Une chose étrange dans le pays :


Le retour du livre d’Énoch


  Hugh W. Nibley




Note de la rédaction : D'octobre 1975 à août 1977, l’Ensign, magazine de l'Église, a publié, sur le livre d’Énoch, une série d’articles de Hugh W. Nibley, professeur émérite d’Écritures anciennes à l’université Brigham Young. Les premiers auteurs chrétiens connaissaient et respectaient le livre d’Énoch. Mais les érudits bibliques le négligèrent et le méprisèrent une fois l’engouement de la Réforme passé. Cependant, James Bruce, qui explora les sources du Nil en 1773, en rapporta trois exemplaires du texte éthiopien. L'auteur examine les quatre versions du livre d’Énoch. La comparaison intéressante et pénétrante du livre d’Énoch de Joseph Smith avec les quatre manuscrits, variantes de cet ouvrage antique, nous fournit une preuve de plus de l’inspiration du Prophète et de l’ampleur de sa vision dans la grande œuvre du Rétablissement.



Première partie
Deuxième partie
Troisième partie
Quatrième partie
Cinquième partie
Sixième partie
Septième partie
Huitième partie
Neuvième partie
Dixième partie
Onzième partie
Douzième partie
Treizième partie




Première partie

(Ensign, octobre 1975)



Certaines visions que reçut Moïse furent aussi révélées au Prophète Joseph Smith en juin 1830 [1]. En décembre de cette même année furent également révélés « les écrits de Moïse », qui constituent les chapitres 2 à 8 actuels du livre de Moïse (voir les chapeaux de chapitre). Leur contenu est censé être la traduction d’un livre véritable écrit à l’origine par Moïse : « Et maintenant, Moïse, mon fils, je vais te parler de cette terre sur laquelle tu te tiens, et tu écriras les choses que je vais te dire. Et le jour où les enfants des hommes mépriseront mes paroles et en retireront beaucoup du livre que tu vas écrire, voici, j’en susciterai un autre semblable à toi. Et elles seront de nouveau parmi les enfants des hommes – parmi tous ceux qui croient » (Moïse 1:40-41).

Dans ses écrits, Moïse rappelle les révélations et transmet les livres de prophètes plus anciens, selon ce texte qui comprend aussi ce que le prophète Joseph a intitulé « Extraits de la prophétie d’Énoch ». B. H. Roberts explique à ce propos : « Il doit être bien entendu… que la ‘prophétie d’Énoch’ se trouve dans ‘les écrits de Moïse’, et que dans le texte ci-dessus [Moïse, chap. 7], nous n’avons qu’un petit nombre d’extraits des parties les plus importantes de la ‘prophétie d’Énoch’ [2]. »

Ce qui fut donné à l’Église en 1830 n’était donc pas la totalité du livre d’Énoch, mais seulement « quelques extraits », un simple abrégé, mais composé, comme nous allons le voir, avec une merveilleuse habileté ; cinq ans plus tard, les saints attendaient encore de recevoir un texte plus complet : « Toutes ces choses furent écrites dans le livre d'Hénoc, et il en sera témoigné en temps voulu. » Les sections d’Énoch dans le livre de Moïse furent publiées en 1851 en Angleterre sous le titre « Extraits de la prophétie d’Énoch, contenant aussi une révélation de l’Évangile depuis notre père Adam, après qu’il fut chassé du jardin d’Éden » [3].

La révélation d’Adam remontait, elle aussi, à une source écrite, parce que le texte fait dire à Énoch, parlant de ses ancêtres, que bien qu’ils soient morts, « néanmoins, nous les connaissons et nous ne pouvons le nier, et nous connaissons même le premier de tous, Adam. Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné » (Moïse 6:45-46). Nous apprenons qu’Énoch détenait le livre d’Adam et le lut au peuple et le transmit, avec ses propres écrits, dans le corpus que Moïse retravailla plus tard et que Joseph Smith finalement traduisit : « Peu après que les paroles d’Énoch eurent été données, le Seigneur donna le commandement suivant [décembre 1830] : « Voici, je vous dis qu'il ne m'est pas opportun que vous en traduisiez davantage avant d'aller en Ohio » D&A 37:1 [4].

Les extraits des  travaux et des jours d’Énoch qui se trouvent dans la Perle de Grand Prix nous fournissent le contrôle le plus appréciable que nous ayons à ce jour de la bonne foi du Prophète. Ce qui complique les choses depuis le début dans l’étude du Livre de Mormon et du livre d’Abraham en tant que traductions, c’est la question des documents originaux. Les critiques ont consacré presque tout leur temps et toute leur énergie à de vaines tentatives de montrer que Joseph Smith n’avait pas traduit correctement certains manuscrits antiques ou que ces manuscrits n’existaient pas. C’était pour brouiller les pistes puisque personne n’a encore jamais été capable de prouver que Joseph Smith prétendait traduire un texte déterminé connu De plus, les experts ont étrangement et obstinément refusé de tenir compte de centaines de passages de l’Ancien et du Nouveau Testament que Joseph Smith a traduits d’une façon qui n’est pas en accord avec les traductions des érudits. Pourquoi ne pas le démasquer là-dessus ? Parce que pareille démonstration finit par ne rien prouver contre le Prophète : les manuscrits et les traductions de la Bible différent tellement et l’on soulève aujourd’hui tant de problèmes déconcertants sur la nature du texte original qu’il est impossible de prouver que l’une quelconque de ses interprétations est complètement hors de question. Comme toujours dans ces cas-là, la discussion en revient aux manuscrits originaux.

Mais en ce qui concerne le livre d’Énoch, la question d’un manuscrit original ne se pose jamais. Bien que les chapitres 1 à 8 du livre de Moïse soient intitulés « Écrits de Moïse », le prophète n’indique nulle part qu’il ait jamais eu le manuscrit entre les mains. Dix-huit mois auparavant, il avait écrit une révélation concernant Jean l’apôtre : « La révélation est la traduction des écrits faits sur parchemin par Jean et cachés par lui-même. » (Voir en-tête de D&A 7) [5].

Depuis la découverte des manuscrits de la mer Morte, nous savons qu’il était de pratique courante chez les saints de l’antiquité d’écrire des révélations sur du parchemin et de les cacher dans des grottes, ce qui confirme ce passage remarquable de la révélation moderne. Mais il y a quelque chose de plus significatif encore, et c’est l’idée que, bien que Joseph Smith ait vu et « traduit » le document en question, il ne l’a jamais eu entre les mains, en fait, il a peut-être cessé d’exister depuis longtemps. Tout cela, le document et la traduction, fut donné à Joseph Smith, le prophète, et à Oliver Cowdery », par révélation, lorsqu’ils demandèrent, par l’intermédiaire de l’urim et du thummim… (voir en-tête de D&A 7).

Ainsi en a-t-il été du livre d’Énoch, que Joseph Smith nous a transmis tel qu’il lui a été donné. Bien que son travail ait été beaucoup plus exigeant et ait probablement nécessité beaucoup plus de concentration et d’efforts mentaux que nous puissions imaginer, il n’a pas été obligé de chercher un manuscrit perdu ni de travailler à une traduction.

Aussi sommes-nous obligés de nous rabattre sur le seul et unique test valable d’authenticité d’un écrit ancien, qui ne dépend pas du support utilisé, ni de la langue dans laquelle il a été écrit, ni de la méthode de traduction employée, mais pose simplement la question : « Comment se situe-t-il par rapport à d’autres documents reconnus comme authentiques ? » C’est ce que les critiques du Livre de Mormon et du livre d’Abraham n’ont jamais été disposés à affronter ; avec le livre d’Énoch, ils n’ont pas d’autre solution ; et c’est pourquoi, pendant toutes ces années, ils ont tout simplement ignoré le livre d’Énoch. Et pourtant, il n’y a jamais eu d’objet plus délicieusement vulnérable et contrôlable que lui. Il offre ce qui ressemble le plus à un test parfaitement infaillible – clair et net et décisif – des prétentions de Joseph Smith à l’inspiration.

Le problème est parfaitement simple et clair : Il y a effectivement eu un ancien livre d’Énoch, mais il a été perdu et il n’a pas été découvert avant notre époque où l’on peut le reconstituer valablement à partir de quelques centaines de manuscrits réalisés dans une douzaine de langues différentes. Que donne la comparaison de cet Énoch reconstitué avec la version hautement condensée, mais étonnamment précise et détaillée de Joseph Smith ? C’est la question à laquelle nous devons nous atteler. Nous n’avons pas les plaques d’or ni le texte original du livre d’Abraham, mais il y a une chose que nous avons enfin, dans des documents nouvellement découverts, un livre qui est, cela ne fait pas un pli, LE livre d’Énoch. Il nous suffit donc de placer la version de Joseph Smith du livre d’Énoch – Moïse 6:25 à Moïse 8:3 – côte à côte avec les textes d’Énoch qui ont paru depuis 1830 pour voir ce qu’ils ont en commun et juger de leur importance.

Pour ceux qui recherchent la direction divine dans ces temps troublés, le livre d’Énoch revêt un intérêt particulier, pas simplement en vertu de son message pertinent et puissant, mais aussi à cause des circonstances dans lesquelles il a été reçu. Comme le remarque la History of the Church : « Il peut être bon d’observer ici que le Seigneur a fortement encouragé et fortifié la foi de son petit troupeau, qui avait embrassé la plénitude de son Évangile éternel tel qu’il leur avait été révélé dans le Livre de Mormon, en donnant, concernant les Écritures, de plus amples informations dont la traduction avait déjà commencé. Il y avait souvent, parmi les saints, de nombreuses conjectures et de fréquentes conversations au sujet de livres mentionnés en divers endroits de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’on ne trouvait plus nulle part. La réflexion courante était : ‘Ce sont des livres perdus’, mais il semble que l’Église apostolique ait possédé certains de ces écrits, car Jude mentionne ou cite la prophétie d’Énoch, le septième depuis Adam. À la grande joie du petit troupeau, qui comptait en tout… environ soixante-dix personnes, le Seigneur a révélé les événements suivants des temps anciens, tirés de la prophétie d’Énoch » [6].

Le livre d’Énoch fut donné aux saints comme récompense pour avoir été disposés à accepter le Livre de Mormon et pour leur intérêt vif et soutenu pour toutes les écritures, y compris les livres perdus : c’étaient des chercheurs qui se livraient à des théories enthousiastes, cherchant sans cesse, comme Adam et Abraham, à obtenir « une plus grande connaissance » (Abraham 1:2). Et nous avons appris que si nous cessons de chercher, non seulement nous ne trouverons pas davantage mais nous perdrons les trésors que nous avons déjà. C’est pourquoi, il est non seulement judicieux mais urgent que nous commencions enfin à prêter attention au déversement étonnant d’écrits anciens, qui est une bénédiction propre à notre génération. Et de tous ces écrits le premier et le plus important est le livre d’Énoch.

Le livre perdu d’Énoch

Les premiers auteurs chrétiens savaient tout sur le livre d’Énoch : en effet, « presque tous les auteurs du Nouveau Testament le connaissaient bien et étaient plus ou moins influencés par lui dans leurs idées et dans la formulation », selon R. H. Charles, qui note : « Il est cité comme étant un ouvrage véritable d’Énoch par saint Jude et comme écriture par saint Barnabé… Auprès des premiers Pères et Apologistes, il avait tout le poids d’un ouvrage canonique [7]. » Son influence est visible dans pas moins de 128 endroits dans le Nouveau Testament [8] et R. H. Charles peut déclarer que « l’influence de I Énoch sur le Nouveau Testament a été plus grande que celle de tous les autres ouvrages apocryphes ou pseudépigraphiques réunis [9]. » Il cite en outre une trentaine de passages dans les premiers ouvrages juifs et chrétiens orthodoxes dans lesquels le livre d’Énoch est mentionné explicitement [10], plus de nombreuses citations du livre que l’on trouve dans les ouvrages apocalyptiques juifs importants que sont les Jubilés, le Testament des douze Patriarches, l’Assomption de Moïse, 2 Baruch et 4 Esdras et des citations d’Énoch trouvées chez plus de trente auteurs patristiques chrétiens [11].

Nous pourrions y ajouter l’abondante tradition d’Énoch contenue dans le Zohar, un ouvrage dont le prestige et la respectabilité se sont considérablement accrus ces dernières années et le fait intéressant que la Pistis Sophia, ce chaînon important entre les sectaires de la chrétienté égyptienne, mésopotamienne et palestinienne et le judaïsme, affirme contenir d’importants écrits tirés du « livre de II Jeu qu’Énoch a écrit [12]. » « Ils devraient trouver les mystères qui sont dans le livre de Jeu que j’ai fait écrire par Énoch au Paradis… [que j’ai révélé dans l’arbre de la connaissance et l’arbre de vie] et je lui ai commandé de les placer dans le rocher d’Ararad [13]. »

« Peu de temps avant l’ère chrétienne, Énoch devint le héros de tout un cycle de légendes », qui connut une immense popularité [14]. Les chrétiens héritèrent des Juifs, et leur enthousiasme pour le livre d’Énoch, et le livre lui-même, qui était « le plus important des pseudépigraphes des deux premiers siècles av. J.-C. » [15]. Les écrits hassidiques de l’époque aussi bien que les écrits cabalistiques ultérieurs montrent leur dépendance vis-à-vis d’Énoch [16], mais il est important de noter que le livre d’Énoch n’est pas populaire chez les gnostiques et les philosophes : il est cité presque exclusivement par les auteurs les plus respectés et les plus orthodoxes tant chez les Juifs que chez les chrétiens. Ainsi, de grandes parties du livre perdu d’Énoch furent inclus dans « Pirke de-Rabbi Eliezer et dans les Hekhalot », deux ouvrages hautement respectés [17]. Récemment, quelques-uns des fragments les plus anciens et les plus importants d’Énoch ont été découverts parmi les manuscrits de la mer Morte et il y en a de bien plus importants qui sont encore retenus par leurs éditeurs chrétiens mal à l’aise ! [18] Il y a plus de cent ans, quand il commença ses recherches zélées pour retrouver les traces survivantes d’un livre d’Énoch hébreu, A. Jellinek déclara que la littérature sur Énoch était l’œuvre des Esséniens [19]. Et c’est là que se situe l’indice principal qui explique sa disparition.

Comment était-il possible qu’un livre ayant exercé une si longue influence, une telle autorité et joui d’une telle vénération se soit perdu ? C’est très simple : il allait à l’encontre des idées qu’entretenaient les docteurs, aussi bien des Juifs que des chrétiens, après que ces dignitaires furent tombés sous l’influence de l’université d’Alexandrie dont les descendants modernes se sont remis à lui imposer leur censure après sa découverte et ont continué à le condamner jusqu’à maintenant.

« Mais notre livre contenait beaucoup de choses dont la nature était contestable, écrit R. H. Charles avec un soupir, et depuis le quatrième siècle de notre ère, il est tombé dans le discrédit et, sous l’interdit d’autorités aussi grandes que Hilaire, Jérôme et Augustin, il disparut peu à peu de la circulation et le christianisme occidental finit par en ignorer l’existence [20]. » Énoch « tomba rapidement dans l’oubli », reconnaît C. C. Torrey, parce qu’il ne présentait pas un très grand attrait pour les chrétiens et parce qu’il était « trop gros » à copier et à manipuler [21]. Cette explication est aussi faible que celle de saint Augustin qui, tout en admettant que « nous ne pouvons nier qu’Énoch… ait écrit des choses inspirées [divines], puisque l’épître canonique de Jude le dit », refuse de l’accepter uniquement parce que les docteurs juifs le rejettent - un argument qui n’avait absolument aucun poids aux yeux des premiers chrétiens [22] ».

« Contestable » pour qui ? Pour quels chrétiens Énoch ne possédait-il pas « un très grand attrait » ? La réponse est parfaitement claire : c’étaient les savants rabbins et docteurs du quatrième siècle qui étaient offensés par lui.

Dans sa récente étude sur le judaïsme hellénistique, H. F. Weiss en vient au fait : C’est en tant qu’écrits inspirés ou révélés que de grands ouvrages apocalyptiques tels qu’Énoch, IV Esdras et Baruch, « ont été systématiquement étouffés et supprimés par le judaïsme rabbinique-pharisaïque ‘officiel’, ostensiblement à cause de leur contenu apocalyptique » [23]. Ils ne sont pas simplement tombés dans l’oubli, ils ont été délibérément et systématiquement détruits.

Ainsi donc, jusque tout récemment, les quelques fragments rescapés d’Énoch viennent de copistes chrétiens et plus un seul texte juif des Douze Patriarches, qui s’inspire fortement d’Énoch, ne survit. De plus, on n’a jamais trouvé la moindre représentation d’Énoch que ce soit dans l’art juif ou dans l’art chrétien ancien. Le problème était, dit R. H. Charles, que dans Énoch, « le côté apocalyptique ou prophétique du Judaïsme » s’affrontait à la doctrine rabbinique ou halachique, c'est-à-dire, au « Judaïsme qui se présentait comme le seul et unique Judaïsme orthodoxe….après 70 apr. J.-C. », qui le damnait à jamais comme étant une création essénienne  [25].

C’est la même histoire avec les chrétiens. Ce sont « des autorités telles que Hilaire, Jérôme et Augustin » qui bannirent le livre d’Énoch. C’étaient tous des hommes sortis des grandes écoles, imprégnés de l’éducation rhétorique et sophiste de l’époque, admettant très volontiers que les chrétiens des époques précédentes entretenaient des idées et des croyances très différentes des leurs [26]. Ils savaient aussi que les premiers chrétiens chérissaient le livre d’Énoch qui était pour eux un livre canonique, mais cela, ils n’en voulaient pas. La transition est représentée par le grand Origène, un autre produit de l’école d’Alexandrie, qui vécut un siècle avant eux : il cite Énoch, mais avec quelques réserves, trouvant qu’il ne pouvait être d’accord avec les enseignements de ce livre quelque eût été la vénération que les premiers chrétiens lui vouaient [27].

À l’heure actuelle, la découverte sensationnelle de nouveaux manuscrits oblige les docteurs juifs et chrétiens à traiter Énoch avec un respect nouveau. Témoins deux extraits d’encyclopédies catholiques, d’hier et d’aujourd’hui. En 1910, l’Encyclopédie catholique balayait l’idée que l’épître de Jude témoigne de l’existence dans les temps anciens du livre d’Énoch : « Certains auteurs ont supposé que St Jude citait ces mots du prétendu livre apocryphe d’Énoch mais, puisqu’ils ne s’intègrent pas dans son contexte (éthiopien), il est plus raisonnable de supposer qu’ils ont été interpolés dans le livre apocryphe à partir du texte de St Jude. L’Apôtre a dû emprunter ces mots à la tradition juive [28]. » Mais dans la Nouvelle Encyclopédie catholique de 1967, c’est autre chose. Non seulement Jude cite bel et bien un livre d’Énoch, mais « le passage entier de Jude 1:4-15 révèle sa dépendance vis-à-vis de l’Énoch éthiopien [29] ». Quand un récent article de l’éminente revue Scientific American cherche à démontrer comment toutes nos idées concernant les religions juive et chrétienne anciennes ont été radicalement augmentées et modifiées ces quelques dernières années, son témoin principal est le livre d’Énoch nouvellement découvert [30]. Le dernier reste encore existant des paroles d’Énoch provenant du monde antique est un passage cité par l’auteur byzantin George Syncellus, vers 800 apr. J.-C. Ceci n’était cependant qu’un simple extrait de moins d’une page ; les écrits eux-mêmes avaient entre-temps disparu depuis longtemps [31]. Car, « à partir du IVe siècle, l’Église latine cessa de s’intéresser » à Énoch, tandis que « l’on ne trouve plus que quelques traces, qui ont encore brièvement existé, dans l’Église grecque [32]. » Tout ce que le Moyen Age possédait comme seul reste du livre d’Énoch était un misérable proverbe arabe qui disait : « La piété attire facilement l’argent », proverbe qui ne venait pas du tout d’Énoch [33].

Les bruits courent

Dès l’aube de la Réforme, le bruit commença à courir qu’il existait bel et bien un livre d’Énoch. Vers le moment où Christophe Colomb mettait à la voile, Johann Reuchlin fut enthousiasmé par la nouvelle que le célèbre Pic de la Mirandole († 1494) « avait acheté un exemplaire du livre d’Énoch pour une très forte somme d’argent » [34]. Il est fort possible que le bruit ait été authentique, selon Nathaniel Schmidt, qui note que « il est possible…que la collection de Pic ait contenu une copie de l’Énoch hébraïque… Il a pu y avoir aussi une copie de l’Énoch éthiopien [35] ». Les rumeurs furent à l’origine des faux habituels et, en 1494, Reuchlin écrivit contre ceux qui publiaient des livres avec des titres alléchants, prétendant que c’étaient les livres d’Énoch, dont l’ancienneté prouvait qu’ils étaient plus saints que les autres livres, proclamant faussement que certains avaient appartenu à Salomon, trompant ainsi facilement les oreilles des ignorants. Il avait entendu, affirmait-il, qu’un de ces livres était en vente, qu’il supposait être une contrefaçon tardive basée sur Josèphe [36]. Ceci ne voulait pas dire que Reuchlin cessa de rechercher le vrai livre d’Énoch. En 1517, il écrivit que « les livres d’Énoch et d’Abraham, notre père, ont été cités par des hommes dignes de confiance, et d’innombrables auteurs anciens, dont les écrits sont actuellement perdus, confirment la probabilité que leurs ouvrages ont été perdus de la même façon, et cependant nous ne doutons pas qu’un grand nombre d’entre eux ont survécu [37]. »

Avec la « redécouverte » générale de la Bible lors de la Réforme, « le livre d’Énoch suscita fortement l’attention et éveilla une grande curiosité [38] », comme ce fut le ca s parmi ceux à qui le Livre de Mormon parvint à une époque de lumières ultérieure. Mais, comme on sait, les grands réformateurs, dans leur zèle sans bornes pour la Bible, condamnèrent les « misérables apocryphes », qui avaient la présomption de vouloir être classés avec elle [39]. Jean Calvin considérait qu’Énoch n’était ni plus, ni moins, qu’un mortel ordinaire dont l’enlèvement au ciel n’était rien de plus qu’une « sorte de mort extraordinaire » et il prétendait, avec les docteurs juifs, que le passage disant que « Énoch marchait avec Dieu » voulait tout simplement dire qu’il recevait l’inspiration [40]. En 1553, l’humaniste Guillaume Postel, renommé à la Cour de France pour sa connaissance sur le terrain du Proche-Orient, annonçait : « J’ai entendu dire qu’il y a des raisons de croire qu’il y a des livres d’Énoch à Rome et un prêtre éthiopien m’a dit que ce livre est considéré comme canonique et qu’il est attribué à Moïse dans l’Église de la reine de Saba [l’Église abyssinienne] [41]. » Le fameux Codex Alexandrinus, qui fut présenté en 1633 au roi Charles 1er d’Angleterre, fut accompagné d’Égypte jusqu’à Constantinople par Gilles de Loches, un moine capucin, qui vivait en Égypte. Ce moine parla à Peiresc, le célèbre érudit et collectionneur de manuscrits de Pise, d’un monastère possédant huit mille volumes, parmi lesquels il avait vu un livre d’Énoch [42]. Comme le raconta l’orientaliste allemand Ludolf une génération plus tard : « Gassendi, dans sa Vie de Peiresc, parle, entre autres choses, d’un capucin, Aegidius Lochiensis, qui avait passé sept ans en Égypte : Il dit qu’il mentionne parmi d’autres choses un Mazhapha Einok, ou prophétie d’Énoch, déclarant ce qui allait arriver jusqu’à la fin du monde, un livre jamais vu jusqu’ici en Europe, mais écrit dans les caractères et la langue des Éthiopiens ou Abyssiniens parmi lesquels il était conservé. Là-dessus, Peiresc, rempli d’enthousiasme et brûlant du désir de l’acheter à n’importe quel prix, déploya tous ses efforts pour se l’approprier [43]. » On sait maintenant que c’était l’authentique Énoch éthiopien, mais Schmidt commente que la réaction des savants de l’époque fut de supposer que Peiresc s’était fait rouler [44].

Le dernier extrait authentique du livre d’Énoch à avoir été écrit fut le premier à être découvert huit cents ans plus tard. Ce fut ce prince des savants, Joseph Justus Scaliger, qui, vers 1592, reconnut le passage mentionné ci-dessus quand il fut cité par l’historien byzantin Syncellus comme étant un extrait authentique du livre perdu d’Énoch. Pourtant Scaliger « parlait du livre en termes peu flatteurs… tout en reconnaissant que Jude le citait [45] ». L’affaire en resta donc là avec un Énoch discrédité et balayé par l’homme même qui l’avait découvert.

Vers la fin du XVIIe siècle, le monde savant perdit son imagination et son enthousiasme d’antan, grâce au scepticisme contagieux d’experts bien décidés à se prouver les uns aux autres leur solide conservatisme. Le manuscrit d’Énoch de Peiresc aboutit à la bibliothèque Mazarine de Paris où l’érudit prussien Job Ludolf se rendit en 1683 avec une publicité considérable pour le mettre à l’épreuve. Schmidt écrit que Ludolf eut tôt fait de conclure que ce n’était pas du tout le livre d’Énoch : « On voit directement au titre que ce n’est pas Énoch : ‘Révélations d’Énoch en éthiopien’ [46]. » Quant au contenu du livre, il était tout simplement écœurant : «  À dire vrai, il contient des fables puantes [putidas] si grossières et si viles que la lecture m’en était insupportable…. Que le lecteur juge alors à quel point ces ‘révélations’ d’Énoch sont belles à quel point elles sont dignes de leur splendide reliure et de leur somptueuse édition ! Nous préférerions garder le silence vis-à-vis de ce livre, le plus idiot de tous, s’il n’y avait le fait que tant d’hommes illustres en ont fait mention [47]. » Ludolf l’examina à la Bibliothèque Mazarine et le déclara totalement mauvais. Mais alors, Schmidt résume la chose : « Ludolf, qui ne croyait pas qu’il y eût jamais eu de livre d’Énoch peut être pardonné… [48]. » Vraiment ? C’était justement cela, son problème : il ne croyait pas que pareil livre eût jamais existé, exactement comme les égyptologues à qui l’on a demandé de juger le livre d’Abraham ont abordé leur tâche avec la ferme conviction qu’il n’y avait jamais eu de livre de ce genre. Pour lui, comme pour eux, il n’y avait qu’une seule conclusion possible.

Mais le monde chrétien reçut avec gratitude le verdict final des savants (exactement comme plus tard en 1912!) et par conséquent l’étude d’Énoch fut abandonnée pendant 90 ans jusqu’à ce que la découverte de nouveaux manuscrits mette fin au blocage intellectuel. Jusqu’à la déclaration de Ludolf, la recherche d’Énoch avait été « un sujet très productif en critiques et en discussions théologiques » ; mais une fois que Berlin eut parlé, « l’idée qu’un livre d’Énoch existait en Éthiopie fut complètement abandonnée et on n’y pensa plus [49] ». Comme le faisait encore remarquer avec soulagement un savant en 1870 : « Quand Job Ludolf alla plus tard à Paris, à la Bibliothèque Royale, il constata que c’était une œuvre fantaisiste et stupide. Suite à cette déception, l’idée de le découvrir en éthiopien fut abandonnée [50]. » À la suite de l’apport faisant autorité de Ludolf, « tout espoir d’obtenir le livre fut abandonné partout en Europe… De l’avis général, il fallait le ranger parmi les livres irrévocablement perdus [51] ». Même encore de nos jours, alors qu’ils devraient être mieux informés que cela, « les éditeurs et les commentateurs modernes », suivant N. Schmidt, continuent à « répéter avec approbation les réflexions dédaigneuses de Ludolf [52]. »

Ainsi donc, suivant le sentier battu de la science autoproclamée, les experts auraient continué à se citer automatiquement les uns les autres pendant des générations, le livre d’Énoch soigneusement mis de côté comme étant un mythe, si le célèbre explorateur James Bruce n’avait pas rapporté chez lui de son voyage historique aux sources du Nil Blanc et du Nil Bleu en 1773, trois exemplaires de cette même version éthiopienne.


Notes

1. Livre de Moïse, en-tête du chapitre 1.
2. History of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints 1:132–33.
3. Liverpool, F. D. Richards, 1851, p. 1.
4. History of the Church 1:139.
5. Id., 1:35–36.
6. Id., 1:131–33.
7. R. H. Charles, The Book of Enoch, Londres, Oxford University Press, 1913, p. ix, n. 1. Comparez avec ses Apocrypha and Pseudepigrapha of the Old Testament (Oxford, 1912, reprint 1964), 2:163, où il affirme que « certains de ses auteurs… appartenaient à la vraie succession des prophètes… manifestant à l’occasion l’inspiration des prophètes de l’A. T. »
8. Charles, Book of Enoch, pp. xcv–xcix, dit que beaucoup de « passages du Nouveau Testament… que ce soit pas la phraséologie ou par les idées dépendent directement de poassages de 1 Énoch ou en sont des illustrations. » Dans le Nouveau Testament, selon une Encyclopedia Britannica actuelle (1973), 8:604, « Énoch lui-même est mentionné dans Luc Luc 3:37; Hé. 11:5; Jude 1:14 … » et il est fait allusion à lui dans Jude 1:4–15, Mt. 19:28, Mt. 26:24, Luc 16:9, Jn 5:22, 1 Th. 5:3, 1 Pi. 3:19 et suiv. et Apocalypse.
9. Charles, Book of Enoch, p. xcv.
10. Id., pp. xii–xiii.
11. Id., pp. lxx, lxxix, sources juives, lxxxi–xci, sources chrétiennes.
12. Pistis Sophia, p. 246 (manuscrit Askew).
13. Id., p. 254.
14. Emmanuele da San Marco, “Libro di Henoch,” Enciclopedia Cattolica (Vatican, 1951), 6:1405.
15. Charles, Book of Enoch, p. x; il ne le cédait en influence qu’au livre canonique de Daniel, Klaus Koch, Ratlos vor der Apokalyptik, Gütersloh, Gütersloher Verlagshaus, 1970, pp. 19–20.
16. A. Jellinek, Bet ha-Midrasch, Jérusalem, 1967, 2:xxx.
17. Jellinek, l.c. On trouvera une liste de citations d’Énoch chez les auteurs cabalistes dans Isaac Myer, Qabbalah, Philadelphie, 1888, p. 166.
18. « Jusqu’à présent, il n’y a que deux fragments araméens qui ont été publiés… Vu cette importante découverte, il pourrait sembler prématuré de publier un texte grec avant la publication de ces fragments… Malheureusement, ceci s’est avéré impossible et le retard prolongé… de l’Énoch araméen et la situation confuse récente concernant la garde des manuscrits araméens font qu’il serait à déconseiller de retarder encore cette édition grecque provisoire. » Martin Black, Apocylpsis Henochi Graece, Leiden, E. J. Brill, 1970, p. 7.
19. A. Jellinek, “Hebräische Quellen für das Buch Henoch, Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft 7 (1853), p. 249.
20. Charles, Book of Enoch, p. ix.
21. C. C. Torrey, The Apocryphal Literature, New Haven, Yale University Press, 1945, p. 27.
22. St. Augustine, La Cité de Dieu, 15:23.
23. Hans-Friedrich Weiss, Untersuchungen zur Kosmologie des hellenistischen und palästinischen Judentums (Berlin, Akademie-Verlag, 1966), p. 119.
24. H. Leclercq, “Hénoch,” dans F. Cabrol et H. Leclercq, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris, Librairie Letouzey et Ané, 1925, 6:2246.
25. Charles, Book of Enoch, p. ciii.
26. On retrouve cette attitude dans l’ouvrage de l’auteur When the Lights Went Out: Three Studies on the Ancient Apostasy, Deseret Book, 1970, p. 57.
27. Dans son ouvrage Des premiers Principes, l:iii:3, Migne, Patrologiae Graecae 11:147 et suiv.) et 4:35, Patrologiae Graecae 11:409, Origène recourt au « Livre d’Énoch » à l’appui de ses théories sur la Création, mais quand Celse cite Énoch, il fait cette objection : « Il faut prendre encore moins au sérieux les choses que Celse semble avoir tirées sans les comprendre du Livre d’Énoch… » (Contra Celsum 5:54; Patrologiae Graecae 11:1265). Il dit que les choses sont « très confuses » et « pas prises très au sérieux comme écriture » puisqu’elles contiennent «  des choses qui ne sont pas prêchées (prononcées) ni entendues dans les églises de Dieu, que personne ne commettrait la sottise de les comprendre littéralement » (Patrologiae Graecae 11:1268–69).
28. A. J. Maas, “Henoch,” The Catholic Encyclopedia, New York, Robert Appleton Company, 1910, 7:218.
29. J. Plastaras, “Henoch,” New Catholic Encyclopedia, New York, McGraw-Hill Book Company, 1967,, 6:1019.
30. M. E. Stone, “Judaism at the Time of Christ,” Scientific American 228, janvier 1973, p. 80–82.
31. Le fragment Syncellus, tiré de sa Chronographia, éd. Dindorf, 1829, 1:47, est reproduit dans l’annexe de R. H. Charles, Book of Enoch, p. 305. Allusion y est faite par George Cedrenus, v. 1100 apr. J.-C., éd. Bekker, p. 17; Migne, Patrologiae Graecae 121:41, 44–45, 476).
32. Migne, Dictionnaire des Apocryphes, Paris, 1856, 1:396.
33. Id., p. 397. Il est cité par Peter Alphonsus, et est simplement une forme latinisée du credo bien connu du marchand musulman : Al-kasib habib ul-lah!
34. Nathaniel Schmidt, “Traces of the Early Acquaintance in Europe with the Book of Enoch,” Journal of the American Oriental Society 42, 1922, p. 45.
35. Id., p. 47.
36. Id.
37. Id., p. 45.
38. J. M’Clintock, Cyclopaedia of Biblical, Theological, and Ecclesiastical Literature, New York, Harper & Brothers Publishers, 1870, 3:225.
39. Voir le traitement par l’auteur dans Since Cumorah: The Book of Mormon in the Modern World, Deseret Book, 1970, pp. 32–35.
40. A. L. Davies, “Book of Enoch,” Dictionary of the Apostolic Church, édité par James Hastings, 1:334.
41. Schmidt, p. 50, situant la rencontre entre Postel et l’ecclésiastique aux environs de 1536.
42. Id., p. 50.
43. Migne, Dict. des Apocryphes 1:399.
44. Schmidt, p. 51.
45. Michael Stuart, “Christology of the Book of Enoch,” The American Biblical Repository, ser. 2, 3, janvbier 1840, p. 88. Voir plus haut, note 31.
46. Schmidt, pp. 51–52.
47. Id.
48. Id.
49. Migne, Dict. des Apocryphes 1:397. Toutefois, en 1736, Johann Albert Fabricius, dans son Codex Pseudepigraphus Veteris Testamenti, Hambourg, 1722, 1:22, rassemble et reproduit tous les passages existants des pères de l’Église concernant Énoch (Migne, 1:399).
50. M’Clintock, 3:225.
51. Stuart, 3:89.
52. Schmidt, p. 52.



Deuxième partie

(Ensign, décembre 1975)



Bruce était resté six ans en Abyssinie et avait appris la langue du pays. « Il rapporta une importante collection d’objets curieux et intéressants [53], comprenant quelques-uns des manuscrits chrétiens coptes les plus précieux jamais découverts ainsi que les trois textes éthiopiens d’Énoch, d’une valeur inestimable [54]. De ces trois copies, il garda une à la Kinnaird House [la résidence familiale en Écosse], présenta la seconde à la Bodleian Library d’Oxford et donna la troisième à la Bibliothèque Royale de Paris [55]. »

Bruce lui-même écrivit : « Parmi les objets que je remis à la Bibliothèque à Paris, il y avait une copie très belle et magnifique [Ludolf avait qualifié sur un ton caustique de gaspillage d’efforts la reliure ornementée du manuscrit de Peiresc] des prophéties d’Énoch en grand quarto. Une autre était parmi les livres d’Écriture que j’avais rapportés chez moi, placée directement avant le Livre de Job, qui est à la place qui lui revient dans le canon abyssinien. La troisième copie, je l’ai présentée à la Bodleian Library d’Oxford… [56]. »

Mais le docteur Ludolf avait bien fait son travail. Il y eut une vague d’intérêt pour les découvertes de Bruce, mais les choses se tassèrent rapidement et, « pendant plus d’un quart de siècle, ces manuscrits restèrent aussi inconnus que s’ils étaient restés en Abyssinie ». « Quelle qu’ait pu être la curiosité du public à l’époque de Bruce, écrit un érudit catholique, elle semble s’être apaisée depuis longtemps et pour ce qui est de l’exemplaire déposé à la Bibliothèque d’Oxford, il dormait d’un profond sommeil [58]. » La première attention publique portée au texte eut lieu en 1800 lorsque le premier Article sur le texte fut publié en Europe quand, en 1800, le célèbre orientaliste Sylvestre de Sacy traduisit en latin les trois premiers chapitres du manuscrit de Paris et les premières lignes de quelques autres chapitres. L’année suivante, un Allemand du nom de Rink publia quelques-uns de ces mêmes chapitres à Königsberg [59]. Ce fut à peu près tout, et de nouveau le silence tomba pour vingt ans.

Ce fut un grand et excellent homme, l’archevêque Richard Laurence de Cashel, en Irlande, qui rendit le livre d’Énoch au monde. Dans « Une supplique lancée à Munster » en 1826, il plaida, en sa qualité d’évêque protestant du diocèse le plus important d’Irlande, pour que catholiques et protestants apprennent à vivre ensemble. Pour avoir adopté et maintenu cette attitude tout au long des années, Laurence dut subir des attaques sauvages de la part des clergés catholique et protestant. « Ses craintes pour la paix publique », écrit le rédacteur du « British Critic Quarterly Theological Review and Ecclesisastical Record, « semblent l’avoir étrangement emporté sur son zèle pour la cause de la vérité scripturaire. Il est fort probable que l’effort pour briser les bastions du papisme en Irlande risque de causer un certain désordre et provoquer quelques représailles. Mais sa Grâce doit parfaitement bien savoir que l’Évangile lui-même a produit, au départ, une formidable dislocation de la société », etc., etc. [60]

Dans l’autre camp, le prélat catholique romain attaqua Laurence avec une vigueur égale, dénonçant ses appels à la charité chrétienne comme « une sottise excessive… Les voies de Dieu ne sont pas nos voies, le Saint-Esprit nous a dit qu’il n’y a qu’une seule foi et que sans elle il est impossible d’être agréable à Dieu [61]. » Les fondements furent posés, et ce, consciemment, pour la tragédie actuelle en Ulster, quand les ecclésiastiques anglicans s’en prirent à Laurence, déclarant qu’ils devaient « réconcilier même l’archevêque de Cashel avec la grande et pieuse entreprise de diffusion des bénédictions de la Réforme d’un bout à l’autre de l’Irlande et le soulager de ses terreurs de peur que la cause du christianisme souffre du conflit. Il est vrai qu’une fournaise ardente de persécution est en ce moment même en train de chauffer pour beaucoup de ceux qui vont se tourner contre l’Église de leurs ancêtres [c’est-à-dire les catholiques irlandais] ; il est vrai que le fanatisme peut poser une main rude et violente sur l’étendard de cette grande cause… mais sa Grâce doit apprendre que dans ce monde le bien et le mal doivent toujours grandir ensemble et qu’il n’est guère convenable pour un guerrier chrétien de s’asseoir et de calculer la dépense avant que le temps de l’action soit révolu !... Il doit reconnaître qu’il y a quelque chose de merveilleux et de terrible dans l’agitation actuelle du peuple et il ne commettra certainement pas l’imprudence de nier que cela pourrait être le signe de quelque grande œuvre que le Seigneur est sur le point d’accomplir en faveur de sa propre vérité… [62] »

Un siècle et demi plus tard, la « grande œuvre » prévue par un clergé zélé continue toujours, héritage de haine démoniaque et d’effusion de sang, et donne raison à Richard Laurence non seulement comme champion de la charité chrétienne mais aussi comme quelqu’un qui a fait plus « pour la cause de la vérité scripturaire » que tout le reste du clergé réuni. Car c’est à lui que « revient l’honneur d’avoir révélé au monde le trésor qui a été caché pendant tant de siècles et qui était presque universellement considéré comme irrémédiablement perdu [63] » : le livre d’Énoch. Obligé de faire tout son travail dans la sombre et humide Bodleian Library, qui renâclait à lui prêter des manuscrits qui ne présentaient pas le moindre intérêt pour elle [64], il sortit en 1821 une traduction intitulée « Le livre d’Énoch, ouvrage apocryphe, maintenant traduit pour la première fois de manuscrits éthiopiens à la Bodleian Library, Oxford, 1821 ».

Ce travail fut révisé en 1822 par De Sacy dans « Le journal des savants » [65] et, une dizaine d’années plus tard, A.C. Hoffman publia une traduction latine [66]. En 1840, A. F. Gfroerer inclut une traduction de la version anglaise de Laurence dans un ouvrage latin de bizarreries [67]. Il fallut attendre 1851 pour voir la publication d’un texte éthiopien, édité par A. Dillmann, qui sortit en 1853 une traduction allemande contenant des passages qui n’étaient pas dans Laurence [68]. La première traduction française ne parut qu’en 1856 [69]. Laurence lui-même publia une version révisée de son Énoch en 1833, 1838 et 1842. Ces dernières années, d’autres traductions ont été faites en anglais [70]. Mais le seul livre d’Énoch accessible avant 1830 était celui de Laurence en 1821. Il donna lieu à trois études en anglais, lesquelles, étant d’érudits inconnus, « n’attirèrent pas du tout l’attention du monde savant » et même ainsi, la tendance de ces ouvrages n’était pas de renforcer mais de diminuer l’importance de l’Énoch de Laurence [71]. Après 1821, aucune traduction ne fut mise à la disposition du public jusqu’en 1833, quand le « Livre d’Énoch » de Joseph Smith avait déjà trois ans. Étant donné que nous devons tester cet ouvrage en le comparant avec d’autres versions mises au jour depuis lors, il est important de demander d’entrée de jeu quels sont au juste les autres livres d’Énoch que Joseph Smith aurait pu lire. Il n’y a qu’un seul candidat : la traduction de Laurence de 1821. Le prophète aurait-il pu en avoir connaissance avant 1830 ? On ne voit pas comment cela aurait pu être possible. Voyons quelles sont les raisons permettant pareille conclusion.

1. 1830 fut une année très chargée pour le Prophète Joseph : il y eut la fondation de l’Église, la publication du Livre de Mormon, l’envoi de missionnaires, beaucoup d’allées et venues dues aux persécutions et aux pressions. Ce fut aussi une année-phare pour les révélations, notamment une partie considérable du Livre des Commandements et du livre de Moïse. Mais pour l’étude ? Pour la recherche ? Pour assimiler soigneusement et exploiter de manière critique un document comme l’Énoch de Laurence, long de 214 pages avec une introduction de 48 pages et des notes de bas de page ? Toute prise de contact avec un tel texte aurait laissé son empreinte sur tout ouvrage qui en découlerait. Tout ce travail par un fermier âgé de 24 ans dans l’État de New-York, qui venait tout juste de publier un Livre de Mormon sans la moindre note ? Inconcevable ! Le texte de Laurence de 1821 n’atterrit qu’entre les mains de quelques savants en Europe continentale et en Angleterre, et ce fut à peine s’ils y firent attention : quelle chance aurait-il pu y avoir pour qu’une copie parvienne jusqu’à Joseph Smith ? Par quel miracle ? Qui le lui aurait transmis et pour quelle raison ? C’est notre élément suivant.

2. Personne dans le monde savant ne prêta grande attention à l’Énoch de Laurence. Comme nous l’avons vu, après sa publication, « le zèle pour la cause de cette relique de l’antiquité tant cherchée semble avoir expiré pour longtemps en Angleterre… En France, le livre d’Énoch ne fit guère de vagues [72]. » Même quand l’expédition de Napier à Magdala ramena d’autres manuscrits éthiopiens en Angleterre et que les missionnaires allemands qu’il sauva en ramenèrent encore d’autres en Allemagne, ces documents furent rapidement oubliés [73].

3. Pour être plus précis, le clergé chrétien de toutes les confessions n’aimait pas l’Énoch de Laurence et n’en voulait pas. Ils ne le diffusèrent pas, ils le sabotèrent. De même que le trésor de Peiresc fut, sur l’autorité de Ludolf, expulsé comme n’étant « rien de plus qu’un document sans valeur bourré de fables et de superstition [74] », de même, on décréta d’emblée que le livre d’Énoch ne pouvait être que rempli « d’incantations et de bestialités [75] ». En 1828, le très érudit Algernon Herbert observait : « On a supposé que l’auteur de cette épître [Jude] reçut et cita comme sainte Écriture ce qui est appelé le livre d’Énoch, qui est un épanchement ignorant et ridicule … Le livre en question est si monstrueusement absurde qu’aucune personne en le citant… n’aurait pu obtenir du crédit auprès de Tertullien… Un homme dénué de sens critique au point de recevoir le dit livre comme une révélation divine et allié aux erreurs des gnostiques au point de croire en son contenu », n’aurait jamais pu, décrète-t-il, écrire l’épître de Jude [76].

L’une des meilleures études jamais réalisées sur le livre d’Énoch fut écrite en 1840 par Michaël Stuart, professeur de littérature sacrée au séminaire de théologie d’Andover College où la seule et unique traduction de l’Énoch éthiopien à paraître en Amérique allait être publiée en 1882 [77]. Il fut enthousiasmé par la découverte, mais il n’avait que mépris pour le message du livre d’Énoch : « À quoi cela pourrait-il bien servir de faire appel à un livre qui se reconnaît apocryphe et par conséquent dénué d’autorité ?... Je n’ai pas la moindre intention de me référer au livre d’Énoch comme autorité. On ne me fera jamais croire que les Éthiopiens avaient une justification quelconque de le mettre dans leur Canon… Ce que je crois, c’est que ‘nos Écritures actuelles sont la règle de foi et de pratique unique et suffisante [78]’. » Il reconnaît le fossé qui sépare le livre d’Énoch des docteurs de l’Église qui le condamnaient, notant que ce qui se trouve dans leurs écrits est « moins répugnant pour le bon sens et la saine philosophie que ce qu’il y a dans le livre d’Énoch [79]. ». « Personne ne prétend maintenant que le livre d’Énoch soit un ouvrage inspiré », insiste-t-il, tout en admettant « qu’il fut un temps où des personnes le pensaient probablement. » Alors que les anciens auteurs juifs et les Pères de l’Église chrétienne « le citaient comme un livre saint… presque tous les pères ultérieurs rejettent, et ce, à juste titre, ses prétentions à une place dans le canon…  Aucun homme intelligent de nos jours n’attribuera une autorité quelconque au livre [80]. »

Nous y revoilà et cela il y a 135 ans, dans la faculté de théologie la plus posée et la plus respectable d’Amérique : les premiers chrétiens authentiques, d’origine, n’avaient tout simplement pas l’intelligence et la culture pour comprendre les choses telles qu’elles sont réellement. Les pères qui vinrent plus tard n’avaient pas de problème : c’étaient des hommes instruits qui comprenaient les choses comme nous. Mais ces chrétiens primitifs et ces Juifs ! Prenons juste un exemple : « La base même de la première partie du livre, à savoir, les soi-disant relations charnelles entre les anges et les filles des hommes sont une impossibilité pour ne pas dire une absurdité… [81]. » Qu’est-ce que l’auteur pouvait bien avoir à l’esprit ? Au lieu de poser cette question, les hommes d’église de toutes les confessions ont tout simplement jeté le livre par la fenêtre. À ce jour, dans les encyclopédies officielles de l’Église luthérienne et même dans la littérature aussi fondamentalement littérale que celle des Adventistes du septième jour et des Mennonites, aucun article n’apparaît concernent le nom d’Énoch. Nous ne trouvons pas non plus de mention du nom d’Énoch dans l’ouvrage contemporain Vocabulaire de la Vie juive ou dans le Livre des Concepts juifs. Bien que tous les autres grands Patriarches aient une place d’honneur dans ces ouvrages, Énoch, lui, est exclu !

Le clergé catholique de l’époque de Joseph Smith partageait pleinement le dédain des protestants et des Juifs pour la nouvelle découverte. « On lui attribua [à Énoch], dans les premiers siècles de l’Église, écrit l’abbé Glaire en 1846, un ouvrage plein de fables concernant les étoiles, la descente d’anges sur la terre, etc. Mais il apparaît que cette production était une invention des hérétiques qui, non contents de falsifier les saintes Écritures, profitaient de la crédulité de leurs stupides suiveurs en inventant des faux et des fables. Certains critiques prétendent que cet ouvrage, réellement d’Énoch, a été défiguré par les infidèles ; ils fondent leur assertion sur saint Jude… Mais saint Jude cite Énoch sans faire mention de son livre… [82] ».

Des autorités catholiques plus récentes déplorent Énoch pour les mêmes raisons qu’ils font objection aux manuscrits de la mer Morte et à d’autres découvertes plus récentes, à savoir que si on les prenait au sérieux, ils priveraient le christianisme de son droit souverain à l’originalité absolue : « Attribuer une forte influence du livre d’Énoch sur le Nouveau Testament, comme le fait R. H. Charles, c’est ignorer la puissante originalité et l’inspiration divine de ceux à qui nous devons le Nouveau Testament… Le Christ et les Apôtres n’ont pas tiré leur doctrine des ouvrages apocryphes » [83]. Mais qui dit une chose pareille ? Il y a d’autres explications à cette ressemblance et personne aujourd’hui ne la nie. Mais cela a le don d’exaspérer le clergé.

Dans un ouvrage récent et important, Klaus Koch montre comment, au fil des années et même jusqu’en 1960 (quand de nouvelles découvertes les ont obligés à changer d’attitude), les érudits, protestants comme catholiques, se sont résolument tenus à l’écart des ouvrages apocalyptiques de base dont le livre d’Énoch est de loin l’un des plus importants [84] et C. P. van Andel, dans son étude de la littérature sur Énoch, note que personne n’a été disposé à effleurer la question vitale d’Énoch dans le Nouveau Testament depuis 1900 [85]. En 1973 encore, un auteur, écrivant pour le Scientific American, faisait observer que les nouvelles découvertes de manuscrits, et spécialement Énoch, requièrent maintenant et pour la première fois une révision radicale des idées chrétiennes et juives conventionnelles concernant la nature des anciennes communautés juives et chrétiennes et leurs enseignements [86].

4. Les libres penseurs auraient pu exploiter les soi-disant absurdités du livre d’Énoch contre les chrétiens, mais ces derniers leur ont coupé l’herbe sous le pied en désavouant promptement et vigoureusement le livre. Qui alors pouvait trouver un quelconque intérêt au livre d’Énoch ? On pourrait s’attendre à ce qu’il intéresse les francs-maçons ou les rosicruciens, ce ne fut pas le cas ; on ne trouve pas Énoch parmi les livres qui ont la faveur des groupes gnostiques ou mystiques et son nom n’apparaît pas dans leur liste de prophètes inspirés [87]. Aucune bibliothèque en Amérique n’avait de collection plus représentative des ouvrages des anciens que celle de Thomas Jefferson, « car dans sa collecte de livres, aucun sujet n’était oublié » [88]. Le livre le plus important de la bibliothèque de Jefferson était « Ancient History, Antwerp, including texts of Berosus, Manetho, etc. », et les livres qui suivent montrent le même souci de recherche de la vérité, de toute la vérité, en ce qui concerne les anciens. La collection fut diligemment et constamment suivie, avec le souci méticuleux des renseignements les plus récents et les meilleurs, ceci jusqu’en 1826 [89]. Si l’on pouvait s’attendre à trouver quelque part en Amérique un exemplaire de l’Énoch de Laurence de 1821, ce serait bien dans cette bibliothèque, mais il n’y était pas. Il était tout simplement inconnu en Amérique.
 
5. Ceci est parfaitement confirmé dans la longue et soigneuse étude de Michael Stuart de 1840. Le texte que Stuart utilise est l’édition de 1838 de Laurence, dont le travail lui parvient dix-neuf ans après la première version, comme une nouveauté. Son but en écrivant ses longues études est de rendre le clergé américain conscient pour la première fois de l’existence du livre : « Posséder cet ouvrage dans notre pays est chose rare, et notre public, bien loin de connaître le contenu de l’ouvrage, ignore généralement, comme j’ai des raisons de le croire, que le livre ait même été retrouvé et publié au monde [90]. » Si ceci s’applique à l’édition de 1838, une édition plus large et bien mieux diffusée, qui aurait pu connaître quoi que ce soit de l’édition de 1821, dont Stuart ne fait même pas mention et qui n’avait même pas été remarquée en Europe si ce n’est par un petit nombre de spécialistes ?

Stuart écrit à propos de la nouvelle édition : « Le lecteur, qui ne le possède pas et ne peut pas se le procurer [il écrit pour des ecclésiastiques, pas pour le public], sera naturellement désireux de savoir quelque chose de plus précis sur une relique aussi curieuse et intéressante de l’antiquité, et c’est pour cela que je vais en donner un résumé plus détaillé [91].

Il était pratiquement impossible d’obtenir ce livre dans ce pays, et pourquoi cela ? Son seul attrait était dans son caractère religieux, mais les religieux étaient tous contre lui. Il pouvait être « curieux et intéressant » pour Stuart, mais il ne fallait pas le recommander, dans sa forme originale, à des gens non formés. « C’est en vain qu’on espérerait en retirer grand-chose d’intelligible… pour le lecteur en général, le Livre des Lumières est à présent un livre scellé » [92]. La partie historique est écrite « d’une façon très obscure et parfois même repoussante… », certains de ses principaux chapitres « insipides et presque monstrueux » [93]. Ce n’était pas un livre « pour le lecteur en général ».

