Changements dans le texte du Livre de Mormon

 

 

Marcel Kahne

 

 

 

      La critique sans doute la plus étonnante que les détracteurs font à l’égard du Livre de Mormon porte sur le nombre de changements apportés au texte de l’édition de 1830. L’un d’eux a été jusqu’à passer son temps à calculer qu’il y en avait 3913. Critique étonnante parce que les détracteurs en question sont essentiellement des protestants fondamentalistes qui croient en l’inerrance de la Bible, c’est-à-dire au fait qu’il ne s’y trouve aucune erreur d’aucune sorte, alors que rien que pour le Nouveau Testament, il existe plus de 5000 manuscrits grecs avec plus de 150 000 variantes et que l’American Bible Society a compté plus de 24 000 différences rien que dans six éditions de la King James Version de la Bible de 1611 parues avant 1830.

 

 

L’Église cache-t-elle des choses ?

 

      Non seulement les détracteurs se font un devoir de vous dire qu’il y a eu 3913 changements dans le texte du Livre de Mormon, mais ils laissent entendre que l’Église cache cela, et bien d’autres choses, à ses membres. Soyons clairs : l’Église ne cache rien à personne. Je cite ici ce que j’ai déjà dit dans mon article L’univers des antimormons

 

      « Une technique à laquelle les antimormons ont souvent recours, c’est de faire croire aux membres de l’Église que celle-ci leur cache des choses et que, grâce à eux, les antimormons, les membres vont enfin être mis au courant. Or, quelles sont les sources de l’information des antimormons ? Les archives que l’Église a soigneusement conservées et qu’elle met gracieusement à la disposition des chercheurs. Si l’Église avait voulu cacher quelque chose, n’aurait-il pas été plus simple de détruire les archives sensibles ou de les rendre inaccessibles au public ? Sont-elles inaccessibles aux membres de l’Église ? Dans les années 1970, à l’époque où je croisais le fer avec un imprimeur apostat qui envoyait régulièrement de la littérature antimormone à ses anciens coreligionnaires, je me suis procuré les sources qu’il utilisait, pour vérifier ses citations. Je n’ai eu aucune peine à obtenir des ouvrages tels que Journal of Discourses, 28 volumes contenant les discours des Autorités générales de 1853 à 1886, Times and Seasons, 5 volumes, journal paraissant à Nauvoo, History of the Church, Documentary History of the Church, une photocopie d’une page du manuscrit de la History of the Church dont on prétendait que le contenu avait été falsifié avant impression et même une photocopie de l’unique numéro du journal antimormon de Nauvoo, le Nauvoo Expositor. Tout le monde peut donc se procurer ce qu’il veut, si cela l’intéresse, grâce à la politique de l’Église de conserver soigneusement toutes les archives historiques qu’elle peut. Mieux encore, le coût a cessé d’être un obstacle avec la mise sur CD de plusieurs milliers de livres par F.A.R.M.S. (Infobase Library) et par Deseret Book Co. (Gospelink). »

 

      En ce qui concerne les changements apportés au texte du Livre de Mormon : 1) La réimpression de l’édition de 1830 du Livre de Mormon par Wilford Wood est en vente dans les librairies mormones depuis 1959. 2) Entre 1984 et 1987, FARMS a créé et publié une édition critique du Livre de Mormon en trois volumes constituant une première tentative de reprendre les variantes dans 17 éditions dont douze de l’Église et cinq de l’Église réorganisée. 3) En 1980, Deseret Book a publié une réimpression  de l’édition de 1830 pour commémorer le cent cinquantenaire de l’Église. 4) Le professeur George Horton, de l’université Brigham Young, a publié un article sur le sujet dans l’Ensign de décembre 1983. 5) Royal Skousen, professeur à l’université Brigham Young, est occupé à publier une édition critique définitive du Livre de Mormon en 4 volumes, dont les deux premiers ont déjà paru. Il s’agit de :

 

Le manuscrit originel du Livre de Mormon

 

Le manuscrit de l’imprimeur du Livre de Mormon (2 tomes)

 

L’histoire du texte du Livre de Mormon

 

Analyse des variantes textuelles du Livre de Mormon

 

 

Quel est le raisonnement des détracteurs et que vaut-il ?

