lorsque vint le moment où ils devaient se reposer, et d'autres
furent ordonnés à leur place. Cet état de
merveilleuse prospérité et de communauté de
biens se poursuivit pendant une période de cent soixante-sept
ans ; cependant peu après se produisit un changement
déplorable. L'orgueil remplaça l'humilité,
l'étalage de vêtements précieux remplaça
la simplicité des jours heureux ; la rivalité
conduisit à des querelles, et dès lors les hommes « ne
mirent plus leurs biens et leur subsistance en commun. Et ils
commencèrent à être divisés en classes ;
et ils commencèrent à se bâtir des églises
à eux-mêmes pour acquérir du gain et commencèrent
à nier la véritable Église du Christ » [51].
Les Églises d'hommes se multiplièrent et la
persécution, sœur de l'intolérance, se
généralisa. Les Lamanites à peau rouge
retournèrent à leurs voies dégénérées
et se prirent d'une hostilité meurtrière pour leurs
frères blancs, et toutes sortes de trafics corrompus devinrent
communs dans les deux nations. Pendant de nombreuses décennies,
les Néphites se retirèrent devant leurs ennemis
agressifs, se dirigeant vers le nord-est à travers ce qui est
maintenant les États-Unis. Vers 400 ap. J.-C., la dernière
grande bataille fut livrée près de la colline de
Cumorah [52], et la nation néphite s'éteignit [53].
Le reste dégénéré de la postérité
de Léhi, les Lamanites ou indiens américains, ont
continué d'exister jusqu'à nos jours. Moroni, dernier
des prophètes néphites, cacha les annales de son peuple
dans la colline de Cumorah, d'où elles ont été
sorties à notre époque sous la direction divine. Ces
annales se trouvent maintenant devant le monde, traduites par le don
et la puissance de Dieu et publiées pour l'édification
de toutes les nations, sous le titre de LIVRE DE MORMON.
[1]
Jn 10:16 ; cf. LM, 3 Né 15:17-21 ; chap. 25 du
présent ouvrage.
[2]
Voir chap. 5 et note 3.
[3]
Chap. 5.
[4]
HéI 14:14-27.
[5]
3 Né 2:1.
[6]
Ex 10:21-21
[7]
3 Né 8:5-25 ; cf. Hél 14:20-27.
[8]
3 Né chap. 9.
[9]
3 Né chap. 10.
[10]
Hél 14:25 ; 3 Né 23:7-13 ; cf. Mt 27:52, 53.
[11]
3 Né, chap. 11-18 inclus. 3 Né 10:18. Qu'on se
souvienne que l'ascension du Christ se produisit quarante jours après
sa résurrection.
[12]
Note 1, fin du chapitre.
[13]
3 Né 11:7 ; cf. Mt 3:17, Mc 1:11, Lc 9:35, PGP, Joseph
Smith 2:17.
[14]
3 Né 11:23-28 ; cf. D&A 20:72-74.
[15]
3 Né 11:31-34 ; cf. Mc 16:15 ; voir aussi Jn 12:48.
[16]
3 Né 11:39-41.
[17]
3 Né, chap. 12, 13, 14 ; cf. Mt chap. 5, 6, 7.
[18]
Mt 5:18 et 3 Né 12:18 ; cf. 46, 47, 15:2-10 et 9:17-20.
Voir note 2, fin du chapitre.
[19]
3 Né 15:4-8. Voir chap. 17 et 23 du présent ouvrage.
[20]
3 Né 15:11-24.
[21]
3 Né 16:4-20.
[22]
3 Né 17:22-24 ; lire tout le chapitre.
[23]
3 Né 18:1-14, 27-34, comparer avec 1 Co 11:23-30. On trouvera
la manière prescrite de bénir la Sainte-Cène
dans Moroni, chap. 4 et 5 ; cf. D&A 20:75-79.
[24]
3 Né 18:19-23.
[25]
3 Né 18:36, 37 ; Moro 2:1-3.
[26]
3 Né chap. 19-25 et 26:1-5.
[27]
Note 3, fin du chapitre.
[28]
3 Né chap. 19:35, 36 ; lire tout le chapitre.
[29]
3 Né chap. 20 ; voir références à
Ésaïe qu'on y trouve.
[30]
3 Né 21:4.
[31]
3 Né 21:1-7 ; on trouvera dans le reste du chapitre des
prophéties concernant les événements ultérieurs.
[32]
3 Né chap. 22 ; cf. Es chap. 54.
[33]
3 Né chap. 24 et 25 ; cf. MI chap. 3 et 4.
[34]
D&A 110:13-16. Le 3 avril 1836, Élie apparut dans le
temple de Kirtland et remit à l'Église les clefs de
l'autorité pour l'œuvre par procuration pour les morts.
Voir chapitre 41 du présent ouvrage.
[35]
3 Né 26:4, 5, 13-15.
[36]
3 Né 26:14-21.
[37]
3 Né, chap. 26,27 et 28:1-12.
[38]
Note 1, fin du chapitre.
[39]
3 Né 27:4-12.
[40]
P. ex. de Calvin, Luther, Wesley ; voir aussi La Grande
apostasie, 10:21, 22.
[41]
Noter que les apôtres juifs furent assurés qu'ils
recevraient la même autorité : Mt 19:28 ; Luc
22:30. Voir aussi 1 Né 12:9.
[42]
3 Né 27:32 et les références y afférentes.
[43]
3 Né 28: 1 ; lire versets 1-12.
[44]
3 Né 28:6-8 ; voir chap. 37 du présent ouvrage.
[45]
3 Né 28:13-23 ; cf. 4 Né 1:14, 29-33.
[46]
3 Né 28:39, 40.
[47]
Morm 8:10, 11 ; voir aussi 3 Né 28:26-32,36-40 ; 4
Né 1:14, 37 ; Eth 12:17.
[48]
3 Né 28:27-32.
[49]
4 Né 1:3 ; lire 1:23 ; voir chap. 38 du présent
ouvrage et notes.
[50]
4 Né 1:15, 16.
[51]
4 Né 1:25, 26.
[52]
Près de Manchester, dans le comté d'Ontario (New York).
[53]
Voir Morm, chapitres 1-9 et Moro chapitre 10.
NOTES
DU CHAPITRE 39
1.
Le pays d'Abondance : Celui-ci comprenait la partie nord de
l'Amérique du Sud, s'étendant jusqu'à l'isthme
de Panama. Au nord il était limité par le pays de la
Désolation, qui embrassait l'Amérique centrale et, dans
l'histoire néphite ultérieure, une étendue au
nord de l'isthme. L'Amérique du Sud en général
est appelée, dans le Livre de Mormon, le pays de Néphi.
2.
Les versions juive et néphite du « sermon sur la
montagne » : Comme nous l'avons indiqué dans
le texte, l'un des contrastes les plus frappants entre le sermon sur
la montagne et la répétition virtuelle du discours par
notre Seigneur lors de sa visite aux Néphites, est celle de la
prédiction concernant l'accomplissement de la loi de Moïse
dans le premier discours, et l'affirmation sans réserve dans
le second que la loi avait été accomplie. Certaines
différences apparaissent dans les béatitudes, le sermon
néphite étant plus explicite dans chacune d'elles.
C'est ainsi qu'au lieu de « Heureux les pauvres en
esprit » (Mt 5:3), nous lisons : « Bénis
sont les pauvres en esprit qui viennent à moi » (3
Né 12:3). Au lieu de : « Heureux ceux qui ont
faim et soif de justice, car ils seront rassasiés »
(Mt), nous lisons : « Et bénis sont tous ceux
qui ont faim et soif de justice, car ils seront remplis du
Saint-Esprit » (Né). Au lieu de : « à
cause de la justice » (Mt), nous avons « à
cause de mon nom » (Né). Au lieu du passage
difficile : « C'est vous qui êtes le sel de la
terre. Mais si le sel devient fade avec quoi le salera-t-on ? »
(Mt), nous avons l'expression plus claire : « Je vous
donne d'être le sel de la terre ; mais si le sel perd sa
saveur, avec quoi la terre sera-t-elle salée ? (Né).
Et comme nous l'avons déjà remarqué, au lieu de
« pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi
ne passera, jusqu'à ce que tout soit arrivé »
(Mt), nous avons « pas un seul iota, pas un seul trait de
lettre n'est passé de la loi ; mais en moi, elle a été
toute accomplie » (Né). Les variantes dans les
versets qui suivent sont dues à la différence entre
l'accomplissement futur dans Matthieu et l'affirmation de cet
accomplissement dans Néphi. Au lieu de la forte analogie qui
dit qu'il faut arracher l'œil qui occasionne le scandale ou
couper une main mauvaise (Mt), nous trouvons : « Voici,
je vous donne le commandement de ne permettre à aucune de ces
choses d'entrer dans votre cœur ; car il vaut mieux que
vous refusiez ces choses et preniez en cela votre croix, que d'être
jetés en enfer » (Né). Après les
exemples illustrant les exigences de l'Évangile qui remplacent
celles de la loi, le document néphite présente ce
résumé splendide : « C'est pourquoi,
ces choses de l'ancien temps, qui étaient sous la loi, sont
toutes accomplies en moi. Les choses anciennes sont finies, et toutes
choses sont devenues nouvelles. C'est pourquoi, je voudrais que vous
soyez parfaits, même comme moi, ou comme votre Père
céleste est parfait. »
Dans
le récit que donne Matthieu du sermon, il fait peu de
distinction entre les préceptes adressés à la
multitude en général et les instructions données
aux Douze en particulier. C'est ainsi qu'on suppose que Mt 6:25-34
fut dit aux apôtres ; car c'était eux et non le
peuple qui devaient abandonner toutes les activités profanes ;
dans le sermon fait aux Néphites, la distinction est expliquée
de cette manière : « Quand Jésus eut
prononcé ces paroles, il posa les yeux sur les douze qu'il
avait choisis, et leur dit : Rappelez-vous ce que je vous ai
dit. Car voici, vous êtes ceux que j'ai choisis pour enseigner
ce peuple. C'est pourquoi, je vous dis : N'ayez point souci de
votre vie, de ce que vous aurez à manger et de ce que vous
aurez à boire, ni de votre corps, ni de ce dont vous le
revêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le
corps plus que le vêtement ? » etc. (voir 3 Né
13:25-34). Mt 7 commence par « Ne jugez pas, afin de ne
pas être jugés », sans dire s'il s'applique
d'une manière générale ou particulière ;
3 Né 14 commence par : « Quand il eut dit ces
mots, Jésus se tourna de nouveau vers la multitude et ouvrit
de nouveau la bouche et lui dit : En vérité, en
vérité, je vous le dis, ne jugez pas, afin que vous ne
soyez pas jugés. »
Nous
recommandons vivement à tous les lecteurs de comparer
soigneusement verset par verset le sermon sur la montagne tel qu'il
est rapporté par Matthieu et le discours du Seigneur
ressuscité à son peuple sur le continent américain.
3.
Les baptêmes chez les Néphites après la visite du
Seigneur : Nous lisons qu'avant la deuxième apparition du
Christ aux Néphites, les Douze choisis furent baptisés
(3 Né 9:10-13). Ces hommes avaient indubitablement été
baptisés précédemment, car Néphi avait
été habilité non seulement à baptiser
mais à ordonner d'autres à l'autorité requise
pour administrer le baptême (3 Né 7:23-26). Le baptême
des disciples, le matin de la deuxième visite du Seigneur,
constituait un rebaptême, impliquant un renouvellement des
alliances et une confession de foi au Seigneur Jésus.
Il
est possible que dans les baptêmes néphites antérieurs
une certaine irrégularité dans son mode ou une
inexactitude dans l'esprit de l'administration de cette ordonnance se
soit produite ; car, comme nous l'avons vu, le Seigneur commanda
au peuple, à propos des instructions qu'il donna concernant le
baptême, que les discussions devaient cesser (voir 3 Né
11:28-33).
Pour
ce qui est du deuxième baptême ou des baptêmes
ultérieurs, l'auteur a écrit ailleurs (voir Les
Articles de Foi, pp.177-180) en substance ce qui suit. Les rebaptêmes
rapportés par les Écritures sont rares, et, dans chaque
cas, les circonstances particulières justifiant une telle
action apparaissent clairement. C'est ainsi que nous lisons que Paul
baptisa certains disciples à Éphèse, bien qu'ils
eussent déjà été baptisés, selon
le baptême de Jean. Mais dans ce cas, l'apôtre n'était
évidemment pas convaincu que le baptême avait été
administré par l'autorité constituée, ou que les
croyants avaient été correctement instruits quant à
l'importance de cette ordonnance. Lorsqu'il éprouva
l'efficacité de leur baptême en leur demandant :
« Avez-vous reçu l'Esprit Saint quand vous avez
cru ? », ils lui répondirent : « Nous
n'avons même pas entendu dire qu'il y ait un Esprit Saint. »
Apparemment surpris, il leur demanda : « Quel baptême
avez-vous donc reçu ? Ils répondirent : Le
baptême de Jean. Alors Paul dit : Jean a baptisé du
baptême de repentance ; il disait au peuple de croire en
celui qui venait après lui, c'est-à-dire en Jésus.
Sur ces paroles, ils furent baptisés au nom du Seigneur
Jésus » (voir Ac 19:1-6).
Dans
l'Église d'aujourd'hui la répétition de
l'ordonnance du baptême en faveur du même individu est
permise dans certaines conditions bien déterminées.
C'est ainsi que si quelqu'un, étant entré dans l'Église
par le baptême, s'en retire ensuite ou bien en est excommunié,
et puis se repent et désire retrouver sa qualité de
membre dans l'Église, il ne peut le faire que par le baptême.
Cependant, ce second baptême ne sera que la répétition
de l'ordonnance initiatrice administrée la première
fois. Il n'y a pas d'ordonnance dans l'Église qui soit
distincte dans sa nature, sa forme ou son but, de l'autre baptême.
C'est pourquoi, lorsque le baptême est administré à
une personne qui a déjà été baptisée
une première fois, la forme de l'ordonnance est exactement la
même que lors du premier baptême.
CHAPITRE
40 : LA LONGUE NUIT DE L'APOSTASIE
Pendant
plus de dix-sept cents ans dans l'ancien monde et pendant plus de
quatorze siècles sur le continent américain, il semble
y avoir eu un silence entre les cieux et la terre [1]. Nous
n'avons aucun rapport authentique d'une révélation
directe de Dieu à l'homme pendant ce long intervalle. Comme
nous l'avons déjà montré, la durée du
ministère apostolique dans l'ancien monde prit probablement
fin avant l'aube du deuxième siècle de l'ère
chrétienne. La disparition des apôtres fut suivie, comme
cela avait été prévu et prédit, du
développement rapide d'une apostasie universelle [2].
Des
causes externes et internes concoururent à l'installation de
cette grande apostasie. Parmi les forces de désintégration
qui agirent de l'extérieur, la plus efficace fut la
persécution persistante à laquelle les saints furent
soumis, persécution provoquée aussi bien par
l'opposition juive que par l'opposition païenne. Un très
grand nombre de personnes qui avaient professé être
membres et beaucoup de celles qui avaient été officiers
dans le ministère désertèrent l'Église,
tandis qu'un petit nombre était porté à un zèle
plus grand par le fléau de la persécution. L'effet
général de l'opposition venant de l'extérieur -
des causes externes du déclin de la foi et des œuvres
prises dans l'ensemble - fut le reniement d'individus, provenant de
l'apostasie très répandue au sein de l'Église.
Mais infiniment plus grave fut la conséquence de la discorde
interne, du schisme et de la perturbation, lesquels ont déterminé
l'apostasie totale de l'Église de la voie et de la parole de
Dieu.
Le
judaïsme fut le premier oppresseur du christianisme et devint
l'instigateur et le provocateur des atrocités successives qui
accompagnèrent les persécutions païennes.
L'hostilité ouverte et active des pouvoirs romains contre
l'Église chrétienne se généralisa sous le
règne de Néron (vers 64 ap. J.-C.) et se poursuivit
avec des répits occasionnels de quelques mois ou même de
plusieurs années à la fois jusqu'à la fin du
règne de Dioclétien (vers 30 ap. J.-C.). La cruauté
inhumaine et la barbarie qui s'exercèrent contre ceux qui
osaient professer le nom du Christ au cours de ces siècles de
domination païenne sont des faits reconnus par l'histoire [3].
