Réponses aux critiques
sur le Livre de Mormon


Thomas B.-H. Stenhouse (1825-1882)
 
 
 
Le Livre de Mormon jugé par les savants
Le roman de Salomon Spaulding
Quelques objections de M. Favez contre le Livre de Mormon
Réponse à M. Agénor de Gasparin



Le Livre de Mormon jugé par les savants
 
      Les chrétiens, qui ne connaissent l'existence de l'Amérique que depuis Christophe Colomb, qui ignorent que la religion du Christ y fut annoncée et inaugurée par lui-même après sa résurrection, s'imaginent volontiers qu'il n'a accompli que la moitié de son œuvre, et que lui aussi avait besoin de la découverte du célèbre navigateur pour apprendre que l'Ancien Monde n'était pas le monde entier où ses disciples devaient répandre la loi du salut.
 
      En vain le Livre de Mormon nous apprend qu'une colonie de Jarédites, partie de Babel à l'époque de la confusion des langues, fut conduite par le Seigneur jusqu'aux rives de la Grande Mer, où elle reçut l'ordre de construire des vaisseaux qui la transportèrent sur le continent de l'Amérique du Nord ; qu'elle y devint une nation puissante ; qu'elle y bâtit de grandes cités ; que les arts, l'agriculture et le commerce y fleurirent, et qu'enfin la méchanceté de ces hommes leur attira les fléaux du ciel, puis une extermination complète. En vain ce livre nous annonce qu'un second peuple, sorti de Jérusalem sous le règne de Sédécias, vint aussi sur ce continent, où il apporta avec lui les cinq livres de Moïse et les prophètes jusqu'à Jérémie ; qu'il se divisa en deux nations ennemies, les Néphites et les Lamanites ; que ces derniers, frappés par la malédiction divine, déclinèrent et tombèrent finalement dans l'état sauvage ; que les Néphites, devenus méchants, subirent les jugements de Dieu ; que des cités entières furent ensevelies dans les entrailles de la terre ou consumées par le feu du ciel. En vain il nous enseigne que le Christ ressuscité apparut aux Néphites, leur montra ses mains et ses pieds percés, abolit la loi de Moïse, inaugura l'Évangile, en confia l'administration à douze apôtres, puis monta au ciel après leur avoir donné le pouvoir de baptiser en son nom ; que les Néphites, poursuivis par les Lamanites, s'enfuirent au loin vers le nord, au Ve siècle de l'ère chrétienne, et que là, quatorze siècles plus tard, Joseph Smith, sur l'indication d'un ange, découvrit les plaques de métal enfouies à cette époque par Moroni, fils de Mormon, et sur lesquelles est gravée, en langage égyptien, l'histoire de ces nations.
 
      En vain les plus récentes explorations ont amené et amènent de jour en jour des découvertes qui attestent la vérité de tous ces faits et confirment les témoignages de l'authenticité du Livre de Mormon : la science et la révélation doivent avoir tort devant l'autorité de nos adversaires. La révélation, pour eux, c'est la Bible, et rien autre ; encore chacun d'eux l’explique-t-il à sa manière. Quant à la science, ils n'ont pas le temps de s'en occuper lorsqu'elle gêne leur système. D'ailleurs, ils ont en faveur de leur accusation d'imposture le témoignage du docteur Anthon, dont nous nous occuperons tout à l’heure. Cela leur suffit.
 
      Le lecteur, toutefois, nous permettra d'entrer en discussion sur ce point important. Examinons, avant tout, les preuves d'imposture produites par nos ennemis.
 
      C'est d'abord la lettre du savant professeur Anthon, de New-York. Nous en extrayons la partie sérieuse, laissant de côté les facéties plus ou moins burlesques dont il a voulu égayer le public. Il s'agit, dans les passages ci-après, du fac-simile d'une des planches du Livre de Mormon, qui fut soumis au professeur.
 
      « Au fait, le papier en question était un singulier assemblage de caractères crochus de tous genres, disposés en colonnes. Il avait évidemment été composé par quelqu'un qui avait devant soi un livre contenant différents alphabets : du grec, de l'hébreu, des caractères en croix et des ornements. Des lettres romaines, renversées ou écrites horizontalement, étaient disposées en colonnes perpendiculaires. Le tout finissait par un cercle grossièrement tracé, divisé en divers compartiments et couvert de signes particuliers, copiés évidemment du calendrier mexicain, donné par Humboldt, mais copiés de manière à ne pas en trahir l'origine. Je suis d'autant plus précis sur le contenu de ce papier, que j'en ai parlé fréquemment avec mes amis depuis que le mouvement mormoniste a commencé, et je me rappelle très bien que le papier contenait tout autre chose que des hiéroglyphes égyptiens. » (Favez, page 15)
 
      Avant d'apprécier cette lettre du docteur Anthon, citons ici quelques lignes du Livre de Mormon :
 
      « Or voici, nous avons écrit ces annales selon notre connaissance dans les caractères qui sont appelés parmi nous l'égyptien réformé, nous ayant été transmis et ayant été altéré par nous, selon notre langue. Mais le Seigneur connaît les choses que nous avons écrites, et il sait qu'aucun autre peuple ne connaît notre langue ; c'est pourquoi il a préparé des moyens pour leur interprétation. » (page 474)
 
      En admettant pour un instant l'authenticité du Livre de Mormon, il ne faut pas s'étonner si le docteur Anthon n'a pas pu lire le fac-simile qui lui fut présenté ; car ces annales sont écrites dans l'égyptien réformé, langue aujourd'hui inconnue ; et d'ailleurs l'Urim et Thummim, qui devait servir à l'interprétation des plaques, n'a pas été présenté à M. Anthon. Dans cette première hypothèse, qui est pour nous une certitude positive, la Iettre du docteur est parfaitement d'accord avec le texte d'Ésaïe, chapitre 29 (versets 11 et 12, ndlr).
 
      Raisonnons maintenant dans l'hypothèse contraire. Que signifie la déclaration de M. Anthon ? Qu'on la relise attentivement, et l'on verra qu'elle peut se résumer ainsi : « Ce ne sont pas des hiéroglyphes égyptiens, mais des signes que je ne connais pas. » Ou en deux mots : « Les savants ont encore quelque chose à apprendre. »
 
      Qui s'en étonnerait ? La Californie est une contrée où l'on commence seulement à découvrir des monuments qui remontent à la plus haute antiquité. C'est à tel point que des collines, couvertes de forêts considérées jusqu'ici comme des forêts vierges, lorsqu'on les examine avec soin, lorsqu'on veut entrouvrir le sol où végètent ces arbres séculaires, se trouvent être d'énormes pyramides construites de main d'homme [20], des monuments auprès desquels les fameuses pyramides d'Égypte seraient des pygmées ! On exhume des marbres couverts d'inscriptions qui certainement ont un sens ; mais ce sens, les savants ne le découvrent pas.
 
      En 1834, quand M. Anthon écrivait la lettre tant reproduite par nos adversaires, le Livre de Mormon était seul pour affirmer l'ancienne splendeur de l'Amérique. Ceci explique pourquoi le savant professeur, qui ne sait pas tout, l'accusa d'imposture. C'était une manière commode de masquer l'insuffisance de son érudition. Mais, dans les vingt années qui se sont écoulées depuis la date de cette lettre, il s'est fait des découvertes, et les recueils scientifiques reproduisent des fac-simile de pierres et de plaques de cuivre d'une authenticité incontestable, assez semblables aux plaques du Livre de Mormon ; et en face de ces débris des temps antiques, il n'est plus permis aujourd'hui à M. Anthon de dire : « C'est un singulier assemblage de caractères crochus de tous genres. » La science cherche une solution plus satisfaisante, et les plaisanteries du savant de New-York sont loin d'être le dernier mot sur une question aussi intéressante, comme nous le prouverons bientôt.
 
      M. Anthon affirme que les caractères du Livre de Mormon ne sont pas des hiéroglyphes égyptiens. Qu'est-ce que cela prouve ? Nous n'avons jamais prétendu que les plaques portaient des hiéroglyphes égyptiens, mais qu'elles étaient écrites en égyptien réformé, et nous croyons très volontiers que M. Anthon ne connaît pas l'égyptien réformé.
 
      Le démenti du docteur ne s'adresse à personne ; il s'est mal posé la question, afin d'avoir quelque chose à contredire, voilà tout.
 
      N'est-il pas curieux de voir un homme de la force de M. Favez, blotti à l'ombre du savant d'Amérique, élever la voix tout à coup et s'écrier : « De l'égyptien réformé ! C'est encore une invention de J. Smith. Il n'y a pas dans le monde une langue, soit moderne, soit ancienne, connue sous ce nom ! » Ce que le savant n'a pas osé dire, M. Favez l'affirme hardiment. Moins on sait, moins on doute. Ainsi, de par la vaste érudition de ce missionnaire plymouthiste, la langue de l'antique Égypte n'a pas subi de modification : elle est la seule qui soit morte sans qu'il s'y soit jamais introduit le moindre changement. Mais laissons un peu M. Favez, et écoutons des gens plus compétents.
 
      Il existe à Edimbourg une famille de savants éditeurs, MM. Chambers, dont les publications sont accueillies partout où la langue anglaise est connue avec la confiance due au discernement et à la critique éclairée de ces libraires, dont la plume s'unit fréquemment à celles de leurs collaborateurs, toujours pris parmi les sommités scientifiques. Dans le recueil publié sous ce titre : Chambers's Papers for the People, 4e partie, p. 13, nous lisons ce qui suit, relativement à une découverte récemment faite par MM. Stephens et Catherwood à Palenque, dans leurs Explorations dans l'Amérique centrale, Chiapas et Yucatan (2 volumes in-8°) :
 
      « Dans le même édifice il y avait, de chaque coté de la porte principale, des tablettes en pierre de treize pieds de longueur sur huit pieds de hauteur, couvertes d'hiéroglyphes. On a observé, comme chose remarquable, que ces caractères sont les mêmes que ceux trouvés à Copan, et aussi dans plusieurs villes en ruine de l'Yucatan, ce qui prouve que les habitants de ces contrées ont dû avoir une langue écrite qui leur était commune, quoique les Indiens qui habitent actuellement les territoires intermédiaires parlent plusieurs langages distincts et tout à fait inintelligibles l'un à l'autre. »
 
      Or ces, inscriptions, tout récemment exhumées, et qui gisaient sous les décombres depuis des milliers d'années, les savants d'Amérique, compris M. Anthon, n'y voient qu'un « singulier assemblage de caractères crochus de tous genres. » Elles indiquent bien une langue uniforme et commune à plusieurs peuples ayant occupé une grande étendue de pays ; mais cette langue est inconnue ; elle ne peut être lue ; elle a été confondue. Est-ce de l'égyptien réformé ? Nous l'ignorons parfaitement. Mais quand M. Favez affirme qu'il n'y a dans le monde aucune langue connue sous ce nom, nous osons affirmer, nous, que toutes les langues qui ont existé ne sont pas connues. Nous disons, en outre, que quand les rois de la science archéologique et linguistique s'inclinent silencieux devant ces monuments qui indiquent de vastes lacunes dans la sphère des connaissances humaines, un homme tel que M. Favez pourrait bien se reconnaître incompétent sur de telles questions.
 
      En 1830, quand parut le Livre de Mormon, ce fut un concert unanime de sarcasmes et de rires. Les savants en général se récrièrent contre cette hypothèse que les Indiens de l'Amérique descendaient des enfants d'Israël, et le livre fut même considéré comme peu propre à faire des dupes, tant l'imposture était grossière ! Tel est le sort de toutes les vérités qui parviennent, par-ci, par-là, à se faire jour à travers le chaos incessant des élucubrations humaines. Accueillies d'abord par l'incrédulité et le mépris, elles finissent par ébranler les certitudes acquises ; quelques esprits droits veulent voir le fond des choses, s'assurer si l'invraisemblable ne serait pas par hasard la vérité ; ils se mettent à l'œuvre. C'est ce qui arriva, non pas en vue de vérifier les données du Livre de Mormon, mais parce que la science avait besoin d'être fixée sur l'histoire de ces intéressantes contrées.
 
      Dès l'année 1833, M. C. Colton publiait à Londres un ouvrage dans lequel nous lisons, au sujet des Indiens :
 
      « Ils affirment qu'ils possédaient autrefois un Livre, et ils savent par tradition que le Grand Esprit prédisait habituellement à leurs pères les événements, et qu'il dirigeait la nature en leur faveur ; qu'à une certaine époque les anges leur parlaient ; que toutes les tribus indiennes descendaient d'un seul homme qui avait eu douze fils ; que cet homme était un prince célèbre, possesseur de vastes contrées, et que les Indiens, qui sont sa postérité, recouvreront un jour le même pouvoir et la même influence. Ils croient, par tradition, que l'esprit de prophétie et d'intervention miraculeuse, dont leurs ancêtres ont joui, leur sera rendu, et qu'ils retrouveront le Livre perdu depuis si longtemps. »
 
      Il y a dans ce passage, il nous semble, des analogies assez frappantes avec l'apparition du Livre de Mormon et avec les faits qu'il rapporte. Mais poursuivons.
 