 

      Selon eux, puisque le Livre de Mormon a été dicté par Dieu à Joseph Smith, il devrait être parfait tel quel et on ne devrait pas y changer une seule lettre. La vérité est que nous ne connaissons pas le processus exact par lequel Joseph Smith a traduit le Livre de Mormon. Il est cependant certain qu’il n’a pas été mécanique. Cela, nous le savons grâce à l’épisode où Oliver Cowdery a vainement essayé de traduire. Le Seigneur lui a dit : « Voici, tu n’as pas compris ; tu as pensé que je te le donnerais, alors que ton seul souci était de me le demander. Mais voici, je te dis que tu dois l’étudier dans ton esprit ; alors tu dois me demander si c’est juste, et si c'est juste, je ferai en sorte que ton sein brûle au-dedans de toi ; c'est ainsi que tu sentiras que c'est juste. Mais si ce n'est pas juste, tu ne sentiras rien de la sorte, mais tu auras un engourdissement de pensée qui te fera oublier ce qui est faux ; c'est pourquoi, tu ne peux écrire ce qui est sacré que si cela t'est donné de moi » (D&A 9:8-9).

 

      L’idée de l’infaillibilité des Écritures est un concept propre aux fondamentalistes, mais n’existe pas chez les saints des derniers jours (ni dans les autres confessions chrétiennes d’ailleurs). Le huitième article de foi précise : « Nous croyons que la Bible est la parole de Dieu dans la mesure où elle est traduite correctement ; nous croyons aussi que le Livre de Mormon est la parole de Dieu. »

 

      Déjà en ce qui concerne la perfection du contenu originel du texte néphite, les auteurs néphites émettent des réserves :

 

      « Et maintenant s'il y a des fautes, ce sont les erreurs des hommes ; c'est pourquoi ne condamnez pas les choses de Dieu, afin d'être trouvés sans tache devant le siège du jugement du Christ » (Livre de Mormon, page de titre).

 

      « Ne me condamnez pas à cause de mon imperfection, ni mon père à cause de son imperfection, ni ceux qui ont écrit avant lui » (Mormon 9:31).

 

      « Si nous avions pu écrire en hébreu, voici, vous n'auriez eu aucune imperfection dans nos annales » (Mormon 9:33).

 

      « Et je suis celui-là même qui cache ces annales pour le Seigneur… elles seront amenées des ténèbres à la lumière… et cela se fera par le pouvoir de Dieu. Et s'il y a des fautes, ce sont les fautes d'un homme. Mais voici, nous ne connaissons pas de faute ; néanmoins Dieu sait tout ; c'est pourquoi, celui qui condamne, qu'il prenne garde de peur d'être en danger du feu de l'enfer » (Mormon 8:14, 16-17).

 

      « Car, Seigneur, tu nous as rendus puissants en paroles par la foi, mais tu ne nous as pas rendus puissants à écrire… et tu as fait que nous ne puissions écrire que peu à cause de la maladresse de nos mains… c'est pourquoi, lorsque nous écrivons, nous voyons notre faiblesse et trébuchons à cause de l'arrangement de nos paroles » (Éther 12:23-25). 

 

      D’autre part, les détracteurs font une confusion quand ils disent que la Bible est la Parole de Dieu et que par conséquent il ne doit s’y trouver aucune erreur, même pas d’orthographe (c’est la conception qui est à la base du livre de Michael Drosnin, « Le Code de La Bible »). Ils confondent la révélation divine, c’est-à-dire ce que Dieu communique à l’esprit de ses prophètes, et le texte sacré, qui est la traduction en mots par ces mêmes prophètes de la révélation qu’ils ont reçue, traduction en mots qui souffre des imperfections inhérentes à tout ce que l’homme produit. La Bible n’y échappe pas et le Livre de Mormon non plus.

 

 

En quoi consistent au juste les changements apportés au texte de l’édition de 1830 du Livre de Mormon ?

 

      Autant les détracteurs sont précis quant au nombre de changements, autant ils restent vagues en ce qui concerne leur nature et ce, pour une excellente raison, à savoir qu’ils n’ont rien de sensationnel. Les extraits qui suivent de l’article du professeur Horton, mentionné plus haut, devraient mettre les choses à leur place :

 

      « Des milliers de corrections ont été faites dans le Livre de Mormon. Pour comprendre pourquoi toutes ces corrections ont été faites au fil des années, certaines précisions historiques sont nécessaires. 