Et maintenant voici la surprise. La même édition de Laurence fut revue la même année par un autre critique qui pensait qu’il était tout simplement merveilleux ! Le nom de ce critique était Parley P. Pratt, qui, en cette année 1840, était en Angleterre et éditait la publication officielle des saints des derniers jours, le Millennial Star, dans lequel sa critique parut. C’est ainsi que les saints des derniers jours entendirent parler pour la première fois du livre d’Énoch de Laurence en Angleterre et l’accueillirent avec une joyeuse surprise.

Bien loin d’être insipide, repoussant et monstrueux pour Frère Pratt, « ce livre porte en lui la preuve indiscutable qu’il est un produit de l’antiquité. Il se situe tout à fait à l’écart du sectarisme moderne et tient beaucoup de la doctrine des anciens, spécialement en ce qui a trait aux choses des derniers jours… Il semble prédire clairement la parution du Livre de Mormon et la mission de nos anciens… suivie des persécutions qui se sont abattues sur notre peuple d’Amérique… Et le résultat final, le triomphe total des saints » [94]. Aussi extravagantes que puissent paraître ces conclusions au premier abord, de récentes études faites sur le livre d’Énoch par des érudits non mormons montrent, comme nous allons le voir, qu’elles étaient étonnamment proches de la vérité, car le livre d’Énoch a été transmis, au cours des siècles, dans l’intention avouée d’apporter du réconfort aux saints persécutés dans toutes les dispensations de l’Évangile.

Il faut noter que l’édition de 1838 du livre d’Énoch de Laurence est portée à l’attention des saints comme une nouveauté passionnante. Il ne vient pas à l’esprit de ce chercheur éveillé qu’est frère Pratt de comparer cet écrit avec le livre d’Énoch de Joseph Smith de 1830, enterré comme il l’est dans le livre de Moïse qui sera publié onze ans plus tard en Angleterre sous le titre « Extraits de la Prophétie d’Énoch ». Ce qui frappe Parley P. Pratt, ce sont les parallèles avec le Livre de Mormon et l’état de l’Église et du monde dans les derniers jours. « Nous donnons l’extrait suivant, à partir de la page 156 [chapitre 93, 2 et suiv.], sans commentaire, et nous laissons au lecteur le soin de juger de ce livre remarquable ». Et il se met en devoir de citer des passages qui vont particulièrement avec la situation des saints des derniers jours à l’époque : « Les justes et les sages recevront des livres de réjouissance, d’intégrité, de grande sagesse. Ils recevront des livres auxquels ils croiront, dans lesquels ils se réjouiront [95]. »

Ils avaient de quoi être impressionnés et ils auraient dû se rappeler que le livre d’Énoch de Joseph Smith leur était donné comme récompense pour avoir reçu le Livre de Mormon et y avoir cru. Mais les parallèles leur avaient échappé comme ils ont échappé depuis aux saints. Quand, en 1951, John A. Widtsoe présenta au présent auteur une copie de ce même texte de 1 Énoch (édition de 1912 de R. H. Charles), ce fut avec le regret de n’avoir jamais trouvé le temps de le lire et en se demandant s’il contenait quelque chose d’intéressant. À l’époque, le présent auteur lui-même ne l’avait jamais lu, pas plus que n’importe qui d’autre. Ce n’est que depuis 1950 (avec la découverte des textes d’Énoch parmi les manuscrits de la mer Morte), comme le font remarquer Koch et Van Andel, que l’on a commencé à prendre cet Énoch au sérieux. Pratt lut l’édition de 1838 en Angleterre et rien ne permet de penser qu’un membre de l’Église en Amérique en ait possédé un exemplaire. L’Inventaire des Documents de l’Église de 1846 ne contient aucun titre de ce genre dans les livres de la Bibliothèque de l’Église emportés dans les plaines.

7. Si j’ai tellement insisté sur le fait, qui n’était que trop évident, que Joseph Smith n’aurait pas pu utiliser ou être au courant de l’existence de l’édition de Laurence de 1821 du livre d’Énoch, c’est que c’était bien nécessaire : (a) parce que c’était l’unique traduction d’un texte ancien d’Énoch accessible à l’époque où Joseph Smith dicta Moïse, chapitres 6 et 7 et (b) les deux livres sont remplis de parallèles extrêmement significatifs. Si nous voulons que ces parallèles aient une quelconque valeur à l’appui des prétentions du prophète, nous devons naturellement pouvoir exclure qu’il ait pu utiliser le texte de Laurence.

Outre le fait que cette probabilité est astronomiquement faible, nous avons quelques « contrôles » positifs utiles qui montrent définitivement que ces parallèles ne dépendent pas du texte de Laurence. Car de nombreux autres manuscrits du livre d’Énoch nous sont parvenus dans différentes langues anciennes depuis 1830, qui ajoutent beaucoup de choses au texte standard et qui ne se trouvent pas dans la version de 1821, mais que l’on trouve dans l’Énoch de Joseph Smith. L’un des parallèles les plus remarquables, par exemple, est celui de certains versets de Moïse 7 et le chapitre 11 de la version éthiopienne du livre d’Énoch et cependant, ce chapitre-là ne se trouve pas dans la traduction de Laurence et ne pouvait donc pas être connu de qui que ce soit à l’époque.

8. Finalement, même si Joseph Smith avait eu à sa disposition la riche littérature apocryphe de notre époque, avec les milliers de pages d’Énoch, ou même le texte de Laurence de 1821, comment aurait-il su comment en utiliser le contenu ? Le livre d’Énoch du Prophète a moins de trois chapitres : comment aurait-il pu savoir dans tout cela quoi y mettre et quoi exclure pour créer un texte qui corresponde le mieux à ce que les savants modernes considèrent comme le contenu original authentique du livre d’Énoch ? C’est exactement ce qu’il a fait ; il a rassemblé en quelques heures le genre de texte qui correspond le mieux à ce que les spécialistes, après des années de comparaisons méticuleuses de textes, dégagent comme étant le texte hypothétiquement essentiel d’Énoch. Venons-en maintenant aux textes d’Énoch qu’ils ont utilisés pour leurs études comparatives diligentes et regardons comment l’histoire d’Énoch a émergé au fil des années.


Notes

53. Stuart, 3:89. Parmi les trésors de Bruce il y avait le Codex Brucianus 96, un long ouvrage chrétien copte qui est fortement influencé par la tradition d’Énoch.
54. Id.
55. J. E. H. Thomson, “Apocalyptic Literature,” The International Standard Biblical Encyclopedia, Grand Rapids, Mich., Wm. B. Eerdmans, 1939, réimpression 1960, 1:164.
56. M’Clintock, 3:225.
57. Thomson, l.c.
58. Migne, Dict. des Apocryphes 1:400.
59. Id., 1:394, 403. L’ouvrage de De Sacy’s parut dans le Magazine encyclopédique, ann. 6, 1:382, et contenait les chapitres 1–3, 11–16, 22 et 32, tous provenant du manuscrit de Paris.
60. Editorial, dans The British Critic, Quarterly Theological Review, and Ecclesiastical Record 2, 1826, p. 162, 131 et suiv., 160 et suiv., poursuivant Laurence avec une fureur impitoyable.
61. Id., p. 163.
62. Id., pp. 165–66.
63. Stuart, p. 90.
64. Migne, Dict. des Apocryphes, 1:401.
65. S. de Sacy, dans Journal des Savants, octobre 1822, p. 545–551, 587–595.
66. A. G. Hoffmann, 2 vols. (962 pages!), Jena, 1833–38. R. H. Charles ignore cet article dans sa liste de traductions, Apocrypha & Pseudepigr., 2:186.
67. Migne, Dict. des Apocryphes, 1:394–95; A. F. Gfroerer était directeur de la Bibliothèque de Stuttgart.
68. Id., pp. 194–95.
69. Cette traduction se trouve dans Migne, Dict. des Apocryphes, 1:425–514; ce tome est également appelé tome 23 de la Troisième et Dernière Encyclopédie Théologique, dir. de publ. J. P. Migne, Paris, 1856.
70. Fraser’s Magazine, 48 (novembre, 1833), contient un passage en revue de la seconde édition de l’Énoch de Laurence. On pouvait récemment trouver dans nos librairies des Soixante-dix le Livre d’Énoch, le Prophète, “Littéralement traduit de l’éthiopien par Richard Laurence, LL.D. Réimpression d’une édition revue, avec des variations et publiée par John Thomson, Glasgow, 1882”; édition de 1966, Seattle, Washington. Le texte diffère de la réimpression récente, The Book of Enoch.
71. C’étaient Edw. Murray, Enoch Restitutus, ou “an Attempt to separate from the books of Enoch, the Book quoted by Saint Jude”; D. M. Butt, The Genuineness of the Book of Enoch Investigated; John Overton, An Inquiry into the Truth and Use of Enoch … (1822). Migne, Dict. des Apocryphes 1:398, relève la négligence dont ces écrits ont été victimes.
72. Stuart, p. 90.
73. Thomson, 1:164.
74. Stuart, p. 88.
75. Schmidt, p. 47.
76. A. Herbert, Nimrod, Londres, imprimé pour R. Priestley, 1828, 1:36.
77. George H. Schodde, The Book of Enoch translated from the Ethiopic with Introduction and Notes, Andover, Warren F. Draper, 1882.
78. Michael Stuart, “Future Punishment, as exhibited in the Book of Enoch”, The American Biblical Repository, series 2, 4, juillet 1840, p. 10.
79. Id.
80. Id., p. 11.
81. Stuart, “Christology,” 3:130.
82. Encyclopédie Catholique, publiée par Glaire & Walsh, II, Paris, Parent Desbarres, 1846, p. 213–214.
83. J. B. Frey, “Apocryphes de l’Ancien Testament”, dans Pirot, Dictionnaire de la Bible, Supplément, Paris, Librarire Letouzey et Ané, 1928, 1:369.
84. K. Koch, Ratlos vor der Apokalyptik, pp. 7–9.
85. C. P. Van Andel, De Structuur van de Henoch-Traditie en het Nieuwe Testament, Utrecht, H. Kemink & Son, 1955, p. 1.
86. Stone, Scientific American, janvier 1973,pp. 80–82.
87. G. Widengren, The Gnostic Attitude, Santa Barbara, Calif., Institute of Religious Studies, 1973, p. 41–45.
88. E. M. Sowerby, Catalogue of the Library of Thomas Jefferson, Washington, Library of Congress, 1959, 5:vii.
89. Id.
90. Stuart, “Christology”, 3:91; italiques ajoutés.
91. Id., 3:90.
92. Id., 3:102.
93. Id.
94. Parley P. Pratt, Millennial Star 1, juillet 1840, p. 61.
95. Id., p. 63.



Troisième partie

(Ensign, février 1976)



Dans cette partie de notre étude d’Énoch nous allons comparer pas à pas le livre d’Énoch de Joseph Smith avec quatre catégories principales de documents communément appelés I Énoch (les textes éthiopiens, commençant avec les trois manuscrits apportés en 1773 en Angleterre par Bruce, II Énoch (aussi appelé Les Secrets d’Énoch, en slave ancien), III Énoch (textes d’Énoch en grec) et les fragments d’Énoch dispersés en hébreu et en araméen. Attendu qu’ils vont nous servir de contrôles de la fiabilité du prophète Joseph, il convient d’examiner brièvement les qualifications de chacun d’entre eux.

I Énoch. Récemment, en 1937, le professeur C. Bonner pouvait écrire : « Aucune partie des écrits originels hébreux ou araméens, qui faisaient partie de cette œuvre composite, n’a survécu dans la langue d’origine. La version grecque, dans laquelle l’Église primitive lisait Énoch, a également disparu… Ce que nous savons aujourd’hui de ce livre nous vient de la version éthiopienne », issue d’une époque « où toute la chrétienté, excepté l’Égypte, avait supprimé Énoch de sa liste de livres sacrés [96]. » I Énoch a longtemps été reconnu comme « le plus grand et, après Daniel, le plus important des livres apocalyptiques juifs que l’on en est venu si récemment (1916) à reconnaître comme fournissant des données extrêmement importantes pour l’étude critique des idées et de la phraséologie du Nouveau Testament [97] ». L’ouvrage fut traduit en éthiopien vers 500 apr. J.-C. [98], mais les vingt-neuf textes éthiopiens utilisés en 1912 par R. H. Charles proviennent tous des XVIe et XVIIe siècles [99]. Tout le monde convient que l’Énoch éthiopien est un travail composite et que la datation de ces différents composants est encore entièrement une affaire de conjecture [100].

Bien qu’on ne puisse avancer que des suppositions concernant le processus et les étapes suivant lesquels le document a été assemblé, Ploeger attribuerait une origine essénienne du IIe siècle av. J.-C. à ce qu’il considère être les parties les plus anciennes [101]. Bonner trouve que, comparée à la version grecque, la traduction éthiopienne, « quoique fidèle dans son intention… contient de nombreuses fautes, des omissions par-ci, des rajouts par-là, et commet d’une manière générale de nombreuses erreurs. Pourtant, ils ne sont pas rares les endroits où elle préserve une meilleure lecture que celle du papyrus grec [102]. » En fait, le texte, dans son ensemble peut… être plus fidèle à l’original [hébreu] que le grec [103]. » Toutefois, « le texte éthiopien est plus général et, pour cette raison, c’est une œuvre littéraire plus imaginative et plus libre » que les autres [104] et cette liberté a un prix, car l’œuvre des natifs des XVIe et XVIIe siècles «  a été désastreuse dans l’ensemble », selon R. H. Charles. « Pour ce qui est de loin le meilleur » des manuscrits, il montre une bien étrange orthographe, une mauvaise grammaire et de nombreuses corruptions [105]. »

Il convient ici d’attirer l’attention sur la leçon inculquée par A. E. Housman à ses élèves : Une « beste Handschrift », cela n’existe pas : le pire des manuscrits peut contenir des morceaux sans prix d’un texte antique dans leur forme originelle pure, alors qu’un manuscrit connu pour ses lectures convaincantes prouvées correctes peut, sans avertissement, sortir d’incroyables invraisemblances. C’est ainsi qu’il se fait que l’Énoch éthiopien, « bien que foisonnant de toutes sortes d’erreurs… d’additions, de corruptions et d’omissions », contient malgré tout un certain nombre de « formulations uniques et originales » pouvant être extrêmement précieuses [106].

II Énoch, les Secrets d’Énoch. Cet ouvrage « était inconnu du monde occidental jusqu’à ce que Robert Henry Charles soupçonne, en 1892, un manuscrit slave publié en 1880 par A. Popov » de ne pas être un simple réchauffé de l’Énoch éthiopien, « mais bien un document différent. Ses soupçons se révélèrent justifiés quand William Richard Morfill traduisit, en 1896, le manuscrit slave en anglais [107]. » Ploeger conclut que l’Énoch slave était originaire d’une secte juive d’Égypte et avait été traduit en slave au tout début du Moyen Âge [108]. S. Terrien note qu’il « comporte de nombreuses croyances du Judaïsme populaire du premier siècle de notre ère [109] ». D’autres contestent ceci. H. F. Weiss maintient que l’Énoch slave provient d’un original grec et qu’il ne vient pas de Palestine [110]. D’autres y voient une reformulation de l’Énoch éthiopien basée sur un texte grec écrit à l’origine en Palestine avant la destruction du temple (70 apr. J.-C.), faisant remarquer que le style hellénistique suggérait un auteur judéo-alexandrin [111]. Récemment, D. Winston a attiré l’attention sur une forte influence iranienne dans II Énoch. L’édition standard de l’Énoch slave est celle d’A. Vaillant, qui rassemble pour son texte « une douzaine de manuscrits slaves différents » [113]. Selon Vaillant, l’Énoch slave fut remarqué pour la première fois en 1859 [114]. R. H. Charles base sa version sur la traduction allemande de Bonwetsch et la traduction anglaise de Morfill de 1896 [115].

L’Énoch slave nous est parvenu dans une version courte et une version longue, au sujet desquelles les experts sont incapables de se mettre d’accord pour dire laquelle a la priorité [116]. Vaillant trouve que la version longue doit être « imputée à l’imagination des XVe et XVIe siècles » [117], tandis qu’eux et les cinq manuscrits slaves de la version courte (traductions du grec) [118], une fois dépouillés des fantaisies tardives qui embarrassaient tellement Charles, présentent « un ensemble parfaitement cohérent qui, sans la moindre disparité, se met en place comme œuvre du christianisme primitif [119] ». Vaillant appelle l’Énoch slave « cette imitation chrétienne d’un apocryphe juif » dans laquelle « la pensée chrétienne est exprimée en termes de l’Ancien Testament, dans lesquels des emprunts à l’Évangile semblent être transposés [120]. » Bien que la première révision importante ait eu lieu au XIIIe siècle, le manuscrit dans lequel il nous est parvenu est du XVIe siècle. La langue en est le bulgaro-serbe. Son auteur fait des emprunts à la Chronique d’Harmatole et appartenait peut-être au cercle de Vladislav le Grammairien [121]. Une deuxième révision importante, qui corrige le « slave médiocre » de la première, fut réalisée par un érudit moldave inconnu [122].

III Énoch, l’Énoch grec. Des extraits grecs du livre d’Énoch ont toujours été accessibles dans Jude 14-15 (citant 1 Énoch 4:14), l’épître de Barnabas 4:3, 16:5-6, Clément d’Alexandrie (Eclog. Prophet 53.4), Origène (Contra Celsum 5:52), Commentaire de Jean Vl 42 (25) et dans le long neuvième fragment de la Chronique de Georges Syncellus (Dindorff p. 24:2-11). R. H. Charles donne une liste de pas moins de 128 citations du livre d’Énoch dans le Nouveau Testament [123] ! Pourtant, ces passages ne purent être identifiés que lorsqu’on disposa d’un véritable texte d’Énoch d’une sorte ou d’une autre ; en 1912 encore, l’Énoch grec n’était connu que dans la tradition slave du Xe siècle [124].

Un fragment de l’Énoch grec correspondant à une section de l’Énoch éthiopien (1 Énoch 89:42-49) « fut découvert en 1832 dans la Bibliothèque vaticane par Angelo Mai et déchiffré en 1885 par Johann Gildemeister. Une partie considérable de cette même traduction grecque fut découverte en 1886-1887 à Akhmim, en Haute-Égypte, et publiée en 1892 [125]. »

Ainsi, un contrôle important, quoique limité, des textes éthiopien et slave tardifs devenait possible, avec l’apparition des documents grecs beaucoup plus anciens. En 1893, R. H. Charles fit une comparaison exhaustive entre le texte éthiopien et les textes grecs nouvellement découverts, comparaison qui est donnée dans l’original dans l’appendice de sa traduction de 1912 de I Énoch (p. 318-370). Charles constata que l’éthiopien avait été traduit du manuscrit originel Gg, un texte grec très corrompu, bien que chacun contienne du texte original que l’on ne trouve pas dans l’autre. L’important texte Akhmim fut découvert « durant l’hiver de 1886–1887 par la « Mission archéologique française » et était considéré, à l’époque de sa publication [par Bouriant en 1892] comme datant du VIIIème siècle, mais on le fait remonter maintenant au VIe siècle [127] ».

Quand, en 1930, l’Université du Michigan obtint six feuilles de papyrus du Codex d’Énoch en grec, le professeur Bonner découvrit qu’elles appartenaient à un ensemble de papyrus provenant de la fameuse collection Chester Beatty et effectivement, en 1931, Frederick Kenyon trouva d’autres feuilles de ce même texte dans la collection Beatty, ce qui faisait un total de quatorze pages [128] rédigées par un seul scribe dans une écriture du quatrième siècle, de loin le plus ancien texte d’Énoch découvert jusqu’alors [129]. « Écrit par une main malhabile, qui n’était certainement pas celle d’un scribe entraîné », le Codex du Michigan est « plein de fautes d’orthographe…. [130], « presque toutes les pages contiennent des erreurs d’une espèce grave, ce qui montre que le scribe était souvent somnolent ou inattentif et nous laisse penser qu’il comprenait son texte imparfaitement… le manuscrit duquel il copiait était lui-même corrompu ou alors illisible à certains endroits [131]. » Dans sa forme, ce n’est pas un rouleau, mais un livre [132], relié avec un texte de Méliton. L’Énoch de Beatty doit être considéré, suggère Van Andel, comme typique de cette « littérature édifiante des cercles chrétiens du IIIe au VIe (?) siècle [133] », montrant en quelle estime il était tenu par les premiers chrétiens, ayant été introduit dans l’Église avec tous les honneurs provenant de temps plus anciens [134].

L’Énoch grec offre un autre exemple et un avertissement à l’intention de ceux qui voudraient baser leurs arguments sur le silence des sources. En 1910 encore, un érudit aussi éminent que C. Schmidt « avait essayé de montrer… que l’étrange silence des écrits de tous les Pères de l’Église sur ce livre remarquable, dont la coloration chrétienne, au moins dans sa forme présente, serait particulièrement tentante pour eux, fait que l’on peut douter qu’il ait jamais été traduit en grec [135]. » En effet, Schmidt pouvait écrire en 1822 : « Aucun manuscrit du texte grec n’a encore été découvert et il semble n’avoir laissé aucune trace importante dans la littérature byzantine bien qu’il ait dû être lu à Constantinople aussi bien qu’à Alexandrie [136]. »

Mais une fois qu’un livre d’Énoch parut, Charles put fournir non seulement 128 citations d’Énoch dans le Nouveau Testament, mais une liste de plus de trente ouvrages apocryphes (juifs et chrétiens) et patristiques importants citant Énoch [137]. Tout récemment, M. Philonenko a attiré l’attention sur un texte manichéen grec contenant un extrait important d’Énoch [138]. Mathew Black a rassemblé tous les textes grecs d’Énoch disponibles et reconstitués en une unique et hypothétique « Apocalypsis Henochi Graeci » [139], mais le grand texte grec manque toujours.

L’Énoch hébreu-araméen. On a toujours pensé que la plus ancienne version d’Énoch se révélerait être araméenne ou hébraïque. « Le livre du Zohar, dans lequel il y a diverses allusions à Énoch, semble dire de lui que c’est un ouvrage hébreu important qui s’est transmis de génération en génération. Les Cabalistes… pensaient qu’Énoch en était réellement l’auteur [140]. »

On peut suivre le développement des textes de l’Énoch hébreu par Jellinek dans les pages du Beth ha-Midrash. En 1859, Jellinek suggéra que « un livre d’Énoch hébraïque ressemblant à l’éthiopien » avait jadis circulé chez les Juifs. « Le karaïte Salmon b. Jerucham, au Xe siècle, Moïse de Léon [au XIIe siècle] et le Zohar vers la fin du XIIIe siècle citent tous un livre d’Énoch [141] », mais dès 1853, Jellinek avait suggéré certaines « sources hébraïques du livre d’Énoch » et avait même avancé qu’Énoch était une création essénienne [142].

De plus, de gros fragments du livre perdu d’Énoch se trouvent dans le Pirke de-Rabbi Eliézer et les Hékhaloth », qui sont en fait appelés « Livre d’Énoch » dans le manuscrit Oppenheim [143]. Dans le tome 2 du Beth ha-Midrash, Jellinek donne le texte d’un « livre d’Énoch » tel que conservé dans le livre de Moïse de Leon, le « Livre de la demeure des Secrets » [144] et dans le tome suivant, il note que les Grandes Hékhaloth (voulant dire par là les Chambres, c'est-à-dire, d’initiation dans le Temple) étaient un type d’écrit combinant essénisme et soufisme et avait une grande influence sur les poètes et les mystiques. Les Grandes Hékhaloth, dit-il, étaient en fait un « livre secret des Esséniens traitant de l’origine de l’univers et du trône divin d’Ézéchiel. Des parties de cet ouvrage apparaissent dans le livre d’Énoch, qui est la source de la littérature chrétienne-essénienne et juive-essénienne [145]. »

Dans le Beth Hamidrash, tome IV, Jellinek donne le texte d’une Vie d’Énoch tirée du Séfer ha-Jasha, utilisant des sources plus anciennes, et annonce que cela fournissait « une nouvelle confirmation que la saga d’Énoch tout entière et les livres d’Énoch étaient connus des Juifs et qu’on ne les laissa tomber dans l’oubli qu’après l’époque où une chrétienté grandissante manifesta une préférence dogmatique pour ce cycle », c’est-à-dire que ce fut son adoption par les chrétiens qui aigrit les Juifs contre Énoch [146].

Dans le tome V, en 1872, Jellinek annonça joyeusement la confirmation de ses longues recherches. « Dans [le Beth ha-Midrash] III, 1855, p.13, j’ai postulé l’existence de plusieurs versions des thèmes des Hékhaloth attribués à la Sagesse d’Énoch. Ainsi donc, le Livre d’Énoch primitif fut assemblé à partir de divers ouvrages plus petits, qui remontaient à Énoch ! » La preuve décisive est un texte que Jellinek reproduit à cet endroit, tiré de Recamatic, Commentaire du Pentateuque, Venise, 1545 [147]. L’étude de la littérature apocalyptique juive en général fut commencée en 1857 par M. Lilgenfeld et il s’avéra bientôt, grâce à des citations des Douze Patriarches, des Jubilés, etc. qu’Énoch était « la première et la plus importante de toutes les apocalypses palestiniennes [148] ». « De tous les écrits palestiniens, écrit l’érudit catholique J. B. Frey, le Livre d’Énoch semble avoir surpassé tous les autres en antiquité et en importance [149]. »

N. Schmidt conclut « qu’il est possible que la collection de Pic (au XVe siècle) ait possédé une copie de l’Énoch hébreu… ce que les préjugés des savants ont laissé passer sans s’en apercevoir [150]. » Outre les Hékhaloth publiées par Jellinek en 1873, Schmidt mentionne comme source de l’Énoch hébreu le Séfer Hékhaloth de R. Ishmael (Limberg, 1865), mais précise que « l’Énoch hébreu contient du texte qui semble avoir été tiré des sources éthiopienne et slave ainsi que d’autres sources », le considérant ainsi, comme S. Zeitlin le fait avec les Manuscrits de la mer Morte, comme une création médiévale [151].

Ce qui prouve que l’Énoch hébreu est l’original, c’est la découverte, parmi les manuscrits de la mer Morte, de fragments considérables du livre d’Énoch. On se souviendra que Jellinek avait, déjà en 1853, avancé que le livre d’Énoch était une création essénienne [152]. Les événements devaient lui donner raison presque exactement un siècle plus tard.

En 1956, le Père J. T. Milik mentionna huit fragments différents, dans les manuscrits de la mer Morte, de I Énoch en araméen et d’un livre III araméen qui était supérieur à la section éthiopienne sur l’astronomie. Il y avait aussi une épître d’Énoch à Shamazya et à ses amis, un manuscrit datant d’avant 70 av. J.-C [153]. F. M. Cross signala, en 1954, que le Pesher ou commentaire d’Habacuc, l’un des premiers ouvrages découverts à Qumran, était « un ouvrage inconnu apparenté à la littérature énochienne [154] ». Cependant, entre 1952 et 1973, seulement deux de ces fragments araméens avaient été publiés et en 1970, M. Black dut mettre son livre sous presse sans profiter des grands fragments [155].

Tous les fragments d’Énoch découverts dans la grotte I, selon Milik, y furent déposés au premier siècle de notre ère [156]. « Les fragments de I Énoch venant de la grotte IV découverte en 1952, sont tous en araméen et montrent des affinités avec la version éthiopienne. » « Ils contiennent des textes d’Énoch jusqu’alors inconnus, comme une lettre d’Énoch à Shamazya. » Dans trois de ces manuscrits, le voyage d’Énoch sur la terre est donné « dans une version longue » [157]. Mais malgré toute leur importance, les vieux textes d’Énoch en araméen sont encore tenus secrets pour le monde après plus de vingt ans. L’important Apocryphe de la Genèse découvert à Qumran commence avec cinq colonnes qui « traitent de la naissance de Noé d’une façon qui n’a absolument aucun rapport direct avec le bref récit biblique de Gen. V, 28f [Genèse 5:28 et suiv.], mais ressemble à Énoch cvi dans la plupart des points essentiels [158]. »

Évaluations du livre d’Énoch dans son ensemble

Ce fut Laurence lui-même qui, dans ses deux premières éditions, suggéra que « différentes parties de ce livre ont pu avoir été composées à des époques différentes par des personnes différentes [159] ». Poursuivant cette supposition, E. Murray va trop loin et ne voit en Énoch rien de plus qu’un fouillis de traités disparates sur des sujets sans rapport les uns avec les autres regroupés autour d’un livre original qui ne devait pas compter plus de trente versets [160] ! Du milieu du XIXème au milieu du XX siècle, le jeu préféré des érudits était de démanteler les écrits anciens en de nombreuses composantes originales. C’est ainsi que J. B. Frey, tout en saluant le livre d’Énoch comme un ouvrage très ancien et très important, insiste en fait en disant que ce n’est pas vraiment un livre d’Énoch mais plutôt une littérature énochienne constituée d’ouvrages très disparates qui n’ont en commun que le nom d’Énoch, comme si « Énoch » n’aurait pas pu écrire sur plus d’un sujet [161].
 
Carl Clemen, en 1898, trouve pas moins de douze traditions distinctes dans Énoch et fait grand cas des changements de personne qui, pour lui, « trahissent le caractère composite de l’ouvrage » [162]. R. H. Charles suggère que Énoch «  est construit sur les débris » d’une histoire de Noé plus ancienne et insiste sur le fait que « les paraboles ont une origine distincte tout comme les sections cosmologiques [163]. Les experts ont avancé toutes les théories possibles concernant cet ouvrage. Comme le note R. H. Charles, « chaque spécialiste divise différemment les livres d’Énoch et leur attribue des dates différentes [164]. » Dès 1840, M. Stuart avait la perspicacité de noter que « le ton et la teneur du livre ont de nombreuses ressemblances avec des passages du Zend-Avesta » [165], tandis que Sieffert voit comme auteur d’une partie du livre un hassid de l’époque de Simon Macchabée et d’une autre partie un essénien d’avant 64 av. J.-C. et Philippi le considère comme entièrement écrit « en grec par un auteur unique, un chrétien, vers 100 apr. J.-C. [166]. »

Le Hastings Dictionary of the Apostolic Church déclarait qu’Énoch était un « ouvrage curieusement complexe et inégal. En fait il est tout un cycle en lui-même », bien que « dans ce pot-pourri nous trouvons certaines notes récurrentes [167] ». L’Interpreter’s Dictionary of the Bible (2:103) reconnaît que « l’on ne peut pas déterminer dans quelle mesure le compilateur a retravaillé ses sources. Il a certainement fait peu d’efforts pour les harmoniser… Dans une certaine mesure, il les a entremêlées… Mais le plus souvent les sources se succèdent sans qu’il soit fait grande attention à l’ordre chronologique ou logique ou à la suite dans les idées » [168]. En 1960, J. E. H. Thompson pouvait encore dire qu’il y avait plus de désaccords que jamais entre les experts au sujet de la structure d’Énoch et la nature et la priorité de ses différentes parties [169]. C. P. Van Andel, écrivait en 1955 qu’aucune étude d’ensemble d’un aspect quelconque du livre d’Énoch n’avait encore jamais été entreprise [170]. Il donne le clairement la priorité à l’Énoch grec puisqu’il est intelligible là où I Énoch est souvent incompréhensible [171]. Nous relèverons plus loin des cas importants où l’Énoch de Joseph Smith « suit » la version grecque et non la version éthiopienne.

L’Énoch éthiopien, nous dit Van Andel, vient de sources juives de l’époque du Christ. Quoique son « Sitz im Leben » doive encore être déterminé, toute la littérature d’Énoch est reconnue comme étant l’œuvre de membres de sectes. R. H. Charles voit une origine hassidique, c'est-à-dire pharisienne, tandis que Leszinski lui attribue une origine sadducéenne et Lagrange, une origine essénienne, toutes apparentées d’une manière ou d’une autre à la communauté de Qumran [172]. La partie de I Énoch appelée « La Sagesse d’Énoch » (91-107) appartenait, selon Van Andel, à un groupe séparatiste qui était sans amis dans le monde et qui s’opposait fortement aux classes dominantes d’Israël [173]. Van Andel conclut que la source ultime de l’Énoch éthiopien était un livre qui circulait parmi les des sectes juives apparentées des deuxième et premier siècles av. J.-C., qui prenaient Énoch comme modèle pour dénoncer un monde dégénéré [174]. Ce « livre » venait, de son côté, de la même source que « les Jubilés », mais est plus ancien [175] tandis que la partie la « Sagesse d’Énoch » a la même origine que « Les Douze Patriarches » et le fragment zadokite des manuscrits de la mer Morte, avec leur accent sur la prêtrise et le strict respect de la loi [176].

Tous les spécialistes sont d’accord pour dire que l’origine du livre d’Énoch et de ses différentes parties reste complètement inconnue, tout en insistant sur le fait que le livre d’Énoch doit dériver d’écrits plus anciens. Pourtant les sources les plus anciennes que nous possédons prétendent remonter à Énoch et n’en connaissent aucune plus ancienne qu’Adam. Au lieu de s’évertuer à rechercher des sources pour Énoch qui restent introuvables, pourquoi ne pas faire preuve de bon sens et accepter Énoch lui-même comme étant la source, comme le font les auteurs des Jubilés et des « Douze Patriarches » ?

Van Andel, qui, à juste titre, accuse Albert Schweitzer de ne prêter aucune attention aux écrits apocalyptiques juifs dans sa reconstitution de son concept de Jésus et de ses disciples [177], est coupable du même genre de myopie quand il fait tout remonter aux récits juifs du IIIe siècle av. J.-C. et s’y arrête pile, comme si avant cela c’était le vide. Mais Rudolf Otto demande pourquoi nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin dans le temps, puisque le Voyant avec sa vision de la Sion céleste et de l’Ancien des jours est un cliché dans tous les écrits anciens [178].


NOTES

96. C. Bonner, The Last Chapters of Enoch in Greek, Londres, Christophers, 1937, p. 3.
97. A. L. Davies, dans J. Hastings Dictionary of the Apostolic Church, New York, 1916, 1:334.
98. O. Ploeger, dans Religion in Geschichte und Gegenwart 3:222.
99. R. H. Charles, The Book of Enoch or 1 Enoch, Oxford, 1912, p. xxiv; un manuscript important date “peut-être même déjà du XVe siècle” p. xxiii et un autre du XVIIIe siècle, p. xxii.
100. Ploeger, p. 222.
101. Id., p. 223–24.
102. Bonner, p. 22.
103. Id., p. 24.
104. C. P. Van Andel, De Struktuur van de Henoch-Traditie, Utrecht, Kemink & Son, 1955, p. 7.
105. Charles, p. xxv.
106. Id., p. xxvi.
107. S. Terrien, dans Encyclopedia Americana, 1970, 10:395.
108. Ploeger, p. 224.
109. Terrien, l.c.
110. H. F. Weiss, untersuchungen zur Kosmologie des Hellenistischen u. Palästinischen Judentums, Berlin, Akademie Verlag, 1966, p. 126. Voir aussi O. Eissfeldt, Einleitung in das Alte Testament, Tübingen, Mohr, 1964, p. 843.
111. E. da San Marco, Enciclopedia Cattolica, Cité du Vatican, 1951, 6:1467.
112. D. Winston, “The Iranian Component in the Bible, Apocrypha, and Qumran,” History of Religions, 5:197.
113. Terrien, 10:395.
114. André Vaillant, Le Livre des Secrets d’Henoch, Université de Paris, Institut d’Études Slaves, 1952, p. iii.
115. Id., p. iv.
116. Id, p. i.
117. Id.
118. Id., p. v.
119. Id., p. viii.
120. Id., p. xi.
121. Id., p. xxi.
122. Id., p. xxiii.
123. Charles, p. xcv et suiv.
124. Vaillant, p. viii.
125. Terrien, 10:394.
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162. C. Clemen, Theologische Studien u. Kritiken, 1898, pp. 211 et suiv, cit. Charles, p. xliii.
163. Charles, p. xlvii–xlviii.
164. Id., pp. xxxff.
165. M. Stuart, Biblical Repository and Classical Review, Andover, 1840 et suiv, 3:132. Plus tard, in 1891, T. K. Cheyne releva “des elements esséniens et zoroastriens” dans la littérature énochienne ; cit. Charles, p. xlii.
166. Id., p. xxxv.
167. Hastings Encyclopedia of the Apostolic Church, 1916, 1:334.
168. M. Rist, dans Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York, Abingdon Press, 1962, 2:103.
169. J. E. H. Thomson, dans International Standard Bible Encyclopedia, Grand Rapids: W. B. Eerdmans, 1960, 1:164.
170. Van Andel, Structuur, p. 1.
171. Id., pp. 6–7.
172. Résumé par Van Andel, p. 9.
173. Id., p. 11.
174. Id., p. 43.
175. Id., p. 47.
176. Id., p. 51.
177. Id., p. 68.
178. Id., p. 70.



Quatrième partie
 
(Ensign, mars 1976)



Un problème âprement discuté a toujours été : à quel point les écrits énochiens sont-ils chrétiens ? « Il est possible que la dernière formulation de 1 Énoch ait été écrite par des mains chrétiennes, mais il n’y a aucun endroit où les diverses parties donnent des raisons de de la juger d’origine ou d’interpolation chrétienne. » C’est ce que conclut Van Andel [179]. Dans des ouvrages juifs tels que les Douze Patriarches, Jacques II, Pierre, Jude, la Didaché, Barnabas et Hermas, il trouve qu’il « est pratiquement impossible de distinguer entre les éléments chrétiens et non chrétiens » [180]. Pour J. Z. Werblowsky, la version slave « intègre les concepts messianiques des Juifs d’Alexandrie aussi bien que de nombreux ajouts chrétiens… circulant pendant la période du second Temple » [181].

Les érudits chrétiens, résolus à préserver « l’originalité » de Jésus dans le cas d’Énoch, comme pour les manuscrits de la mer Morte, ont décrété qu’Énoch est un ouvrage totalement étranger au Nouveau Testament. En 1840, M. Stuart estime que « le lecteur qui n’est jamais allé très loin dans l’étude de la critique sacrée ne peut s’imaginer toute la lumière qu’il [1 Énoch] jette sur diverses parties du Nouveau Testament, et plus particulièrement sur l’Apocalypse… Et pourtant… combien différentes sont ces deux compositions, bien que les ressemblances partielles et même générales soient si fréquentes » [182]. Il nous assure qu’Énoch et le livre de l’Apocalypse furent écrits à la même époque par deux auteurs juifs sur le même thème et le même but généraux… les deux auteurs… traitent de visions et de symboles » [183]. Pour sauvegarder l’originalité du Nouveau Testament, il explique que les deux livres sont des inventions indépendantes et que « les deux auteurs donnent libre cours à leur imagination et inventent librement » [184].

Stuart n’en est pas moins stupéfait de découvrir ce qui ressemble à « de la vraie christologie avant l’époque du Christ ! » [185]. Comment l’expliquer ? Ce devait être une œuvre chrétienne : « Le contour tout entier de la partie messianique du livre indique une connaissance plus grande de la christologie que ce que l’on pourrait raisonnablement attendre d’un quelconque Juif sans inspiration… à une époque antérieure à la publication du christianisme [186]. »

Et si c’était un Juif inspiré ? Ceci est bien sûr hors de question. « Ma conviction profonde est que nos écritures actuelles sont la règle unique et suffisante de foi et de pratique » [187], une prise de position qui l’oblige à annoncer, quoi qu’il arrive : « Je n’ai pas la moindre intention de dire du livre d’Énoch qu’il est une autorité. On ne me fera jamais croire que les Éthiopiens avaient une justification de le mettre dans leur canon » [188]. Cependant, il admet franchement que les premiers chrétiens, notamment les premiers Pères, l’avaient mis dans leur canon [189] ! Sa conclusion : « L’auteur était un Juif chrétien [190]. » Chrétien, parce que « aucun un sage purement juif, connu de nous, n’aurait amené les auteurs, à une époque aussi lointaine, à emprunter le chemin qu’il a parcouru [191]. » Juif, parce qu’il « connaissait particulièrement bien les écritures de l’Ancien Testament et avait probablement une certaine connaissance de celles du Nouveau. L’ouvrage fut composé, selon toute probabilité, dans la seconde moitié du premier siècle de l’ère chrétienne » [192].

En 1860, G. Volkmar, motivé par les mêmes arguments, insista sur le fait qu’Énoch était un ouvrage purement chrétien, l’idée qu’il puisse être préchrétien étant le résultat d’une traduction défectueuse ; il n’avait rien à voir avec les membres des sectes du premier siècle av. J.-C. [193] Et puis, en 1864, les textes d’Énoch hébreux purement juifs commencèrent à apparaître [194], mais A. Vaillant, en bon catholique, tient la bonne réplique : « Alors que l’Énoch hébreu est « mal construit, confus et ténébreux, l’Énoch chrétien est raisonnable, ordonné et clair ». Ce sont donc les chrétiens qui ont réellement organisé les vieux textes juifs et qui, dans la foulée, « inventèrent une autre histoire », ce qui exclut les Juifs. Dans le même esprit, Weisse, Hofmann et Philippi prétendent tous qu’Énoch était un ouvrage chrétien en vertu du « principe dogmatique », selon Charles, que le christianisme devait être défendu « dans son originalité pure » [196].

C’est une question qui a tarabusté ces dernières années tous les spécialistes des anciens écrits apocalyptiques : que faire quand un ouvrage indubitablement juif contient des éléments indéniablement chrétiens ? Cela a été, bien entendu, l’une des principales pierres d’achoppement du Livre de Mormon : comment des Juifs pouvaient-ils, avant l’époque du Christ, à ce point parler et agir comme des chrétiens et vice-versa ? Cette anomalie apparente a amené tant les Juifs que les chrétiens à modérer leur enthousiasme pour les manuscrits de la mer Morte et même à déconseiller leur publication [197].

Après avoir énuméré une douzaine de mentions d’Énoch dans le Nouveau Testament, l’Encyclopedia Britannica minimise le lien en vertu de la théorie que « la répétition d’idées et de phraséologie semblables indique tout simplement l’influence d’une tradition commune » [198]. Van Andel insiste sur le fait que la communauté du Nouveau Testament qui a inventé Énoch suivait le Christ, qui, lui, n’était pas une invention : « Le véritable Énoch s’est perdu dans les brumes du mythe alors que le véritable Christ est un personnage historique… » [199]. Et comment ont-ils inventé Énoch ? Quelle proportion de cette histoire est parvenue jusqu’à eux en plus de son nom ? Personne ne le sait, et il est facile d’avancer des théories. Même R. H. Charles, pour éviter d’accorder trop de crédit à Énoch, a introduit, selon Black, des choses dans sa traduction sans « le moindre soutien de la tradition des manuscrits… Il a en fait pratiquement réécrit la fin des Similitudes pour la faire cadrer avec ses idées sur ce qu’Énoch aurait dû dire [200]. »

Mais P. Battifol, avec sa clairvoyance habituelle, a observé il y a longtemps que des ouvrages tels qu’Énoch sont un prolongement des prophètes canoniques et « en même temps un prologue à l’Évangile. C’est ainsi et ainsi seulement que l’on peut expliquer la faveur qui leur était accordée dans l’Église primitive et comment, négligés par les Juifs de la tradition talmudique, ils ont été préservés pour nous par des mains chrétiennes [201]. »

Le but de ce résumé fastidieux et superficiel est de bien montrer que, lorsque Joseph Smith fait paraître des pages d’un livre d’Énoch pour nous le faire lire, ce ne peut pas être quelque chose qu’il a emprunté à une quelconque source ancienne connue, qu’elle soit éthiopienne, grecque, slave, hébraïque, araméenne ou arabe, etc., car aucune d’elles n’était à sa disposition en 1830.

De tous les concepts primordiaux portés à l’attention de l’humanité par le ministère du prophète Joseph Smith, aucun n’a été en butte à une plus grande dérision ou ne mérite plus de respect que son affirmation que certaines annales sacrées ont été tenues et transmises aux saints de chaque dispensation au fil des siècles. Il nous dit comment un dépôt d’écrits sacrés a été préservé et agrandi depuis le commencement de l’homme jusqu’à maintenant ; et s’il dit vrai, il existe aujourd’hui quelque part sur la terre, si seulement nous savions où les découvrir, l’équivalent de milliers de bandes magnétiques et de films rappelant les événements cruciaux de l’histoire humaine. L’équivalent ? Mieux que cela ! Le vieux rêve de science-fiction de récupérer les ondes de son et de lumière propagées par les grands événements historiques s’avère être une erreur – les physiciens-nous assurent que les ondes sonores et lumineuses ont l’art de perdre de la définition et de s’atténuer peu après avoir entrepris leur ambitieux voyage dans toutes les directions et on peut montrer que les instruments les plus puissants que l’on puisse concevoir ne pourront jamais démêler leurs impulsions inextricables.

Cela signifie que l’art d’écrire, une technique vieille comme l’histoire, reste et restera probablement toujours le moyen le plus efficace d’unir le temps et l’espace. « Mais de toutes les inventions stupéfiantes, écrit le non moins stupéfiant Galilée, quel esprit sublime a dû avoir celui qui a conçu le moyen de communiquer ses pensées les plus secrètes à autrui, aussi éloigné qu’il soit dans le temps ou dans le lieu, parlant à ceux qui sont aux Indes, parlant à ceux qui ne sont pas encore nés ni ne naîtront d’ici mille ou même dix mille ans ? Et cela sans devoir se donner plus de peine que d’arranger de diverses façons deux douzaines de petits signes sur du papier ? Que ce soit là le sceau de toutes les inventions admirables de l’homme [202]. » Le sublime de la chose fait que l’on doute qu’elle soit une invention humaine : les hommes n’ont jamais rien inventé de tel avant ou depuis, et l’idée que « l’homme primitif » y soit arrivé insensiblement, petit à petit, au cours de dizaines de milliers d’années de tâtonnements est tout simplement grotesque.

Eh bien, Joseph Smith, le Voyant, nous raconte une histoire qui, une fois assemblée, est aussi splendide qu’audacieuse. Et il n’est pas difficile de l’assembler, car on la retrouve partout dans toutes les écritures inspirées qu’il nous fournit, le Livre de Mormon, en particulier, nous l’explique clairement. Voici comment cela marche.

Énoch déclara autrefois que, du temps d’Adam, « il était donné à tous ceux qui invoquaient Dieu d'écrire par l'esprit d'inspiration », qu’un « livre de souvenir » fut tenu « dans la langue d’Adam » et transmis jusqu’à sa propre époque, « écrit… parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné » (Moïse 6:5, 46). À la fin de sa vie, « Adam prédit tout ce qui arriverait à sa postérité jusqu’à la dernière génération » et cette information fut soigneusement consignée : « Ces choses furent toutes écrites dans le livre d’Énoch, et il en sera témoigné en temps opportun » (D&A 107:56-57).

Il existe donc un document écrit qui relie toute l’expérience humaine depuis le commencement jusqu’à la fin. Entre-temps il y a un travail consciencieux de tenue de registres pour remplir le document, le mettre à jour, condenser et abréger là où c’est nécessaire et le remettre en de bonnes mains pour que la transmission continue. « Car je commande à tous les hommes, à l’est, à l’ouest, au nord et au sud, et dans les îles de la mer, d’écrire les paroles que je leur dis, car, d’après les livres qui seront écrits, je jugerai le monde, chacun selon ses œuvres, suivant ce qui est écrit… et je parlerai aussi à toutes les nations de la terre et elles l’écriront » (2 Néphi 29:11–12).

Tout comme l’écrit franchit l’espace, de même il franchit le temps. Nous avons l’assurance que, lorsque les plaques de bronze que Léhi emporta de Jérusalem. « seraient envoyées à toutes les nations, familles, langues et peuples de sa postérité, qu’elles ne périraient jamais et qu’elles ne seraient même jamais ternies par le temps » (1 Néphi 5:18-19). Le monde est ainsi couvert d’une sorte de réseau de communications, quelque chose comme le réseau de vie organique de Teilhard de Chardin, grâce auquel les justes peuvent, quels que soient le temps ou le lieu, partager un univers de parole commun. « Et il a assurément montré… à beaucoup ce qui nous concerne, c’est pourquoi, nous devons nécessairement être informés à ce sujet… afin qu’ils fussent au courant des actions du Seigneur dans d’autres pays, parmi les peuples d’autrefois » (1 Néphi 19:21, 22).

Même les anges entrent dans le jeu. Quelques références croisées montreront que lorsque Gabriel vient mettre pour ainsi dire Zacharie et Marie « dans le coup », tout ce qu’il leur dit n’est rien d’autre qu’un pastiche d’écrits prophétiques anciens qui étaient sur le point de s’accomplir (Luc 1) ; et quand Moroni inaugurera plus tard notre dispensation, il le fera de la même façon, « cit[ant] les prophéties de l’Ancien Testament… sur le point de s’accomplir » et d’autres, soit dûment corrigés et « tels qu’ils se trouvent dans notre Nouveau Testament », avec les explications nécessaires (Joseph Smith – Histoire 1:36, 40).

Dans la transmission des annales sacrées, tout est strictement géré d’en-haut, « donné par inspiration… et… confirmé… par le ministère d’anges… prouvant au monde que les Saintes Écritures sont vraies et que Dieu inspire les hommes et les appelle à son œuvre sainte à notre époque et dans notre génération, tout comme dans les générations d’autrefois » (D&A 20:10-11). Tout est minuté et s’accomplit quand « le Seigneur le juge bon » (2 Néphi 27:10, 21 ; Éther 4:16-17 ; spéc. JS–H 1:53-59 ). Le fait que des documents provenant d’époques et d’endroits très variés correspondent parfaitement atteste leur authenticité, car « Ces dernières annales… confirmeront la vérité des premières » (1 Néphi 13:40). Et d’un bout à l’autre, tout se fait « par l’esprit d’inspiration » (Moïse 6:5.

Le prophète pousse la gentillesse jusqu’à nous dire comment les choses fonctionnent. En passant d’une main à une autre, le texte fait boule de neige comme seules les bibliothèques peuvent le faire, de sorte qu’il faut de temps à autre faire une version abrégée si l’on veut que le message principal soit maintenu au premier plan, le rédacteur sélectionnant pour qu’on y prête une attention spéciale ce qu’il estime primordial et conservant le reste sous diverses catégories.

« Et il s'était produit beaucoup de choses qui, aux yeux de certains, seraient grandes et merveilleuses; néanmoins, on ne peut pas les écrire toutes dans ce livre; oui, ce livre ne peut même pas contenir la centième partie de ce qui se fit… mais voici, il y a des annales qui contiennent toutes les actions de ce peuple; et un récit plus court, mais vrai, a été fait par Néphi [un rédacteur plus ancien]… [moi, Mormon] j'ai fait mon récit… selon les annales de Néphi… sur des plaques que j'ai faites de mes mains. » (3 Néphi 5:8-11, voir 1 Néphi 1:16-17).

Cette dernière phrase est le colophon standard par lequel le rédacteur d’autrefois atteste l’exactitude du document tel qu’il l’a reçu et tel qu’il le transmet : « Et nous savons que nos annales sont vraies, car voici, c’était un juste qui tenait les annales ». (3 Néphi 8:1-2). Le rédacteur lui-même certifie : « Je fais les annales des actes de ma vie… et je sais que les annales que je fais sont vraies, et je les fais de ma propre main, et je les fais selon ma connaissance ». (1 Néphi 1:1-3, voir 3 Néphi 5:17) Jacob, frère de Néphi, nous dit qu’il a pris, dans les annales plus anciennes, des notes sur les choses qui pourraient être d’un intérêt particulier pour son peuple, notant « les points principaux » (kephalaïa), pour « les traiter le plus possible… à cause de notre peuple » (Jacob 1:4). Car le mot d’ordre est la pertinence : « Car j'appliquais toutes les Écritures à nous, afin que cela fût pour notre profit et notre instruction » (1 Néphi 19:23).

Les méthodes utilisées pour le traitement des écrits sacrés sont conditionnées par le monde hostile dans lequel elles se trouvent. Il y a ceux qui ont juré « dans leur colère que, si c'était possible, ils nous détruiraient, nos annales et nous, et aussi toutes les traditions de nos pères » (Énos 1:14). À défaut de quoi, ils peuvent les endommager et les corrompre : « elle a ôté… beaucoup de parties qui sont claires et extrêmement précieuses ; et il y a aussi beaucoup d'alliances du Seigneur qu'elle a ôtées », avec la conséquence désastreuse que « un nombre extrêmement grand d’hommes trébuchent » (1 Néphi 13:26-29).

Pourquoi quelqu’un voudrait-il faire une chose pareille? Pour une raison quelconque, la destruction de livres par le feu est une rengaine dans la réalité historique : Le roman de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, parle d’une époque future où le peuple et le gouvernement des États-Unis détruisent systématiquement tous les livres parce qu’ils perturbent un monde entièrement axé sur la télévision et le rejet de toute réflexion sérieuse. Mais l’auteur passe à côté de ce qui est le point principal : les livres que l’on brûle ne sont pas le dépôt sacré dont nous avons parlé, mais des livres de second ordre tout au plus, une sorte de repousse de végétation apparue sur les cendres des livres saints brûlés par ces savants mêmes qui parrainent maintenant leurs successeurs. La question en ce moment n’est pas de savoir si les « grands livres », qui tous tâtonnent dans le noir, peuvent répondre aux grandes questions de la vie, (de leur propre aveu, ils ne le peuvent pas), mais s’il y a jamais eu des livres qui, eux, le pouvaient. Joseph Smith était conscient du vide qui existe entre l’homme moderne et les écrits de ce genre. « Vous allez peut-être penser que cette façon de procéder est bien pointilleuse », dit-il aux frères quand il leur enseigna le système de tenue de registres de l’Église (D&A 128:5) et Moroni, le principal rédacteur du Livre de Mormon désespère d’approcher et même de décrire la puissance et la majesté inconcevables manifestées dans l’écrit entre les mains de maîtres aussi inspirés que le frère de Jared (Voir Éther 12:23-25). Ce qui se passe, c’est que ce genre d’écrit agit sur une longueur d’onde différente de ce qui se passe pour les textes ordinaires. Le lecteur réceptif peut en retirer quelque chose qu’aucun autre écrit ne donnera. La dernière dispensation a été inaugurée par une communication de ce genre : « Jamais aucun passage de l’Écriture ne toucha le cœur de l’homme avec plus de puissance que celui-ci ne toucha alors le mien » (JSH 1:12) Le passage était bien connu, mais jusqu’alors la courant avait été coupé.