      Tout le monde, jusqu'à ces derniers temps, considérait les Indiens comme une race sauvage qui, en dehors du mouvement civilisateur, avait traversé les siècles sans avoir l'idée des arts et des sciences, et sans aucun moyen autre que la tradition pour transmettre à la postérité son histoire comme peuple. Quand le Livre de Mormon vint révéler au monde que ces peuplades errantes étaient un reste d'Israël ; que ces sauvages avaient été jadis une nation civilisée, où avaient fleuri les sciences et les arts ; qu'ils avaient connu le vrai Dieu, bâti de grandes villes ; qu'ils avaient l'habitude de graver leurs annales sur des tablettes d'or ou de cuivre pour les léguer à la postérité, et que la langue dans laquelle ils écrivaient s'appelait l'égyptien réformé, les sages rirent de ces absurdités, s'étonnant qu'il y eût des gens assez stupides pour y croire. Et tout à coup M. Stephens surprend le monde en annonçant qu'il a découvert les ruines de grandes et puissantes cités, de temples magnifiques, de statues couvertes d'hiéroglyphes, et cela à l'endroit même où le Livre de Mormon, publié huit années auparavant, avait indiqué que s'élevaient jadis de grandes et superbes villes. Écoutez M. Stephens au moment où il vit les ruines de Copan :
 
      « Nous nous assîmes sur le bord du mûr, et j'essayai en vain de sonder le mystère qui nous entourait. Quels étaient ceux qui avaient bâti cette ville ? Dans les ruines de l'Égypte, même dans Petra depuis si longtemps perdue, l'étranger reconnaît l'histoire du peuple dont les traces l'environnent.
 
      « L'Amérique, disent les historiens, était peuplée par des sauvages. Mais jamais des sauvages n'ont élevé ces édifices ; ce ne sont pas des sauvages qui ont sculpté ces pierres. Nous demandâmes aux Indiens quels étaient les auteurs de ces grandes choses ; leur unique réponse fut : Quien sabe ? (Qui le sait ?) Rien ne se lie à l'histoire de cet endroit ; on n'y retrouve aucun de ces souvenirs émouvants qui ennoblissent Rome, Athènes et la grande maîtresse du monde sur la plaine égyptienne. Mais l'architecture, la sculpture, la peinture, tous les arts qui embellissent la vie avaient jadis prospéré dans cette immense forêt. Des orateurs, des guerriers, des hommes d'État avaient apparu sur cette scène et n'y avaient pas laissé de traces. Et personne encore ne sait que de telles choses ont existé. Les livres sont muets, et la ville est un monceau de ruines. »
 
      Et pour ceux qui ont crié à l'imposture en apprenant que le Livre de Mormon avait été traduit sur des plaques gravées, unies ensemble par des anneaux de métal, et remontant évidemment à une époque reculée, nous publions la déclaration suivante, adressée à l'éditeur du Times and Seasons :
 
      « Nous soussignés, citoyens de Kinderhook, certifions et déclarons que le 23 août 1843, tandis que nous étions occupés à creuser sur un monticule qui se trouve dans ce voisinage, M. M. Wiley enleva du dit monticule six plaques de cuivre offrant le profil d'une cloche, couvertes de lettres anciennes. Les plaques étaient fortement oxydées ; les barres et les anneaux se pulvérisaient sous la plus faible pression. Nous avons transmis les plaques ci-dessus mentionnées à M. Sharp, dans le but de les faire transporter à Nauvoo.
 
      (Signé)     Robert Wiley
                        George Deckenson
                        W. Longneker
                        Fayette Grubb
                        G.-W.-F. Ward
                        J.-R. Sharp                              
                        Ira-S. Curtis                             
                        W.-P. Harris                            
                        W. Fugate
                         
 
      Le Quincy-Whig, après avoir fait mention de cette découverte, ajoute :
 
      « Ces plaques ont été exposées la semaine dernière dans cette ville, et elles sont maintenant à Nauvoo, soumises à l'examen du prophète mormon. Si Joseph Smith peut déchiffrer les hiéroglyphes tracés sur ces plaques, il fera plus qu'aucun homme pour éclairer l'histoire de ce continent. »
 
      Jusqu'ici il nous semble que les découvertes, au lieu de renverser le témoignage du Livre de Mormon et d'en démontrer l'imposture, viennent au contraire le corroborer.
 
      Comme l'égyptien réformé a été un objet de scandale pour nos adversaires, nous allons continuer des citations qui non seulement démontrent que les hiéroglyphes égyptiens furent connus dans l'Amérique ancienne, mais que d'autres usages égyptiens y furent aussi en vigueur, notamment celui d'embaumer les corps des défunts [21]. On lit dans l’Edinburgh Evening Courant du 16 octobre 1848 :
 
      « Les journaux qui nous arrivent des États-Unis par la dernière poste contiennent plusieurs choses curieuses et importantes qui méritent notre attention particulière. Nous mentionnerons surtout le récit détaillé et remarquable de la découverte faite à Durango, capitale de la province de ce nom dans le Mexique, de cavernes renfermant plusieurs centaines de milliers de momies semblables à celles de l'ancienne Égypte. Nous attendons impatiemment, ainsi que le public, des développements sur cette découverte. »
 
      Dans le même numéro de ce journal, l'écrivain, après avoir parlé de l'ouvrage de M. Stephens déjà rappelé plus haut, dit :
 
      « Nous observerons simplement ici que quiconque examine les beaux dessins renfermés dans le livre de Stephens sur l'Amérique centrale, reconnaîtra qu'ils sont couverts d'hiéroglyphes égyptiens et de lettres hamyratiques semblables à celles qui ont été récemment découvertes dans l'Arabie méridionale, et que les traits et les figures sont ceux de l'Asie supérieure. »
 
      Suivant MM. Guers et Favez, il est incroyable que les anciens habitants de l'Amérique aient eu connaissance des cinq livres de Moïse et des Prophètes jusqu'au règne de Sédécias, époque de la dernière émigration des Israélites, qui les emportèrent avec eux. Nous allons prouver non seulement la vérité du Livre de Mormon en cet endroit, mais encore que les rites, coutumes, sacrifices et autres cérémonies religieuses des Juifs y furent pratiqués, ainsi que la hiérarchie ecclésiastique. M. C. Colton, à qui nous avons déjà fait un emprunt, s'exprime ainsi en parlant des sacrifices des Indiens :
 
      « Dans certaines occasions, non seulement il faut que la victime soit blanche, mais un seul poil d'autre couleur ou la moindre tache la ferait rejeter. Tandis qu'ils chantent ou dansent autour du sacrifice, on peut clairement distinguer le saint nom de Jéhovah ; ils ont aussi le A-la-Heem hébreu en forme substantielle, appliqué au Grand-Esprit, et l'on entend souvent dans leurs chants sacrés l’Halleluja aussi distinctement que dans quelque chœur chrétien que ce soit. Ils ont également un vaisseau ou Arche d'alliance dont ils se servent dans certaines occasions, et que l'on ne contemple qu'avec un profond respect. »
 
      Dans un discours de M. Noah, écrit dans le but de prouver que les Indiens de l'Amérique descendent des dix tribus perdues d'Israël [22], discours publié à New-York en 1837, l'auteur cite, entre autres écrivains, M. Adair, qui, après avoir fait mention d'un grand nombre de mots hébreux dont ils se servent, continue ainsi :
 
      « Les Indiens ont leurs prophètes et leurs grands-prêtres, de même que les Juifs en avaient autrefois ; ils sont élus avec soin parmi les hommes les plus sages et les plus prudents, et ils ordonnent leurs grands-prêtres au moyen de l'onction. Ils ont dans leurs sanctuaires un endroit très saint, semblable au Saint des Saints dans le temple. L'archimage ou grand-prêtre porte, en imitation du pectoral ancien, une conque marine blanche, ornée de manière à ressembler aux pierres précieuses de l'Urim, et au lieu de la plaque d'or portée par le Lévite sur le front, l'Indien porte une couronne de plumes de cygne et une touffe de plumes blanches qu'il appelle Yatira. Les Indiens ont leur arche qu'ils emmènent toujours aux combats avec eux, et sur laquelle ils veillent avec soin. Une chose digne de remarque, c'est qu'ils ne posent jamais l'arche à terre. Quand le terrain est montueux, ils la mettent sur de grandes pierres ; mais dans les plaines, ils la placent sur de courtes bûches sur lesquelles ils s'asseyent. »
 
      Cette déclaration de M. Adair est confirmée par plusieurs voyageurs, et notamment par le major Long, qui a fait récemment l'exploration des montagnes Rocheuses.
 
      « L'arche est placée, dit-il, sur un piédestal, et on ne la laisse jamais toucher terre. La tradition leur apprend que la curiosité ayant poussé trois personnes à examiner la mystérieuse coquille, elles furent à l'instant frappées de cécité en punition de cette profanation. »
 
      Ceci prouve la vérité du Livre de Mormon à l'égard de la loi de Moïse. Maintenant laissons parler un ministre chrétien.
 
      Le Révérend Samuel Parker, A. M. (Journey beyond the Rocky-Mountains, p. 43, 44) donne le récit du voyage qu'il a fait chez les Indiens qui habitent au-delà des montagnes Rocheuses [23]. Il constate une foule d'analogies entre ces sauvages et les anciens Juifs. Ils sont, dit-il, restés étrangers à l'idolâtrie, ce qui les distingue de tous les autres païens. Ils n'ont aucune idole ; ils croient à un seul Dieu, à l'immortalité de l'âme, aux récompenses et aux châtiments futurs. Il les considère comme parfaitement disposés à recevoir la vérité chrétienne. Ils suivent les mêmes usages que les Juifs pour la punition des crimes, les mariages, les travaux domestiques, la manière de traiter les esclaves, la polygamie, la division en tribus, etc. Malgré ces analogies, l'auteur ne pense pas qu'ils soient d'origine juive.
 
      « Il y a, dit-il, deux considérations qu'on ne doit pas passer sous silence, et qui sont contraires à la supposition que les Indiens sont d'origine juive. D'abord ils ne font point de sacrifices. Ici ils diffèrent non seulement de la nation juive, mais de tous les peuples de la terre qui ne sont pas sous l'influence de la lumière de l'Évangile. S'ils descendent des Juifs, il est étrange qu'ils n'aient pas continué la pratique des sacrifices, surtout lorsqu'il y a un penchant général parmi les hommes, et en particulier chez les païens, à y avoir recours pour expier les péchés. Les Indiens, à l'est des montagnes Rocheuses, offrent-ils des sacrifices ? Je l'ignore ; pour moi, je n'ai pas trouvé la moindre preuve d'un tel usage chez ceux de l'ouest.
 
      « L'autre considération est le manque d'analogie dans leur langage. Il y a plusieurs langues entièrement distinctes parmi les nations indiennes, et il existe entre ces idiomes des différences plus grandes qu'entre les diverses langues de l'Europe, car dans celles-ci sont conservés des mots dérivés du latin et qui leur sont communs. Or, si les Indiens étaient descendus des Juifs et avaient eu conséquemment la même langue (l'hébreu), on devrait aujourd'hui, malgré la diversité de leurs dialectes, retrouver dans leur langage des mots indiquant une origine commune. On y reconnaît bien quelques mots qui viennent du latin, du grec, de l'hébreu, mais avec un sens différent de celui qu'ils ont dans ces langues. Donc, sous le rapport du langage, l'évidence d'une origine juive, ou même simplement d'une autre origine commune, n'est pas seulement douteuse, mais fort peu probable. »
 
      Le Révérend Parker refuse aux Indiens une origine juive pour deux motifs : ils ne font point de sacrifices, et leur langage n'offre pas assez d'analogie avec la langue hébraïque. Disons d'abord, avec les savants éditeurs Chambers, que le Révérend Parker a fait des observations assez exactes, mais qu'il les a gâtées par des inductions où il s'est montré complètement dépourvu d'intelligence et de jugement [24]. Ne prenons donc de lui que les faits. Si M. Parker avait lu le Livre de Mormon, il aurait été conduit à une conclusion diamétralement contraire. La conformité des usages, preuve si évidente, aurait été non pas contredite, mais corroborée par l'absence des sacrifices, car là où la parole du Christ a pénétré, les sacrifices ont cessé. Parker n'a point exploré les ruines des temps anciens et ignore si l'usage des sacrifices fut en vigueur parmi ces nations ; mais, deux ans après lui, Stephens et Catherwood, se livrant à la recherche des antiquités que recèlent ces mêmes contrées, ont trouvé des traces non équivoques de cet usage, et le résultat de leurs découvertes a été publié en 1839 et 1842, en deux gros volumes que l'on peut consulter. Quant au langage, M. Parker y dit avoir reconnu des mots hébreux, grecs et même latins ; cette observation devait le conduire à une conclusion contraire, surtout puisqu'il admet que toutes les autres circonstances sont propres à faire croire que les Indiens descendent des Juifs.
 