Lorsque Constantin le Grand monta sur le trône, dans le premier
quart du quatrième siècle, un changement radical
s'instaura dans l'attitude de l'État vis-à-vis de
l'Église. L'empereur fit sur-le-champ de ce que l'on appelait
le christianisme de l'époque la religion de son royaume, et la
recommandation la plus sûre pour obtenir la faveur impériale
était de faire preuve d'un dévouement plein de zèle
pour l'Église. Mais celle-ci était déjà
dans une grande mesure une institution apostate et, même dans
les grands traits de l'organisation et du service, ne présentait
qu'une ressemblance lointaine avec l'Église de Jésus-Christ,
fondée par le Sauveur et édifiée par l'entremise
des apôtres. Les quelques vestiges du christianisme authentique
qui avaient pu survivre jusque là dans l'Église furent
ensevelis hors de la vue de l'homme par les excès qui
s'ensuivirent, lorsque l'organisation ecclésiastique entra
dans les faveurs du domaine séculier, du fait du décret
de Constantin. L'empereur, bien que non baptisé, se déclara
chef de l'Église, et on rechercha davantage les offices
ecclésiastiques que les rangs militaires ou les postes dans
l'État. L'esprit d'apostasie dont l'Église s'était
imprégnée avant que Constantin ne l'entourât du
manteau de la protection impériale et la blasonnât des
insignes de l'État, fut excité à une activité
croissante tandis que le levain de Satan prospérait dans des
conditions extrêmement favorables à cette croissance
phénoménale.
L'évêque
de Rome avait déjà affirmé sa suprématie
sur ses collègues dans l'épiscopat ; mais quand
l'empereur fit de Byzance sa capitale, et la renomma en son propre
honneur Constantinople, l'évêque de cette ville se
proclama égal au pontife romain. Cette prétention fut
contestée ; la dissension qui s'ensuivit divisa l'Église,
et le schisme s'est prolongé jusqu'à notre époque,
comme le prouve la distinction qui existe entre les Églises
catholique romaine et grecque orthodoxe.
Le
pontife romain exerça l'autorité séculière
aussi bien que spirituelle et s'arrogea au onzième siècle
le titre de pape, signifiant père, en ce sens qu'il était
le gouverneur paternel en toutes choses. Pendant les douzième
et treizième siècles, l'autorité temporelle du
pape fut supérieure à celle des rois et des empereurs,
et l'Église romaine devint le potentat despotique des nations
et une autocrate placée au-dessus de tous les États
séculiers. Cependant cette Église, exhalant l'odeur
infecte de l'ambition profane et du goût de la domination,
prétendait audacieusement être l'Église rétablie
par Celui qui affirmait : « Mon royaume n'est pas de
ce monde. » Les prétentions arrogantes de l'Église
de Rome n'étaient pas moins extravagantes dans
l'administration spirituelle que dans l'administration séculière.
Dans le contrôle qu'elle proclamait à haute voix avoir
sur les destinées spirituelles des âmes des hommes, elle
prétendait blasphématoirement pardonner ou retenir les
péchés des individus et infliger ou remettre les
châtiments tant sur la terre qu'au delà du tombeau. Elle
vendit la permission de commettre le péché et troqua
pour de l'or des chartes permettant de pardonner avec indulgence des
péchés déjà commis. Son pape, se
proclamant le vicaire de Dieu, trônait en grand apparat pour
juger comme Dieu lui-même et accomplit, par ce blasphème,
la prophétie que Paul prononça après avoir donné
son avertissement relatif aux conditions terribles qui précéderaient
la seconde venue du Christ : « Que personne ne vous
séduise d'aucune manière ; car il faut
qu'auparavant l'apostasie soit arrivée, et que se révèle
l'homme impie, le fils de perdition, l'adversaire qui s'élève
au-dessus de tout ce qu'on appelle Dieu ou qu'on adore, et qui va
jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu et se faire passer
lui-même pour Dieu » [4].
Dans
son abandon effréné à la licence que lui
permettait l'autorité qu'elle s'était arrogée,
l'Église de Rome n'hésita pas à transgresser la
loi de Dieu, à changer les ordonnances essentielles au salut
et à rompre impudemment l'alliance éternelle, souillant
ainsi la terre, tout comme Ésaïe l'avait prédit [5].
Elle changea l'ordonnance du baptême, détruisant son
symbolisme et y associant des imitations, des rites païens ;
elle corrompit le sacrement du repas du Seigneur en en souillant la
doctrine par les divagations de la transsubstantiation [6] ;
elle prit sur elle d'utiliser les mérites des justes pour
pardonner le pécheur en vertu du dogme non scripturaire et
absolument répugnant de la surérogation ; elle
favorisa l'idolâtrie sous des formes extrêmement
séduisantes et pernicieuses ; elle interdit au public,
sous peine de châtiment, d'étudier les saintes
Écritures ; elle imposa à son clergé un
célibat contre nature ; elle se délecta dans une
union impie avec les théories et les sophismes des hommes et
déforma les enseignements simples de l'Évangile du
Christ au point de produire un Credo bourré de superstitions
et d'hérésies ; elle promulgua une doctrine à
ce point pervertie à propos du corps humain qu'elle faisait
passer le tabernacle de chair formé par Dieu pour une chose
qui n'était bonne qu'à être torturée et
méprisée ; elle proclama que c'était un
acte vertueux qui assurerait de riches récompenses que de
mentir et de tromper si cela servait ses propres intérêts,
et elle s'éloigna si complètement du plan original de
l'organisation de l'Église qu'elle se donna en spectacle dans
un déploiement d'ornements fabriqués par le caprice de
l'homme [7].
Les
causes internes les plus importantes qui provoquèrent
l'apostasie de l'Église primitive peuvent être résumées
comme suit : (1) La corruption des principes simples de
l'Évangile du Christ par l'adjonction des prétendus
systèmes philosophiques de l'époque. (2) Des ajouts non
autorisés aux cérémonies de l'Église et
l'introduction de changements essentiels dans des ordonnances. (3)
Des changements dans l'organisation et le gouvernement de
l'Église [8].
Sous
la répression tyrannique qui découla de la domination
usurpée et injuste de l'Église romaine, la civilisation
fut retardée pendant des siècles et fut pratiquement
arrêtée dans son cours. Cette période de recul a
pris dans l'histoire le nom d'âge des ténèbres.
Le quinzième siècle assista au mouvement appelé
la Renaissance ou renouveau des sciences ; il y eut un réveil
général et caractéristiquement rapide parmi les
hommes, et un effort net pour s'arracher à l'engourdissement
de l'indolence et de l'ignorance se manifesta dans tout le monde
civilisé. Les historiens et les philosophes ont considéré
le renouveau comme une pression inconsciente et spontanée de
« l'esprit des temps » ; ce fut une
évolution déterminée à l'avance dans
l'esprit de Dieu pour illuminer les esprits enténébrés
des hommes en vue de préparer le rétablissement de
l'Évangile de Jésus-Christ dont l'accomplissement était
prévu pour quelques siècles plus tard [9].
Avec
le renouveau de l'activité intellectuelle et de l'effort en
vue de l'amélioration matérielle, il y eut,
accompagnement naturel et inévitable, une protestation et une
révolte contre la tyrannie ecclésiastique de l'époque.
Les Albigeois, en France, étaient entrés en
insurrection contre le despotisme religieux au treizième
siècle, et au quatorzième, John Wyclif, de l'université
d'Oxford, avait hardiment dénoncé la corruption de
l'Église et du clergé romain, et en particulier les
restrictions que la hiérarchie papale imposait à
l'étude des Écritures par le peuple. Wyclif donna au
monde une version de la sainte Bible en anglais. Ces manifestations
d'indépendance de croyance et d'action, l'Église papale
essaya de les réprimer et de les châtier par la force.
Les Albigeois subirent des cruautés inhumaines et un massacre
impitoyable. Wyclif fut la cible d'une persécution violente et
constante ; il mourut dans son lit, mais la vindicte de l'Église
romaine ne s'apaisa que lorsqu'elle eut fait exhumer son corps, l'eut
fait brûler et fait disperser ses cendres. Jean Huss et Jérôme
de Prague se distinguèrent sur le continent européen
dans l'agitation contre le despotisme papal, et tous deux moururent
martyrs pour la cause. Bien que l'Église fût devenue
complètement apostate, il ne manqua pas d'hommes braves de
cœur et à l'âme juste, prêts à donner
leur vie pour l'émancipation spirituelle.
Une
révolte notable contre la papauté, la Réforme,
se produisit au seizième siècle. Ce mouvement entrepris
en 1517 par Martin Luther, moine allemand, se répandit si
rapidement qu'il gagna bientôt le domaine tout entier de la
papauté. Les représentants de certaines principautés
allemandes et d'autres délégués formulèrent
des protestations officielles contre le despotisme de l'Église
papale à une diète ou conseil général qui
se tint à Spire en 1529, et dorénavant les réformateurs
furent appelés protestants. Jean, électeur de Saxe,
proposa une Église indépendante, et, sur ses instances,
Luther et son collègue Mélanchthon en élaborèrent
la constitution. Les protestants ne s'accordaient pas. Dépourvus
d'autorité divine pour les guider en matière
d'organisation et de doctrine religieuse, ils suivirent les voies
diverses des hommes et furent déchirés à
l'intérieur tandis qu'ils étaient assaillis de
l'extérieur. L'Église romaine, se trouvant face à
des adversaires décidés, ne recula devant aucune
cruauté. Le tribunal de l'Inquisition, qui avait été
établi vers la fin du quinzième siècle sous le
nom sacrilège infâme de « Saint Office »,
s'enivra de la volupté d'une cruauté barbare au siècle
de la Réforme et infligea des tortures indescriptibles à
des personnes secrètement accusées d'hérésie.
Dans
les premiers stades de la Réforme provoquée par Luther,
le roi d'Angleterre, Henri VIII, se déclara partisan du pape,
et celui ci le récompensa en lui
conférant, en guise de distinction, le titre de « Défenseur
de la Foi ». Quelques années plus tard, ce même
souverain britannique était excommunié de l'Église
romaine pour avoir impatiemment dédaigné l'autorité
du pape lorsque Henri voulut divorcer de la reine Catherine pour
pouvoir épouser l'une de ses dames de compagnie. Le parlement
britannique passa, en 1534, l'Act of Supremacy, en vertu duquel la
nation était déclarée affranchie de toute
allégeance à l'autorité papale. Par une loi, le
roi fut nommé chef de l'Église sur son propre
territoire. C'est ainsi que naquit l'Église d'Angleterre,
résultat direct des amours licencieuses d'un roi débauché
et infâme. Avec une indifférence blasphématoire
pour l'absence d'autorité divine, sans aucune apparence de
succession sacerdotale, un souverain adultère créa une
Église, y établit une « prêtrise »
à lui et se proclama administrateur suprême de toutes
les affaires spirituelles.
Celui
qui étudie l'histoire connaît bien le conflit qui fit
rage entre le catholicisme et le protestantisme en Grande-Bretagne.
Qu'il nous suffise de dire ici que la haine mutuelle entre les deux
partis en conflit, le zèle de leurs adhérents
respectifs, leur amour prétendu de Dieu et leur dévouement
au service du Christ, se signalaient surtout par l'épée,
la hache et le bûcher. Enivrés de la conscience d'être
au moins partiellement émancipés de la tyrannie
ecclésiastique, les hommes et les nations prostituèrent
leur liberté de pensée, de parole et d'action
nouvellement acquise en des excès atroces. L'Age de Raison,
comme on l'a appelé à tort, et les abominations athées,
dont le point culminant fut la Révolution française,
sont le témoignage ineffaçable de ce que l'homme peut
devenir lorsqu'il se glorifie de renier Dieu.
Est-il
étonnant qu'à partir du seizième siècle
les Églises inventées par l'homme se soient multipliées
avec une rapidité phénoménale ? Les Églises
et les organisations religieuses professant le christianisme pour
credo peuvent se compter par centaines. De toutes parts on entend
aujourd'hui : « Voici, le Christ est ici »
ou « Voici, il est là ». Il y a des
Églises qui tirent leur nom des circonstances de leur origine
- comme l'Église d'Angleterre ; d'autres portent le nom
de leurs fondateurs ou créateurs célèbres :
luthérienne, calviniste, wesleyenne ; certaines sont
connues par des points particuliers de doctrine ou de leur système
d'administration : méthodiste, presbytérienne,
baptiste, congrégationaliste ; mais jusqu'à la
troisième décennie du dix-neuvième siècle,
il n'y avait pas sur terre d'Église affirmant porter le nom ou
le titre d'Église de Jésus-Christ. La seule
organisation appelée Église qui existait à
l'époque et qui s'aventurait à prétendre à
l'autorité par succession était l'Église
catholique, qui était apostate depuis des siècles et
entièrement privée d'autorité ou d'acceptation
divine. Si « I'Église-mère »
était sans prêtrise valide et dépourvue de
puissance spirituelle, comment ses rejetons pouvaient-ils retirer
d'elle le droit d'officier dans les choses de Dieu ? Qui oserait
affirmer que l'homme peut créer une prêtrise que Dieu
soit obligé d'honorer et de reconnaître ? En
admettant que les hommes puissent créer et créent entre
eux des sociétés, des associations, des confessions
religieuses et même des « Églises »,
s'ils décident de donner ce nom à leurs organisations,
en admettant qu'ils puissent prescrire des règles, formuler
des lois et concevoir des plans d'action, de discipline et de
gouvernement et que toutes ces lois, règlements et plans
d'administration soient imposables à ceux qui s'en prétendent
membres - en admettant tous ces droits et ces prérogatives -
d'où ces institutions humaines peuvent-elles tirer l'autorité
de la sainte prêtrise sans laquelle il ne peut y avoir
d'autorité d'Église du Christ [10] ?
La
situation apostate du christianisme a été franchement
reconnue par beaucoup de représentants éminents et
consciencieux des diverses Églises ainsi que par des
institutions religieuses. Même l'Église d'Angleterre
reconnaît ce fait terrible dans la déclaration
officielle de sa dégénérescence, comme cela est
exposé dans la « Homily Against Peril of IdoIatry »
(Homélie contre les dangers de l'idolâtrie) en ces
termes :
« De
sorte que les laïcs et le clergé, les savants et les
ignorants, les gens de tout âge, de toutes confessions, et tous
les genres d'hommes, de femmes et d'enfants de tout le christianisme
- chose horrible et atroce à penser - ont été à
la fois noyés dans une idolâtrie abominable ; de
tous les autres vices, le plus détesté de Dieu et le
plus condamnable pour l'homme ; et ce dans l'espace de huit
cents ans et davantage [11] »
Il
ne faut pas en conclure que pendant toute la nuit de l'apostasie
universelle, si longue et ténébreuse qu'elle ait été,
Dieu avait oublié le monde. L'humanité n'avait pas été
entièrement abandonnée à elle-même.
L'Esprit de Dieu opérait dans la mesure où
l'incrédulité des hommes le permettait. Jean l'apôtre
et les trois disciples néphites [12] œuvraient
parmi les hommes sans qu'on le sût. Mais pendant les siècles
de ténèbres spirituelles, les hommes vécurent et
moururent sans le ministère d'un apôtre, prophète,
ancien, évêque, prêtre, instructeur ou diacre
contemporain. Le peu de piété qui existait dans les
Églises établies par l'homme était dépourvu
d'autorité divine. L'époque prévue par l'apôtre
inspiré était pleinement arrivée - l'humanité
en général refusait de supporter la saine doctrine,
mais ayant la démangeaison d'entendre des choses agréables,
elle se donnait une foule de docteurs, selon ses propres désirs,
et avait en fait détourné l'oreille de la vérité
pour se tourner vers les fables [13]. Le premier quart du
dix-neuvième siècle assista à l'accumulation des
conditions à remplir qui avaient été prédites
par l'intermédiaire du prophète Amos : « Voici :
les jours viennent, - oracle du Seigneur, l'Éternel - où
j'enverrai une famine dans le pays, non pas une disette de pain ni
une soif d'eau, mais (la faim et la soif) d'entendre les paroles de
l'Éternel. Ils seront alors errants d'une mer à
l'autre, du nord à l'est ; ils tituberont à la
recherche de la parole de l'Éternel, et ils ne la trouveront
pas » [14].
Pendant
toute la durée de l'apostasie, les écluses des cieux
avaient été fermées au monde de manière à
exclure toute révélation directe de Dieu et en
particulier tout ministère personnel, ou théophanie, du
Christ. L'humanité avait cessé de connaître Dieu
et avait entouré les paroles des prophètes et des
apôtres d'autrefois, qui l'avait connu, d'un manteau de mystère
et d'imagination, de sorte que l'on ne croyait plus en l'existence du
Dieu vrai et vivant ; à sa place les Églises
avaient essayé de concevoir un être incompréhensible,
dépourvu de « corps, parties ou passions »,
un néant immatériel [15].