Parce que le monde est susceptible et hostile envers ce qu’il ne comprend pas – « Les chiens aboient contre les étrangers » dit l’immortel Héraclite – Il est beaucoup question dans la tenue des registres de cacher, de soustraire, de feindre, de rationner et de déguiser : « ayant reçu du Seigneur le commandement de ne pas laisser les annales, qui avaient été transmises par nos pères, qui étaient sacrées, tomber entre les mains des Lamanites (car les Lamanites les détruiraient), je… cachai dans la colline de Cumorah toutes les annales qui m'avaient été confiées par la main du Seigneur » (Mormon 6:6). « Ceux qui auront dégénéré dans l'incrédulité ne l'auront pas, car ils cherchent à détruire les choses de Dieu » (2 Néphi 26:17). Ces choses-là sont « scellées » et « ne seront pas remises au jour de la méchanceté et des abominations du peuple. C'est pourquoi, le livre lui sera refusé » (2 Néphi 27:8).

Le moyen le plus sûr de préserver un livre de la destruction et la seule façon de le protéger de l’inévitable corruption de son contenu qui découle de la copie et de la manipulation est tout simplement de l’enterrer : « et elles sont scellées pour parvenir à la maison d'Israël, dans leur pureté, selon la vérité qui est en l'Agneau, lorsque le Seigneur le jugera bon » (1 Néphi 14:26). « Alors tu scelleras de nouveau le livre et tu le cacheras pour moi, afin que je préserve les paroles que tu n'as pas lues, jusqu'à ce que je juge bon, dans ma sagesse, de tout révéler aux enfants des hommes » (2 Néphi 27:22, voir Éther 4:4-6, D&A 6:26-27). Le problème de retrouver l’objet ne présente bien entendu aucune difficulté puisqu’il est « caché pour Dieu » selon ses instructions. « Ne touche pas aux choses qui sont scellées, car je les ferai paraître lorsque je le jugerai bon » (voir 2 Néphi 27:21).

« C’est pourquoi, lorsque tu auras lu les paroles… alors tu scelleras de nouveau le livre et tu le cacheras pour moi » (2 Néphi 27:21-22). Et quand on devra les redécouvrir, celui qui les aura découvertes devra les montrer « seulement à ceux à qui il [lui] serait commandé de les montrer » sous peine de destruction (JS–H 1:42). Quand « elles seront de nouveau parmi les enfants des hommes », ce sera seulement « parmi tous ceux qui croient… Ne les montre qu’à ceux qui croient » (Moïse 1:41-42). Certaines choses ne devront jamais être diffusées publiquement, mais pourront « s’obtenir dans le saint temple de Dieu » uniquement (Abraham fac-similé 2 fig. 8), d’autres ne peuvent être mises par écrit que par un agent spécial à un moment spécial (1 Néphi 14:25-28).
 
Les écrits sacrés sont souvent protégés des yeux indignes par la technique de la rédaction codée. Dans un sens, tout écrit est codifié et ne peut être lu que par ceux qui ont reçu des instructions spéciales. Lire veut dire déchiffrer. Le roi Benjamin dut apprendre une langue spéciale pour « lire ces inscriptions gravées » et fit apprendre la langue à ses fils pour qu’ils puissent tenir les annales (Mosiah 1:4) et il fut commandé au frère de Jared de protéger les enseignements, de les garder et de les sceller « afin que personne ne puisse [les] interpréter, car tu [les] écriras dans une langue dans laquelle on ne peut pas [les] lire » (Éther 3:22).

Pour franchir le fossé culturel et linguistique entre celui qui cache les annales et celui qui les découvre, à des milliers d’années d’écart, des dons et des objets spéciaux sont fournis, notamment les pierres de voyant et l’urim et le thummim (Éther 3:23). Ce ne sont pas là de simples gadgets mécaniques, mais ils « ne travaille[nt] parmi les enfants des hommes que selon leur foi » (2 Néphi 27:23), nécessitant des qualifications morales et intellectuelles beaucoup plus grandes que la manipulation de grammaires et de dictionnaires. Ils travaillaient par « le même pouvoir…et le même don » que ceux par lesquels les hommes écrivirent les mots au départ (D&A 17:7, D&A 9:2, D&A 8:11, Moïse 6:5).

Tout commence sur terre avec « le livre de la postérité d’Adam », des annales complètes de noms et d’événements et des relations de Dieu avec ses enfants sur terre (Moïse 6:8). Il exige des saints à toutes les époques qu’ils tiennent un tel livre ou plutôt qu’ils continuent l’original en y ajoutant leur propre nom et leur propre histoire, « arranger par le sort les héritages des saints dont les noms et les noms de leurs pères et de leurs enfants se trouvent inscrits dans le livre de la loi de Dieu » (D&A 85:7) ; lequel est le même que le « livre de souvenir » (D&A 85:9), qui remonte à Adam (Moïse 6:45-46) et qui est aussi « la généalogie des fils d’Adam » (Moïse 6: 22). Énoch cite les livres pour rappeler à son peuple « les commandements que [Dieu a] donnés à son père, Adam (Moïse 6:28), quand « Il appela notre père Adam de sa propre voix »(Moïse 6:51) et lui donne l’ordre de faire passer : « enseigne[z] libéralement ces choses à vos enfants » (Moïse 6:58) et en temps voulu ils doivent parvenir jusqu’à nous ! (D&A 107:56). La règle est que « il y a beaucoup de livres… de toute espèce » qui sont « transmis d’une génération à l’autre… jusqu’à ce qu’ils [le peuple] soient tombés dans la transgression » (Hélaman 3:15-16), et à ce moment-là ils disparaissent jusqu’à ce qu’un autre prophète les fasse paraître.

Après Énoch lui-même, le plus grand transmetteur d’annales semblerait être Moïse, de la main duquel nous recevons les annales qui sont passées par Énoch et ses successeurs. Et c’est Moïse qui nous donne la clé de toute l’affaire : « Et maintenant, Moïse, mon fils… tu écriras les choses que je vais te dire ».

« Et le jour où les enfants des hommes mépriseront mes paroles et en retireront beaucoup du livre que tu vas écrire, j’en susciterai un autre semblable à toi. Et elles seront de nouveau parmi les enfants des hommes, parmi tous ceux qui croient » (Moïse 1:40-41).

Chaque fois que les annales paraissent, elles sont rassemblées en une seule écriture avec celles qui ont survécu parmi les hommes, rendant possible la correction et la compréhension de ces dernières. Étant la source et l’auteur de tout, Jésus-Christ parmi les Néphites leur « expliqu[a] en une seule toutes les Écritures qu’ils avaient écrites » et « leur commanda d’enseigner les choses qu’il leur avait expliquées » (3 Néphi 23:14). Ceci fut fait après qu’il ait examiné personnellement toutes les annales, corrigé les défauts et les ait mises à jour. La même chose se passa dans l’ancien monde où : « commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Luc 24:27). Le fait que le Seigneur lui-même lit aux hommes ce qui est dans les livres anciens, « …parce que…ce sont elles [les Écritures]… qui rendent témoignage de [lui] » (Jean 5:39), alors même qu’il est personnellement parmi eux, lui, le Seigneur ressuscité, leur parlant de sa propre bouche, rend un témoignage extraordinaire de l’autorité des textes. Après tout, que font les livres, si ce n’est témoigner de la réalité du Seigneur et de sa mission : « Nous travaillons diligemment à graver ces paroles sur des plaques, espérant que nos frères bien-aimés et nos enfants les recevront… Car c'est dans ce but que nous avons écrit ces choses, afin qu'ils sachent que nous avions connaissance du Christ et que nous avions l'espérance de sa gloire bien des centaines d'années avant sa venue » (Jacob 4:3-4). « Et un livre de souvenir fut écrit devant lui pour ceux qui craignent le Seigneur et qui honorent son nom. ». « Ils seront à moi, dit le Seigneur des armées, ils m'appartiendront au jour où je rassemblerai mes joyaux » (3 Néphi 24:16-17), c’est-à-dire quand je les rassemblerai tous et les mettrai en bon ordre. Ainsi tous ceux qui sont dans ce livre sont « comptés parmi le peuple de la première alliance », peu importe quand ils vivent (Mormon 7:10), car les écrits eux-mêmes « prouv[ent] au monde….qu’il est le même Dieu hier, aujourd’hui et à jamais » (D&A 20:11-12).

Pour les saints, les annales sacrées sont une source de joie et de bonheur aussi bien que d’enseignement et de guidance. C’est une joie de les lire, un régal pour l’intelligence et l’esprit : « Car mon âme fait ses délices des Écritures, et mon cœur les médite et les écrit pour l'instruction et le profit de mes enfants ». (2 Néphi 4:15) ; « Et si mon peuple est content des choses de Dieu, il sera content de ce que j'ai gravé sur ces plaques » (2 Néphi 5:32). Leur découverte est toujours une nouvelle enthousiasmante pour ceux qui savent les apprécier, comme le roi qui disait, alors qu’il était « dans une allégresse extrême … Sans aucun doute, un grand mystère est contenu dans ces plaques… Oh ! Comme elles sont merveilleuses, les œuvres du Seigneur » (Mosiah 8:19-20) et fut « rempli de joie » quand il apprit que quelqu’un pouvait les lire (Mosiah 21:28). Il n’y a aucune honte à avoir de la curiosité intellectuelle et le sens de l’esthétique.

Notes

179. Id., p. 114.
180. Id., p. 48.
181. J. Z. Werblowsky, dans Encyclopedia of Jewish Religion, p. 129.
182. M. Stuart, Biblical Repository 3:105. Il trouve que « les parties de loin les plus intéressantes et les plus importantes du livre » sont celles qui développent sa christologie, p. 99.
183. Id., p. 105 et suiv.
184. Id.
185. Id., p. 113.
186. Id., p. 128.
187. Id.
188. Id., p. 105 et suiv.
189. Bibl. Repos. 4:10.
190. Id., 4:11 ; 3:133.
191. Id., 3:123.
192. Id., 4:5.
193. G. Volkmar, “Beiträge zur Erklärung des Buches Henoch,” in ZDMG 14, 1860, p. 87.
194. N. Schmidt, dans JAOS 42:45.
195. Vaillant, Intro. J. P. Frey, un autre catholique, affirme que “la partie la plus belle et la plus importante » de la littérature sur Énoch pourrait bien être une interpolation chrétienne, Pirot, Dict. Ik 358 et suiv..
196. Charles, I Enoch, p. xxxiii.
197. Voir M. Allegro.
198. G. W. Anderson, Encyclopedia Britannica, édition 1973, 10:604.
199. Van Andel, p. 113.
200. M. Black, dans Journ. of Theol. Stud. 3, 1952, p. 1; citant T. W. Manson.
201. P. Batiffol, dans F. Vigouroux, Dictionnaire, 1:757. Énoch reflète le judaïsme de Palestine pendant la transition vers le christianisme et vers le rabbinisme, selon un autre auteur catholique, Enciclopedia Cattolica 6:1406.
202. Cité par G. Santillana, Hamlet’s Mill, Boston, Gambit, 1969, p. 10.
203. Voir le traitement dans le New Era, sept. 1973, p. 38–50.



Cinquième partie

(Ensign, avril 1976)


Nous devons comprendre que l’Esprit de Dieu dit aux hommes tant ce qu’il faut écrire que quand il faut l’écrire – « Tu ne peux écrire ce qui est sacré que si cela t’est donné de moi » (D&A 9:9, 76:115), les annales qu’il faut traduire – « N’y touche pas afin de traduire ; car cela t’est interdit, sauf plus tard, lorsque Dieu le jugera sage » (Éther 5:1, 1 Néphi 14:28) et l’impératif derrière l’opération : « C'est pourquoi, le Seigneur m'a commandé de faire ces plaques dans un but sage qui lui est propre, but que je ne connais pas » (1 Néphi 9:5). « Et je fais cela dans un but sage; car c'est ce qui m'est chuchoté, selon l'inspiration de l'Esprit du Seigneur qui est en moi » (Paroles de Mormon 1:7). Elles doivent servir à « l'instruction de mon peuple… et aussi pour d'autres buts sages, buts qui sont connus du Seigneur ». (1 Néphi 19:3). Les écrits sont complètement hors de portée des hommes. « Car il dit, en vérité, que nul ne les aura pour obtenir du gain… et quiconque les amènera à la lumière, le Seigneur le bénira. Car nul ne peut avoir le pouvoir de les amener à la lumière, si cela ne lui est donné par Dieu » (Mormon 8:14-15).Pour ce qui est du matériel et des instructions : « Quiconque ces objets est appelé voyant » (Voir Mosiah 28:16) et son pouvoir « C’est un don de Dieu… et nul ne peut y regarder si cela ne lui est commandé, de peur qu'il ne cherche ce qu'il ne devrait pas et qu'il ne périsse » (Mosiah 8:13). Tout ceci n’exempte pas le prophète d’utiliser sa propre intelligence (voir D&A 9:7-8 ; Mosiah 1:2-4) et d’apprendre tout ce qu’il peut de « la langue de ses pères » et « concernant les annales…afin qu’ils devinssent des hommes pleins de jugement » (Mosiah 1:2-3).

L’univers des livres n’est pas un simple jouet avec lequel l’esprit faible des hommes peut jouer. Il suit un processus qui s’étend aux autres mondes. Aux livres que les hommes gardent sur la terre correspondent des livres gardés dans les cieux. Le Livre de Souvenir céleste d’Adam est reproduit sur terre par un Livre de Vie, « le registre qui est tenu dans les cieux… Ou, en d'autres termes… tout ce que vous enregistrerez sur la terre sera enregistré dans les cieux…Certains pourront avoir l'impression que cette doctrine dont nous parlons est très hardie: un pouvoir qui enregistre ou lie sur la terre et lie dans les cieux. Néanmoins, à toutes les époques du monde, toutes les fois que le Seigneur a donné… une dispensation de la prêtrise… ce pouvoir a toujours été donné » (D&A 128:7-9). Ce qui est en haut est projeté et enregistré en bas. « Je te donne le commandement (au secrétaire) d’écrire pour lui ; et les écritures seront données telles qu’elles sont » (D&A 35:20). Ce qui est en bas est projeté en haut et enregistré de la même façon. « Les aumônes de vos prières sont montées aux oreilles du Seigneur des armées et sont inscrites dans le livre des noms des sanctifiés, c'est-à-dire de ceux du monde céleste » (D&A 88:2).

Les annales sont la source de tout le reste et c’est d’elles que proviennent les écrits qui ont toujours été la pierre angulaire de la civilisation, un faible reflet terrestre du sublime. À part leurs fonctions sacrées, « elles ont accru la mémoire de ce peuple » et l’ont préservé des « traditions incorrectes », gardant la civilisation sur la bonne voie (Alma 37:8 -9). Elles bloquent la corruption de la langue et la perte de la religion (Omni 17), et même si un grand dirigeant comme Zarahemla a pu donner « la généalogie de ses pères, selon sa mémoire », « Il n’aurait pas été possible à notre père Léhi de se souvenir de toutes ces choses, pour les enseigner à ses enfants, s’il n’y avait pas eu l’aide de ces plaques » (Mosiah 1:4), sans lesquelles, dit Mosiah, « même nos pères auraient dégénéré dans l’incrédulité… comme… les Lamanites » (Mosiah 1:5).

Les rois et les dirigeants du peuple, en tant que dépositaires de l’héritage culturel et de la souveraineté, sont les gardiens officiels des annales. Elles « sont détenues par les rois, selon les générations » (Omni 11), transmises de père en fils avec une préparation et des instructions spéciales (Omni 1, 4, 9) en même temps que les trésors nationaux dont elles font partie : le Liahona, les pierres de voyant et l’épée de Laban ; le tout est résumé dans Alma 37:2-3 et descend jusqu’à notre époque où il est promis aux Whitmer qu’ils les verront (D&A 17:1). D’autres personnes en plus du prophète furent encouragées à demander le don de regarder dans « toutes ces annales anciennes qui ont été cachées et qui sont sacrées » (Voir D&A 8:11) et à « obtenir la connaissance de l’histoire, des pays, des royaumes » (D&A 93:53), comme le prophète fut invité à se familiariser « avec tous les bons livres, et avec les langues, les langages et les peuples » (D&A 90:15) afin qu’ils n’abordent pas le dépôt sacré l’esprit vide.

Si quelqu’un suppose à la légère que Joseph Smith a tiré ces idées de la Bible, où elles sont effectivement de manière implicite mais certainement pas évidente, il ne faut pas oublier que ses contemporains se sont moqués de lui quand ils l’ont entendu ; et ce qui les scandalisait le plus, c’était l’idée d’associer à la Bible un deuxième ou un troisième témoin en dépit de « la loi divine des témoins ». Mais le jeune prophète, loin de simplement continuer sur le thème de plaques et de parchemins antiques, d’anges et de pierres de voyant, (les élucubrations d’un jeune cinglé, comme l’écrit un professeur de Harvard), est en fait allé de l’avant et a publié les volumes merveilleux dont il parlait, de longs textes, de vastes trames avec une immensité de détails, suffisamment de corde pour pendre mille fois n’importe quel imposteur. Si l’hypothétique maison des livres est une merveilleuse création, avec quel étonnement ne devons-nous pas contempler la structure réelle et solide érigée sans aucune aide par le jeune prophète au milieu d’innombrables obstacles et afflictions ?

Selon les dernières nouvelles

Le bref passage en revue qui précède, thème connu depuis longtemps des saints des derniers jours, odieux pour d’autres, a pour but de préparer le lecteur patient à la visite de l’étrange et merveilleux édifice qui abrite la littérature énochienne que l’on est en train de mettre au jour, car il est construit sur précisément le même plan que celui exposé par le prophète Joseph pour expliquer les livres sacrés qu’il nous a donnés.

Nous commençons par Énoch, qui tenait les livres d’Adam, rappelant que les paroles et les prophéties d’Adam étaient « toutes… écrites dans le livre d’Énoch » (D&A 107:57) qui rappelait à son peuple : « nous connaissons même le premier de tous, Adam. Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous ». (Moïse 6:45-46). Maintenant, selon le Zohar, « Énoch avait aussi un livre qui venait du même endroit que le livre des Générations d’Adam » [204]. Rabbi Eleaser disait qu’Adam avait caché le livre que l’ange Raziel, le pourvoyeur des secrets célestes, lui avait donné et qu’Énoch le découvrit plus tard et le remit ensuite à Noé par Raphaël et il passa ainsi à Sem, puis d’une génération à la suivante [205]. Il est sous-entendu dans Genèse 5:1-2 que le genre humain fut définitivement lancé quand le livre des Générations d’Adam fut inauguré, puisque Adam et Ève furent mis à part (bara), et reçurent un nom et une bénédiction. Une très ancienne tradition relie la véritable humanité à Énoch, le gardien des annales, un homme plus complet qu’Adam lui-même [206]. Les premiers chrétiens, selon Épiphane, aimaient le livre d’Adam, et A. Vaillant, l’autorité en ce qui concerne l’Énoch slave, soutenait que le livre chrétien d’Énoch n’était pas tiré de sources juives, mais d’un vieux livre perdu d’Adam et Seth [208].

Mais partout Énoch est considéré comme étant l’auteur et le transmetteur par excellence, « le Scribe juste, l’Instructeur des cieux et de la terre, le Scribe de Justice » [209]. L’Énoch de Joseph Smith fait paraître les livres, y compris celui d’Adam, comme témoignage auprès de sa génération (voir Moïse 6:46) ; même ainsi, selon les Jubilés, « Énoch fut le premier à écrire un témoignage et il témoigna parmi les générations de la terre… il comprenait tout » (cf. Moïse 6:37, 7:67) et il écrivit son témoignage (Jub 4:18 et suiv.) et le testament d’Abraham rapporte que « Dieu lui donna [à Énoch], la tâche d’écrire toutes les bonnes et les mauvaises actions que l’âme des hommes commettait » [210].

Dans le domaine du secrétariat, la prééminence revient à Énoch, « à qui les anges montrèrent et enseignèrent toutes choses tant dans les cieux que sur la terre… et il écrivit tout ». (Jub 4:21). « L’homme intelligent, le grand auteur, auquel le Seigneur donna d’être un voyant de la vie en haut….» (2 Énoch, Intro.) qui reçut de Dieu le commandement : « Rapporte sur terre à tes enfants les livres dans lesquels j’ai écrit… afin qu’ils les lisent et me reconnaissent comme le Créateur de tous ; et distribue les livres d’enfants à enfants, de génération à génération, de nation à nation ». (2 Énoch 88:6-9). Inévitablement, le bruit courut dans le pays que c’était cet homme qui « fut le premier à apprendre et à enseigner l’écriture et qui fut jugé digne de révéler les mystères divins » [211].
 
Qu’y a-t-il derrière ces traditions juives et chrétiennes ? L’idée qu’il y eut un homme tel qu’Énoch, « la figure d’Énoch », que nous allons avoir l’occasion de mieux connaître, est aussi ancienne que les annales humaines les plus anciennes. Nous revenons à la proposition, clairement exposée dans le livre de Moïse (Moïse 6:5, 46 ; D&A 128:5), que, pour employer les termes de N. Tur Sinai : « Le miracle de l’écriture était un miracle que les anciens considéraient comme un don des cieux » [212]. Il ressort des documents sumériens les plus anciens « qu’ils n’étaient pas ignorants du concept du ‘livres sacré’, c’est-à-dire d’un texte divinement inspiré et même dicté, qui contient le seul récit correct et valable de ‘l’histoire’ de la divinité », selon A. L. Oppenheim, qui observe en outre que le transmetteur du livre, selon l’ancienne doctrine, n’en était pas l’auteur mais seulement « a kâsir kâmé, ‘quelqu’un qui collecte, arrange, prépare les tablettes’, sans se mêler de la formulation ». Il ne fait que transmettre les paroles divines ; néanmoins, pour fonctionner comme tel, il doit lui-même être inspiré. Il est « le collecteur des tablettes, mais son information lui est donnée dans une vision nocturne », qu’il met fidèlement par écrit le matin suivant [213]. Tel est l’office d’Énoch : « Sortez les livres de mon magasin », dit Dieu à ses anges dans l’Énoch slave » et un roseau d’écriture rapide [sténographie] et donnez-le à Énoch et remettez-lui les livres de choix de ma main » (2 Énoch 22:8). Ayant reçu ces instructions, le voyant écrivit « les gloires du trône céleste d’une part et les combinaisons sans fin des éléments d’autre part » (2 Énoch introd.) [214].

Ceci introduit l’élément cosmologique qui est si visible dans la littérature énochienne, Énoch étant « le premier parmi les hommes qui sont nés sur terre à apprendre l’écriture, la connaissance et la sagesse et qui écrivit les signes du ciel » (Jubilés 4:17). Dieu lui montre « Le Livre de la course des luminaires dans les Cieux » (1 Énoch 72:1). L’accent mis sur la cosmologie, très manifeste dans « l’Énoch de Joseph Smith », déplut fortement aux docteurs aussi bien des Juifs que des chrétiens et constitua leur argument le plus fort pour le rejeter [215] ; mais la grande affinité entre les écrits les plus anciens et les signes des cieux est indéniable [216]. Tant chez les Égyptiens que les Chaldéens, rapporte Clément d’Alexandrie, « l’écriture et la connaissance des cieux » vont main dans la main [217] ; l’étude de ces écrits apocalyptiques si dédaignée par les docteurs des écoles était, comme le résume H. Gunkel, l’eschatologie, l’angélologie, la cosmologie et la préhistoire, tous sujets bien tangibles. Il n’y a pas d’endroit où la pratique de transmettre de telles annales soit exprimée plus clairement que dans le livre d’Abraham 1:31 : « Mais les annales des pères, des patriarches…, le Seigneur, mon Dieu, les conserva entre mes mains; c'est pourquoi j'ai gardé jusqu'à ce jour la connaissance du commencement de la création et aussi des planètes et des étoiles, telles qu'elles furent révélées aux pères… au profit de ma postérité qui viendra après moi ».

Cette préoccupation prosaïque au sujet des étoiles dans leur cours est une marque d’antiquité et d’authenticité dans la littérature énochienne, comme la mention répétée des tablettes célestes. « Observe, Énoch, ces tablettes célestes, dit l’ange, et lis ce qui est écrit dessus… Et j’observai les tablettes célestes et lus tout… et je compris tout… et je lus le livre de tous les actes de l’humanité …jusqu’aux générations les plus lointaines » (1 Énoch 81:1, voir Moïse 7:67). Ici nous rencontrons la fusion des livres célestes et des livres terrestres – sont-ils une seule et même chose ? – comme dans les écrits de Joseph Smith. « Je connais un mystère et j’ai lu les tablettes célestes et j’ai vu les saints livres et j’y ai trouvé écrit et inscrit à leur sujet… ». (1 Énoch 103:2). « Et après cela Énoch commença à raconter [ou lire] dans les livres … ‘ce que j’ai appris grâce aux tablettes celéestes’ » (1 Énoch 93:1). On a l’impression que les livres étaient les copies terrestres des tablettes célestes : « Le Seigneur a montré et a fait connaître, et je les ai lus dans les tablettes du ciel [219] ». Dans Moïse 7:67 : « Le Seigneur montra toutes choses à Énoch », et après une vision du ciel et de la terre, il plaça devant le peuple « un livre de souvenir… écrit parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné » (Moïse 6:46). En cela, ils rappellent les tables de la Loi (Exode 31:18) dont M. Lambert fait remonter la forme aux Tables du Jugement babyloniennes [220].

Vraiment, « peu d’idées religieuses dans le Proche-Orient antique ont joué un rôle plus important que la notion des tables célestes ou du livre céleste » [221]. « Dans la littérature du judaïsme antique », en particulier, elles « jouent un rôle considérable [222] ». L’idée est connue dans la littérature classique et on suppose que c’est de là qu’elle a été reprise par les premiers chrétiens avec leur livre de vie [223]. Dans la tradition rabbinique, Abraham « ayant été trouvé fidèle, est déclaré ami de Dieu sur les tablettes célestes, et quiconque garde l’alliance dans la justice est enregistré dans le même livre de vie » [224]. L’antiquité en est confirmée par le manuel de la Guerre des manuscrits de la mer Morte : « Et l’alliance de ta paix, tu l’as gravée pour eux avec un stylet de vie, pour régner sur eux dans tous les temps désignés de l’éternité » [225] où la situation ressemble de près à une situation décrite dans le Livre de Mormon, Mosiah chapitre 5 [226].

Noé, après Énoch, rapporte : « Le Seigneur m’a montré et m’a informé, et j’ai lu dans les tablettes célestes, et j’y ai vu écrit que génération après génération transgressera… » (Énoch 106:19 ; 107:1) ; et après lui, Jacob, quand « un ange descendit du ciel avec sept tablettes dans les mains… les lut et sut tout ce qui allait lui arriver ainsi qu’à ses fils… et il leur montra tout ce qui était écrit sur les tablettes » (Jubilés 32:21). Ensuite, « Moïse remit à un ange les Tables de la Division des années… depuis le jour de la création jusqu’au temps où les cieux et la terre seront renouvelés » (Jubilés 1:29). Ainsi, les mêmes tablettes sont transmises.

Les livres d’Énoch contiennent des informations issues de toutes les sources sacrées : « Moi, Énoch, vous déclarerai, mes fils, selon ce qui m’est apparu dans la vision céleste et que j’ai su par la parole des saints anges et que j’ai appris dans les tablettes célestes. Et Énoch commença à lire dans les livres… » (1 Énoch 93:1-2). Dans la version slave, Énoch, accompagné de deux anges pour le guider, apporte sur la terre « les livres manuscrits » qui doivent être transmis « de génération en génération » (2 Énoch 88:6-9).

Les tablettes célestes peuvent remonter jusqu’aux « Tablettes de la Destinée » babyloniennes : « Ces tablettes expriment la loi du monde entier… et elles sont véritablement le mystère du ciel et de la terre » [227]. Lors du couronnement, où l’on répétait le grand rite de la création du Nouvel An, le roi était censé être enlevé jusqu’au ciel pour y recevoir son exemplaire des tablettes, avec lequel il revenait sur terre et qui constituait son insigne d’autorité divine » [228]. Lors d’une occasion de ce genre, en Égypte, le roi, selon les livres des plus anciens, les Textes des Pyramides, est salué comme « le roi qui est au-dessus des esprits, qui unit les cœurs – ainsi dit celui qui est chargé de la sagesse… qui porte le livre du dieu, à savoir Sia, qui est à la droite de Ré ».

Revenons un instant aux livres d’Adam. Une source chrétienne très ancienne rapporte que tandis que Dieu « envisageait de mettre le souffle de vie en Adam, il prit un livre et y écrivit le nom de ceux qui allaient sortir de lui et entrer dans le royaume qui est dans les cieux… ‘Ce sont ceux dont les noms sont inscrits dans le Livre de Vie depuis la fondation du monde’ » [230]. Ceci est certainement proche de l’idée que les saints, dont les noms sont dans le Livre de Vie, sont « comptés parmi le peuple de la première alliance » (Mormon 7:10). Les membres de la communauté de Qumran sont ceux dont l’alliance est gravée « avec un stylet de vie ». Après son arrivée sur terre, Adam reçut d’un ange envoyé pour lui donner des instructions, un Livre de la Connaissance lui apportant la connaissance des mystères – des ordonnances – surpassant celle des anges [232]. Selon le Zohar, « Adam perdit un tel livre en quittant l’Éden » et quand « il supplia Dieu dans les larmes de le lui rendre… il lui fut rendu pour que la sagesse ne soit pas perdue parmi les hommes » [233]. Selon une autre version, un livre saint composé de soixante-douze lettres fut donné à Michel, qui le donna à Adam (les deux personnages sont constamment confondus dans les écrits anciens), lequel l’utilisa comme base de toutes ses connaissances [234]. Quand Dieu lui commanda d’enregistrer tous les animaux, il « inspira Adam de manière invisible afin qu’il pût lire à haute voix, et sur les premières tablettes, il lut le nom des animaux à mesure qu’ils passaient devant lui ». Après qu’Adam et Ève eurent été ainsi formés à la lecture, « Dieu transporta son école dans le jardin d’Éden » [235].

Abraham, quand il créa son jardin d’Éden modèle à Hébron, y installa aussi une école au milieu [236]. Dans la préexistence, Abraham avait déjà appris l’art de l’écriture et avait reçu le Livre de la Création, mais sur la terre, il fut incapable de le lire sans aide ; aussi, Sem, son instructeur, l’y aida-t-il. Quand on se souvient qu’Abraham possédait « les annales des pères » contenant « la connaissance des débuts de la création » selon le livre d’Abraham 1:31, il est intéressant d’apprendre que « les écrits de Seth et d’Idrisi furent transmis jusqu’à l’époque de Noé et d’Abraham », Idrisi était habituellement identifié à Énoch lui-même, mais est appelé, dans cette source mandéenne, « le premier après Énoch, fils de Seth, fils d’Adam, à écrire avec un roseau » [238].

La précieuse Apocalypse d’Adam prétend être tirée d’un livre transmis depuis Adam lui-même, contenant un exposé de l’Évangile de salut mais s’attardant tout particulièrement sur le baptême d’Adam [239] ; ceci nous intrigue particulièrement étant donné que la présentation merveilleusement condensée et puissante du plan de l’Évangile dans le livre d’Énoch de Joseph Smith consacre une page complète au baptême d’Adam (Moïse 6:51-68). En commençant par le rappel que Dieu « appela notre père Adam… de sa propre voix » (Moïse 6:51), tous les mots du grand sermon d’Énoch dans l’Énoch de Joseph Smith sont des citations directes d’Adam et du Seigneur, l’appel d’Énoch étant de transmettre « les commandements que j’ai donnés à son père, Adam » (Moïse 6:28).

La Pistis Sophia se dit être un dérivé des deux livres de Jeu, « qu’Énoch écrivit pendant que je lui parlais du milieu de l’arbre de la connaissance et de l’arbre de vie dans le Paradis d’Adam » [240]. Comme il était en train de prier, « un ange apparut à Adam, disant : ‘Le Seigneur a entendu ta prière et m’envoie te porter des paroles de pureté et de grande sagesse. Je vais te rendre sage par les mots de ce livre sacré, qui t’apprendra tout ce qui va arriver… Quiconque, même jusqu’à la dernière génération, veut utiliser ce livre devra être pur et observer fidèlement ce qui y est écrit’ », etc… (Voir Moïse 1:35). Alors Adam tomba sur sa face devant l’ange, qui lui commanda de se relever, de se mettre debout, d’être fort et de recevoir le livre de sa main et d’en cacher le contenu à ceux qui n’étaient pas dignes. Puis l’ange partit dans un rugissement de flammes [241]. La prostration d’Adam nous rappelle la version de Joseph Smith, quand Énoch présente le livre d’Adam « écrit… selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné… » devant le peuple et « le peuple trembla et ne put demeurer en sa présence » (Moïse 6:46-47).

Ce livre de l’histoire d’Adam est aussi raconté dans le vieux livre de Noé, qui fait l’histoire depuis Adam et Énoch jusqu’à Noé. Il commence avec la prière d’Adam après la chute, quand l’ange vient l’instruire et lui donner le livre, qu’Adam cache dans la terre et qui sera plus tard déterré par Énoch [242]. Un autre récit raconte le rêve d’Énoch, qui lui montre l’endroit où le livre d’Adam est enterré et comment il peut l’obtenir ; il s’y rend le lendemain matin et traîne dans les parages jusqu’à midi de crainte d’éveiller les soupçons des gens qui sont dans les champs. Alors, il déterre le livre, dont les caractères lui sont interprétés par révélation divine, y apprend la plénitude de l’Évangile et est tellement mis à part par sa connaissance qu’il se retire de la société des hommes [243]. C. J. Van Andel trouve significatif que les écrits des Juifs sur Énoch ne sont pas basés sur la Torah, mais remontent à des ouvrages inconnus de grande antiquité traitant de tablettes célestes [244].

Notes

*Dorénavant 1 En. désignera la traduction par R. H. Charles de l’Énoch éthiopien (1912–1913) ; 2 En. les textes slaves édités par A. Vaillant (1952, ci-dessus, n. 208); 3 En. les textes grecs d’Énoch contenus dans C. Bonner, les Derniers chapitres d’Énoch en grec (1968) et M. Black, Apocalypsis Henochi Graece (1970). Le texte du Fragment de Gizeh (grec) se trouve dans l’annexe du Livre d’Énoch de R. H. Charles (Oxford, 1912). BHM désigne les textes énochiens hébreu et araméen dans A. Jellinek, Bait ha-Midrasch (Jerusalem, 1967).

204. Zohar, dir. de publ. H. Sperling, et. al. , N.Y., R. Bennet, 1:139, Pt. I, 37b.
205. A. Jellinek, Bait ha-Midrasch, Jérusalem, Wahrmann Books, 1967, 3:xxxii.
206. Eusèbe, Praeparatio evangelica, 7:viii and 11:vi, dans Migne, Patrol. Graec. 21:520 et suiv, 856.
207. Epiphane, Adversus haereses, I:ii, 26, 8, dans Patrol. Graec. 41:341 et suiv.
208. Andre Vaillant, Le Livre des secrets d’Hénoch, Paris, Inst. d’Études Slaves, 1952, p. x.
209. H. Gunkel dans Archiv für Religionswissenschaft, 1, 1898:299.
210. W. Leslau, Falasha Anthology, New Haven, Yale Univ., 1951, p. 100.
211. Georgius Cedrenus, Historiarum Compendium, dir. de publ. I. Bekker, Bonn, 1838, p. 17.
212. N. H. Tur Sinai, “Shitir Shame, die Himmelsschrift,” dans Archiv Orientalni 17, 1949: 433.
213. A. L. Oppenheim. Mesopotamian Mythology II,” Orientalia 19, 1950: 155–156.
214. M. J. Bin Gorion, Die Sagen der Juden, I, Frankfurt, 1913, p. 100.
215. I. Henderson, Myth in the N.T., p. 16, félicite la théologie contemporaine d’avoir dépassé, par la démythologisation les idées quasi-physiques de Paul. Selon Origène, l’Église rejette toute participation à un univers physique quel qu’il soit, rien dans ses enseignements n’étant kata physin ; l’ennui avec les mythes, c’est qu’ils sont teintés de physique. Patrol. Graec. 6:1260. Arnobius dit que des questions telles que “Qu’est-ce que l’homme? Quelle est l’origine de l’âme? D’où vient le mal? Quelle est la taille de la terre?”, etc., sont tout à fait hors de propos : “Laissez cela à Dieu et prenez soin de votre âme !”, Arnob. adv. nat. 2:61. Selon un manuel catholique romain officiel, quiconque dit ou croit que les cieux physiques ont un rapport quelconque avec Dieu et les ordres divins des chérubins et des séraphins est anathème, H. J. K. Denzinger, Enchiridion Symbolorum, Rome, Herder, 1957, no. 206. Quiconque étudie la Création, le Chariot, ou demande ce qui est au-dessus, en-dessous ou au-delà ou ce qui sera dans les éternités, “il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas venu au monde !”, Mishna, Hag. 2:1.
216. Voir notre traitement dans le New Era, sept. 1973, p. 42–43.
217. Clement d’Alexandrie, Stromata, 1:23, 153, dans Th. Hopfner, Fontes Hist. Relig. Aegyptiacae, Bonn, 1922, p. 370.
218. H. Gunkel Zum Verständnis des Neuen Testaments, Goettingen, Van der Hoeck, & Ruprecht, 1910, p. 29.
219. En. 106:19; C. Bonner, The Last Chapters of Enoch in Greek, Darmstadt, Wissenschaftl. Buchgesellschaft, 1968, pp. 84–85. Le chapter 106 n’est pas inclus dans les traductions de Laurence, étant un fragment du livre de Noé. Du fait que l’Énoch éthiopien est le premier à avoir été connu, ses numéros de chapitres et de versets sont standard pour tous les textes énochiens ; ainsi, En. 106 désigne la même section quelle que soit la langue dans laquelle on le trouve.
220. M. Lambert, “Que portaient les tables de pierre?” Revue des Études juives 82, 1926, 45–48.
221. G. Widengren, The Ascension of the Apostle and the Heavenly Book, Uppsala Univ. Aarskrift, 1950, p. 7.
222. id., p. 28.
223. E. R. Bevan, Sibyls and Seers, Cambridge, Harvard Univ. Press, 1920, p. 111. Ceux qui sont initiés dans les mystères grecs doivent mettre leurs visions inspirées par écrit sur des tablettes et les déposer dans les archives du temple, Pausanias 9:39.
224. A. von Gall, Basileia tou Theou, Heidelberg, univ. d’Heidelberg, 1926, p. 313.
225. IQM, Scroll of the War of the Sons of Light, etc. 12:3, dans Y. Yadin, Scroll of the War of the Sons of Light, Oxford, Oxford University Press, 1962, pp. 314–315.
226. Mosiah 5:5-15, où l’acceptation de l’Alliance va de pair avec l’inscription et le scellement des noms.
227. Widengren, pp. 11–12.
228. id., pp. 7, 10–11.
229. Pyramid Texts, No. 250, 267.
230. Timothée, archevêque d’Alexandrie, “Discours sur l’Abbaton”, dans E. A. W. Budge, Coptic Martyrdoms, British Mus., 1914, p. 482–483.
231. Yadin, 314–315.
232. Bin Gorion, 1:264, 266.
233. Zohar, 1:138.
234. Bin Gorion, 1:263.
235. Barhadbshabba, “On the Founding of the Schools,” T315a, dans Patrologia Orientalis 4:352.
236. Improvement Era, nov. 1969, p. 120.
237. Bin Gorion, 2:143.
238. D. A. Khvol’son, Die Ssabier und der Ssabismus, St. Petersbourg, 1856, 2:502–503.
239. Apocalypse d’Adam 85, 79, fin.
240. Pistis Sophia, 245f.
241. Bin Gorion, 1:261–62.
242. Jellinek, BHM 3. 14. xxxii.
243. Bin Gorion, 1:269.
244. C. P. Van Andel, De Structuur van de Henoch-traditie en het Nieuwe Testament, Utrecht, Kemink & Zoon, 1955, p. 19.



Sixième partie

(Ensign, juillet 1976)



La mise par écrit de sujets sacrés a été une fonction des prophètes depuis qu’Adam travailla diligemment à fournir des livres sacrés à ses descendants. Énoch poursuivit cette tradition, compilant et arrangeant avec zèle les documents, comme le rapporte son petit-fils Metuschélah : « Lorsque mon grand-père Énoch m’eut confié tous les secrets du livre et des Paraboles qui lui avaient été donnés, il les prit et les rassembla pour moi dans les paroles du Livre des Paraboles » (1 Én. 68:1). Ici, nous ne devons pas oublier que, du fait de leur longévité, tous les patriarches d’Adam à Énoch étaient contemporains et se connaissaient. Cette situation ressort de manière frappante de D&A 107:53-57 : « Trois ans avant sa mort, Adam convoqua Seth, Énosch, Kénan, Mahalaleel, Jéred, Hénoc et Metuschélah… avec le reste de sa postérité qui était juste, dans la vallée d'Adam-ondi-Ahman » et « prédit tout ce qui arriverait à sa postérité jusqu'à la dernière génération. Toutes ces choses furent écrites dans le livre d'Hénoc. » Ainsi Rabbi Eleaser dit que le Livre d’Énoch est identique au Livre de la postérité d’Adam mentionné dans Genèse 5:1 [245]. Le livre d’Adam contenait déjà l’histoire de sa famille « jusqu’à la dernière génération » (D&A 107:56). « Le Seigneur fit descendre ses serviteurs auprès d’Adam en leur disant : « Allez et témoignez de moi aujourd’hui. Donnez à l’homme Adam votre main en alliance et faites alliance avec lui par la loi… » Puis le Seigneur le mit dans un écrit que les trois témoins signèrent. « Si vous demandez : le Seigneur n’aurait-il pas pu se passer du document écrit, de témoins et d’une poignée de mains ?’ La réponse est que c’est la volonté du Seigneur que ce soit à tout jamais la façon correcte de procéder parmi les enfants d’Adam [246]. » Ainsi donc, Joseph Smith a tout à fait raison de faire passer le livre d’Adam par Énoch, Abraham et Moïse jusqu’à nous.

Il alla tout d’abord à Metuschélah, qui reçut d’Énoch une mission semblable à celle qui fut donnée plus tard à Moïse :

Moïse 1:40 « Moïse, mon fils… tu écriras les choses que je vais te dire. »

Moïse 1:41…. « Les enfants des hommes mépriseront mes paroles et en retireront beaucoup du livre que tu vas écrire. »
 
1 Énoch 82:1 « Garde, mon fils Metuschélah, les livres venant de la main de ton père. »

2 Énoch 13, p. 48 « Prends ces livres écrits de la main de ton père [Énoch]. Les insensés qui ne connaissent pas le Seigneur ne les recevront pas, mais les rejetteront. »

3 Énoch 104:10 « Les pécheurs changeront et écriront contre [les paroles] de vérité et ils en égareront beaucoup et mentiront. »

Vient ensuite Noé, qui a la même expérience avec les livres et transmet les mêmes informations qu’Énoch [247]. « Mon grand-père Énoch, dit Noé, m’a donné l’enseignement de tous les secrets du livre… qui lui avait été donné » (1 Énoch 68:1) et en effet, dans l’Énoch de Joseph Smith, Énoch fait de Noé et de Metuschélah les héritiers de ses enseignements et de ses promesses (Moïse 8:2–3, 5–12). Ensuite, il y a Abraham, qui, dans « Le testament d’Abraham », a pratiquement les mêmes visions et fait le même voyage céleste qu’Énoch et, à la fin de sa visite céleste, trahit sa source : « Moi, Abraham, je dis à l’Archange Michel : ‘O Seigneur, qui est cet honorable vieillard avec ce livre dans la main, et qui s’approche du juge [Adam]…’ Il répondit : ‘C’est Énoch, Dieu lui a donné la tâche d’écrire tout ce que les âmes des hommes commettent come actions, bonnes et mauvaises.’ » [248].

Comme Abraham, Ésaïe, à la fin de son voyage dans les cieux, est mis en présence d’un vénérable vieillard qui a un livre. Cet homme, c’est Énoch [249]. Le Seigneur lui-même dit à Ésaïe : « Aucun mortel n’a jamais vu ce que tu as vu ! » ‘Et disant ceci, il plaça un livre dans mes mains et me dit : Prends ceci et sache… qu’il n’y a rien de caché dans toutes les œuvres de ce monde, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.’ Et je pris le livre de sa main et le lus, et voici, tout ce qui concernait chaque homme depuis le commencement jusqu’à la fin du monde [250].»

Ceci donne une dimension à ce que le Sauveur dit aux Néphites quand il leur remet les livres : « Sonde[z] diligemment ces choses; car grandes sont les paroles d'Ésaïe. Car, assurément, il a parlé de tout ce qui concerne mon peuple » (3 Néphi 23:1-2). Après Abraham, c’est Jacob qui devient le détenteur des tablettes célestes, qui parlaient de l’existence prémortelle, de la nature éternelle de la promesse et de l’appel de Jacob et des actes de sa postérité jusqu’aux temps les plus reculés, selon un ouvrage juif très ancien appelé la Prière de Joseph [251]. Ensuite Moïse reçoit « Le récit complet de la Création » (Jubilés 2:1), qu’il nous transmet. « La teneur tout entière du message de Moïse, écrit C. L. Woolley, est la reformulation du message d’Abraham, un appel au passé [252]. » Esdras reçoit, lui aussi, le commandement « d’écrire tout ce qui s’est passé dans le monde depuis le commencement… afin que peut-être les hommes trouvent la voie, afin que ceux qui vivent dans les derniers jours ne périssent pas [253]. » Et la situation de Moroni ressemble étrangement à celle de Baruch, l’ami d’Esdras (tous deux étaient des collègues de Jérémie et de Léhi) dans un ouvrage « perdu de vue pendant 1200 bonnes années » et découvert en 1866 [254]. « Terre, terre, terre, écoute les paroles du Dieu puissant, et reçois ce que je te confie, et garde-les jusqu’aux derniers jours, afin que, quand cela te sera commandé, tu puisses les restaurer et que les étrangers n’en prennent pas possession ! ». Alors la terre ouvrit la bouche et les engloutit [255]. » La personnification de la terre est un motif qui remonte à Énoch (voir Moïse 7:48).

Selon de nombreux documents découverts récemment, c’est pendant les quarante jours de sa mission qui suivirent sa résurrection que notre Sauveur transmit les livres à ses disciples, exactement comme il le fait dans le Livre de Mormon à la même époque. L’importante Épître des Apôtres concernant laquelle « quiconque connaît et observe ce qui y est écrit sera comme les anges », fut confiée par le Seigneur « à Pierre, Jacques et Jean, à Matthieu et à d’autres de Jérusalem, afin que des copies soient envoyées à certains disciples soigneusement choisis, et par eux à toutes les branches (mansiones) [256] ». L’Apocryphe de Jacques nouvellement découvert raconte en détail comment le Seigneur confia les livres à Pierre, Jacques et Jean pour un rationnement soigneux et dans d’autres nouvelles découvertes, Pierre et Paul montent tous les deux au ciel et y reçoivent des livres saints et sont présentés à Énoch, le vénérable scribe. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est l’accent mis sur Jean, dont les manuscrits de la mer Morte, selon F. M. Cross, montrent que les écrits sont, et c’est significatif, « apparentés à la littérature énochienne » [257]. On ne trouve nulle part d’instructions plus complètes pour la préservation et la transmission des annales que celles que le Seigneur donne à Jean dans les trois Apocryphes de Jean récemment découverts. Et c’est Joseph Smith qui fut le premier à informer le monde qu’il y avait « des écrits faits sur parchemin par Jean et cachés par lui-même » (D&A 7 en-tête)

Le lecteur attentif aura remarqué que, quel que soit celui qui tient les annales, Énoch n’est jamais loin en coulisse. Quand tout est dit, il est le scribe suprême et il n’y a pas d’autre endroit où cette merveilleuse pratique de la tenue des registres soit mieux décrite que dans l’Énoch slave :

« Prends tes livres que tu as écrits… et descends sur la terre et enseigne-les à tes enfants… et remets-leur les livres que tu as écrits de ta main …. Et ils les liront et connaîtront le Créateur de tout… Et ils donneront les livres écrits de ta main à leurs enfants, et les enfants aux enfants, et ainsi de parents à parents, et de génération à génération, parce que l’écrit de ta main, et l’écrit de la main de tes pères, Adam et Seth, ne seront pas détruits jusqu’aux siècles derniers, car j’ai commandé à mes anges spéciaux… de préserver les écrits de ta main et de celle de tes pères, pour qu’ils ne périssent pas » (2 Énoch 11).

L’injonction continue en des termes qui ressemblent beaucoup à ceux du livre de Moïse.

2 Énoch 11:« Je connais la malice des hommes… je laisserai un homme juste de ta tribu avec toute sa maison… Alors dans le cours de cette race, apparaîtront les livres écrits de ta main et de celle de tes pères, attendu que les gardiens de la terre les montreront aux hommes de foi et ils les expliqueront à cette race. »

Moïse 1:41:« Et le jour où les enfants des hommes mépriseront mes paroles et en retireront beaucoup du livre que tu vas écrire, voici, j’en susciterai un autre semblable à toi, et elles seront de nouveau parmi les enfants des hommes, parmi tous ceux qui croiront. »

Est-il besoin de préciser que la version slave d’Énoch était inconnue du temps de Joseph Smith ?

Le lecteur attentif aura aussi noté les allusions fréquentes aux derniers jours chaque fois que les écrits d’Énoch sont mentionnés. Ceci est une clé très importante. A. L. Davies fait la généralisation que « un trait… commun à cette littérature apocalyptique est le fait que les visions et les livres d’Énoch sont réservés pour les derniers jours quand les élus les liront et les comprendront [258] », faisant immédiatement penser aux promesses du Seigneur à Énoch dans Moïse 7:60, 62. « Et le Seigneur dit à Hénoc : Comme je vis, je viendrai dans les derniers jours, dans les jours de méchanceté et de vengeance… Je ferai descendre la justice des cieux, et je ferai monter la vérité de la terre… pour rendre témoignage de mon Fils unique… Je ferai en sorte que la justice et la vérité balaient la terre comme un flot pour rassembler mes élus » etc. C’est Énoch qui préside quand toutes choses sont rassemblées en une seule ; le livre qui « sera révélé à ceux des derniers jours » est le même que « le livre parfait qui existait depuis le commencement dans l’esprit de Dieu [259] ». « J’écrirai tout ce qui se fait dans le monde », dit Esdras, « afin que ceux qui désirent la vie dans les derniers jours vivent » [260].

« Ce livre », déclare l’Évangile de Vérité nouvellement découvert, « sera révélé aux éternités [toutes les autres dispensations] à la fin des temps. C’est un secret connu seulement des initiés. C’est un livre parfait qui a existé premièrement dans l’esprit de Dieu, par lequel il est transmis aux hommes [261]. »

Contrairement à ce que certains pourraient penser et à ce qui a été enseigné pendant des générations dans les universités et les séminaires, les membres des anciennes sectes n’étaient pas simplement des illettrés confinés à un « évangile oral ». Bien au contraire, le père Lagrange note avec une sévère désapprobation : « Ces visionnaires sont les hommes les plus livresques qui soient » [262], n’ayant aucune prétention à l’originalité mais unanimement préoccupés, comme le note J. Leipoldt, par les rites d’initiation, les sacrements, le baptême, les repas en commun, les livres secrets transmis depuis les temps anciens et par des ordonnances et des points de doctrine étrangers au christianisme conventionnel. Ils ressemblent en tout cela au « judaïsme tardif en général » et trahissent des liens anciens avec Babylone et l’Iran [263].

Ainsi l’appel retentit dans le papyrus d’Énoch Chester Beatty : « Préparez-vous, vous les justes, et présentez les livres de vos actions comme un souvenir, donnez-les comme témoignage devant les anges. » (Gk 91:3) Le prophète choisi « qui suscite une génération de justice » est aussi choisi pour « leur révéler les livres écrits de ta main [celle d’Énoch] et de tes pères » et pour être le dirigeant de la parole de Dieu dans cette dispensation, « même des fidèles… et ils le diront à la génération suivante » et ainsi de suite [264]. En bref, Énoch écrit pour l’Église et l’idée d’Église est exprimée plus clairement dans la littérature énochienne que partout ailleurs. Comme l’Apocryphe de Jacques, « elle est pour les bienheureux qui seront sauvés par leur foi en elle » [265]. Quand Énoch met des restrictions à ses ouvrages avec le commandement : « Mes fils, remettez ces livres à tous ceux qui les veulent, et instruisez-les, afin qu’ils voient les œuvres du… Seigneur » [266], il donne les mêmes ordres que le Seigneur à ses disciples dans l’Apocryphe de Jean : « Je vous dis ceci afin que vous l’écriviez et le donniez en secret à ceux qui sont d’un seul cœur et d’un seul esprit avec vous ; ceci est réservé à la race qui ne vacille pas » [267]. De nouveau Énoch : « Distribue les livres… parmi les nations de la terre qui auront la sagesse de craindre le Seigneur ; qu’elles les reçoivent et apprennent à les aimer… à les lire et à les étudier » [268].

