Réponses
aux critiques sur le Livre
de Mormon
Thomas B.-H. Stenhouse (1825-1882)
Le
Livre de Mormon jugé par les savants
Le
roman de Salomon Spaulding
Quelques
objections de M. Favez contre le Livre de Mormon
Réponse
à M. Agénor de Gasparin
Le Livre de
Mormon jugé par les savants
Les
chrétiens, qui ne connaissent l'existence de l'Amérique
que depuis Christophe Colomb, qui ignorent que la religion du Christ
y fut annoncée et inaugurée par lui-même après
sa résurrection, s'imaginent volontiers qu'il n'a accompli que
la moitié de son œuvre, et que lui aussi avait besoin de
la découverte du célèbre navigateur pour
apprendre que l'Ancien Monde n'était pas le monde entier où
ses disciples devaient répandre la loi du salut.
En
vain le Livre de Mormon nous apprend qu'une colonie de Jarédites,
partie de Babel à l'époque de la confusion des langues,
fut conduite par le Seigneur jusqu'aux rives de la Grande Mer, où
elle reçut l'ordre de construire des vaisseaux qui la
transportèrent sur le continent de l'Amérique du Nord ;
qu'elle y devint une nation puissante ; qu'elle y bâtit de
grandes cités ; que les arts, l'agriculture et le
commerce y fleurirent, et qu'enfin la méchanceté de ces
hommes leur attira les fléaux du ciel, puis une extermination
complète. En vain ce livre nous annonce qu'un second peuple,
sorti de Jérusalem sous le règne de Sédécias,
vint aussi sur ce continent, où il apporta avec lui les cinq
livres de Moïse et les prophètes jusqu'à Jérémie ;
qu'il se divisa en deux nations ennemies, les Néphites et les
Lamanites ; que ces derniers, frappés par la malédiction
divine, déclinèrent et tombèrent finalement dans
l'état sauvage ; que les Néphites, devenus
méchants, subirent les jugements de Dieu ; que des cités
entières furent ensevelies dans les entrailles de la terre ou
consumées par le feu du ciel. En vain il nous enseigne que le
Christ ressuscité apparut aux Néphites, leur montra ses
mains et ses pieds percés, abolit la loi de Moïse,
inaugura l'Évangile, en confia l'administration à douze
apôtres, puis monta au ciel après leur avoir donné
le pouvoir de baptiser en son nom ; que les Néphites,
poursuivis par les Lamanites, s'enfuirent au loin vers le nord, au Ve
siècle de l'ère chrétienne, et que là,
quatorze siècles plus tard, Joseph Smith, sur l'indication
d'un ange, découvrit les plaques de métal enfouies à
cette époque par Moroni, fils de Mormon, et sur lesquelles est
gravée, en langage égyptien, l'histoire de ces nations.
En
vain les plus récentes explorations ont amené et
amènent de jour en jour des découvertes qui attestent
la vérité de tous ces faits et confirment les
témoignages de l'authenticité
du Livre de Mormon : la science et la révélation
doivent avoir tort devant l'autorité de nos adversaires. La
révélation, pour eux, c'est la Bible, et rien autre ;
encore chacun d'eux
l’explique-t-il à sa manière. Quant à la
science, ils n'ont pas le temps de s'en occuper lorsqu'elle gêne
leur système. D'ailleurs, ils ont en faveur de leur accusation
d'imposture le témoignage du docteur Anthon, dont nous nous
occuperons tout à l’heure. Cela leur suffit.
Le
lecteur, toutefois, nous permettra d'entrer en discussion sur ce
point important. Examinons, avant tout, les preuves d'imposture
produites par nos ennemis.
C'est
d'abord la lettre du savant professeur Anthon, de New-York. Nous en
extrayons la partie
sérieuse, laissant de côté les facéties
plus ou moins burlesques dont il a voulu égayer
le public. Il s'agit, dans les passages ci-après, du
fac-simile d'une des planches du Livre de Mormon, qui fut soumis au
professeur.