      Le Livre de Mormon, comme on le sait, nous apprend que deux races différentes habitèrent le continent américain : la première était un peuple venu de la tour de Babel, et l'autre était une partie de la postérité de Joseph qui était sortie de Jérusalem aux jours de Sédécias, roi de Juda. M. Noah, dans son discours sur l'origine des Indiens de l'Amérique, après avoir prouvé que les Indiens de nos jours sont des descendants d'Israël, déclare que quelques-unes des anciennes ruines qu'on y a trouvées ont dû être l'ouvrage d'un autre peuple plus ancien.
 
      « Mais, dit-il, quels étaient les Tultequans et les Aztèques, fondateurs de cet empire en Amérique ? Qui est-ce qui a bâti les pyramides de Cholula et la ville de Palenque ? Ce n'étaient pas des Juifs. Ici nous sommes obligés de quitter la voie que nous avons suivie dès l'origine (qui était de prouver que les Indiens descendaient d'Israël). Autre découverte très extraordinaire, marquée aussi par des événements surprenants ! »
 
      Le Livre de Mormon (pages 461 à 466 ; Mormon 4-6, ndlr) parle d'une race idolâtre et cruelle, qui sacrifiait des femmes et des enfants aux idoles, de son entière destruction par la guerre, et de sa disparition de la surface du globe. Voici un extrait du New-York Sun du 8 janvier 1848, qui vient confirmer ce récit :
 
      « Yucatan est la tombe d'une grande nation qui a passé mystérieusement et qui n'a pas laissé d'histoire. Chaque forêt contient dans son sein les restes de vastes temples ornés de sculptures et couverts des symboles d'une religion éteinte, de nobles cités dont les rues et les palais somptueux attestent dans leur triste abandon la grandeur colossale de leurs fondateurs. Ce sont les tombeaux gigantesques d'une race illustre, mais ils ne portent ni noms, ni épitaphes. L'Indien éprouve une grande terreur en racontant la tradition confuse de tout un peuple féroce et cannibale, qui se plaisait dans les sacrifices humains, et qui fut exterminé dans le sang et le feu par ses ancêtres. Cette terreur est le seul guide des conjectures que l'on peut faire sur la manière dont les anciens habitants de Yucatan furent effacés en masse du nombre des vivants. »
 
      D'après le Livre de Mormon, p. 460 (Mormon 3:5, ndlr), l'endroit où était cette ville et où ce peuple fut exterminé est désigné comme étant le défilé étroit qui mène du côté du midi (ou qui sépare l'Amérique du Nord de l'Amérique du Sud). Maintenant, regardez la carte, et là vous trouverez Yucatan.
 
      Nous renvoyons à la Voix d'avertissement (ouvrage de Parley P. Pratt publié en anglais en 1837 et en français en 1853, ndlr) pour d'autres renseignements sur ce point.
 
      En terminant ces citations, nous ferons cette seule question à nos adversaires : Est-ce la sagesse humaine qui dicta le Livre de Mormon avant 1830 ? J. Smith pouvait-il deviner que des découvertes positives viendraient ultérieurement le confirmer ?
 
      Voilà quelques-uns de nos témoins en faveur de l'authenticité du Livre de Mormon. Dans cette partie de notre exposé, comme sur tous les autres points, nous avons pris nos citations en dehors des ouvrages de l'Église, c'est-à-dire chez nos ennemis ou les étrangers. Pour nous-mêmes, nous avons assez de témoignages de l'authenticité du Livre de Mormon ; ces preuves s'adressent uniquement à nos adversaires. 
 
 
Le roman de Salomon Spaulding
 
      Voyons maintenant comment nos ennemis prouvent l'imposture du Livre de Mormon. Laissons parler M. Guers:
 
      « Un pasteur américain, M. Salomon Spaulding, exerçait son ministère à New-Salem, État d'Ohio. C'était un homme d'une imagination vive, et passionné d'archéologie. L'affaiblissement de sa santé l'ayant forcé de renoncer à ses fonctions pastorales, il résolut de se livrer à des travaux littéraires. » (p. 62)
 
      Nous devons ici à nos lecteurs une révélation, et à MM. Guers et Favez une petite représaille. Pour nous libérer envers chacun, nous dirons que la source impure où nos adversaires ont puisé une partie des calomnies qu'ils prodiguent à J. Smith et à ses frères, est un roman du capitaine Marryat, intitulé : M. Violette, ou voyage d'un jeune émigré français, etc. [25]
 
      Dans une discussion qu'ils disent sérieuse, des ecclésiastiques vont se renseigner là !... Nous ne dirons rien de plus ; sinon que Bowes, autre prédicateur, n'a pas fait autrement. Dieu leur pardonne à tous !
 
      La représaille, la voici. À ce portrait du ministre Spaulding, tracé par le ministre Guers avec tous les égards qu'on se doit entre confrères, nous opposons celui qu'on va lire ; mais nous avons la franchise d'avouer que nous prenons cette seule citation... au même roman que ces messieurs n'ont pas craint de mettre souvent à contribution :
 
      « Il y a nombre d'années, vivait un homme du Connecticut, nommé Salomon Spaulding, parent de l'inventeur des noix muscades en bois. En le suivant dans sa carrière, le lecteur trouvera en lui un Yankee pur sang. On le voit d'abord étudiant en droit, puis prédicateur, marchand et banqueroutier. Plus tard, il devient maréchal-ferrant dans un petit village, ensuite spéculateur en terre et maître d'école du comté ; plus tard encore il est maître de forges, fait banqueroute une autre fois, et finit par être écrivain et songe-creux. Il mourut de misère quelque part dans la Pennsylvanie. » (Tome 3, page 124 de l'édition de Bruxelles)
 
      Assurément nous ne garantissons pas l'exactitude de ce précis biographique ; nous croyons même que S. Spaulding fut un homme honorable. Mais nous le demandons sérieusement à nos adversaires : Est-il honnête, dans une discussion religieuse, en face d'un public que l'on prend pour juge, d'invoquer de pareilles autorités ?
 
      Salomon Spaulding, disent-ils, a écrit un roman religieux dont il a confié le manuscrit à MM. Patterson et Lambdin, imprimeurs à Pittsbourg. Ceux-ci l'ont communiqué à Sidney Rigdon, lequel, avec ou sans l'aide de J. Smith, en a fait, en ajoutant des réflexions religieuses au récit de Spaulding, ce qui fut plus tard publié sous le titre de Livre de Mormon.
 
      À l'appui de cette histoire, nos ennemis citent une déclaration qu'ils attribuent à la veuve de Spaulding, devenue Madame Davidson ; « déclaration, dit M. Guers, confirmée par deux pasteurs américains. »
 
      On lit dans cette déclaration que :
 
      « Dans une réunion de la nouvelle secte, à laquelle assistait M. John Spaulding, son beau-frère, homme pieux, on avait lu de larges portions d'un livre que celui-ci reconnut à l'instant même, ainsi que ses amis présents, pour être, dans ses parties historiques, l'ouvrage de M. Salomon Spaulding. Douloureusement surpris, comme on peut le croire, à l'ouïe de telles choses, et fondant en larmes, M. John Spaulding exprima tout haut son indignation de voir le manuscrit de son frère employé dans un but si méprisable et si révoltant. (Ici M. Guers ajoute de son crû, mais sans en donner aucune preuve, tout ce qui suit). « On compara sur l'heure le Livre de Mormon avec le manuscrit de M. Spaulding, et l'on constata pleinement la fraude. Ce livre, en effet, d'un bout à l'autre, n'était ni plus ni moins que le roman religieux de M. Spaulding, dans lequel une main hardie avait intercalé, etc. » (page 63)
 
      M. Favez n'ose pas aujourd'hui en dire autant, mais il paraît qu'il possède la première édition de la fameuse lettre, car il dit que les fragments du roman converti en Livre de Mormon furent lus dans une réunion par une femme prédicateur ! En effet, les deux ministres américains, qui n'ont pas confirmé, mais fabriqué la prétendue lettre de Madame Davidson, avaient imprimé d'abord cette monstruosité ; mais quand leurs amis virent l'effet produit par cet ignoble conte, ils firent disparaître, dans une seconde édition, la femme prédicateur. On peut juger de l'authenticité de la lettre, publiée au long par M. Favez, et où personne d'ailleurs ne reconnaîtra le style d'une femme.
 
      M. Favez, qui sait aussi bien que nous quels sont les auteurs de la fausse lettre, a eu le soin d'en retrancher un passage en forme de préambule ; il a compris que ce passage, que nous allons reproduire, décelait la main de ses hardis confrères. Que le lecteur juge si les lignes suivantes ont été écrites par une femme de 70 ans et infirme :
 
      « Pour tout esprit non perverti par les illusions les plus grossières, il est évident que les prétentions de cet ouvrage (le Livre de Mormon) à être considéré comme d'origine divine sont totalement dénuées de fondement ; et il est de toute impossibilité qu'aucune personne raisonnable puisse le classer au-dessus de toute production de l'esprit humain. Cependant il est ainsi considéré par des habitants de cette Nouvelle-Angleterre si éclairée, et même par un certain nombre de personnes reconnues pour être des chrétiens.
 
      « Ayant appris récemment que le mormonisme avait pénétré dans une congrégation du Massachussets, et que plusieurs membres de cette congrégation en avaient accepté les doctrines et jusqu'à ses plus grossières duperies, au point que l'excommunication était devenue nécessaire, je me suis déterminée à arracher immédiatement le masque à ce monstre de péché, et à mettre à découvert cet abîme d'abomination. »
 
      Que pensez-vous de cette femme septuagénaire, qui déclare que l'excommunication était devenue nécessaire ? Voyez-vous la main des ministres !
 
      Nous répondrons donc tout d'abord : cette lettre est fausse. Jamais Madame Davidson n'a écrit ni signé rien de semblable.
 
      Il ne faut pas croire, d'ailleurs, que l'on ose encore, en Amérique, parler de cette prétendue lettre de Mme Davidson ; l'imposture a été trop bien démontrée il y a vingt ans, et M. Clarke lui-même, un de nos ennemis, affirme (page 17), que c'est M. Storrs qui l'a envoyée au journal de Boston pour la publier, furieux qu'il était d'avoir vu passer au mormonisme le diacre et plusieurs membres influents de sa congrégation.
 
      Cette lettre, en tous cas, sauf les faits qu'elle raconte, n'exprimerait jamais que l'opinion d'une dame âgée sur nos doctrines, dont elle ne connaissait pas un mot ; ce n'est donc pas son appréciation, et encore moins celle des vrais auteurs, que nous voulons combattre. Mais comme les faits sont faussement exposés, nous voulons démasquer le mensonge.
 
      Le professeur J.-B. Turner, Illinois Collège, Jacksonville, l'un des écrivains les plus hostiles au mormonisme, et parfaitement placé d'ailleurs pour obtenir tous les éclaircissements relatifs aux faits dont il s'agit, a publié un livre intitulé Mormonism in all ages. Dans cet ouvrage, p. 207, il rapporte ainsi le témoignage de John Spaulding, frère de Salomon, l'auteur du roman :
 
      « Après avoir prêché pendant trois ou quatre années, Salomon abandonna le ministère et se livra aux affaires de commerce avec son frère Joseph, à Cherry-Valley (New-York), où il fit faillite ; et en 1809 il alla résider à Conneaut (Ohio). Je suis allé le visiter environ quatre ans plus tard, et je l'ai trouvé criblé de dettes. Il me dit qu'il venait d'écrire un livre qu'il avait l'intention de faire imprimer, et qu'avec les bénéfices il espérait pouvoir payer ses dettes. Ce livre portait le titre de Manuscript found (le Manuscrit trouvé) ; il m'en lut de nombreux passages (many passages). »
 
      Or les deux ministres, qui ignoraient que John habitait assez loin de Salomon pour rester quatre ans sans le visiter, attribuent à la plume de Mme Davidson cette phrase :
 
      « M. Spaulding avait un frère, M. John Spaulding, qui alors résidait dans le même lieu. Cet ouvrage lui était parfaitement connu ; il en avait maintes fois entendu la lecture en entier.
 