Une partie de l’attrait du livre est son caractère nécessairement secret : « révélé aux éternités de la fin du temps. C’est un secret, un écrit spécial réservé aux initiés » [269]. « ‘Il t’est donné de l’écrire’ », dit le Seigneur à Jean, et « ‘il doit être mis en lieu sûr’. Alors il me dit : ‘Maudit soit quiconque le donnera en cadeau ou l’échangera contre de la nourriture, de la boisson ou des vêtements, ou toute autre chose de cette nature.’ » Alors, il transmit le mysterion à Jean et disparut immédiatement » [270]. Les écrits qui sont communiqués sont soigneusement rationnés. « Tu dois publier certaines choses, et il en est d’autres que tu dois remettre en secret aux sages. [271] » ou, dans un autre texte d’Esdras : « Ces paroles, tu les publieras ouvertement, mais celles-là, tu les cacheras [272] », vingt-quatre livres étant édités et soixante-dix cachés [273].

La tradition du secret commence avec Énoch : « Quand Énoch découvrit le livre d’Adam et le lut, il sut que le genre humain ne serait pas capable de le recevoir. Il le cacha donc de nouveau et il demeura caché jusqu’à Noé [274] ». Mais cette pratique commença avec Adam qui reçut un livre d’or de Michel et « le cacha dans une faille de rocher » [275].

La Torah elle-même fut enterrée quand Israël pécha, pour être déterrée plus tard [276]. Le rouleau de cuivre des manuscrits de la mer Morte nous montre comment, pendant les temps de grande alarme, toutes les choses sacrées qui avaient été consacrées, y compris les écrits sacrés, furent enterrées par sécurité [277], une pratique clairement montrée dans le Livre de Mormon (Hél. 13:18-20). Dans les sources babyloniennes antiques se trouve le rapport de Bérose, selon lequel Kronus ordonna à Xisuthros (Noé) « de mettre par écrit le commencement, le milieu et la fin de toutes choses et d’enterrer ces annales dans la ville de Sippar, pour être exhumées après le déluge [278] ».

Ainsi, quand on nous dit à propos des écrits de Moïse qu’ « à cause de la méchanceté, les enfants des hommes n’en ont pas connaissance » (Moïse 1:23), cette affirmation est confirmée par la tradition que les fils de Moïse avaient un livre que leur père leur avait confié, mais quand leurs enfants en laissèrent par négligence divulguer le contenu au monde, « les anges revinrent, prirent le livre et l’emportèrent au ciel » [279].

La plus ancienne épopée sumérienne « montre que les théologiens mésopotamiens avaient connaissance d’un ‘livre sacré’ d’inspiration divine… qui contient le seul récit valable et correct de ‘l’histoire’ de la divinité » [280]. C’était le livre de la plénitude de la connaissance que possédait le roi tant en Égypte qu’à Babylone [281]. Une source chrétienne nous a apporté la tradition babylonienne bien connue et très ancienne selon laquelle Oannès, le dieu poisson ou dieu des flots, enseigna aux hommes tous les arts et toutes les sciences et écrivit toute la connaissance dans un livre et « rien depuis cette époque n’a jamais été ajouté à la connaissance humaine » [282]. C’est ce livre que le Noé babylonien reçut l’ordre d’enterrer à l’époque du déluge ; il n’est donc pas surprenant que, pour des raisons philologiques et autres, les savants aient souvent identifié Oannès avec Énoch [283].

Quand Énoch et les autres virent tout et écrivirent tout ce qui avait trait à ce monde, ils écrivirent tous le même livre – et ils le savaient. Dans Apocalypse 5:1-2, il y a effectivement un livre de ce genre : « une ‘révélation’ venant de l’Esprit du Père dans le ‘cœur de l’homme’ » [284]. Pourtant dans la réalité récemment découverte de l’hologramme, nous avons quelque chose d’apparenté au paradoxe du livre dont chaque lettre contient la totalité de ses parties : « Chaque lettre est une vérité parfaite, comme un livre parfait en elle-même, car ce sont des lettres écrites dans l’Unité » [285].

Dans l’Énoch de Joseph Smith, tous les écrits depuis Adam ont un thème central perpétuel : la mission expiatoire de Jésus-Christ, qui apparaît pleinement développé dans une succession de dispensations (Moïse 7:39, 47, 54-67). Dans le livre d’Énoch, « le Seigneur, le Père, écrivit de ses propres doigts dix paroles » qui étaient des « enseignements concernant le Fils », dont Énoch se réjouissait de voir venir le ministère terrestre [286]. « Les mystères limités… que Dieu donna à écrire à Énoch », furent plus tard, « révélés dans leur plénitude par Jésus », dit la Pistis Sophia [287]. C’est le Sauveur, selon les Mandéens, qui « apporte à l’humanité la révélation primordiale contenue dans les livres célestes » [288]. La tradition de l’Évangile perpétuel était connue de l’Église primitive et est confirmée par Athanase, qui explique que l’Évangile n’est pas nouveau, mais qu’il fut prêché à Adam, Abel, Énoch, Noé, Abraham et Moïse, et prêché par eux avant l’époque du Christ » [289]. Néanmoins, par après, et jusqu’à nos jours, la chrétienté a insisté fortement sur l’originalité du Christ et Pic de la Mirandole, pendant qu’il traduisait un manuscrit nouvellement découvert d’Esdras, rapporta avec stupéfaction : « J’y vois, Dieu m’en est témoin, la religion non pas tant de Moïse que du Christ ! » [290].

L’idée de deux jeux de livres, un sur terre et l’autre dans le ciel, est également répandue et très ancienne. On nous dit à propos des écrits d’Énoch : « certains ont été rédigés et inscrits là-haut dans les cieux pour que les anges puissent les lire » (1 Énoch 108:7), tandis que les écrits d’Énoch lui-même sont la transcription d’un livre tenu dans les cieux « et révélé en diverses parties aux Pères » [291], qui, tous, mais principalement Énoch, témoignent avoir obtenu leurs informations « en le lisant dans les tablettes célestes » (p. ex. Jub. 4:1). Ainsi donc, c’est par ces livres d’en haut et d’en bas, réunis comme les bois de Joseph et d’Éphraïm, en parfait accord comme des témoins unanimes, que le monde sera jugé [292].

Les écrits d’Énoch sont avant toute chose un avertissement aux méchants, particulièrement « dans les derniers jours, dans les jours d’iniquité et de vengeance »[293], afin « que tous ceux qui vivent dans les derniers jours ne périssent pas » [294]. Son livre est « pour ceux qui gardent la Loi dans les derniers jours ; ce livre est pour eux » et également pour ceux qui l’enfreignent : « En ce temps-là, Énoch reçut des livres de zèle et de courroux, et des livres d’inquiétude et de rejet » [295]. Le livre d’Énoch est à la fois une menace et un réconfort, « une exhortation à ne pas être troublé à cause de l’époque », mais à être vigilant et jamais trop confiant [296]. Toutes les fois que les écrits sacrés paraissent, ils sont accueillis avec une joyeuse surprise et un plaisir avide par les justes. « Alors les livres qui sont donnés aux justes deviennent une cause de joie et de droiture et de beaucoup de sagesse… et ils y croiront et s’en réjouiront » (1 Énoch 104:12-13). « Ils seront montrés aux hommes de grande foi » et « ils seront davantage glorifiés dans les derniers temps qu’avant » (2 Énoch 12). « Ceux qui auront la sagesse de les recevoir… seront nourris par eux et s’attacheront à eux » (2 Énoch 12). « Cette espérance, commente R. H. Charles, s’est réalisée dans une grande mesure au cours des siècles qui ont immédiatement précédé et suivi l’ère chrétienne » jusqu’à ce que les docteurs de l’Église rejettent ce trésor [297]. À une époque où l’Église sera « opprimée et souffrira, où elle n’aura pas de place où poser ses pieds », les écrits sacrés, ayant « échappé aux mains des méchants » aboutiront finalement entre les mains des saints dûment attestés et certifiés et « écrits avec une extrême clarté » ; les saints les embrasseront et diront : Ô Sagesse de l’Unique ! Cuirasse des Apôtres ! [298].

Le rideau se lève

La Perle de Grand Prix devrait être lue comme un ouvrage unique, un abrégé de l’histoire du monde, résumant et coordonnant dans la brève perspective offerte par moins de soixante pages les grandes dispensations passées, présentes et futures de l’Évangile. L’histoire est rapportée essentiellement par des extraits qui se présentent comme des fragments de livres originaux écrits par Adam, Énoch, Abraham, Moïse et Joseph Smith, tous centrés sur la personne du Christ et sa mission au midi des temps, à quoi vient s’ajouter un aperçu du Millénium. Ce sont ceux qui ont la vision d’ensemble de l’histoire qui voient le mieux où Énoch se situe dans tout cela. La section qui suit va donc traiter du type de récit auquel l’histoire d’Énoch appartient, les visions depuis la Création jusqu’au Jugement.

La floraison récente d’études comparatives qui examinent des écrits apocryphes longtemps négligés ou nouvellement découverts montre que la notion de dispensations récurrentes de lumière et de ténèbres, de rétablissements et d’apostasies vaut pour toutes les époques de l’histoire connue. C’est sous le coup de pinceau épique de la Perle de Grand Prix que cette structure ressort le plus clairement. Chose étonnante, le « mouvement perpétuel » qui y est présenté ne se limite pas aux traditions juive et chrétienne, mais s’étend à la littérature rituelle épique et dramatique la plus ancienne du genre humain. Le chapitre 1 de notre livre de Moïse est autant une introduction à la littérature mondiale en général qu’à nos écritures conventionnelles. Aussi audacieuse que pareille affirmation puisse paraître, plus le texte est étudié avec soin, plus elle se confirme et de manière impressionnante. Considérons les épisodes dans l’ordre où les présente ce remarquable prologue à l’étude de l’homme.

A. L’histoire commence (verset 1) avec Moïse parlant face à face avec Dieu « sur une très haute montagne », enveloppé de la gloire divine, partageant la gloire de la Divinité [Moïse 1:1]. Cette situation, montagne comprise, n’est autre que le fameux « prologue dans les cieux »,ce prologue épique et dramatique où le héros reçoit un appel spécial lui confiant un travail bien déterminé dans ce bas monde ; comme l’auditoire, ceci le prépare aux coups qui vont suivre.

B. Ensuite les lumières s’éteignent, la gloire se retire et nous retrouvons Moïse gisant sans force sur la terre nue, remis à sa place (Moïse 1:9-10) ; il retrouve peu à peu ses forces jusqu’à pouvoir exprimer son premier commentaire sur la vie : « À cause de cela, je sais que l'homme n'est rien, ce que je n'avais jamais supposé » (Moïse 1:10). L’homme commence sa carrière terrestre au bas de l’échelle. La réflexion suivante du héros met un autre visage sur les choses : « Mais mes propres yeux ont vu Dieu… sa gloire était sur moi, et j'ai vu sa face, car j'étais transfiguré devant lui » (Moïse 1:11).

C’est là qu’est la triste condition de l’homme, la condition humaine dans ses termes les plus crus et les plus élémentaires, la misère et la gloire (en français dans le texte), cette contradiction obsédante qui est la préoccupation constante des anciens auteurs juifs et chrétiens et qui est le sujet d’innombrables textes philosophiques et gnostiques, reformulé à chaque fois comme une découverte perpétuellement nouvelle dans toute la grande littérature du monde : « Qu’elle semble fastidieuse, insipide et vaine », la vie terrestre de l’homme, « quintessence de la poussière », et néanmoins « qu’il est noble par sa raison », ce même homme, « infini dans ses facultés ! … Un ange quand il agit ; presque égal à Dieu quand il pense » (Hamlet, acte 1, scène 2 ; acte 2, scène 2). Pourtant Moïse déclare que l’homme n’est rien tout en attirant l’attention sur les nuées de gloire qu’il se rappelle encore de sa condition originelle.

C. Dans cet état de faiblesse et d’incertitude, d’épreuves et de contradictions, il est la cible idéale de l’adversaire, qui, avec sa méthodologie perverse habituelle, choisit précisément ce moment pour attaquer, profitant au maximum de la vulnérabilité de son ennemi. Avec l’apparition de ce sinistre personnage, le drame commence pour de bon. Satan veut être reconnu comme le maître du monde – c’est le thème – et Moïse conteste aussitôt ses prétentions. Se rappelant son appel céleste, il questionne son adversaire, lui demandant encore et encore : « Qui es-tu, car voici, je suis un fils de Dieu à l’image de son Fils unique, et où est ta gloire que je t’adore ? Car voici, je n’aurais pas pu contempler Dieu si sa gloire n’était venue sur moi… mais je peux te contempler dans l’homme naturel – n’est-ce pas exact ? » (Moïse 1:13-14).

Notez que ce combat n’est pas entre Dieu et le diable – il n’a jamais été question de cela – c’est Moïse lui-même qui proclame ici l’avantage qu’il a sur Satan et qui poursuit : « Où est ta gloire ? Car pour moi, elle est ténèbres, et je peux juger entre toi et Dieu » (Moïse 1:15). Dans les trois versets suivants, il répète qu’il participe à la nature du Fils unique et il traite Satan d’imposteur : « Satan, ne me trompe pas » et finit par lui ordonner de quitter les lieux  (Moïse 1:16-18). Ce sont là des coups cinglants, car Satan a toujours proclamé que la terre est son terrain de chasse personnel et que c’est à lui et à lui seul que revient le rôle de Fils unique. Le fait que Moïse ne cesse de lui rappeler sa propre intimité avec le Fils unique fait hurler l’imposteur de rage.

D. Abandonnant tout recours à sa subtilité et à sa ruse légendaires, l’adversaire se lance dans une attaque de front en règle et la bataille commence, le combat rituel que nous rencontrons si souvent dans les plus anciennes littératures épiques et dramatiques du genre humain. « Satan cria d’une voix forte, tempêta sur la terre et commanda disant : Je suis le Fils unique, adore-moi ! » (Moïse 1:19). Moïse est terrifié par la férocité et la passion de l’attaque. En fait, il a le dessous. Paralysé par la peur, « il vit l’amertume de l’enfer » (Moïse 1:20). C’est le thème bien connu du roi-héros réduit à la dernière extrémité, criant avec sa dernière particule de force du fond de « l’amertume de l’enfer » : « Néanmoins, invoquant Dieu, il reçut de la force » (Moïse 1:20), et il est délivré au tout dernier moment [299].

Et maintenant, les rôles sont renversés, c’est le ténébreux adversaire qui a le dessous. Il tremble et la terre est ébranlée tandis qu’il bat en retraite, en hurlant et plein d’angoisse. Il convient ici de noter que l’adversaire, qui assaille inlassablement le héros dans les récits épiques les plus anciens, n’est autre que « l’ébranleur de terre », Enosichthon.

E. Vient ensuite, selon le schéma classique, le fait que le héros, ayant affronté l’assaut du Destructeur et y ayant survécu, doit être salué comme vainqueur et roi et c’est exactement ce qui se passe dans notre histoire. Dieu le déclare béni, le dote d’une force divine et le déclare choisi pour être le dirigeant et le libérateur de son peuple, son propre représentant sur la terre : « Car moi, le Tout-puissant, je t’ai choisi, et tu seras rendu plus fort que de nombreuses eaux… comme si tu étais Dieu… car tu délivreras mon peuple » (Moïse 1:25-26). Comme nous l’avons montré ailleurs, le roi doit sortir victorieux au moment où il passe à travers les eaux de la vie, de la mort, de la renaissance, et de la purification et les anciens voyaient toujours dans le récit de Moïse conduisant son peuple à travers la mer Rouge le type et la similitude d’un baptême symbolisant tout à la fois la mort, la naissance, la victoire et la purification des péchés [300].

F. Dans la scène qui suit, on montre à Moïse l’étendue de son « royaume », c'est-à-dire son champ d’action ; à la vue de ce vaste déploiement, il est rempli d’étonnement et pose la question épique : « Dis-moi, je te prie, pourquoi ces choses sont ainsi, et par quoi tu les as faites » (Moïse 1:30). Qu’y a-t-il derrière tout ceci ? Rappelons-nous comment le poète épique antique, après avoir énoncé sa proposition de base dans les premières lignes, se lance dans son histoire en demandant une révélation dans les mêmes termes : « Dis d’abord quelle cause a amené nos Grands-parents dans cet état bienheureux… à transgresser… Qui les a séduits en premier ? » nous dit Milton dans « Le Paradis Perdu » en empruntant à Virgile dans son Enéide : Musa mihi Causas memoro, quo numine laeso, quidve dolens, etc.—pourquoi, qui, comment ? Lequel emprunte de son côté à Homère : Ex hou de ta proté … tis t’ ar’ sphoe theon— pour quelle raison, qui est responsable ?

G. En réalité, la question épique invite le poète lui-même à entrer en scène pour raconter toute son histoire. Ayant demandé, nous ne pouvons pas lui refuser les longues heures nécessaires à une narration, un récit épique à grande échelle. Dans le cas de Moïse, cela nous est épargné, car le Seigneur lui parlera « seulement de cette terre » (Moïse 1:35) avec, malgré tout, le rappel qu’il ne doit jamais perdre de vue la vaste perspective cosmique qui constitue l’arrière-plan de l’histoire et sans laquelle l’histoire humaine devient un conte sans intérêt, qui ne rime à rien.


Notes

245. Traité dans I. Meyer, Qabbalah, Philadelphie, 1888, p. 98et suiv. L’affirmation est répétée par le Zohar, 1ère partie, 36a.
246. Bin Gorion, 1:257.
247. Van Andel, p. 41 et suiv; Moïse 8:2.
248. W. Leslau, p. 100.
249. Ascension d’Ésaïe 9:21.
250. Id. 2:31.
251. Origène, dans Genesim 10, 11, dans Patrol. Graec. 12:73, 81, 84.
252. C. L. Woolley, Abraham, Londres, Faber, 1936, p. 182.
253. 4 Esdras 14:22.
254. R. H. Charles, Apocrypha & Pseudepigrapha of the O.T., Oxford, 1964, 2:470·
255. 2 Baruch 6:8–10.
256. Dans ces passages, le document est qualifié de “testament”, C. Schmidt, Epistola Apostolorum, Leipzig, Hinrichs, 1919, p. 164–65.
257. F. M. Cross, dans the Biblical Archaeologist, févr. 1954, p. 13.
258. A. L. Davies, dans Jas. Hastings, Dictionary of the Apostolic Church, N.Y., Scribner’s, 1916, 1:334.
259. M. Malinine, dir. de publ., Evangelium Veritatis, f. 12r:23. fol. XIIr, p. 23.
260. 4 Esdras 14:20.
261. Evang. Veritatus, fol. 12r:23.
262. M. J. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 46.
263. J. Leipoldt, Religionsgeschichte des Orients, Leiden: E. J. Brill, 1961, pp. 77 et suiv.
264. Secrets d’Énoch (L’Énoch slave dans R. H. Charles Apocr. & Pseudepigr. of the O.T.), 35:1–2.
265. Apocryphe de Jacques, f. lr, lignes 8–35, Iv, lignes 1–18. Ce texte, découvert en 1945, est un des commentaires les plus instructifs sur le thème du secret et de la transmission. “Puisque tu m’as demandé de t’envoyer un discours secret que le Seigneur nous a fait, à Pierre et à moi… je l’écris en lettres hébraïques et je te l’envoie à toi seul… Fais tout ton possible pour empêcher que le document parvienne à beaucoup de gens, car le Sauveur ne souhaite pas dire ces choses à nous tous d’entre les Douze… Il y a dix mois, je t’ai envoyé une autre conversation que le Sauveur a eue avec moi en secret… Les Douze avaient des réunions au cours desquelles ils évoquaient des choses que le Sauveur leur avait dites individuellement, seuls ou en public et les écrivaient ensuite dans des livres.”
266. Secrets d’Énoch 54:1.
267. Apocryphe de Jean, Cod. I, p. 75, lignes 15–20; p. 76, ligne 1. Page 76, lignes 10–15, contient une malédiction à l’égard de quiconque livrerait cet écrit comme cadeau ou en échange de nourriture ou de boisson ou de vêtements ou de quoi que ce soit de ce genre.
268. Secrets d’Énoch 48:6.
269. Evang. Veritatis, f. 12r:23. C’est tellement secret que quand Jésus l’explique à Marie, une nuée les enveloppe, formant sept voiles de flames, de sorte que même les anges ne pouvaient rien voir ni entendre de ce qui se passait. S. Euringer, Orientalia 9:245.
270. Apocryphe de Jean, Codex I, p. 76.
271. 4 Esdras 14:23.
272. 2 Esdras 14:6.
273. Id., 14:23.
274. Bin Gorion, 1:270.
275. Id., 1:270.
276. Tha’labi Qissas al-Anbiya (Caire 1354 A. H.), p. 242. Une très bonne source.
277. M. Allegro, The Treasure of the Copper Scroll, Garden City, Doubleday, 1960, p. 120 et suiv.
278. Syncellus 53:19–56; dans F.H.G. 2:501et suiv.
279. Livre des Mystères de la Terre et du Ciel, 2:24, dans Patrol. Orientalis 6:412·
280. A. L. Oppenheim, dans Orientalia 19:155.
281. A. Moret, Histoire de l’Orient, Paris, Presses Universitaires, 1929, 1e partie, p. 85 et suiv., 96 et suiv., p. 141–144.
282. Eusèbe, Chronographia, l:13 et suiv..
283. Van Andel, p. 74.
284. G. Fecht, “Der erste Teil des sog. Evangelium Veritatis,” Orientalia 32 (1963): 327, 331.
285. Ev. Verit. f. 124:23; 11:22, 1, 38 et suiv.
286. Mystères du Ciel et de la Terre, 4:4, dans Patrol. Or., 6:430.
287. Pistis Sophia 4e partie, dans Texte u. Unters., 8:342.
288. Widengren, p. 74–76.
289. Athenasius, De decretis nicaenae synodi, 5, dans Patrol. Graec. 25:424, traitant de 1 Jn 2:7.
290. N. Schmidt, dans JAOS 42:46.
291. Jubilés, 2:1.
292. Koep, p. 46 et suiv.
293. Davies, dans Dict. of Apostol. Church, 1:334; cf. Moïse 7:60.
294. 4 Esdras 14:22.
295. 1 En. 108:1.
296. F. Kenyon, The Chester Beatty Biblical Papyri, Londres, E. Walker, 1933–1941, 8:8.
297. R. H. Charles, Book of Enoch, Oxford, 1912, p. ix.
298. The Kephalaia, dans H. J. Polotsky, dir. de publ. Manichäische Handschriften aus der Sammlung A. Chester Beatty, Bd. I, Stuttgart, 1940, p. 25.
299. Ce motif est traité dans Hugh Nibley, Message of the Joseph Smith Papyri, Deseret Book Co., 1975, p. 214–217
300. Id, p. 94–103. Il est significatif qu’à cet endroit de la version de Joseph Smith le héros est déclaré victorieux des eaux, puisque pour le lecteur non averti cela semble n’avoir rien à faire là.



Septième partie

(Ensign, octobre 1976)



Tout ce que nous venons de dire est quelque chose de bien connu dans le grand prologue de notre histoire et ce, avec un minimum de renvois à la Bible. Libre à ceux qui le désirent d’attribuer à Joseph Smith une compréhension dépassant de loin son époque et sa formation en matière de littérature et de rituel comparés. Ils peuvent même prétendre, comme ils le font avec le Livre de Mormon, que c’est comme cela qu’un paysan sans instruction raconterait l’histoire. Mais aujourd’hui, nous possédons plusieurs parallèles très anciens et très importants avec Moïse 1, qui se situent loin hors de portée d’une coïncidence ou d’une rêverie. Le nombre de détails et l’ordre dans lequel ils se présentent font qu’il est parfaitement clair que nous nous trouvons en présence d’ouvrages spécifiques d’une grande antiquité et issus d’une source commune. Pour montrer ce que nous voulons dire, nous allons comparer les affrontements de Moïse, d’Abraham et d’Adam avec Satan. Ces histoires elles-mêmes contiennent des renvois bien déterminés à Énoch avec lequel chaque héros est dûment comparé. Gardons en mémoire que ces récits ne sont pas des écritures, mais simplement des annales anciennes qui nous aident à comprendre l’histoire d’Énoch.

Tout d’abord l’Apocalypse d’Abraham en vieux slave, découverte en 1895 et publiée pour la première fois en 1897 par Bonwetch [301]. K. Koch a récemment classé cet ouvrage comme l’une des cinq apocalypses hébraïques antiques authentiques [302]. Mettons-la en colonnes parallèles en regard de notre livre de Moïse, chapitre 1.


Livre de Moïse Chapitre 1 Apocalypse d’Abraham Chapitre 9 (Chap. 1 de l’Apocalypse proprement dite)
Moïse 1:1
Paroles que Dieu adressa à Moïse… à une époque où Moïse fut enlevé sur une très haute montagne.
9:8 [Pour recevoir la vision, Abraham doit faire ceci :] Alors tu m’offres le sacrifice… sur une montagne élevée.


Dieu va tout lui montrer


Moïse Abraham
Moïse 1:4 Et je te montrerai l’œuvre de mes mains, mais pas tout, car mes œuvres sont sans fin… 6. Dans ce sacrifice, je mettrai devant toi les siècles…
Moïse 1:5 C’est pourquoi nul ne peut contempler toutes mes œuvres… et nul ne peut contempler toute ma gloire [voir Abraham 2:12 : « Ton serviteur t’a cherché avec zèle, maintenant je t’ai trouvé. »]… Je t’expliquerai ce que tu auras observé, tu verras de grandes choses que tu n’as jamais vues.
Car tu as aimé me chercher.


Moïse 1:6 Et j’ai une œuvre pour toi, Moïse, mon fils... Et je t’ai appelé mon ami.
Moïse 1:8 Et… Moïse regarda et vit le monde sur lequel il avait été créé… et tous les enfants des hommes qui sont, et qui avaient été créés…

9. Et je te montrerai les âges du monde fixés et créés par ma parole et te montrerai ce qui va arriver aux enfants des hommes selon qu’ils feront le bien ou le mal.
Le héros reste sans force après la vision :

Moïse Abraham
Moïse 1:9 Et la présence de Dieu se retira de Moïse…et [il] fut laissé à lui-même. Et… il tomba sur le sol. 10:1. [En entendant une voix] Je regardai ici et là.
2. Voici, il n’y avait pas un souffle humain et mon esprit s’emplit d’effroi. Mon âme s’échappa de moi. J’étais comme une pierre et je tombai à terre car je n’avais plus la force de me tenir debout sur la terre.
Moïse 1:10 Et… de nombreuses heures s’écoulèrent avant que Moïse ne retrouvât sa force naturelle… 3. Comme j’étais encore face contre terre j’entendis la voix du Saint qui disait :
4. Va, Jaoël , toi qui portes mon nom par le moyen de mon nom ineffable, relève cet homme et fortifie-le en chassant son effroi.
Satan profite de sa faiblesse :
Moïse Abraham

[Les chap. 11-12 sont une description détaillée du sacrifice d’Abraham, au cours duquel, chap. 13] :
Moïse 1:12 Voici, Satan vint le tenter, disant : Moïse, fils de l’homme, adore-moi. 1 J’accomplis tout selon les instructions de l’ange…
3 Un oiseau impur descendit sur les corps (sacrifices)… 4… l’oiseau impur s’adressa à moi et dit : Qu’as-tu à faire, Abraham, sur les saintes hauteurs ? »…Tous ces morceaux seront consumés par le feu et ils te brûleront ! 5 Laisse l’homme [l’ange] qui est avec toi et fuis !
Moïse 1:13 Et… Moïse… dit : …Qui es-tu ? 6 …Et je demandai à l’ange : « Qu’est-ce, mon Seigneur ? »
Moïse 1:15 Et je peux juger entre toi et Dieu…
Moïse 1:16 Retire-toi Satan, ne me trompe pas…
7 …Il dit : « C’est l’impiété, c’est Azazel [Satan !] »


Satan réduit à la honte par le contraste humiliant avec le héros 


Moïse Abraham

Moïse 1:3 Je suis un fils de Dieu à l’image de son Fils unique, et où est ta gloire, pour que t’adore ?
8 [Michel] Honte à toi, Satan !
9 Car le lot d’Abraham est dans les cieux et le tien est sur la terre. 10 Dieu t’a placé sur la terre comme Adversaire, pour diriger les esprits malhonnêtes et les pratiques impies.
Moïse 1:14 Car voici, je n’aurais pas pu regarder Dieu, si sa gloire n’était venue sur moi et si je n’avais été transfiguré devant lui. Mais je peux te regarder dans l’homme naturel. Assurément, n’en est-il pas ainsi ?


12 Écoute, mon ami, et je te mettrai dans la honte.





Moïse 1:15 … Où est ta gloire ? Car pour moi, elle est ténèbres. Et je peux juger entre toi et Dieu…

13 Car il ne t’est pas donné de tenter tous les justes.
Moïse 1:16 Retire-toi, Satan, ne me trompe pas, 14 Éloigne-toi de cet homme, tu ne peux le séduire, car c’est ton ennemi et celui de tous ceux qui te suivent et qui aiment ce que tu veux.

Car Dieu m’a dit, tu es à l’image de mon Fils unique.

15 Voici le vêtement [de gloire] qui était autrefois le tien dans les cieux lui a été attribué. Et la pourriture qui était sur lui est passée sur toi.


Le héros est fortifié pour l’affrontement


Moïse Abraham
Moïse 1:17 Et Il m’a aussi donné des commandements…disant : Invoque Dieu, au nom de mon Fils unique, et adore-moi. 14:3 Sois sans crainte et accomplis le commandement comme je te l’ordonne, à l’endroit de celui qui bafoue la justice…
4 … Qui s’est rebellé contre le pouvoir…
Moïse 1:18 … J’ai d’autres choses à lui demander : car sa gloire a été sur moi, c’est pourquoi je peux juger entre lui et toi. Retire-toi Satan ! Dis-lui…Va, Azazel… 6…Car ton héritage est d’avoir pouvoir sur ceux qui sont avec toi… 7 Disparais de ma vue… 8. Et je lui dis les mots que l’ange m’avait appris


Le héros est accablé, mais il invoque Dieu et est sauvé


Moïse Abraham
Moïse 1:19 Et… Satan cria d’une voix forte, tempêta sur la terre et commanda, disant : Je suis le Fils unique, adore-moi.

9 Satan dit : Abraham ! Et je dis : Me voici, ton serviteur.


Moïse 1:20 Et… Moïse commença à éprouver une crainte extrême ; et… il vit l’amertume de l’enfer. Néanmoins, invoquant Dieu, il reçut de la force, et il commanda, disant : Éloigne-toi de moi Satan ! 10 Mais l’ange me dit : Ne lui réponds pas ! Car Dieu lui a donné pouvoir sur ceux qui lui répondent... 11 …Maintenant, surtout s’il te parle, ne lui réponds pas, car son pouvoir s’attachera à toi.
12 Parce que l’Éternel lui a donné du pouvoir, ne lui réponds pas ! [Voir Testament d’Abraham (Falasha p . 100 et suiv.) où il dit à Isaac approchant de l’autel : « Approche-toi mon fils, afin que tu puisses mieux comprendre ce qui m’effraie et d’où me vient cette frayeur… » faisant allusion à sa propre mise en danger sur l’autel.]
Moïse 1:21. Alors Satan commença à trembler, et la terre frémit ; et Moïse reçut de la force, et invoqua Dieu, disant : Au nom du Fils unique, retire-toi, Satan. [On trouve ce détail dans la rencontre d’Énoch avec Satan dans Giz. 13:1-3 : « Et Énoch dit à Azazel : Retire-toi ! Tu n’auras pas de paix, une grande sentence est sortie contre toi pour te lier. 2. Et Il n’y aura plus ni discussion ni questions pour toi, à cause de tes œuvres malhonnêtes et trompeuses parmi les hommes. »]
Moïse 1:22 Et…Satan cria d’une voix forte, avec des pleurs, des gémissements et des grincements de dents ; et il se retira de la présence de Moïse, de sorte que celui-ci ne le vit plus. Gizeh 13:3 Alors il s’enfuit, et il parla à tous (ceux qui le suivaient) et ils furent tous effrayés, des tremblements de frayeur les saisirent.)


Le héros est enlevé au ciel


Moïse Abraham
Moïse 1:24 Et… lorsque Satan se fut retiré… Moïse leva les yeux vers le ciel, étant rempli du Saint-Esprit… 15:2 l’ange ayant la responsabilité de sacrifice… me prit… 3 par la main droite et me fit asseoir sur l’aile droite de la colombe et lui-même se mit sur l’aile gauche.
Moïse 1:25 Et invoquant… Dieu, il vit de nouveau sa gloire… 4 Il me transporta à la limite de la flamme de feu. 5 Nous-nous élevâmes comme si nous étions soutenus par de nombreux vents, sur le ciel fixé sur les étendues (du firmament)
[Voir 2 Néphi 4:25 :  « Et sur les ailes de son Esprit, mon corps a été emporté sur des montagnes extrêmement hautes. Et mes yeux ont vu de grandes choses, oui, trop grandes pour l'homme »]
Moïse 1:24. Et … lorsque Satan se fut retiré de la présence de Moïse, Moïse leva les yeux vers le ciel, étant rempli du Saint-Esprit…
Baït ha-Midrash 5:170 R. Ishmael (le pendant d’Énoch) : Quand j’aboutis au sommet de la montagne… arrivant au septième Temple, je me tenais en prière devant Dieu, et je levai les yeux et dis… délivre-moi de Satan. Et le Metatron [encore Énoch !] voit, celui qui [servait ?] les anges, même le Prince du Trône, et déployant ses ailes,  il vint à ma rencontre avec une grande joie. Il me prit la main et me souleva.
Moïse 1:25…Et il entendit une voix qui disait : Tu es béni, Moïse, car moi, le Tout-Puissant, je t’ai choisi, et tu seras rendu plus fort que de nombreuses eaux. Car elles obéiront à ton commandement, comme si tu étais Dieu. [Ici, Moïse est salué comme roi sacré victorieux.] 17:1 Alors qu’il parlait encore, voici qu’un feu… nous entoura. Il y avait dans le feu une voix semblable à la voix d’eaux nombreuses, semblable à la voix de la mer dans son agitation.
Moïse 1:27. Et… Moïse jeta les regards et vit la terre… Moïse 1:28 Et il en vit également les habitants, et il n’y eut pas une âme qu’il ne vit pas… et leur nombre était grand… innombrable. 15:6 Je vis… une puissante lumière… Et… dans cette lumière, il y avait le feu ardent d’une multitude, et une grande multitude à l’apparence d’hommes. Tous ceux-là se modifiaient d’aspect et de forme, couraient et se transformaient, se prosternaient et clamaient d’une voix dont je ne connaissais pas les mots.


Son champ de mission lui est montré


Dans la littérature « testamentaire » chaque patriarche fait un voyage au ciel et y reçoit une vision complète de la terre dont le compte rendu devient partie intégrante de son message missionnaire à son retour (comparer avec 1 Néphi 1 :4 – 15, Abraham 3:15, Moïse 1:40).


Moïse Abraham
Moïse 1:27 Comme la voix parlait encore, Moïse jeta les regards et vit la terre, oui, toute, et il n’y eu pas une particule qu’il ne vit pas… 21:1 Il me dit : Regarde maintenant l’étendue qui est sous tes pieds et comprends à présent la création représentée depuis longtemps… sur cette étendue, il y a la création et ce qui est en elle et le monde préparé pour elle.
Moïse 1:28 Et il en vit également les habitants, et il n’y eut pas une âme qu’il ne vit pas. Et il les discerna par l’Esprit de Dieu, et leur nombre était grand, aussi innombrable que le sable au bord de la mer.

2 Je regardai sous l’étendue qui était à mes pieds… je vis la terre et ses fruits, ce qui se mouvait sur elle… la puissance de ses hommes… 3. ses régions inférieures… l’abîme et ses tourments…

Moïse 1:29 Et il vit beaucoup de pays, chaque pays était appelé terre, et il y avait des habitants à sa surface. 4 Je vis là, la mer et ses îles, ses animaux et ses poissons, le Léviathan et sa domination… 5 Je vis là les fleuves, leurs crues et leurs méandres…
9 Je vis là une grande multitude d’hommes et femmes, d’enfants, la moitié d’entre eux était du côté droit du tableau, et l’autre moitié de l’autre côté de la représentation.


Rencontre avec Dieu


Moïse Abraham


Moïse 1:31 Et… la gloire du Seigneur fut sur Moïse, de sorte que Moïse se tint en la présence de Dieu et lui parla face à face.
16:1 Je dis à l’ange… je ne peux plus rien voir, je suis faible et mon esprit me quitte.
2 Il me dit : Reste avec moi, n’aie crainte. Celui que tu verras venir droit sur nous… c’est l’Éternel qui t’a aimé.
3. Mais lui-même tu ne le verras point… 4. Que ton esprit ne soit pas affaibli, car je suis avec toi et je te fortifie.

Moïse 1:30 Et il arriva que Moïse invoqua Dieu…
17:5 Aussi je continuais à prier : 6. Il dit : Récite sans t’arrêter.
7 et suiv... [Abraham prie Dieu citant ses attributs.] 11. Eli, mon Dieu, El El El El Jaoël !
Moïse 1:33 Et j’ai créé des mondes sans nombre ; et je les ai également créés dans un dessein qui m’est propre…

13. Toi, qui mets de l’ordre dans l’univers inorganisé, le chaos qui dans le monde périssable sort du bien et du mal.

Moïse 1:38. Et lorsqu’une terre et ses cieux passeront, une autre viendra. Et il n’y a pas de fin à mes œuvres ni à mes paroles. et qui renouvelle le monde des justes.
14. Toi, lumière, qui brille avant la lumière du matin sur ta création…


La question et la réponse épiques


Moïse 1:30 Et… Moïse invoqua Dieu disant : Dis-moi, je te prie, pourquoi ces choses sont ainsi, et par quoi tu les as faites ? [cf. Abr. 1:2 « Je recherchai les bénédictions des pères… désirant… posséder une plus grande connaissance. »]

16. Entends ma prière.
17. Accepte-moi avec bienveillance montre-moi et instruis-moi, et fais connaître à ton serviteur ce que tu m’as promis.
26:1 Je dis : Éternel, Puissant, l’Unique, pourquoi donc as-tu établi qu’il en soit ainsi ?
Moïse 1:31 Et le Seigneur Dieu dit à Moïse : J’ai fait ces choses dans un dessein qui m’est propre. Il y a là de la sagesse, et elle demeure en moi. 26:5 De même que le conseil de ton père [Térach] est en lui, de même que ton conseil est en toi, ainsi aussi le conseil de ma volonté est en moi. Il est prêt pour les jours à venir, avant que tu n’en prennes connaissance…
Moïse 1:33 Et j’ai créé des mondes sans nombre, et je les ai également créés dans un dessein qui m’est propre…
Moïse 1:35 Mais je te parle seulement de cette terre et de ses habitants. Car voici, il y a beaucoup de mondes… qui existent maintenant… mais toutes choses me sont comptées, car elles sont miennes et je les connais.
19:3 Considère les étendues qui se trouvent dans l’espace sur lequel tu es placé [voir cette formule dans Abraham 3:3, 4, 5, 7, etc… !] et vois que sur aucune étendue, il n’y a d’autres que Celui que tu as cherché… 4. Comme il parlait encore, voici, les cieux étendus sous moi s’ouvrirent 5. Je vis sur le septième firmament où je me trouvais… la puissance de la gloire invisible investir les êtres vivants.


De nouveau laissé à lui-même 


Moïse Abraham
Moïse 1:9 Et la présence de Dieu se retira de Moïse, de sorte que sa gloire ne fut plus sur lui, et Moïse fut laissé à lui-même. Et comme il était laissé à lui-même, il tomba sur le sol.

30:1 Et comme il parlait encore, je me trouvais sur terre 2. et je dis : Éternel, Dieu puissant !
3. Je ne suis plus dans la gloire dans laquelle je me trouvais en-haut ! et tout ce que mon âme a désiré comprendre dans mon cœur, je reste sans le comprendre.

[Abr. 2:12 « Et lorsque le Seigneur se fut retiré après m’avoir parlé, et qu’il eut retiré sa face de devant moi, je dis en mon cœur : Ton serviteur t’a cherché avec ferveur, maintenant je t’ai trouvé. »] 4 Il me dit : Je vais te dire les désirs de ton cœur, tu as cherché diligemment etc.


Ces récits parallèles, que des siècles séparent, ne peuvent être des coïncidences. Les autres non plus. Le premier homme qui a connu cet affrontement avec Satan, c’est Adam. Une foule d’histoires à ce sujet sont étroitement apparentées aux récits d’Abraham, de Moïse, d’Énoch et d’autres héros. Les plus anciennes traditions concernant Adam sont sans doute celles qui ont été collectées à travers l’Orient antique à une époque très reculée et qui sont parvenues jusqu’à nous dans des manuscrits éthiopiens et arabes plus tardifs sous le titre « Le combat d’Adam et Ève contre Satan [303] ». Ils contiennent au moins treize affrontements différents entre Adam et l’Adversaire. Nous en présentons ici quelques-uns parmi les plus frappants. Étant donné que le thème est répété d’une façon caractéristique avec des variations (l’esprit monastique ne pouvant résister à la tentation d’exploiter un bon sujet jusqu’à la corde), il sera nécessaire de répéter certains passages du livre de Moïse.


Moïse, Chapitre 1 Combat d’Adam (les citations tirées directement du document sont indiquées entre guillemets)
Moïse 1:9 Et la présence de Dieu se retira de Moïse, de sorte que sa gloire ne fut plus sur lui, et Moïse fut laissé à lui-même. Et comme il était laissé à lui-même, il tomba sur le sol. Colonne 297-298. Quittant le glorieux jardin, ils (Adam et Ève) furent saisis de frayeur et « ils tombèrent sur le sol et restèrent comme morts ».
Moïse 1:10 Et il arriva que de nombreuses heures s'écoulèrent avant que Moïse ne retrouvât sa force naturelle d'homme; et il se dit: à cause de cela, je sais que l'homme n'est rien, ce que je n'avais jamais supposé. 299. Pendant qu’Adam était dans cette attitude, Ève, élevant les mains, pria… Ô Seigneur, Ton serviteur est chassé du jardin » et il est rejeté dans une terre déserte (Ge. 3:18 et suiv. )
Moïse 1:11 Mais mes propres yeux ont vu Dieu; mais pas mes yeux naturels, mais mes yeux spirituels, car mes yeux naturels n'auraient pu voir, car je me serais desséché et serais mort en sa présence; mais sa gloire était sur moi, et j'ai vu sa face, car j'étais transfiguré devant lui. 299. Ils disent : « Aujourd’hui, nos yeux étant devenus terrestres ne peuvent plus contempler les choses qu’ils voyaient autrefois. »
Moïse 1:12 Et il arriva que lorsque Moïse eut dit ces paroles, voici, Satan vint le tenter, disant: Moïse, fils de l'homme, adore-moi. 306. Satan, les voyant prosternés en prière, leur apparaît dans une grande lumière et établit son trône dans ce lieu, proclamant ainsi que la terre est son royaume pendant que ses disciples chantent des cantiques à sa louange.
Moïse 1:13 Et il arriva que Moïse regarda Satan et dit: Qui es-tu ? Car voici, je suis un fils de Dieu à l'image de son Fils unique; et où est ta gloire, pour que je t'adore ? 307. Adam, intrigué, prie pour être éclairé, demandant : Est-ce là un autre Dieu acclamé par ses anges ? Un ange du Seigneur arrive et dit : « Ne crains pas, Adam, ce que tu vois c’est Satan et ses compagnons qui veulent à nouveau te séduire. Il t’est d’abord apparu sous la forme d’un serpent et maintenant il veut que tu l’adores de manière à pouvoir t’entraîner derrière lui loin de Dieu. »
Moïse 1:15-18 … Où est ta gloire ? car pour moi elle est ténèbres…Retire-toi, Satan, ne me trompe pas… je peux juger entre lui et toi… Retire-toi Satan !

Moïse 1:13 Je suis un fils de Dieu… Moïse 1:14… Je n’aurais pas pu regarder Dieu… si sa gloire n’était venue sur moi… et si je n’avais été fortifié devant lui. [voir 20: « invoquant Dieu,  il reçut de la force. »]
Alors l’ange démasque et humilie Satan en présence d’Adam et le chasse en disant à Adam :
« Ne crains pas…Dieu qui t’a créé te donnera de la force ! »
307-308 La nuit suivante, comme Adam priait levant les mains, Satan lui apparut disant : « Adam, je suis un ange du Dieu Puissant, le Seigneur m’a envoyé à toi. » C’était le plan pour séduire Adam et ainsi pour « demeurer le seul maître et possesseur de la terre. » Mais Dieu envoya trois messagers célestes à Adam qui lui apportèrent les signes de la prêtrise et de la royauté.
309. Et Adam pleura parce qu’ils lui rappelaient son passé glorieux. Mais Dieu dit que c’étaient des signes de l’Expiation future, sur quoi Adam se réjouit.




Moïse 1 :12 Satan vint le tenter disant : Moïse, fils de l’homme, adore-moi.
Moïse 1:19… Je suis le Fils unique, adore-moi ! 





323-324  Après un jeûne de 40 jours, Adam et Ève étaient très affaiblis, étendus sur le sol de la grotte comme morts, mais priant toujours. Satan arriva alors, entouré de lumière, parlant avec des paroles mielleuses pour les tromper, disant : « Je suis le premier créé de Dieu… Maintenant Dieu m’a commandé de vous conduire à ma demeure… pour être rétablis dans votre gloire première. »


Moïse 1:13 Moïse regarda Satan et dit : Qui es-tu ?


325. Mais Dieu savait qu’il avait l’intention de les conduire dans des lieux lointains et de les détruire. Adam dit : Qui était ce vieil homme glorieux qui est venu à nous ? Réponse : C’est Satan sous forme humaine venu pour te séduire en te donnant des signes pour te prouver sa bonne foi, mais je l’ai chassé.
Moïse 1:21 Alors Satan commença à trembler… Moïse 1:22. Et il arriva que Satan cria d'une voix forte, avec des pleurs, des gémissements et des grincements de dents; et il se retira.


Moïse 1:18 J'ai d'autres choses à lui demander [à Dieu]: car sa gloire a été sur moi, c'est pourquoi je peux juger entre lui et toi. Retire-toi, Satan!



326. Satan affronte de nouveau Adam et Ève, encore faibles d’avoir jeûné et priant toujours. Repoussé, il « est cruellement affligé » et dit en pleurant et en gémissant : « ‘Dieu a anéanti mon projet… il a rendu inutile la plan que j’avais imaginé contre ses serviteurs.’  Et il se retira dans la confusion. »
327. Adam demanda : Pourquoi cela ? Réponse : « Dieu voulait te montrer la faiblesse de Satan et ses intentions mauvaises car depuis que tu as quitté le jardin, il n’a pas laissé passer un seul jour sans essayer de te nuire, mais je ne lui ai pas laissé l’occasion d’être victorieux contre toi » [Adam apprend ainsi à distinguer le bien du mal.]
Moïse 5:6 Et après de nombreux jours, un ange du Seigneur apparut à Adam, et lui dit: Pourquoi offres-tu des sacrifices au Seigneur? Et Adam lui dit: Je ne le sais, si ce n'est que le Seigneur me l'a commandé.
Moïse 5 :7 Et alors l'ange parla, disant: C'est une similitude du sacrifice du Fils unique du Père, qui est plein de grâce et de vérité.
Moïse 5:9… de même que tu es tombé, tu puisses être racheté, ainsi que toute l'humanité, tous ceux qui le veulent.
329. De nouveau Adam et Ève offraient un sacrifice, les bras levés en prière, demandant à Dieu d’accepter leur sacrifice et de pardonner leurs péchés. « Et le Seigneur dit à Adam et Ève : de même que vous avez fait ce sacrifice pour moi, de même je donnerai en offrande ma chair quand je viendrais sur la terre, et ainsi je vous sauverai… Et Dieu commanda à un ange de prendre des pinces et de recevoir le sacrifice d’Adam. »


Moïse 5:10 … Adam… fut rempli… disant:… j'aurai de la joie dans cette vie, et je verrai de nouveau Dieu dans la chair.
Là-dessus, Adam et Ève se réjouirent. Dieu dit : Quand les conditions de mon alliance seront accomplies, je vous recevrai de nouveau dans mon Jardin et dans ma Grâce. Aussi Adam continua-t-il à offrir ce sacrifice pendant le reste de ses jours. Et Dieu veilla à ce que sa parole soit prêchée à Adam.
Moïse 1:20 Moïse commença à éprouver une crainte extrême; et comme il commençait à éprouver de la crainte, il vit l'amertume de l'enfer. Néanmoins, invoquant Dieu, il reçut de la force. [Voir livre d’Abraham, fac-similé n°1 !]
Moïse 5:7 C'est une similitude du sacrifice du Fils unique du Père, qui est plein de grâce et de vérité.
330. Le cinquantième jour, Adam offrant un sacrifice comme c’était sa coutume, Satan apparut sous la forme d’un homme et le frappa dans son côté avec une pierre aiguë alors même qu’Adam élevait les bras en prière. Ève essaya de le secourir tandis que du sang et de l’eau coulaient sur l’autel. « Dieu… envoya sa parole et ranima Adam, disant : ‘Finis ton sacrifice, qui m’est très agréable. Car c’est de cette façon que je serai blessé et du sang et de l’eau jailliront de mon côté ; ce sera le véritable Sacrifice, placé sur l’autel comme une offrande parfaite’... Et ainsi Dieu guérit Adam. »



Huitième partie

(Ensign, décembre 1976)



[Le but de ces articles est premièrement d’attirer l’attention sur des aspects longtemps ignorés du récit concernant Énoch donné par Joseph Smith dans le livre de Moïse et dans la version inspirée de la Genèse et, deuxièmement, de fournir en même temps quelques éléments de preuves de l’authenticité de ce texte remarquable. Ce que l’on savait à l’époque de Joseph Smith ne permettait guère de vérifier ce qu’il disait, l’enthousiasme de ses disciples encore moins. Pourtant, quoique libre de divaguer à volonté sur une plaine sans limites, le Prophète ne s’écarte jamais une seule fois, dans son récit d’Énoch, du sentier étroit et exigeant que les textes sur Énoch découverts plus tard ont si clairement tracé. Dans sa version, tous les éléments essentiels de l’histoire d’Énoch telle que nous la connaissons maintenant s’y trouvent, et cependant il ne s’égare jamais : ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas concernant Énoch est également remarquable compte tenu de sa situation.

Il faudrait un ouvrage d’une immense envergure pour présenter et commenter tous les parallèles anciens avec l’Énoch de Joseph Smith, mais ce n’est pas nécessaire pour ce que nous voulons faire. Il suffit de montrer par un ou deux exemples dans chaque cas que même les passages les plus extravagants de la version de Joseph Smith trouvent leur pendant dans les textes anciens : le Prophète n’est jamais isolé. Beaucoup de questions importantes telles que l’ancienneté réelle de la tradition d’Énoch, les rapports entre les divers textes, leur applicabilité à la vie moderne etc. doivent être laissées pour plus tard. La seule chose qui nous préoccupe pour l’instant, c’est le message et la bonne foi du récit d’Énoch présenté par Joseph Smith.]

Chose étonnante, l’histoire d’affrontement entre Adam et Satan la mieux attestée est la scène qui se déroule dans les cieux. Un vieux texte, qui fait particulièrement autorité et qui remonte aux livres déposés par les apôtres dans les premières archives de l’Église à Jérusalem est l’ouvrage copte « Discours sur l’Abbaton, un sermon basé sur le texte de Timothée, l’Archevêque d’Alexandrie » [304].

Ce livre appartient à la littérature des quarante jours et à son début, le Seigneur, qui passe sa dernière journée sur la terre avec les apôtres juste avant son ascension, leur demande s’ils ont une dernière requête à lui faire, exactement comme dans 3 Néphi 28:1. Ce qu’ils veulent le plus, c’est comprendre le rôle de la mort et de ses horreurs dans le plan de Dieu pour ses enfants [305]. Pour expliquer ceci, le Seigneur leur parle du conseil dans les cieux dans la préexistence où l’on discute du plan de la création. Il y a beaucoup de réticence parmi la multitude à aller de l’avant avec la création de la terre. La terre elle-même se plaint, exactement comme dans Moïse 7:48, de la souillure et de la corruption qui vont certainement découler d’elle et supplie d’être autorisée à se reposer de telles horreurs (fol. 10a-b). Étant donné la réticence du conseil à aller de l’avant, Dieu permet que le corps sans vie d’Adam repose sur la terre pendant quarante jours, ne voulant pas, sans l’accord du conseil, laisser son esprit y entrer (11b). Le Fils de Dieu arrange tout en se proposant pour payer le prix pour les souffrances, quelles qu’elles soient, que cela entraînera, permettant ainsi aux « enfants de Dieu de retourner dans leur précédente condition » (12 a). Ainsi, le Christ seul devient l’auteur de notre existence terrestre. Au milieu de la joie et des réjouissances, Dieu fait apporter un livre dans lequel il enregistre les noms de tous les « Fils de Dieu » qui vont aller sur la terre (voir Ge 5:1 et suiv. fol. 12b). C’est naturellement le livre céleste des générations d’Adam ouvert au moment de la création de la terre, le livre dont Énoch parle de manière si explicite dans Moïse 6:46, 8.