 

 

« Historique des diverses éditions

 

      « Bien que Joseph Smith ait été le traducteur du Livre de Mormon, l’orthographe de la première édition était celle d’Oliver Cowdery et la ponctuation était celle de John H. Gilbert.

 

      « Concernant le temps passé à écrire pour Joseph, Oliver le décrit comme « des jours inoubliables ! Cela éveillait en mon sein la gratitude la plus profonde que de pouvoir être là à écouter le son d'une voix parlant sous l'inspiration du ciel. Jour après jour, je continuai, sans interruption, à écrire l'histoire… telle qu'elle tombait de ses lèvres, tandis qu'il traduisait à l'aide de l'urim et du thummim. » (Messenger and Advocate, oct. 1834, p. 14.) 

 

      « Voir les pages du manuscrit original qui existent encore, c’est avoir la certitude que c’est un document dicté. 

 

      « L’homme responsable de la ponctuation de la première édition du Livre de Mormon est John H. Gilbert, le compositeur non mormon qui travaillait pour E. B. Grandin, qui publia cette édition. Selon Gilbert, ce fut Hyrum Smith qui apporta les vingt-quatre premières pages du manuscrit de l’imprimeur à l’éditeur : 

 

      « ‘Il l’avait sous sa veste et la veste et le manteau étaient soigneusement boutonnés par-dessus. Le soir [Hyrum] vint rechercher le manuscrit et l’emporta avec les mêmes précautions. Le lendemain matin, il le rapporta avec la même vigilance et l’emporta le soir... Le deuxième jour, [Martin Harris] et [Hyrum] étant à l’atelier – j’ai attiré leur attention sur une faute de grammaire et j’ai demandé si je devais la corriger. Harris a brièvement consulté [Hyrum], s’est tourné vers moi et a dit : ‘L’Ancien Testament contient des fautes de grammaire, composez-le tel qu’il est écrit.’ 

 

      « ‘Après avoir travaillé quelques jours, j’ai dit à [Hyrum], quand il m’a remis le manuscrit le matin : ‘M. Smith, si vous me laissiez ce manuscrit, je pourrais le reprendre chez moi ce soir, le lire et le ponctuer.’ Il a répondu : ‘Il nous est commandé de ne pas le laisser.’ Quelques matins plus tard, quand il m’a remis le manuscrit, [Hyrum] m’a dit : ‘Si vous me donnez votre parole que ce manuscrit nous sera rendu quand vous en aurez fini, je vous le laisserai.’... Pendant deux ou trois soirs, je l’ai repris à la maison, je l’ai lu et je l’ai ponctué au crayon.’ » (dans Wilford C. Wood, Joseph Smith Begins His Work, vol. 1, Salt Lake City, Wilford C. Wood, 1959.)

 

      « À la suite de son travail, quelque 30.000 à 35.000 signes de ponctuation furent ajoutés. 

 

      « La composition à partir du manuscrit de l’imprimeur (qui était la copie qu’Oliver Cowdery avait faite à partir du manuscrit original) commença en août 1829. En mars 1830, le livre était terminé. Mais Joseph Smith s’était peu occupé de la supervision de l’impression de la première édition. En fait, sa présence dans l’atelier de Grandin n’est signalée qu’une fois pendant environ quinze à vingt minutes au cours de cette impression. 

 

      « Dès que la première édition fut publiée, les lecteurs commencèrent à trouver des fautes de typographie, d’orthographe et de grammaire. Le 25 juin 1833, Joseph écrivit à l’imprimeur, W. W. Phelps : « Dès que nous pourrons en avoir le temps, nous reverrons les manuscrits du Livre de Mormon, après quoi ils vous seront expédiés. » (History of the Church, 1:363.)

 

      « Le prophète, avec l’aide d’Oliver Cowdery, prépara la deuxième édition (1837). À ce moment-là, ils firent plus de mille corrections – grammaticales pour la plupart – et ajoutèrent quelques clarifications mineures. Entre-temps, le prophète, qui avait fait peu d’études, avait appris les rudiments de l’hébreu, et la grammaire anglaise. (voir History of the Church, 2:390, 474 ; 3:26.) 