      Suivant John Spaulding, au contraire, c'est seulement en allant visiter son frère à Conneaut, où lui-même ne résidait pas, qu'il apprit que celui-ci avait écrit un ouvrage, et qu'il lui en fut lu un certain nombre de passages.
 
      Voici une lettre qui a paru dans le Quincy Whig peu de temps après que le ministre D. Austin, le docteur Ely, de Monson (Massachussets), et le ministre Storrs, de Holliston, avaient eu l'impudence de publier le factum mensonger dont on vient de lire un extrait. Cette lettre est adressée par M. John Haven, d'Holliston (Massachussets), à sa fille Elisabeth Haven, de Quincy (Illinois).
 
      « Votre frère Jessé a passé par Monson, où il a vu Mme Davidson et sa fille, Mme Kinestry, et aussi le docteur Ely, et il a passé plusieurs heures avec eux. Pendant ce temps, il leur a fait les questions suivantes, savoir :
 
      « Question. Avez-vous, madame Davidson, écrit une lettre à John Storrs, lui donnant un récit de l'origine du Livre de Mormon ? — Réponse. Je ne l'ai pas fait.
 
      « Q. Avez-vous signé votre nom au bas de cette lettre ? — R. Je ne l'ai pas fait, et je n'ai pas vu non plus cette lettre avant qu'elle parût dans le Recorder de Boston. Jamais cette lettre ne me fut présentée pour la signer.
 
      « Q. En quoi avez-vous contribué à l'envoi de cette lettre à M. Storrs ? — R. M. Austin vint dans ma maison et me fit quelques questions ; il prit des notes sur du papier et s'en est servi pour la lettre.
 
      « Q. Ce qu'il a écrit dans celte lettre est-il vrai ? — R. Globalement, c’était vrai.
 
      « Q. Avez-vous lu le Livre de Mormon ? — R. J'en ai lu une partie.
 
      « Q. Est-ce que le manuscrit de M. Spaulding et le Livre de Mormon se ressemblent ? — R. Je crois que quelques-uns des noms sont semblables.
 
      « Q. Le manuscrit parle-t-il d'un peuple idolâtre, ou d'un peuple religieux ? — R. D'un peuple idolâtre.
 
      « Q. Où est le manuscrit ? — R. Le docteur P. Hulbert vint ici et le prit, disant qu'il voulait le faire imprimer et me donner la moitié du profit.
 
      « Q. Le docteur Hulbert a-t-il fait imprimer le manuscrit ? — R. J'ai reçu de lui une lettre dans laquelle il me disait qu'il ne l'avait pas trouvé tel qu'il s'y attendait, et qu'il ne le ferait pas imprimer.
 
      « Q. Quelle est l'étendue du manuscrit de M. Spaulding ? R. Environ un tiers de celle du Livre de Mormon.
 
Questions adressées à Madame M'Kinestry :
 
      « Q. Quel âge aviez-vous quand votre père écrivit ce manuscrit ? — R. Environ cinq ans.
 
      « Q. Avez-vous déjà lu ce manuscrit ? — R. À l’âge d’environ douze ans, j'y ai lu pour mon amusement.
 
      « Q. Le manuscrit donnait-il l'histoire d'un peuple religieux, ou d'un peuple idolâtre ? — R. D'un peuple idolâtre.
 
      « Q. Le manuscrit et le Livre de Mormon s'accordent-ils ? —R. Je pense que quelques noms s'accordent.
 
      « Q. Êtes-vous certaine que quelques noms s'accordent ? — R. Je ne le suis pas.
 
      « Q. Avez-vous déjà lu dans le Livre de Mormon ? — R. Non.
 
      « Q. Était-ce par votre ordre que votre nom était sur la lettre envoyée à M. Storrs ? — R. Je ne désirais pas qu'il s'y trouvât.
 
      « Vous voyez, par les questions et les réponses précédentes, que M. Austin, dans son grand zèle pour détruire les saints des derniers jours, a interrogé madame Davidson et a ensuite écrit à M. Storrs dans son propre style. Je ne dis pas que les questions et les réponses furent littéralement données dans la forme que je reproduis, mais j'en donne exactement la substance. Madame Davidson est âgée d'environ soixante-dix-ans, et passablement cassée. »
 
      Nous lisons dans le feuilleton de la Presse, 12 août 1853, sous le titre Les mormons, ce qui suit :
 
      « On suppose qu'à Pittsbourg ce manuscrit a été laissé à un imprimeur nommé Lambdin, et que celui-ci l'a dû confier aux soins d'un nommé Sidney Rigdon, lequel fît rencontre du prophète dans ces entrefaites, et que ce fut alors qu'ils se concertèrent pour métamorphoser ce roman en Bible d'or. Cette version est contredite par des événements postérieurs.
 
      « Lorsque le Livre de Mormon parut, et que ceux qui connaissaient le Manuscript found le retrouvèrent dans cette œuvre divine, on voulut savoir ce qu'était devenu le roman manuscrit de Salomon Spaulding. Il avait disparu sans que ses possesseurs pussent s'expliquer cette disparition, tant elle avait été effectuée mystérieusement ; si bien que le manuscrit found (trouvé) n'a cessé d'être depuis lors le manuscrit Iost (perdu). La malle qui le contenait fut visitée avec le plus grand soin ; mais parmi son contenu on ne retrouva que la main de papier manuscrite formant l'Exode romain que l'auteur avait adopté dans le plan primitif de son ouvrage. Comment et quand ce manuscrit a-t-il été soustrait ? Cette question n'a pu être résolue jusqu'à ce jour, et ne le sera peut-être jamais. »
 
      Eh bien, ce manuscrit qui avait disparu, qu'on ne retrouva jamais, M. Guers affirme néanmoins qu'on le compara sur l'heure avec le Livre de Mormon, et que l'on constata pleinement la fraude ! M. Favez l'avait déjà dit en 1851 dans sa lettre sur les mormons ; il n'ose plus le répéter en 1854 ; mais sa lettre n'en est pas moins une autorité pour M. Guers.
 
      Nous avons lu un grand nombre d'ouvrages publiés contre le mormonisme, tant en Angleterre qu'en Amérique ; mais nous certifions que personne avant eux, parmi ces auteurs, n'a poussé l'audace au point d'avancer un fait aussi évidemment faux, mais en même temps aussi facile à démentir. Ils ajoutent, avons-nous dit, de leur propre crû cette infidélité à celles de MM. Austin et Ely. À cet endroit surtout, M. Guers secoue tout scrupule ; témoin ce passage, démenti par la déclaration déjà citée de John Spaulding :
 
      « À mesure qu'il composait son ouvrage, M. Salomon Spaulding (qui habitait alors à Conneaut, Ohio) le communiquait à son frère John Spaulding (qui habitait le comté de Crawford, Pennsylvanie). » (page 62)
 
      On voit jusqu'où mène le zèle religieux !...
 
      Les personnes qui résident en Amérique, qui ont pu vérifier les faits, se gardent bien d'affirmations aussi hardies. Le professeur Turner, bien mieux placé que MM. Guers et Favez pour saisir la vérité, s'exprime ainsi (p. 212) :
 
      « M. Spaulding quitta Pittsbourg en 1814 et partit pour Amity, (comté de Washington), où il mourut en 1816. S'il a emporté son manuscrit avec lui, ou s’il l’a laissé dans l’imprimerie de Lambdin, sa veuve, actuellement Madame Davidson, n’en est pas positivement certaine. Les mormons ont affirmé qu'elle avait raconté sur ce sujet des histoires contradictoires, ce qui, vu son âge et l'infirmité de sa mémoire, est assez probable. »
 
      Notons en passant que le grand âge et l'infirmité de Madame Davidson, attestés par ce témoin et par beaucoup d'autres, sont soigneusement passés sous silence par les deux ministres qui lui attribuent leur lettre mensongère, et que nos adversaires en Europe sont tout aussi discrets à cet égard que leurs confrères d'Amérique.
 
      Le docteur Hulbert, le plus fougueux de nos ennemis en Amérique, l'instigateur de toutes les attaques dirigées contre nous [26], a aussi publié un ouvrage intitulé Mormonism unveiled (le mormonisme dévoilé), où il dit, en parlant du fameux manuscrit qu'il avait reçu de la veuve de Salomon Spaulding :
 
      « Ceci est un roman que l'auteur donne comme traduit du latin et ayant été trouvé, en vingt-quatre rouleaux de parchemin, dans une cave, mais écrit dans un style moderne. Il raconte l'histoire fabuleuse d'un vaisseau faisant voile de Rome pour la Grande-Bretagne, et qui fut jeté sur les côtes de l'Amérique quelque temps avant l'ère chrétienne, ce pays étant alors habité par des Indiens. »
 
      Voilà, avons-nous dit, le plus ardent de nos ennemis. Il a eu le manuscrit en sa possession, il l'a lu, il le connaît parfaitement. Espérant y trouver des analogies frappantes avec le Livre de Mormon, il avait promis à la veuve Spaulding de l'imprimer pour donner l'évidence du plagiat de J. Smith ; mais il s'est trouvé que ce roman ne ressemblait en rien au Livre de Mormon, et il n'a plus voulu l'imprimer. N'est-il pas certain que s'il eût présenté la possibilité de faire croire à un tel plagiat, nos ennemis, qui ont fait preuve d'un si grand zèle contre le développement de l'Église, n'auraient pas manqué de le publier ? Les uns ont menti en affirmant que les deux livres ont été comparés et qu'on a reconnu la fraude ; d'autres ont menti en disant que le manuscrit avait disparu mystérieusement. La seule version vraie sur ce point est celle du docteur Hulbert, qui vous dit : Moi je l'ai lu en 1834 ; il ne ressemble en rien au Livre de Mormon.
 
      Ceci, d'ailleurs, s’accorde avec cette partie de la lettre attribuée à Madame Davidson, publiée dans la brochure de M. Pavez, p. 19 :
 
      « Le manuscrit alors m'échut et fut soigneusement gardé. Il a été fréquemment examiné par ma fille, madame M' Kinestry, de Monson (Massachussets), avec qui je demeure maintenant, et par d'autres amis. »
 
      L'unique vérité, dans tout ce fatras de mensonges contradictoires que l'on a publiés au sujet du roman de Spaulding et du Livre de Mormon, c'est que lorsque ce dernier parut, la malveillance de nos ennemis voulut faire croire à une copie subrepticement obtenue du roman, qui aurait été donné ensuite par Joseph comme un livre sacré ; mais que, lorsqu'on voulut vérifier, le manuscrit de Spaulding fut remis au docteur Hulbert, qui, après avoir comparé les deux ouvrages, les trouva absolument sans aucun rapport, ni dans les faits, ni dans le style.
 
      Ceci est d'autant plus vrai, que les deux « ministres américains » n'ont pas osé dire un seul mot dans le sens de l'allégation de M. Guers. Voici le passage de la lettre publiée sous le nom de Mme Davidson (Favez, p. 19) :
 
      « L'excitation dans New-Salem devint si grande, que les habitants eurent une assemblée et députèrent ici le docteur Philastus Hulbert, l'un d'entre eux, chargé de me demander le manuscrit original de M. Spaulding, désirant le comparer avec la Bible des mormons, pour satisfaire leur propre esprit et empêcher leurs amis de tomber dans un piège aussi grossier. »
 
      La lettre n'ajoute ni que le manuscrit fut remis au député, ni qu'il était égaré ; il n'y a à cet égard que le témoignage du docteur Hulbert rapporté plus haut, et qui donne un éclatant démenti à toute cette histoire du roman de Spaulding converti en Livre de Mormon.
 
      Ce que nous venons de dire touchant la différence qui existe entre le roman de Spaulding et le Livre de Mormon est confirmé par le témoignage d'un auteur qui nous est amèrement hostile, mais que ce sentiment n'emporte pas au-delà des limites qu'un honnête homme ne doit pas franchir. Citons donc encore le professeur Turner (p. 213) :
 
      « Madame Davidson n'étant pas certaine que le Manuscrit trouvé était dans sa malle, on jugea convenable d'y chercher. Au lieu d'un certain nombre de manuscrits, on n'en trouva qu'un seul, qui était un petit roman inachevé, fixant l'origine des Indiens à Rome, d'où ils avaient été amenés sur les côtes de l'Amérique par un vaisseau qui faisait voile pour la Grande-Bretagne, avant l'ère chrétienne. »
 
      Or, le Livre de Mormon se compose de 519 pages d'impression très compacte ; il était imprimé et répandu à l'époque de la déclaration que les ministres américains ont publiée sous le nom de Mme Davidson. Comment pourrait-on prétendre qu'un livre aussi étendu « n'était, d'un bout à l'autre, ni plus ni moins que le roman religieux de S. Spaulding » qui n'était qu'un petit roman inachevé ? Comment un homme raisonnable pourrait-il confondre ce petit roman, cette main de papier manuscrite dont parle un témoin, avec le Livre de Mormon, lequel, en supposant deux pages de manuscrit pour une page d'impression compacte, a dû former une collection de 1000 à 1200 pages ?
 