« Au
fait, le papier en question était un singulier assemblage de
caractères crochus de tous genres, disposés en
colonnes. Il avait évidemment été composé
par quelqu'un qui avait devant soi un livre contenant différents
alphabets : du grec, de l'hébreu, des caractères
en croix et des ornements. Des lettres romaines, renversées ou
écrites horizontalement, étaient disposées en
colonnes perpendiculaires. Le tout finissait par un cercle
grossièrement tracé, divisé en divers
compartiments et couvert de signes particuliers, copiés
évidemment du calendrier mexicain, donné par Humboldt,
mais copiés de manière à ne pas en trahir
l'origine. Je suis d'autant plus précis sur le contenu de ce
papier, que j'en ai parlé fréquemment avec mes amis
depuis que le mouvement mormoniste a commencé, et je me
rappelle très bien que le papier contenait tout autre chose
que des hiéroglyphes égyptiens. » (Favez,
page 15)
Avant
d'apprécier cette lettre du docteur Anthon, citons ici
quelques lignes du Livre de Mormon :
« Or
voici, nous avons écrit ces annales selon notre connaissance
dans les caractères qui sont appelés parmi nous
l'égyptien réformé, nous ayant été
transmis et ayant été altéré par nous,
selon notre langue. Mais le Seigneur connaît les choses que
nous avons écrites, et il sait qu'aucun autre peuple ne
connaît notre langue ; c'est pourquoi il a préparé
des moyens pour leur interprétation. » (page 474)
En
admettant pour un instant l'authenticité du Livre de Mormon,
il ne faut pas s'étonner si le docteur Anthon n'a pas pu lire
le fac-simile qui lui fut présenté ; car ces
annales sont écrites dans l'égyptien réformé,
langue aujourd'hui inconnue ; et d'ailleurs l'Urim et Thummim,
qui devait servir à l'interprétation des plaques, n'a
pas été présenté à M. Anthon. Dans
cette première hypothèse, qui est pour nous une
certitude positive, la Iettre du docteur est parfaitement d'accord
avec le texte d'Ésaïe, chapitre 29 (versets 11 et 12,
ndlr).
Raisonnons
maintenant dans l'hypothèse contraire. Que signifie la
déclaration de M. Anthon ? Qu'on la relise attentivement,
et l'on verra qu'elle peut se résumer ainsi : « Ce
ne sont pas des hiéroglyphes égyptiens, mais des signes
que je ne connais pas. » Ou en deux mots : « Les
savants ont encore quelque chose à apprendre. »
Qui
s'en étonnerait ? La Californie est une contrée où
l'on commence seulement à découvrir des monuments qui
remontent à la plus haute antiquité. C'est à tel
point que des collines, couvertes de forêts considérées
jusqu'ici comme des forêts vierges, lorsqu'on les examine
avec soin, lorsqu'on veut entrouvrir le sol où végètent
ces arbres séculaires, se trouvent être d'énormes pyramides
construites de main d'homme [20],
des monuments auprès
desquels les fameuses pyramides d'Égypte seraient des
pygmées ! On exhume des marbres couverts d'inscriptions
qui certainement ont un sens ; mais ce sens, les savants ne le
découvrent pas.
En
1834, quand M. Anthon écrivait la lettre tant reproduite par
nos adversaires, le Livre de Mormon était seul pour affirmer
l'ancienne splendeur de l'Amérique. Ceci explique pourquoi le
savant professeur, qui ne sait pas tout, l'accusa d'imposture.
C'était une manière commode de masquer l'insuffisance
de son érudition. Mais, dans les vingt années qui
se sont écoulées depuis la date de cette lettre, il
s'est fait des découvertes, et les recueils
scientifiques reproduisent des fac-simile de pierres et de plaques de
cuivre d'une authenticité
incontestable, assez semblables aux plaques du Livre de Mormon ;
et en face de ces débris des temps antiques, il n'est plus
permis aujourd'hui à M. Anthon de dire : « C'est
un singulier assemblage de caractères crochus de tous
genres. » La science cherche une solution plus
satisfaisante, et les plaisanteries du savant de New-York sont loin
d'être le dernier mot sur une question aussi intéressante,
comme nous le prouverons bientôt.
M.
Anthon affirme que les caractères du Livre de Mormon ne sont
pas des hiéroglyphes égyptiens. Qu'est-ce que cela
prouve ? Nous n'avons jamais prétendu que les plaques
portaient des hiéroglyphes égyptiens, mais qu'elles
étaient écrites en égyptien réformé,
et nous croyons très volontiers que M. Anthon ne connaît
pas l'égyptien réformé.
Le
démenti du docteur ne s'adresse à personne ; il
s'est mal posé la question, afin d'avoir quelque chose à
contredire, voilà tout.
N'est-il
pas curieux de voir un homme de la force de M. Favez, blotti à
l'ombre du savant d'Amérique, élever la voix tout à
coup et s'écrier : « De l'égyptien
réformé ! C'est encore une invention de J.
Smith. Il n'y a pas dans le monde une langue, soit moderne, soit
ancienne, connue sous ce nom ! » Ce que le savant n'a
pas osé dire, M. Favez l'affirme hardiment. Moins on sait,
moins on doute. Ainsi, de par la vaste érudition de ce
missionnaire plymouthiste, la langue de l'antique Égypte n'a
pas subi de modification : elle est la seule qui soit morte sans
qu'il s'y soit jamais introduit le moindre changement. Mais laissons
un peu M. Favez, et écoutons des gens plus compétents.