 

      « Les éditions de 1840 et de 1842 furent soigneusement revues par Joseph Smith. Mais entre-temps, Oliver Cowdery avait quitté l’Église en prenant le manuscrit de l’imprimeur avec lui. 

 

      « À la date du 15 janvier 1842, Joseph Smith faisait encore des corrections lui-même. Il écrit : « J’ai commencé à lire le Livre de Mormon à la page 54... (les pages précédentes ayant été corrigées), afin de corriger sur les épreuves quelques erreurs qui ont échappé à notre attention dans la première édition. » (History of the Church, 4:494.) 

 

      « Puisque la première édition européenne en anglais suivait l’édition de 1837, elle ne contenait pas certains de ces changements faits par Joseph Smith. C’est ainsi que les éditions américaines postérieures, qui furent tirées de la première édition européenne, perpétuèrent ces omissions. 

 

      « En 1879, John Taylor chargea Orson Pratt de préparer une nouvelle édition du livre. Celui-ci redivisa les chapitres (les faisant passer de 114 à 239) et ajouta des numéros de versets et des références. 

 

      « Au début du 20e siècle, Heber J. Grant demanda à James E. Talmage de préparer une nouvelle édition. L’édition de 1920 fut une édition à parallèles, les références furent révisées et l’on ajouta un guide de prononciation, un index et beaucoup d’améliorations grammaticales. 

 

      « Et, tout récemment, l’édition 1981 a été publiée par les soins du comité de publication des Écritures sous la direction de la Première Présidence.

 

 

« Grammaire et orthographe de l’anglais américain en 1829  

 

      « Pour pouvoir comprendre pourquoi ces corrections étaient nécessaires, il faut savoir que l’orthographe de l’anglais américain en 1829 n’était pas encore normalisée. Vers cette époque, beaucoup de gens aux États-Unis insistaient pour que l’on adopte un type d’anglais qui serait uniquement américain. 

 

      « Le lexicographe Noah Webster était à la tête de ce mouvement, proposant beaucoup de nouvelles règles pour l’orthographe américaine, dont sept sont toujours en vigueur. C’est ainsi, par exemple, que suite aux innovations de Webster, les Américains changèrent l’orthographe britannique de theatre en theater. Toutes ses propositions ne furent cependant pas acceptées, mais elles sont révélatrices de la tendance alors courante d’orthographier les mots phonétiquement, c’est-à-dire tels qu’on les entendait. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait fallu corriger beaucoup de mots dans le Livre de Mormon une fois que l’orthographe de l’anglais américain s’est uniformisée plus tard au dix-neuvième siècle.

 

 

« Changements majeurs dans  les diverses éditions  

 

      « Il ne faut pas non plus oublier qu’Oliver Cowdery écrivait ce qu’il entendait. Beaucoup de mots – les noms néphites et lamanites, par exemple – lui étaient inconnus. Joseph dut apparemment corriger certains de ces noms propres. 

 

      « L’écriture d’Oliver posait également un problème au compositeur. Son R et son N sont difficiles à distinguer, de même que son B et son L. C’est ainsi que dans la première édition, Gadianton était qualifié de nobler (plus noble) au lieu de robber (brigand). De même, le compositeur a apparemment confondu le RM d’Oliver avec UN et c’est ainsi que dans 1 Néphi, là où le manuscrit original avait formation, le compositeur a lu founation. Puis, pensant que la lettre d avait été omise, il l’a ajoutée pour avoir foundation (fondation). Dans l’édition anglaise de 1981, fondation a de nouveau été corrigée pour redevenir formation, comme prévu à l’origine. 

 

      « Beaucoup d’autres fautes d’orthographe semblent avoir été strictement typographiques, par exemple, aaswer, amog, bacause, daghter, mnltitude, theit, et uttered

 

      « Un autre genre courant d’erreur de copiste se produisait quand l’œil du compositeur quittait momentanément la page. Ensuite, quand il y revenait, il reprenait le texte à un autre endroit où la formulation était quasiment la même. L’exemple le plus frappant en est la perte de trente-cinq mots dans Alma 32:30, où les mots semence, bonne, germe, commence et pousser sont communs à deux parties du verset.