Mais
il avait été décidé dans le Conseil des
Cieux qu'après un grand nombre de siècles d'ignorance
et de ténèbres le monde serait de nouveau éclairé
par la lumière de la vérité. Par le
fonctionnement du génie de l'intelligence, qui est l'esprit de
vérité, l'âme du genre humain avait subi une
préparation semblable au labourage profond d'un champ pour que
l'Évangile pût de nouveau être semé. Le
principe du compas du marin fut révélé par
l'Esprit ; son incarnation matérielle fut inventée
par l'homme, et, avec son aide, les océans inconnus furent
explorés. Vers la fin du quinzième siècle,
Colomb fut conduit par l'inspiration de Dieu à découvrir
le Nouveau Monde, sur lequel demeurait la postérité
dégénérée de Léhi, survivante à
la peau sombre de la maison d'Israël : les Indiens
américains. En temps voulu, les navires Mayflower et Speedwell
amenèrent les Pères Pèlerins dans le Nouveau
Monde, avant-garde d'une armée de gens fuyant l'exil et
cherchant un nouveau foyer où ils pourraient adorer suivant
leur conscience. L'arrivée de Colomb et l'émigration
ultérieure des Pères Pèlerins avaient été
prédites près de six cents ans avant le Christ ;
leur mission respective leur avait été aussi réellement
confiée que l'envoi de tout prophète avec un message à
remettre et une œuvre à accomplir [16].
La
guerre entre les colonies américaines et la métropole
et l'issue victorieuse qu'elle eut pour la nation américaine,
émancipée une fois pour toutes du gouvernement
monarchique, avaient été annoncées comme une
étape supplémentaire de la préparation au
rétablissement de l'Évangile. Du temps fut laissé
pour qu'un gouvernement stable fut établi, pour que des hommes
choisis fussent suscités et inspirés à élaborer
et à promulguer la Constitution des États-Unis, qui
promet à tout homme l'entière liberté politique
et religieuse. Il ne convenait pas que la semence précieuse de
l'Évangile rétabli fût lancée sur un sol
non labouré, endurci par l'intolérance et capable de ne
produire que les ronces du fanatisme et les mauvaises herbes
abondantes du servage mental et spirituel. L'Évangile de
Jésus-Christ est l'incarnation de la liberté ; il
est la vérité qui affranchira tous les hommes et toutes
les nations qui accepteront ses préceptes et y obéiront.
Lorsque
le moment fut venu, le Père éternel et son Fils, Jésus
le Christ, apparurent à l'homme sur la terre et ouvrirent une
dispensation de l'Évangile, la dispensation de la plénitude
des temps (expression tirée de Éphésiens 1:10
dans la version du roi Jacques, ndlr).
[1]
Note 1, fin du chapitre.
[2]
Il nous est impossible de tenter de donner un récit étendu
de l'apostasie de l'Église primitive ; le lecteur voudra
bien se reporter à des ouvrages spéciaux traitant de
cet important sujet. Voir « La Grande apostasie considérée
à la lumière de l'histoire scripturaire et profane »,
de l'auteur, ouvrage de 176 pages.
[3]
Voir La Grande apostasie, chap. 4 et 5.
[4]
2 Th 2:3, 4.
[5]
Es 24:5.
[6]
La doctrine erronée de la « transsubstantiation »
affirme que le pain et le vin administrés comme emblèmes
de la chair et du sang du Christ dans le sacrement du repas du
Seigneur sont transformés par la consécration
sacerdotale en véritables chair et sang de Jésus-Christ.
Voir La Grande apostasie, p. 122. Pour ce qui est de la
« surérogation », voir chap. 32 du
présent ouvrage, notes.
[7]
La Grande apostasie, chap. 6, 7, 8.
[8]
La Grande apostasie, p. 92, 93 ; le sujet est traité dans
son ensemble aux chapitres 6 à 9 inclus.
[9]
Note 2, fin du chapitre.
[10]
Ce paragraphe est partiellement une paraphrase de La Grande
apostasie, 10:21, 22.
[11]
Note 3, fin du chapitre.
[12]
Chap. 37 et 39.
[13]
Voir 2 Th 4:1-4 et La Grande apostasie, 2:30.
[14]
Amos 8:11, 12.
[15]
Voir le « Book of Common Prayer », de l'Église
anglicane, « Articles of Religion », 1. Note 4,
fin du chapitre.
[16]
Voir LM, 1 Né 13:10-13. Note 5, fin du chapitre.
NOTES
DU CHAPITRE 40
1.
Cessation de la révélation sur le continent américain :
« Le monde oriental avait perdu sa connaissance du
Seigneur avant le monde occidental. En Amérique du Nord,
quatre cents ans après la naissance de notre Sauveur et
Maître, il y avait un homme au moins qui savait que le Seigneur
Dieu Tout-Puissant était une personnalité distincte, un
être capable de se faire connaître à l'homme. Cet
homme était Moroni, fils de Mormon, dont le témoignage
reste maintenant et doit rester à tous les âges à
venir » - (Georges Q. Cannon, Life of Joseph Smith, p. 21.
Voir LM, Moro 10:27-34).
2.
Les résultats de la grande apostasie divinement annulés
pour donner finalement du bien : L'étudiant consciencieux
ne peut manquer de voir dans la progression de la grande apostasie et
dans ses résultats l'existence d'une puissance supérieure,
qui, quoique ses voies soient impénétrables, vise un
bien ultérieur. Les persécutions navrantes infligées
aux saints dans les premiers siècles de notre ère,
l'angoisse, la torture, l'effusion de sang subies pour défendre
le témoignage du Christ, l'essor d'une Église apostate,
obnubilant l'intelligence et menant les âmes des hommes
captives, toutes ces scènes terribles étaient connues
d'avance par le Seigneur. Bien que nous ne puissions ni dire ni
croire que ces signes de dépravation et de blasphème
humains fussent en accord avec la volonté divine, il est
certain que Dieu voulut accorder le libre arbitre à l'homme,
ce qui permit à certains de remporter la couronne du martyre
et à d'autres de remplir toute la mesure de leur iniquité.
La permission divine n'est pas moins évidente dans les
révoltes et dans les réformes qui se développèrent
en opposition à l'influence de l'Église apostate qui
allait en empirant. Wycliff et Huss, Luther et Mélanchton,
Zwingli et Calvin, Henri VIII dans son arrogante prétention à
l'autorité sacerdotale, John Knox en Écosse, Roger
Williams en Amérique, tous et une foule d'autres
construisaient mieux qu'ils ne le pensaient en ceci que leurs efforts
posaient en partie les fondations de la liberté religieuse et
de la liberté de conscience, en préparation au
rétablissement de l'Évangile comme cela avait été
divinement prédit (La Grande apostasie, 10:19, 20).
3.
La déclaration d'une apostasie générale par
l'Église anglicane : Le Livre des Homélies, dont
est tirée la citation donnée dans le texte, fut publié
vers le milieu du seizième siècle. Cette proclamation
officielle de l'apostasie universelle fut rendue éminemment
publique, car les homélies étaient « destinées
à être lues dans les églises », dans
certains cas, au lieu du sermon. Dans la déclaration que nous
avons citée, l'Église anglicane affirme solennellement
qu'un état d'apostasie affectant tous les âges, tous les
groupes religieux et tous les niveaux dans l'ensemble du
christianisme avait régné pendant huit cents ans avant
l'établissement de l'Église qui faisait cette
déclaration. Cette affirmation garde toute sa valeur
aujourd'hui, tant comme confession que comme profession de l'Église
anglicane, car l'homélie « Contre le péril
de l'idolâtrie » et certaines autres homélies
sont spécialement ratifiées et approuvées, et il
est d'ailleurs prescrit qu'elles sont « à lire
diligemment et distinctement par les ministres dans les églises
afin qu'elles soient comprises du peuple ». Voir
« Articles of Religion » XXXV, dans les
éditions courantes de l'Église anglicane, Book of
common Prayer.
4.
Le « credo d'Athanase » : Au concile de
Nicée, convoqué par l'empereur Constantin, en 325 ap.
J.-C., on adopta une déclaration officielle de foi concernant
la Divinité. Plus tard, on en publia une modification, appelée
le « credo d'Athanase », et bien que l'identité
de son auteur fasse l'objet de doutes, le credo a sa place dans le
rituel de certaines Églises protestantes. Il n'est pas
nécessaire d'apporter de preuve plus concluante que le credo
d'Athanase du fait que les hommes avaient cessé de connaître
Dieu. « Le credo de saint Athanase », tel que
l'Église anglicane le confesse aujourd'hui, et tel qu'il est
publié dans le rituel officiel (voir Prayer Book) déclare :
« Nous adorons un seul Dieu dans la Trinité et la
Trinité en Unité, sans confondre les personnes ni
diviser la substance, car il y a une personne pour le Père,
une autre pour le Fils, et une autre pour le Saint-Esprit. Mais la
Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit est tout
une ; la gloire égale, la majesté coéternelle.
Tel que le Père est, tel est le Fils et tel est le
Saint-Esprit. Le Père incréé, le Fils incréé
et le Saint-Esprit incréé. Le Père
incompréhensible, le Fils incompréhensible et le
Saint-Esprit incompréhensible. Le Père éternel,
le Fils éternel et le Saint-Esprit éternel, mais un
seul éternel. Et il n'y a pas non plus trois
incompréhensibles, ni trois incréés, mais un
seul incréé et un seul incompréhensible. De
même, le Père est Tout-Puissant, le Fils Tout-Puissant
et le Saint-Esprit Tout-Puissant ; et cependant il n'y a pas
trois Tout-Puissants, il n'y a qu'un seul Tout-Puissant. De même,
le Père est Dieu, le Fils est Dieu, et le Saint-Esprit est
Dieu, mais cependant il n'y a pas trois Dieux mais un seul Dieu. »
Vient
ensuite une confession étrange de ce qui est à la fois
exigé par « Ia vérité chrétienne »,
et interdit par « la religion catholique » :
« Car de même que nous sommes obligés par la
vérité chrétienne : de reconnaître
chaque Personne en elle même être
Dieu et Seigneur, de même il nous est interdit par la religion
catholique : de dire, il y a trois Dieux, ou trois Seigneurs. »
5.
La mission de Colomb et ses résultats : À Néphi,
fils de Léhi, fut montré l'avenir de son peuple, y
compris la dégénérescence d'une de ses branches,
appelée plus tard Lamanites et, dans les temps modernes,
amérindiens. La venue d'un homme d'entre les Gentils au
travers des eaux profondes fut révélée avec une
telle clarté qu'on peut identifier formellement cet homme
comme étant Colomb ; et l'arrivée en Amérique
d'autre Gentils, sortis de captivité, est tout aussi
explicite. Néphi, à qui la révélation fut
donnée, la rapporte comme suit : « Et je
regardai et vis beaucoup d'eaux ; et elles séparaient les
Gentils de la postérité de mes frères. Et l'ange
me dit : Voici, la colère de Dieu est sur la postérité
de tes frères. Et je regardai, et je vis un homme parmi les
Gentils ; il était séparé de la postérité
de mes frères par les grandes eaux ; et je vis l'Esprit
de Dieu descendre sur cet homme et agir en lui ; et il s'en alla
sur les grandes eaux, et se rendit auprès de la postérité
de mes frères qui vivait dans la terre promise. Et je vis
l'Esprit de Dieu agir sur d'autres Gentils ; et ils sortirent de
captivité et s'en allèrent sur les grandes eaux »
(1 Né 13:10-13). Le même chapitre expose avec une clarté
tout aussi grande l'établissement d'une grande nation de
gentils sur le continent américain, la subjugation des
Lamanites ou Indiens, la guerre entre la nation nouvellement créée
et la Grande-Bretagne, ou « Ies Gentils dont ils étaient
originaires », et le résultat victorieux de cette
lutte pour l'indépendance.
CHAPITRE
41 : MANIFESTATIONS PERSONNELLES DE DIEU,
LE PÈRE ÉTERNEL, ET DE SON FILS, JÉSUS CHRIST,
DANS LES TEMPS MODERNES
UNE
NOUVELLE DISPENSATION DE L'ÉVANGILE
En
l'an de grâce 1820 vivait à Manchester, comté
d'Ontario, dans l'État de New York, un honnête citoyen
appelé joseph Smith. Sa famille se composait de sa femme et de
leurs neuf enfants. Le troisième fils et quatrième
enfant de la famille était Joseph Smith, fils, qui, à
l'époque dont nous parlons, était dans sa quinzième
année. Au cours de l'année indiquée, New York et
les États voisins furent balayés par une vague
d'intense agitation religieuse, et les ministres des nombreuses
Églises rivales déployèrent un zèle
extraordinaire à gagner des convertis à leurs troupeaux
respectifs. Le jeune Joseph fut profondément affecté
par cette émotion intense et fut particulièrement
déconcerté et troublé par la confusion et
l'esprit de querelle qui régnaient dans tout cela. Étant
donné que notre sujet actuel le concerne tout
particulièrement, et vu l'importance capitale de son
témoignage au monde, nous donnons ci-après son propre
récit de ce qui se passa.
« À
un moment donné, au cours de la deuxième année
qui suivit notre installation à Manchester, il y eut, dans
l'endroit où nous vivions, une agitation peu commune à
propos de la religion. Elle commença chez les méthodistes,
mais devint bientôt générale chez toutes les
confessions de cette région du pays. En effet, toute la
contrée paraissait en être affectée, et de
grandes multitudes s'unirent aux différents partis religieux,
ce qui ne causa pas peu de remue-ménage et de divisions parmi
le peuple, les uns criant : "Par ici ! ",
les autres : "Par là !" Les uns tenaient
pour les méthodistes, les autres pour les presbytériens,
d'autres pour les baptistes.
« Car,
en dépit du grand amour que les convertis de ces diverses
confessions exprimaient au moment de leur conversion et du grand zèle
manifesté par leurs clergés respectifs qui
s'employaient activement à animer et à favoriser ce
tableau extraordinaire de sentiment religieux, dans le but de voir
tout le monde converti, ainsi qu'ils se plaisaient à appeler
cela, quelle que fût la confession à laquelle ils se
joignaient, cependant, quand les convertis commencèrent à
se disperser, les uns vers un parti, les autres vers un autre, on
s'aperçut que les bons sentiments apparents des prêtres
et des convertis étaient plus prétendus que réels,
car il s'ensuivit une grande confusion et de mauvais sentiments,
prêtre luttant contre prêtre et converti contre
converti ; de telle sorte que tous les bons sentiments qu'ils
avaient les uns pour les autres, s'ils avaient jamais existé,
se perdirent tout à fait dans une querelle de mots et un
combat d'opinions.
« J'étais
alors dans ma quinzième année. Les membres de la
famille de mon père se laissèrent convertir à la
foi presbytérienne, et quatre d'entre eux se firent membres de
cette Église : ma mère, Lucy, mes frères
Hyrum et Samuel Harrison, et ma sœur Sophronia.
« Pendant
cette période de grande agitation, mon esprit fut poussé
à réfléchir sérieusement et à
éprouver un grand malaise ; mais quoique mes sentiments
fussent profonds et souvent poignants, je me tins cependant à
l'écart de tous ces partis tout en suivant leurs diverses
assemblées aussi souvent que j'en avais l'occasion. Avec le
temps, mon esprit se sentit quelque inclination pour la confession
méthodiste, et j'éprouvai un certain désir de me
joindre à elle ; mais la confusion et la lutte entre les
diverses confessions étaient si grandes, qu'il était
impossible à quelqu'un d'aussi jeune et d'aussi peu au courant
des hommes et des choses que moi de décider d'une manière
sûre qui avait raison et qui avait tort.
« Il
y avait des moments où mon esprit était fortement
agité, tant les cris et le tumulte étaient grands et
incessants. Les presbytériens étaient absolument contre
les baptistes et les méthodistes et utilisaient toutes les
ressources aussi bien du raisonnement que de la sophistique pour
prouver leurs erreurs ou du moins pour faire croire aux gens qu'ils
étaient dans l'erreur. D'autre part, les baptistes et les
méthodistes, eux aussi, montraient autant de zèle à
tenter d'imposer leur doctrine et à réfuter toutes les
autres.
« Au
milieu de cette guerre de paroles et de ce tumulte d'opinions, je me
disais souvent : Que faut-il faire ? Lequel de tous ces
partis a raison ? Ou ont-ils tous tort, autant qu'ils sont ?
Si l'un d'eux a raison, lequel est-ce, et comment le saurai-je ?