Il
existe à Edimbourg une famille de savants éditeurs, MM.
Chambers, dont les publications sont accueillies partout où la
langue anglaise est connue avec la confiance due au discernement et à
la critique éclairée de ces libraires, dont la plume
s'unit fréquemment à celles de leurs collaborateurs,
toujours pris parmi les sommités scientifiques. Dans le
recueil publié sous ce titre : Chambers's
Papers for the People,
4e
partie, p. 13, nous lisons ce qui suit, relativement à une
découverte récemment faite par MM. Stephens et
Catherwood à Palenque, dans leurs Explorations
dans l'Amérique centrale, Chiapas et Yucatan (2
volumes in-8°) :
« Dans
le même édifice il y avait, de chaque coté de la
porte principale, des tablettes en pierre de treize pieds de longueur
sur huit pieds de hauteur, couvertes d'hiéroglyphes. On a
observé, comme chose remarquable, que ces caractères
sont les mêmes que ceux trouvés à Copan, et aussi
dans plusieurs villes en ruine de l'Yucatan, ce qui prouve que les
habitants de ces contrées ont dû avoir une langue écrite
qui leur était commune, quoique les Indiens qui habitent
actuellement les territoires intermédiaires parlent plusieurs
langages distincts et tout à fait inintelligibles l'un à
l'autre. »
Or
ces, inscriptions, tout récemment exhumées, et qui
gisaient sous les décombres depuis
des milliers d'années, les savants d'Amérique, compris
M. Anthon, n'y voient qu'un « singulier assemblage de
caractères crochus de tous genres. » Elles
indiquent bien une langue uniforme et commune à plusieurs
peuples ayant occupé une grande étendue de pays ;
mais cette langue est inconnue ; elle ne peut être lue ;
elle a été confondue. Est-ce de l'égyptien
réformé ? Nous l'ignorons parfaitement. Mais quand
M. Favez affirme qu'il n'y a dans le monde aucune langue connue sous
ce nom, nous osons affirmer, nous, que toutes les langues qui ont
existé ne sont pas connues. Nous disons, en outre, que quand
les rois de la science archéologique et linguistique
s'inclinent silencieux devant ces monuments
qui indiquent de vastes lacunes dans la sphère des
connaissances humaines, un
homme tel que M. Favez pourrait bien se reconnaître incompétent
sur de telles questions.
En
1830, quand parut le Livre de Mormon, ce fut un concert unanime de
sarcasmes et de rires. Les savants en général se
récrièrent contre cette hypothèse que les
Indiens de l'Amérique descendaient des enfants d'Israël,
et le livre fut même considéré comme peu propre à
faire des dupes, tant l'imposture était grossière !
Tel est le sort de toutes les vérités qui parviennent,
par-ci, par-là, à se faire jour à travers le
chaos incessant des élucubrations humaines. Accueillies
d'abord par l'incrédulité et le mépris, elles
finissent par ébranler les certitudes acquises ; quelques
esprits droits veulent voir le fond des choses, s'assurer si
l'invraisemblable ne serait pas par hasard la vérité ;
ils se mettent à l'œuvre. C'est ce qui arriva, non pas
en vue de vérifier les données du Livre de Mormon, mais
parce que la science avait besoin d'être fixée sur
l'histoire de ces intéressantes contrées.
Dès
l'année 1833, M. C. Colton publiait à Londres un
ouvrage dans lequel nous lisons, au sujet des Indiens :
« Ils
affirment qu'ils possédaient autrefois un Livre, et ils savent
par tradition que le Grand Esprit prédisait habituellement à
leurs pères les événements, et qu'il dirigeait
la nature en leur faveur ; qu'à une certaine époque
les anges leur parlaient ; que toutes les tribus indiennes
descendaient d'un seul homme qui avait eu douze fils ; que cet
homme était un prince célèbre, possesseur de
vastes contrées, et que les Indiens, qui sont sa postérité,
recouvreront un jour le même pouvoir et la même
influence. Ils croient, par tradition, que l'esprit de prophétie
et d'intervention miraculeuse, dont leurs ancêtres ont joui,
leur sera rendu, et qu'ils retrouveront le Livre perdu depuis si
longtemps. »
Il
y a dans ce passage, il nous semble, des analogies assez frappantes
avec l'apparition du Livre de Mormon et avec les faits qu'il
rapporte. Mais poursuivons.