En présence de toutes les armées célestes, Adam est ensuite préparé à assumer son grand destin. Il est placé sur un trône et reçoit une couronne de gloire et un sceptre et tous les fils de Dieu plient le genou, premièrement devant Dieu le Père et ensuite devant Adam, le Père, en reconnaissance du fait qu’il est à l’image et à la ressemblance exactes de Dieu (13a). Mais Satan refuse de s’y prêter en déclarant qu’il est disposé à adorer le Père, mais pas Adam : « C’est plutôt lui qui devrait m’adorer, car je suis arrivé avant lui ! » (13a-b) (voir Moïse 1:19 : « Je suis le Fils unique, adore-moi »). Dieu voit que Satan, à cause de son ambition sans bornes et de son manque total d’humilité, ne peut plus se voir confier un pouvoir céleste et commande aux anges de lui retirer son office. Ils s’exécutent avec beaucoup de chagrin et de réticence : « Ils abolirent les écrits faits sous l’autorité de sa main, ils lui arrachèrent son armure et tous les insignes de la prêtrise et de la royauté ». Puis, avec un poignard de cérémonie, une faucille, ils lui infligèrent certains coups cérémoniels de mort qui le privèrent pour toujours de son plein pouvoir (14a). D’autres récits disent qu’après ces coupures, il ne conserva que le tiers de son pouvoir précédent, de même qu’il fut suivi par le tiers des armées célestes.

Adam est ensuite escorté sur la terre pour entrer dans son corps mortel et pendant les cent ans qui suivirent, il est visité par des anges (14b). Ensuite, pendant deux cents ans, il vit heureux en toute innocence avec Ève, prenant soin des animaux confiés à sa charge. Finalement, Satan réussit à prendre possession d’une créature mortelle, ce qui lui permet d’entreprendre une campagne de grande envergure visant Ève (16a-17a). Adam est dans une grande colère, mais quand Ève, victime d’une ruse, assume toute la responsabilité, il se joint à elle (17b).

Satan arrête Adam à l’extérieur du Jardin et lui dit avec jubilation que c’est sa douce vengeance sur la victoire d’Adam dans les cieux : Adam l’a fait expulser du ciel et maintenant il lui rend la pareille et, qui plus est, il a l’intention de poursuivre son projet. « Je n’aurai de cesse de combattre contre toi et contre tous ceux qui viendront après toi, que je ne les aie tous entraînés à la perdition ! » (21a-b). Avec cette menace de mort devant lui, Adam voit l’amertume de l’enfer (19a, 21b), mais, implorant Dieu, non seulement il reçoit l’assurance du salut pour les morts par l’expiation du Christ (20b), mais il lui est dit que la mort sera douce pour ceux dont le nom est inscrit dans le Livre de Vie (24a–b). La crainte de la mort, (l’ange Mouriel) est salutaire et nécessaire pour rappeler au genre humain sa fragilité et son besoin constant de repentir. Ceci a l’effet bénéfique de contrer le plan de Satan constituant un frein constant à la tendance des hommes à se méconduire, une leçon salutaire et, si nécessaire, terrifiante.

Qu’est-ce qui suit l’épreuve de force entre nos premiers parents et l’Adversaire ? Nos sources continuent obligeamment l’histoire et suivent Satan depuis ses tentatives de s’acquérir l’obéissance d’Adam jusqu’à ses entretiens hautement couronnés de succès avec Caïn, suivant l’expansion régulière de la méchanceté dans l’humanité jusqu’à son point culminant du temps d’Énoch. Il n’y a pas de meilleur résumé de l’histoire que celui qui est fait dans le livre de Moïse, résumé étonnamment proche en tous points de la version du « Combat d’Adam ». Survolons brièvement les événements conduisant à l’appel d’Énoch tels qu’ils se trouvent dans le récit de Joseph Smith.

Ayant été instruits par un ange du Seigneur, Adam et Ève jouissent de la plénitude de l’Évangile : « Et ils firent connaître toutes choses à leurs fils et à leurs filles » (voir Moïse 5:1-12). Entre en scène Satan, l’élément négatif avec son « non-Évangile » : « Ne le croyez pas ! » et son contre-Évangile : « Je suis aussi un fils de Dieu » (Moïse 5:13). Il s’acquiert des disciples en poussant vers le bas dans la direction de ce qui est « charnel, sensuel et diabolique » (Moïse 5:13). Ceci exige de nombreux appels au repentir (Moïse 5:14-15), car Adam et Ève restent loyaux et fidèles, et « ne cessèrent pas d’invoquer Dieu » (Moïse 5:16). C’est dans ce monde que naît Caïn, qui va rejeter les enseignements de ses parents comme étant irrationnels : « Qui est le Seigneur, que je doive le connaître ? » (Moïse 5:16). Le Seigneur donne à Caïn toutes les chances d’être sage et de se sauver, en lui montrant, d’une manière tout à fait raisonnable, la voie dangereuse dans laquelle il se lance et le prévenant qu’il sera sous le pouvoir de Satan dans la mesure où il refuse l’obéissance : « Et tu domineras sur lui » (Moïse 5:23 ; voir aussi Genèse 4:7) Caïn, dominer sur Satan ? Oui, c’est cela, l’arrangement : le diable se met au service de son client pour satisfaire ses moindres caprices, flatter ses appétits et être à son entière disposition pendant toute sa vie terrestre, mettant à sa disposition un pouvoir et une influence illimités grâce au fait qu’il dispose des trésors de la terre, l’or et l’argent. Mais en échange, la victime doit respecter sa part du pacte, obéissant aux instructions de Satan sur la terre et demeurant en son pouvoir dans l’au-delà. C’est le marché classique, le pacte avec le diable par lequel Faust, Don Juan, Macbeth ou Jabez Stone parviennent au sommet du succès terrestre et sombrent dans les profondeurs de la damnation éternelle.

Le Seigneur offre l’invitation paternelle à Caïn : « Si tu agis bien, tu seras accepté » en même temps que l’avertissement solennel : « Satan désire t’avoir » (Moïse 5:23, voir aussi Genèse 5:7). Il le met en garde contre la folie de « rejet[er] le conseil supérieur » (Moïse 5:25) et la porte du repentir est maintenue ouverte jusqu’au dernier moment, et c’est Caïn lui-même qui interrompt la conversation et se met en colère, refusant d’écouter plus longtemps « la voix du Seigneur » (Moïse 5:26) et les remontrances de son frère Abel. Caïn prend pour femme « une des filles de ses frères » (pas forcément d’Abel) et ensemble « ils aimèrent Satan plus que Dieu » (Moïse 5:28). Ils étaient pleinement satisfaits de leur religion et agressifs à son sujet.

Que peut-on faire dans une telle situation ? Rien ! « Adam et sa femme se lamentèrent devant le Seigneur à cause de Caïn et de ses frères » (Moïse 5:27). Ayant délibérément rompu tout lien avec son Père céleste, Caïn était libre de conclure avec Satan un accord officiel par lequel il serait formé aux techniques permettant d’obtenir le pouvoir et le gain : « En vérité, je suis Mahan, le maître de ce grand secret [C’est le langage des anciens collèges ou guildes où le secret est le mystère du métier ou de la profession, dans ce cas, son secret est de savoir comment convertir la vie en propriété] : « à savoir que je peux assassiner et obtenir du gain » (Moïse 5:31, voir aussi 5:49). Caïn « se glorifia » du pouvoir de la technique et de la dialectique qu’il venait de découvrir, déclarant que cela le rendait « libre » (Moïse 5:33). Il mit sa connaissance en application lors d’une opération magistralement réussie dans laquelle « Abel… fut tué par la conspiration de son frère » (D&A 84:16) et se félicita en jubilant : « Et… se glorifia de ce qu’il avait fait, disant : Je suis libre, les troupeaux de mon frère tomberont certainement entre mes mains » (Moïse 5:33). Cet éclairage nouveau sur la conduite de Caïn est confirmé dans le Combat d’Adam, où nous apprenons qu’après avoir tué Abel, Caïn « n’éprouva aucun besoin de se repentir de ce qu’il avait fait », un détail également relevé par certains des premiers pères de l’Église [306].

C’est clair, ceci n’est pas le roman conventionnel de Caïn et d’Abel dans lequel un adolescent impétueux perd la tête et assomme son frère gâté dans un accès de jalousie. C’est une opération soigneusement planifiée et exécutée dans laquelle Caïn tue « son frère Abel dans le but d’obtenir du gain » (Moïse 5:50), faisant taire sa conscience avec la pensée que tout est normal et juste puisque Abel est capable de prendre soin de lui-même. « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Moïse 5:34). C’est par cette philosophie que Satan a séduit le genre humain en lui enseignant que « ce qu'il advenait de tout homme dans cette vie dépendait de la façon dont il se gouvernait; c'est pourquoi, tout homme prospérait selon son génie, et tout homme conquérait selon sa force, et tout ce qu'un homme faisait n'était pas un crime » (Alma 30:17). Quand Dieu ne l’entend pas de cette oreille et lui demande des comptes, Caïn avance le motif du profit comme excuse : « Satan m’a tenté à cause des troupeaux de mon frère » (Moïse 5:38). « Exclu de la présence du Seigneur » (Moïse 5:41), Caïn fonde sa propre institution, la principale lignée de ses descendants étant Hénoc (celui qui construisit une ville d’Énoch), Irad, Mehujaël, Metuschaël, Lémec, le père de Jabal et de Tubal-Caïn ; (Moïse 5:42-46). Lémec, comme Caïn, fit « alliance avec Satan » et, comme lui, devint « maître Mahan » (Moïse 5:49). Quand Lémec apprit qu’Irad, le fils d’Énoch, avait violé le secret de ces terribles choses, « il le tua à cause du serment » (Moïse 5:50), puisque … Irad avait commencé à révéler aux fils d’Adam ces signes de reconnaissance ultra-secrets (Moïse 5:49). Tous ceux qui faisaient alliance avec Satan furent exclus des saintes alliances de Dieu, en dépit du fait qu’ils prétendaient que tout était comme avant. Cette conspiration se répandit, comme cela se passe toujours une fois qu’on a commencé. Lémec devint un paria comme Caïn, pas à cause du meurtre mais parce que ses femmes commencèrent à répandre ses secrets confidentiels, ceux-là mêmes pour lesquels il avait assassiné Irad parce qu’il les divulguait. « C’est ainsi que les œuvres des ténèbres commencèrent à régner parmi tous les fils des hommes. Et Dieu maudit la terre d’une grande malédiction » (Moïse 5:55-56).

N’y a-t-il rien qui vienne alléger ce terrible spectacle ? Si, il y a quelque chose. Pendant tout ce temps, « l’Évangile commença à être prêché… par de saints anges… et par le don du Saint- Esprit » (Moïse 5:58), tandis que « tout fut confirmé pour Adam par une sainte ordonnance » avec l’assurance que « l’Évangile… serait dans le monde jusqu’à la fin de celui-ci » (Moïse 5:59). Adam, ayant perdu Abel, eut un autre fils, Seth, qui poursuivit son œuvre (Moïse 6:2). C’est de lui que vient cette lignée de successeurs dans la prêtrise, dûment enregistrés dans le Livre de Vie d’où les méchants étaient exclus (Moïse 6:5-8). Après Seth vint Énosch, qui décida de prendre une mesure importante. Puisque « en ce temps-là, Satan avait une grande domination sur les hommes et faisait rage dans leur cœur », provoquant « des guerres et de l’effusion de sang… pour infliger la mort, à cause des œuvres secrètes, en cherchant le pouvoir » (Moïse 6:15), exactement comme dans le monde moderne, Énosch rassembla « le reste du peuple de Dieu » et ils émigrèrent hors du pays « et demeurèrent dans une terre de promission » appelée Kénan d’après le nom de son fils (Moïse 6:17). La lignée est Seth, Énosch, Kénan, Mahalaleel, Jéred, Énoch [Hénoc], Metuschélah, Lémec et Noé (Moïse 6:16-21 ; 8:2, 5-11) Dans le Combat d’Adam avec Satan, comme Migne le fait remarquer : « l’auteur dépeint les descendants d’Adam comme divisés en deux branches séparées et distinctes : les Caïnites, décidés à suivre Satan, qui vivaient dans un pays fertile mais très éloigné de l’Éden et qui se consacraient à tous les plaisirs de la chair et à toute sorte d’immoralité » et les Sethites, qui « demeuraient dans les montagnes près du Jardin, étaient fidèles à la loi divine et portaient le nom de Fils de Dieu. »

L’apparition de noms semblables dans les deux généalogies ne devrait pas surprendre quiconque fait beaucoup de généalogie où les mêmes noms de famille ne cessent de revenir inlassablement. Ce qu’il faut remarquer, c’est qu’il y a deux lignées et qu’Énoch n’est considéré comme un étranger et un homme sauvage que lorsqu’il quitte sa colonie natale de Kénan, « jusqu’à présent un pays de justice » (Moïse 6:41) pour séjourner comme missionnaire parmi les tribus rebelles. Le décor est maintenant installé pour Énoch.

Le monde pervers d’Énoch

La méchanceté de l’époque d’Énoch avait des caractéristiques et une tournure spéciales. Seule la dépravation la plus déterminée et la plus enracinée méritait l’extermination du genre humain. Dans les histoires apocryphes d’Énoch, on nous dit comment l’humanité fut menée à la plus extrême des inconduites sous la tutelle de maîtres exceptionnellement compétents. Selon ces traditions, ceux-ci étaient des messagers célestes spéciaux, pas moins, qui étaient envoyés sur terre pour restaurer le respect du nom de Dieu parmi le genre humain dégénéré, mais qui, au lieu de cela, cédèrent à la tentation, se méconduisirent avec les filles des hommes et finirent par former et encourager leurs protégés humains à toutes sortes d’iniquités. Ils sont désignés sous les noms variés de Veilleurs, d’Anges déchus, de Fils de Dieu, de Nephilim ou de Rephaïm et sont parfois confondus avec leur postérité, les Géants [307]. D’autres candidats à cet honneur douteux ont été suggérés par divers spécialistes, le problème étant qu’il y a plus d’une catégorie d’êtres qui se qualifient pour être des Anges déchus et des pécheurs spectaculaires avant l’époque du Déluge [308]. La Bible utilise le titre fils de Dieu ; étaient-ils différents des « Veilleurs » de la tradition ?

« Les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ils en prirent pour femmes parmi toutes celles qu’ils choisirent.

« Les géants étaient sur la terre en ces temps-là, après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes, et qu’elles leur eurent donné des… héros qui furent fameux dans l’antiquité.

« L’Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre » (Genèse 6:2, 4-5)

L’idée de relations sexuelles entre êtres célestes et terrestres était répandue dans les temps anciens. C’est ainsi que dans l’Apocryphe de la Genèse, récemment découvert, quand la femme de Lémec lui donne un super enfant (Noé), il suppose pratiquement comme une évidence que le père est « l’un des anges » et l’accuse d’infidélité jusqu’à ce que son grand-père, Énoch, « celui dont le destin est avec les saints », et qui vit au loin, règle le malentendu. Ce qui est significatif, c’est que la mère de l’enfant est Bit-enosch, c'est-à-dire qu’elle est l’une des « filles des hommes » [309]. Le fragment Cedrenus évite le problème de l’origine céleste en faisant des fils de Dieu les descendants de Seth et les filles des hommes celles de Caïn, et il désigne expressément  les fils de Dieu comme étant les Veilleurs [310]. Récemment, M. Emanueli a suggéré que les divers termes sont simplement « une façon de parler pour exprimer la profondeur de la dépravation de cette génération » [311].

Si les fils de Dieu ont été identifiés aux anges et aux Veilleurs, l’Énoch grec n’identifie pas les Veilleurs aux armées de Satan qui sont tombées du ciel dès le commencement : ils sont une autre sorte de gens. C’est l’Énoch de Joseph Smith qui donne la solution la plus convaincante : les êtres qui sont tombés n’étaient pas des anges mais des hommes qui étaient devenus des fils de Dieu. Depuis le commencement, nous dit-il, les mortels ont pu se qualifier comme « fils de Dieu », en commençant par Adam. « Voici [Adam], tu es un en moi, un fils de Dieu ; et c’est ainsi que tous peuvent devenir mes fils » (Moïse 6:68). Comment ? En croyant et en contractant l’alliance. « Notre père, Adam, a enseigné ces choses, et beaucoup ont cru et sont devenus fils de Dieu » (Moïse 7:1). Ainsi, quand « Noé et ses fils écoutèrent le Seigneur, et prêtèrent attention… [ils] furent appelés fils de Dieu » (Moïse 8:13). En résumé, les fils de Dieu sont ceux qui acceptent et vivent la loi de Dieu. Quand les « fils des hommes » (comme Énoch les appelle) brisent leur alliance, ils continuent à tenir à ce titre sublime : « Voici, nous sommes les fils de Dieu ; n’avons-nous pas pris pour nous les filles des hommes ? » (Moïse 8:21), tout comme « les fils des hommes », pour inverser l’ordre, épousèrent les filles de ceux qui étaient appelés « les fils de Dieu », perdant de ce fait leur titre, « car », comme le dit Dieu à Noé, « ils ne veulent pas écouter ma voix » (Moïse 8:15). La situation était donc que les fils de Dieu ou leurs filles, qui avaient été initiés dans un ordre spirituel, s’en écartèrent et brisèrent leurs vœux, se mêlant à ceux qui observaient uniquement une loi charnelle.

« Pourquoi avez-vous quitté le ciel [et] Celui qui est exalté ?» dit Énoch dans un fragment de Gizeh « et…vous êtes-vous souillés avec les filles des hommes ?… Vous vous êtes comportés comme des fils de la terre et vous vous êtes engendré des fils qui sont des géants. Et vous étiez jadis des êtres saints, spirituels, éternels… et vous avez convoité la chair… comme les créatures mortelles et périssables. » [313]

Ce qui a fait que le monde d’Énoch était si singulièrement dépravé qu’il invitait un effacement total était la perversion délibérée et systématique des choses célestes pour justifier la méchanceté. Hippolyte, l’un des premiers auteurs chrétiens, dit que l’Anti-Christ imite le Christ dans tous les détails : tous deux envoient leurs apôtres donnent leur sceau aux croyants, montrent des signes et des miracles, prétendent que le Temple leur appartient, ont leur propre église et leur propre assemblée, etc. Telle est la méthode du « grand Séducteur du monde » contre lequel, dit Hippolyte, « Énoch et Élias nous ont prévenus. » [314] On nous rappelle comment Satan a avancé ses prétentions : « Je suis aussi un fils de Dieu » (Moïse 5:13) et a commandé à Caïn de « faire une offrande au Seigneur » (Moïse 5:18-19), et aussi de faire ses serments « par le Dieu vivant » (Moïse 5:29), comme si tout était toujours dans le bon ordre. Dans le même esprit, les descendants de Noé, dans leur méchanceté, continuaient à affirmer que rien n’avait changé :

(Moïse 8:21). Les enfants des hommes dirent à Noé : Voici, nous sommes les fils de Dieu, n’avons-nous pas pris pour nous les filles des hommes ? »


Les apocryphes sont d’accord :

(Black p. 44, 106:7, 13-14) « Car pendant les jours de Jéred, mon père, ils s’écartèrent de l’enseignements du Seigneur, de l’alliance du ciel. Et voici, ils commettent le péché et rejettent (parabainousin) la bonne voie (ethos)… et engendrent des enfants non comme progéniture spirituelle, mais comme progéniture charnelle ».

On joue à la tromperie de haut niveau. « Malheur à vous qui vous égarez délibérément [poiountes planemata] », s’écrie Énoch, « vous qui vous poussez aux honneurs et à la gloire par des pratiques trompeuses… Qui détournez et déformez les choses dites clairement, qui avez donné une nouvelle tournure à l’Alliance éternelle et qui inventez ensuite des arguments pour prouver que vous êtes sans culpabilité ! » [315]. Le ton donné est celui du calcul froid. Les « Veilleurs » (selon le mot grec) ont entraîné « des myriades et des myriades… avec notre Prince Satan-el », dit l’Énoch slave, « et ont souillé la terre par leurs actes. Et les épouses [au lieu des filles !] des hommes ont commis un grand mal, violant la loi… une grande iniquité » [316]. « Car dans les lieux secrets de la terre », lisons-nous dans une très ancienne source judéo-chrétienne, « ils faisaient le mal… et tous commettaient l’adultère avec les épouses de leurs voisins ; et ils contractaient entre eux des alliances solennelles concernant ces choses » [317]. De telles pratiques remontaient à l’époque de Caïn.

Moïse Apocryphes
Moïse 5:52 Le Seigneur maudit… tous ceux qui avaient fait alliance avec Satan; car ils ne gardaient pas les commandements de Dieu.
Moïse 5:29 Et Satan dit à Caïn: Jure-moi… fais jurer tes frères… de ne pas le dire, car s'ils le disent ils mourront.
Moïse 5:51 Car, à partir du temps de Caïn, il y eut une combinaison secrète, et leurs œuvres étaient dans les ténèbres, et chacun connaissait son frère.
Gizeh 6:2. Les Fils du Ciel désiraient rompre leurs alliances et se joindre aux filles des hommes, mais Seimizas [Satan] dit : Je crains que vous ne soyez pas prêts à aller jusqu’au bout de ceci. 4. Et tous lui répondirent : « Nous ferons tous un serment et nous nous engagerons entre nous avec anathème de ne pas revenir sur cet accord [gnome] avant de l’avoir exécuté. 5. Alors ils jurèrent tous ensemble et s’engagèrent sous peine de mort.
Moïse 5:29-30 Et Satan dit à Caïn: Jure-moi par ta gorge, et si tu le dis, tu mourras; fais jurer tes frères par leur tête et par le Dieu vivant de ne pas le dire, car s'ils le disent ils mourront; et cela, afin que ton père ne le sache pas… Et toutes ces choses se firent en secret.


1 Énoch 69:13 Kasbéel, le chef du serment… quand il demeurait en haut dans la gloire 14. … demanda à Michel de lui montrer le nom caché afin de l’énoncer dans le serment, pour que tremblent devant ce nom et ce serment ceux qui révélaient aux fils des hommes tout ce qui était secret.
1 Énoch 69:1. Ce fut Gadreel qui montra aux fils des hommes toutes les plaies de mort, c’est lui qui séduisit Ève.
Moïse 5:16 Et Adam et Ève… ne cessèrent pas d'invoquer Dieu…. Mais voici, Caïn n'écouta pas, disant: Qui est le Seigneur, que je doive le connaître ?
Moïse 5:51 Car, à partir du temps de Caïn, il y eut une combinaison secrète, et leurs œuvres étaient dans les ténèbres, et chacun connaissait son frère.
Livre des myst. éthiop. PO 4:431. « Dans les jours de Caïn, les pratiques perverses et séductrices augmentèrent. Les mauvais anges se dressèrent en une opposition ouverte et insolente contre Adam et, se glorifiant de leurs corps terrestres, apprirent un grand péché et exposèrent ouvertement toute l’œuvre qu’ils avaient vue dans les cieux. »



C’est ainsi que nous voyons dans un texte grec d’Énoch les Grands Anges revenir de la terre pour rapporter à Dieu ce qu’ils ont découvert : « Azaël enseignant toute sorte d’iniquité sur la terre et il a dévoilé les mystères du siècle qui appartiennent au ciel, qui sont [maintenant] connus et pratiqués parmi les hommes. » Et Semiazas est aussi avec lui, lui à qui tu as donné autorité [sur] ceux qui le suivent » [318].

Le fait de divulguer leurs serments à ceux qui n’étaient pas dignes de les recevoir, ce qui les avilissait et les invalidait était aussi grave que de les avoir trahis. L’un des thèmes les plus répandus dans les mythes et les légendes est la tragédie du héros qui succombe aux charmes d’une jolie fille ou femme fatale (en français dans le texte) et qui finit par lui révéler des mystères cachés. Nous rencontrons cette histoire dans la plus ancienne épopée égyptienne (où la dame Isis soutire à Ré la connaissance fatale de son véritable nom) et dans des contes du même genre comme Samson et Dalila, la fille de Jared, Lohengrin, etc. où la femme est la Pandore qui doit savoir ce qu’il y a dans la boîte. Sur ce thème, les fragments de Gizeh offrent un parallèle important avec la version de Joseph Smith où l’arrière-plan commun du texte et la confusion des scribes plus tardifs sont également visibles :

Moïse 5:53 « Lémec avait confié le secret à ses femmes, et elles… racontèrent toutes ces choses publiquement et n'eurent pas compassion… Moïse 5:55 C'est ainsi que les… ténèbres commencèrent à régner parmi tous les fils des hommes. »

Comparons avec : 

(Gizeh 16:2-4) (319) « Et maintenant, au sujet des Veilleurs, dites-leur : Vous étiez dans les Cieux et là vous connaissiez tous les mystères qui ne vous avaient pas été révélés aussi bien que ce mystère que Dieu avait permis ; et cela, vous l’avez révélé à vos femmes dans la dureté de votre cœur, et c’est à cause de ce mystère que les hommes et les femmes provoquent des iniquités en abondance sur la terre. »

Clément d’Alexandrie attribue à Musaeus, le fondateur des mystères grecs, un récit relatant « comment les anges perdirent leur héritage céleste par la divulgation des choses secrètes [mysteria] aux femmes », des choses, fait remarquer Clément, « que les autres anges gardent secrètes ou accomplissent discrètement jusqu’à la venue du Seigneur » [320].

Chose assez surprenante, l’époque d’Énoch est systématiquement décrite comme une ère de grandes avancées intellectuelles et matérielles. « Azaël… enseigna [aux hommes] à fabriquer des couteaux, des cuirasses et toute sorte de matériel militaire et de travailler les minerais de la terre et le travail de l’or pour en faire des bijoux pour les femmes. Il leur fit découvrir l’argent et leur inculqua le maquillage et les cosmétiques, les pierres précieuses et les teintures. Les fils et les filles des hommes adoptèrent toutes ces choses et égarèrent les saints. Il y eut une grande iniquité sur la terre et ils devinrent pervertis et s’égarèrent dans toutes leurs voies. Pendant cette même période, leur dirigeant Semiazas leur enseigna des formules scientifiques (epaodas kata tou nous) et les propriétés des racines et des plantes de la terre. Le onzième, Pharmakos, leur enseigna toutes sortes de médicaments, d’incantations, de prescriptions, de formules. [D’autres] leur enseignèrent la contemplation des étoiles, l’astrologie, la météorologie, la géologie, les signes du soleil et de la lune. Tous ceux-là commencèrent à dévoiler les mystères à leurs femmes et à leurs enfants. »[321].
 
Les dirigeants du peuple consacraient la plus grande partie de leur richesse à « toutes sortes de projets ingénieux pour contrôler et maîtriser la nature. Mais le Seigneur modifia l’ordre de la création, « faisant lever le soleil à l’ouest et coucher à l’est », de sorte que leurs plans furent réduits à néant [322]. L’idée de contrôler l’environnement indépendamment de Dieu « n’était pas aussi sotte qu’elle le paraissait, dit le Zohar, parce qu’ils connaissaient tous les arts… et tous les principes [archons] gouvernant le monde et ils s’appuyaient sur cette connaissance jusqu’à ce que Dieu les désabuse en restaurant la terre à son état originel et en la couvrant d’eau. » [323] Rabbi Isaac rapporte : Dans les jours d’Énoch, même les enfants connaissaient ces arts mystérieux (les sciences avancées). R. Yesa demande : Possédant toute cette connaissance, ne pouvaient-ils prévoir la destruction ? À quoi R. Isaac répond : Ils le savaient parfaitement, mais ils pensaient qu’ils étaient assez intelligents pour l’empêcher. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est que c’est Dieu qui gouverne le monde… Il leur accorda un sursis aussi longtemps que les hommes justes Jéred, Metuschélah et Énoch étaient vivants. Mais quand ils quittèrent le monde, Dieu laissa le châtiment s’abattre… et ils furent éliminés de la terre [324].

Un passage du Livre de Mormon livre la tradition d’Énoch (contenue peut-être dans les plaques d’airain) dans un parallèle évident :

(2 Néphi 26:29) « Car voici les intrigues de prêtres, c’est… les hommes… se posant en lumière pour le du monde, afin d’obtenir du gain et les louanges du monde ; mais ils ne cherchent pas le bien-être de Sion. »

Comparons avec :

(Zohar. Beresh. 25b) « Ces hommes [du temps d’Énoch] érigèrent des synagogues et des collèges et y placèrent des parchemins et de riches ornements… mais ils le faisaient pour se mettre en lumière et pour les honneurs des hommes. Et c’est de cette façon que les puissances du mal règnent sur Israël. »

Le pouvoir et le gain sont les deux faces de la même médaille : « Nous sommes capables de faire tout ce qui nous plaît », dit le peuple à l’époque d’Énoch, « parce que nous sommes très riches ! » À quoi Énoch répond : « Vous êtes dans l’erreur ! Vos richesses vous abandonneront bientôt… » mais ils continuèrent à rechercher plus farouchement que jamais le pouvoir et le gain. » [325]

Un lien intéressant apparaît dans ce récit de la façon dont « à l’époque d’Énoch les gens commettaient le meurtre, l’effusion du sang des enfants des hommes ; ils les réduisaient en esclavage, ils vendaient ce qui ne leur appartenait pas, ils entraient dans les maisons sans en avoir le droit et prenaient ce qu’ils voulaient… Ils truquaient les lois en leur faveur et imitaient les actes abominables des anges rebelles d’un temps plus ancien où, quand Abel essaya de leur faire obstacle, ils organisèrent sa mort par une conspiration. » [326] Ceci confirme une déclaration hardie qui se trouve dans D&A 84:16 « Abel… qui fut tué par la conspiration ». L’ambition était la force dominante dans toute cette méchanceté. « Les géants, dit Ben Sira 16:7, étaient des esprits ambitieux qui désiraient être grands à la manière de Dieu sur la terre ». E. Kraeling fait observer que le terme biblique « hommes de renom » veut dire « hommes qui aspirent à être grands, à ‘se faire aussi un nom’ » [327]. L’Énoch slave fait pendant au livre de Moïse en nous ramenant au début de l’affaire.



Moïse Apocryphes
Moïse 4:1. Ce Satan… vint devant moi, disant: Me voici, envoie-moi, je serai ton fils et je rachèterai toute l'humanité… c'est pourquoi donne-moi ton honneur.





Moïse 4:4. Et il devint Satan… pour les mener captifs à sa volonté, oui, tous ceux qui ne voudraient pas écouter ma voix.
Ms. R, ch. 11 Le démon savait que je voulais créer le monde… avec Adam pour régner sur lui comme Seigneur… Il devint Satan quand il s’enfuit du ciel… Avant cette époque, il s’appelait Satan-el. Il changea de nature et ne fut plus un ange ; il conserva son identité, mais son état d’esprit était altéré, comme quand un juste devient méchant… et il conçut l’idée impossible d’établir son trône… de posséder un pouvoir égal au mien.
[Dieu lui a donné un grand pouvoir sur ceux qui l’écoutent. Ap. Abr. 14:1-2 ; cf. DS Thanks. VI[f] p. X.)



Presque toutes nos sources et particulièrement le livre d’Énoch de Joseph Smith mettent l’accent sur le fait que le peuple ne glissa pas imperceptiblement dans la déraison. Il était constamment prévenu que seul un entêtement obstiné et résolu lui vaudrait la destruction.



Moïse Apocryphes
Moïse 6:28. Au cours de ces nombreuses générations… il a quitté la route… et ne s'est fié qu'à sa propre sagesse dans les ténèbres… Moïse 6:29 C'est pourquoi, il s'est… attiré la mort. Beatty 99:8 et suiv. Et ils s’égareront dans la folie (aphrosyne) de leur cœur et les visions de leurs rêves, [des ténèbres] les égareront. Et les mensonges que vous proférez vous conduiront à votre perte. 98:9 Malheur à vous, insensés, car vous périrez par votre propre folie.
Moïse 5:57
Car ils ne voulaient pas écouter sa voix ni croire en son Fils unique.
Secret 4 (Vaillant p.18). Ce sont ceux qui ont nié le Seigneur et qui n’ont pas voulu entendre la voix du Seigneur, mais ont fait leur propre volonté.
Moïse 6:29
Il s'est parjuré, et, par ses serments, il s'est attiré la mort, et je lui ai préparé un enfer s'il ne se repent pas.
Gk. Énoch 63:9 Nous disparaissons… à cause de nos propres œuvres… descendant aux enfers (Schéol).
GK 3 (99.2) Malheur à vous qui pervertissez l’alliance éternelle


Moïse 6:43. Pourquoi vous fiez-vous à votre sagesse et niez-vous le Dieu du ciel ?
et vous considérez comme innocents !

Bait ha-Midrash (BHM) 5:171. Je suis Énoch ! Quand la génération du déluge pécha et dit de Dieu : Détournez-vous de lui et ne vous réjouissez pas de la connaissance de ses voies, alors Dieu livra les hommes.




Neuvième partie

(Ensign, février 1977)



Dans le numéro précédent, le professeur Nibley a brossé un tableau vivant du monde d’Énoch, une culture d’une sophistication et d’une prospérité matérielle immenses, dont le peuple avait une profonde connaissance de la vérité et cependant pervertissait délibérément cette connaissance, rompait ses alliances, épousait des incroyants et se moquait du Seigneur. Ce portrait est dressé à partir des récits des expériences d’Énoch, tirés du livre de Moïse, et aussi de celles de Moïse là où elles sont parallèles à celles de cet ancien patriarche. Les comparaisons frappantes entre les expériences d’Énoch et d’autres qui sont rapportées dans la littérature apocryphe montrent de nouveau l’inspiration du prophète Joseph Smith quand il relate un récit qui correspond autant à des récits d’Énoch incontestablement antiques, bien que pas nécessairement scripturaires. Le professeur Nibley, en terminant son traitement du monde d’Énoch et en commençant une description des cataclysmes de la nature qui vont de pair avec la confusion morale du peuple, souligne que celui-ci avait délibérément choisi l’iniquité.

Ce choix ne pouvait être plus délibéré. Toute la méchanceté et la folie de l’époque sont résumées en une phrase simple : « Voici, ils sont sans affection ! » Concernant ce thème, il y a des parallèles frappants entre les textes de Joseph Smith et de l’Énoch slave :



Moïse 7:32. Le Seigneur Dieu dit à Hénoc :


Regarde ceux-ci qui sont tes frères; ils sont l'œuvre de mes mains.


Moïse 7:32. Je leur ai donné leur connaissance le jour où je les ai créés; et dans le jardin d'Éden, j'ai donné à l'homme son libre arbitre.






Moïse 7:33 Et j'ai dit à tes frères, et je leur ai aussi donné le commandement, de s'aimer les uns les autres et de me choisir,

moi, leur Père; mais voici, ils sont sans affection et ils haïssent leur propre sang.

Moïse 7:34 … Et, dans mon violent déplaisir, je leur enverrai les flots…


Moïse 7:37 Et les cieux tout entiers pleureront sur eux.

Moïse 7 :41 Et toute l'éternité trembla

Secrets II (Vaillant, p. 100 et suiv.) Le Seigneur dit à Énoch :

… Je l’ai placé sur terre comme second ange en honneur, grandeur et gloire 


Et je l’ai établi Roi [litt. César, Tsar] de la terre, régnant par mon autorité [sagesse]… et je l’ai appelé Adam et je lui ai donné son libre arbitre [volya yevo]

et je lui ai dit : Ceci est bien pour toi, et cela est mal [lui donnant le choix].


pour savoir s’il aurait pour moi de l’amour ou de la haine en montrant son amour pour moi parmi ceux de sa race [v. rodye yevo]... [mais] toute la terre est pleine de sang. Ils abandonneront leur créateur.


Pour cette raison, je commanderai à l’abîme et les dépôts des eaux du ciel s’abattront sur la terre.




Et la terre tremblera et perdra sa stabilité.



Il y a un parallèle avec 1 Énoch qui est également impressionnant :



Moïse 7:33 Voici, ils sont sans affection et ils haïssent leur propre sang 1 Én. 4 (99:15) Malheur à vous qui commettez l’iniquité, tuant vos voisins…
Moïse 7:34 Le feu de mon indignation est allumé contre eux … je leur enverrai les flots … Il allumera [epegerei] sa colère contre vous ;
il vous tuera tous par le glaive.
Moïse 7:37 Et les cieux tout entiers pleureront sur eux … Et tous les justes se souviendront de votre iniquité.
Moïse 6:15 La main de l'homme était contre son frère pour infliger la mort… en cherchant le pouvoir Car l’homme n’empêchera pas sa main de tuer son fils, et le pécheur n’empêchera pas sa main de tuer son frère.



Ces passages émouvants sont là pour expliquer le Grand Chagrin. D’abord Énoch pleure :



Moïse 7:41 C'est pourquoi Hénoc sut, contempla leur méchanceté et leur misère, pleura …
Moïse 7:44 Et lorsqu'il vit cela, Hénoc eut l'âme remplie d'amertume; il pleura ses frères et dit aux cieux: Je refuse d'être consolé …
Secrets d’Énoch 41 (Morfill)
Et je vis… et je soupirai et pleurai et parlai de la ruine [causée] par leur méchanceté. 2. Et je méditai dans mon cœur et dis : Bienheureux l’homme qui n’est pas encore né [etc].


Fragment manichéen [328] Énoch le Juste dit : J’ai vu une grande affliction et les larmes ont jailli de mes yeux, ayant entendu les choses viles qui sont sorties de la bouche des méchants… Mes yeux sont pleins de larmes et ma langue est liée…



Ensuite, comme nous allons le voir maintenant, toute la nature pleure, et Énoch est stupéfait d’apprendre que Dieu lui-même pleure ! Ce concept hardi (absolument inadmissible pour les Pères du quatrième siècle) [329], est attesté dans d’autres textes énochiens :



Moïse 7:28-29. Et… le Dieu du ciel posa les yeux sur le reste du peuple, et il pleura. Et Hénoc en rendit témoignage, disant : Comment se fait-il… que tu peux pleurer, puisque tu es saint et d'éternité à toute éternité ?… Moïse 7:31… Comment se fait-il que tu peux pleurer ? Jew. Encycl. 8:519. « Quand Dieu pleura sur la destruction du Temple, Metatron [Énoch] tomba sur sa face et dit : Je pleurerai mais pas toi ! Dieu répondit et dit : Si tu ne peux supporter de me voir pleurer, j’irai là où tu ne pourras aller et là, je me lamenterai. »



Les anges dans les cieux et tous les autres mondes se joignent dans les pleurs.



Moïse 7:37. Et les cieux tout entiers pleureront sur eux toute l'œuvre de mes mains; c'est pourquoi, les cieux ne pleureraient-ils pas en voyant que ceux-ci vont souffrir ?
Moïse 7:40. C'est pourquoi, pour cette raison, les cieux pleureront, oui, ainsi que toute l'œuvre de mes mains.


2 Baruch 67:2. Ne penses-tu pas qu’il n’y a pas d’anxiété chez les anges en la présence du Puissant ?... Penses-tu que le Très-Haut se réjouit de cela ou que son nom en soit glorifié ?



L’univers lui-même est ébranlé par le Grand Chagrin.



Moïse 7:41. Hénoc… pleura, étendit les bras, et son cœur se gonfla, vaste comme l'éternité; et ses entrailles furent émues de compassion; et toute l'éternité trembla. Zohar, Shemoth 8a. Alors le Messie élève la voix et pleure, et le jardin d’Éden tout entier tremble et tous les justes et les saints qui sont là fondent en larmes… Quand les cris et les pleurs résonnent pour la seconde fois, le firmament tout entier au-dessus du jardin commence à trembler… et Dieu se met à détruire les méchants.



Tout aussi dévastatrice est l’annonce que pendant que Dieu se lamente, le Diable rit.



Moïse 7:26. Satan … leva les yeux et rit, et ses anges se réjouirent.
Moïse 7:28. Et … le Dieu du ciel posa les yeux … et… pleura.
Moïse 7:33. … de me choisir, moi, leur Père; mais voici, ils sont sans affection et ils haïssent leur propre sang.
Moïse 7:34. … je leur enverrai les flots…
Moïse 7:41 Et… Hénoc… pleura... et toute l'éternité trembla.

Secrets 22. [330]… un homme hait son voisin… toute la terre sera pleine de sang… et ils abandonneront leur Créateur… L’Adversaire sera dans sa gloire [litt., il se rendra grand] et se réjouira de leurs œuvres [celles des anges] à ma grande affliction [du Seigneur]…

Alors je commanderai à l’abîme et les dépôts des eaux et du ciel s’abattront sur la terre… et toute la terre sera ébranlée et n’aura plus de fondation.



C’est du fait de l’exaltation et de la gloire infinies de la Divinité qu’Énoch est accablé par ses larmes. Ceci est exprimé à la fois dans une doxologie et une l’arétologie (c’est-à-dire un discours dans lequel Dieu décrit sa propre gloire).



Moïse 7:29-30. Comment se fait-il que tu peux pleurer, puisque tu es saint et d'éternité à toute éternité ? … des millions de terres comme celle-ci, ce ne serait même pas le commencement… de tes créations.
Moïse 7:31. … rien d'autre que la paix, la justice … la miséricorde ira devant ta face et n'aura pas de fin…
1 Én. 71:14. Et la justice de la tête des jours ne l’abandonne pas. 15. … de là est sortie la paix depuis la création du monde. 16. Et la justice ne l’abandonne jamais. Avec Lui sera leur demeure … pour toujours et à jamais.
Moïse 7:35. Voici,  je suis Dieu, Homme de Sainteté est mon nom, Homme de Conseil est mon nom… Moïse 7:36. C'est pourquoi, je peux étendre les mains et tenir toutes les créations que j'ai faites. Mon œil peut aussi les percer. Frg. Gizeh 9:4 [les Anges :] Tu es le Dieu des Dieux, le Seigneur des Seigneurs, le Dieu des hommes [Dieu des mondes et des temps] et le trône de ta gloire est à toutes les générations [cycles] des temps [éternités ou mondes] : Et ton nom est le Saint, et il est loué à toutes les époques. 5. Car tu as fait toutes choses et tu as toute autorité, et toutes les choses sont claires devant toi et sont révélées, et tu vois toutes choses.
Moïse 7:24 Et voici, le pouvoir de Satan était sur toute la surface de la terre.
Moïse 7:26 Et il [Énoch] vit Satan; et il avait une grande chaîne à la main, et elle voilait de ténèbres toute… la terre. Il leva les yeux et rit, et ses anges se réjouirent.
1 Én. 53:3. Car j’ai [Énoch] vu tous les anges du châtiment obéir et préparer tous les instruments de Satan… 54:3. et ici mes yeux ont vu comment ils ont fait leurs instruments, des chaînes de fer qu’on ne pouvait peser… 53:5… pour les rois et les puissants de cette terre afin de les détruire.



L’enchaînement s’accompagne naturellement de l’emprisonnement, une prison temporaire pour les mortels déchus qui se repentent, une prison permanente pour les autres.



Moïse 7:38. Voici, ceux sur lesquels reposent tes yeux périront dans les flots; et… je les enfermerai; je leur ai préparé une prison. 2 Én. 5. [331] Ce lieu, Énoch, est préparé pour ceux qui ont pratiqué des abominations sur terre… qui n’ont pas voulu connaître leur Créateur… C’est pour tous ceux-là que ce lieu a été préparé comme héritage éternel.
Moïse 6:29-30 Il s'est attiré la mort, et je lui ai préparé un enfer s'il ne se repent pas.
Et c'est là un décret que j'ai lancé de ma bouche.
Jubilés 10:5 Noé : Et tu sais comment les Veilleurs, les pères de ces esprits, ont agi en mon temps et pour ce qui est de ces esprits qui vivent en prison, je les retiendrai ; [Voir 1 Pierre 3:19-20. Jubilés n’emprunte pas au Nouveau Testament !].



Ceux qui sont en prison, enchaînés, et dans les ténèbres, n’y sont gardés que jusqu’au Jugement, qui en libérera un grand nombre, non seulement à cause de leur repentir, mais par le pouvoir de l’Expiation. C’est lorsqu’Énoch atteint le tréfonds du désespoir que la révélation du plan de rédemption miséricordieuse de Dieu transforme tout en joie : « Et lorsqu’il vit cela, Hénoc eut l’âme remplie d’amertume, il pleura ses frères et dit aux cieux : Je refuse d’être consolé ; mais le Seigneur dit à Hénoc : élève ton cœur, et réjouis-toi ; et regarde » (Moïse 7: 44). C’étaient expressément les esprits qui étaient désobéissants à l’époque d’Énoch qui devaient bénéficier de la prédication du Seigneur et la promesse de la délivrance au midi des temps (voir 1 Pierre 3:19-20).



Moïse 7:67. Et le Seigneur montra tout à Hénoc… Et il vit le jour des justes, l'heure de la rédemption, et reçut une plénitude de joie.




1 Pierre 3:18. Christ aussi a souffert une fois pour les péchés … 19. dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison … 20 qui autrefois avaient été incrédules… aux jours de Noé.
Moïse 7:47. Et voici, Hénoc vit le jour de la venue du Fils de l'Homme, dans la chair, et son âme se réjouit.

Moïse 7:38. Mais voici, ceux sur lesquels reposent tes yeux périront dans les flots; et voici, je les enfermerai; je leur ai préparé une prison.

Moïse 7:39. Et Celui que j'ai élu a plaidé devant ma face. C'est pourquoi, il souffrira pour leurs péchés; s'ils se repentent le jour où mon Élu reviendra auprès de moi et, jusqu'à ce jour-là, ils seront dans les tourments.
1 Én. 60:5. Pourquoi la vision de ces choses te trouble-t-elle [toi, Énoch] ? … 6. ce jour est préparé… pour les pécheurs et l’enquête… pour que le châtiment du Seigneur des Esprits ne soit pas en vain… Plus tard le jugement aura lieu selon sa miséricorde et sa patience.

Apoc. Én. gr. 10:6. Azazel est enchaîné en prison jusqu’au Grand Jour du Jugement, quand il sera conduit à l’enpyrismon, tandis que 7. la terre sera guérie… du coup qu’elle a reçu, afin que tous les fils de l’homme ne soient pas détruits par le mystère dans lequel les Veilleurs ont trébuché et qu’ils ont enseigné à leurs fils.





1 Én. 45:2. Tel sera le lot des pécheurs… qui sont ainsi réservés pour le jour de la souffrance et des tribulations. 3. En ce jour, mon Élu siègera sur le trône de gloire et jugera leurs œuvres.



Un autre parallèle sur le même thème :



Moïse 7:57. Et tous les esprits qui étaient en prison s'avancèrent… et le reste fut réservé dans les chaînes des ténèbres jusqu'au jugement du grand jour. Beatty 103:7. … dans l’Hadès ils seront dans un grand tourment. 8. et dans les ténèbres et dans les chaînes, et dans des flammes ardentes, et votre esprit sera amené à un grand jugement.



Un monde en ébullition

Un aspect qui ne manque jamais d’être présent dans la littérature apocalyptique en général et dans les écrits sur Énoch en particulier est la réverbération, à travers leurs pages, de vastes bouleversements dans le monde naturel. Ce n’est que dans les toutes dernières années que l’on a commencé à étudier sérieusement cet aspect de l’apocalyptique et ce sont les scientifiques plutôt que les théologiens qui sont impressionnés par les documents anciens [332]. Énoch, en fait, est une de leurs références favorites. Ils sont impressionnés par l’aspect authentique du motif des catastrophes dans les vieux écrits apocalyptiques, alors que le clergé les déplore et les dénonce comme des exemples regrettables de mentalité infantile de père fouettard essayant de faire peur [333].

À quoi ressemblait le monde à l’époque d’Énoch ? Joseph Smith situe l’action parmi des bergers nomades parcourant les vallées et les montagnes, ce que font aussi les autres sources. Ils nous montrent les justes et les méchants, parfois qualifiés de Sethites et de Caïnites, vivant respectivement dans les montagnes et les plaines [334].


Moïse 7:17. … le Seigneur bénit le pays, et le peuple fut béni sur les montagnes, et aussi sur les hauts lieux, et prospéra. 4 Esdras 6:51. Et je donnai à Énoch une partie desséchée de la terre pour y habiter, là où il y avait mille montagnes.


C’était l’archétype des Sions qui suivraient :


D&A 49:24-25. Mais avant que le grand jour du Seigneur vienne… Sion s'épanouira sur les collines et se réjouira sur les montagnes, et sera rassemblée vers le lieu que j'ai désigné. Apocr. d’Adam 85 (79). 9. À la fin des temps, les saints 10. viendront sur une haute montagne 11. sur une pierre de vérité.


L’autre face du tableau nous montre les méchants rassemblés dans de grandes vallées. Cette image non seulement convient à ce monde, mais est projetée dans l’autre.


Moïse 7:5. … je contemplai la vallée de Schum, et voici, je vis un grand peuple qui demeurait dans des tentes, qui était le peuple de Schum… 1 Én. 13:9. Énoch alla vers eux [les Veilleurs], et ils étaient assis tous ensemble, en pleurs, à Abedsdail qui est entre [les montagnes] Liban et Seneser, le visage voilé.
Moïse 7:7 Et le Seigneur me dit : … le peuple de Schum… sera totalement détruit; le peuple de Canaan se répartira dans le pays, et le pays sera aride et stérile… Moïse 7:8 Car voici, le Seigneur maudira le pays d'une grande chaleur, et son aridité restera à jamais.

Secrets 13. p. 42. Je vis une certaine plaine, comme une prison… et je soupirai et je pleurai… 8. Pourquoi ce lieu désolé est-il séparé de l’autre ? 9. … afin que les esprits des morts soient séparés… 11. mis à part dans cette grande plaine jusqu’au jour du jugement… 12. Et cette séparation a été faite pour les esprits… de ceux qui ont été tués pendant les jours d’iniquité.
Giz. 10:11. Va, Michel, et enchaîne… tous ceux qui se sont souillés… 12. enchaîne-les pour soixante-dix générations dans les vallées [napas] de la terre.


Le premier avertissement qui frappe les pécheurs dans la plaine est, comme cela se passait autrefois, une terrible sécheresse dont la littérature énochienne nous donne des descriptions frappantes.


Moïse 7:7. Et le Seigneur me dit: Prophétise… le pays sera aride et stérile, et aucun autre peuple… que le peuple de Canaan n'y demeurera. Moïse 7:8. Car voici, le Seigneur maudira le pays d'une grande chaleur, et son aridité restera à jamais; et une noirceur envahit tous les enfants de Canaan, de sorte qu'ils furent méprisés parmi tous les peuples. Giz. 26:2. Et je vis la sainte montagne et de l’eau descendre de la montagne…


4. Je vis une vallée profonde et sèche, et une autre vallée [voir Schum et Canaan, Moïse 7:5] … 5. Les deux vallées étaient totalement désolées et sans un arbre. 27:2. C’est un pays maudit réservé à jamais à ceux qui sont maudits.
Gk Black 11:6) (11). Tout nuage, brume, rosée et pluie seront retenus à cause de vos péchés. 12. C’est pourquoi offrez des dons à la pluie pour qu’elle ne soit pas empêchée de descendre pour vous et à la rosée et aux nuages, et à la brume. 101 (2). Parce que s’Il ferme les écluses des cieux et empêche la rosée et la pluie de descendre à cause de vous, que ferez-vous ?
1 Én. 18:12. Je vis un lieu qui n’avait pas de firmament. Il n’y avait ni eau, ni oiseaux dessus, mais c’était un horrible désert.
22:2. Ces lieux creux ont été créés dans ce but même… qu’y soient assemblées toutes les âmes des enfants des hommes.


Les temps difficiles rendent les hommes désespérés. Obsédés par la peur et par la culpabilité, ils se tournent hystériquement les uns contre les autres et ne tardent pas à se retrouver engagés dans un combat mortel jusqu’au point de l’extermination.


Moïse 7:7. Voici, le peuple de Canaan, qui est nombreux, ira, rangé en bataille, contre le peuple de Schum, et le frappera de sorte qu'il sera totalement détruit. Gizeh 10:9. Va, Gabriel, auprès de ceux qui sont engendrés dans la méchanceté, des malhonnêtes et des fils de l’adultère et détruis les fils des Veilleurs d’entre les hommes. Amène-les à se combattre à la guerre et en une destruction gratuite.


Ce tableau est tout aussi valable pour les générations postérieures.


D&A 87:6. Et ainsi, à cause de l'épée et de l'effusion de sang, les habitants de la terre se lamenteront… jusqu'à ce que la destruction décrétée ait mis complètement fin à toutes les nations. D&A 87:7. Que… le sang des saints cesse de monter de la terre aux oreilles du Seigneur des armées pour qu’ils soient vengés de leurs ennemis. Én. gr. 7:4 … la terre tomba sous le gouvernement des sans loi et [8:1] Azael [Satan] leur enseigna la fabrication des armes et le travail des trésors de la terre. 4. Le cri de ceux du peuple qui étaient tués… montait jusqu’au ciel. 9:1. Les anges voyaient le sang couler sur la terre, et entendaient la voix de ceux qui étaient tués crier vengeance à Dieu.
D&A 1:35. … l'heure où la paix sera enlevée de la terre et où le diable aura pouvoir sur ses possessions n'est pas encore arrivée, mais elle est proche. Én. slav. MS.R. 22. Une nation se dresse contre l’autre car le diable a commencé à régner… et il y eut des guerres et de grands troubles.