« Tandis
que j'étais travaillé par les difficultés
extrêmes causées par les disputes de ces partis de
zélateurs religieux, je lus, un jour, l'épître de
Jacques, chapitre 1, verset 5, qui dit : Si quelqu'un d'entre
vous manque de sagesse, qu'il la demande à Dieu, qui donne à
tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée.
« Jamais
aucun passage de l'Écriture ne toucha le cœur de l'homme
avec plus de puissance que celui-ci ne toucha alors le mien. Il me
sembla qu'il pénétrait avec une grande force dans
toutes les fibres de mon cœur. J'y pensais constamment, sachant
que si quelqu'un avait besoin que Dieu lui donne la sagesse, c'était
bien moi ; car je ne savais que faire, et à moins de
recevoir plus de sagesse que je n'en avais alors, je ne le saurais
jamais, car les professeurs de religion des diverses confessions
comprenaient si différemment les mêmes passages de
l'Écriture que cela faisait perdre toute confiance de régler
la question par un appel à la Bible.
« Enfin,
j'en vins à la conclusion que je devais, ou bien rester dans
les ténèbres et la confusion, ou bien suivre le conseil
de Jacques, c'est-à-dire demander à Dieu. Je me décidai
finalement à "demander à Dieu", concluant que
s'il donnait la sagesse à ceux qui en manquaient, et la
donnait libéralement et sans faire de reproche, je pouvais
bien essayer.
« Ainsi
donc, mettant à exécution ma détermination de
demander à Dieu, je me retirai dans les bois pour tenter
l'expérience. C'était le matin d'une belle et claire
journée du début du printemps de mil huit cent vingt.
C'était la première fois de ma vie que je tentais une
chose pareille, car au milieu de toutes mes anxiétés,
je n'avais encore jamais essayé de prier à haute voix.
« Après
m'être retiré à l'endroit où je m'étais
proposé, au préalable, de me rendre, ayant regardé
autour de moi et me voyant seul, je m'agenouillai et me mis à
exprimer à Dieu les désirs de mon cœur. À
peine avais-je commencé que je fus saisi par une puissance qui
me domina entièrement et qui eut sur moi une influence si
étonnante que ma langue fut liée, de sorte que je ne
pouvais pas parler. Des ténèbres épaisses
m'environnèrent, et il me sembla un moment que j'étais
condamné à une destruction soudaine.
« Mais
comme je luttais de toutes mes forces pour implorer Dieu de me
délivrer de la puissance de cet ennemi qui m'avait saisi et au
moment même où j'étais prêt à
sombrer dans le désespoir et à m'abandonner à la
destruction - non à un anéantissement imaginaire, mais
à la puissance d'un être réel du monde invisible
qui possédait une puissance étonnante comme je n'en
avais encore senti de pareille en aucun être - juste à
cet instant de grande alarme, je vis, exactement au-dessus de ma
tête, une colonne de lumière, plus brillante que le
soleil, descendre peu à peu jusqu'à tomber sur moi.
« À
peine était-elle apparue que je me sentis délivré
de l'ennemi qui m'enserrait. Quand la lumière se posa sur moi,
je vis deux Personnages dont l'éclat et la gloire défient
toute description, et qui se tenaient au-dessus de moi dans les airs.
L'un d'eux me parla, m'appelant par mon nom, et dit, en me montrant
l'autre : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoute-le !
« Mon
but, en allant interroger le Seigneur, était de savoir
laquelle des confessions avait raison, afin de savoir à
laquelle je devais me joindre. C'est pourquoi, dès que je fus
assez maître de moi pour pouvoir parler, je demandai aux
Personnages qui se tenaient au-dessus de moi, dans la lumière,
laquelle de toutes les confessions avait raison (car à
l'époque, il ne m'était jamais venu à l'idée
qu'elles étaient toutes dans l'erreur), et à laquelle
je devais me joindre.
« Il
me fut répondu de ne me joindre à aucune, car elles
étaient toutes dans l'erreur ; et le Personnage qui me
parlait dit que tous leurs credo étaient une abomination à
ses yeux ; que ces docteurs étaient tous corrompus ;
que : "ils s'approchent de moi des lèvres, mais leur
cœur est éloigné de moi ; ils enseignent
pour doctrine des commandements d'hommes, ayant une forme de piété,
mais ils en nient la puissance."
« Il
me défendit de nouveau de me joindre à aucune d'elles
et me dit encore beaucoup d'autres choses que je ne puis écrire
maintenant. Quand je revins à moi, j'étais couché
sur le dos, regardant au ciel. Lorsque la lumière eut disparu,
je demeurai sans forces ; mais je ne tardai pas à
récupérer dans une certaine mesure et rentrai chez moi.
Comme je m'appuyais au manteau de la cheminée, ma mère
me demanda ce qui se passait. Je lui répondis : "Ce
n'est rien, tout va bien, je ne me sens pas mal." Je dis ensuite
à ma mère : "J'ai appris personnellement que
le presbytérianisme n'est pas vrai." On aurait dit que
l'adversaire était, dès les premiers temps de ma vie,
conscient du fait que j'étais destiné à me
révéler être un trouble-fête et un gêneur
pour son royaume ; sinon pourquoi les puissances des ténèbres
se seraient-elles unies contre moi ? Pourquoi l'opposition et
les persécutions qui se dressèrent contre moi, presque
dans ma prime enfance ?
« Quelques
jours après avoir eu cette vision, il m'arriva de me trouver
en compagnie d'un des prédicateurs méthodistes, qui
était très actif dans l'agitation religieuse mentionnée
précédemment ; et comme je parlais de religion
avec lui, je saisis l'occasion pour lui faire le récit de la
vision que j'avais eue. Je fus fort surpris de son attitude ; il
traita mon récit non seulement avec légèreté,
mais aussi avec un profond mépris, disant que tout cela était
du diable, que les visions ou les révélations, cela
n'existait plus de nos jours, que toutes les choses de ce genre
avaient cessé avec les apôtres et qu'il n'y en aurait
jamais plus.
« Cependant
je m'aperçus bientôt que le fait de raconter mon
histoire m'avait beaucoup nui auprès des adeptes des autres
confessions et était la cause d'une grande persécution,
qui allait croissant ; et quoique je fusse un garçon
obscur de quatorze à quinze ans à peine, et que ma
situation dans la vie fût de nature à faire de moi un
garçon sans importance dans le monde, pourtant des hommes haut
placés me remarquèrent suffisamment pour exciter
l'opinion publique contre moi et provoquer une violente persécution ;
et ce fut une chose commune chez toutes les confessions : toutes
s'unirent pour me persécuter.
« Je
me fis sérieusement la réflexion alors, et je l'ai
souvent faite depuis, qu'il était bien étrange qu'un
garçon obscur, d'un peu plus de quatorze ans, qui, de
surcroît, était condamné à la nécessité
de gagner maigrement sa vie par son travail journalier, fût
jugé assez important pour attirer l'attention des grands des
confessions les plus populaires du jour, et ce, au point de susciter
chez eux l'esprit de persécution et d'insulte le plus violent.
Mais aussi étrange que cela fût, il en était
ainsi, et ce fut souvent une cause de grand chagrin pour moi.
« Cependant,
il n'en restait pas moins un fait que j'avais eu une vision. J'ai
pensé depuis que je devais ressentir plus ou moins la même
chose que Paul quand il se défendit devant le roi Agrippa et
qu'il raconta la vision qu'il avait eue, lorsqu'il avait aperçu
une lumière et entendu une voix ; et cependant, il y en
eut peu qui le crurent ; les uns dirent qu'il était
malhonnête, d'autres dirent qu'il était fou ; et il
fut ridiculisé et insulté. Mais tout cela ne détruisait
pas la réalité de sa vision. Il avait eu une vision, il
le savait, et toutes les persécutions sous le ciel ne
pouvaient faire qu'il en fût autrement. Et quand bien même
on le persécuterait à mort, il savait néanmoins,
et saurait jusqu'à son dernier soupir, qu'il avait vu une
lumière et entendu une voix qui lui parlait ; et rien au
monde n'aurait pu le faire penser ou croire autrement.
« Il
en était de même pour moi. J'avais réellement vu
une lumière, et au milieu de cette lumière, je vis deux
Personnages, et ils me parlèrent réellement ; et
quoique je fusse haï et persécuté pour avoir dit
que j'avais eu cette vision, cependant c'était la vérité ;
et tandis qu'on me persécutait, qu'on m'insultait et qu'on
disait faussement toute sorte de mal contre moi pour l'avoir
racontée, je fus amené à me dire en mon cœur :
Pourquoi me persécuter parce que j'ai dit la vérité ?
J'ai réellement eu une vision, et qui suis-je pour résister
à Dieu ? Et pourquoi le monde pense-t-il me faire renier
ce que j'ai vraiment vu ? Car j'avais eu une vision, je le
savais, et je savais que Dieu le savait, et je ne pouvais le nier ni
ne l'osais ; du moins je savais qu'en le faisant j'offenserais
Dieu et tomberais sous la condamnation.
« Je
savais donc à quoi m'en tenir en ce qui concernait le monde
des confessions : il n'était pas de mon devoir de me
joindre à l'une d'elles, mais de rester comme j'étais,
jusqu'à ce que je reçusse d'autres directives. J'avais
découvert que le témoignage de Jacques était
vrai : que quelqu'un qui manquait de sagesse pouvait la demander
à Dieu et l'obtenir sans qu'il lui fût fait de
reproche » [1].
C'est
de cette manière que fut ouverte la dispensation de la
plénitude des temps (expression tirée de Éphésiens
1:10 dans la version du roi Jacques ; l'auteur l'utilise pour
désigner la dispensation actuelle de l'Évangile,
ndlr) [2]. Les ténèbres de la longue nuit de
l'apostasie étaient dissipées ; la gloire des
cieux illuminait de nouveau le monde ; le silence séculaire
était rompu ; la voix de Dieu se faisait de nouveau
entendre sur la terre. À l'automne de 1820 ap. J.-C., il y
avait un seul mortel, un garçon d'un peu moins de quinze ans,
qui savait, comme il savait qu'il vivait, que la conception que les
hommes se faisaient, à l'époque, de la Divinité,
à savoir que c'était l'essence immatérielle de
quelque chose qui ne possédait ni forme précise ni
substance tangible, était aussi contraire à la vérité
en ce qui concerne le Père et le Fils que sa formulation dans
les religions officielles était incompréhensible. Le
jeune Joseph savait que le Père éternel et son Fils
glorifié, Jésus-Christ, étaient tous deux des
Hommes parfaits en forme et en stature, et que c'est à leur
image physique que l'humanité avait été créée
dans la chair [3]. Il savait en outre que le Père et le
Fils étaient des personnages individuels, chacun étant
distinct de l'autre - vérité pleinement attestée
par le Seigneur Jésus-Christ au cours de son existence
mortelle, mais que les sophismes de l'incrédulité
humaine avaient enténébrée sinon ensevelie. Il
se rendait compte que l'unité de la Divinité était
une unité de perfection dans les desseins, les plans et
l'action, comme le déclarent les Écritures, et non pas
une union impossible de personnalités, comme des générations
de faux docteurs avaient essayé de le faire croire. La
théophanie resplendissante confirma l'apostasie universelle,
avec le corollaire inévitable : l'Église du Christ
n'existait nulle part sur la terre. Elle dissipa de fait la croyance
erronée que la révélation directe depuis les
cieux avait cessé à jamais et prouva qu'il était
parfaitement possible à Dieu de communiquer personnellement
avec les mortels.
Pour
la quatrième fois depuis la naissance du Sauveur dans la
chair, la voix du Père avait attesté l'autorité
du Fils dans des questions relatives à la terre et à
l'homme [4]. Dans cette révélation de lui-même,
au cours des derniers jours, comme lors des occasions antérieures,
le Père ne fit rien d'autre qu'affirmer l'identité du
Fils et commander qu'on lui obéît.
« UN
MESSAGER ENVOYÉ D'AUPRÈS DE DIEU » [5]
Pendant
environ trois ans et demi après l'apparition glorieuse du Père
et du Fils à Joseph Smith, le jeune révélateur
fut privé de toute autre manifestation du ciel et fut laissé
à lui-même. C'était une période de mise à
l'épreuve. Il fut soumis aux ricanements des jeunes de son âge
et à une persécution agressive de la part des gens plus
âgés qui, comme il le note très justement et sur
un ton quelque peu accusateur, auraient dû être ses amis
et le traiter avec bonté et qui, s'ils pensaient qu'il
s'abusait, auraient dû essayer de le ramener d'une manière
convenable et affectueuse [6]. Il se livra à son métier
ordinaire, celui du travail à la ferme en compagnie de son
père et de ses frères, de qui il reçut de la
gentillesse, de la considération et de la sympathie ; en
dépit des railleries, des insultes et des dénonciations
de la part de la communauté en général, il
demeura ferme et fidèle à sa déclaration
solennelle qu'il avait vu et entendu aussi bien le Père
éternel que Jésus le Christ, et qu'il avait reçu
l'ordre de ne s'unir à aucune des confessions ou des Églises
en conflit parce qu'elles étaient toutes fondamentalement dans
l'erreur.
La
nuit du 21 septembre 1823, tandis qu'il était occupé à
prier Dieu avec ferveur dans la solitude de sa chambre, Joseph vit la
pièce s'illuminer au point que la lumière surpassa
celle d'un après-midi sans nuage. Un personnage glorieux
apparut dans la pièce, se tenant un peu au-dessus du plancher.
Le corps du visiteur et la tunique flottante qu'il portait étaient
d'une blancheur extrême. Appelant Joseph par son nom, il
déclara être Moroni, « un messager envoyé
d'auprès de Dieu » et apprit au jeune homme que le
Seigneur avait une œuvre à lui faire accomplir, et que
son nom serait connu tant en bien qu'en mal dans toutes les nations,
races et langues. L'ange parla d'un document gravé sur des
plaques d'or, qui contenait l'histoire des anciens habitants du
continent américain et la plénitude de l'Évangile
éternel que le Seigneur avait révélée à
ce peuple ancien ; et en outre, que le document était
accompagné d'un pectoral et de l'urim et du thummim divinement
fabriqués pour servir à la traduction du livre. Le lieu
où les plaques et les autres objets sacrés étaient
cachés fut montré en vision à Joseph, et la
scène fut si claire qu'il reconnut immédiatement
l'endroit lorsqu'il s'y rendit le lendemain.
L'ange
cita plusieurs passages de l'Ancien Testament et un passage du
Nouveau Testament, les uns mot pour mot et les autres en s'écartant
légèrement de la version biblique. Voici ce que dit
Joseph au sujet des Écritures citées par Moroni :
« Il
cita tout d'abord une partie du troisième chapitre de Malachie
et il cita aussi le quatrième ou dernier chapitre de cette
même prophétie, avec, toutefois, une légère
variante de ce qui se trouve dans nos Bibles. Au lieu de citer le
premier verset tel qu'il apparaît dans nos livres, il le cita
de cette façon :
« Car
voici, le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les hautains
et tous les méchants seront comme du chaume ; car ceux
qui viennent les brûleront, dit l'Éternel des armées,
et ils ne leur laisseront ni racine, ni rameau.
« Il
cita, en outre, le cinquième verset comme suit : Voici,
je vous révélerai la Prêtrise par la main d'Élie,
le prophète, avant que le jour de l'Éternel arrive, ce
jour grand et redoutable.
« Il
cita aussi le verset suivant d'une manière différente :
Et il implantera dans le cœur des enfants les promesses faites
aux pères, et le cœur des enfants se tournera vers leurs
pères ; s'il n'en était pas ainsi, la terre serait
entièrement dévastée à sa venue.
« En
plus de ceux-ci, il cita le onzième chapitre d'Ésaïe,
disant qu'il était sur le point de s'accomplir. Il cita aussi
le troisième chapitre des Actes, les vingt-deuxième et
vingt-troisième versets, tels qu'ils se trouvent dans notre
Nouveau Testament. Il dit que ce prophète était le
Christ, mais que le jour n'était pas encore venu où
"ceux qui ne voudraient pas entendre sa voix seraient retranchés
de parmi le peuple", mais qu'il viendrait bientôt.
« Il
cita aussi le troisième chapitre de Joël, du premier
verset au cinquième. Il dit aussi que cela n'était pas
encore accompli, mais le serait bientôt. Il déclara, en
outre, que la totalité des païens allait bientôt
entrer » [7].