Tout
le monde, jusqu'à ces derniers temps, considérait les
Indiens comme une race sauvage qui, en dehors du mouvement
civilisateur, avait traversé les siècles sans avoir
l'idée des arts et des sciences, et sans aucun moyen autre que
la tradition pour transmettre à la postérité son
histoire comme peuple. Quand le Livre de Mormon vint révéler
au monde que ces peuplades errantes étaient un reste
d'Israël ; que ces sauvages avaient été jadis
une nation civilisée, où avaient fleuri les sciences et
les arts ; qu'ils avaient connu le vrai Dieu, bâti de
grandes villes ; qu'ils avaient l'habitude de graver leurs
annales sur des tablettes d'or ou de cuivre pour les léguer à
la postérité, et que la langue dans laquelle ils
écrivaient s'appelait l'égyptien réformé,
les sages rirent de ces absurdités, s'étonnant qu'il y
eût des gens assez stupides pour y croire. Et tout à
coup M. Stephens surprend le monde en annonçant qu'il a
découvert les ruines de grandes et puissantes cités, de
temples magnifiques, de statues couvertes d'hiéroglyphes, et
cela à l'endroit même
où le Livre de Mormon, publié huit années
auparavant, avait indiqué que s'élevaient jadis de
grandes et superbes villes. Écoutez M. Stephens au moment où
il vit les ruines de Copan :
« Nous
nous assîmes sur le bord du mûr, et j'essayai en vain de
sonder le mystère qui nous entourait. Quels étaient
ceux qui avaient bâti cette ville ? Dans les ruines de
l'Égypte, même dans Petra depuis si longtemps perdue,
l'étranger reconnaît l'histoire du peuple dont les
traces l'environnent.
« L'Amérique,
disent les historiens, était peuplée par des sauvages.
Mais jamais des sauvages
n'ont élevé ces édifices ; ce ne sont pas
des sauvages qui ont sculpté ces pierres.
Nous demandâmes aux Indiens quels étaient les auteurs de
ces grandes choses ; leur
unique réponse fut : Quien sabe ? (Qui le sait ?)
Rien ne se lie à l'histoire de cet endroit ; on n'y
retrouve aucun de ces souvenirs émouvants qui ennoblissent
Rome, Athènes et la grande maîtresse du monde sur la
plaine égyptienne. Mais l'architecture, la sculpture, la
peinture, tous les arts qui embellissent la vie avaient jadis
prospéré dans cette immense forêt. Des orateurs,
des guerriers, des hommes d'État avaient apparu sur cette
scène et n'y avaient pas laissé de traces. Et personne
encore ne sait que de telles choses ont existé. Les livres
sont muets, et la ville est un monceau de ruines. »
Et
pour ceux qui ont crié à l'imposture en apprenant que
le Livre de Mormon avait été traduit sur des plaques
gravées, unies ensemble par des anneaux de métal, et
remontant évidemment à une époque reculée,
nous publions la déclaration suivante, adressée à
l'éditeur du Times
and Seasons :
« Nous
soussignés, citoyens de Kinderhook, certifions et déclarons
que le 23 août 1843, tandis que nous étions occupés
à creuser sur un monticule qui se trouve dans ce voisinage, M.
M. Wiley enleva du dit monticule six plaques de cuivre offrant le
profil d'une cloche, couvertes de lettres anciennes. Les plaques
étaient fortement oxydées ; les barres et les
anneaux se pulvérisaient sous la plus faible pression. Nous
avons transmis les plaques ci-dessus mentionnées à M.
Sharp, dans le but de les faire transporter à Nauvoo.
(Signé)
Robert Wiley
George Deckenson
W. Longneker
Fayette Grubb
G.-W.-F. Ward
J.-R. Sharp
Ira-S.
Curtis
W.-P.
Harris
W. Fugate
Le Quincy-Whig,
après avoir fait mention de cette découverte, ajoute :
« Ces
plaques ont été exposées la semaine dernière
dans cette ville, et elles sont maintenant à Nauvoo, soumises
à l'examen du prophète mormon. Si Joseph Smith peut
déchiffrer les hiéroglyphes tracés sur ces
plaques, il fera plus qu'aucun homme pour éclairer l'histoire
de ce continent. »
Jusqu'ici
il nous semble que les découvertes, au lieu de renverser le
témoignage du Livre de Mormon et d'en démontrer
l'imposture, viennent au contraire le corroborer.
Comme
l'égyptien réformé a été un objet
de scandale pour nos adversaires, nous allons
continuer des citations qui non seulement démontrent que les
hiéroglyphes égyptiens furent connus dans l'Amérique
ancienne, mais que d'autres usages égyptiens y furent aussi en
vigueur, notamment celui d'embaumer
les corps des défunts [21].