      D'ailleurs, est-il croyable qu'un roman, roman religieux si l'on veut, ait été écrit dans le style qui caractérise le Livre de Mormon ? Quel roman ressemble à celui-là ?
 
      Citons ici une appréciation lumineuse publiée dans le « New-Yorker » sous le pseudonyme de Joséphine. Cet article, évidemment écrit par une personne étrangère à notre Église, a été envoyé au président J. Smith par M. A. G. Gano ; Esqr. de Cincinnati (Ohio), et reproduit dans le Times and Seasons :
 
      « Le style (du Livre de Mormon) est une imitation fidèle des Écritures, et il est remarquablement privé de toute allusion qui trahisse la connaissance de l'état politique ou social de la société actuelle. L'écrivain vit de toute la force de son imagination dans l'âge qu'il décrit. Il est difficile d'imaginer une élaboration littéraire plus ardue que d'écrire ce qui peut être appelé la continuation de l'Écriture sainte, et de le faire de manière non seulement à éviter toute discordance avec les mots sacrés et authentiques, mais encore à combler maintes lacunes qui semblent y exister, et à confirmer ainsi ces livres l'un par l'autre.
 
      « Établir la théorie vraisemblable et appuyée que les aborigènes de notre continent (l'Amérique) sont des descendants d'Israël, sans se compromettre par aucune assertion ou dissertation qui la contredise, dénote un degré de talent et de science qui, chez un jeune homme sans éducation, est presque un miracle.
 
      « Une copie des caractères de plusieurs pages du Livre d'or fut communiquée à une personne de notre ville, laquelle naturellement fut incapable de les déchiffrer, quoiqu'ils présentassent une grande ressemblance avec les anciens caractères égyptiens.
 
      « Si, en les comparant, ils résulte que ces caractères sont semblables à ceux découverts dans les ruines de l'Amérique centrale, qui ont naguère si vivement frappé l'attention, et qui décidément ressortent de l'architecture égyptienne, cela plaidera en faveur de Smith. Cela tendra à prouver que les plaques sont authentiques, si même cela n'établit pas la vérité de son inspiration et la fidélité de sa traduction. »
 
      Après toute discussion sur le prétendu roman de Spaulding et le Livre de Mormon, il reste vrai jusqu'à l'évidence qu'il n'existe pas plus de rapport entre ces deux ouvrages qu'il n'y en a entre la Bible et les Aventures de Télémaque. La fausse déclaration des deux ministres américains est démentie par une foule d'auteurs respectables, au témoignage desquels nous allons ajouter celui de M. Pichot, notre ennemi bien connu (p. 69) :
 
      « Ce document isolé, terminé par une malédiction, n'est pas absolument concluant. Mathilde Davidson peut fort bien n'avoir été elle-même qu'un instrument de vengeance dans les mains du docteur Philastus Hulbert [27], le délégué des habitants de Salem. Le docteur Philastus, dont nos lecteurs ne seront pas fâchés de connaître les antécédents, avait cru lui-même au prophète Joseph Smith, et avait été l'un des membres de la nouvelle Église. D'après son dire, il se retira parce que ses yeux s'ouvrirent à l'imposture et à la fraude dont il avait été l'innocente victime. D'après la version des mormons, au contraire, il fut expulsé de leurs rangs pour adultère et pour d'autres actes d'immoralité. »
 
      Après quelques détails sur ce malheureux, M. Pichot ajoute :
 
      « Si nous nous sommes arrêté un instant à ces misères, c'est qu'il y a, au fond des persécutions que l'on va bientôt voir essuyer aux mormons, de fourbes et lâches rivalités de sectaires trop souvent couvertes du manteau de la morale et de l’intérêt public.
 
      « Auprès de certains prédicants de dénominations diverses et multiples, le Tartufe de Molière n'est qu'un écolier, et Joseph Smith lui-même un maladroit, au moins dans ses débuts. » (p. 72) 
 
      Ce dernier membre de phrase ne laisse aucun doute sur les dispositions de M. Pichot envers J. Smith ; son ouvrage entier, d'ailleurs, imprimé dans la Bibliothèque des chemins de fer, porte un cachet d'hostilité non équivoque. Le lecteur peut donc admettre avec confiance les éclairs d'impartialité et de franchise qui jaillissent parfois de la plume de cet écrivain. Nous ajouterons : On dirait que M. Pichot a eu sous les yeux les brochures de MM. Guers et Favez.
 
      M. Favez nous dit (p. 9) :
 
      « Le livre de Mormon n'est pas homogène. En divers endroits du volume anglais sorti des mains de Smith, on découvre des additions dont plusieurs sont marquées par des fautes de grammaire et font avec le reste un contraste évident d'où, par conséquent, naît la pensée que ce livre doit avoir deux auteurs : l'un qui écrivait bien l'anglais, l'autre qui l'écrivait mal. »
 
      À ces observations faites, ou plutôt copiées par M. Guers, et adoptées par M. Favez, nous allons opposer d'autres appréciations de personnes plus compétentes, quoique aussi hostiles envers nous. Le lecteur jugera si l'avis de MM. Guers et Favez peut être comparé à ceux que nous reproduisons.
 
      Écoutons d'abord le professeur Alexandre Campbell, president of Bethany Collège, U. S., dans son ouvrage intitulé « Mormonism weighed in the balances and found wanting (le mormonisme pesé dans la balance et trouvé léger), page 18 :
 
      « Ce livre (le Livre de Mormon) professe être écrit à divers intervalles et par différentes personnes pendant la longue période de 1020 ans ; et cependant, pour l'uniformité du style, il n'y eut jamais un livre plus évidemment écrit par la même main, ni plus certainement conçu par le même cerveau, depuis le premier livre qui a paru dans le langage humain, que ce même livre. Autant je pourrais jurer que je reconnais sur la scène un acteur qui prend successivement divers costumes et joue des rôles différents, autant je peux jurer qu'un seul homme a écrit ce livre [28]. Et comme Joseph Smith est un homme très ignorant, et qu'il en est désigné comme l'auteur, je ne peux pas douter un seul instant qu'il n'en soit le seul auteur et propriétaire. »
 
      Voilà déjà un démenti donné à MM. Guers et Favez ; en voici d'autres. La Revue d'Edimbourg (N° CCII, p. 321, avril 1854), écrite par des gens qui connaissent sans doute l'anglais mieux que ces deux messieurs, s'exprime ainsi :
 
      « Ces fautes sont si uniformément répandues à travers l'ouvrage, qu'elles doivent être attribuées à son auteur, et non, comme elles l'ont été quelquefois, à un interpolateur postérieur. On a eu recours à cette hypothèse, parce qu'on ne pouvait pas comprendre qu'un homme chargé d'enseigner la religion ait pu commettre de telles fautes. Mais en Amérique les qualités littéraires requises pour l'ordination sont nécessairement réduites au minimum. »
 
      Considérant Salomon Spaulding comme un pauvre d'esprit, et lui attribuant le Livre de Mormon en totalité, sans exception, l'écrivain ajoute :
 
      « Il n'est pas étonnant que S. Spaulding ait fait banqueroute en chaire comme derrière son comptoir. »
 
      Comment concilier tous ces témoignages d'uniformité de style avec le témoignage de MM. Guers et Favez qui veulent absolument reconnaître deux auteurs, l'un qui écrivait bien l'anglais, l'autre qui l'écrivait mal ?
 
      D'altération en altération, nos ennemis ont fini par tomber quelquefois dans des mensonges tellement cyniques, tellement monstrueux, qu'ils se sont effrayés les uns les autres. Notamment, MM. Guers et Favez n'ont pas osé s'appuyer sur le témoignage du docteur John Thomas, president of the S. and E. Medical College of Virginia, U. S. On n'aime pas à trouver son maître. « Celui-là, ont-ils dit, est encore plus hardi que nous. » M. Thomas, en effet, dans sa brochure imprimée à Londres, dit sans façon (p. 2), qu'un prédicateur presbytérien des États-Unis fit un roman qu'il intitula le Livre de Mormon (This fiction he termed « the Book of Mormon… »
 
      Il nous reste à démentir une allégation de nos ennemis, qui consiste à dire que J. Smith, trop ignorant pour approprier lui-même le roman de Spaulding à l'usage qu'il voulait en faire, s'est associé dans ce travail Sidney Rigdon.
 
      Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, nos adversaires se contredisent entre eux : c'est pour eux une fatalité. Ainsi, M. Favez, dans la lettre que les ministres d'Amérique ont fabriquée sous le nom de Mme Davidson, cite ce qui suit :
 
      « Sidney Rigdon, qui a figuré si grandement dans l'histoire des mormons, était à cette époque en relation avec l'imprimerie de M. Patterson, et c'est une chose bien connue dans cette contrée, — Rigdon lui-même l'a souvent déclaré, — qu'il eut en mains le manuscrit de M. Spaulding et le copia. C'était un fait notoire pour toutes les personnes en relation avec l'imprimerie. »
 
      Cette lettre, comme l'annonce M. Favez, a paru dans le journal de Boston ; mais depuis elle a sans doute été confirmée par les ministres, c'est-à-dire falsifiée ; car, dans le journal de Boston, au lieu de « et la copia », — on lit : Là, il eut amplement occasion de connaître le manuscrit « et de le copier s’il a voulu ».
 
      M. Guers enchérit encore sur l'exagération de M. Favez ; il dit (page 62) que Sidney Rigdon était employé dans l'imprimerie de M. Patterson. Un autre écrivain dit qu'en 1812 et 1814 il y était chargé de préparer les manuscrits. — Voici la vérité :
 
      Sidney Rigdon est né en 1793 ; en 1812 il était donc âgé de dix-neuf ans. À cette époque il travaillait dans la ferme exploitée par son père, et il y resta jusqu'au moment où il alla à Pittsbourg comme étudiant, comme dit le professeur Turner, non pas en 1812, mais en 1822. Or, la veuve de Salomon Spaulding déclare qu'à la mort de son mari le roman lui échut, et qu'elle le garda soigneusement. Joignez à cela qu'elle l'avait encore à sa disposition, suivant M. Guers, quand, en 1833 ou 1834, on voulut comparer ce manuscrit avec le Livre de Mormon. Dites-nous donc, Messieurs, à quelle époque vous prétendez que Sidney Rigdon a pu copier le roman de Spaulding.
 
      Mais nous allons démontrer, par un témoignage non suspect, que les chrétiens d'Amérique, parmi lesquels se trouvait Sidney Rigdon en qualité de ministre, n'ont jamais songé à l'accuser de complicité avec J. Smith dans la publication du Livre de Mormon.
 
      Nous démontrerons, de plus, par la même citation, que Sidney Rigdon n'a eu connaissance de ce livre et n'est entré dans l'Église que quelque temps après sa publication. L'autorité que nous invoquons est de celles devant lesquelles nos ennemis doivent s'incliner : c'est un de leurs organes en Angleterre (Christain Messenger and Reformer for April 1841) :
 
      « …La Bible d'or fut imprimée dans l'été de 1830… Étant pleinement préparés, Smith et Cowdery commencèrent à accomplir leur mission, et s'étant baptisés l'un l'autre, ils réussirent bientôt à en convertir d'autres à leur imposture, les baptisant pour la rémission des péchés et les dons du Saint-Esprit dans tous ses pouvoirs miraculeux. Parmi leurs premiers disciples était Parley P. Pratt, qui est actuellement en ce pays (Angleterre), qui s'est joint au prophète peu après la publication de la Bible. Bientôt après lui vint Sidney Rigdon, qui était auparavant en communion avec nos frères en Amérique. »
 
      Voilà encore une preuve positive que Sidney Rigdon n'a pris aucune part au Livre de Mormon [29]. En voici une autre, empruntée au professeur Turner (page 211) :
 
      « En 1812, Spaulding quitta Ohio et se rendit à Pittsbourg, où il demeura environ deux ans, pendant lesquels on a supposé qu'il avait laissé son manuscrit à l'imprimerie de Patterson et Lambdin, et que Sidney Rigdon l'y trouva en 1822. De cela, cependant, il n’y a aucune évidence, et je ne peux pas imaginer qu'un homme du talent de Sidney Rigdon, éloquent et connaissant parfaitement la Bible, ait jamais pu entasser les absurdités qui composent le Livre de Mormon. »
 
      Une autre preuve, négative, il est vrai, c'est que le fameux Alexandre Campbell, auquel Sidney Rigdon était alors associé pour la fondation de l’Église des Campbellistes, qui le connaît parfaitement et qui sait très bien la date de leur séparation, Campbell, disons-nous, qui a beaucoup écrit contre nous, ne songe pas le moins du monde à le regarder comme ayant pris une part quelconque à la publication du Livre de Mormon.
 