Le
messager s'en alla et la lumière disparut avec lui. Cependant,
deux fois au cours de la même nuit, l'ange revint, répétant
chaque fois ce qu'il avait dit lors de sa première apparition
et y ajoutant des instructions et des recommandations à la
prudence. Le lendemain, Moroni réapparut au jeune homme et lui
commanda de mettre son père au courant des visites et des
commandements qu'il avait reçus. Le père de Joseph lui
dit d'obéir aux instructions du messager et attesta qu'elles
venaient de Dieu. Joseph se rendit alors à l'endroit indiqué
par l'ange, sur le flanc d'une colline appelée Cumorah dans le
livre, et identifia immédiatement le lieu qui lui avait été
montré en vision. À l'aide d'un levier, il enleva une
grosse pierre qui se révéla être le couvercle
d'une boîte de pierre dans laquelle se trouvaient les plaques
et d'autres objets décrits par Moroni. L'ange apparut à
cet endroit et interdit à Joseph de prendre à ce
moment-là le contenu de la boîte. Le jeune homme replaça
le massif couvercle de pierre et quitta le lieu.
Quatre
ans plus tard, les plaques, l'urim et thummim, et le pectoral furent
confiés à la garde de Joseph par l'ange Moroni. Ce
Moroni, qui venait maintenant sous la forme d'un être
ressuscité, était le dernier survivant de la nation
néphite ; il avait terminé le document et ensuite,
peu avant sa mort, l'avait caché dans la colline de Cumorah
d'où il fut sorti par son entremise et remis au prophète
et voyant moderne, Joseph Smith, le 22 octobre 1827. Ce document ou,
à strictement parler, une partie de ce document, est
maintenant accessible à tous ; il a été
traduit par l'autorité divine et est maintenant publié
en de nombreuses langues sous le titre de Livre de Mormon [8].
JEAN-BAPTISTE
CONFÈRE LA Prêtrise d'Aaron
Le
15 mai 1829, Joseph Smith et son secrétaire dans la traduction
des annales néphites, Oliver Cowdery, se retirèrent
dans une clairière isolée pour prier. Leur but était
d'interroger le Seigneur concernant l'ordonnance du baptême
pour la rémission des péchés, dont il était
question dans les plaques. Joseph écrit :
« Tandis
que nous étions ainsi occupés à prier et à
invoquer le Seigneur, un messager céleste descendit dans une
nuée de lumière et, ayant posé les mains sur
nous, il nous ordonna, disant :
« À
vous, mes compagnons de service, au nom du Messie, je confère
la Prêtrise d'Aaron, qui détient les clefs du ministère
d'anges, de l'Évangile de repentir et du baptême par
immersion pour la rémission des péchés ; et
cela ne sera plus jamais enlevé de la terre, jusqu'à ce
que les fils de Lévi fassent de nouveau une offrande au
Seigneur selon la justice. [9] »
Le
visiteur angélique déclara que son nom était
Jean, celui-là même que le Nouveau Testament appelle
Jean-Baptiste et qu'en les ordonnant tous deux, il avait agi sous les
ordres de Pierre, Jacques et Jean qui détenaient les clefs de
la prêtrise supérieure ou Prêtrise de Melchisédek.
Il expliqua que la Prêtrise d'Aaron ne comprenait pas « Ie
pouvoir d'imposer les mains pour le don du Saint-Esprit » [10]
et prédit que la prêtrise supérieure, détenant
ce pouvoir, leur serait conférée plus tard. Sur son
ordre exprès, Joseph baptisa Oliver et ce dernier, à
son tour, baptisa Joseph en l'immergeant dans l'eau.
PIERRE,
JACQUES ET JEAN CONFÈRENT LA Prêtrise de Melchisédek
Peu
après leur ordination à la moindre prêtrise ou
Prêtrise d'Aaron, Joseph Smith et Oliver Cowdery reçurent
la visite des apôtres présidents d'autrefois, Pierre,
Jacques et Jean, qui leur conférèrent la Prêtrise
de Melchisédek et les ordonnèrent au saint apostolat.
Dans une révélation ultérieure, le Seigneur
reconnaît formellement que ces ordinations respectives furent
accomplies par sa volonté et son commandement, comme suit :
« Lequel
Jean je vous ai envoyé, mes serviteurs Joseph Smith, fils, et
Oliver Cowdery, pour vous ordonner à la première
prêtrise que vous avez reçue, afin que vous fussiez
appelés et ordonnés comme le fut Aaron...
Et aussi avec Pierre, Jacques
et Jean, que je vous ai envoyés, par lesquels je vous ai
ordonnés et confirmés pour que vous soyez apôtres
et témoins spéciaux de mon nom, et pour que vous
portiez les clefs de votre ministère et des mêmes choses
que je leur ai révélées ; à qui j'ai
remis les clefs de mon royaume et une dispensation de l'Évangile
pour les derniers temps et pour la plénitude des temps, au
cours de laquelle je rassemblerai toutes choses en une, tant celles
qui sont dans le ciel que celles qui sont sur la terre » [11].
FONDATION
DE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST DES SAINTS DES DERNIERS
JOURS
Le
6 avril 1830, l'Église de Jésus-Christ des saints des
derniers jours était officiellement organisée à
Fayette, dans le comté de Seneca (New York) conformément
à la loi séculière régissant
l'établissement des associations religieuses. Les personnes
qui participèrent officiellement à l'organisation
n'étaient que six, nombre minimum requis par la loi dans une
entreprise de ce genre ; cependant beaucoup d'autres personnes
étaient là, dont certaines avaient déjà
reçu l'ordonnance du baptême pour la rémission
des péchés. Par révélation à
Joseph Smith, le Seigneur avait précisé précédemment
le jour où l'organisation devait se faire et avait révélé
son plan de gouvernement pour l'Église - avec des instructions
détaillées sur les conditions requises pour en devenir
membre : le caractère indispensable du baptême par
immersion et la manière dont l'ordonnance initiatrice devait
être administrée, la façon de confirmer les
croyants baptisés, membres de l'Église, les devoirs des
anciens, des prêtres, des instructeurs et des diacres de
l'Église, la façon exacte de procéder pour
l'administration du sacrement du repas du Seigneur, l'ordre de la
discipline de l'Église et la méthode à suivre
pour transférer les membres d'une branche à une
autre [12]. Les convertis baptisés qui assistaient à
l'organisation furent invités à se prononcer pour ou
contre Joseph Smith et Oliver Cowdery comme anciens de l'Église ;
et conformément au vote affirmatif unanime, l'ordination ou
mise à part de ces deux hommes comme respectivement premier et
deuxième anciens de la nouvelle organisation fut
accomplie [13].
Tandis
que le Livre de Mormon était en voie de traduction, en
particulier pendant les deux années qui précédèrent
immédiatement l'organisation de l'Église, plusieurs
révélations avaient été données
par l'intermédiaire de Joseph le prophète et voyant,
relatives au travail de traduction et à l'œuvre
préparatoire nécessaire pour établir l'Église
comme institution parmi les hommes. L'auteur de ces diverses
révélations se déclara officiellement être
Jésus-Christ, Dieu, le Fils de Dieu, le Rédempteur, la
lumière et la vie du monde, l'Alpha et l'Oméga, Christ
le Seigneur, le Seigneur et Sauveur [14].
Dès
1829, l'appel des douze apôtres fut prescrit, et un comité
fut chargé de rechercher les Douze qui se tiendraient devant
le monde comme témoins spéciaux du Christ. Ceux-ci
furent ultérieurement ordonnés au saint apostolat ;
le conseil ou collège des Douze fut reconnu, et des
instructions concernant leur devoir sublime furent données
dans de nombreuses révélations ultérieures [15].
C'est
ainsi que l'Église de Jésus-Christ a été
rétablie sur la terre, avec tous les pouvoirs et toute
l'autorité de la sainte prêtrise que le Seigneur jésus
avait remise à ses apôtres à l'époque de
son ministère personnel. Il était absolument nécessaire
qu'une nouvelle dispensation de l'Évangile, avec un
rétablissement de la prêtrise, fût ouverte,
puisque à cause de l'apostasie de l'Église primitive,
il n'y avait pas un homme vivant qui eût l'autorité de
parler ou d'administrer l'Évangile au nom de Dieu ou de son
Christ. Jean le Révélateur vit, dans sa vision des
derniers jours, un ange apportant de nouveau un « Évangile
éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à
toute nation, tribu, langue et peuple. Il disait d'une voix forte :
Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est
venue ; et prosternez-vous devant celui qui a fait le ciel, la
terre, la mer et les sources d'eaux [16] ! »
Une
ambassade angélique comme celle-là n'aurait été
qu'un déploiement inutile et vide, et par conséquent
impossible, si l'Évangile éternel était resté
sur la terre et si les pouvoirs de sa prêtrise s'étaient
perpétués par succession. En assurant qu'il y aurait un
rétablissement dans les derniers jours par intervention
directe des cieux, les Écritures prouvent de manière
concluante que l'apostasie universelle est bien réelle. Moroni
vint trouver Joseph Smith comme « messager envoyé
d'auprès de Dieu », et lui remit un document
contenant « la plénitude de l'Évangile
éternel » tel qu'il avait été
communiqué au peuple du Seigneur dans les temps anciens ;
et la diffusion mondiale du Livre de Mormon et d'autres publications
contenant la parole révélée des temps modernes,
et le ministère de milliers de personnes qui travaillent avec
l'autorité de la sainte prêtrise se combinent pour
former la voix forte qui s'adresse à toutes les nations, en
criant : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car
l'heure de son jugement est venue. »
AUTRES
COMMUNICATIONS DES CIEUX À L'HOMME
Après
l'organisation de l'Église, telle que nous l'avons décrite
jusqu'à maintenant, il y eut des communications directes
fréquentes entre le Seigneur Jésus-Christ et son
prophète Joseph, selon que les besoins l'exigeaient. De
nombreuses révélations furent données, et elles
sont accessibles à tous ceux qui veulent les lire [17].
Une manifestation merveilleuse fut accordée au prophète
et à son compagnon dans la présidence de l'Église,
Sidney Rigdon, dont la narration apparaît comme suit :
« Nous,
Joseph Smith, fils, et Sidney Rigdon, étant dans l'Esprit, le
seizième jour de février de l'an de grâce mil
huit cent trente-deux : Par la puissance de l'Esprit, nos yeux
furent ouverts et notre intelligence fut éclairée de
manière à voir et à comprendre les choses de
Dieu : oui, ces choses qui étaient dès le
commencement, avant que le monde fût, qui furent établies
par le Père, par l'intermédiaire de son Fils unique,
qui était dès le commencement dans le sein du Père,
de qui nous rendons témoignage ; et le témoignage
que nous rendons est la plénitude de l'Évangile de
Jésus-Christ, qui est le Fils, que nous avons vu et avec qui
nous avons conversé dans la vision céleste. Car tandis
que nous faisions le travail de traduction que le Seigneur nous avait
confié, nous arrivâmes au vingt-neuvième verset
du cinquième chapitre de Jean, qui nous fut donné comme
suit : Parlant de la résurrection des morts, concernant
ceux qui entendront la voix du Fils de l'Homme, et
ressusciteront, ceux qui auront fait le bien pour la résurrection
des justes et ceux qui auront pratiqué le mal pour la
résurrection des injustes. Or, cela causa notre étonnement,
car c'était l'Esprit qui nous l'avait donné. Et tandis
que nous méditions sur ces choses, le Seigneur toucha les yeux
de notre entendement, et ils furent ouverts, et la gloire du Seigneur
resplendit alentour. Et nous vîmes la gloire du Fils, à
la droite du Père, et reçûmes de sa plénitude ;
nous vîmes les saints anges et ceux qui sont sanctifiés
devant son trône, adorant Dieu et l'Agneau, lui qu'ils adorent
pour toujours et à jamais. Et maintenant, après les
nombreux témoignages qui ont été rendus de lui,
voici le témoignage, le dernier de tous, que nous rendons de
lui : qu'il vit ! Car nous le vîmes, et ce, à
la droite de Dieu ; et nous entendîmes la voix rendre
témoignage qu'il est le Fils unique du Père ; que
par lui, à travers lui et en lui, les mondes sont et furent
créés, et que les habitants en sont des fils et des
filles engendrés pour Dieu » [18].
La
vision fut suivie d'autres révélations tant visuelles
qu'auditives ; et le Seigneur montra à ses serviteurs, et
proclama à haute voix le destin des méchants et les
caractéristiques des divers degrés de gloire prévus
dans l'au-delà pour les âmes des hommes. Les divers
états d'honneur et l'exaltation graduée appartenant aux
royaumes téleste, terrestre et céleste furent révélés,
et les anciennes Écritures s'y rapportant furent éclairées
par la lumière nouvelle de la simplicité et de
l'interprétation littérale [19].
APPARITION
PERSONNELLE DU SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST AU TEMPLE DE KIRTLAND
Moins
de trois ans et demi après son organisation, l'Église
commença la construction du premier temple des temps modernes
à Kirtland, en Ohio. Le travail fut entrepris conformément
à une révélation du Seigneur l'exigeant de son
peuple. L'Église avait peu de membres, le peuple était
pauvre, c'était une période d'opposition farouche et de
persécutions incessantes [20]. Il faut bien comprendre
que pour les saints des derniers jours un temple signifie plus qu'une
chapelle, qu'une église, qu'un tabernacle ou qu'une
cathédrale ; ce n'est pas un lieu où tout le monde
s'assemble même pour adorer en commun, mais un édifice
sacré destiné aux ordonnances de la sainte prêtrise :
distinctement et essentiellement une Maison du Seigneur. Le temple de
Kirtland existe encore aujourd'hui, bâtiment puissant et
imposant ; mais il n'est plus la propriété du
peuple qui l'a érigé au prix d'immenses sacrifices de
temps, de biens et d'efforts au cours d'années d'abnégation
et de souffrances. Ses pierres d'angle furent posées le 23
juillet 1833 et le bâtiment terminé fut consacré
le 27 mars 1836. Le service de consécration fut rendu
éternellement mémorable par le déversement de
l'Esprit du Seigneur accompagné de la présence visible
d'anges. Le soir du même jour, les divers collèges de la
prêtrise s'assemblèrent dans le bâtiment, et une
manifestation encore plus grande de la puissance et de la gloire
divines se reproduisit. Le dimanche suivant - le 3 avril 1836 - après
un service de culte solennel, comprenant l'administration du repas du
Seigneur, le prophète Joseph et son conseiller Oliver Cowdery
se retirèrent pour prier derrière les voiles entourant
la plate-forme et l'estrade réservées aux autorités
présidentes de la Prêtrise de Melchisédek. Ils
rendent le témoignage solennel que le Seigneur Jésus-Christ
leur apparut personnellement en cette occasion :
« Le
voile fut enlevé de notre esprit, et les yeux de notre
entendement furent ouverts. Nous vîmes le Seigneur debout sur
la balustrade de la chaire devant nous. Sous ses pieds, il y avait un
pavement d'or pur, d'une couleur semblable à l'ambre. Ses yeux
étaient comme une flamme de feu, ses cheveux étaient
blancs comme la neige immaculée, son visage était plus
brillant que l'éclat du soleil et sa voix était comme
le bruit du déferlement de grandes eaux, oui, la voix de
Jéhovah, disant : Je suis le premier et le dernier ;
je suis celui qui vit, je suis celui qui fut immolé ; je
suis votre avocat auprès du Père. Voici, vos péchés
vous sont pardonnés; vous êtes purs devant moi ;
levez-donc la tête et réjouissez-vous. Que le cœur
de vos frères se réjouisse et que le cœur de tout
mon peuple se réjouisse, mon peuple qui a bâti de toutes
ses forces cette maison à mon nom. Car voici, j'ai accepté
cette maison, et mon nom sera ici ; et je me manifesterai avec
miséricorde à mon peuple dans cette maison. Oui,
j'apparaîtrai à mes serviteurs et je leur parlerai de ma
propre voix, si mon peuple garde mes commandements et ne souille pas
cette sainte maison. Oui, le cœur de milliers et de dizaines de
milliers sera dans une grande allégresse à cause des
bénédictions qui seront déversées et de
la dotation que mes serviteurs ont reçue dans cette maison.
Et
la renommée de cette maison se répandra dans les pays
étrangers, et c'est là le commencement de la
bénédiction qui sera déversée sur la tête
de mon peuple. J'ai dit. Amen » [21].