On lit dans l’Edinburgh
Evening Courant du
16 octobre 1848 :
« Les
journaux qui nous arrivent des États-Unis par la dernière
poste contiennent plusieurs choses curieuses et importantes qui
méritent notre attention particulière. Nous
mentionnerons surtout le récit détaillé et
remarquable de la découverte faite à Durango, capitale
de la province de ce nom dans le Mexique, de cavernes renfermant
plusieurs centaines de
milliers de momies semblables à celles de l'ancienne Égypte.
Nous attendons
impatiemment, ainsi que le public, des développements sur
cette découverte. »
Dans
le même numéro de ce journal, l'écrivain, après
avoir parlé de l'ouvrage de M. Stephens déjà
rappelé plus haut, dit :
« Nous
observerons simplement ici que quiconque examine les beaux dessins
renfermés dans le livre de Stephens sur l'Amérique
centrale, reconnaîtra qu'ils sont couverts d'hiéroglyphes
égyptiens et de lettres hamyratiques semblables à
celles qui ont été récemment découvertes
dans l'Arabie méridionale, et que les traits et les figures
sont ceux de l'Asie supérieure. »
Suivant
MM. Guers et Favez, il est incroyable que les anciens habitants de
l'Amérique aient eu connaissance des cinq livres de Moïse
et des Prophètes jusqu'au règne de Sédécias,
époque de la dernière émigration des Israélites,
qui les emportèrent avec eux. Nous allons prouver non
seulement la vérité du Livre de Mormon en cet endroit,
mais encore que les rites, coutumes, sacrifices et autres cérémonies
religieuses des Juifs y furent pratiqués, ainsi que la
hiérarchie ecclésiastique. M. C. Colton, à qui
nous avons déjà fait un emprunt, s'exprime ainsi en
parlant des sacrifices des Indiens :
« Dans
certaines occasions, non seulement il faut que la victime soit
blanche, mais un seul poil d'autre couleur ou la moindre tache la
ferait rejeter. Tandis qu'ils chantent ou dansent autour du
sacrifice, on peut clairement distinguer le saint nom de Jéhovah ;
ils ont aussi le A-la-Heem hébreu en forme substantielle,
appliqué au Grand-Esprit, et l'on entend souvent dans leurs
chants sacrés l’Halleluja aussi distinctement que dans
quelque chœur chrétien que ce soit. Ils ont également
un vaisseau ou Arche d'alliance dont ils se servent dans certaines
occasions, et que l'on ne contemple qu'avec un profond respect. »
Dans
un discours de M. Noah, écrit dans le but de prouver que les
Indiens de l'Amérique descendent
des dix tribus perdues d'Israël [22],
discours publié à New-York en 1837, l'auteur cite,
entre autres écrivains, M. Adair, qui, après avoir fait
mention d'un grand nombre de mots hébreux dont ils se servent,
continue ainsi :
« Les
Indiens ont leurs prophètes et leurs grands-prêtres, de
même que les Juifs en avaient autrefois ; ils sont élus
avec soin parmi les hommes les plus sages et les plus prudents, et
ils ordonnent leurs grands-prêtres au moyen de l'onction. Ils
ont dans leurs sanctuaires un endroit très saint, semblable au
Saint des Saints dans le temple. L'archimage ou grand-prêtre
porte, en imitation du pectoral ancien, une conque marine blanche,
ornée de manière à ressembler aux pierres
précieuses de l'Urim, et au lieu de la plaque d'or portée
par le Lévite sur le front, l'Indien porte une couronne de
plumes de cygne et une touffe de plumes blanches qu'il appelle
Yatira. Les Indiens ont leur arche qu'ils
emmènent toujours aux combats avec eux, et sur laquelle ils
veillent avec soin. Une chose digne de remarque, c'est qu'ils ne
posent jamais l'arche à terre. Quand le terrain est montueux,
ils la mettent sur de grandes pierres ; mais dans les plaines,
ils la placent sur de courtes bûches sur lesquelles ils
s'asseyent. »
Cette
déclaration de M. Adair est confirmée par plusieurs
voyageurs, et notamment par le major Long, qui a fait récemment
l'exploration des montagnes Rocheuses.
« L'arche
est placée, dit-il, sur un piédestal, et on ne la
laisse jamais toucher terre. La tradition leur apprend que la
curiosité ayant poussé trois personnes à
examiner la mystérieuse
coquille, elles furent à l'instant frappées de cécité
en punition de cette profanation. »
Ceci
prouve la vérité du Livre de Mormon à l'égard
de la loi de Moïse. Maintenant laissons parler un ministre
chrétien.