À côté du peuple de Canaan qui annihile le peuple de Schum, sept autres tribus exotiques sont nommées dans l’Énoch de Joseph Smith, faisant penser à la structure par sept bien connue des organisations tribales. Ce sont les peuples des pays de Sharon, d’Énoch, d’Omner, de Heni, de Sem, de Haner et de Hananiah (Moïse 7:9). Qu’est-ce que d’anciens copistes, des milliers d’années plus tard, à l’autre bout du monde, pouvaient bien faire d’une telle liste ? Ils la traiteraient exactement comme les scribes l’ont toujours fait, en la transférant dans un cadre plus familier. Le scribe de l’Énoch éthiopien met à la place de ces tribus familières les noms de ce qui était, pour lui, les peuples les plus éloignés et les plus exotiques de la terre et traite tout naturellement l’allusion aux lions comme une figure de rhétorique bien connue et hautement conventionnelle :


Moïse 7:5. Je vis un grand peuple qui demeurait dans des tentes, qui était le peuple de Schum… Moïse 7:6. … et je regardai vers le nord, et je vis le peuple de Canaan, qui demeurait dans des tentes. 1 Én. 56:5. À l’est [je vis] les Parthes et les Mèdes [les deux grandes nations de l’antiquité vivant sous les tentes].
Moïse 7:9 [Énoch voit les sept autres nations]
Moïse 7:13. … et le rugissement des lions se fit entendre du désert; et toutes les nations furent saisies d'une grande crainte
Moïse 7:16 Et à partir de ce moment-là, il y eut des guerres et de l'effusion de sang parmi eux.
Ils exciteront les [autres] rois, afin qu’ils jaillissent comme des lions de leur tanière … et commencent à se battre entre eux.



Une des ironies de la nature fait que l’insuffisance d’eau mène habituellement à trop d’eau. Le monde d’Énoch était la proie des inondations aussi bien que de la sécheresse. On nous régale de tableaux de nuages lourds déversant constamment de lugubres avalanches de pluie et de neige sur la terre. Aux pleurs constants d’Énoch et de tous les saints répond l’image puissante des cieux en larmes et la terre voilée de ténèbres sous un ciel des plus noirs : Dans le livre d’Énoch, la même image est appliquée au midi et à la plénitude des temps aussi bien qu’à l’époque adamique.


Moïse 7:28 ; [Énoch :] Comment se fait-il que les cieux pleurent et versent leurs larmes comme la pluie sur les montagnes? 1 Én. 100:11-13. … à cause de leurs péchés tous les cieux pleurent et les ténèbres règnent. 13. avec de la glace, de la grêle, du froid et du vent, tout ensemble.
1 Én. 17:1. Je vis les montagnes des ténèbres de l’hiver et l’endroit d’où se déversent toutes les eaux de l’abîme.
Moïse 7:37. … les cieux tout entiers pleureront sur eux toute l'œuvre de mes mains; c'est pourquoi, les cieux ne pleureraient-ils pas en voyant que ceux-ci vont souffrir ?
Moïse 7:38. Mais voici, ceux sur lesquels reposent tes yeux périront dans les flots
Miracles de Jésus [335] [Il dit à Pierre que, parce que le monde rejettera l’Évangile, cela fera que] le Soleil et la Lune pleureront… et devant la corruption des enseignements, les collines et les montagnes pleureront.



Moïse 7:40. C'est pourquoi, pour cette raison, les cieux pleureront.
Moïse 7:56. [à la Crucifixion] les cieux furent voilés, et toutes les créations de Dieu se lamentèrent; la terre gémit …
Moïse 7:61. Mais avant ce jour-là, les cieux seront obscurcis, et un voile de ténèbres couvrira la terre… Moïse 7:62. Je ferai descendre la justice des cieux, et… monter la vérité de la terre … et je ferai en sorte [qu’elles] balaient la terre comme un flot.
Berayta 205-20. [336] Les eaux sous la terre sont comme une petite source à côté des eaux de la création lesquelles sont elles-mêmes comme une petite source comparée à l’océan. Mais la mer est comme une petite source comparée aux eaux qui pleurent.
Moïse 7:26. [dans les jours de Caïn] elle voilait de ténèbres toute la surface de la terre… Miracles de Jésus. [337] Dieu punit Caïn avec 77 jours de pluie incessante.
Moïse 7:28. Et il arriva que le Dieu du ciel posa les yeux sur le reste du peuple, et il pleura. Et Énoch en rendit témoignage, disant: Comment se fait-il que les cieux pleurent et versent leurs larmes comme la pluie sur les montagnes ? 1 Én. 95:1. Ô si mes yeux étaient [une nuée] d’eaux pour que je puisse pleurer sur vous et répandre mes larmes comme un nuage d’eau. [Passage très corrompu, reconstitué par R.H. Charles ; c’est aussi la partie la plus corrompue de Gizeh c. 28 les scribes ne le comprennent pas].


Nous trouvons dans un passage frappant du récit de l’Énoch de Joseph Smith un curieux mélange de feu et d’eau ; cette même bizarrerie dans l’autre texte d’Énoch fait penser à des scènes d’activité volcanique avec les fumerolles, les vapeurs sulfureuses, les fleuves de feu, etc. « … dans les ténèbres et dans les chaînes, et dans les flammes brûlantes… » (Beatty 103:8).


Moïse 7:34. Et le feu de mon indignation est allumé contre eux, et, dans mon violent déplaisir, je leur enverrai les flots, car ma colère ardente est allumée contre eux. Secrets 13. Je ne pourrais supporter la crainte d’un feu brûlant … ainsi sont les paroles du Seigneur
Bin Gorion 1:195. Les pluies du déluge étaient entremêlées d’averses de feu tombant du ciel.
II Baruch 53:7. Il plut des eaux noires … et il s’y mêlait du feu… elles causaient dévastation et destruction… 9. L’éclair guérit les régions qui avaient été dévastées par les eaux.
1 Én. 17:4. Puis on m’emmena jusqu’aux eaux vives et au feu de l’ouest [les eaux de la création et du baptême].
5. Et j’arrivai jusqu’à un fleuve de feu dans lequel du feu coule comme de l’eau.
1 Énoch 67:57. Et je vis la vallée où il y avait une grande convulsion et une convulsion des eaux… 6. … du métal igné et de la convulsion en ce lieu s’exhalait une odeur de soufre et elle était liée à ces eaux. 7. Et à travers sa vallée coulent des fleuves de feu.


On nous dit que lorsque les méchants essayèrent de retourner chercher refuge dans la sécurité de la sainte montagne parce que les eaux du déluge commençaient à monter, ils ne purent s’approcher de l’arche parce que les rochers étaient brûlants [338]. Ce sont des tableaux comme cela qui convainquent les scientifiques qu’il pourrait y avoir quelque chose derrière ces vieilles histoires apocalyptiques.

Les malheurs de l’époque d’Énoch rapportés de la manière la plus visible et la plus régulière, ce sont les tremblements de terre, correspondant à l’image de la tectonique des plaques que tout cela donne.


Moïse 6:34. Les montagnes fuiront devant toi et les fleuves se détourneront [en conséquence] de leur cours.

Moïse 7:13. … la terre trembla, et les montagnes s'enfuirent… et les rivières d'eau furent détournées de leurs cours … toutes les nations furent saisies d'une grande crainte.
Gizeh 1:5. Et tous seront dans l’épouvante… la crainte et un tremblement les saisirent jusqu’aux extrémités de la terre.

6. Les hautes montagnes seront ébranlées et tomberont et seront dissoutes… et les montagnes s’écouleront [diarrhynai, « glisser au travers, suinter, s’écouler comme de l’eau »] et seront transformées en canaux secondaires et fondront come de la cire devant une flamme.
7. Et la terre se rompra avec des déchirures et des craquements [rhagas] et tout ce qui est sur la terre périra.


Ces événements sont en relation avec les activités d’Énoch qui n’en est, néanmoins, pas la cause. Ils sont programmés en vue de ses objectifs, et Dieu est derrière lui et prononce par sa voix les paroles du pouvoir.


Moïse 7:13
Hénoc… conduisit le peuple de Dieu et… leurs ennemis vinrent se battre contre eux. Et il dit la parole du Seigneur, et la terre trembla, et les montagnes s'enfuirent selon son commandement; et les rivières d'eau furent détournées de leurs cours; et le rugissement des lions se fit entendre du désert.

Moïse 6:34. Voici, mon Esprit est sur toi, c'est pourquoi je justifierai toutes tes paroles. Les montagnes fuiront devant toi et les fleuves se détourneront de leur cours. Tu demeureras en moi et moi en toi; c'est pourquoi, marche avec moi.



Moïse 7:13. … toutes les nations furent saisies d'une grande crainte, si puissante était la parole d'Énoch et si grande était la puissance du langage que Dieu lui avait donné.
Moïse 6:34 [Dieu :] Je justifierai toutes tes paroles. Les montagnes fuiront devant toi …

Moïse 7:13. Et il dit la parole du Seigneur, et la terre trembla, et les montagnes s'enfuirent selon son commandement.
Ps. de Salom. 54 (53) # 11. Au rassemblement de Sion… 5. les nobles montagnes ont été humiliées et aplanies devant eux [le peuple de Dieu] et les collines se sont enfuies devant leur arrivée.




Gk. Énoch p. 7 (102:1). Et s’il lance sa parole… 2. la terre entière sera consternée, tremblera et se troublera, et sera remplie de confusion.

1 Én. 52:6. Et toutes les montagnes… seront toutes devant l’Élu… comme la cire devant le feu et comme l’eau qui tombe d’en haut…

Secrets 13. J’ai entendu les paroles du Seigneur comme un grand tonnerre au milieu de l’agitation permanente des nuages. Le Seigneur de la terre est terrible et dangereux [Bonner p. 58 et suiv., Én. gr. p. 7:102 LI]. Et quand il lance sa parole contre vous, n’êtes-vous pas effrayés et ébranlés par ce son puissant ? Et la terre entière était ébranlée et tremblait. Elle était dans la confusion.



La véritable manifestation spectaculaire dans la littérature d’Énoch est le comportement des mers. Comme dans l’alternance de la sécheresse et du déluge du ciel, il y en a soit trop, soit pas assez. Avant que « le déluge s’abattit et les engloutit » Moïse 7:43, la mer se retire d’abord par endroits, laissant son lit côtier élevé et sec en attendant l’arrivée du grand tsunami (raz-de-marée) qui viendra avec le tremblement de terre.


Moïse 7:13-14. La terre trembla, et les montagnes s'enfuirent … Une terre surgit également des profondeurs de la mer, et si grande fut la crainte des ennemis du peuple de Dieu qu'ils s'enfuirent, se tinrent au loin et allèrent sur la terre qui avait surgi des profondeurs de la mer. Én. Slave 6 (106:6). Énoch : La mer et ses eaux ne sont-elles pas toutes l’œuvre du Très-Haut ? N’a-t-il pas établi leurs limites ? 7. Et par son courroux, elles se sont effrayées et se sont taries.
1 Én. 60:16. Énoch : L’esprit de la mer… se retire avec un rêne et de la même manière il est chassé en avant et dispersé parmi toutes les montagnes de la terre.


La mer fait des siennes en d’autres occasions à l’époque d’Énoch.


Moïse 7:66. Mais avant… il vit de grandes tribulations parmi les méchants. Il vit aussi que la mer était troublée. Mid. Rabb. 1:37. [Par deux fois la mer a envahi la terre]. La première fois ce fut pendant la génération d’Énosh, et la seconde pendant la génération de la séparation [Tour de Babel].
Bin Gorion 1:153. À l’époque d’Énoch, la mer se souleva et inonda un tiers du pays.
Combat d’Adam DA1:361 suiv. Les animaux furent poussés dans l’arche par le tremblement de la terre ; la mer se souleva en une violente agitation, les vents furent terribles, le soleil disparut et le ciel tout entier… la mer envoya des montagnes de vagues sur la terre.
4 Esdras 6:49. Et comme tu as sauvé deux esprits : le premier tu l’as nommé Énoch et le second Léviathan. 50. Et tu les as séparés l’un de l’autre, puisque la septième partie, où les eaux étaient assemblées, n’avait pu les recevoir. 51. Et tu as donné à Énoch une partie [de la terre] qui s’était desséchée le troisième jour pour y habiter, là où il y a mille montagnes. Et la septième partie, où l’eau était rassemblée, ne pouvait les porter.


Les terreurs du livre d’Énoch atteignent leur point culminant quand les bouleversements de la nature s’étendent à la totalité du cosmos. Les nombreux récits apocalyptiques sur les bouleversements célestes donnent à penser à certains scientifiques modernes qu’il y a eu un basculement de la terre sur son axe (un phénomène qui est maintenant bien attesté par l’étude d’anciennes céramiques magnétisées) ou des pluies massives de particules météoriques.


Moïse 7:61. Les cieux trembleront et la terre aussi; et il y aura de grandes tribulations parmi les enfants des hommes.


Moïse 7:41. Énoch … pleura, étendit les bras, … et toute l'éternité trembla.



Énoch gr. p. 7 (103:1). Et quand il lancera sa parole contre vous, ne serez-cous pas ébranlés et effrayés par ce son puissant ?
2. Et la terre entière sera ébranlée et tremblera, elle sera remplie de confusion.
3. Et le ciel et ses luminaires seront ébranlés et tremblants, de même que tous les fils de la terre.
Bonner p. 59. « Et toute la terre était ébranlée et tremblante, et remplie de confusion, et aussi les anges qui ont accompli leur tâche, et les cieux et les Luminaires [phosteres] furent ébranlés et tremblants, ainsi que tous les fils de la terre. »

1 Én. 60:1. Je vis que le ciel des cieux était secoué d’une grande secousse, et l’armée du Très-Haut, et les anges, par milliers de mille et myriades de myriades, étaient agités d’une grande agitation.


Mais il y a une notion qui va au-delà de la portée de l’astronomie dans ses implications passionnantes. C’est la doctrine qui veut que quand un monde est détruit, tous les autres mondes qui ont contribué à son existence s’unissent en un deuil général [339].


Moïse 7:36. Et parmi toute l'œuvre de mes mains, il n'y a pas eu de méchanceté aussi grande que parmi tes frères…


Moïse 7:37. … les cieux tout entiers pleureront sur eux toute l'œuvre de mes mains; c'est pourquoi, les cieux ne pleureraient-ils pas en voyant que ceux-ci vont souffrir?
Moïse 7:40. C'est pourquoi, pour cette raison, les cieux pleureront, oui, ainsi que toute l'œuvre de mes mains.


Moïse 7:41. Hénoc… pleura, étendit les bras, et son cœur se gonfla, vaste comme l'éternité; et ses entrailles furent émues de compassion; et toute l'éternité trembla. 1 Én. 60:3. Et moi, un grand tremblement me prit, la crainte me saisit, mes reins s’ouvrirent, mes reins fondirent et je tombai sur ma face. 4. Car je ne pouvais pas supporter la vue de cette armée et de son agitation et des secousses du ciel.
Moïse 7:56. Et les cieux furent voilés, et toutes les créations de Dieu se lamentèrent; la terre gémit, les rochers se fendirent Cf Apocr. de Jean 1:20. Comme j’étais en train de penser, les cieux s’ouvrirent… 21. Et le cosmos tout entier trembla ; et j’étais effrayé et je tombai sur ma face. [Et Dieu lui apparaît, lui parle et le réconforte, comme il l’avait fait avec Énoch].


L’image particulière de la nature que l’on trouve dans le récit énochien de Joseph Smith devient basique avec la personnification de la terre comme Terra Mater, parlant comme une entité vivante dans un passage dont on trouve un parallèle frappant dans les fragments grecs.


Moïse 7:48. Hénoc posa les yeux sur la terre, et il entendit une voix venant des entrailles de celle-ci, qui disait: Malheur, malheur à moi, la mère des hommes… Quand me reposerai-je et serai-je purifiée de la souillure qui est sortie de moi ? Quand mon Créateur me sanctifiera-t-il, afin que je me repose et que la justice demeure un certain temps à ma surface? Gizeh 10:20. Et toi, purifie la terre de toute impureté [akatharsias], de toute iniquité et de tout péché et corruption [asebeias], et extirpe [exaleipson, « lave, récure »] toutes les impuretés qui sont venues sur la terre…
22. et toute la terre sera purifiée de toute pollution [miasmatos] et de toute impureté…
11:1. Et alors, la vérité et la paix demeureront ensemble [koinonesousin homou, « englober, avoir tout en commun »] pour toutes les générations des hommes
Moïse 7:49. Et lorsqu'il entendit la terre se lamenter, Hénoc pleura et cria vers le Seigneur, disant: Ô Seigneur, n'auras-tu pas compassion de la terre ? 1 Én. 7:5-6. « Et ils commencèrent à se dévorer la chair entre eux et à en boire le sang. Alors la terre accusa les violents.
Zohar Bereshith 57a. Un homme est appelé méchant [rasha’], s’il porte seulement la main contre son voisin… Mais il est appelé mauvais [ra’] seulement quand il corrompt ses voies et se souille lui-même et la terre.


Le repos et le bien-être qui viennent après le déluge apportent un nouvel ordre des choses.


Moïse 7:48. Quand me reposerai-je et serai-je purifiée… que je me repose et que la justice demeure un certain temps à ma surface ? Moïse 7:49. Ne béniras-tu pas les enfants de Noé ? [Le nom Noé signifie « repos »] Moïse 7:50. …être miséricordieux envers Noé et sa postérité. Moïse 7:51. Et le Seigneur… jura… qu'il lancerait un appel aux enfants de Noé. Beatty 106:17b. [Énoch :] Et il [Noé] purifiera [praunei] la terre de toute souillure [phthoras] qui est en elle. 18. Et maintenant dis à Lémec qu’il est son fils en vérité... et appelle-le [Noé] car il sera un reste pour vous sur lequel vous vous reposerez pour un temps [katapausete]. Et ses fils aussi, de la souillure [phthoras] de la terre et de toutes les iniquités [harmatolon, « pollution »] et de toutes les bassesses [synteleion] qui sont sur la terre.


Un long passage tiré du livre « Le combat d’Adam », dans lequel ce patriarche prophétise le déluge, présente une correspondance tellement saisissante avec le récit de Joseph Smith qu’il constitue un résumé très instructif de cette partie déprimante de notre histoire. Les citations d’Adam sont données dans l’ordre dans lequel elles apparaissent, les citations correspondantes de l’Énoch de Joseph Smith sont toutes tirées du même chapitre et décrivent la même série d’événements.


Moïse 7:66. Il vit aussi que la mer était troublée.
Moïse 7:13. … les montagnes s'enfuirent … et les rivières d'eau furent détournées de leurs cours…

Moïse 7:17. Le peuple fut béni sur les montagnes, et aussi sur les hauts lieux, et prospéra.
Moïse 7:41. Toute l'éternité trembla.
Moïse 7:56. La terre gémit, les rochers se fendirent…
Moïse 7:14. Une terre surgit également des profondeurs de la mer.
Moïse 7:34. Je leur enverrai les flots.

Moïse 7:43. Les flots s'abattirent sur le reste … et l'engloutirent.
Moïse 7:13 Hénoc… conduisit le peuple de Dieu et… leurs ennemis vinrent se battre contre eux. Et il dit la parole du Seigneur, et la terre trembla… et le rugissement des lions se fit entendre du désert …

Moïse 7:37. Les cieux tout entiers pleureront sur eux toute l'œuvre de mes mains.
Moïse 7:38. Ceux sur lesquels reposent tes yeux périront dans les flots.
Le Combat d’Adam 10. [340] À sa vue, la mer fut troublée.

Le Jourdain inversa sa course [litt. retourna à sa source] les montagnes bondirent comme des cerfs et les biches de la vallée.

Les collines résonnèrent de cantiques d’adoration, les pics élevés s’unirent en un hymne de louanges.

Oui, la terre s’entrouvrit et fut ébranlée jusque dans ses fondations.

Le roi de la mer me vit et s’enfuit. Ô mer, pourquoi t’es-tu enfuie ?...

Ô profondeurs de l’abîme, pourquoi êtes-vous troublées ? Courants [tourbillons] de l’océan, pourquoi avez-vous débordé [vous êtes-vous gonflés ?]

Le char de Dieu gronda dans l’espace et un rugissement terrible monta du milieu des animaux terrifiés.

Et tout sur terre fut renversé.


 

Dixième partie

(Ensign, mars 1977)



La comparaison intéressante et pénétrante du livre d’Énoch de Joseph Smith avec quatre manuscrits, variantes connues de cet ouvrage antique, nous fournit une preuve de plus de l’inspiration du Prophète et de l’ampleur de sa vision dans la grande œuvre du Rétablissement.

Appelé, Énoch recule de peur et plaide son incapacité, protestant entre autres choses qu’il n’est « qu’un jeune garçon », bien qu’ayant soixante-cinq ans à l’époque ! (Moïse 6:31). Comment expliquer cette étrange anomalie ? Joseph Smith n’aurait pu connaître aucun des écrits ci-dessous qui en parlent aussi. Où est-il allé chercher cette idée ? Certainement pas dans les sources apocryphes, bien qu’il ne soit pas rare qu’elle s’y retrouve. Juste quelques exemples :

Gorion, Sagen der Juden 1:294 et suiv. Le Metatron a soixante-dix noms mais le Roi m’appelle « le jeune garçon ». Pourquoi ? [296]. Parce que j’agis en la qualité de celui qui était avant moi, à savoir Énoch, qui était appelé « le jeune garçon » [297] parce qu’il était le plus jeune des multitudes.

Migne, Dictionnaire des Apocryphes 1:165. Énoch : « J’entendais mes frères qui disaient quand j’étais petit à quel point le monde était dans l’iniquité. Comment pourrais-je alors tout seul accomplir quelque chose ? Si seulement mes frères étaient ici, je pourrais le leur demander ! Pourtant, aussi jeune que je sois, je suis quand même plus âgé que mes frères, bien qu’ayant été le dernier à venir dans ce monde… »

Beit ha-Midrash 5:172 : «  … Je suis petit [qatan, jeune) au milieu d’eux [les Veilleurs, d’un âge vaste, auprès desquels il était envoyé] et je ne suis qu’un jeune garçon parmi eux en jours, en mois, en années ; à cause de cela, ils m’appellent ‘le jeune garçon’ ».

Jewish Encyclopedia, 8:519 : « Dans les écrits hébreux et dans l’Apocryphe », Énoch est représenté comme un jeune homme, « puisque les deux sources le représentent comme une personne jeune », personne ne sait pourquoi.

Zohar, Behalah 66b : « Ils virent la lumière de la Shekina, à savoir celui qui est appelé ‘le Jeune’ [ou Garçon] Metatron-Énoch, qui sert la Shekina dans le sanctuaire céleste et le monde pavé de saphir [pierre de vérité]. » (voir aussi Ex. 24:10).

Migne, Dictionnaire des Apocryphes, 1:237 : Le grand-père d’Énoch, appelé en mission de la même façon, fait la même objection. Lorsqu’Adam lui envoie les messagers célestes avec un appel en mission, « Seth dit : ‘Oh mon bon maître, cela fait à peine huit ans [!] que je suis en ce monde… Je n’ai pas encore porté la tiare masculine [le bonnet d’Exode 28:40], ni l’épée. Retournez auprès d’Adam qui a plus de mille ans d’âge et dites-lui cela. Mais ils répondirent : ‘Seth, nous avons déjà dit ces mêmes vérités à ton père Adam. Il est passé par tout ceci.’ » Alors les vents portèrent Seth en haut [comme Énoch plus tard] et il s’assit sur le trône de lumière.

Le titre paternaliste de « jeune garçon » reflète le mépris général que l’on avait pour Énoch. « Tout le peuple me hait », dit-il, « car je suis lent à m’exprimer. » (Moïse 6: 31). Le passage éthiopien, tel qu’il est traduit par Charles, présente un parallèle particulièrement instructif avec la version de Joseph Smith : Ils contiennent tous deux exactement les mêmes idées et les mêmes expressions, mais le scribe africain les a toutes mélangées d’une façon intéressante :


Moïse 6:31. Et lorsque Hénoc eut entendu ces paroles, il se prosterna par terre devant le Seigneur, et parla devant le Seigneur, disant: Comment se fait-il que j'aie trouvé grâce à tes yeux, alors que je ne suis qu'un jeune garçon et que tout le peuple me hait, car je suis lent à m'exprimer…




Moïse 6:32. Et le Seigneur dit à Hénoc: Va… Ouvre la bouche, et elle sera remplie…




Moïse 6:33 Dis à ce peuple: Choisissez aujourd'hui de servir le Seigneur Dieu qui vous a faits.
1 Énoch 15:24 Et moi, jusqu’alors, j’étais prosterné sur ma face, tremblant ; et le Seigneur m’appela de sa propre bouche et me dit : Viens ici, Énoch, et écoute mes paroles… 






1 Én. 103:9. Que les justes ne disent pas : « … nous avons connu tous les troubles et rencontré beaucoup de mal… et nous sommes devenus peu nombreux et petits [mikropsychos, insignifiants].
…10. et nous n’avons trouvé personne pour nous aider, pas même d’un mot [c’est-à-dire sans une parole]… 11. Les pécheurs ont appesanti leur joug sur nous. 12. Ils ont dominé sur nous ; ils nous ont haïs et nous ont frappés ; et devant ceux qui nous haïssaient, nous avons courbé la tête. 104:2.Dieu répondit : Espérez, vous brillerez come des luminaires du ciel… 3. et dans votre cri, criez pour de la justice… 9 Ne soyez pas impies dans votre cœur.
Moïse 6:32. Et le Seigneur dit à Hénoc: Va faire ce que je t'ai commandé, et nul ne te transpercera.

Moïse 6:34. Voici, mon Esprit est sur toi, c'est pourquoi je justifierai toutes tes paroles… Tu demeureras en moi et moi en toi; c'est pourquoi, marche avec moi.

Moïse 6:34. Je justifierai toutes tes paroles. Les montagnes fuiront devant toi et les fleuves se détourneront de leur cours.

Livre d’Adam xxi Et maintenant, petit Énoch [« le jeune garçon »], je t’ai dit les mystères des méchants de ce monde dont l’aspect t’a rempli de frayeur et de détresse… et que les méchants ont conspiré de se débarrasser de toi, mais en vain [voir aussi xlvii : Tous les méchants complotèrent contre Énoch mais en vain.] Mais n’aie pas peur, je reviendrai te délivrer du mal et du péché… et je te conduirai du monde des ténèbres à la demeure de lumière.
L’ange de vie dit au petit Énoch : Lève-toi, dirige tes pas vers la source des eaux, détourne-la de son cours… À ce commandement, Tavril détourna effectivement l’eau de son cours…



Pour ce qui est de son problème de lenteur à s’exprimer, Dieu mettra ses paroles mêmes dans la bouche d’Énoch de sorte que, d’une manière spéciale, ce sera le Seigneur qui parlera par lui.



Moïse 6:32. Va faire ce que je t'ai commandé, et nul ne te transpercera. Ouvre la bouche, et elle sera remplie, et je te donnerai de t'exprimer… et je ferai ce qui me semble bon. Slave 13. Je vous ai été envoyé par la bouche du Seigneur pour vous dire ce qui sera… Et maintenant, mes enfants, ce n’est pas de ma propre bouche que je vous parle aujourd’hui, mais de la bouche du Seigneur qui m’a envoyé vers vous. Car vous entendez les paroles de ma bouche et j’ai entendu les paroles du Seigneur.
Moïse 6:30. Et c'est là un décret que j'ai lancé de ma bouche au commencement… et c'est par la bouche de mes serviteurs, tes pères, que je l'ai décrété. Secrets 29 (Charles Apot, p. 454) Je vous suis envoyé aujourd’hui de la bouche du Seigneur pour vous parler… ce n’est pas de ma propre bouche que je vous informe en ce jour, mais de la bouche du Seigneur, car vous avez entendu les paroles de ma bouche, mais j’ai entendu les paroles du Seigneur…



Énoch est reçu par le public tout d’abord avec curiosité et surprise, puis avec ressentiment, ensuite avec crainte, et finalement avec une certaine mesure d’acceptation, ce qui va déboucher sur la création d’une église et de la ville d’Énoch. Tout d’abord, nous voyons Énoch, l’homme mystère, l’étranger, une grande curiosité.



Moïse 6:38. Et ils vinrent l'écouter sur les hauts lieux, disant aux gardiens de tentes: Demeurez ici… tandis que nous allons là-bas voir le Voyant, car il prophétise, et


il y a une chose étrange dans le pays;






un homme sauvage est venu parmi nous.
Sefer ha-Yashar (BHM) 6:129. Et tout le peuple se rassembla et alla vers Énoch pour écouter cette chose…


Slave 16 (Vaillant, p. 60). Et ils se concertèrent tous disant : Allons et saluons Énoch, et ils se rassemblèrent au lieu appelé Azouchan.


Eisler, Iesous Basileus 2:19 et suiv., 107. Jean-Baptiste fut reçu comme le retour d’Énoch sur terre, prêchant dans le désert comme un homme sauvage.


Livre d’Adam, 17. Il y a de faux prophètes qui errent à travers les montagnes et les collines, des hommes sauvages avec des cheveux hirsutes et des voix rauques. Ils sont appelés bergers vagabonds, vivant de plantes et proclament que Dieu dit des mystères par leur bouche. 147. L’un d’eux, du nom de Marmon [!] conduisait ses disciples dans un endroit d’eaux sales.
Moïse 6:40. Et un homme du nom de Mahijah vint à lui et lui dit: Dis-nous clairement qui tu es et d'où tu viens.








Il répond :


Moïse 6:41. Et il leur dit: Je suis venu du pays de Kénan, le pays de mes pères, qui a été jusqu'à présent un pays de justice. Et mon père m'a enseigné toutes les voies de Dieu.
BHM 4:131. Énoch sortit [après sa longue retraite] et il s’éleva une voix disant : Quel est l’homme qui se réjouit des voies du Seigneur ? [voir Mahujah et Mahijah !] et tout le peuple se rassembla autour d’Énoch… et il leur enseigna de nouveau à tous de garder les voies du Seigneur, et il leur donna à tous sa paix.






Giz. 12:1. Énoch fut pris, et nul ne sait où il est allé, où il est et ce qu’il est advenu de lui. 2. Et ses activités [c’est-à-dire son œuvre missionnaire] ont trait aux Veilleurs, tandis que ses jours sont avec les Saints.
1 Én. 12:1. Et avant cela Énoch était caché et nul ne savait où il était caché ni où il demeurait, ni ce qu’il était advenu de lui. 2. Et ses activités avaient trait aux Veilleurs et ses jours étaient avec les Saints.
BHM 4:129. Énoch servait Dieu et évitait les voies des fils iniques des hommes. Et il resta fidèle à l’Ordre de Dieu en connaissance et en intelligence. Et il se sépara des hommes et resta caché pendant de nombreux jours. 130. [Après avoir prêché], il se retira de nouveau, comme au commencement, et se cacha pour servir le Seigneur.



C’est le thème bien connu du saint homme – Adam, Seth, Noé, Abinadi, Éther, Mormon, etc. – qui sort pour réprimander de temps en temps le monde pervers et puis se retire dans la compagnie des justes, habituellement dans une vallée ou sur une montagne. Les prophètes de ce genre sont une présence assez dérangeante parmi le peuple. C’est dans ce discours dans le livre de Moïse que cette idée est exprimée de la façon la plus émouvante :



Moïse 6:37 : Et il arriva que Hénoc alla dans le pays… témoignant contre leurs œuvres; et tous les hommes furent offensés à cause de lui. Migne Dict. des Apocr. 1:170 Et Énoch se leva joyeux et alla prêcher. Mais tous conspirèrent contre lui… et tous les éléments furent plongés dans la confusion.
Moïse 6:39. Lorsqu'ils l'entendirent, nul ne mit la main sur lui, car la crainte envahissait tous ceux qui l'entendaient, car il marchait avec Dieu. BHM 4:130. Quand il leur rendit visite, « les enfants des hommes craignirent grandement Énoch. »
Moïse 6:47. Et tandis qu'Hénoc disait les paroles de Dieu, le peuple trembla et ne put demeurer en sa présence. Giz. 13:3. Puis m’avançant, je leur parlai à tous et ils avaient tous peur et un tremblement et la terreur les saisirent.
5. Parce qu’ils ne pouvaient pas parler, ni lever les yeux vers le ciel de honte…
1 Én. 13:3. Puis m’avançant, je leur parlai à tous et ils avaient tous peur et un tremblement et la terreur les saisirent.



Ce qui les fait trembler le plus, c’est qu’Énoch montre un livre spécial comme témoignage contre eux. Il couronne l’histoire de sa vision du côté de « la mer de l’est » en leur remémorant un certain livre :



Moïse 6:46. Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné. Et il est donné dans notre langue. [un livre qu’ils étaient censés lire.] 1 Énoch 93:2. Moi, Énoch, je vous dirai… selon ce qui m’a été révélé par une vision des cieux … et que j’ai appris des Tablettes célestes. 3. Énoch commença donc à parler d’après les écrits.



Le but de ce livre, témoigner de leur état déchu et de leur trahison de leurs alliances antiques, comme rapporté dans la version de Joseph Smith, est confirmé de manière frappante dans les documents anciens :


Moïse 6:45. Nous les connaissons [nos ancêtres] et nous ne pouvons le nier, et nous connaissons même le premier de tous, Adam.








Moïse 6:46. Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné. Et il est donné dans notre langue.
Test. d’Abraham. Adam dit : Raconte-moi toutes ses actions [de l’âme] qui sont écrites. Et immédiatement un vieil homme [Énoch] surgit de derrière le voile avec un livre dans la main… Alors l’âme nia… pensant que ses actions ne pourraient être remémorées… Mais Adam dit : Non, il n’y a pas de mensonge dans ce lieu.


BK En. (Black) 2:7. Ne pensez pas dans votre âme que… vos mauvaises actions ne sont pas observées ni écrites devant le Très-Haut. 8. Dorénavant toutes vos transgressions sont mises par écrit jour et nuit jusqu’à votre jugement.
Én. gc. 97:6. Et toutes … vos iniquités seront lues en présence du grand Saint, et en votre propre présence parce que (104:10 et suiv.)… vous vous en êtes sortis en truquant les livres et en falsifiant les rapports, les annales : c’est comme cela que vous avez obtenu votre pouvoir, votre influence et votre richesse !
Ch. Beatty 98:15. Malheur à vous qui écrivez des mensonges… et falsifiez les annales… 91:2. Préparez-vous, les justes, et présentez les annales de vos actes comme un souvenir. Donnez-les comme témoignage devant les anges afin qu’ils puissent porter le sens de la justice devant le Très-Haut, comme un souvenir.
Test. de Dan 5:6 (et autres Testaments des douze Patriarches). Parce que j’ai lu dans le livre d’Énoch le Juste que votre Prince est Satan, et que tous les esprits d’iniquité égareront les fils de Lévi.



Bien que Charles trouve que ces passages de l’Énoch éthiopien sont « très confus » et « visiblement corrompus », toutes les versions s’accordent pour une histoire toujours la même : Énoch, tandis qu’il voyage dans des régions montagneuses, passant près d’une certaine mer, a une vision dans laquelle le Seigneur lui parle et l’envoie réprimander le peuple. Il le trouve assemblé dans un haut-lieu et lui parle d’un certain livre : un Hypomnemata ou mémoire. À la suite de ce qu’il lui dit concernant le livre, il est complètement écrasé  et ne peut plus lever les yeux vers Énoch ni vers les cieux, de honte. Le récit de Joseph Smith est substantiellement identique aux textes grec et slave.


Moïse 6:47. Et tandis qu'Hénoc disait les paroles de Dieu [confirmées par le livre], le peuple trembla et ne put demeurer en sa présence. Giz. 13:3. Ils me demandèrent de leur lire l’Hypomnemata [mémoire, souvenir] devant la face du Seigneur, 5. parce qu’ils n’étaient pas en mesure de parler et ne pouvaient lever les yeux vers les cieux, de honte.


1 Énoch 13:3 et suiv. [Dans cette version, « le passage est très confus », dit R.H. Charles ; « visiblement corrompu » (p. 30)] 7. Puis m’étant éloigné, je m’assis près des eaux de Dan, dans le territoire de Dan, qui est au sud de l’ouest de l’Hermon. Et je lus la formule de leur prière [leur pétition ou mémorial ou souvenir] jusqu’au moment où je m’assoupis. 8 … Et voici que me vint un songe … des visions de châtiment, et une voix vint qui m’ordonnait de parler aux enfants du ciel et de les réprimander. 9 Lorsque je me fus éveillé, je me rendis vers eux ; tous ensemble étaient assis en pleurs dans « Abelsjail »… leur face voilée. 10. [Puis il commence à leur lire] dans le Livre des Paroles de Justice et à propos de la réprimande…
selon ce qu’avait ordonné le Saint et le Grand dans cette vision.



Les visions d’Énoch

Avant de traiter du succès de la mission d’Énoch, nous devons étudier avec plus de soin les merveilleuses visions qui l’ont préparé à cet appel et qui sont la partie la plus importante de la littérature énochienne et la raison de son rejet par les érudits chrétiens et juifs conventionnels des quatrième siècle et suivants. Nous voulons parler des enseignements cosmologiques ou astronomiques qui sont le plus généralement associés au nom d’Énoch qui, non content de décrire un ciel purement spirituel ou vision béatifique, tient absolument à introduire des étoiles et des planètes réelles dans le tableau, chose que les théologiens médiévaux et modernes trouvent indiciblement malvenue, l’antithèse même de tout ce qui est digne du nom éthéré de religion. Les docteurs juifs, quant à eux, rejetaient la vieille absorption cosmologique parce qu’elle se révélait être trop populaire auprès des premiers chrétiens [341]. Les docteurs chrétiens à leur tour la repoussaient parce qu’ayant trop de succès auprès des gnostiques et même des païens [342]. Les uns et les autres s’accordaient pour faire remonter son origine jusqu’à Énoch.

Ainsi, citant Eumolpe (140 av. J.-C.), Eusèbe rapporte qu’Abraham enseigna l’astronomie aux Égyptiens à Héliopolis (le grand observatoire préhistorique égyptien), s’attribuant à lui-même ainsi qu’aux Babyloniens le mérite d’avoir fondé cette science, tout en reconnaissant en réalité qu’Énoch en était le véritable découvreur [343]. Syncelle et Cedrenus transmettent la tradition, en se réclamant d’Énoch lui-même, que c’est l’ange Uriel qui aurait enseigné l’astronomie à Énoch [344]. Comme argument final à leur désapprobation, les docteurs d’Alexandrie, –  les grands spiritualiseurs – suivent Clément d’Alexandrie, qui affirme que, selon Énoch, ce sont les anges déchus qui ont enseigné « l’astronomie, la divination [mantikê] et les sciences du même genre [technas] au genre humain » [345]. Les mystiques et les théologiens allaient dorénavant rejeter les cosmologies d’Énoch précisément parce qu’elles étaient scientifiques et non mystiques, partageant l’attitude chrétienne que « les récits cosmogoniques sont en fait extrêmement rares tant en Israël qu’en Islam… Mahomet avertit qu’ils conduiraient à l’athéisme, une vielle idée rabbinique » [346].
 
Les théologiens modernes voient dans Énoch « une curieuse tentative de ramener les images éparpillées de l’Ancien Testament à un système physique… Il semble répéter sous toutes les formes le grand principe que le monde naturel, moral et spirituel est sous le gouvernement immédiat de Dieu » [347]. Qu’est-ce qu’il y a de mal à cela, pourrions-nous demander ? Le révérend Michaël Stuart, le plus grand théologien américain à l’époque où le livre d’Énoch arriva en Amérique dans les éditions de 1838-1849, protesta que les Écritures « n’introduisent nulle part des suppositions aussi vaines et fantasques sur les phénomènes naturels des cieux et de la terre comme celles que nous trouvons dans le livre d’Énoch » [348] et il parle pour la chrétienté conventionnelle, même aujourd’hui, quand il dit : « Toute science est… complètement étrangère aux Écritures étant donné qu’elles ont été écrites dans des buts purement moraux et religieux et non pour donner des leçons de science », raison pour laquelle la cosmologie d’Énoch « est dès lors un livre scellé » [349].


Les églises changent de refrain si rapidement de nos jours que nous devons faire un effort pour nous rappeler qu’hier encore, le « cosmisme » et le littéralisme de Joseph Smith étaient universellement perçus comme horrifiants et alarmants. Un grand théologien catholique de notre époque nous assure que ce à quoi le chrétien aspire, c’est « d’être transporté loin de la matière » et de recevoir « la coupe de l’esprit qui, du ciel, est tendue vers la terre » [350] tandis que son éminent homologue protestant se réjouit de noter que, grâce à la démythification actuelle des vieux enseignements, « on ne conçoit plus la rédemption et l’esprit à la manière gnostique comme des entités quasi-physiques en dépit de Paul. » [351]
Selon l’étude de Van Andel (Pp 53, 40), c’est parmi les tenants des anciennes sectes que les parties astronomiques d’Énoch (72-82) connurent le plus grand succès. Il note que l’inclusion du monde physique dans l’histoire de la rédemption était en effet inévitable dans une histoire qui est « un prologue du déluge », un événement physique s’il en est (p. 41) et que « les tenants de cette littérature » affirment avec beaucoup de bon sens « qu’on ne voit pas comment on pourrait laisser le cosmos lui-même en dehors des relations de Dieu avec les hommes en commençant par  la création », un autre événement physique. N’est-ce pas un but primordial de la Bible que de « rendre le cosmos compréhensible ? » (p. 93). « Dans la littérature apocalyptique, l’accent est principalement mis sur la personnalité historique d’Énoch, transmetteur de la connaissance cosmique » (p. 118). Il y a longtemps déjà, J.P. Migne protestait que c’était justement l’accent « littéral et scientifique » de ces écrits qui rendait ce genre de littérature religieuse dangereuse et que les écrits apocryphes qu’il convenait que les catholiques lisent étaient ceux qui sont franchement des fables populaires, des fantaisies poétiques et des contes symboliques et moraux qui, en fin de compte, ne se revendiquent d’aucune réalité historique ou physique [352].


 

Onzième partie

(Ensign, avril 1977)


Les théologiens de l’époque de Joseph Smith étaient méfiants vis-à-vis de l’idée qu’Énoch ait pu avoir de grandes visions cosmologiques montrant la terre depuis le commencement jusqu’à la fin. Pourtant le genre de vision qu’Énoch eut avant le commencement de sa mission est précisément ce genre de vision globale de la création, de l’homme et de sa relation avec Dieu qui est une des caractéristiques les plus authentiques de tous les textes énochiens, comme nous le montre la comparaison entre le récit qui se trouve dans le livre de Moïse et les autres textes relatant l’histoire d’Énoch. Ces anciens documents, bien que n’étant pas des Écritures, sont d’importantes fenêtres ouvertes sur le monde du passé et sur notre compréhension de la mission d’Énoch.

Notre but ici n’est pas de traiter des discours cosmologiques d’Énoch, ce qui serait une agréable diversion mais demanderait trop de papier. Nous nous contenterons de limiter notre attention aux passages cosmologiques pour lesquels il peut y avoir des parallèles dans le livre de Moïse. Ces parallèles sont étonnamment nombreux.

Nous commençons avec la déclaration qu’Énoch reçut la vision de tout. En fait, il semble bien que chacun des grands fondateurs des dispensations à partir d’Adam ait eu le privilège de recevoir la révélation totale de toutes choses.


Moïse 1:27. Et il arriva que comme la voix parlait encore, Moïse jeta les regards et vit la terre, oui, toute, et il n'y en eut pas une particule qu'il ne vit pas, la discernant par l'Esprit de Dieu. Frg. Giz. 9:4 (3 versions) 5. C’est toi qui as tout fait, et tu as toute autorité, et toutes choses apparaissent devant toi et sont révélées, et tu vois toutes choses ».
Secrets 17: fin (Vaillant, p. 62 et suiv.). « Car si vous levez le regard vers le ciel, le Seigneur y est, car le Seigneur a fait les cieux. Si vous portez le regard sur la terre ou sur la mer ou si vous pensez aux choses sous la terre, le Seigneur y est aussi il a tout fait.
Moïse 7 :67. Et le Seigneur montra tout à Hénoc jusqu'à la fin du monde. Et il vit le jour des justes, l'heure de la rédemption, et reçut une plénitude de joie. 1 Én. 19:3.  Et moi, Énoch, moi seul, j’ai vu la vision, la fin de tout et aucun homme ne verra comme moi j’ai vu.
Moïse 7:4. Et je vis le Seigneur; il se tint devant ma face et parla avec moi, comme un homme parle avec un autre, face à face, et il me dit : Regarde, et je te montrerai le monde sur de nombreuses générations. Giz. 2:2. Regarde la terre, et considère les œuvres qui y ont été faites depuis le commencement jusqu’à la fin… et toutes les œuvres de Dieu t’apparaîtront.
Bin Gorion, Sagen der Juden, 1:251. Le Seigneur montra tout à Adam y compris l’histoire d’Abraham… 253. Et « Adam prit une feuille et y écrivit son testament. Il le scella pour le Seigneur, le Metatron [Énoch] et Adam. »
Ap. d’Abraham 21:1 Et il me dit [à Abraham] : regarde !… 2. Je regarde et je vois les six cieux et tout ce qui s’y trouve et aussi la terre et ses fruits, tout ce qui se meut sur elle, ses esprits et le pouvoir de ses habitants [les hommes]… 3. les régions inférieures… 4. et la mer et ses îles, les animaux et ses poissons… 9. je vis une immense multitude d’hommes, de femmes et d’enfants… 
Moïse 1:28. Et il [Moïse] en vit également les habitants, et il n'y eut pas une âme qu'il ne vit pas. Et il les discerna par l'Esprit de Dieu, et leur nombre était grand, aussi innombrable que le sable au bord de la mer. Secrets M.R. Ch.9. L’ange Braboil [arbitre ou gardien des actes] me dit [à Énoch] : Assieds-toi et écris tous les esprits des hommes, tous ceux qui ne sont pas encore nés… Tout jusqu’à la fin de ce monde… même depuis sa fondation !… Et j’écrivis tout ce qui concerne les hommes.
Moïse 1:29. Et il vit beaucoup de pays. Chaque pays était appelé terre, et il y avait des habitants à sa surface. 1 Én. 33:1. J’allai jusqu’aux extrémités de la terre et je vis les grandes bêtes, différentes les unes des autres, les oiseaux dans toute leur diversité… 2. et à l’orient il y avait d’autres bêtes. Je vis les extrémités de la terre sur lesquelles repose le ciel.
Jubilés 4:18 et suiv. (Voir Cedrenus, Bekker, dir. de publ., p.17) Il vit, passé et avenir… ce qu’il adviendra aux enfants des hommes à travers les générations jusqu’au jour du Jugement. Il vit et il comprit toutes choses et il écrivit son témoignage.
Énoch 6:42. J’eus une vision, et voici, je vis les cieux, et le Seigneur me parla. Secrets 13 (Vaillant, p.40 et suiv. Maintenant donc, mes enfants, je connais toutes choses, les unes de la bouche du Seigneur, les autres, mes yeux les ont vues… J’ai écrit sur les extrémités des cieux et ce qui les remplit. J’en ai mesuré toutes les milices et leurs mouvements… j’ai exploré le séjour des nuages… j’ai écrit les dépôts de neige et les réservoirs de glace… et comment toutes ces choses sont administrées par le pouvoir de Dieu.
Origène, Prem. Princ., dans Patrol. Graec. II:409. Dans le même livre attribué à Énoch, il est écrit : « Universas materias perspexi », ce qui voudrait dire qu’il a vu toutes les catégories de matière, divisées par des espèces séparées et distinctes d’une substance universelle unique, à savoir d’hommes ou d’animaux, ou de cieux, ou de Soleil ou de tout ce qui existe dans ce monde.
Énoch 6:36. Et il vit les esprits que Dieu avait créés… et il vit aussi les choses qui n’étaient pas visibles à l’œil naturel. BHM 5:176 ? Énoch connaît les noms des sarim [seigneurs, administrateurs] qui gèrent tous les départements de l’existence… 5:25 n°12. Énoch connaissait non seulement tous les secrets du macrocosme, mais aussi tous ceux du microcosme.


Les anciens reconnaissent que d’autres, d’Adam à Daniel, ont également eu la grande Vision Universelle, mais attribuent à Énoch une place spéciale. Seul Énoch, dit le Livre des Mystères éthiopien, « a vu tout depuis le commencement jusqu’à la fin, avant que cela ne se produise » [353]. « Le Seigneur t’a choisi plus que tout autre homme sur la terre, et il t’a désigné comme Scribe de toutes ses créations, visibles et invisibles » (Secrets, Ms. R. Vaillant, p. 61, voir n° 17).

La préoccupation que manifeste Joseph Smith pour les montagnes dans son récit sur Énoch semblerait suspecte si les autres textes sur Énoch n’avaient pas la même obsession.


Moïse 7:2. Une voix sortit du ciel, disant: Tourne-toi et monte à la montagne de Siméon. 3. Et il arriva que je me tournai et montai sur la montagne; et, comme je me tenais sur la montagne, je vis les cieux s'ouvrir, et je fus revêtu de gloire… 4. Et je vis le Seigneur; il se tint devant ma face et parla avec moi.

Gizeh 32:2 Et de là je longeai les sommets des montagnes, me tenant loin de la direction de l’est de la terre et je passai au-dessus de la mer Érythrée et montai vers les pics [akron] et de là je montai encore vers Zoti-el. 3. Et j’allai au paradis de justice et j’aperçus de loin parmi ses arbres deux arbres en particulier, grands et chargés, et l’Arbre de la Connaissance (phroneseos), arbre dont le Saint mangea du fruit et reçut une grande compréhension… 

Moïse 6:37. Énoch alla… se tenant sur les collines et les hauts lieux. 1 Én. 17:2. Et ils m’amenèrent dans un lieu de ténèbres et sur une montagne dont le sommet touchait au ciel. 3. Et je vis la demeure des luminaires.
Moïse 6:42. Et comme je quittais… par la mer de l’est, j’eue une vision, et voici, je vis les cieux… et le Seigneur me parla et me donna un commandement. BHM 5:172. Dieu éleva mon regard… dans les cieux là-haut… pour être témoin contre eux pour tous les temps à venir… et je me fis un avec les hauts-lieux pour observer et être présent parmi les anges du ministère.


Les anciens étaient très conscients de la ressemblance entre le mystérieux départ d’Énoch au ciel avec l’ascension de Moïse du haut du mont Nébo et sa disparition (De. 32:49) D’autres ont aussi trouvé que les montagnes étaient des endroits spécialement proches du Seigneur, comme par exemple Élie, Néphi et le célèbre rabbin Ismaël.


2 Néphi 4:24. Et le jour, je me suis enhardi à des prières ferventes devant lui; oui, j'ai élevé ma voix au ciel, et des anges sont descendus et m'ont servi. 25. Et sur les ailes de son Esprit, mon corps a été emporté sur des montagnes extrêmement hautes. Et mes yeux ont vu de grandes choses, oui, trop grandes pour l'homme; c'est pourquoi, il m'a été commandé de ne pas les écrire. BHM 5:170 R. Ismaël : Quand je montai au sommet de la montagne pour contempler la Markebah, j’entrai dans les six temples, salle par salle. Arrivant à l’entrée du septième [le Saints des Saints], je me tins debout pour prier devant Dieu ; et je levai les yeux et dis… Seigneur d’éternité, accorde-moi en cette heure le mérite d’Aaron… qui reçut la couronne de la prêtrise… et délivre-moi de Satan. Et le Metatron [Énoch] vint qui (servit ?) l’ange, le Prince de la Présence, et il déploya ses ailes et vint à ma rencontre avec une grande joie… et il me prit avec la main et me releva.


Dans ces passages, comme d’un bout à l’autre du livre d’Énoch, images et réalité semblent se rejoindre et fusionner d’une façon toute spéciale. L’allusion au Saint des Saints est incontestable dans le dernier passage cité, rappelant le célèbre concept de la ziggourat des anciens dans lequel le temple lui-même était censé représenter une montagne grâce à laquelle on montait au ciel et en la présence de Dieu. Revenons quelques instants à l’histoire où Néphi raconte la vision de son père qui, à certains égards, est parallèle à celle d’Énoch.


1 Néphi 1:4. Au commencement de la première année… 5. mon père, Léhi… pria le Seigneur, oui, même de tout son cœur, en faveur de son peuple… 7. Il retourna vers sa maison à Jérusalem; et il se jeta sur son lit, accablé par l'Esprit… 8. Et étant ainsi accablé par l'Esprit, il fut ravi en vision, au point même de voir les cieux s'ouvrir, et il pensa voir Dieu assis sur son trône, entouré d'un concours innombrable d'anges. Secrets 1:2. Le premier jour du mois, j’étais seul dans ma maison et je me reposais et dormais [BHM, 4:127 : « il priait devant Dieu dans (sa) maison et dans sa chambre. »]
3. et tandis que je dormais, une grande peine envahit mon cœur et je pleurai avec mes yeux dans mon rêve… 4. Deux hommes m’apparurent… 8. et ces hommes me dirent : Prends courage, Énoch, n’aie pas peur… car le Seigneur, l’Éternel, nous a envoyés à toi et aujourd’hui tu monteras avec nous au ciel.