Lorsque
le Sauveur se fut retiré, les deux prophètes mortels
reçurent la visite d'êtres glorifiés, dont chacun
avait officié sur terre en qualité de serviteur
spécialement autorisé de Jéhovah et venait
maintenant conférer l'autorité de l'office qu'il
détenait personnellement, à Joseph et Oliver, unissant
ainsi tous les pouvoirs et toutes les autorités des temps
anciens dans l'Église rétablie du Christ, ce qui
caractérise la dernière et la plus grande dispensation
de l'Évangile de l'histoire. En voici le rapport :
« Lorsque
cette vision se fut refermée, les cieux s'ouvrirent de nouveau
à nous. Moïse apparut devant nous et nous remit les clefs
pour rassembler Israël des quatre coins de la terre et pour
ramener les dix tribus du pays du nord. Après cela, Élias
apparut et remit la dispensation de l'Évangile d'Abraham,
disant qu'en nous et en notre postérité toutes les
générations après nous seraient bénies.
Lorsque cette vision se fut refermée, une autre vision, grande
et glorieuse, jaillit devant nous : Élie, le prophète
qui fut enlevé au ciel sans goûter la mort, se tint
devant nous et dit : Voici, le temps est pleinement arrivé,
ce temps dont il a été parlé par la bouche de
Malachie, lorsqu'il a témoigné qu'il [Élie]
serait envoyé avant la venue du jour du Seigneur, jour grand
et redoutable, pour tourner le cœur des pères vers
les enfants, et les enfants vers les pères, de peur que la
terre entière ne soit frappée de malédiction :
C'est pourquoi les clefs de cette dispensation sont remises entre vos
mains, et vous saurez, par là, que le jour du Seigneur, jour
grand et redoutable, est proche, et même à la
porte » [22].
JÉSUS
LE CHRIST EST AUJOURD'HUI AVEC SON ÉGLISE
C'est
d'une manière tout à fait glorieuse que le Seigneur a
accompli les promesses faites par la bouche de ses saints prophètes
dans les temps passés - de rétablir l'Évangile
avec toutes ses bénédictions et toutes ses prérogatives
passées, de conférer de nouveau la sainte prêtrise
avec l'autorité d'administrer l'Évangile au nom de
Dieu, de rétablir l'Église qui porte son nom, et qui
est fondée sur le roc de la révélation divine,
et de proclamer le message du salut à toutes les nations,
races, langues et peuples. En dépit des persécutions de
la foule approuvées par les autorités judiciaires, en
dépit des agressions, des expulsions et des massacres l'Église
s'est développée avec une rapidité et une force
étonnantes, depuis le jour de son organisation. Joseph, le
prophète, et son frère Hyrum, patriarche de l'Église,
furent brutalement tués et devinrent martyrs de la vérité
à Carthage, en Illinois, le 27 juin 1844. Mais le Seigneur en
suscita d'autres pour leur succéder ; et le monde a
appris en partie et saura un jour, sans qu'il puisse subsister le
moindre doute, que l'Église si miraculeusement établie
dans les derniers jours n'est pas l'Église de Joseph Smith, ni
d'aucun autre homme, mais en vérité, littéralement
l'Église de Jésus-Christ. Le Seigneur a continué
à révéler sa volonté par des prophètes,
voyants et révélateurs qu'il a choisis et nommés
l'un après l'autre pour guider son peuple ; et la voix de
la révélation divine se fait entendre aujourd'hui dans
l'Église. Comme prévu dans son plan et sa constitution
révélés, l'Église est bénie par le
ministère de prophètes, apôtres, grands prêtres,
patriarches, soixante-dix, anciens, évêques, prêtres,
instructeurs et diacres [23]. Les dons spirituels et les
bénédictions d'autrefois sont de nouveau accordés
en grande abondance [24]. De nouvelles Écritures,
destinées avant tout à présenter les devoirs et
les développements courants des desseins de Dieu, mais qui
rendent cependant lumineuses et claires dans leur simplicité
les Écritures d'autrefois, ont été données
au monde par la voie de la prêtrise rétablie, et
d'autres Écritures seront encore données. Les membres
de l'Église proclament à l'unisson :
« Nous
croyons tout ce que Dieu a révélé, tout ce qu'il
révèle maintenant, et nous croyons qu'il révélera
encore beaucoup de choses grandes et importantes concernant le
royaume de Dieu. » [25]
Le
rassemblement d'Israël prédit depuis sa longue dispersion
est en voie d'accomplissement en vertu de l'autorité donnée
par le Seigneur par l'intermédiaire de Moïse. La
« montagne de la Maison de l'Éternel »
est déjà établie au sommet des collines, et tous
les peuples y accourent, tandis que les anciens de l'Église
vont parmi les nations, disant : « Venez, et montons
à la montagne de l'Éternel, à la Maison du Dieu
de Jacob, afin qu'il nous instruise de ses voies, et que nous
marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, et de
Jérusalem la parole de l'Éternel » [26]
Dans
les temples sacrés, les vivants officient par procuration en
faveur des morts, et le cœur des enfants mortels se tourne avec
un souci affectueux vers les ancêtres décédés,
tandis que les multitudes désincarnées prient pour le
succès de leur postérité qui se trouve encore
dans la chair, dans son œuvre de salut [27]. L'Évangile
sauveur est gratuitement offert à tous, car c'est ce que son
Auteur a commandé. Par le moyen de la presse et par le
ministère personnel d'hommes investis de la sainte prêtrise
que l'Église envoie par milliers, l'Évangile du royaume
est prêché aujourd'hui dans le monde entier. Lorsque ce
témoignage sera complètement rendu dans les nations,
« alors viendra la fin », et les nations
« verront le Fils de l'Homme venant sur les nuées
du ciel avec puissance et une grande gloire » [28].
[1]
PGP, Joseph Smith, Histoire 2:5-26 et History of the Church of Jesus
Christ of
Latter-day
Saints, vol. 1, p. 2-8.
[2]
Ep 1:9, 10. Note 1, fin du chapitre.
[3]
Voir chap. 11, notes ; voir également note 5, fin du
chapitre.
[4]
On trouvera des exemples plus anciens aux chap. 10, 23 et 39.
[5]
PGP, Joseph Smith, Histoire 2:29-54, 59 et History of the Church,
vol. 1, p. 10-16, 18.
[6]
PGP, Joseph Smith 2:28.
[7]
PGP, Joseph Smith, Histoire 2:36-41 et History of the Church, vol. 1,
p. 12, 13.
[8]
Voir LM, Morm 6:6, Moro 10:2.
[9]
PGP, Joseph Smith, Histoire 2:68, 69, D&A 13 ; History of
the Church, vol. 1, p. 39.
[10]
Notes 2 et 6, fin du chapitre.
[11]
D&A 27:8, 12, 13 (et Éph. 1:10, ndlr).
[12]
D&A 20.
[13]
D&A 20:2, 3 ; cf. 21:11 ; voir aussi History of the
Church, vol. 1, p. 40, 41. Note 3, fin du chapitre.
[14]
D&A, sections 5, 6, 8, 10-12, 14-20.
[15]
D&A 18:27, 31-36 ; 20:38-44, 84:63, 64 ; 95:4 ;
107:23-25 ; 112:1, 14, 21 ; 118 ; 124:127-130.
[16]
Ap 14:6, 7.
[17]
Voir D&A et History of the Church.
[18]
D&A 76:11-24 et History of the Church sous la date spécifiée.
[19]
Voir D&A 76:25-119 et Les Articles de Foi, p. 115 et 493-499.
[20]
Voir La Maison du Seigneur, pages 94-101.
[21]
D&A 110:1-10 et History of the Church sous la date spécifiée.
Note 4, fin du chapitre.
[22]
D&A 110:11-16. Nombre 5, fin du chapitre.
[23]
Voir « Plan du gouvernement de l'Église rétablie »,
dans Les Articles de Foi, pp, 251-262.
[24]
Voir « Les dons spirituels » dans Les Articles
de Foi, chap. 12.
[25]
Neuvième article de foi de l'Église de Jésus-Christ
des saints des derniers jours.
[26]
Es 2:2, 3: cf. Mi 4:1, 2 ; voir aussi D&A 29:8.
[27]
Voir La Maison du Seigneur, p. 51-89.
[28]
PGP, Joseph Smith, 1:31, 36 ; cf. Mt 24:14, 30.
NOTES
DU CHAPITRE 41
1.
La dispensation de la plénitude des temps (expression tirée
de Éphésiens 1:10 dans la version du roi Jacques,
ndlr) : « Or, ce qu'il faut savoir, c'est ce que veut
dire la plénitude des temps ou son étendue et son
autorité. Cela veut dire que la dispensation de la plénitude
des temps est constituée par toutes les dispensations de
l'Évangile qui ont jamais été données,
depuis le commencement du monde jusqu'à présent. C'est
à Adam, le tout premier, que fut donnée une
dispensation de l'Évangile. Il est bien connu que Dieu en
personne lui parla dans le jardin et lui donna la promesse que le
Messie viendrait. À Noé également une
dispensation de l'Évangile fut donnée, car Jésus
dit : « Ce qui arriva du temps de Noé arrivera
de même à l'avènement du Fils de l'homme »,
et de même que les justes furent sauvés à ce
moment-là et les méchants détruits, de même
en sera-t-il maintenant. Et de Noé à Abraham, et
d'Abraham à Moïse, et de Moïse à Élias,
et d'Élias à Jean-Baptiste, et de là à
Jésus-Christ, et de Jésus-Christ à Pierre,
Jacques et Jean, les apôtres ayant tous reçu leur
dispensation de l'Évangile par révélation de
Dieu pour accomplir le grand plan de la restitution dont ont parlé
tous les saints prophètes depuis le commencement du monde et
dont la fin est la dispensation de la plénitude des temps,
dans laquelle tout ce dont il a été parlé depuis
la création de la terre sera accompli » (voir
Millennial Star, vol. 16, p. 220).
2.
Limitations de la Prêtrise d'Aaron : Après avoir
conféré la moindre prêtrise ou Prêtrise
d'Aaron à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, l'ange
officiant qui, lorsqu'il était de ce monde, s'appelait
Jean-Baptiste, expliqua que l'autorité qu'il avait conférée
ne s'étendait pas à l'imposition des mains pour le don
du Saint-Esprit, cette dernière ordonnance étant une
prérogative de la prêtrise supérieure ou Prêtrise
de Melchisédek. Considérez le cas de Philippe (pas
l'apôtre), dont l'ordination lui donnait l'autorité de
baptiser, bien qu'une autorité supérieure à la
sienne fût requise pour conférer le Saint-Esprit ;
les apôtres Pierre et Jean descendirent donc en Samarie pour
officier dans le cas des convertis baptisés par Philippe (Ac
8:5,12-17 ; voir D&A 20:41, 46).
3.
La prêtrise et les offices au sein de celle-ci : Il est
important de savoir que bien que Joseph Smith et Oliver Cowdery
eussent été ordonnés au saint apostolat, et par
conséquent à une plénitude de la Prêtrise
de Melchisédek par Pierre, Jacques et Jean, il fut nécessaire
qu'ils fussent ordonnés anciens dans l'Église.
Lorsqu'ils reçurent la Prêtrise de Melchisédek
des trois anciens apôtres, il n'y avait pas d'Église de
Jésus-Christ organisée, et par conséquent, il
n'y avait pas besoin d'officiers de l'Église comme les
anciens, les prêtres, les instructeurs ou les diacres. Dès
que l'Église fut établie, des officiers y furent
choisis et ceux-ci furent ordonnés à l'office ou degré
requis de la prêtrise. En outre, le principe du consentement
commun dans la direction des affaires de l'Église fut observé
dans ce premier acte des membres en ce qu'ils votèrent pour
soutenir les hommes nommés à des postes officiels et a
continué à être la règle de l'Église
à ce jour. Il convient de faire remarquer, en outre, qu'en
conférant la Prêtrise d'Aaron à Joseph et à
Oliver, Jean-Baptiste ne les ordonna pas à l'office de prêtre,
d'instructeur ou de diacre. Ces trois offices font partie de la
Prêtrise d'Aaron, comme les offices d'ancien, de soixante-dix,
de grand prêtre, etc., de la Prêtrise de Melchisédek
(lire D&A 20:38-67, Les Articles de Foi, chap. 11).
4.
Temples modernes : La promesse que le Seigneur donna
gracieusement dans le temple de Kirtland - qu'il apparaîtrait à
ses serviteurs à des époques alors à venir et
qu'il leur parlerait de sa propre voix, à condition que le
peuple gardât ses commandements et ne souillât point
cette maison sacrée - n'a été nullement abrogée
ni perdue lorsque les saints ont été obligés de
quitter le temple de Kirtland. Le peuple fut obligé de fuir
les persécutions de la foule, mais il se hâta d'ériger
un autre sanctuaire encore plus splendide à Nauvoo (Illinois)
et en fut de nouveau dépossédé par des foules
sans loi. Dans la vallée de l'Utah, l'Église a érigé
quatre temples, chacun plus imposant que le précédent,
et dans ces saintes maisons les ordonnances sacrées relatives
au salut et à l'exaltation tant des vivants que des morts se
poursuivent d'une manière ininterrompue. Les temples de notre
époque, dans l'ordre de leur achèvement et désignés
selon leur emplacement, sont ceux de Kirtland, en Ohio, Nauvoo en
Illinois, St-George, Logan, Manti et Salt Lake City en Utah, Cardston
au Canada, et Laie à Hawaï [après le décès
de l'auteur, le nombre de temples a continué de s'accroître ;
fin 2010, on en dénombrait près de 130 répartis
sur tous les continents, ndlr]. Voir La Maison du Seigneur, p.
51-198.
5.
Logique des prétentions du Christ à l'autorité :
Les preuves d'ordre et de système dans le rétablissement
de l'autorité pour officier dans les fonctions appartenant à
la prêtrise sont frappantes et prouvent que les ordinations
effectuées sur terre par l'autorité continuent à
être valides au-delà du tombeau. Les clefs de l'Ordre
aaronique, comprenant l'autorité de baptiser pour la rémission
des péchés, furent apportées par Jean-Baptiste,
qui avait été spécialement chargé de
mission dans cet ordre de la prêtrise à l'époque
du Christ. L'apostolat, comprenant toute l'autorité inhérente
à la Prêtrise de Melchisédek, fut rétabli
par les apôtres présidents d'autrefois, Pierre, Jacques
et Jean. Puis comme on l'a vu, Moïse conféra l'autorité
de poursuivre l'œuvre de rassemblement, et Élie qui,
n'ayant pas goûté de la mort, avait des relations
uniques, tant avec les vivants qu'avec les morts, remit l'autorité
du ministère par procuration pour les décédés.
À ces nominations faites par l'autorité céleste,
il faut ajouter celle qui fut donnée par Élias, lequel
apparut à Joseph Smith et à Oliver Cowdery, et « remit
la dispensation de l'Évangile d'Abraham ». Il est
donc évident que les prétentions de l'Église
dans le domaine de son autorité sont complètes et
logiques quant à la source de l'autorité qu'elle
professe et des voies par lesquelles elles ont été
rendues à la terre. Les Écritures et la révélation,
tant anciennes que modernes, soutiennent comme une loi inaltérable
le principe que nul ne peut déléguer à quelqu'un
d'autre une autorité que le donateur ne possède pas.
6.
Cessation du ministère de Melchisédek dans les temps
anciens : La prêtrise supérieure ou Prêtrise
de Melchisédek fut détenue par les patriarches, d'Adam
à Moïse. Aaron fut ordonné à l'office de
prêtre, comme le furent ses fils ; mais il est montré
abondamment que Moïse détenait une autorité
supérieure (Nb 12:1-8). Après la mort d'Aaron, son fils
Éléazar officia avec l'autorité de la moindre
prêtrise, et même Josué dut prendre ses ordres et
se soumettre à son autorité (Nb 27:18-23). Du ministère
de Moïse à celui de Jésus-Christ, seule la moindre
prêtrise opéra sur la terre, sauf dans les cas où
l'autorité de l'ordre supérieur fut spécialement
déléguée, comme cela apparaît dans le
ministère de certains prophètes élus, Ésaïe,
Jérémie, Ézéchiel et d'autres. Il est
évident que ces prophètes, voyants et révélateurs
furent revêtus individuellement et spécialement
d'autorité ; mais il semble qu'il n'aient pas eu
l'autorité d'appeler et d'ordonner des successeurs, car de
leur temps la prêtrise supérieure n'existait pas sur la
terre dans un état organisé et avec des collèges
dûment formés. Il n'en allait cependant pas de même
dans la Prêtrise d'Aaron et la prêtrise lévitique.
Cette question est particulièrement bien expliquée dans
la révélation des derniers jours (voir D&A
84:23-28 ; lire la section entière ainsi que La Maison du
Seigneur, p. 199-203).