 

      « Mais les changements les plus courants n’ont pas été dans l’orthographe, mais dans la grammaire. Par exemple, il y a eu 891 changements dont 177 de exceeding à exceedingly (extrême à extrêmement). Beaucoup de changements sont un changement en nombre ou en temps des verbes. Was (était) a été changé 162 fois en were (étaient) is (est) 74 fois en are (sont) et done (fait) 10 fois en did (fit). 

 

      « Quelques autres changements affectant le sens semblent être plus importants. Dans 2 Néphi 30:6, on trouvait white (blanc) dans les éditions de 1830 et 1837. Joseph changea ce mot en pure dans l’édition de 1840. Mais ce changement n’apparut pas dans les éditions américaines postérieures parce que celles-ci suivaient la première édition européenne et l’édition de 1837. Cette correction faite par le prophète a finalement été intégrée dans l’édition de 1981. 

 

      « Dans Mosiah 21:28 et Éther 4:1, la première édition mettait Benjamin là où le nom de Mosiah apparaît maintenant. En fait, il est peu vraisemblable que le roi Benjamin ait encore vécu à l’époque décrite par ces versets. Le prophète Joseph fit cette correction dans l’édition de 1837.

 

      « Nous ne pouvons qu’émettre des suppositions sur la cause de cette erreur. Sidney B. Sperry, spécialiste du Livre de Mormon, a posé cette question intéressante : ‘Était-ce un lapsus de la part de Joseph Smith pendant qu’il dictait sa traduction à Oliver Cowdery ou a-t-il traduit correctement une erreur originale de la part de Mormon, celui qui a abrégé le Livre de Mormon ?’ (The Problems of the Book of Mormon, Salt Lake City, Bookcraft, 1964, p. 203.)

 

      « Au cours des années, quelques centaines de suppressions ont également été faites, essentiellement pour améliorer grammaticalement le livre. Les mots le plus généralement éliminés ont été les mots that (que), 188 fois, the, 48 fois, it came to pass (il arriva que), 46 fois, a et and, 40 fois, et had, 29 fois. 

 

      « Les ajouts ont été moins nombreux, probablement moins de cent. Par exemple, of a été ajouté 12 fois, and, is et the 7 fois. Quelques ajouts résultent simplement du remaniement d’une partie d’une phrase ou de la réinsertion de mots oubliés par distraction dans les éditions précédentes. Ce ne sont pas là de véritables ajouts.

 

      « Cependant, à quelques endroits, Joseph Smith a intentionnellement ajouté au texte pour éclaircir quelque chose. C‘est le cas de l’ajout de the Son of (le Fils de) dans 1 Néphi 11:21, 32 et 13:40. Le texte serait correct avec ou sans les mots supplémentaires, mais l’ajout évite toute méprise au lecteur.

 

 

« Ce que correct veut dire  

 

      « Il peut être utile et intéressant de comprendre la nature des milliers de petits changements du Livre de Mormon. Mais en réalité, le genre de précision stylistique réalisé par ces changements n’a pas grand chose à voir avec ce que Joseph voulait dire quand il a appelé le Livre de Mormon ‘le plus correct de tous les livres de la terre’ (History of the Church, 4:461). Son idée de ce qui était correct n’a rien à voir avec les règles de grammaire, d’orthographe ou de ponctuation. Comme il l’a lui-même expliqué, le test final de son exactitude est dans la vie de ceux qui mettent ses principes en pratique. En effet, il a promis que nous nous ‘approcher[ons] davantage de Dieu en en suivant les préceptes que par n’importe quel autre livre’ (History of the Church, 4:461). »

 

 

Disparition d’hébraïsmes

 

     Il apparaît que les corrections apportées au Livre de Mormon ont même fait disparaître certains hébraïsmes qui pourraient constituer des preuves de l’authenticité du livre. John Tvedtnes signale : « La première édition du Livre de Mormon contient beaucoup plus d’hébraïsmes que les éditions postérieures. Celles-ci, et en particulier celles de 1837, 1840 et 1876, ont été modifiées pour améliorer l’anglais là où le texte semblait maladroit. Malheureusement, ceci a détruit certaines preuves de ce que l’original était en hébreu. » Il cite entre autres le cas suivant :

 

      « Au cours des années 1968-1971, j’enseignais l’hébreu à l’université d’Utah. J’avais l’habitude de demander à mes étudiants de répondre à un questionnaire pour avoir une idée de ce qui les intéressait et de leur formation linguistique. L’une des étudiantes écrivit qu’elle voulait étudier l’hébreu pour prouver que le Livre de Mormon était un faux. Après le cours, elle vint me trouver pour s’expliquer.