Le
Révérend Samuel Parker,
A. M. (Journey
beyond the Rocky-Mountains,
p. 43, 44) donne le récit du voyage qu'il a fait chez les
Indiens qui habitent au-delà des montagnes Rocheuses [23].
Il constate une foule d'analogies entre ces sauvages et les anciens
Juifs. Ils sont, dit-il, restés étrangers à
l'idolâtrie, ce qui les distingue de tous les autres païens.
Ils n'ont aucune idole ; ils croient à un seul Dieu, à
l'immortalité de l'âme, aux récompenses et aux
châtiments futurs. Il les considère comme parfaitement
disposés à recevoir la vérité chrétienne.
Ils suivent les mêmes usages que les Juifs pour la punition des
crimes, les mariages, les travaux domestiques, la manière de
traiter les esclaves, la polygamie, la division en tribus, etc.
Malgré ces analogies, l'auteur ne pense pas qu'ils soient
d'origine juive.
« Il
y a, dit-il, deux considérations qu'on ne doit pas passer sous
silence, et qui sont contraires à la supposition que les
Indiens sont d'origine juive. D'abord ils ne font point de
sacrifices. Ici ils diffèrent non seulement de la nation
juive, mais de tous les peuples de la terre qui ne sont pas sous
l'influence de la lumière de l'Évangile. S'ils
descendent des Juifs, il est étrange qu'ils n'aient pas
continué la pratique des sacrifices, surtout lorsqu'il y a un
penchant général parmi les hommes, et en particulier
chez les païens, à y avoir recours pour expier les
péchés. Les Indiens, à l'est des montagnes
Rocheuses, offrent-ils des sacrifices ? Je l'ignore ; pour
moi, je n'ai pas trouvé la moindre preuve d'un tel usage chez
ceux de l'ouest.
« L'autre
considération est le manque d'analogie dans leur langage. Il y
a plusieurs langues entièrement distinctes parmi les nations
indiennes, et il existe entre ces idiomes des différences plus
grandes qu'entre les diverses langues de l'Europe, car dans celles-ci
sont conservés des mots dérivés du latin et qui
leur sont communs. Or, si les Indiens étaient descendus des
Juifs et avaient eu conséquemment la même langue
(l'hébreu), on devrait aujourd'hui, malgré la diversité
de leurs dialectes, retrouver dans leur langage des mots indiquant
une origine commune. On y reconnaît bien quelques mots qui
viennent du latin, du grec, de l'hébreu, mais avec un sens
différent de celui qu'ils ont dans ces langues. Donc, sous le
rapport du langage, l'évidence d'une origine juive, ou même
simplement d'une autre origine commune, n'est pas seulement douteuse,
mais fort peu probable. »
Le
Révérend Parker refuse aux Indiens une origine juive
pour deux motifs : ils ne font point de sacrifices, et leur
langage n'offre pas assez d'analogie avec la langue hébraïque.
Disons d'abord, avec les savants éditeurs Chambers, que le
Révérend Parker a fait des observations
assez exactes, mais qu'il les a gâtées par des inductions
où il s'est montré complètement dépourvu
d'intelligence et de jugement [24].
Ne prenons donc de lui que les faits.
Si M. Parker avait lu le Livre de Mormon, il aurait été
conduit à une conclusion diamétralement contraire. La
conformité des usages, preuve si évidente, aurait été
non pas contredite, mais corroborée par l'absence des
sacrifices, car là où la parole du Christ a pénétré,
les sacrifices ont cessé. Parker n'a point exploré les
ruines des temps anciens et ignore si l'usage des sacrifices fut en
vigueur parmi ces nations ; mais, deux ans après lui,
Stephens et Catherwood, se livrant à la recherche des
antiquités que recèlent ces mêmes contrées,
ont trouvé des traces non équivoques de cet usage, et
le résultat de leurs découvertes a été
publié en 1839 et 1842, en deux gros volumes que l'on peut consulter.
Quant au langage, M. Parker y dit avoir reconnu des mots hébreux,
grecs et même
latins ; cette observation devait le conduire à une
conclusion contraire, surtout puisqu'il
admet que toutes les autres circonstances sont propres à faire
croire que les Indiens descendent des Juifs.