La façon dans laquelle le Prophète est enlevé est d’un intérêt particulier pour les anciens. Que sont « les ailes de l’Esprit » ? Léhi fut « ravi en une vision et « pensa voir Dieu assis sur son trône…entouré …d’anges ». Ceci est le pendant de ce que dit Énoch : « Mon esprit fut enlevé et il monta au ciel ; et je vis les saints fils de Dieu… 10. et avec eux était la Tête des Jours… 11. et mon esprit fut transfiguré » (1 Én. 71:1). Les vieux auteurs exploitent aussi cette idée :


2 Néphi 4:25. Et sur les ailes de son Esprit, mon corps a été emporté sur des montagnes extrêmement hautes. Et mes yeux ont vu de grandes choses, oui, trop grandes pour l'homme; c'est pourquoi, il m'a été commandé de ne pas les écrire. BHM 5:170. R. Ismaël [il représente Énoch] était sur une haute montagne quand le Metatron [souvent identifié à Énoch] vint, qui servait les anges, le Prince de la Présence, et il déploya ses ailes, et vint à ma rencontre avec une grande joie pour me délivrer des mains de Satan. Et il me prit par la main et me releva.
Moïse 1:1. Moïse fut élevé sur une très haute montagne. BHM 6:175 Dieu posa la main sur moi, il m’éleva et m’exalta… et soixante-douze ailes m’enlevèrent, autant d’un côté et autant de l’autre ; c’était comme si le monde était rempli d’ailes…
Abraham 2:7. Du vent et du feu, je fais mon char ; je dis aux montagnes : Partez d’ici, et voici, elles sont enlevées par un tourbillon. 1 Énoch 39:7 En ce temps-là, un tourbillon de vent m’emporta de la face de la terre et me déposa à l’extrémité des cieux. 4. Et j’eus une autre vision, la demeure du Saint, le lieu de repos des justes.
Dict. Apocr. 1:238. Alors Seth se leva et pria quitta son enveloppe de chair… Alors les vents du ciel le soulevèrent au milieu de myriades d’esprits… et l’installèrent sur un trône rayonnant.


Comme chacun sait, le mot hébreu rouakh veut dire à la fois « vent » et « esprit », ce qui a donné lieu à de nombreuses théories. Un exemple typique serait la déclaration d’Énoch qu’Adam « fut enlevé par l’Esprit du Seigneur… immergé sous l’eau » (Moïse 6:64), ou que le peuple d’Énoch fut « enlev[é] en Sion par les puissances du ciel » (Moïse 7:27). Ce dernier verset indique que nous avons affaire à des formes de puissance encore inconnues des hommes pour lesquelles les mots « vent » et « esprit » peuvent représenter des quantités inconnues. Les scientifiques compétents ont maintenant commencé à explorer la réalité de formes inconnues de pouvoir [354] avec des résultats surprenants [355]. L’une des caractéristiques spéciales de la littérature énochienne est l’interaction constante entre le physique et le psychique, constante dans laquelle le texte de Joseph Smith montre la voie.

Énoch et le cosmos

Clément de Rome, tout au début des Reconnaissances, dit que ce qui l’avait amené à étudier l’Évangile et à rejoindre l’Église était son désir ardent de trouver la réponse aux grandes questions de la vie : « Quand ce monde a-t-il été fait ? Qu’y avait-il avant lui ? A-t-il toujours été là ? Y-a-t-il une vie après la mort ? » Il dit qu’il se donna un mal fou à l’école, mais qu’il ne put trouver de professeur ou de philosophe qui aurait pu lui donner une réponse satisfaisante [356]. C’est cette « recherche constante de la connaissance », comme le f ait remarquer H.D. Betz, qui emportait nécessairement les premiers chrétiens « au-delà de l’histoire, dans l’astronomie et l’astrologie » [357]. Les pères de l’Église postérieurs combattirent la tendance à poser de telles questions en une « âpre polémique » [358] et les rabbins déclaraient que : « quiconque étudie les sujets de la Création ou du Char ou qui consacre son esprit à se demander : 1. Qu’y-a-t-il en haut ? 2. Qu’y-a-t-il au-dessous ? 3. Qu’y-a-t-il au-delà ? 4. Qu’y-a-t-il dans les éternités ? Il aurait mieux valu pour lui qu’il ne soit jamais venu au monde !» [359].

Énoch était l’un de ces curieux : « Je levai les yeux et contemplai cet univers, le ciel avec ses étoiles scintillantes, le soleil et la lune… les anges (qui) contrôlent l’eau, le vent, le feu, la terre et tout ce qu’elle contient, les montagnes, la mer, les planètes et les arbres. Qui pourrait me dire d’où toutes ces puissances tirent leur origine ? Comment fonctionnent-elles ? Comment continuent-elles ? Qui peut m’expliquer les changements de l’aurore et du crépuscule, du jour et de la nuit, de la lune et des étoiles… ? » Il résume : « Ainsi, en contemplant les organisations de ce monde, j’étais troublé.» Et, se prosternant, il priait pour recevoir de la lumière [360].

L’objection des religieux aux enseignements astronomiques du livre d’Énoch est qu’ils ne sont en aucune façon spirituels. « D’un bout à l’autre de ces chapitres, écrit Charles à propos de 1 Énoch 72-79, « il n’y a pas une seule référence morale. Le seul et unique intérêt de l’auteur est le scientifique… nous avons affaire à un traité complet et purement scientifique… » [361]. De plus l’intérêt n’est porté au soleil, à la lune et aux étoiles que comme régulateurs du calendrier spécial qui mettait les p artisans d’Énoch à part du reste du monde dans leurs observances [362]. Et pourtant Van Andel reconnaît que la cosmologie d’Énoch était pour ces gens quelque chose de plus qu’un calendrier : ce n’était rien de moins que la connaissance des éternités », et avant toute autre chose, le secret de la Création… le plan de Dieu pour l’univers entier, qui avait été révélé à la communauté des justes », comme partie fondamentale et organique de l’Évangile [363].

Cet aspect plus large de la connaissance supérieure est cependant manifestement absent dans l’Énoch éthiopien, occupé qu’il est par le travail méticuleux du calcul et de la mesure des temps et des cycles, ce qui allait titiller la vanité et défier des siècles durant l’esprit inventif de générations de cabalistes, de cultistes, d’astrologues, d’érudits, de pyramidologues et justifiait effectivement les docteurs de l’Église et de la synagogue dans leur répugnance pour toute l’affaire. Mais la cosmologie de la traduction d’Énoch par Joseph Smith dans le livre de Moïse est quelque chose de tout à fait différent : un intérêt sobre pour quelques principes de base qui diffèrent si radicalement de l’Énoch éthiopien que ses détracteurs pourraient bien découvrir ici un cas flagrant de réfutation pure et simple de l’Écriture moderne par les sources anciennes si son texte d’Énoch n’était pas confirmé d’une manière frappante par les concepts étroitement apparentés de l’Énoch slave. La raison de cette affinité devra être examinée ultérieurement. Pour le moment, il suffit de reconnaître à quel point la cosmologie de Joseph Smith est soutenue par des textes anciens qui n’ont été connus que longtemps après sa mort. Les sujets principaux communs à ces documents sont : a/ le mystère de la gloire, b/ la création universelle permanente, c/ la pluralité des mondes, d/ les relations des mondes avec Dieu et entre eux.

1. C’est un procédé courant dans les écrits apocalyptiques de voir le héros formé à la cosmologie au cours de sa visite dans les lieux célestes ; dans ces récits, le leitmotiv est la gloire à des degrés variés et ce qui s’applique à une visite céleste s’applique aux autres,  de sorte que la même description correspond à l’expérience d’Énoch, de Moïse, d’Abraham, d’Élie, etc. [364]
Tout d’abord, le principe stipulé est que l’on ne peut connaître la gloire que dans la mesure où l’on est qualifié pour la partager. La personne qui veut voir la gloire de Dieu doit elle-même en tout premier lieu être « revêtue de gloire », c'est-à-dire, enveloppée dans cette même gloire « … revêtu[e] d’une robe de justice… tout comme je le suis… pour recevoir une couronne de justice… et être revêtu, comme je le suis, pour être avec moi, afin que nous soyons un » (D&A 29:12-13). Il en est de même pour Énoch.


Moïse 7:3. [Moïse] Je vis les cieux s'ouvrir, et je fus revêtu de gloire;
Moïse 7:4. Et je vis le Seigneur; il se tint devant ma face et parla avec moi, comme un homme parle avec un autre, face à face.
Secrets 22:8 (Morfill p.28) Et le Seigneur dit à Michel : « Va et enlève à Énoch sa robe terrestre, et oins-le de mon huile sainte, et revêts-le du vêtement de ma gloire… 10… Et je [Énoch] me regardai, et j’étais comme l’un de ses êtres glorieux, il n’y avait pas de différence » (Voir aussi Énoch slave 9, Vaillant, p. 25 et suiv. )

Text. B:22 (dans R.H. Charles. Apoc. and Pseud., 2:443). Une fois Énoch « revêtu de vêtements de gloire… de sa bouche, le Seigneur m’appela et dit : Aie courage, Énoch, ne crains pas, tiens-toi devant ma face pour l’éternité. Et… Michel m’amena devant la face de Dieu. »

Ascension de Moïse 3 [« … elle montre de nombreuses affinités avec 2 Énoch », Charles, id., p. 409. À sa mort, alors qu’il est encore « dans sa chair », Moïse rencontre le Metatron, Énoch, qui le vêt de lumière afin qu’il puisse voir les anges. Et son corps fut transformé en « une flamme de feu ».

BHM 5 : xlii. Dans cet Énoch hébreu, Livre R., Ismaël raconte comment, dans le septième ciel, il « voit Énoch qui a été transformé en l’Ange Metatron Sar ha-Panim (de la Face) », et qui lui dit comment, en devenant un ange, il a été « vêtu de toutes les gloires ».


La raison de cette transformation est claire :


Moïse 1:14. Car voici, je n'aurais pas pu regarder Dieu, si sa gloire n'était venue sur moi et si je n'avais été transfiguré devant lui. Mais je peux te regarder dans l'homme naturel. Assurément, n'en est-il pas ainsi? Gizeh 14:21. Et aucun ange ne pouvait voir sa face, parce qu’elle est terrible et glorieuse, et aucune chair ne peut le regarder. 14. Et je commençai à trembler et à frissonner et je tombai sur ma face.
Moïse 1:5. Nul ne peut contempler… toute ma gloire et rester ensuite dans la chair sur terre. Ev. Verit. f. XVr , p. 29
Le choc de la vue de Dieu détruirait complètement ceux qui n’y sont pas préparés.
Moïse 1:11. Mais mes propres yeux ont vu Dieu; mais pas mes yeux naturels, mais mes yeux spirituels, car mes yeux naturels n'auraient pu voir, car je me serais desséché et serais mort en sa présence. Sophia Christi Xti. 79. Nulle chair ne peut supporter sa présence et l’on ne peut décrire son aspect. Mais il s’est montré à nous dans une chair pure et parfaite sur la montagne et nous étions terriblement effrayés.
Moïse 7:3-4. [Énoch :] Je fus revêtu de gloire, et je vis le Seigneur. Évangile de Phil. 105:28-34, 106:1 et suiv.
Vous ne pouvez voir que ce à quoi vous ressemblez, c’est pourquoi, sur la Montagne de la Transfiguration, il fallut rendre les apôtres grands pour voir la grandeur du Christ.
Moïse 1:11. [Moïse :] J'ai vu sa face, car j'étais transfiguré devant lui. Ev. Verit. f. XVr p. 30. Ils peuvent supporter la connaissance de Dieu au même degré qu’ils sont capables de supporter la lumière.


C’est un principe général qui s’applique à tous les niveaux de gloire. Si quelqu’un n’est pas préparé, l’expérience de la gloire ne peut que provoquer de l’anxiété et de l’alarme.


Moïse 1:11. J'ai vu sa face, car j'étais transfiguré devant lui… Moïse 1:25. Il [Moïse] vit de nouveau sa gloire, car elle était sur lui. [Zacharie, Marie, les bergers dans les champs, les apôtres sur la Montagne de la Transfiguration, etc., avaient tous terriblement peur en la présence de la gloire céleste]. 1 Én. 71:1. Mon esprit fut enlevé et il monta dans les cieux, et je vis les saints Fils de Dieu. 10. Et avec eux la Tête des Jours, sa tête pure et blanche comme la laine et ses vêtements indescriptibles… 11. Et mon esprit était transfiguré.

BHM 5:170
Le Metatron [Énoch] me dit : Viens en paix… et ils me guidèrent pour voir la Shekina et me présentèrent devant le Trône de Gloire pour contempler la Merkabah. Et quand les Princes de Gloire me virent, ainsi que les séraphins de flamme, ils posèrent les yeux sur moi et je tremblai et me sentis mal, je tombai de ma place et m’évanouis devant le Zohar, la vue de leurs yeux et la gloire de l’aspect de leur visage.
172. Et quand les Séraphins tournèrent le visage vers moi, je craignis et je tremblai et tombai de là où je me tenais et m’évanouis.

Gizeh 14:24 . Et j’étais sur ma face, tremblant. Et le Seigneur m’appela de sa propre bouche, et dit : Viens ici, Énoch, et écoute ma parole. 25. L’un des saints me releva et me mit sur mes pieds… et je restai la tête penchée et voilée. [Après cet entretien, quand Énoch revint parmi le peuple, ce dernier ne put supporter de poser le regard sur lui. Voir l’expérience semblable de Moïse quand il descendit du Mont Sinaï, Exode 34:30.]


En conséquence, quand la gloire supérieure se retire et que la personne revient à sa propre nature, elle se retrouve affaiblie et impuissante.


Moïse 1:9. Et la présence de Dieu se retira de Moïse, de sorte que sa gloire ne fut plus sur lui, et Moïse fut laissé à lui-même. Et comme il était laissé à lui-même, il tomba sur le sol. Moïse 1:10. Et il arriva que de nombreuses heures s'écoulèrent avant que Moïse ne retrouvât sa force naturelle d'homme. 1 Én. 39:14. Et mon visage fut changé, car je ne pouvais plus regarder.
Le combat d’Adam et Ève (Migne, Dict. des Apocr. 1:301) Et le Seigneur dit à Adam : Tandis que vous m’obéissiez, la lumière était avec vous et vous pouviez voir les choses les plus éloignées, mais maintenant, vous ne pouvez même pas voir ce qui est près de vous par le pouvoir de la chair. Alors Adam et Ève tombèrent impuissants [365].

Apoc. d’Abr. 30:1. Comme il parlait encore, je me retrouvai déjà sur terre et je dis… 3. Maintenant, je ne suis plus dans la gloire dans laquelle je me trouvais là-haut et ce que mon cœur cherchait à connaître, je ne le comprenais pas.


Les anciennes traditions juives et chrétiennes sont pleines de récits dans lesquels Satan tente de tromper les hommes sous une gloire contrefaite en apparaissant même sous la forme d’un ange de lumière. Mais les justes reçoivent le discernement des esprits et sont capables de supporter la véritable gloire, leur « assurance devien[t] grande », même « en la présence de Dieu » (D&A 121:45). En conséquence, la fausse gloire de Satan ne trompe jamais les patriarches :


Moïse 1:12. Et il arriva que lorsque Moïse eut dit ces paroles, voici, Satan vint le tenter, disant: Moïse, fils de l'homme, adore-moi. 

Moïse 1:13. Et… Moïse regarda Satan et dit: Qui es-tu? Car voici, je suis un fils de Dieu… et où est ta gloire, pour que je t'adore?
Moïse 1:14. Car voici, je n'aurais pas pu regarder Dieu, si sa gloire n'était venue sur moi et si je n'avais été transfiguré devant lui. Mais je peux te regarder dans l'homme naturel. Assurément, n'en est-il pas ainsi?
Moïse 1:15. Où est ta gloire? Car pour moi, elle est ténèbres. Et je peux juger entre toi et Dieu…

Moïse 1:16. Retire-toi, Satan, ne me trompe pas…
Moïse 1:18… sa gloire a été sur moi, c'est pourquoi je peux juger entre lui et toi. Retire-toi, Satan!
Moïse 1:19. Et maintenant, lorsque Moïse eut dit ces paroles, Satan cria d'une voix forte, tempêta sur la terre et commanda, disant: Je suis le Fils unique, adore-moi!
Livre d’Adam (Migne, Dict. des Apocr. 1:170). Après le départ de l’Ange de Vie… Énoch se leva, joyeux, revêtu de gloire pour prêcher au monde. Mais les sept planètes conspirèrent contre leurs frères et annoncèrent que la véritable gloire était seulement une ruse, s’écriant : Ils ont volé notre gloire ! Ils ont jeté tous les éléments dans la confusion.

Anthologie Falasha, 100. [Abraham :] Je ne sais pas si tu es un grand ange… dans cette gloire, parce que je ne peux voir ta louange. Quand les anges viennent à moi, je me sens fort, et mon âme est fortifiée… mais quand tu es venu, mon âme a été troublée… ma langue est devenue pesante et faible.
Apoc. d’Élie (Aeg. 1960, p.197). Le Fils de la Destruction se montrera et dira : Je suis oint ! bien qu’il ne le soit pas. Ne le croyez pas [Ephraïm Syriaque 9. Il fera certainement tous les signes que notre Seigneur accomplit dans le monde. Cependant il ne ressuscitera pas les morts, parce qu’il n’a pas de pouvoir sur les esprits.]
Moïse 1:20. Et… Moïse commença à éprouver une crainte extrême; et comme il commençait à éprouver de la crainte, il vit l'amertume de l'enfer. Néanmoins… il commanda, disant: Éloigne-toi de moi, Satan, car je n'adorerai que le seul Dieu qui est le Dieu de gloire.

Moïse 1:22. Et… avec des pleurs, des gémissements et des grincements de dents… il [Satan] se retira.

Moïse 1:25. Et, invoquant le nom de Dieu, il [Moïse] vit de nouveau sa gloire, car elle était sur lui.
Gizeh 13. Mais Énoch (manuscrit très confus) dit à Azaël : Va-t’en ! Éloigne-toi [parerou], il n’y a pas de paix en toi ! Une grande offense (krima) est sortie de toi… 2. Je ne te retiens plus ni ne discute avec toi à cause de ta tromperie et de tes œuvres mauvaises. 3. Alors allant parmi eux [le peuple], je [Énoch] leur dis tout et ils furent tous effrayés et ils furent saisis d’une grande crainte et d’un fort tremblement.

Zech. 3:2. Et le Seigneur dit à Satan : Le Seigneur te réprimande, Ô Satan… 4. Ôte les vêtements souillés à [Josué]… Voici… je te vêtirai de vêtements de rechange. 5. …Ils mirent une belle mitre sur sa tête et le vêtirent de vêtements. Et l’Ange du Seigneur était présent.
Apoc. d’Abr. 12. (les anges emmènent Abraham sur le sommet du mont Horeb) 13:7. [l’ange :] Celui-ci que tu vois, c’est l’impiété, c’est l’ange [déchu] Azazel [Satan]. 8. Alors il lui dit : Honte à toi Azazel ! 9. Car le lot d’Abraham est dans les cieux, mais le tien est sur la terre, 10. que tu as choisie pour demeure… 13:14. Éloigne-toi de cet homme… 15. car voici, son vêtement [de gloire] qui était autrefois le tien dans les cieux est maintenant mis de côté pour lui et la corruption qui est la sienne passera sur toi !
1 Én. 63:7. Les rois de la terre disent : Nous n’avons pas cru avant lui ni glorifié le nom du Seigneur des esprits… mais notre espérance était dans le sceptre de notre royauté et dans notre gloire. 8. Et au jour de la souffrance et des tribulations, il ne nous sauve pas.




Les fidèles ne peuvent échapper à la vision cosmique des choses, parce que c’est la création qui déclare la gloire de Dieu :


Moïse 6:63. Toutes choses sont créées et faites pour rendre témoignage de moi… tout rend témoignage de moi. 1 Én. 69:21. Les étoiles… les vents, les éclairs et tous ceux-ci croient et rendent grâce devant le Seigneur des esprits et le glorifient de tout leur pouvoir.
Moïse 7:28. Et Hénoc en rendit témoignage, disant:... 30. S'il était possible à l'homme de compter les particules de la terre… ce ne serait même pas le commencement du nombre de tes créations. Secrets 9.
Et sans me reposer, j’écrivis tous les signes de la création.


Secrets 10. Et le Seigneur appela Berebel [Brabeusel, Toth]… qui était habile à écrire toutes les œuvres du Seigneur. Et le Seigneur dit à Berebel : Prends un livre dans le dépôt [khranilnitz) et donne un roseau à Énoch, et explique-lui et dicte-lui les livres. [Ainsi, l’ange enseigna à Énoch] toutes les œuvres [actions] des cieux, de la terre, de la mer et de tous les éléments, des périodes de temps, les commandements et les instructions… pendant que j’écrivais tous les signes [znamienia, semeia = notes]. Ainsi il écrivit les 360 livres de la création.

Jubilés 2:1. L’Ange de la Présence parla à Moïse selon la parole du Seigneur, disant : Écris l’histoire complète de la Création.
Jubilés 4:17. Énoch fut le premier parmi les hommes qui sont sur la terre qui apprit l’écriture, la science et la sagesse, et qui écrivit les signes du ciel. [Le texte grec ajoute : « et l’arithmétique, et la géométrie, et toute la Sophia. »]


La Création est présentée comme un processus évolutif universel :


Moïse 1:37. Les cieux… l'homme ne peut les compter… Moïse 1:38. Et lorsqu'une terre et ses cieux passeront, une autre viendra. Et il n'y a pas de fin à mes œuvres. Zohar iii 61a, b (Brody). [366] Nous avons appris ceci : Avant de créer ce monde, le Saint avait créé des mondes et les avait détruits.


La création en tant que processus est soulignée par la fréquence du mot création au pluriel, ordinairement en proclamant la grandeur et la majesté de Dieu : « … Des millions de terres comme celle-ci, ce ne serait même pas le commencement du nombre de tes créations » (Moïse 7:30), « tu as pris Sion dans ton sein, d’entre toutes tes créations » (Moïse 7:31). « Je peux étendre les mains et tenir toutes les créations que j’ai faites. Mon œil peut aussi les percer » (Moïse 7:36). « Toutes les créations de Dieu se lamentèrent » (Moïse 7:56) ; « Sion… sortira de toutes les créations que j’ai faites » (Moïse 7:64). De tels passages impliquent clairement que la création est un processus perpétuel.


Moïse 1:38. Et lorsqu'une terre et ses cieux passeront, une autre viendra. Et il n'y a pas de fin à mes œuvres. Bin Gorion 1:286. Sept mondes imparfaits ont été détruits à cause de l’iniquité.
1:59. « Il y a 18 000 mondes connus seulement de Dieu. »

Migne, Livre d’Adam, dans Dict. des Apocr. 1:225. La durée de vie de chaque planète est différente : le feu et l’eau forment des cercles autour des 18 000 mondes.



Cette même idée se retrouve dans les Secrets d’Énoch II (Charles, Apoc. and Pseud. 2:436), où les corps célestes dans « leurs mouvements successifs » sont « toujours allant et venant, n’ayant de repos ni le jour ni la nuit. Ainsi (id. 16) « le soleil est une grande création dont le circuit dure 28 ans et recommence depuis le début. » « Écoute Énoch… à aucun de mes Anges, je n’ai dit… ni leur naissance ni mon royaume infini et ils n’ont pas non plus compris mon acte créateur que je te dis aujourd’hui. » (id. 24) « La lumière est née de la lumière, une grande époque est apparue et a montré toute la création » ( id. 25). « Je veux créer un autre monde… [id. 31]… et il n’y a pas de conseiller ni d’héritier pour mes créations » (id. 33). Dans le manuscrit R chapitre 10 de l’Énoch slave, il voit « les échanges de tous les éléments et leur progression, et leur façon de changer selon les signes du Zodiaque et la progression de leurs changements », etc.

L’idée de la création en tant que processus en cours impliquant de nombreux participants était, bien entendu, offensante pour les docteurs avec leur obsession moniste. « Le Midrash n’en finit pas de se demander, écrit E. Hahn, pourquoi il a fallu six jours et dix paroles à Dieu pour créer le monde, alors qu’un seul geste aurait suffi » [367]. C’est ainsi qu’on a réduit au silence le vieil enseignement de la création en tant que processus.

Une idée tout aussi offensante était celle d’une pluralité de mondes parce qu’elle allait à l’encontre d’un enseignement de base d’Aristote et la preuve du bon sens que ce monde, étant le plus lourd, doit nécessairement être au centre de tout et l’humanité le seul animal rationnel, non seulement sur terre, mais aussi dans toute l’immensité de l’univers. L’idée de « millions de terres comme celle-ci » était tout à fait impensable, voire même comique. « Puisque Dieu n’avait même pas besoin de ce monde », comme le vociférait Jonathan Edwards, «  pourquoi veut-il en créer encore plus ? ». Puisque la totalité du bien est atteinte une fois pour toutes en Dieu », disait l’argument officiel, « … Dieu n’a pas besoin d’un monde et y est indifférent et à tout ce qui s’y passe. » [368] Chez Énoch, c’est tout le contraire :


Moïse 7:30. Et s'il était possible à l'homme de compter les particules de la terre, oui, des millions de terres comme celle-ci, ce ne serait même pas le commencement du nombre de tes créations. Mishna ha-Zohar 1:127 et suiv. [369] Les créations de Dieu sont « en sof », sans fin.
Moïse 1:37. Les cieux [galaxies] sont nombreux, et l'homme ne peut les compter. Apocr. de Jacques 1:27 et suiv.
Les cieux ne peuvent être dénombrés par l’homme.
Moïse 1:33. J'ai créé des mondes sans nombre. Bin Gorion, Sagen der Juden 1:59. Les cieux sont innombrables et chacune des voûtes est comme un monde indépendant qui, à son tour, contient mille autres mondes.

Beraika folio 54.a. Les Minoëns insensés croient que ceci est le seul monde existant ! En réalité il y a des mondes sans nombre.
Slave 13. Maintenant donc mes enfants, je connais toutes choses… j’ai écrit sur les extrémités des cieux et ce qu’ils contiennent. J’ai mesuré les mouvements de leurs multitudes. J’ai complété le compte des étoiles, une vaste multitude sans nombre… Nul ne peut concevoir leurs révolutions [ou orbites] ; les anges eux-mêmes ne connaissent pas leur nombre.


Secrets 40:2. J’ai mesuré et décrit les étoiles, leur innombrable multitude. 3. Même les anges ne voient pas leur nombre.



Avec tout ce pluralisme, on ne nous laisse jamais oublier que « du début jusqu’à la fin, une unique intelligence domine la totalité de ce complexe illimité », puisque tous reçoivent les instructions et leur inspiration d’une source unique [370].


Moïse 1:35. Mais je te parle seulement de cette terre et de ses habitants. Car voici, il y a beaucoup de mondes qui ont passé par la parole de mon pouvoir. Et il y en a beaucoup qui existent maintenant, et ils sont innombrables pour l'homme, mais toutes choses me sont comptées, car elles sont miennes et je les connais. Moïse 1:37. Les cieux… l'homme ne peut les compter; mais ils me sont comptés, car ils sont miens.
Moïse 7:30. … des millions de terres comme celle-ci… et cependant tu es là, et ton sein est là.




Moïse 7:36 C'est pourquoi, je peux étendre les mains et tenir toutes les créations que j'ai faites. Mon œil peut aussi les percer.

Gizeh 9:4 (trois versions). Car tu les as tous faits et tu as toute autorité [exousian], et tout apparaît devant toi et est clairement révélé [akalypta] et tu vois tout.

1 Én. 84:3. Tu as fait et gouvernes toutes choses… la sagesse ne quitte pas le lieu de ton trône ni ne se détourne de ta présence et tu connais et entends toute chose.

1 Én. 39:11. Et devant lui, il n’y a point de fin, avant que le monde ne soit créé, il sait ce qu’il est, ainsi que ce qui se passera de génération en génération.

Orig. Patrol. Graec. 11:409. Il a créé toute chose conformément au nombre et à la mesure, parce que pour Dieu, rien n’est sans limite ni mesure, puisque par son esprit il comprend toute chose.

Clém. d’Alex., Patrol. Graec. 9:72 et suiv. Psaume 18:2 parle de la pluralité des cieux, où même les démons reconnaissent tous que le Christ est le Seigneur. L’enseignement provient d’Énoch.
Moïse 6:61. … le Consolateur… [qui] donne la vie à tout, ce qui connaît tout et a tout pouvoir… Clément cite Daniel qui lui-même cite Énoch : Et je vis toute substance. Car l’abîme, qui est illimité, entre dans la même hypostase [définition], [comme la matière], étant limité et contrôlé par le pouvoir de Dieu.


Un des enseignements les plus remarquables du livre d’Énoch de Joseph Smith tel qu’on le trouve dans le livre de Moïse de la Perle de Grand Prix est la doctrine de la création spirituelle de toutes choses, qui a précédé la création de cette terre. Ce qui est significatif, c’est que ce point de doctrine trouve son soutien le plus complet dans le texte slave d’Énoch et ne se trouve pas dans le texte de l’Énoch éthiopien :


Moïse 3:5. Car moi, le Seigneur Dieu, je créai spirituellement toutes les choses… avant qu'elles fussent naturellement sur… la terre…

Moïse 3:7. Et l'homme devint un être vivant… Néanmoins, toutes les choses avaient été créées auparavant; mais c'est spirituellement qu'elles avaient été créées.



Moïse 6:51. Je suis Dieu; j'ai fait le monde, et les hommes avant qu'ils ne fussent dans la chair.


Moïse 6:44. La terre… son fondement… c'est lui qui l'a posé, et il a fait venir une multitude d'hommes à sa surface.
Secrets 18. Et Énoch répondit au peuple, disant : Écoutez, mes enfants ! Avant que quoi que ce soit ne fût [prezhdye dazhe vssya nye byila] et avant que toute la création n’eût lieu, le Seigneur établit l’Ère de la Création [n. 2, Adoil], et après cela il fit toute la Création visible et invisible, et après tout cela, il créa l’homme à son image. Il lui donna des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un cœur pour penser, un esprit pour conseiller ; et alors il prépara les temps et les lieux fixés. 13. Je vous jure, mes enfants… qu’avant que l’homme ne soit dans le sein de sa mère, nous étions préparés, chacun individuellement, et une place pour chaque esprit… et que chacun devait séjourner [ici] en son propre temps, afin que l’homme puisse par là être pesé dans la balance. Oui, mes enfants… il a été préparé à l’avance une place pour chaque âme.
Moïse 6:45-46.  Nous ne pouvons… nier… car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous. Et j’ai mis par écrit l’œuvre de chaque homme et aucune personne vivante ne peut se cacher ou dissimuler ses œuvres.

Secrets, ms. R. ch. 11. J’ai créé l’homme avec une nature à la fois visible et invisible ; et la raison a reconnu son image comme étant une création autre et moindre au-dedans de la plus grande et inversement, la plus grande contenait la moindre. [Considérant l’esprit et le corps comme deux créations distinctes.]

Bin Gorion 1:281. « Le monde a été créé en deux étapes, la première étant une création spirituelle. »

Secrets 24:4. Avant que toutes les choses ne soient visibles, J’ [Dieu] avais l’habitude d’aller seul parmi les choses invisibles… 5. Et je conçus la pensée de placer des fondations et de créer une création visible.

Secrets 9. Alors l’ange Braboil dit : Assieds-toi et écris tous les esprits des hommes, tous ceux qui ne sont pas encore nés et les lieux qui ont été préparés pour eux. Toutes ces choses ont été préparées dès avant la fondation du monde.


Zohar iii:61 s-b Brody : « Et tout ce qui se trouve dans ce monde a été avant et est passé devant lui et a été arrangé [organisé] devant lui… toutes les créations du monde qui ont existé dans chaque génération, avant qu’elles ne viennent dans ce monde, ont existé devant lui dans leur véritable forme [d’yaqnah], à savoir toutes les âmes des enfants des hommes ont été avant de descendre dans le monde, ont été toutes formées devant lui, dans les cieux, dans la ressemblance même qu’elles ont dans ce monde.


Le conseil dans les cieux décrit au quatrième chapitre de Moïse se retrouve dans la section d’Énoch, confirmé par d’autres textes énochiens :


Moïse 6:51. Je suis Dieu; j'ai fait le monde, et les hommes avant qu'ils ne fussent dans la chair. Moïse 6:52. … Si tu veux te tourner vers moi… [en son] nom… tout ce que tu demanderas te sera donné. Moïse 6:57…. Le nom de son Fils unique est le Fils de l'Homme. Moïse 6:62. … Tel est le plan de salut pour tous les hommes, par le sang de mon Fils unique, qui viendra au midi du temps.
Én. slave 11. Énoch alla vers le Seigneur, qui lui enseigna tout sur la Création de ses œuvres… Il vit la matière non organisée avant la Création… le Conseil dans les cieux… Il vit Satan Arouchaz aspirer et être chassé pour devenir le fondement des choses inférieures, au-delà desquelles il y a les ténèbres profondes et le néant.

1 Én. 48:2. Et à ce moment, le Fils de l’Homme fut nommé en la présence du Seigneur des esprits… 3. Oui, et avant que les signes fussent créés, son nom fut prononcé devant le Seigneur des esprits. 4. Il sera un bâton pour les justes afin qu’ils puissent s’appuyer sur lui et ne pas tomber. 5. Tous ceux qui habitent sur la terre se prosterneront et l’adoreront.

BHM 5:174 (S. Ha-Yashar). [Les anges :] Dieu, notre Seigneur de l’Univers ! Ce n’est pas bien ce que les Premiers disent devant toi. Ne créeras-tu plus jamais Adam ? [Dieu répond :] J’ai fait et je supprime, je suis longanime et je délivre ! Et immédiatement, ils me virent [Énoch] et ils dirent devant sa face : Quel est le mérite de celui-ci, pour qu’il puisse monter aux sommets les plus élevés ?


Une partie peu connue de l’histoire de la création est le grand Cantique de la Création chanté dans la grande assemblée. Nous l’entendons se répercuter dans la déclaration d’Énoch : « Toutes choses sont créées et faites pour rendre témoignage de moi » (Moïse 6:63). « À l’aube, dit l’Énoch slave, les éléments chantent le Cantique de la Création et tous les oiseaux chantent et celui qui donne la lumière arrive et donne la lumière à sa création » car le cantique du matin est le Cantique de la Création. (Job 38:7, IQS Manuel de Discipline pl.10). Énoch s’y joint avec un « Saint, saint, saint ! est le Seigneur des esprits : il remplit la terre d’esprits. » (1 Én. 39:12) Une vision est donnée par Dieu à Énoch (Secrets 31:1) : « Je lui ouvris les cieux, afin qu’il puisse voir les cieux chanter le chant de la victoire et la nuit sans ténèbres » ou, comme le dit le texte de Gizeh : « Une vision du Saint dans les cieux. Il me montra et j’entendis les saintes acclamations à son intention et en entendant, je compris également tout en le voyant. » Un fragment des manuscrits de la mer Morte montre clairement que l’acclamation est répétée dans l’Énoch de Joseph Smith :


Moïse 7:31. … d'entre toutes tes créations, de… toute éternité; rien d'autre que la paix, la justice et la vérité n'est la demeure de ton trône; la miséricorde ira devant ta face et n'aura pas de fin… 11 Q Psa Créat. La grâce et la vérité entourent sa présence ; la vérité et la justice sont les fondements de son trône… Par la connaissance de son esprit, il a apporté l’aube et tous les anges qui ont vu cela se passer ont chanté à haute voix. Car il leur a montré ce qu’ils n’avaient pas connu.
Apoc. Abr. 17:14. O lumière, qui as brillé avant que la lumière du matin apparaisse à ta création… 15. Dans ta demeure céleste, il n’est pas besoin d’autre lumière.


Dans la création toujours en cours, l’établissement de nouveaux mondes est accompagné ou représenté par une fermeture de rideaux. Apparemment ceux-ci maintiennent chaque monde dans ses relations propres avec les autres. Une affirmation courante dans la littérature apocalyptique est que Dieu lui-même est nécessairement caché au regard par un voile, tout comme par la nuée sur la Montagne de la Transfiguration.


Moïse 7:30. Des millions de terres comme celle-ci, ce ne serait même pas le commencement du nombre de tes créations; tes rideaux sont encore étendus. Clém. d’Alex. (Patrol. Graec.) 9:677. Ce lieu lui-même est un lieu de feu [embrasements éternels). C’est pourquoi on dit qu’il a un voile, de crainte que les choses soient consumées en Le voyant. Seul l’Archange peut entrer en sa présence, et c’est en symbole de cela que les grands prêtres entraient une fois l’an dans le Saint des Saints.

T.U. 8:368. Le topos de Jeu, où Jeu, « le Père du Trésor de la lumière » règne comme « Roi du Trésor de la Lumière » est séparé de tous les autres êtres par un voile (katape-tasma).
Évang. de Phil. 132:23 « Le voile dissimulait d’abord la façon dont Dieu gouvernait la Création, mais quand le voile sera déchiré [nous saurons]. 133:14. Si certains sont de la tribu de la Prêtrise, ceux-là seront capables d’aller à l’intérieur du voile avec les grands prêtres.
1 Jeu 39. À cet endroit, les Veilleurs écartent les voiles et vous entrez dans la présence du Père, qui vous donne son nom et son sceau.


La raison pour laquelle il y a de nombreux rideaux est qu’il faut impartir à chaque monde la lumière qu’il est prêt à recevoir. Quand Moïse pose la question des autres mondes, le Seigneur l’informe qu’il ne peut pas en recevoir la connaissance maintenant et Moïse consent à se satisfaire de la connaissance : « de cette terre et de ses habitants, ainsi que des cieux, et alors ton serviteur sera satisfait » (Moïse 1:36). De nombreux documents anciens attestent l’existence de ces rideaux :


« Et toutes les puissances de l’univers [pleroma] chantèrent un grand cantique de louanges et il reçut le cantique [de la création] et fit un voile pour leurs mondes, les entourant comme d’un mur » (2, œuvre gnostique 47a).
« Et le mystère sait… pourquoi les étoiles… et les disques des donneurs de lumière sont apparus et pourquoi le firmament est a pris naissance avec tous ses voiles » (Pistis Sophia, 214, 213).
« Le monde est un système de coques, de voiles ou de vêtements concentriques, chacun un hékal ou palais ou salle du temple. L’homme est organisé selon les mêmes principes » (L’Hekalot, un terme expliqué dans le Zohar, Ber. 20a, est un vieux livre hébreu d’Énoch.)
« Il y a un endroit d’où tous les éons et tous les mondes tirent leurs origine et leur prototype : un lieu de lumière sans ombre et de joie indescriptible… et il y a un voile entre les mondes » (T.U. 60:116-118)
« Les 24 corps invisibles du ciel sont 10 000 fois plus brillants que le soleil, dont la lumière doit passer à travers plusieurs voiles pour nous atteindre, de sorte que nous ne le voyons pas tel qu’il est réellement » (Pistis Sophia 84:183-184)
« [Si] le Gardien de la terre habitée [n’étendait pas ses ailes pour absorber les rayons ignés du soleil] le genre humain ne pourrait survivre, ni aucune autre forme de vie. » (Apoc. Baruch [3] 6:3, 5)
« Le feu et l’eau forment un cercle autour des 18 000 mondes [faisant d’eux un symbole d’unité]… Au-dessus du voile sont les cieux » (pour « cieux » lire « feu et eau », le nuage qui enveloppe ; N. Sed. REJ 124:75, 39)



Douzième partie

(Ensign, juin 1977)



Note de l’éditeur : L’iniquité délibérée du peuple de l’époque d’Énoch créa une agitation morale qui se refléta dans une nature chaotique : tremblements de terre, raz de marée, cataclysmes cosmiques. Sur ce fond tumultueux se détache l’imposante figure d’Énoch, le prophète, qui détenait les clés d’une dispensation et qui sonda les mystères de Dieu à travers ses visions de la création, de la destinée de l’homme et de la mission du Sauveur. La ville d’Énoch est issue de la puissance de cette foi et de cette vision, société qui réalisa le rêve apparemment impossible d’être vraiment juste, vraiment pacifique. Dans son exploit et son enlèvement, elle a planté les germes de l’espérance pour les sociétés justes qui l’ont suivie, y compris notre propre génération.

Dans cette section, frère Nibley conclut d’abord son traitement du voile, puis il utilise les sources scripturaires du livre de Moïse et les mentions non scripturaires d’auteurs apocryphes de textes qui n’étaient pas accessibles à Joseph Smith pour nous donner une image très intéressante de la ville sainte d’Énoch.

Lieu de mise à l’épreuve, ce monde doit être isolé à la fois en tant que lieu de test et de mise en quarantaine pour éviter d’en contaminer d’autres. (2 Néphi 2:21)


Moïse 7:36. Parmi toute l'œuvre de mes mains, il n'y a pas eu de méchanceté aussi grande que parmi tes frères.

Sophia ChristI 118-119 Il a créé le voile [rideau, katapetasma] entre ce qui est impérissable et ceux qui ont pris naissance plus tard, de sorte que ce qui est mis à part [marqué, compté] pour entrer dans l’existence puisse venir après toutes les autres générations et le chaos [originel], afin que cette chair puisse être éprouvée [dans la lutte] contre l’erreur. Mais ceux-ci formaient un voile d’esprit.
120 [La lumière atteint] tous les habitants du monde du chaos… afin qu’il puisse disposer les voiles qui étaient là dans leur ordre propre (hormazein).
T.U. 8:402 [Jeu :] Le Firmament est équipé de voiles et de portes qui sont gardés. Ils sont très retirés du monde dans lequel les hommes demeurent.
Hypostase des Archons 142:9 Il existe un rideau entre les aeons supérieurs et inférieurs. Et il y a une ombre au-dessous de ce rideau d’où est sortie la matière lors de la Création.
Moïse 1:35. Mais je te parle seulement de cette terre. 4 Esdras 2:21 Les habitants de la terre ne peuvent comprendre que ce qui est sur la terre et ceux qui sont dans les cieux que ce qui est au-dessus de la hauteur céleste.
Livre d’Adam (Migne, D. A. 1:185) Il y a des rideaux et des voiles, une infranchissable barrière de feu ardent, entre les créatures de l’ordre céleste et celles du second état.
Apocryphe de Jean 1:58. Le profond sommeil d’Adam était dû en réalité à l’installation d’un voile entre lui et sa connaissance précédente. 59 Le voile ôta la mémoire à Adam, comme s’il avait été drogué. 60 Son esprit étant séparé par un voile de ce qui se passe réellement dans l’univers.


Quand Moïse et Énoch se risquent à demander ce qu’il y a au-delà de leur voile, ils sont sévèrement réprimandés. Vouloir tout savoir en une seule leçon est une faiblesse humaine qu’il ne faut pas encourager. C’est trop facile de demander le pourquoi de tout comme le font les petits enfants. Mais Dieu sait que nous n’y sommes pas préparés.


Moïse 1:30 Dis-moi, je te prie, pourquoi ces choses sont ainsi, et par quoi tu les a faites. Moïse 1:31… Et le Seigneur Dieu dit à Moïse: J'ai fait ces choses dans un dessein qui m'est propre. Il y a là de la sagesse, et elle demeure en moi. Secrets 11. Et maintenant, Énoch, tout ce que je t’ai expliqué et tout ce que tu as vu sur la terre, et tout ce que j’ai organisé et fait… Il n’y a eu ni conseiller, ni assistant. C’est moi seul… qui ai été mon propre conseiller.
Moïse 1:32. Et je les ai créées par la parole de mon pouvoir…
Moïse 1:33 Et j'ai créé des mondes sans nombre; et je les ai également créés dans un dessein qui m'est propre, et je les ai créés par le Fils, qui est mon Fils unique.
Et c’est par ma parole que cela à été réalisé, et mon œil a tout vu.
Secrets 24:3 Écoute, Énoch, car je n’ai pas dit mon secret à mes anges…. et ils n’ont pas non plus compris ma création, ce que je t’explique aujourd’hui. 4. Car… j’avais l’habitude d’aller seul parmi les choses invisibles….5. Et j’ai conçu la pensée de poser des fondations et de créer une création visible.
Slave 11:h.15 Il n’a demandé aucun conseil, son œuvre a tout exécuté, exactement comme son esprit a tout conçu. [Vaillant n. 14 a trait à la version grecque, pas logos autou ergon.]
1 Énoch 14:22 Dix mille fois dix mille [se tenaient] devant lui, et cependant il n’avait pas besoin de conseiller.
Secrets 25:3 Et moi [Dieu] j’étais au milieu de la grande lumière et comme la lumière naît de la lumière, il parut un grand aeon et montra toute la création que j’avais dans l’esprit de créer. Et je vis que c’était bon. 4. Et je plaçai pour moi-même un trône et j’y pris place.
Slave 11 Et maintenant, Énoch, tout ce que je t’ai expliqué et tout ce que tu as vu sur la terre, et tout ce que tu as écrit dans tes livres, c’est par ma sagesse que j’ai organisé et fait tout cela… Il n’y a pas eu de conseiller, ni de continuateur, c’est moi seul…. qui ai été mon unique conseiller… et c’est par ma parole que cela a été réalisé [litt. « la chose a été ma parole »] et mes yeux ont tout vu. [Voir F. Lachover & I. Tishby, The Wisdom of the Zohar (Jérusalem, Fondation Byalik 1971, 1:127 et suiv. sur le fait que Dieu seul conçoit ses « œuvres sans fin »].



La Sion d’Énoch

Énoch n’était bien entendu pas le seul à prêcher la justice dans sa dispensation et, comme les autres, il rencontra la perplexité, la crainte, le ressentiment et un certain succès. Le peuple commença non seulement à le craindre, mais aussi à le croire « parce qu’il marchait avec Dieu ». Certains des récits disent que « tout le peuple » ou « tout le monde » alla après Énoch, exactement comme nous lisons que « tout le pays de Judée » suivait Jean-Baptiste dans le désert pour être baptisé (Marc 1:5). Il devient vite clair dans ces deux cas que ceci est une façon de parler. Seul un nombre restreint a suivi ces meneurs jusqu’au bout.


Moïse 6:23 Et ils étaient des prédicateurs de justice… et appelaient tous les hommes de partout à se repentir. Et la foi était enseignée aux enfants des hommes
Moïse 6:26 Et [tandis] qu'Hénoc voyagea[it] parmi le peuple]… l'Esprit de Dieu… demeura sur lui.
Moïse 6:38 Et ils vinrent l'écouter… disant… nous allons là-bas voir le voyant.
Moïse 6:39 Et… lorsqu'ils l'entendirent… la crainte envahissait tous ceux qui l'entendaient, car il marchait avec Dieu.
BHM. 4:129 (« Vie d’Énoch »). Et tout le peuple s’assembla autour d’Énoch pour entendre cette chose. Et Énoch enseigna aux enfants des hommes la voie de Dieu… Et l’Esprit de Dieu était sur Énoch, et il enseigna à tout son peuple la sagesse de Dieu et ses voies. 130… Et tout le peuple était étonné et en admiration devant sa sagesse et sa connaissance et se prosterna à terre devant lui. 131… Et tout le peuple s’assembla autour d’Énoch…. et il leur enseigna à nouveau à garder les voies du Seigneur et leur donna à tous sa paix [etc., etc.])









Moïse 6:54 C'est de là que le bruit se répandit parmi le peuple que le Fils de Dieu a expié la faute originelle.
Secrets 16 (Vaillant). Quand Énoch eut parlé à ses enfants et aux princes, alors tout le monde dans le voisinage entendit que le Seigneur avait appelé Énoch et ils se rassemblèrent au nombre de 2000 hommes, et ils vinrent à Azouchan [ou Achuzan] où étaient Énoch et ses fils et les anciens du peuple et le saluèrent : Béni du Seigneur… bénis maintenant ton peuple et glorifie-nous à la face du Seigneur, parce que le Seigneur t’a choisi pour te placer comme quelqu’un qui ôte nos péchés [371].
Ms. R : Parce que le Seigneur t’a choisi avant tout autre homme sur la terre… pour t’établir comme quelqu’un qui ôte les péchés des hommes, et comme secours [sauveur] pour le peuple de la maison.
Moïse 6:36… et c'est à partir de ce moment-là que le bruit se répandit dans le pays: Le Seigneur a suscité un voyant à son peuple.

BHM 4:129… et le bruit courut dans toutes les régions des enfants d’Adam : Qui est l’homme qui désire connaître les voies du Seigneur et les bonnes œuvres ? Qu’il aille vers Énoch ! [372]



L’image de deux mille hommes venant reconnaître et acclamer Énoch à l’endroit où lui « et ses fils et les anciens du peuple » étaient fait penser au noyau modeste d’une organisation. Leur rassemblement est la première étape d’un long processus de retraite hors d’un monde inique. Énoch lui-même s’était déjà retiré, puis était revenu. Il rejoint en ceci Adam, Abraham, Job, les douze Patriarches et Moïse, tous hommes dont les « Testaments » apocryphes disent comment le héros est d’abord enlevé au ciel dans une vision, puis revient et décrit la vision à sa famille et à ses disciples et finit par s’en aller définitivement. La succession de ces morts héroïques évoluera plus tard pour devenir un genre littéraire dans lequel les moines scribes s’étendent avec une fascination et une consternation morbides sur les terreurs de la mort. Le départ d’Énoch est indéniablement celui qui est le plus spectaculaire, donnant le ton pour les chars de feu et tous ceux qui seront enlevés au ciel plus tard. En même temps, c’est le plus sobre et le plus « scientifique », à l’exception de la version de Joseph Smith à laquelle nous allons bientôt arriver. Les sources juives parlent du départ d’Énoch avec son peuple du point de vue du monde, de ceux qui restent sur la terre :

« À cette époque, les enfants des hommes s’assirent devant Énoch et il leur parla. Et ils levèrent les yeux et virent quelque chose comme un grand cheval descendre du ciel, et le cheval se déplaçait dans l’air [le vent] jusqu’au sol. Et ils dirent à Énoch ce qu’ils avaient vu. Et Énoch leur dit : ‘Ce cheval est descendu sur la terre pour me prendre ; le temps et le jour sont proches où je dois vous quitter et ne plus apparaître parmi vous.’ Et à cet instant le cheval descendit et se tint devant Énoch, et tout le peuple qui était avec Énoch le vit. Alors Énoch s’avança et il lui parvint une voix qui disait : ‘Qui est l’homme qui se réjouit dans la connaissance des voies du Seigneur Dieu ? Qu’il vienne en ce jour à Énoch avant qu’il ne nous soit enlevé.’ Et tout le peuple se rassembla et vint vers Énoch en ce jour… Et après cela il monta et chevaucha le cheval et se mit en route, et tout le peuple s’avança et le suivit au nombre de 800 000 hommes. Et ils allèrent avec lui pendant une journée de voyage. Et voici, le deuxième jour, il leur dit : ‘Retournez et cessez de me suivre de crainte que vous ne mourriez.’ Mais aucun d’eux ne revint sur ses pas et tous l’accompagnèrent. Et le sixième jour, le nombre des personnes s’était agrandi et elles restaient avec lui. Et elles lui dirent : ‘Nous irons avec toi là où tu vas. Comme le Seigneur vit, seule la mort nous séparera de toi !’ Et il arriva qu’ils prirent courage et allèrent avec lui et personne ne retourna sur ses pas. Et il cessa alors de leur adresser des remontrances. Et les rois qui revinrent ordonnèrent qu’un recensement soit fait de tout le reste des hommes qui étaient allés avec Énoch. Et ceci se passa le septième jour et Énoch fut enlevé dans une tempête [tourbillon] des cieux avec des chevaux de feu et des chars de feu. Et le huitième jour, tous les rois qui avaient été avec Énoch envoyèrent [des messagers] pour enregistrer le nombre des hommes qui étaient restés en arrière avec lui [quand les rois l’avaient quitté] à l’endroit d’où il était monté au ciel. Et tous les rois se rendirent à cet endroit et trouvèrent tout le sol recouvert de neige et sur cette neige, d’énormes blocs [pierres] de neige. Et ils se dirent les uns aux autres : ‘Venez, creusons la neige ici pour voir si le peuple qui est resté avec Énoch est mort sous les amas de neige.’ Et ils recherchèrent Énoch et ne le trouvèrent pas parce qu’il était monté au ciel. » (Vie d’Énoch BHM 4:131)

Ce qui rend cette histoire si remarquable, c’est l’association avec d’autres ascensions. Les parallèles avec Élie sont évidents, jusqu’au groupe de chercheurs envoyé par Élisée (voir 2 Rois 2:11-18). Adam, Moïse et d’autres hommes dignes ont été mystérieusement enlevés à différents moments de leur mission (Moïse 6:64 ; 1:1 ; 7:27). Le prophète Baruch, dans un récit publié pour la première fois en 1866, assembla son peuple, lui recommanda de se souvenir de Sion puisque « elle doit être renouvelée en gloire….quand le Puissant renouvellera sa création » et nomma sept anciens pour garder le peuple qui demeure jusqu’à ce que vienne « le nouveau monde qui ne transforme pas en corruption ceux qui partent vers son état béni… Car ils demeureront sur les hauteurs de ce monde. Et ils seront rendus semblables aux anges, avec une excellence surpassant celle des anges » (2 Baruch 31:1-51).

Les lamentations de son peuple : « En vérité, nous serons laissés dans les ténèbres et il n’y aura pas de lumière pour le peuple qui est resté (v. 46) est un élément standard du départ d’autres prophètes et apôtres (voir l’Assomption de Moïse, chap. 11). Quand le prophète Esdras rassemble son peuple, ce dernier se lamente : « Pourquoi nous délaisses-tu et habites-tu à cet endroit ? Car tu restes seul pour nous de tous les prophètes… comme une lampe dans un lieu de ténèbres. » Esdras le console, pleure la disparition de Sion, a une vision apocalyptique des grandes destructions à venir, puis est « enlevé et emporté à l’endroit où se trouvent ceux qui étaient comme lui, après avoir écrit ces choses. Et il est appelé le Scribe de la Connaissance du Très-Haut [titre également appliqué à Énoch] pour toujours et à jamais. » (4 Esdras 12:20-50).