CHAPITRE
42 : JÉSUS LE CHRIST REVIENDRA
LE
SECOND AVÈNEMENT DU SEIGNEUR EST PRÉDIT DANS LES
ÉCRITURES ANCIENNES
« Vous
Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder
au ciel ? Ce Jésus, qui a été enlevé
au ciel du milieu de vous, reviendra de la même manière
dont vous l'avez vu aller au ciel » [1]. Ainsi
parlèrent les anges vêtus de blanc aux onze apôtres
tandis que le Christ ressuscité montait du milieu d'eux sur le
mont des Oliviers. Les Écritures abondent en prédictions
sur le retour du Seigneur.
Par
« second avènement » nous entendons, non
pas l'apparition du Fils de Dieu à un petit nombre, comme ce
fut le cas pour sa visite à Saul de Tarse, à Joseph
Smith en 1820 et de nouveau dans le temple de Kirtland en 1836, ni
pour les manifestations ultérieures à ces serviteurs
dignes comme cela a été promis avec précision [2],
mais sa venue encore future en puissance et avec grande gloire,
accompagnée par des armées d'êtres ressuscités
et glorifiés pour juger la terre et commencer un règne
de justice. Les prophètes de l'ancien et du nouveau monde, qui
vivaient avant le midi des temps, ont parlé relativement peu
du deuxième avènement du Seigneur ; leur âme
était trop pleine du plan miséricordieux de rédemption
qui devait se réaliser lors de la naissance du Sauveur dans la
mortalité pour qu'ils s'attardassent à la réalisation
encore plus lointaine prévue pour les derniers jours.
Cependant il fut permis à certains d'entre eux d'avoir la
vision de l'accomplissement des desseins divins jusqu'à la fin
des temps ; et ceux-ci témoignèrent, avec une
ferveur sans pareille, de la venue glorieuse du Christ à
l'époque de la dernière dispensation de l'Évangile.
Énoch, le septième après Adam, prophétisa
en disant : « Voici que le Seigneur est venu avec ses
saintes myriades, pour exercer le jugement contre tous. [3] »
Dans un récit plus étendu des révélations
du Seigneur à Énoch que celui que l'on trouve dans la
Bible, nous lisons que lorsque ce prophète juste eut vu les
scènes de l'histoire d'Israël jusqu'à la mort, la
résurrection et l'ascension de Jésus-Christ et au-delà,
il supplia Dieu en ces termes : « Ne reviendras-tu
plus sur la terre ? » Le Seigneur dit alors à
Énoch : « Comme
je vis, je viendrai dans les derniers jours, dans les jours de
méchanceté et de vengeance, pour accomplir le serment
que je t'ai fait concernant les enfants de Noé...
Énoch vit le jour de la
venue du Fils de l'Homme, dans les derniers jours, pour demeurer en
justice sur la terre pendant mille ans » [4].
Ésaïe, contemplant avec ravissement le triomphe final de
la justice, s'exclama : « Dites à ceux dont le
cœur palpite : Fortifiez-vous, soyez sans crainte ;
voici votre Dieu, la vengeance viendra, la rétribution de
Dieu ; il viendra lui-même et vous sauvera » et
encore : « Voici mon Seigneur, l'Éternel, il
vient avec puissance, et son bras lui assure la domination ;
voici qu'il a son salaire et que ses rétributions le
précèdent »[5]. Les conditions spécifiées
ne se réalisèrent pas lors de la vie terrestre du
Rédempteur ; en outre, le contexte montre clairement que
les paroles du prophète ne peuvent s'appliquer qu'aux derniers
jours : époque des rachetés du Seigneur, moment de
la restitution et du triomphe de Sion.
De
toutes les Écritures bibliques relatives à notre sujet,
ce sont les paroles que le Christ prononça lui-même
pendant son ministère terrestre qui sont les plus directes et
les plus certaines. Nous avons déjà examiné un
grand nombre d'entre elles dans le récit de la vie du
Sauveur ; celles qui suivent suffiront à notre propos
présent. « Car le Fils de l'homme va venir dans la
gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à
chacun selon sa manière d'agir » [6]. Il
proclama aux apôtres et au peuple en général :
« En effet quiconque aura honte de moi et de mes paroles
au milieu de cette génération adultère et
pécheresse, le Fils de l'homme aussi aura honte de lui, quand
il viendra dans la gloire de son Père avec les saints
anges » [7]. Lorsqu'il était ligoté,
prisonnier devant l'orgueilleux Caïphe, Jésus répondit
à l'adjuration illégale du souverain sacrificateur
corrompu en affirmant : « Je vous le déclare,
vous verrez désormais le Fils de l'homme assis à la
droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel. » [8]
Les
apôtres avaient été tellement frappés par
l'assurance du Maître qu'il reviendrait sur la terre avec
puissance et gloire, qu'ils l'interrogèrent avidement sur le
temps et les signes de sa venue [9]. Il déclara
explicitement, bien qu'ils ne pussent le comprendre à
l'époque, que beaucoup de grands événements se
produiraient entre son départ et son retour, entre autres la
longue période de ténèbres provoquées par
l'apostasie [10]. Mais Jésus ne laissa pas l'ombre d'un
doute dans l'esprit des apôtres quant à la certitude de
son avènement en gloire, comme Juge, Seigneur et Roi. Après
l'ascension, pendant toute la durée du ministère
apostolique, la venue future du Seigneur fut prêchée
avec une vive ardeur [11].
Les
prophéties du Livre de Mormon relatives à l'avènement
du Seigneur dans les derniers jours sont précises et nettes.
Lorsqu'il apparut aux Néphites sur le continent américain,
peu après son ascension depuis le mont des Oliviers, le Christ
prêcha l'Évangile aux multitudes assemblées ;
« et il expliqua
tout depuis le commencement jusqu'au moment où il viendrait
dans sa gloire » et les
événements qui suivraient, « jusqu'au grand
et dernier jour » [12]. En accédant au désir
des trois disciples néphites de poursuivre leur ministère
dans la chair pendant toutes les générations à
venir, le Seigneur leur dit :
« Vous
vivrez pour voir toutes les actions du Père envers les enfants
des hommes jusqu'à ce que tout soit accompli selon la volonté
du Père, lorsque je viendrai dans ma gloire avec les
puissances du ciel. Et vous ne subirez jamais les souffrances de la
mort ; mais lorsque je viendrai dans ma gloire, vous serez
changés en un clin d'œil de la mortalité à
l'immortalité ; et alors, vous serez bénis dans le
royaume de mon Père. » [13]
LA
VENUE DU SEIGNEUR PROCLAMÉE DANS LA RÉVÉLATION
MODERNE
Le
Seigneur, à de multiples reprises, a fait entendre sa parole à
l'Église de Jésus-Christ, rétablie à
notre époque, déclarant la réalité de son
deuxième avènement et la proximité de cet
événement merveilleux quoique terrible. Quelques
semaines seulement après l'organisation de l'Église, la
voix de Jésus-Christ se fit entendre, exhortant les anciens à
la vigilance et proclamant ce qui suit :
« Car
l'heure est proche et le jour sera bientôt là, où
la terre sera mûre ; tous les orgueilleux et ceux qui
pratiquent la méchanceté seront comme du chaume ;
et je les brûlerai, dit le Seigneur des armées, pour que
la méchanceté ne soit plus sur la terre. Car l'heure
est proche, et ce qui a été dit par mes apôtres
doit s'accomplir, car cela arrivera comme ils l'ont dit. Car je me
révélerai du haut du ciel, avec toutes ses armées,
avec puissance et une grande gloire, et je demeurerai pendant mille
ans dans la justice avec les hommes sur la terre, et les méchants
ne subsisteront pas. » [14]
Le
mois suivant, le Seigneur donna des instructions à certains
anciens, terminant par ces mots lourds de sens :
« C'est
pourquoi, soyez fidèles, priant toujours, tenant votre lampe
prête et allumée et ayant de l'huile avec vous afin
d'être prêts au moment de la venue de l'Époux ;
car voici, en vérité, en vérité, je vous
dis que je viens rapidement. J'ai dit. Amen. » [15]
Nous
lisons encore dans une révélation ultérieure :
« Et
tu es béni parce que tu as cru ; et tu es béni
davantage parce que je t'appelle à prêcher mon Évangile,
à élever la voix comme avec le son d'une trompette,
longtemps et avec force, pour appeler au repentir une génération
perverse et corrompue, préparant le chemin du Seigneur pour sa
seconde venue. Car voici, en vérité, en vérité,
je te le dis, le temps est proche où je viendrai dans une nuée
avec puissance et une grande gloire. Et ce sera un grand jour que le
moment de ma venue, car toutes les nations trembleront. » [16]
Le
Seigneur Jésus adressa à son Église en mars 1831
une révélation générale, dans laquelle il
expliquait les prédictions qu'il avait faites précédemment
aux Douze peu avant d'être trahi, et où il réitérait
l'assurance qu'il viendrait en gloire :
« Vous
regardez, vous voyez les figuiers, vous les voyez de vos yeux, et
vous dites, lorsqu'ils commencent à bourgeonner et que leurs
feuilles sont encore tendres, que l'été est maintenant
proche. Il en sera de même en ce jour-là, lorsqu'ils
verront toutes ces choses : ils sauront alors que l'heure est
proche. Et il arrivera que celui qui me craint s'attendra à la
venue du grand jour du Seigneur, oui, aux signes de la venue du Fils
de l'Homme. Et ils verront des signes et des prodiges, car ceux-ci se
montreront dans les cieux en haut et sur la terre en bas. Et ils
verront du sang, du feu et des vapeurs de fumée. Et avant que
le jour du Seigneur n'arrive, le soleil sera obscurci, la lune sera
changée en sang, et les étoiles tomberont du ciel. Et
le reste sera rassemblé vers ce lieu. Alors ils me
chercheront, et voici, je viendrai; ils me verront dans les nuées
du ciel, revêtu de puissance et d'une grande gloire, avec tous
les saints anges, et celui qui ne veillera pas pour me recevoir sera
retranché. » [17]
La
fin est si proche que la période qui nous sépare d'elle
est appelée « aujourd'hui » ;
appliquant cette désignation de temps en 1831, le Seigneur
dit :
« Voici,
le temps qui nous sépare de la venue du Fils de l'Homme
s'appelle aujourd'hui, et en vérité, c'est un jour de
sacrifice, et un jour où mon peuple doit être dîmé,
car celui qui est dîmé ne sera pas brûlé à
sa venue ; car après aujourd'hui vient le feu - pour
parler à la manière du Seigneur - car en vérité,
je le dis, demain tous les hautains et tous les méchants
seront comme du chaume ; et je les embraserai, car je suis le
Seigneur des armées; et je n'épargnerai aucun de ceux
qui restent à Babylone. C'est pourquoi, si vous me croyez,
vous travaillerez tant que c'est aujourd'hui. » [18]
LE
MOMENT ET LES CIRCONSTANCES DE LA VENUE DU SEIGNEUR
La
date de l'avènement futur du Christ n'a jamais été
révélée à l'homme. Quand les apôtres
qui œuvraient avec le Maître lui posèrent la
question, il dit : « Pour ce qui est du jour et de
l'heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le
Fils, mais le Père seul » [19]. À
l'époque actuelle, le Père a fait une déclaration
semblable : « Moi,
le Seigneur Dieu, je l'ai dit ; mais l'heure et le jour, nul ne
les connaît, ni les anges dans le ciel, et ils ne le sauront
pas avant qu'il ne vienne » [20].
Ce n'est qu'en veillant et en priant que l'on pourra interpréter
correctement les signes des temps et que l'on pourra percevoir
l'imminence de l'apparition du Seigneur. Pour les insouciants et les
méchants, cet événement sera aussi soudain et
inattendu que la venue d'un voleur dans la nuit [21].
Mais
nous ne sommes pas sans avoir des renseignements précis quant
aux signes qui précéderont. Les prophéties
bibliques relatives à ce sujet, nous les avons examinées
précédemment [22]. Comme les Écritures
ultérieures l'affirment : « Mais
avant que le grand jour du Seigneur vienne, Jacob s'épanouira
dans le désert, et les Lamanites fleuriront comme une rose.
Sion s'épanouira sur les collines et se réjouira sur
les montagnes, et sera rassemblée vers le lieu que j'ai
désigné » [23].
La guerre deviendra si générale que tous ceux qui ne
voudront pas prendre les armes contre leur prochain seront dans la
nécessité de fuir au pays de Sion pour y trouver le
salut [24]. Éphraïm s'assemblera en Sion sur le
continent américain, et Juda sera de nouveau établi en
Orient, et les villes de Sion et de Jérusalem seront les
capitales de l'empire mondial sur lequel le Messie régnera
avec une autorité que nul ne pourra lui disputer. Les tribus
perdues seront ramenées de l'endroit où Dieu les a
cachées au cours des siècles et recevront des mains
d'Éphraïm les bénédictions qui leur ont
longtemps été refusées. Le peuple d'Israël
sortira de sa dispersion [25].
S'adressant
aux anciens de son Église en 1832, le Seigneur souligna
vivement qu'il était de nécessité impérieuse
qu'ils fissent preuve d'une diligence dévouée, et dit :
« Demeurez
dans la liberté par laquelle vous êtes rendus libres ;
ne vous empêtrez pas dans le péché, mais que vos
mains soient pures jusqu'à ce que le Seigneur vienne. Car il
ne se passera pas beaucoup de jours que la terre ne tremble et ne
titube comme un homme ivre, que le soleil ne se cache la face et ne
refuse de donner de la lumière, que la lune ne soit baignée
de sang, que les étoiles ne se mettent dans une colère
extrême et ne se jettent en bas comme une figue qui tombe du
figuier. Et après votre témoignage viennent la colère
et l'indignation sur le peuple. Car après votre témoignage
vient le témoignage des tremblements de terre, lesquels
causeront des gémissements en son sein, et les hommes
tomberont sur le sol et ne seront pas capables de rester debout.
Viendra aussi le témoignage de la voix des tonnerres, de la
voix des éclairs, de la voix des tempêtes et de la voix
des vagues de la mer se soulevant au-delà de leurs limites. Et
tout sera en tumulte, et assurément le cœur des hommes
leur manquera, car la crainte s'abattra sur tous les peuples. Des
anges voleront par le milieu du ciel, criant d'une voix forte,
sonnant de la trompette de Dieu, disant : Préparez-vous,
préparez-vous, ô habitants de la terre ; car le
jugement de notre Dieu est venu. Voici, l'Époux vient, sortez
à sa rencontre. » [26]
L'une
des caractéristiques de la révélation actuelle
c'est qu'elle répète le fait que l'événement
est proche, « même à la porte ».
L'époque fatidique est appelée à plusieurs
reprises dans les Écritures : le « jour du
Seigneur, jour grand et redoutable » [27]. Il sera en
effet redoutable pour les personnes, les familles et les nations qui
se sont enfoncées à ce point dans le péché
qu'elles ont perdu tout droit à la miséricorde. Ce
moment-là ne sera pas celui du jugement final - où le
genre humain tout entier se tiendra dans l'état ressuscité
devant la barre de Dieu - néanmoins ce sera une époque
de bénédictions sans précédent pour les
justes et de condamnation et de vengeance contre les méchants [28].
Avec le Christ viendront ceux qui ont déjà été
ressuscités, et son approche marquera le début d'une
résurrection générale des justes qui sont morts,
tandis que les purs et les justes qui sont encore dans la chair
seront instantanément changés de l'état mortel à
l'état d'immortalité et seront enlevés avec les
morts nouvellement ressuscités pour aller à la
rencontre du Seigneur et de sa compagnie céleste, et
descendront avec lui. C'est dans ce sens que Paul prophétisa :
« (nous croyons aussi que) Dieu ramènera aussi par
Jésus, et avec lui, ceux qui se sont endormis... Car le
Seigneur lui-même, à un signal donné, à la
voix d'un archange, au son de la trompette de Dieu, descendra du
ciel, et les morts en Christ ressusciteront en premier lieu. Ensuite,
nous les vivants, qui serons restés, nous serons enlevés
ensemble avec eux dans les nuées, à la rencontre du
Seigneur dans les airs » [29]. Comparez la promesse
faite aux trois Néphites : « Et
vous ne subirez jamais les souffrances de la mort ; mais lorsque
je viendrai dans ma gloire, vous serez changés en un clin
d'œil de la mortalité à l'immortalité » [30].
En ce qui concerne les gloires extrêmes qui attendent les
justes lorsque le Seigneur viendra, nous en avons reçu
aujourd'hui une description partielle comme suit : « Et
la face du Seigneur sera dévoilée. Et les saints qui
seront sur la terre, qui seront vivants, seront vivifiés et
enlevés à sa rencontre » [31].
Les nations païennes seront rachetées et prendront part à
la première résurrection [32].