      Nous croyons avoir traité cette question du Livre de Mormon (au point de vue purement rationnel), avec tous les développements nécessaires ; nous n'avons laissé debout aucune des imputations d'imposture faites par nos ennemis, et nous aimons à penser que le lecteur, quel qu'il soit, est maintenant convaincu, nous ne dirons pas de la divinité de ce livre, — puisque nous n'avons pas abordé la discussion au point de vue religieux et que nous n'avons donné aucune preuve de ce genre, cet opuscule n'étant pas destiné à l'exposition de nos doctrines, — mais au moins de l'honnêteté de ces hommes sur lesquels on a accumulé tant de calomnies. Nous n'avions pas d'autre but.
 
 
Quelques objections de M. Favez contre le Livre de Mormon
 
      M. Favez n'est pas heureux lorsqu'il cherche des preuves d'imposture contre le Livre de Mormon ; son échafaudage tombe sur lui-même. C'est lui qui se montre ou ignorant, ou imposteur. Écoutez-le (page 10) :
 
      « Ce livre prête aux premiers âges du monde des inventions modernes. Dans les premières pages, l'auteur met dans la bouche de Néphi ces paroles : Je pris la boussole. Or, selon cette narration, l'événement avait eu lieu au temps de Sédécias, et la boussole n'est connue que depuis cinq ou six cents ans. L'auteur l'ignorait sans doute. »
 
      Dans une note au bas de cette même page, M. Favez ajoute que : « Je pris la boussole », est la traduction de ce passage anglais : « I took the compass ».
 
      Puisqu'il a lu le Livre de Mormon, il sait qu'il n'existe aucun rapport entre l'instrument dont il parle et la boussole. Quelques extraits de ce livre vont le convaincre d'erreur, sinon de mauvaise foi.
 
      « Et il arriva que comme mon père se levait le matin et se rendait à la porte de la tente, il vit, à son grand étonnement, sur le sol, une boule ronde d'une exécution habile ; et elle était d'airain fin. Et dans la boule, il y avait deux aiguilles ; et l'une d'elles montrait la direction dans laquelle nous devions aller dans le désert [30]. » (page 31 ; 1 Néphi 16:10, ndlr)
 
      On voit que la boule n'indiquait pas un des quatre points cardinaux, mais le chemin à suivre.
 
« Et il arriva que moi, Néphi, je vis les aiguilles qui étaient dans la boule, qu'elles marchaient selon la foi, et la diligence, et l'attention que nous leur accordions. Et une nouvelle écriture était aussi écrite dessus, qui était claire à lire, qui nous donna une certaine compréhension des voies du Seigneur ; et elle était écrite et changeait de temps en temps, selon la foi et la diligence que nous lui accordions. Et ainsi, nous voyons que par de petits moyens le Seigneur peut réaliser de grandes choses. (page 32 ; 1 Néphi 16:28, 29, ndlr)
 
      Est-ce que cela ressemble à une boussole ? Mais, à supposer même que ces deux passages du Livre de Mormon aient été mal compris par M. Favez, qu'il ait été étourdi ou aveuglé au point de ne pas apercevoir la différence qui existe entre un tel instrument et l'aiguille aimantée, voici quelques lignes qui auraient dû lui ouvrir les yeux :
 
      « Et maintenant, mon fils, je dois parler quelque peu de l'objet que nos pères appellent boule, ou directeur; ou, nos pères l'appelaient Liahona, ce qui est, par interprétation, un compas ; et c'est le Seigneur qui l'a préparé. Et voici, il n'est pas d'homme qui puisse réaliser une exécution aussi habile. Et voici, il fut préparé pour montrer à nos pères le chemin qu'ils devaient suivre dans le désert. Et il marchait pour eux selon leur foi en Dieu ; c'est pourquoi, s'ils avaient la foi pour croire que Dieu pouvait faire que ces aiguilles indiquent le chemin qu'ils devaient suivre, voici, cela se faisait ; c'est pourquoi ils voyaient, jour après jour, ce miracle et aussi beaucoup d'autres miracles s'accomplir par le pouvoir de Dieu. Néanmoins, parce que tous ces miracles étaient accomplis par de petits moyens, cela leur montrait des œuvres merveilleuses. Ils étaient paresseux et oubliaient d'exercer leur foi et leur diligence, et alors ces œuvres merveilleuses cessaient, et ils ne progressaient pas dans leur voyage ; c'est pourquoi, ils s'attardaient dans le désert, ou ne suivaient pas un chemin direct et étaient affligés par la faim et la soif à cause de leurs transgressions. » (page 289 ; Alma 37:38-42, ndlr)
 
      Est-il possible, après avoir lu ce passage, de dire que « ce livre prête aux premiers âges du monde des inventions modernes ? » Est-il possible de confondre un appareil qui se meut par le pouvoir de Dieu, suivant la foi et la diligence de celui qui le tient, qui cesse de fonctionner quand la foi cesse, avec la boussole, qui suit invariablement le courant magnétique d'un pôle à l'autre, et qui fonctionne également entre les mains d'un croyant ou d'un athée ?
 
      En voici encore une autre du même auteur. Il dit (page 10) :
 
      « Enfin, en divers endroits, le Livre de Mormon donne un démenti à la Bible. Un exemple suffira. À la page 499, il nous dit que l'Amérique est, au-dessus de toutes les autres, une terre choisie du Seigneur ; — ‘que là sera bâtie de nouveau la Jérusalem ancienne, laquelle sera une sainte cité au Seigneur. — Et la Bible, de son côté, déclare que Canaan est la noblesse de tous les pays, que Jérusalem y sera bâtie de nouveau et sera une sainteté à l'Éternel. — Tout cela n'est pas une recommandation pour le livre du nouveau prophète. Évidemment il porte les marques de la fraude. »
 
      Ceci, en effet, porte les marques de la fraude, mais de la fraude de M. Favez ; car, pour mettre le Livre de Mormon en opposition avec la Bible, il fait une citation infidèle. Voici le verset cité par lui (p. 499 du Livre du Mormon ; Éther 13:4-8, ndlr) ; mais nous le transcrivons en entier, afin que le lecteur puisse juger :
 
      « Voici, Éther vit le temps du Christ, et il parla d'une nouvelle Jérusalem dans ce pays. Et il parla aussi de la maison d'Israël et de la Jérusalem d'où Léhi viendrait : lorsqu'elle aurait été détruite, elle serait rebâtie, ville sainte pour le Seigneur ; c'est pourquoi, ce ne pourrait pas être une nouvelle Jérusalem, car elle avait été à une époque du passé; mais elle serait rebâtie et deviendrait une ville sainte du Seigneur; et elle serait bâtie pour la maison d'Israël - et qu'une nouvelle Jérusalem serait bâtie dans ce pays pour le reste de la postérité de Joseph, ce dont il y a eu une préfiguration. Car, comme Joseph fit descendre son père au pays d'Égypte, de même il y mourut ; c'est pourquoi, le Seigneur amena un reste de la postérité de Joseph hors du pays de Jérusalem, afin d'être miséricordieux envers la postérité de Joseph, afin qu'elle ne pérît pas, tout comme il fut miséricordieux envers le père de Joseph, afin qu'il ne pérît pas. C'est pourquoi, le reste de la maison de Joseph sera édifié dans ce pays; et ce sera un pays de son héritage ; et il bâtira une ville sainte pour le Seigneur, semblable à la Jérusalem d'autrefois; et il ne sera plus confondu, jusqu'à ce que vienne la fin, lorsque la terre passera. »
 
      II est évident que ce verset parle de deux Jérusalem, l'une ancienne, qui sera rebâtie en Asie par les enfants d'Israël, l'autre nouvelle, qui sera construite en Amérique pour la postérité de Joseph. Et c'est en présence d'un texte aussi clair que M. Favez vient nous dire : « Le Livre de Mormon donne un démenti à la Bible » quand au contraire il la confirme !...
 
      Le passage de la Bible cité par M. Favez : « Canaan est la noblesse de tous les pays » n'est pas, comme il l'affirme, démenti par le Livre de Mormon. Il suffit d'un peu de bon sens pour tout concilier. Canaan, selon l'Ancien Testament, était la noblesse de tous les pays alors connus. S'il fallait une preuve de cette interprétation, nous rappellerions ici cette parole de Daniel à Nébucadnetsar :
 
      « Le Dieu des cieux t'a donné le royaume, la puissance, la force et la gloire, et en quelque lieu qu'habitent les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a donnés en ta main, et t'a fait dominer sur eux tous. » (Daniel 2:37, 38)
 
      Nous pourrions y joindre cette citation de Paul parlant des travaux des serviteurs de Dieu :
 
      « Leur voix est allée par toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux bouts du monde. » (Romains 10:18)
 
      Or, nous le demandons à M. Favez, Nébucadnetsar a-t-il régné sur le continent de l'Amérique ? Les apôtres de l'Orient y ont-ils fait entendre la parole de Dieu ? Il est évident que la Bible, quand elle parle de tous les pays, doit être entendue dans le sens que nous venons d'indiquer. Cette objection de M. Favez n'est donc pas plus sérieuse que les autres. 


Réponse à M. Agénor de Gasparrin
 
      Voici un autre adversaire que nous avions oublié, mais qui est subitement rappelé à notre mémoire par une nouvelle lecture des Archives du christianisme (années 1852 et 1853) au moment où nous allions clore cette discussion. À Dieu ne plaise que nous laissions sans réponse ses rares objections noyées dans une dilution de six longs articles. Seulement, comme il nous serait impossible, au point où nous en sommes, de classer ces objections suivant l'ordre que nous avons adopté, nous consacrerons à ce nouveau champion un chapitre à part.
 
      Dans le premier de ces articles (1852, p. 185), M. de Gasparin se livre à des considérations générales, sans présenter aucune objection. Il se pose en adversaire loyal et consciencieux ; mais déjà quelques finasseries font prévoir que l'auteur ne soutiendra pas le ton sérieux et convenable de cette introduction.
 
      En effet, dès le second article (p. 15 de 1853), nous le voyons ressusciter la fable des ministres américains au sujet du roman de Spaulding. Il n'ose pas y adhérer formellement, et il a raison, car nous le mettrions plus tard en contradiction avec lui-même, puisqu'il dit (p. 75) :
 
      « Rien enfin ne manque pour faire comprendre à quiconque sait comprendre, que M. Joseph Smith a composé ces prophéties à loisir, en l'an de grâce 1828, ayant son Nouveau Testament sous les yeux. »
 
      Quel est donc le but de M. de Gasparin en réveillant cette histoire de Spaulding ? Cela se devine aisément. Toutefois il sort de là assez habilement.
 
      « Nous ignorons, dit-il, ce qu'il en est, et, à vrai dire, nous nous en inquiétons peu. Ceci est trop sérieux pour que nous nous préoccupions des questions de propriété littéraire. »
 
      Ce qu'il y a de plus clair dans tout cela, c'est que M. de Gasparin n'a pas d'opinion arrêtée sur ce point, puisqu'il raconte cette histoire et la dément plus loin.
 