 

      « Quand je lui demandai pourquoi elle estimait que le Livre de Mormon était un faux, elle dit qu’il était plein d’erreurs. Je lui demandai de m’en donner un exemple. Elle attira mon attention sur Alma 46 :19, qui dit : ‘Lorsque Moroni eut dit ces paroles, il s'en alla parmi le peuple, agitant en l'air la partie déchirée de son vêtement.’ Elle me fit remarquer que dans l’édition de 1830 (p. 351), le texte dit : ‘agitant en l’air la déchirure de son vêtement’. La déchirure est le trou dans le vêtement, pas le morceau que l’on en a déchiré. Moroni n’aurait donc pas pu l’agiter. Elle en concluait que c’était une erreur et que le fait de le remplacer plus tard par partie déchirée était une tromperie.

 

      « Je venais de découvrir qu’il y avait des variations entre les éditions du Livre de Mormon. Si je n’avais pas eu de formation en hébreu, je me serais posé des questions. Mais l’explication était évidente lorsque j’ai pensé à la façon dont Mormon aurait écrit cette phrase. Contrairement à l’anglais, l’hébreu n’a pas besoin d’ajouter le mot partie à un substantif verbal comme rent (déchirure)… Dans le verset cité par l’étudiante, rent devait signifier chose déchirée ou partie déchirée. Par conséquent, ‘l’erreur’ dans laquelle elle voyait une preuve de fraude était en réalité un hébraïsme qui confirmait l’authenticité du Livre de Mormon. »

 

 

Encore des imperfections ?

 

      Le professeur Skousen qui, comme mentionné plus haut, a fait une étude approfondie du texte, propose d’autres corrections possibles. En voici deux exemples :

 

      Dans Mosiah 17:13-15 : « Et il arriva qu'ils le prirent et le lièrent, et lui flagellèrent la peau à l'aide de fagots, oui, jusqu'à la mort. Et alors, lorsque les flammes commencèrent à le lécher, il leur cria, disant : Voici, de même que vous me l'avez fait, de même il arrivera que votre postérité fera subir à beaucoup les souffrances que je subis, les souffrances de la mort par le feu ». En anglais, le terme rendu en français par flagellèrent est scourged. Ce mot se prononce presque de la même façon que le verbe scorched, qui veut dire roussir, brûler superficiellement. Il se peut donc qu’Oliver Cowdery ait compris le premier au lieu du second. Étant donné que le texte qui suit immédiatement parle de flammes et de feu, il est vraisemblable que le texte correct devrait être : lui roussirent la peau à l’aide de fagots (brûlants). 

 

      Dans Hélaman 6:37 : « Et il arriva que les Lamanites traquèrent la bande des brigands de Gadianton ; et ils prêchèrent la parole de Dieu parmi la partie la plus méchante d'entre eux, de sorte que cette bande de brigands fut totalement détruite parmi les Lamanites. » La logique voudrait que le texte dise « la partie la moins méchante d’entre eux », mais il est impossible de dire s’il s’agit d’un lapsus de Mormon ou de Joseph Smith quand il a dicté le texte.

 

 

Conclusion

 

      De tout ce qui précède, il découle clairement que les changements apportés au texte du Livre de Mormon sont tous mineurs. Aucun d’eux n’affecte le sens et encore moins la doctrine. Et après tout, c’est cela qui compte.

 

 

Sources :

 

Book of Mormon Critical Text, 2e éd. 1987, F.A.R.M.S. 

George Horton, « Understanding Textual Changes in the Book of Mormon », Ensign, déc 1983, pp. 25-28 

John L. Sorenson et Melvin J. Thorne, dir. de publ., Rediscovering the Book of Mormon, Deseret Book et F.A.R.M.S., 1991, p. 78.