AVÈNEMENT
DU ROYAUME DES CIEUX
La
venue du Christ dans les derniers jours, accompagné par les
apôtres d'autrefois [33] et par les saints ressuscités,
marquera l'établissement du royaume des cieux sur la terre.
Les apôtres fidèles qui étaient avec Jésus
dans son ministère terrestre doivent être couronnés
juges de toute la maison d'Israël [34] ; ils jugeront
les Douze néphites qui, à leur tour, auront le pouvoir
de juger les descendants de Léhi, ou cette branche de la
nation israélite qui fut établie sur le continent
américain [35].
Les
expressions « royaume de Dieu » et « royaume
des cieux » sont utilisées l'une pour l'autre dans
la Bible ; cependant les révélations ultérieures
donnent à chacune un sens distinct. Le royaume de Dieu est
l'Église établie par l'autorité divine sur la
terre ; cette institution n'élève aucune
prétention à gouverner temporellement les nations ;
son sceptre est celui de la sainte prêtrise, qu'elle doit
utiliser dans la prédication de l'Évangile et dans
l'administration de ses ordonnances pour le salut de l'humanité,
vivante et morte. Le royaume des cieux est le système
divinement institué de gouvernement et de domination dans tous
les domaines, temporels et spirituels ; il sera établi
sur la terre lorsque son chef légitime, le Roi des rois, jésus
le Christ, viendra régner. Son administration sera un règne
d'ordre, fonctionnant par l'entremise des représentants qu'il
a nommés, investis de la sainte prêtrise. Ce n'est que
lorsque le Christ paraîtra dans sa gloire que sera réalisé
l'accomplissement total de cette supplication : « Que
ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la
terre comme au ciel. »
Le
royaume de Dieu a été établi parmi les hommes
pour les préparer au royaume des cieux qui viendra ; et
c'est lors du règne béni du Christ, le Roi, que les
deux royaumes seront unifiés. Le rapport qui existe entre eux
a été révélé à l'Église
de la manière suivante :
« Écoutez,
et voici, une voix, semblable à celle de quelqu'un envoyé
d'en haut, qui est puissant et fort, qui va jusqu'aux extrémités
de la terre, oui, dont la voix dit aux hommes : Préparez
le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. Les clefs du royaume
de Dieu sont remises à l'homme sur la terre, et c'est de là
que l'Évangile roulera jusqu'aux extrémités de
la terre, comme la pierre, détachée de la montagne sans
le secours d'aucune main, roulera jusqu'à remplir toute la
terre. Oui, une voix qui crie : Préparez le chemin du
Seigneur, préparez le souper de l'Agneau, préparez-vous
pour l'Époux. Priez le Seigneur, invoquez son saint nom,
faites connaître ses œuvres merveilleuses parmi le
peuple. Invoquez le Seigneur pour que son royaume aille de l'avant
sur la terre, pour que les habitants de la terre le reçoivent
et soient préparés pour les jours à venir, où
le Fils de l'Homme descendra dans les cieux, revêtu de l'éclat
de sa gloire, à la rencontre du royaume de Dieu qui est établi
sur la terre. C'est pourquoi, que le royaume de Dieu aille de l'avant
afin que le royaume des cieux puisse venir, afin que toi, ô
Dieu, tu sois glorifié sur terre comme au ciel, afin que tes
ennemis soient soumis ; car c'est à toi qu'appartiennent
l'honneur, la puissance et la gloire, pour toujours et à
jamais. Amen. » [36]
LE
MILLÉNIUM
L'instauration
du règne du Christ sur la terre marquera le commencement d'une
période qui, sous de nombreux rapports, se distinguera de
toutes les époques antérieures et ultérieures ;
alors le Seigneur régnera mille ans avec son peuple. Pendant
tout ce millénium, le gouvernement des individus, des
communautés et des nations sera une théocratie
parfaite, avec Jésus le Christ pour Seigneur et Roi. Les
méchants du genre humain auront été détruits,
et pendant cette période, Satan sera lié « afin
qu'il ne séduise plus les nations, jusqu'à ce que les
mille ans soient accomplis », tandis que les justes
partageront avec le Christ un gouvernement et une domination
parfaits. Les justes qui sont morts seront sortis de leur tombeau,
tandis que les méchants resteront sans ressusciter jusqu'à
ce que les mille ans soient écoulés [37]. Les
hommes qui seront encore dans la chair se mêleront à des
êtres immortalisés ; les enfants grandiront jusqu'à
la maturité et puis mourront en paix ou seront changés
à l'immortalité « en un clin d'œil » [38].
Il y aura un sursis d'inimitié entre l'homme et la bête ;
le venin des serpents et la férocité de la création
brutale disparaîtront, et l'amour sera la puissance de contrôle
dominante. Parmi les toutes premières révélations
sur ce sujet, il y a celle qui fut faite à Énoch dans
laquelle fut donnée comme suit l'assurance que ce prophète
et son peuple juste reviendraient avec le Christ dans les derniers
jours :
« Et
le Seigneur dit à Énoch : Alors tu les y
rencontreras, toi et toute ta ville ; et nous les recevrons dans
notre sein, et ils nous verront ; et nous nous jetterons à
leur cou, et ils se jetteront à notre cou, et nous nous
embrasserons les uns les autres. Et là sera ma demeure, et ce
sera Sion, qui sortira de toutes les créations que j'ai
faites. Et la terre se reposera pendant mille ans. Et il arriva
qu'Énoch vit le jour de la venue du Fils de l'Homme, dans les
derniers jours, pour demeurer en justice sur la terre pendant mille
ans. » [39]
À
notre époque, le Seigneur a parlé comme suit, exigeant
que l'on se prépare pour l'époque millénaire, et
en décrivant partiellement les gloires :
« Et
se préparent pour la révélation qui va venir,
lorsque le voile qui couvre mon temple, dans mon tabernacle, qui
cache la terre, sera enlevé et que toute chair à la
fois me verra, et où tout ce qui est corruptible, tant
dans l'homme que dans les bêtes des champs, les oiseaux des
cieux ou les poissons de la mer, et qui demeure sur toute la surface
de la terre, sera consumé, et où tout ce qui est
corruptible dans l'élément embrasé se dissoudra
et où toutes choses deviendront nouvelles afin que ma
connaissance et ma gloire demeurent sur toute la terre. Ce jour-là,
l'inimitié de l'homme et l'inimitié des bêtes,
oui, l'inimitié de toute chair cessera devant ma face. Ce
jour-là, tout ce que l'homme demandera lui sera donné.
Ce jour-là, Satan n'aura plus le pouvoir de tenter personne.
Et il n'y aura pas de tristesse, parce qu'il n'y aura pas de mort. Ce
jour-là, le nourrisson ne mourra pas avant d'être vieux,
et sa vie sera comme l'âge d'un arbre ; et lorsqu'il
mourra, il ne dormira pas, c'est-à-dire, dans la terre, mais
sera changé en un clin d'œil et sera enlevé, et
son repos sera glorieux. Oui, en vérité, je vous le
dis, ce jour-là où le Seigneur viendra, il révélera
tout. » [40]
Le
millénium doit précéder l'époque désignée
par l'expression scripturaire « la fin du monde ».
Lorsque les mille ans seront écoulés, Satan sera libéré
pour un peu de temps, alors viendra la mise à l'épreuve
finale de l'intégrité de l'homme vis-à-vis de
Dieu. Ceux qui sont enclins à l'impureté du cœur
céderont à la tentation tandis que les justes
persévéreront jusqu'à la fin [41]. Une
révélation dans ce sens fut donnée à
l'Église en 1831, disant entre autres :
« Car
le grand millénium dont j'ai parlé par la bouche de mes
serviteurs viendra. Car Satan sera lié, et lorsqu'il sera de
nouveau délié, il ne régnera que pour un peu de
temps, et alors viendra la fin de la terre. Et celui qui vit dans la
justice sera changé en un clin d'œil, et la terre
passera comme par le feu. Et les méchants s'en iront dans un
feu qui ne s'éteint pas, et nul homme sur terre ne connaît
leur fin ni ne la connaîtra jamais, jusqu'à ce qu'ils
viennent devant moi en jugement. Écoutez ces paroles. Voici,
je suis Jésus-Christ, le Sauveur du monde. Amassez toutes ces
choses dans votre cœur, et que la gravité de l'éternité
repose sur votre esprit. » [42]
LA
FIN CÉLESTE
La
défaite de Satan et de ses armées sera complète.
Les morts, petits et grands, tous ceux qui ont eu le souffle de la
vie sur la terre, seront ressuscités - toutes les âmes
qui ont eu un tabernacle de chair, qu'elles aient été
bonnes ou mauvaises - et se tiendront devant Dieu, pour être
jugées selon ce qui est écrit dans les livres [43].
C'est ainsi que la mission du Christ sera menée à une
fin glorieuse. « Ensuite viendra la fin, quand il remettra
le royaume à celui qui est Dieu et Père, après
avoir aboli toute principauté, tout pouvoir et toute
puissance. Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il ait
mis tous les ennemis sous ses pieds » [44]. Alors le
Seigneur Jésus « remettra
le royaume et le présentera sans tache au Père, disant:
J'ai vaincu et j'ai été seul à fouler au
pressoir, oui, au pressoir de la colère ardente du Dieu
Tout-Puissant. Alors, il sera couronné de la couronne de sa
gloire pour s'asseoir sur le trône de son pouvoir, pour régner
pour toujours et à jamais » [45].
La terre passera à son état glorifié et
célestialisé, demeure éternelle pour les fils et
les filles exaltés de Dieu. Ils régneront
éternellement, rois et prêtres du Très-Haut,
rachetés, sanctifiés et exaltés par leur
Seigneur et Dieu.
[1]
Ac 1:11.
[2]
Chap. 38 et 41 ; voir aussi D&A 110:8 ; cf. 36:8,
42:36, 97:15,16, 109:5, 124:27, 133:2.
[3]
Jude 14, 15 ; cf. Gn 5:18 ; voir aussi la référence
suivante.
[4]
PGP, Moïse 7:59, 60, 65. Note 1, fin du chapitre.
[5]
Es 35:4 ; voir aussi Ps 50:3 ; Ml 3:1 ; 4:5, 6 ;
chap. 11 du présent ouvrage, note 1.
[6]
Mt 16:27.
[7]
Mc 8:38 ; cf. Lc 9:26.
[8]
Mt 26:64.
[9]
Mt 24:3 ; Mc 13:26 ; Lc 21:7 ; Ac 1:6 ; cf. chap.
11 du
présent ouvrage,
notes.
[10]
Mt 24 ; voir chapitres 32 et 40 supra.
[11]
Voir Ac 3:20, 21 ; 1 Co 4:5, 11:26 ; Ph 3:20 ; 1 Th
1:10, 2:19, 3:13, 4:15-18 ; 2 Th 2:1, 8 ; 1 Tm 6:14,15 ;
Tt 2:13 ; Jc 5:7, 8 ; 1 P 1:5-7, 4:13 ; 1 Jn 2:28,
3:2 ; Jude 14, etc.
[12]
LM, 3 Né 26:3, 4.
[13]
LM, 3 Né 28:7, 8 ; voir aussi 29:2.
[14]
D&A 29:9-11.
[15]
D&A 33:17, 18.
[16]
D&A 34:4-8.
[17]
D&A 45:37-44 ; cf. cette section avec Mt 24 et Lc 21:5-36.
Voir aussi D&A 49:23-26.
[18]
D&A 64:23-25.
[19]
Mt 24:36 ; cf. Mc 13:32 37 ;
voir chap. 32 et 37 du présent ouvrage.
[20]
D&A 49:7 ; le contexte montre que les paroles sont celles du
Père.
[21]
1 Th 5:2 ; 2 P 3:10 ; cf. Mt 24:43, 44, 25:13 ; Lc
12:39, 40 ; chap. 32 du
présent ouvrage.
[22]
Chap.
32.
[23]
D&A 49:24, 25.
[24]
D&A 45:68-71.
[25]
D&A 133:7-14, 21-35 ; Articles de Foi, chapitres 18 et 19.
[26]
D&A 88:86-92.
[27]
D&A 110:14, 16 ; cf. Jl 2:31 ; MI 4:5 ; LM, 3 Né
25:5.
[28]
D&A 29:11-17.
[29]
1 Th 4:14-17.
[30]
LM, 3 Né 28:8 ; voir chap. 39 du présent ouvrage.
[31]
D&A 88:95-98.
[32]
Note 2, fin du chapitre.
[33]
D&A 29:12.
[34]
D&A 29:12 ; cf. Mt 19:28 ; Lc 22:30 ; chap. 27 du
présent ouvrage.
[35]
LM, 3 Né 27:27 ; cf. 1 Né 12:9, 10 ; Morm
3:18, 19.
[36]
D&A 65. On trouvera un traitement plus complet de ce sujet ainsi
que de la distinction entre Église et Royaume dans Articles de
Foi, p. 444-449.
[37]
Ap 20:1-6 ; cf. D&A 43:18.
[38]
D&A 63:50-51, 101:30 ; cf. 1 Co 15:51-57.
[39]
PGP, Moïse 7:63-65.
[40]
D&A 101:23-32 ; cf. Es 65:17-25 et 11:6-9 ; voir D&A
29:11, 22, 43:30, 63:51.
[41]
Ap 20:7-15.
[42]
D&A 43:30-34. Voir aussi Articles de Foi, p. 449-452.
[43]
Ap 20:11-15.
[44]
1 Co 15:24-27.
[45]
D&A 76:107, 108.
NOTES
DU CHAPITRE 42
1.
Énoch : dont Jude dit qu'il est « le septième
depuis Adam », était le père de Métuschélah.
Dans Gn 5:24, nous lisons : « Énoch marcha
avec Dieu ; puis il ne fut plus, parce que Dieu l'enleva. »
La révélation que le Seigneur donna à Moïse
nous apprend qu'Énoch était un homme puissant, favorisé
de Dieu à cause de sa justice, et chef et révélateur
de son peuple. Par son intervention fut construite une ville dont les
habitants excellèrent à ce point dans une vie juste
qu'ils étaient d'un seul cœur et d'un seul esprit et
qu'il n'y avait pas de pauvres parmi eux. On l'appela la Ville de
Sainteté ou Sion. Le reste du genre humain était
totalement corrompu aux yeux du Seigneur. Énoch et son peuple
furent enlevés de la terre et doivent revenir avec le Christ
lors de sa venue (PGP, Moïse 7:12-21, 68, 69 ; comparez D&A
45:11, 12).
2.
Les païens dans la première résurrection :
« Alors les nations païennes seront rachetées
et ceux qui n'ont pas connu de loi auront part à la première
résurrection ; et elle sera supportable pour eux »
(D&A 45:54). Telle est la parole de Dieu en ce qui concerne ces
peuples enténébrés qui vivent et meurent dans
l'ignorance des lois de l'Évangile. Cette affirmation est
soutenue par d'autres Écritures et par l'examen des principes
de la véritable justice selon lesquels l'humanité doit
être jugée. L'homme sera tenu pour innocent ou coupable
selon ses actes tels qu'ils seront interprétés à
la lumière de la loi sous laquelle il doit vivre. Il est
contraire à notre conception d'un Dieu juste de le croire
capable d'infliger une condamnation à quiconque pour ne s'être
point conformé à une loi dont cette personne n'avait
aucune connaissance. Néanmoins, les lois de l'Évangile
ne peuvent être suspendues, même dans le cas de ceux qui
ont péché dans les ténèbres et
l'ignorance ; mais il est raisonnable de croire que le plan de
rédemption donnera à ces enténébrés
l'occasion d'apprendre les lois de Dieu ; et dès qu'ils
les auront apprises, ils devront y obéir sous peine de
châtiments (voir Articles de Foi, p. 472).
3.
Régénération de la terre : À propos
des gloires graduées et progressives prévues pour ses
créations et des lois de la régénération
et de la sanctification, le Seigneur a révélé ce
qui suit, à notre époque : « Et de
plus, en vérité, je vous le dis, la terre se conforme à
la gloire d'un royaume céleste car elle remplit la mesure de
sa création et ne transgresse pas la loi - c'est pourquoi,
elle sera sanctifiée ; oui, bien qu'elle doive mourir,
elle sera vivifiée et supportera le pouvoir qui l'aura
vivifiée et les justes en hériteront » (D&A
88:25, 26). Ce changement prévu par lequel la terre passera à
l'état d'un monde célestialisé, de nombreuses
Écritures le qualifient comme l'institution « d'un
nouveau ciel et d'une nouvelle terre » (Ap 21:1, 3, 4 ;
LM, Éther 13:9 ; D&A 29:23).