Un prophète est aussi quelqu’un qui est expérimenté dans le processus du retrait. La version d’Énoch de Joseph Smith, que l’on retrouve dans le livre de Moïse, raconte le retrait d’Énoch en trois étapes. 1) Après son retour, Énoch rassemble ses disciples et les emmène loin d’un monde dangereux dans un lieu sûr dans les montagnes. Le Seigneur combat pour eux, les montagnes s’enfuient, les rivières changent de lit et toutes les nations les craignent. (Voir Moïse 7:13-18). 2) En sécurité, le peuple prospère, bâtissant finalement une ville qui va durer 365 ans (voir Moïse 7:17-20). 3) À la fin, le gouvernement divin, dans sa totalité, doit par nécessité être ôté du monde – c’est soit la bienheureuse Sion ou le monde maudit qui doit partir, et c’est ainsi que « Sion, dans la suite des temps, fut enlevée au ciel » (Moïse 7:21) [373]. Mais qu’est-il arrivé à la Sion terrestre entre les lignes de ces trois brefs versets ?

L’intérêt des saints des derniers jours pour la ville d’Énoch n’est pas seulement littéraire ou même scientifique. Il est historique et prophétique. La ville d’Énoch est quelque chose qui nous concerne beaucoup. Lorsque nous étudions la communauté d’Énoch, un flot de questions persistantes bourdonne en arrière-plan. Devons-nous comprendre toute cette histoire d’une façon littérale et à quel point ? Comment pouvons-nous imaginer les événements presque inimaginables de cette époque lointaine ?

Nous ne pouvons nous dérober à de telles questions puisque nous sommes engagés à former le plus rapidement possible le partenariat le plus étroit possible avec cette société.

Le premier pas dans ce face à face avec la réalité d’Énoch est de se demander ce que, selon les textes que nous avons, la ville d’Énoch est censée avoir été. Les documents anciens, contrairement à une croyance populaire de jadis, n’apparaissent tout simplement pas comme s’ils sortaient d’une imagination orientale débridée, mais, comme le montrent toujours plus clairement des recherches de plus en plus étendues, doivent toujours être considérés comme ayant l’un ou l’autre fond historique réel. Ainsi nous nous demandons, dans quelles circonstances la ville d’Énoch est-elle apparue ? Comment cela s’est-il passé ? Qu’est-elle réellement devenue ? Et que dit le document ?

Toutes les mentions eschatologiques de la Sion d’Énoch dans les Écritures se trouvent dans les Prophètes et les Psaumes de l’Ancien Testament – le Nouveau Testament ne fait que les citer [374]. Dans le livre de Moïse, le mot SION n’apparaît qu’au chapitre 7, où il est cependant cité pas moins de seize fois, ce qui fait de ce chapitre le traité le plus important sur ce sujet. Les savants relèvent depuis longtemps le fait que les prophètes mettent l’accent sur l’aspect moral de Sion, alors que les Psaumes, avec leur imagerie royale et leur cadre rituel archaïque préfèrent l’aspect politique. Pourtant, les deux parlent d’une communauté très terrestre, concrétisée dans les deux cas par l’idée de ramener Sion – reconnaissant que Sion a réellement été sur terre dans le passé et peut de nouveau faire le bonheur des saints dès qu’ils seront disposés à « revenir à la relation originelle avec Yahweh », seule condition pour que « la relation filiale d’Israël avec Dieu puisse être renouvelée et que Dieu… la rétablira dans le futur [375] ». L’image familière de Dieu « reprenant possession de son trône à Jérusalem » en rassemblant « son peuple dispersé de tous les coins de son héritage, à une époque du rassemblement » est ordinairement présentée dans les termes classiques du livre d’Énoch [376] ».

La meilleure nouvelle – en fait la seule nouvelle totalement bonne qui puisse parvenir aux habitants de cette terre d’iniquité – est le retour de Sion pour bénir la terre en lui apportant le seul ordre de société acceptable à Dieu et intégralement bénéfique à l’homme. Sion est toute société dans laquelle la loi céleste est opérationnelle et « bien que nous ne puissions réclamer le droit à ces promesses qui ont été faites aux anciens, parce qu’elles ne sont pas notre propriété », a rappelé le prophète Joseph à son peuple, « … néanmoins, si nous sommes… appelés du même appel…. [et] contractons la même alliance… nous pouvons… obtenir les mêmes promesses…..parce que…..nous-mêmes…. avons la foi….comme ils [l’avaient]. » (Enseignements du Prophète Joseph Smith p. 49-50). Sion est un idéal glorieux, quoique une rare réalité dans l’histoire du monde ; c’est « le Saint Ordre que Dieu a établi pour son peuple à toutes les époques du monde où il a eu un royaume sur la terre. Nous pouvons l’appeler, a dit Brigham Young, l’ordre d’Énoch, l’ordre de Joseph, l’ordre de Pierre ou d’Abraham, ou de Moïse, et remonter jusqu’à Noé…. » qui, naturellement, nous conduit à Énoch ». (Journal of Discourses 17:113)

En fait, il a été dit qu’un état de bonheur peut-être semblable à Sion régnait en Éden lui-même quand Adam suivait fidèlement les instructions de Dieu :
 
« Le Saint de Sion… a établi les fondations d’Adam-ondi-Ahman » (D&A 78:15)

« Le Jardin d’Éden est le Saint des Saints, la demeure du Seigneur… et le mont Sion est le centre ou nombril de la terre. » (Jubilés 8:19)

Bien que le peuple du temps de Moïse ne se soit pas qualifié pour le recevoir, « Dieu lui révéla le modèle de Sion et ses mesures » (2 Baruch 59:4). Selon R.H. Charles, l’Église chrétienne primitive s’était modelée sur la communauté d’Énoch, désignant son dirigeant comme étant Énoch. Les sections sur Sion et la nouvelle Jérusalem dans la littérature énochienne sont, selon Charles, « les plus complètes et les plus cohérentes de toutes les sections [377] » et étaient les grandes favorites de tous ces groupes séparatistes, juifs et chrétiens, qui se refugièrent dans le désert, s’imaginant être les seuls et uniques représentants véritables de l’Église et du royaume d’Énoch sur terre [378]. Minorités persécutées, elles aspiraient à l’époque où elles pourraient se retrouver au grand jour lors du retour glorieux du Seigneur et de la ville d’Énoch. Des passages des Psaumes de Salomon montrant clairement l’association entre les premiers chrétiens et les communautés orientales et de la mer Morte comme Qumran semblent décrire la migration de ces communautés orientales hors de Palestine plus dans le sens de la migration d’Énoch que de celle de Moïse :

« Jérusalem, vois tes enfants rassemblés de l’orient et de l’occident, du septentrion et du midi, et des îles lointaines. Il a humilié et nivelé de hautes montagnes devant eux… » (54:53:11, 5)

« Loin d’eux avaient fui ceux qui aimaient les assemblées des Saints, comme les passereaux s’envolent de leur nid… Et les fontaines perpétuelles étaient contenues (retenues) dans les abysses et les montagnes élevées parce qu’aucune d’elles ne pratiquait la justice… devant sa menace, les païens s’enfuient loin de son visage. Alors il rassemblera le peuple de Dieu… Il purifiera Jérusalem par la sanctification, comme c’était autrefois….le Seigneur (Messie) est son roi. » (60:59:17, 21, 27–28, 33, 36.)

Dans les Psaumes, le couronnement royal tient la place centrale, le roi représentant le Seigneur et le peuple de Sion (voir dans Mosiah 2-5 un rite annuel célèbre dans lequel le roi, bien que faible mortel, joue le rôle de représentant de Dieu). La vertu transcendante d’Énoch le qualifie pour être un chaînon vital dans « l’ordre » du Seigneur lui-même. Comparez ces versets des D&A 76:56-58 avec l’Énoch slave apocryphe.



« Ce sont ceux qui sont prêtres et rois, qui ont reçu de sa plénitude et de sa gloire, et sont prêtres… selon l'ordre de Melchisédek, qui était selon l'ordre d'Hénoc, qui était selon l'ordre du Fils unique. C'est pourquoi, comme il est écrit, ils sont Dieux, oui, les fils de Dieu. » « Et quand tout le peuple des environs apprit que le Seigneur avait choisi Énoch, ils se concertèrent tous disant : Allons et saluons [tsyelyim] Énoch… Et ils saluèrent Énoch, disant : Toi, béni du Seigneur, le Roi des éternités ! Bénis maintenant ton peuple et glorifie-le à la face du Seigneur, parce que le Seigneur t’a placé comme celui qui ôte nos péchés. » (Énoch slav. Vaillant, p. 60 et suiv.)



Selon la Vie d’Énoch hébraïque, les rois de la terre saluent Énoch comme leur chef suprême [379], tandis que le livre de Jasher répète simplement la même histoire, concluant : « Et ils s’assemblèrent en tout, cent trente rois et princes, et ils désignèrent Énoch comme leur roi, et ils étaient tous sous son pouvoir et sous son commandement [380]. » Tout ceci selon un principe qui était tout à fait inconnu il y a seulement quelques dizaines d’années. Comme le dit l’égyptologue J. Zandee : « Non seulement en Israël, mais aussi dans tout le Proche-Orient antique, tous les rois sont des messies. Il n’y a pas de différence entre le Messie eschatologique et le roi régnant en tant que porteur du salut. Le roi est un Dieu… le roi est le fils de Dieu… le roi est comme l’image de Dieu sur terre… le roi apporte la justice à la terre… le roi est le Bon Berger, le roi est l’homme de Sagesse… Le roi est le Grand Prêtre doté de pouvoir… Le Roi est une divinité cosmique [381]. ». Bref, le roi est un Énoch auquel Dieu a promis son propre trône.



Moïse 7:59. Attendu que tu es Dieu, que je te connais… tu m'as fait et que tu m'as donné un droit à ton trône, non par moi-même, mais par ta propre grâce. Hékhalot, dans BHM 5:174 Le Metatron [Énoch] dit : Dieu m’a fait un trône sur le modèle du trône de gloire, et, étant revêtu de gloire [drapé d’une enveloppe de rayonnement] et de lumière [Zohar]… de beauté et de grâce comme le trône de ta gloire… Il me fit asseoir sur ce trône, et un héraut proclamait dans tous les firmaments des firmaments, disant : « Énoch est proclamé Roi divin ! » [175. Il pose une couronne sur sa tête.]
Moïse 7:68. Et tous les jours de Sion, du temps d'Hénoc, furent de trois cent soixante-cinq ans. C’est le modèle du roi annuel dont Énoch est le représentant principal [382].



Par-dessus tout, Sion est la communauté des saints, des Élus, des « cœurs purs », qui sont « d’un seul cœur et d’un seul esprit » de sorte que « il n’y avait pas de pauvres parmi eux » (Moïse 7:18). C’est la Sion vue en vision par les prophètes ; le livre de Moïse, les Doctrine et Alliances et les ouvrages apocryphes l’appellent tous expressément la Sion d’Énoch.



Moïse 7:62. … pour rassembler mes élus… vers… une Ville sainte… attend[ant] le temps de ma venue; car là sera mon tabernacle, et elle sera appelée Sion, une nouvelle Jérusalem... Moïse 7:64 … Sion, qui sortira de toutes les créations que j'ai faites. Gizeh 1:3 C’est au sujet des Élus… reçois ma parabole à leur sujet. Il sortira de sa demeure, le Saint et le Grand. 4. Le Dieu du monde (aeons) marchera sur la terre, sur la Montagne de Sion… Et dans la force de sa puissance, il apparaitra du haut des cieux.
Moïse 7:66 Il [Hénoc] vit de grandes tribulations parmi les méchants. Il vit aussi que la mer était troublée, que le cœur des hommes leur manquait. 5 Et tous seront dans l’épouvante…la crainte et un grand tremblement les saisiront. 6. Les hautes montagnes seront ébranlées… et elles fondront… 7 et la terre se déchirera…
Moïse 7:67 Et il vit le jour des justes, l'heure de la rédemption, et reçut une plénitude de joie. 8. Aux justes la paix sera donnée et sur les élus l’unité de cœur [synteresis] et la paix… Il les bénira tous, et une lumière apparaîtra et brillera et portera la paix parmi eux.

1 Én. 45:4 En ce jour, je ferai habiter mon Élu au milieu d’eux… 5. et je transformerai la terre, et j’en ferai une bénédiction. Et j’y ferais habiter mes Élus….pour qu’ils demeurent devant moi.
51:5 La terre se réjouira et les justes l’habiteront, et les Élus marcheront et se promèneront sur elle.
Én. sl. 17. Et tous les justes qui échapperont au grand jugement s’uniront au Grand siècle… et ils seront éternels. Il n’y aura plus en eux ni fatigue, ni souffrance, ni affliction, ni aucun danger de violence, ni non plus la peur de la nuit, ni des ténèbres, mais ils auront une grande lumière pour toujours… un grand paradis, un lieu de sécurité où ils demeureront pour toujours… et leur visage brillera comme le Soleil !



Les écrits mandéens comparent Sion à des « firmaments, habitations, monde et Jourdains » célestes, donnant les descriptions les plus frappantes et les plus attrayantes de lieux aussi saints dont, disent-ils, ne jouiront que les « esprits des bonnes personnes… les sages et les prudentes des familles d’Abel, de Seth et d’Énoch ». Les saints y vivent sans discorde et sans dissension ; ce sont des êtres angéliques, sages et doux, sans méchanceté ni duplicité, se visitant constamment les uns et les autres. Il y a un accord parfait entre les mondes, chacun ayant sa gloire propre et se réjouissant de la gloire des autres étant donné que tous partagent avec les autres leurs trésors de connaissance. De vastes distances les séparent mais grâce à leur Seigneur et Dieu commun, ils sont tous glorieusement conscients les uns des autres. Tous sont incorruptibles et ne connaissent donc pas la mort. Ils ne vieillissent pas et ne s’épuisent pas. Leur nature est impérissable, leur nombre est fixé parce qu’il est infini, ne peut être compté. Chacun de ces mondes est une Sion, n’ayant pas de tribunaux, pas de faim ou de soif, pas de froid ni de chaud, pas de haine ni de crainte, pas de guerre, pas d’esclavage, pas de créatures ou de plantes nuisibles. De magnifiques constructions se dressent au bord de mers paisibles ; des sources bondissantes donnent de l’eau vivifiante. Tout vibre de joie. Les besoins des gens sont peu nombreux. Ils se déplacent dans l’air sans effort. Ils sont chez eux dans les firmaments et les mondes et parmi les dominations et les pouvoirs. Leur beauté est en eux et rayonne comme s’ils étaient du cristal pur. La force venant du Roi coule à travers eux parce qu’ils s’y exposent par leur persévérance dans la prière et le chant. Ils étudient et méditent constamment. Ils dégagent la senteur du bonheur divin. Chacun est plus remarquable que l’autre, chacun plus illustre [383] ».

Il était naturel que l’Église, à chaque époque, s’identifie à l’ordre d’Énoch, ne serait-ce que parce que cet ordre est le seul acceptable pour Dieu en tout temps.

« Le Seigneur parla à Énoch [Joseph Smith, fils], disant : Écoutez-moi… [vous] qui êtes ordonnés à la haute prêtrise… qui vous êtes assemblés… le moment est venu… il faut que mon peuple soit organisé… dans le pays de Sion, comme institution et ordre permanent et éternel pour mon Église… pour le salut de l’homme… Si vous n’êtes pas égaux dans les choses terrestres, vous ne pouvez pas être égaux dans l’obtention des choses célestes » (D&A 78:1, 3-4, 6).

Car « Sion ne peut être édifiée que sur les principes de la loi du royaume céleste, autrement je ne puis la recevoir en moi » (D&A 105:5). « Si mon peuple n’observe pas cette loi…..il ne sera pas pour vous un pays de Sion » (D&A 119:6).

Une marque significative d’authenticité de la version de Joseph Smith est que la Sion d’Énoch est définie comme une société où « il n’y avait pas de pauvres en son sein » (Moïse 7:18). L’Énoch grec (91-107), qui pour la première fois nous montre de quelle façon les anciennes sectes se rattachaieznt à la ville d’Énoch, « montre une grande partialité pour les humbles et les petits. Nous sommes ici face à l’éthique du pauvre… ces gens humbles et nécessiteux doivent rechercher une consolation dans le fait que c’est à eux que la connaissance de ces mystères sera révélée [384]. »
La présence d’une telle société est un reproche permanent pour le reste du monde. Comme le dit Brigham Young : « Nous suivons les coutumes d’Énoch et des saints pères et, à cause de cela, on nous considère comme inaptes à être une société. Nous ne sommes pas adaptés à la société des méchants et nous ne souhaitons pas nous mêler à eux » (JD 10:306). Énoch avait le grand espoir que sa Sion : « une ville de refuge, une place forte pour les saints du Très-Haut » (D&A 45:66) serait là pour de bon ; le Seigneur lui dit qu’il n’en serait pas ainsi : « Énoch parla avec le Seigneur : assurément, Sion demeurera en sureté à jamais ; mais le Seigneur dit à Énoch : J’ai béni Sion, mais j’ai maudit le reste du peuple. » La séparation allait devoir continuer jusqu’à ce que finalement « Sion,  dans la suite des temps, fut enlevée au ciel. » (Moïse 7: 21) Nous voyons la division du peuple à chaque étape de l’histoire  quand « leur ennemis vinrent se battre contre eux » Énoch « conduisit le peuple de Dieu » pendant que « toutes les nations furent saisies d’une grande crainte » (Moïse 7:13) ; les plus dangereuses « se tinrent au loin » et même « allèrent sur la terre qui avait surgi des profondeurs de la mer » (Moïse 7:14-15). Il en résulta deux mondes, Sion, habitée par un peuple qui était « d’un seul cœur et d’un seul esprit » (Moïse 7:18), l’autre, constamment déchiré par « des guerres et de l’effusion de sang » (Moïse 7:16). Le caractère intégral de la division est exprimé de manière frappante par l’une des figures de style les plus anciennes, l’antithèse rhétorique :



Moïse 7:20. J'ai béni Sion, mais j’ai maudit le reste du peuple.
Moïse 5:15. … croiraient au Fils et se repentiraient de leurs péchés ne croiraient pas et ne se repentiraient pas.
Moïse 7:16. … mais le Seigneur vint demeurer avec son peuple, et ils demeurèrent dans la justice. et à partir de ce moment-là, il y eut des guerres et des effusions de sang parmi eux.
Moïse 7:18. il était d'un seul cœur et d'un seul esprit Moïse 7:33 ils sont sans affection et ils haïssent leur propre sang
Moïse 7:18 . Et le Seigneur appela son peuple Sion, parce qu'il… demeurait dans la justice Moïse 7:36 … parmi toute l'œuvre de mes mains, il n'y a pas eu de méchanceté aussi grande que parmi tes frères.



Quand les sectaires de la mer Morte appelèrent leur société le Yahad (litt. unité, union), c’était un rappel que cette « unité » est la première loi de la société d’Énoch selon laquelle il est attendu des saints qu’ils la vivent dans chaque dispensation.


Moïse 7:18 Et le Seigneur appela son peuple Sion, parce qu'il était d'un seul cœur et d'un seul esprit… et il n'y avait pas de pauvres en son sein. Zohar, Noé 76b. R. Jose. Depuis [l’histoire de la Tour] nous apprenons qu’aussi longtemps que le peuple de la terre vécut en harmonie, étant d’un seul esprit et d’une seule volonté, bien que se rebellant contre le Saint, le jugement suprême ne pouvait l’atteindre. Mais dès qu’il fut divisé, « le Seigneur les dispersa au loin ».

2 Bar. 30:1 Alors tous ceux qui se sont endormis dans son espérance se relèveront… et ils sortiront… en une seule assemblée d’une seule pensée.


Même après l’enlèvement de la ville d’Énoch, l’œuvre de rédemption continua parmi « le reste du peuple… et lorsque Sion eut été enlevée au ciel, Hénoc regarda, et voici, toutes les nations de la terre étaient devant lui. Et il y eut génération après génération; et Hénoc était haut et élevé, dans le sein du Père… et voici, le pouvoir de Satan était sur toute la surface de la terre » (Moïse 7:22-24). Selon cette perspective, la navigation de Noé n’était que la dernière étape dans un processus d’évacuation qui durait depuis des générations. Même après que le peuple eut choisi son camp – Énoch et le Seigneur ou Satan – l’œuvre missionnaire fut maintenue.


Moïse 7:27 Et Hénoc vit des anges descendre du Ciel, rendant témoignage… et le Saint-Esprit tomba sur un grand nombre de personnes, et elles furent enlevées en Sion par les puissances du Ciel.





Moïse 7:28 Et… le Dieu du ciel posa les yeux sur le reste du peuple, et il pleura.
Ap. d’Adam (Copte) 96. Des déluges de pluie détruiront toute chair, « mais des anges puissants descendront des cieux et emmèneront ces hommes en un endroit où l’on trouve l’Esprit de vie. »

Gizeh 8 Et il y avait une grande iniquité sur la terre. Satan [Azael et Semiazas] enseignant aux hommes toutes sortes d’impiétés. 9 Alors les grands anges… allèrent faire rapport à Dieu, disant : Que ferons-nous ? 10:1 Dieu envoya donc Israël [Ms Gs Uriel] au fils de Lémec [Noé]. 2 « Dis-lui en Mon nom de se cacher [Ms Gs 3. Enseigne au juste ce qu’il doit faire… pour conserver son âme et échapper.] car la terre entière va être détruite… Enseigne-lui comment il doit s’échapper. 4 Dieu envoya Raphaël… 9 Gabriel, 11 Michel pour le diriger dans cette circonstance. 10:15 Quand Dieu enverra les anges pour détruire tous les esprits bâtards… 17 … tous les justes fuiront et continueront à rester vivants….pour mille générations.
1 Én 105:1 En ces jours, le Seigneur ordonna [aux anges]… de témoigner aux enfants de la terre… de le leur montrer, car vous êtes leurs guides.

Beatty 100:4 Et les anges apparaîtront… descendront en ces jours dans des lieux secrets… 5 et sur les justes et les saints sera installée une garde de saints anges et ils seront protégés comme la prunelle de ses yeux jusqu’à ce que les tribulations et l’iniquité soient passées…
Secrets 23 :80 [Dieu à Énoch :] J’enverrai mon archange Michel, et il emmènera l’enfant (Metuschélah) en lieu sûr.



Moïse 7:60 Dans les derniers jours, dans les jours de méchanceté et de vengeance… Moïse 7:62. … je ferai en sorte que la justice et la vérité balaient la terre comme un flot, pour rassembler mes élus… vers un lieu que je préparerai, une Ville Sainte, afin que mon peuple puisse… attendre le temps de ma venue… et elle sera appelée Sion, une nouvelle Jérusalem. Ap. d’Abraham 29:15 et suiv. De grandes tribulations viendront… 17. Mais de ton peuple les hommes justes seront épargnés… se hâtant dans la gloire de mon nom vers un lieu que j’ai préparé pour eux à l’avance » [Jérusalem].


Jusqu’à ce que la séparation soit complète, les pouvoirs de destruction sont tenus en échec.
 
Comme le livre de Moïse le décrit : « Et il y aura de grandes tribulations parmi les enfants des hommes, mais je protégerai mon peuple…..en un lieu que je préparerai afin que mon peuple puisse… attendre le temps de ma venue. » (Moïse 7:61-62)

Les documents apocryphes présentent cette même notion : « Et la terre se fendra, et tout ce qui est sur la terre sera détruit. Mais il y aura une grande paix pour les justes et la sécurité [synteresis] et la paix régneront sur les élus… et je les bénirai tous. » (Gizeh 1:7-8)

« Dans les jours d’Énoch… Dieu leur accorda [aux méchants] un répit pendant tout le temps que les justes, Jéred, Metuschélah et Énoch étaient en vie ; mais quand ils quittèrent le monde, Dieu laissa le châtiment s’abattre. » (Zohar, Bereshith 56 b, cf Genèse 7:23)

« Pourquoi la vision de ces choses te trouble-t-elle [Énoch] ? Jusqu’à ce jour a été le temps de sa miséricorde, et il a été miséricordieux et longanime envers ceux qui habitent la terre. » (1 Én. 60:4-6)
Quand les anges supplient Dieu d’aller de l’avant et d’anéantir le genre humain indigne, il répond : « J’ai fait et j’ôte, et je suis longanime et je secours ! » (BHM 5:172)

« Et après [cela] Énoch me montra les anges du châtiment qui sont prêts à venir déchaîner toutes les puissances des eaux… pour apporter le châtiment et la destruction à tous ceux qui demeurent sur la terre. Et le Seigneur des Esprits commanda aux anges qui sortaient de ne pas faire monter les eaux mais de les retenir » (1 Én. 66:1.)

Les anges furent donc, pendant de nombreuses années, une sorte de « messieurs bons offices », prêchant le repentir et offrant le moyen d’échapper à tous ceux qui étaient disposés à écouter. Leur diligence disculpe Dieu de l’accusation d’être capricieux et cruel en envoyant le Déluge, argument favori des sceptiques et des athées de toutes les époques. Selon Jellinek, le but principal du vieux livre d’Énoch hébreu était de dénoncer l’invalidité de cet argument : «  Le travail des anges témoignait que Dieu était juste… Énoch témoigne qu’il devint un ange dans les cieux, instruit par les anges Shemashasi et Asaël, afin de rendre son témoignage personnel aux hommes que Dieu, en envoyant le Déluge, n’était pas cruel [385]. » Ce point est clairement mis en avant dans la version de Joseph Smith, version dans laquelle Énoch et le Seigneur discutent, franchement et exhaustivement, de ce problème dans son intégralité à la satisfaction totale d’Énoch (voir Moïse 7:28-67).

Selon les écrits apocryphes, Abraham, Esdras et Baruch entre autres, mirent en doute la sagesse et la charité d’envoyer une destruction totale sur le genre humain. « Penses-tu, dit le Seigneur à Baruch, que ce Très-Haut se réjouit de ces choses ou que son nom est glorifié ?... Pour cette raison, va, et enseigne autant que tu en es capable, afin qu’ils apprennent de manière à ne pas mourir au dernier temps, mais apprennent afin qu’ils puissent vivre à la fin des temps [386]. » Dieu réprimande gentiment Esdras : « Tu es loin d’être capable d’aimer plus que moi mes créatures [387] » (Esdras 8:47). Et comme nous l’avons vu, Énoch, dans le récit de Joseph Smith, rend le témoignage le plus puissant de tous, qu’il a été jusqu’à voir Dieu pleurer ! (Moïse 7:28).
 
Tous ceux qui étaient disposés à se repentir furent dûment mis en sécurité. Ce ne furent que ceux qui refusèrent obstinément d’écouter pendant des années, le « reste [inique] du peuple » qui dut être abandonné à la destruction. Ceux qui trouvèrent refuge dans l’arche ne furent en aucune façon les seuls à être sauvés. Beaucoup étaient partis avant. Ceci est une autre phase intéressante de la relation Noé-Énoch.


Moïse 7:25 [Hénoc] vit des anges descendre du ciel… Moïse 7:26 Et il vit Satan; et il avait une grande chaîne à la main, et elle voilait de ténèbres toute la surface de la terre… Moïse 7:27 Et Hénoc vit des anges descendre du ciel… et le Saint-Esprit tomba sur un grand nombre de personnes, et elles furent enlevées en Sion par les puissances du ciel. Beatty 102:3 Et pendant que toute la terre était ébranlée… et dans la confusion, les anges étaient occupés à exécuter ce qui leur avait été commandé [syntachthen]
Apocr. de Jean 3:38: Non seulement Noé, mais aussi d’autres de la génération qui étaient loyaux et fidèles entrèrent et s’enveloppèrent dans un nuage de lumière, et le Seigneur était au milieu d’eux. Car les ténèbres étaient déversées sur toute la terre. »
Apocr. de Jean 1:73:7 Noé ne fut pas le seul [à être sauvé], mais des hommes de la génération des loyaux et fidèles [les inébranlables] se rendirent en un lieu spécial 11 et là ils furent enveloppés dans un nuage de lumière 13 et Noé était conscient de son appel divin en même temps que ceux qui étaient avec lui quand la lumière les éclaira. Car les ténèbres avaient été déversées en tout lieu sur toute la surface de la terre. Il tint conseil avec les anges 74:1 et les anges furent envoyés vers les enfants des hommes.
Ap. d’Adam 69 (63) Après cela, de grands anges viendront dans des nuages élevés et emmèneront ces gens vers l’endroit où est l’esprit de vie… et ils descendront des cieux sur la terre et toute la multitude de la chair périra dans l’eau.


Bien qu’il y ait eu plusieurs fois sur la terre des communautés qui aspiraient à la gloire de Sion,  c’est vers le retour final de Sion dans les derniers jours que les prophètes ont tourné les yeux. Et bien que l’Église, dans chaque dispensation, ait eu certains aspects qui ressemblaient à la Sion d’Énoch, le parallèle le plus proche sera la Sion de la fin des temps.


Moïse 7:62 Je préparerai… une Ville sainte, afin que mon peuple puisse… attendre le temps de ma venue; car là sera mon tabernacle, et elle sera appelée Sion, une nouvelle Jérusalem… Moïse 7:64 Et là sera ma demeure, et ce sera Sion, qui sortira de toutes les créations que j'ai faites. Et la terre se reposera pendant mille ans.


Jub. 1:27 Et il [Dieu] dit à l’ange de la présence [Sar ha-Panim ou Énoch] : Écris pour Moïse depuis le commencement de la création jusqu’au moment où mon sanctuaire a été bâti pour toute l’éternité, et le Seigneur apparaîtra aux yeux de tous et tous sauront que je suis le Dieu d’Israël… et le Roi sur le Mont Sion pour toute l’éternité.
Et Sion et Jérusalem seront saintes… jusqu’à ce que le sanctuaire du Seigneur soit fait à Jérusalem sur le Mont Sion et que tous les luminaires soient renouvelés pour la guérison et pour la paix et pour la bénédiction pour tous les élus d’Israël, et qu’il en soit ainsi depuis ce jour pendant tous les jours de la terre.


Que la ville « sera appelée Sion, une nouvelle Jérusalem » semble être un anachronisme évident dans un livre écrit soi-disant avant le Déluge. Pourtant l’idée est confirmée d’une façon frappante dans le Testament de Lévi, un écrit juif très ancien, totalement ignoré jusqu’au siècle actuel [388], où se trouve une prophétie expressément attribuée à Énoch : « Car un tabernacle (oikos) que se choisira le Seigneur s’appellera Jérusalem, comme il est écrit dans le livre d’Énoch le Juste. » (Test. de Lévi 10:5)

R.H. Charles cite des passages parallèles sur ce thème dans le livre d’Énoch et le livre des Jubilés pour montrer que ce dernier s’inscrit dans la tradition authentique d’Énoch, puisque, comme il le dit, « la ressemblance dans les termes et dans la pensée… ne peut être considérée comme accidentelle [389] ». Il souligne que les mots clés démontrent la parenté :


Én. 5:9 Ils achèveront le nombre des jours de leur vie. Et leur vie sera augmentée dans la paix. Et les années de leur joie seront multipliées. Jub. 23:27, 29) Et les jours commenceront à devenir nombreux et augmenteront parmi les enfants de hommes… Et tous leurs jours seront complets et ils vivront dans la paix et dans la joie.


Un article récent paru dans le Scientific American indique que certaines des idées conventionnelles du judaïsme et du christianisme anciens doivent être radicalement corrigées au vu des nouvelles découvertes de documents. M.E. Stones note que « les plus importantes de ces découvertes ont été le livre d’Énoch et le livre des Jubilés, tous deux traduits de l’éthiopien au 19e siècle. Puis il met en parallèle les passages suivants d’Énoch et de Jude pour montrer « qu’il est évident que le livre d’Énoch a servi de source pour l’épître de Jude… et pour d’autres écrits du christianisme primitif. ».


Énoch : « Et voici, il vient avec les myriades de ses saints pour exercer son jugement sur tous et pour détruire tous les impies, pour condamner toute chair de toutes les œuvres de leur impiété, qu’ils ont commises dans l’iniquité, et de toutes les choses dures que les pécheurs impies ont dites contre eux. » Jude : « Et c’est aussi pour eux qu’Énoch, le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : Voici, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tout et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d’impiété qu’ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu’ont proférées contre lui des pécheurs impies. »


Maintenant, ces parallèles, donnés comme preuve décisive de l’affinité authentique d’écrits anciens, sont-ils plus contraignants que ceux existant entre ces mêmes sources anciennes et le livre de Moïse qui nous a été donné par le prophète Joseph Smith ?


Moïse 7:62 Je ferai descendre la justice des cieux… et je ferai en sorte que la justice et la vérité balaient la terre comme un flot, pour rassembler mes élus des quatre coins de la terre, vers un lieu [qui]… sera [appelé] Sion, une nouvelle Jérusalem… Moïse 7:64 Et là sera ma demeure, et ce sera Sion, qui sortira de toutes les créations que j'ai faites. Et la terre se reposera pendant mille ans. 1 Én. 39:5 Là mes yeux virent leurs habitations au milieu des anges de sa justice, et leurs lits de repos au milieu des saints….et la justice coulait comme de l’eau devant eux, et la miséricorde comme de la rosée sur la terre : ainsi en sera-t-il parmi eux, jusque dans les siècles des siècles. Et dans ce lieu, mes yeux virent l’Élu de justice et de fidélité. Je vis sa demeure…

Moïse 7:66
Mais avant ce jour-là, il vit de grandes tribulations parmi les méchants… Moïse 7:67… Et il vit le jour des justes, l'heure de la rédemption, et reçut une plénitude de joie.
Ap. d’Abraham 29:14 Avant même que ne commence à croître le siècle de justice et d’abondance, mon Jugement viendra sur les païens iniques par le peuple né de ta semence et mis de côté par Moi. 15 Ces jours-là, je ferai venir dix plaies … sur toute la création terrestre. 17 Alors resteront les hommes justes de ta semence… Ils se hâteront dans la gloire de mon nom vers le lieu qui leur est préparé depuis longtemps [Jérusalem] où ils pourront vivre en sécurité pendant les siècles de justice.


Des nombreuses figures de style frappantes qui rattachent définitivement le langage particulier de l’Énoch de Joseph Smith à celui des sources anciennes, aucune n’est plus intéressante que celle qui a trait à la préservation de l’Arche, un passage qui, à l’évidence, intrigue les scribes éthiopiens mais qui ressort clairement dans le texte de Joseph Smith :


Moïse 7:43 C'est pourquoi Hénoc vit que Noé bâtissait une arche, et que le Seigneur souriait sur elle et la tenait dans sa main; mais les flots s'abattirent sur le reste, qui était méchant, et l'engloutirent. 1 Énoch 67:2 Et maintenant des anges vont travailler des bois (construire ? R.H. Charles note :  « Ce récit diffère de 89:1 où il est dit que Noé lui-même fit l’arche ») et quand les anges auront achevé cette œuvre, j’étendrai ma main sur elle et je la garderai.


Les saints des derniers jours ont reçu comme enseignement de considérer leur dispensation comme l’inauguration du rétablissement final de Sion. L’Église elle-même, qui ne sera plus jamais ôtée de la terre, doit s’approcher le plus étroitement possible du modèle de la Sion d’Énoch car ceux qui « ont été dispersés retourneront dans les terres de leur héritage et bâtiront les lieux désolés de Sion… pour être établis, pour ne plus être renversés » (D&A 103:11-13). C’est la même œuvre sous les mêmes auspices : « Je suis celui-là qui a pris la Sion d’Énoch en son sein… même tous ceux qui ont cru en mon nom » (D&A 38:4). Les saints des derniers jours « sont ceux qui ont rejoint….l’assemblée générale et l’Église d’Hénoc et du Premier-né… » (D&A 76:67). « Le Seigneur parla à Énoch [Joseph Smith, fils], disant : Il faut que mon peuple soit organisé… dans le pays de Sion… ou, en d’autres mots, la ville d’Énoch [Joseph] comme institution et ordre permanent et éternel pour mon Église. » (D&A 78:1-4).

Sion est la désignation ordinaire de l’Église établie dans le monde : « le pays de Sion » étant « en d’autres mots, la ville d’Énoch » (D&A 78:3-4). Même si l’œuvre en est encore à ses débuts,  on peut dire à juste titre : « c’est la nouvelle chapelle » alors qu’on n’a posé que les fondations. Ainsi, l’Église peut être appelée Sion même si son œuvre est à peine commencée : « Mon peuple doit être mis à l’épreuve en tout, pour qu’il soit préparé à recevoir la gloire… de Sion » (D&A 136:31). Et s’ils sont fidèles, « ils auront, après de nombreux jours, le pouvoir d’accomplir tout ce qui a trait à Sion » (D&A 105:37). Les saints sont invités à ne pas désespérer : «  Ne vous souciez pas de Sion, car je serai miséricordieux envers elle » (D&A 111:6) et « Sion sera rachetée quand je le jugerai bon » (D&A 136:18). « Sion sera rachetée, bien qu’elle soit châtiée pour un peu de temps » (D&A 100:13). Brigham Young rappelait constamment aux saints la nature préparatoire de l’œuvre dans laquelle ils étaient engagés :

« Nous avons commencé à nous organiser, je dirai partiellement, dans le Saint Ordre que Dieu a établi pour son peuple à toutes les époques du monde, quand il y a eu un royaume sur la terre. Nous pouvons l’appeler l’ordre d’Énoch, l’ordre de Joseph, l’ordre de Pierre ou d’Abraham, ou de Moïse, et puis remonter jusqu’à Noé et ensuite passer à notre situation actuelle ici et dire que nous allons nous organiser autant que nous le pouvons… en vertu des lois du pays. De nombreux secteurs de l’industrie ont été organisés ici pour aider au soutien de chacun, pour œuvrer pour le bien de tous et établir la coopération au sein de l’Église dans ce lieu » (JD 17:113).

Dans les années qui suivirent l’entrée dans la vallée du lac Salé, il mit surtout l’accent sur le thème de la préparation et sur l’utilité de l’adversité.

« Je n’ai jamais attribué l’expulsion des saints du Comté de Jackson à autre chose qu’à la nécessité de les châtier et de les préparer à édifier Sion. » (JD 13:148)

Nous ne sommes pas encore prêts pour aller établir le Pieu central Sion. Le Seigneur a commencé par l’essayer… Il a donné révélation sur révélation, mais le peuple n’a pas pu les supporter. » (JD 11:324).

« Sommes-nous préparés pour Sion ?... Pourrions-nous rester à Independence ? Non, nous ne le pourrions pas… Les saints peuvent-ils voir ? Non, ou seulement quelques-uns d’entre eux ! (JD, 15:3.)

« Et puis, ne soyez pas trop pressés de voir le Seigneur hâter son œuvre. Que notre hâte se centre sur une seule chose, la sanctification de notre cœur, la purification de nos affections, notre préparation à l'approche des événements qui arrivent rapidement sur nous. Voilà ce dont nous devons nous soucier, voilà ce que nous devons étudier, voilà ce qui doit faire l'objet de nos prières quotidiennes, et non pas être pressés de voir le renversement des méchants. » (JD 9:3).

Supposons que Joseph n’ait pas été obligé de fuir de Pennsylvanie dans l’état de New York, aurait-il pu connaître autant de choses que ce qu’il a appris plus tard ! Supposons qu’il ait pu rester en paix dans le vieux comté d’Ontario, sans être persécuté, aurait-il pu apprendre autant que ce qu’il a appris en étant persécuté ?...

« Joseph n'aurait pas pu être rendu parfait, quand bien même il aurait vécu mille ans, s'il n'avait subi des persécutions… Vous pouvez calculer que lorsque notre peuple est appelé à traverser des périodes d'affliction et de souffrances, et à être chassé de chez lui, abattu, dispersé, frappé et écrasé, le Tout-Puissant fait avancer son œuvre plus rapidement. (JD 2:5, 7-8).

« Il en est de même avec l’Israël ancien. Ils ont dû voyager d’un côté à l’autre du compas et ont été consumés parce que Dieu était décidé à sauver leur esprit. (JD 4:53).

« Pendant que nous étions à Winter Quarters, le Seigneur m’a donné une révélation… J’ai parlé à mes frères… mais à l’exception d’un ou deux des Douze, cela n’a pas touché un seul homme… J’aurais donné [des millions] si le peuple avait été préparé à recevoir alors le Royaume de Dieu selon le modèle donné à Énoch. Mais je n’ai pas pu les toucher. » (JD 18:244)

L’explication de la réticence des saints était clairement le fait qu’ils étaient totalement préoccupés par leur séparation d’avec le monde, laquelle était violente et contraignante, mais était un prélude nécessaire à Sion. « Rassemblez-vous, ô peuple de mon Église, au pays de Sion… c’est pourquoi… que ceux qui sont parmi les Gentils fuient en Sion… Et que ceux qui sont de Juda s’enfuient à Jérusalem, à la montagne de la maison du Seigneur » (D&A 133:4, 12-13). Ils cherchaient un lieu sûr, « le pays de Sion… pour la défense, le refuge contre la tempête, et contre la colère, lorsqu’elle sera renversée sans mélange sur toute la terre. » (D&A 115:6). La construction de la ville se ferait plus tard.

Le départ spectaculaire de la Sion d’Énoch ne sera égalé que par son retour tout aussi étonnant. Il y a des choses qui dépassent largement l’expérience quotidienne de l’homme. « Voici, je vous le dis, il faut que la rédemption de Sion vienne par le pouvoir. » (D&A 103:15). Une fois que Sion sera établie à sa place, elle sera comme une sorte de tête de pont, préparant la voie pour le retour de la Sion d’Énoch et alors les deux fusionneront. 


Moïse 7:63. Alors tu les y rencontreras, toi et toute ta ville; et nous les recevrons dans notre sein, et ils nous verront; et nous nous jetterons à leur cou, et ils se jetteront à notre cou, et nous nous embrasserons les uns les autres. 1 Én. 39:1. Et il arrivera en ces jours que les enfants élus et saints descendront du haut des cieux et leur postérité deviendra une avec les enfants des hommes.

4 Esdras 13:36. Quand Sion apparaît elle est tout à fait parata et aedificata – une ville tout à fait finie et parfaite – venant comme une montagne découpée sans l’aide d’aucune main, dont l’édificateur et le souverain est Dieu
D&A 45:11 Laissez-moi vous montrer ma sagesse, la sagesse de celui que vous dites être le Dieu d'Hénoc et de ses frères, D&A 45:12 qui furent séparés de la terre… ville tenue en réserve jusqu'à ce qu'un jour de justice vienne… Berl. Manich. Copt. Ms p. 12. Kap 1.1. Quand mon Apôtre [Énoch] s’élèvera, il sera élevé avec son église et ils seront élevés de la terre. 5. Elle prendra la forme de mon assemblée [ekklesia] et sera libre dans la hauteur.



Treizième partie

(Ensign, août 1977)



L’« Énoch » des Manuscrits de la mer Morte


La traduction longtemps attendue du livre d’Énoch des manuscrits de la mer Morte. (J. T. Milik et M. Black, dir. de publ., Les Livres d’Énoch, Fragments araméens de la grotte IV de Qumran, Oxford, Clarendon Press, 1976), arrive juste à temps pour le dernier épisode de cette étude du livre d’Énoch. Le père J. T. Milik, l’un des premiers savants à se trouver sur place lorsque les manuscrits furent découverts, s’est vu confier trente-deux fragments des livres d’Énoch provenant de la grotte IV de Qumran ; et tous les savants travaillant sur Énoch ont attendu impatiemment pendant ce dernier quart de siècle pour voir quelles nouvelles informations allaient être ajoutées, quelles théories risquaient de s’effondrer, quelles hypothèses allaient être confirmées par ces documents araméens, les textes énochiens les plus anciens connus.

Voici ce qu’ils montrent :

Ces documents, datés du IIIe au Ier siècle av. J.-C., confirment toute la littérature énochienne que nous avons. Il y a eu un véritable livre d’Énoch, écrit jadis en cinq parties. Voilà qui met sérieusement à mal les critiques qui ont soutenu pendant des années que les membres des sectes anciennes utilisaient Énoch comme fourre-tout pour ce qu’ils voulaient faire passer pour Écriture.

C’est un ravissement supplémentaire pour les saints des derniers jours de lire que le professeur Milik trouve que les textes grecs sont bien supérieurs aux textes éthiopiens – le récit de Joseph Smith dans la Perle de Grand Prix est plus proche du texte grec que des textes éthiopiens. Les saints des derniers jours noteront aussi avec intérêt la déduction du professeur Milik que l’un des textes – le texte de Gizeh – fut indubitablement préparé pour être enterré avec le défunt, un parallèle avec l’usage prévu pour le texte d’Abraham.

En outre, le professeur Milik travaille avec la fascinante hypothèse qu’Énoch avait préparé un récit de la création et de la Loi de Dieu qui antidate naturellement celui de Moïse dans la Genèse et voit dans Genèse 6:1-4, un passage qui a longtemps laissé perplexes les érudits bibliques, une citation de cette source énochienne plus ancienne. C’est exactement ce qui se passe dans la source de Joseph Smith : Moïse cite Énoch sur des événements qui se sont produits peu après la Création.

Comme nous l’avons déjà vu, l’histoire d’Énoch rentre dans la littérature la plus ancienne du genre humain et le professeur Milik trouve des liens avec les héros mythologiques de Sumer et de Babylone, avec l’astronomie de l’Égypte et de la Phénicie et les idées de la Mésopotamie concernant la terre. Même s’il ne semble pas reconnaître toute l’importance de la « figure d’Énoch », il fournit des éléments qui sapent une supposition de plus des érudits : qu’Énoch est une invention issue des espoirs et des aspirations des Juifs messianiques du deuxième siècle av. J.-C., alors qu’en fait, ce même peuple rejetait les textes d’Énoch à cette même époque. Il passe en revue quelques textes importants qui montrent que les auteurs du texte araméen perdaient graduellement de l’intérêt pour les textes énochiens pendant le premier siècle, les auteurs de Masada allant jusqu’à éliminer le nom d’Énoch pour le remplacer par celui de Noé, alors que les chrétiens, par contre, le portaient aux nues et l’embellissaient de tant de fioritures astrologiques qu’ils sapaient involontairement la crédibilité d’Énoch pour les générations futures.

À tous ces égards, les fragments d’Énoch de Qumran IV, renforcent plutôt qu’ils ne réinterprètent ce que nous, saints des derniers jours, savions déjà au sujet d’Énoch. Mais ces textes nouvellement traduits apportent une information authentiquement neuve à notre collection – ce qui est probablement le test le plus objectif des pouvoirs prophétiques de Joseph Smith.

Ce qui m’a toujours paru être le détail le plus bizarre du récit de l’Énoch de Joseph Smith a été l’apparition on ne sait d’où du nom du seul personnage non biblique nommé dans tout le livre : Mahijah (Moïse 6:40). Mahijah est celui qui pose à Énoch des questions pointues et à qui il est répondu par une mention du lieu Mahujah, où Énoch a commencé cette phase particulière de sa mission (Moïse 7:2). C’est donc avec un sursaut qu’après avoir parcouru tous les fragments de l’Énoch araméen, sauf les derniers, sans avoir trouvé quelque chose de particulièrement nouveau et en en venant à ces tout derniers petits fragments, que le nom Mahujah m’a sauté aux yeux encore et encore (p. 300. 302-305, 311, 314). Se pouvait-il que ce soit là notre Mahujah ou Mahijah ? En fait, ce pourrait être l’un ou l’autre, non seulement parce que les semi-voyelles w et y s’écrivent quasiment de la même façon dans l’écriture araméenne et sont parfois confondues par les scribes, mais aussi parce que le nom, tel qu’il est écrit dans le 4QEn, MHWY, est le même que MHWY-EL qui apparaît dans Genèse 4:18 en tant que grand-père d’Énoch – rendu dans la Bible par Mehujaël, nom qui apparaît aussi dans la Septante grecque sous la forme Mai-el et dans la Vulgate latine sous la forme Mavia-el,  montrant que Mahujah et Mahijah étaient le même nom.

Alors ? Une coïncidence ? Un géant ou un Veilleur nommé Mahujah ou Mahijah. Mais bien plus qu’une coïncidence quand on le prend dans son contexte. La seule chose qui rend le Mahijah du livre de Moïse remarquable, c’est le fait qu’il pose des questions directes et hardies à Énoch, donnant ainsi au patriarche une ouverture pour appeler le peuple au repentir, le renvoyant au livre de souvenir et lui parlant du plan de salut. Et c’est exactement le rôle, et le seul rôle, que le Mahujah araméen joue dans l’histoire. On ne trouve le nom dans aucun des autres textes d’Énoch et l’histoire non plus : c’est quelque chose qui est propre à la version que Joseph Smith nous a donnée et au plus vieux manuscrit connu d’Énoch. La traduction suivante est de Milik et Black, de crainte que l’auteur soit accusé d’avoir forcé le texte.


Moïse 6:39 Lorsqu'ils l'entendirent… la crainte envahissait tous ceux qui l'entendaient. 4QEnGiantsb 1.20 [Là-dessus] tous les géants [et les nephilim] prirent peur.


Moïse 6:40 Et un homme du nom de Mahijah vint à lui et lui dit: Dis-nous clairement qui tu es et d'où tu viens. et ils convoquèrent MHWY et il vint vers eux. Et les géants lui demandèrent et l’envoyèrent à Énoch ** lui disant : « Va donc ** et sous peine de mort, tu dois *** et écoute sa voix ; et dis-lui qu’il doit t’expliquer et interpréter les rêves**

6Q8 I.* * Ohya et il dit à MHWY : « **et (je ?) ne tremble pas. Qui t’a montré tout (cela), dis [nous (?)]** » Et MHWY dit : « ** Baraq’el, mon père, était avec moi. »
Moïse 6:41 Et il leur dit: Je suis venu du pays … de mes pères, qui a été jusqu'à présent un pays de justice. 4QEn. Géantsc [Ohyah, suivant le rapport de MHWY] : ** … mes accusateurs** ils demeurent dans [les cieux], parce qu’ils vivent dans de saintes demeures… ils sont plus puissants que moi.
Moïse 6:42 Et… comme je quittais… par la mer de l'est, j'eus une vision; et voici, je vis les cieux…
Moïse 7:2-3 Comme je voyageais… , je… montai sur la montagne… je vis les cieux s'ouvrir…
4QEn. Géantsb [MHWY… s’éleva dans les airs] comme le tourbillon, et il vola…. et traversa la Solitude, le grand désert** Et il aperçut Énoch et il l’appela et lui dit : « Un oracle*** »
Moïse 6:45 Énoch : Nous ne pouvons… nier… Moïse 6:46 Car nous avons écrit un livre de souvenir parmi nous, selon le modèle que le doigt de Dieu nous a donné… dans notre langue.

4QEn. Géantsa 7.** à toi, MH[wy**] les deux tablettes** et la seconde n’a pas encore été lue jusqu’à maintenant. 8. Le li[vre de ** La copie de la seconde tablette de l’épître** écrite] par Énoch, de la main même du distingué scribe** et le Saint à Shemihazah et tous [ses] com[pagnons].
Moïse 6:47 Et tandis qu'Hénoc disait les paroles de Dieu, le peuple trembla et ne put demeurer en sa présence. 4QEnGéantsa Frg 4 ** Ohyah dit à Hahyah, son frère***ils se prosternèrent et commencèrent à pleurer devant [Énoch(?)**].

Moïse 6:48 Et il leur dit… nous avons pour lot la misère et le malheur…

Moïse 6:49… charnels, sensuels et diaboliques et ils sont exclus de la présence de Dieu.

4QEnGéantsa Frg 8. Le fragment le plus long : décrit la dépravation et la misère du peuple. Leur demande est rejetée : Dieu les a chassés. Tout est « pour le pire ».
Moïse 6:52 Si tu veux te tourner vers moi… te repentir… et tu demanderas tout en son nom… tout… te sera donné. (Dernière ligne) Et cependant, détachez vos liens (du péché) qui [vous] enchaînent** et commencez à prier.
Moïse 7:13 Et… il [Hénoc] conduisit le peuple de Dieu et leurs ennemis vinrent se battre contre eux. Et il dit la parole du Seigneur, et la terre trembla… 4QEn.Géantsc . (Ohyah, l’ennemi d’Énoch) : « … par la force de mon pouvoir, [j’avais attaqué] toute chair et je lui avais fait la guerre… ils vivent dans des demeures saintes et… ils sont plus puissants que moi. »
et le rugissement des lions se fit entendre du désert;
et toutes les nations furent saisies d'une grande crainte.
[Là-dessus**] le rugissement des bêtes sauvages se fit entendre et la multitude des animaux sauvages commença à crier** Et Ohyah parla…. « Mon songe [m’]a accablé? *** et le s[ommeil] de mes yeux [a fui]…
Moïse 7:37. … ceux-ci vont souffrir.
Moïse 7:38. … ceux… périront dans les flots; et voici, je les enfermerai; je leur ai préparé une prison.

4QEnGéantsa Frg 7. Alors Ohyah [dit] à Hahyah, son frère ** Alors Il (Dieu) punit… les [fils] des Veilleurs, les géants, et tous [leurs] bien-aimés ne seront pas épargnés*** il nous a emprisonnés et toi, il t’a soumis (litt. tqaf, saisi, emprisonné).


En gardant à l’esprit que les fragments araméens sont rares, très petits et arrangés dans l’ordre que les éditeurs pensent être le meilleur, il est quand même possible de voir que les thèmes du récit de Joseph Smith apparaissent clairement au milieu de toutes les modifications et vicissitudes très manifestes qui se sont produites dans les textes anciens.


FIN