      L'introduction nous promettait des objections sérieuses ; mais, dès la page 16, l'auteur tombe dans la facétie :
 
      « Nos ouvriers sont sans doute bien moins habiles que ne l'étaient les innombrables prophètes de Néphi ; mais il est certain que pour graver sur l'airain les immenses récits dont le Livre de Mormon ne nous donne que des extraits, il faudrait employer aujourd'hui des centaines d'ouvriers pendant un temps bien considérable. Et nous ne parlons pas du transport de ces plaques. De nos jours, il faudrait des charrettes ou des wagons de chemins de fer ; du temps des prophètes néphites, on emportait cela sans façon dans sa poche, et personne n'y prenait garde. »
 
      On le voit, M. de Gasparin s'amuse. Mais voyons ce que valent ses joyeusetés. Les plaques, longues et larges de 7 à 8 pouces, formaient une épaisseur totale de six pouces. Une partie seulement a été traduite. En supposant au métal une épaisseur d'une demi ligne, il y aurait en totalité 44 plaques. D'un autre côté, quiconque a vu le fac-simile d'une de ces tablettes, s'il est doué de la moindre connaissance en gravure, jugera qu'un ouvrier peut facilement graver une page en un jour, soit deux jours pour une plaque, soit 288 jours pour la collection entière. Mettons-en le double, le triple, admettons même que ce travail, s'il eût été exécuté par un seul homme, l'eût occupé trois ans ; toujours est-il évident que M. de Gasparin tombe dans la plus ridicule exagération lorsqu'il dit « qu'il faudrait y employer des centaines d'ouvriers pendant un temps bien considérable. » Que devons-nous répondre à un écrivain qui prétend charger des wagons de chemins de fer avec les plaques en question, qui forment un cube de 7 ou 8 pouces de longueur, autant de largeur et 6 de profondeur ?.... Pour M. Favez, passe encore ; mais de la part de M. le comte Agénor de Gasparin et des Archives du christianisme, nous n'attendions pas de pareilles évaluations. Nous voudrions voir cet écrivain se livrer dans le même esprit à des calculs sur les dimensions données par la Bible à l'arche de Noé, comparativement au volume des animaux et des approvisionnements qu'elle renfermait…
 
      L'auteur finit par s'apercevoir qu'il se moque de ses lecteurs.
 
      « Qu'on nous pardonne, dit-il, si notre discussion ne demeure pas toujours sérieuse. En vérité, il est des choses qu'on ne peut rapporter ni discuter gravement. »
 
      D'accord. Quand on a fait une caricature, on a le droit d'en rire ; mais il est des choses sérieuses que l'on pourrait rapporter fidèlement et discuter gravement.
 
      Après le burlesque, le lamentable. M. de Gasparin ajoute immédiatement :
 
      « Mais lorsqu'au même temps on se prend à penser que ces choses-là sont prêchées et accueillies comme une parole de Dieu, qu'elles font le tour du monde, qu'à l'heure où nous écrivons ceci, plusieurs centaines de missionnaires mormons sont occupés à corrompre les âmes et à déshonorer l'Évangile, le cœur se serre de tristesse, et le sourire qui avait effleuré les lèvres s'en efface promptement. »
 
      Donc voici M. de Gasparin devenu sérieux ; ce qui ne l'empêche pas de nous donner encore plusieurs colonnes remplies de jovialités sur les noms de quelques prophètes rapportés par le Livre de Mormon, où il se divertit à comparer les exploits de l'un d'entre eux à ceux des chevaliers de la Table Ronde. On voit comme c'est grave. Puis il s'écrie :
 
      « Notre amour pour le Sauveur souffre à rapporter, même afin de les combattre, de si prodigieuses profanations. »
 
      Quant à la preuve de ces profanations, c'est la chose dont il s'occupe le moins. Il est beaucoup plus commode de donner la question pour raison, et M. de Gasparin y est habitué. Lisez non seulement cet article, mais les quatre qui le suivent, vous n'y trouverez pas vestige de démonstration. L'auteur part de ce point que le Livre de Mormon est faux, et il va son train.
 
      Comme MM. Guers et Favez, M. de Gasparin écrit l'histoire à sa façon, sans le moindre scrupule. Écoutons-le parler des mormons au Missouri :
 
      « Enfin ils publient une proclamation en vertu de laquelle tous les habitants du pays qui ne professent pas la foi nouvelle sont mis en demeure d'abandonner leurs propres maisons et de céder aux saints leur propre pays. Les Missouriens ne se croient pas tenus d'obéir, et à la suite d'une lutte violente, ils expulsent de chez eux l'armée des bandits. »
 
      Si nous demandions à M. de Gasparin sur quelle preuve il appuie cette histoire, il nommerait sans doute quelque homme religieux. En tout cas, nous le mettons au défi de citer le texte de la prétendue proclamation, d'en indiquer même la date. Ceci s'appelle une calomnie, et n'a point d'autre nom. Jamais les mormons ne se sont approprié un immeuble quelconque dans le Missouri ou ailleurs, sans l'avoir acheté et payé. Que M. de Gasparin prouve le contraire.
 
      Plus loin, l'auteur s'exprime en ces termes au sujet de ce qu'il appelle la « guerre des mormons » (p. 43) :
 
      « Elle se termina par la défaite et l'emprisonnement de Joseph Smith, qui fut tué plus tard au moment où il cherchait à s'échapper de sa prison. »
 
      Ceci est odieux ; il nous répugne de voir un honnête homme chercher à pallier, sinon à légitimer un meurtre infâme. Nous avons raconté, sur la foi d'autres ennemis plus calmes et mieux renseignés, comment la prison fut envahie par des brigands armés et qui s'étaient barbouillé le visage avec du noir. Chacun sait que si Joseph s'est présenté à la fenêtre, c'était pour échapper, non à la prison, où il ne trouva pas même la protection des verrous, mais aux balles et aux baïonnettes qui perçaient la porte de sa chambre. Chacun sait que s'il fut dans cette prison, c'est parce qu'il s'y constitua volontairement. Nous le répétons avec amertume : il est pénible pour nous de voir M. de Gasparin s'associer à nos ennemis les moins véridiques, et éclipser même leur témérité. À la page 67, nous lisons ce qui suit :
 
      « Mais Joe Smith est prudent. Il sent que l'égyptien lui-même peut être connu, et il lui importe d'imaginer une langue telle que toute vérification soit impossible : il invente donc l'égyptien réformé.
 
      « Voici donc l'hypothèse fondamentale que sont tenus d'accepter ceux qui écoutent l'Évangile mormon : des Juifs quittant Jérusalem sous Sédécias, Juifs qui ne savent pas leur langue maternelle et qui se servent de l'égyptien, voire de l'égyptien réformé, en ayant soin de l'écrire au moyen de caractères sans analogues, soit en Égypte, soit en Judée ! On conviendra qu'il faut une crédulité robuste pour fréquenter les chapelles du mormonisme. »
 
      À M. de Gasparin qui croit à la Bible et s'effraie du Livre de Mormon, nous rappellerons ces paroles de Christ aux Pharisiens : « Conducteurs aveugles, qui coulez le moucheron, et qui avalez le chameau ! » (Matthieu 23:24)
 
      Oui, il faudrait une foi robuste pour croire à la vérité ainsi travestie par M. de Gasparin. Tout ce qui passe par les mains de nos adversaires devient incroyable. Mais ramenons les choses à leur état naturel, et voyons si, dégagées des charges de cet écrivain, elles ne sont pas parfaitement admissibles.
 
      Nous relèverons d'abord ce nom de Joe, substitué à celui de Joseph. Si nous donnions à M. de Gasparin, au lieu de son prénom Agénor, tout autre sobriquet exprimant le mépris, on nous considérerait comme des ennemis dont on ne doit attendre aucune impartialité ? Est-ce qu'un langage convenable prouve moins que de grossières injures ?
 
      L'égyptien reformé ! Voilà le grand cheval de bataille de nos ennemis ; M. Favez lui-même, et avant lui M. Guers, l'avaient enfourché. Nous renvoyons M. de Gasparin à ce que nous avons dit en répondant à nos autres adversaires, et nous ajoutons, la Bible en main : Joseph, fils du patriarche Jacob, fut vendu par ses frères à des marchands madianites, puis à des Ismaélites, puis enfin à Potiphar, eunuque de Pharaon. Accusé de séduction, d'attentat sur la femme de son maître, il fut jeté en prison, et en fut enfin délivré par l'intervention du Seigneur ; puis il arriva au pouvoir, et fut établi par Pharaon « sur tout le pays d'Égypte. » Bientôt après, son père et toute sa famille, au nombre de 70 personnes, vinrent près de lui en Égypte. « Les enfants d'Israël furent féconds et multiplièrent, ils s'accrurent et devinrent de plus en plus puissants. Et le pays en fut rempli. » (Exode 1:7)
 
      Il est bien évident que Joseph, investi de hautes fonctions dans ce gouvernement, a dû apprendre la langue égyptienne. Il est fort probable aussi que sa famille, dans ses relations obligées avec les Égyptiens, dut apprendre la langue du pays, et qu'après plusieurs générations les enfants d'Israël étaient devenus familiers avec cette langue. S'il faut une crédulité robuste pour admettre cette opinion si naturelle, il en faudrait une plus robuste encore pour admettre que 70 personnes arrivant dans l'Égypte y ont conservé exclusivement leur langue maternelle, et que leurs descendants l'ont également conservée pendant sept ou huit générations.
 
      Si nous demandions à M. de Gasparin dans quelle langue écrivait Moïse, il ne lui viendrait certes pas à l'idée de nommer l'égyptien. Il serait trop pénible pour lui de penser que ces livres divins furent primitivement écrits dans la même langue que le Livre de Mormon. Mais nous devons, au risque de froisser l'opinion qu'il s'est faite à cet égard, lui faire connaître celle d'un homme qu'il jugera sans doute compétent en pareille matière.
 
      Le professeur Cooper, M. D., de l'Amérique, s'exprime ainsi dans sa lettre au professeur Silliman of Yale Collège, Connecticut, sur le rapport entre la géologie et le Pentateuque (p. 38) :
 
      « Il n'est dit nulle part dans quelle langue a écrit Moïse ; si c'est dans les hiéroglyphes hiératiques ou phonotiques des Égyptiens. Nous présumons qu'il les connaissait ; il avait reçu une éducation toute égyptienne. Il n'est pas vraisemblable que les Hébreux, si longtemps entourés des Égyptiens (pendant sept ou huit générations) aient conservé leur dialecte original chaldéen. »
 
      Il serait absurde de supposer que les familles élevées parmi les enfants d'Israël, n'ont pas connu l'égyptien, et M. de Gasparin pourrait bien, il nous semble, commencer à croire que le professeur Cooper, dans une discussion aussi importante, n'établit pas une hypothèse sans fondement.
 
      Resterait encore la difficulté de l'égyptien réformé. Or, nous renvoyons à ce que nous avons dit (chapitre III) relativement aux découvertes qui se font en Amérique, où l'on exhume des hiéroglyphes évidemment égyptiens, mais néanmoins indéchiffrables pour les hommes les plus versés dans ceux de l'Égypte ancienne, par la seule raison que ceux de l'Amérique sont de l'égyptien réformé.
 
      Quant à l'usage suivi par les Égyptiens de transmettre à leurs descendants, au moyen de la gravure, le récit des événements extraordinaires qui les intéressaient, c'est un point qu'il n'est pas besoin de discuter. Les Hébreux ont dû les imiter. M. de Gasparin dit qu'ils n'en eurent jamais l'idée ; mais alors que signifie ce passage de Job (19:23, 24) :
 
      « Oh ! je voudrais que mes paroles fussent écrites, qu'elles fussent écrites dans un livre ;
Je voudrais qu'avec un burin de fer et avec du plomb elles fussent pour toujours gravées dans le roc... »
 
      Si Job n'était pas Hébreu, il n'en est pas moins vrai que l’idée de la gravure remonte à la plus haute antiquité.
 
      Notre adversaire nous a fait croire un instant qu'il allait aborder sérieusement la question, car il écrit (p. 85) :
 
      « Que dire des arguments empruntés à ces caractères qu'aucun savant ne peut déchiffrer, ou à ces ruines découvertes en Amérique et qui attesteraient nécessairement l'ancienne splendeur des Néphites, des Lamanites et du peuple de Jared ? »
 
      Nous n'espérons pas réconcilier M. de Gasparin avec l'égyptien réformé et l'usage de graver des plaques ; nous savons que nos preuves le toucheraient peu. S'il était vraiment scandalisé, nous aurions plus de confiance dans nos démonstrations ; mais le scandale simulé est difficile à apaiser.
 
      Notre adversaire reproche au Livre de Mormon d'avoir supposé des synagogues chez les Juifs au commencement du règne de Sédécias, d'avoir parlé d'alpha et d'oméga à des gens qui ne savaient pas le grec, d'avoir dit : le sud-sud-est, d'avoir parlé de l'acier, etc., etc. Et pour mieux prouver l'anachronisme qui consiste à rapporter à une haute antiquité des choses d'invention moderne, là où le Livre de Mormon, parlant des poissons, dit qu'ils furent transportés dans des vases, M. de Gasparin dit dans des bocaux. Les vases sont de toute antiquité, mais les bocaux sont en effet plus modernes. C'est peu loyal de la part de notre adversaire. Toutefois, nous allons expliquer tous ces anachronismes à la fois.
 