Le
Livre de Mormon, comme on le sait, nous apprend que deux races
différentes habitèrent le continent américain :
la première était un peuple venu de la tour de Babel,
et l'autre était une partie de la postérité de
Joseph qui était sortie de Jérusalem aux jours de
Sédécias, roi de Juda. M. Noah, dans son discours sur
l'origine des Indiens de l'Amérique, après avoir prouvé
que les Indiens de nos jours sont des descendants d'Israël,
déclare que quelques-unes des anciennes ruines qu'on y a
trouvées ont dû être l'ouvrage d'un autre peuple
plus ancien.
« Mais,
dit-il, quels étaient les Tultequans et les Aztèques,
fondateurs de cet empire en Amérique ? Qui est-ce qui a
bâti les pyramides de Cholula et la ville de Palenque ? Ce
n'étaient pas des Juifs. Ici nous sommes obligés de
quitter la voie que nous avons suivie dès l'origine (qui était
de prouver que les Indiens descendaient d'Israël). Autre
découverte très extraordinaire, marquée aussi
par des événements surprenants ! »
Le
Livre de Mormon (pages 461 à 466 ; Mormon 4-6, ndlr)
parle d'une race idolâtre et cruelle, qui sacrifiait des femmes
et des enfants aux idoles, de son entière destruction par la
guerre, et de sa disparition de la surface du globe. Voici un extrait
du New-York Sun
du 8 janvier 1848, qui vient confirmer ce récit :
« Yucatan
est la tombe d'une grande nation qui a passé mystérieusement
et qui n'a pas laissé d'histoire. Chaque forêt contient
dans son sein les restes de vastes temples ornés de sculptures
et couverts des symboles d'une religion éteinte, de nobles
cités dont les rues et les palais somptueux attestent dans
leur triste abandon la grandeur colossale de leurs fondateurs. Ce
sont les tombeaux gigantesques d'une race illustre, mais ils ne
portent ni noms, ni épitaphes. L'Indien éprouve une
grande terreur en racontant la tradition confuse de tout un peuple
féroce et cannibale, qui se plaisait dans les sacrifices
humains, et qui fut exterminé dans le sang et le feu par ses
ancêtres. Cette terreur est le seul guide des conjectures que
l'on peut faire sur la manière dont les anciens habitants de
Yucatan furent effacés en masse du nombre des vivants. »
D'après
le Livre de Mormon, p. 460 (Mormon 3:5, ndlr), l'endroit où
était cette ville et où ce peuple fut exterminé
est désigné comme étant le défilé
étroit qui mène du côté du midi (ou qui
sépare l'Amérique du Nord de l'Amérique du Sud).
Maintenant, regardez la carte, et là vous trouverez Yucatan.
Nous
renvoyons à la Voix
d'avertissement
(ouvrage de Parley P. Pratt publié en anglais en 1837 et en
français en 1853, ndlr) pour d'autres renseignements sur ce
point.
En
terminant ces citations, nous ferons cette seule question à
nos adversaires : Est-ce la
sagesse humaine qui dicta le Livre de Mormon avant 1830 ? J.
Smith pouvait-il deviner que des découvertes positives
viendraient ultérieurement le confirmer ?
Voilà
quelques-uns de nos témoins en faveur de l'authenticité
du Livre de Mormon. Dans cette partie de notre exposé, comme
sur tous les autres points, nous avons pris nos citations en dehors
des ouvrages de l'Église, c'est-à-dire chez nos ennemis
ou les étrangers. Pour nous-mêmes, nous avons assez de
témoignages de l'authenticité du Livre de Mormon ;
ces preuves s'adressent uniquement à nos adversaires.
Le roman de
Salomon Spaulding
Voyons
maintenant comment nos ennemis prouvent l'imposture du Livre de
Mormon. Laissons parler M. Guers:
« Un
pasteur américain, M. Salomon Spaulding, exerçait son
ministère à New-Salem, État d'Ohio. C'était
un homme d'une imagination vive, et passionné d'archéologie.
L'affaiblissement de sa santé l'ayant forcé de renoncer
à ses fonctions pastorales, il résolut de se livrer à
des travaux littéraires. » (p. 62)
Nous
devons ici à nos lecteurs une révélation, et à
MM. Guers et Favez une petite représaille. Pour nous libérer
envers chacun, nous dirons que la source impure où nos
adversaires ont puisé une partie des calomnies qu'ils
prodiguent à J. Smith et à ses frères, est un
roman du capitaine Marryat,
intitulé : M.
Violette, ou voyage d'un jeune émigré français,
etc. [25]
Dans
une discussion qu'ils disent sérieuse, des ecclésiastiques
vont se renseigner là !... Nous ne dirons rien de plus ;
sinon que Bowes, autre prédicateur, n'a pas fait autrement.
Dieu leur pardonne à tous !