      Joseph Smith n'était pas un savant, surtout à l'époque où il traduisit le Livre de Mormon. D'un autre côté, en comparant l'étendue de ce livre avec le nombre et la dimension des plaques, dont une partie seulement a été traduite, et dont le fac-simile a été publié dans le Millennial Star, on demeure convaincu que ces plaques ne donnaient pas une histoire littéralement écrite, mot pour mot, mais des hiéroglyphes, dont un seul représentait une idée, quelquefois multiple. L'inspiration divine a donc révélé au traducteur, non pas des mots correspondant à d'autres mots, mais des idées qu'il a dû exprimer par les mots qui lui ont paru les plus propres. Il traduisait pour des Anglais connaissant la Bible ; il a dû prendre les mots anglais et les termes bibliques. Ceci explique synagogue pour assemblée ou lieu de réunion [31], alpha et oméga pour tout autre signe correspondant dans un alphabet qui n'est pas connu, sud-sud-est pour une orientation analogue exprimée en termes inconnus, l'acier pour tout autre métal préparé de manière à obtenir une dureté égale, Christ pour le Rédempteur, etc. En effet, on a découvert dans des ruines de l'Ohio et du Mexique des instruments tranchants qui attestent que les anciens habitants de l'Amérique possédaient un procédé par lequel ils obtenaient des lames d'une dureté surprenante [32]. M. de Gasparin paraît ou ignorer qu'il s'agit d'hiéroglyphes, ou n'en tenir aucun compte. Pour nous, ces mots modernes, substitués aux mots anciens qui seraient aujourd'hui inintelligibles, ne prouvent absolument rien.
 
      Une autre preuve d'imposture, suivant cet écrivain, consiste en ce que le Livre de Mormon, quoique donné comme étant écrit par une succession de prophètes anciens, présente une uniformité de style qui porte à le regarder comme l'oeuvre d'un seul homme ; et ce seul homme, bien entendu, c'est Joseph Smith.
 
      Cette objection n'en est pas une. D'abord il faut savoir que les prophètes qui avaient écrit avant Mormon ayant été abrégés par celui-ci, l'uniformité de style n'a déjà plus rien de surprenant. Outre cette explication, et en supposant que Joseph eût traduit les manuscrits originaux de ces prophètes, les différences s'effaceraient encore ; car, deux ouvrages d'auteurs différents, littéralement écrits, s'ils sont traduits par le même homme, perdent déjà beaucoup de leur cachet original ; ils s'identifient en quelque sorte, quant au style, sous la plume du traducteur. Mais c'est bien autre chose quant il s'agit d'hiéroglyphes traduits. Là, à proprement parler, il n'y a pas de style possible ; il n'y a que celui de l'interprète.
 
      Du reste, notre ennemi oublie ici le roman de Spaulding. Qu'il se mette d'accord avec MM. Guers et Favez, qui ont meilleure vue que lui, puisqu'ils prétendent reconnaître la partie écrite par Spaulding d'avec les interpolations de J. Smith. L'imposture est démontrée par l'identité, suivant M. de Gasparin, et par le défaut d'identité, suivant MM. Guers et Favez. Messieurs, accordez-vous ensemble, s'il vous plaît.
 
      Il en est de même de la conformité du style du Livre de Mormon avec celui de la Bible. Ces deux livres se ressemblent : coupable et sacrilège imitation, dit M. de Gasparin. Dans le cas contraire, il ne manquerait pas de s'écrier : Voyez quelle différence entre le livre inspiré et l'imposture ! On sent la valeur de pareils arguments.
 
      À l'égard des miracles, notre adversaire ne croit qu'à ceux de la Bible ; ceux du Livre de Mormon sont donc des impostures. Pourquoi M. de Gasparin y croirait-il ? Et comme les petites anecdotes sont des ornements agréables à ses lecteurs, il ajoute :
 
      « Quant aux miracles publiés et qui ont des incrédules pour témoins, ils réussissent moins bien, si nous en croyons le récit de certaine tentative de J. Smith, qui devait traverser une rivière à pied sec, et qui s'arrêta prudemment au bord de l'eau. »
 
      Nous savions que les incrédules ne croient pas, même quand M. de Gasparin n'eût pas pris la peine de nous l'apprendre. Les miracles du Christ n'ont pas converti les incrédules de son époque ; pourquoi serions-nous plus heureux ? Mais s'il ne croit pas aux miracles opérés par les mormons, du moins il se montre d'une foi robuste à l'égard du prétendu miracle avorté qu'il emprunte à la Revue britannique. Tout ce qui est écrit contre nous, M. de Gasparin l'adopte sans examen. Peu importe l'origine : journaux, ministres méthodistes, mormons retranchés de l'Église pour immoralité, romans, etc., etc., tout est accueilli par lui avec un zèle peu impartial, peu judicieux, mais digne de la pieuse croisade dirigée contre les saints des derniers jours.
 
      Autre argument de M. de Gasparin, aussi fort que tous ceux que l'on a déjà lus :
 
      « Le Livre de Mormon attestant la vérité de l'Ancien Testament et des annales des douze apôtres (le Nouveau Testament) ! L'audace hypocrite d'un impie a-t-elle jamais été plus loin ? »
 
      Voilà le fond de la pensée de notre adversaire. Le Livre de Mormon, au lieu d'être en contradiction avec les Écritures admises par les prétendus chrétiens, est en parfaite harmonie avec elles et les confirme ; c'est ce qui le désespère. S'il y avait discordance entre les deux livres, il conclurait à l'imposture ; mais il y a un tel accord, que l'on est porté à les attribuer tous deux à l'inspiration divine ; il conclut à l'hypocrisie. Que faire avec de tels adversaires ?
 
      Nous laissons M. de Gasparin dans la croyance que « les prophéties adressées à une époque et à une nation sont destinées à toutes les époques et à toutes les nations. » Cette opinion est nécessairement celle des chrétiens qui croient que Dieu abandonne la direction de l'humanité, qu'il n'a plus ni anges ni prophètes. Pour nous, nous sommes témoins du contraire, et nous croyons à l'action permanente de l'Esprit-Saint. L'intervention du Seigneur dans la conduite de son peuple est trop évidente pour que nous puissions en douter un seul instant.
 
      Voici qui est plus curieux. M. de Gasparin, après avoir, en six longs articles, ressuscité toutes les calomnies des méthodistes américains, sans jamais citer un mot de MM. Stansbury, Gunnison, ni des journaux écrits en dehors de l'influence sectaire, ose s'écrier (p. 86) :
 
      « On voit avec quel scrupule nous nous sommes attaché à ne recourir qu'aux documents mormons pour peindre et juger les mormons. Ils affectent, en général, de crier à la calomnie ; ils prétendent qu'on ajoute foi aux assertions de leurs ennemis. Eh bien, voici une étude attentive et consciencieuse qui n'est basée que sur leur propre Bible et leurs propres journaux. »
 
      Quelle est la vertu qui manque à un homme ? C'est celle dont il se vante le plus. M. de Gasparin se dit scrupuleux.
 
      Voilà pour les doctrines ; voici maintenant pour l'appréciation des hommes.
 
      « Nous avons dû en croire les mormons quand il s'agissait de leurs doctrines. Nous ne sommes pas tenus de les en croire, quand il s'agit de leurs vertus. C'est un point qui appelle nécessairement l'intervention d'une opinion extérieure, et cette opinion, sans être infaillible, mérite cependant d'être consultée avec soin. »
 
      Et savez-vous quelle est cette opinion extérieure qui mérite d'être consultée avec soin ? C'est celle de l'infâme John G. Bennett dont nous avons parlé. C'est la lettre des trois juges fugitifs d'Utah. Voilà ses témoins ! Voilà l'étude consciencieuse ! Voilà le scrupule avec lequel M. de Gasparin s'est attaché à ne recourir qu'aux documents mormons pour peindre et juger les mormons ! La fin couronne l'œuvre !
 
 
NOTES
 
[20] Voir l'Étoile du Déseret, page 49.
 
[21] Les enfants d'Israël, qui s'étaient trouvés en Égypte pendant sept ou huit générations, avaient pratiqué l'usage des embaumements (voir Genèse 50:2, 3, 26).
 
[22] Il y a des savants qui, forcés par l'évidence de reconnaître l'émigration des Israélites dans l'Amérique ancienne, ne veulent pas croire, d'après le Livre de Mormon, que cette contrée fut habitée par des descendants de Joseph. Ceux-là sont obligés d'expliquer la présence des enfants d'Israël sur ce continent par la disparition des dix tribus perdues.
 
[23] Cet ouvrage a été imprimé en 1838.
 
[24] Avertissement des éditeurs de cet ouvrage.
 
[25] On peut juger de la valeur des assertions renfermées dans l'ouvrage du capitaine Marryat par les lignes qui suivent : « M. Combe, d'Edimbourg, dans l'introduction à des notes sur les États-Unis de l'Amérique du Nord, page xi, assure que miss Martineau et le capitaine Marryat ont été abusés par les Américains pendant qu'ils recueillaient des matériaux pour leurs ouvrages. La personne qui a égaré le capitaine s'en vante à ses amis et leur assure qu'elle lui a rempli (crammed) la tête des histoires les plus ridicules (Joe Millers), que le capitaine a prises au sérieux et introduites dans ses ouvrages comme types des mœurs américaines. » (Logic of facts, p. 36. Holyoake, London)
 
[26] Bien que le docteur Hulbert soit le premier qui ait voulu, dans un pamphlet, faire croire à la similitude du Livre de Mormon et du roman de Spaulding, l'idée première de cette confusion ne lui appartient pas, mais à un fermier nommé Henri Lake, vieillard incrédule, nommé par M. Favez lui-même (p. 19). Hulbert, alors membre de l'Église, a mainte fois combattu cette supposition, et il n'a feint d'y croire lui-même qu'après avoir été retranché pour cause d'adultère. Le docteur était tellement décrié dans le pays, que son pamphlet (le mormonisme dévoilé) n'a pas été publié sous son nom ; nos ennemis lui ont offert une somme pour son travail, et la brochure parut sous le nom de l'imprimeur E. D. Howe. M. Favez avait sans doute besoin de ces petits éclaircissements.
 
[27] Septième fils d'une nombreuse famille, ses parents l'appelaient par plaisanterie le Docteur. Ce surnom est donc un sobriquet, et non pas le titre d'une profession qu'il n'a jamais apprise. Du reste, la vengeance dont parle M. Pichot s'explique par cette circonstance que Philastus Hulbert, ayant menacé la vie de Joseph, fut mené devant le tribunal de la ville de Painsville (Ohio), le 9 avril 1834, condamné à fournir une caution pour la somme de 200 dollars comme garantie pécuniaire de sa conduite future envers le prophète pendant six mois, et aux frais de l'instance qui s'élevaient à 300 dollars environ.
 
[28] À ceux qui s'étonneraient de cette uniformité dans un livre écrit par plusieurs auteurs et à de longs intervalles, nous rappellerons que les anciens prophètes américains ont été abrégés par Mormon, qui dès lors leur a imprimé son propre style. Nous entrerons dans de plus amples explications à cet égard en répondant à M. le comte de Gasparin (voir Livre de Mormon, p. 466 ; Mormon 2:17, 18, ndlr).
 
[29] Sidney Rigdon, au moment où cette lettre fut publiée, y a répondu et a démontré qu'il n'avait jamais eu rien de commun avec l'imprimerie Patterson ni avec le roman de Spaulding, dont il n'apprit l'existence que par les publications de l'apostat Hulbert. Parley P. Pratt, qui avait présenté le Livre de Mormon à Sidney Rigdon six mois après sa publication, a confirmé les assertions de S. Rigdon. Du reste, l'imprimeur Patterson a nié toute cette histoire du manuscrit de Spaulding, qu'il dit n'avoir jamais vu.
 
[30] Ceux qui croient à la Bible, et qui savent que le Seigneur dirigeait les enfants d'Israël au moyen d'une colonne de fumée pendant le jour, laquelle devenait une colonne de feu pendant la nuit, ne doivent pas s'étonner si Dieu, qui avait ordonné à ce peuple de sortir de Jérusalem, a pourvu à sa direction dans le désert au moyen d'un instrument qui fonctionnait suivant la foi et la fidélité de ceux qui le consultaient.
 
[31] Dans une révélation du mois d'août 1831, il est prédit que les saints seront chassés de ville en ville, « de synagogue en synagogue. » Et pourtant il n'est pas de synagogue proprement dite. Il est donc évident que ce mot est employé comme synonyme d'église, de temple, de réunion religieuse.
 
[32] Lecture delivred ad the Exhibition-room of lhe Fine Arts, Academy, Bristol, by professor Wasterman, of Boston, U. S. (Millenial Star, vol. 12, p. 44)


Source : Thomas B.-H. Stenhouse, Les mormons et leurs ennemis, 1854