La
représaille, la voici. À ce portrait du ministre
Spaulding, tracé par le ministre Guers avec tous les égards
qu'on se doit entre confrères, nous opposons celui qu'on va
lire ; mais nous avons la franchise d'avouer que nous prenons
cette seule citation... au même roman que ces messieurs n'ont
pas craint de mettre souvent à contribution :
« Il
y a nombre d'années, vivait un homme du Connecticut, nommé
Salomon Spaulding, parent de l'inventeur des noix muscades en bois.
En le suivant dans sa carrière, le lecteur trouvera en lui un
Yankee pur sang. On le voit d'abord étudiant en droit, puis
prédicateur, marchand et banqueroutier. Plus tard, il devient
maréchal-ferrant dans un petit village, ensuite spéculateur
en terre et maître d'école du comté ; plus
tard encore il est maître de forges, fait banqueroute une autre
fois, et finit par être écrivain et songe-creux. Il
mourut de misère quelque part dans la Pennsylvanie. »
(Tome 3, page 124 de l'édition de Bruxelles)
Assurément
nous ne garantissons pas l'exactitude de ce précis
biographique ; nous croyons même que S. Spaulding fut un
homme honorable. Mais nous le demandons sérieusement à
nos adversaires : Est-il honnête, dans une discussion
religieuse, en face d'un public que l'on prend pour juge, d'invoquer
de pareilles autorités ?
Salomon
Spaulding, disent-ils, a écrit un roman religieux dont il a
confié le manuscrit à MM.
Patterson et Lambdin, imprimeurs à Pittsbourg. Ceux-ci l'ont
communiqué à Sidney Rigdon, lequel, avec ou sans l'aide
de J. Smith, en a fait, en ajoutant des réflexions religieuses
au récit de Spaulding, ce qui fut plus tard publié sous
le titre de Livre de Mormon.
À
l'appui de cette histoire, nos ennemis citent une déclaration
qu'ils attribuent à la veuve
de Spaulding, devenue Madame Davidson ; « déclaration,
dit M. Guers, confirmée par
deux pasteurs américains. »
On
lit dans cette déclaration que :
« Dans
une réunion de la nouvelle secte, à laquelle assistait
M. John Spaulding, son beau-frère, homme pieux, on avait lu de
larges portions d'un livre que celui-ci reconnut à l'instant
même, ainsi que ses amis présents, pour être, dans
ses parties historiques, l'ouvrage de M. Salomon Spaulding.
Douloureusement surpris, comme on peut le croire, à l'ouïe
de telles choses, et fondant en larmes, M. John Spaulding exprima
tout haut son indignation de voir le manuscrit de son frère
employé dans un but si méprisable et si révoltant.
(Ici M. Guers ajoute de son crû, mais sans en donner aucune
preuve, tout ce qui suit). « On compara sur l'heure le
Livre de Mormon avec le manuscrit de M. Spaulding, et l'on constata
pleinement la fraude. Ce livre, en effet, d'un bout à l'autre,
n'était ni plus ni moins que le roman religieux de M.
Spaulding, dans lequel une main hardie avait intercalé, etc. »
(page 63)
M.
Favez n'ose pas aujourd'hui en dire autant, mais il paraît
qu'il possède la première édition de la fameuse
lettre, car il dit que les fragments du roman converti en Livre de
Mormon furent lus dans une réunion par une femme prédicateur !
En effet, les deux ministres américains, qui n'ont pas
confirmé, mais fabriqué la prétendue lettre de
Madame Davidson, avaient imprimé d'abord cette monstruosité ;
mais quand leurs amis virent l'effet produit par cet ignoble conte,
ils firent disparaître, dans une seconde édition, la
femme prédicateur. On peut juger de l'authenticité de
la lettre, publiée au long par M. Favez, et où personne
d'ailleurs ne reconnaîtra le style d'une femme.
M.
Favez, qui sait aussi bien que nous quels sont les auteurs de la
fausse lettre, a eu le soin d'en retrancher un passage en forme de
préambule ; il a compris que ce passage, que nous allons
reproduire, décelait la main de ses hardis confrères.
Que le lecteur juge si les lignes suivantes ont été
écrites par une femme de 70 ans et infirme :
« Pour
tout esprit non perverti par les illusions les plus grossières,
il est évident que les prétentions de cet ouvrage (le
Livre de Mormon) à être considéré comme
d'origine divine sont totalement dénuées de fondement ;
et il est de toute impossibilité qu'aucune personne
raisonnable puisse le classer au-dessus de toute production de
l'esprit humain. Cependant il est ainsi considéré par
des habitants de cette Nouvelle-Angleterre si éclairée,
et même par un certain nombre de personnes reconnues pour être
des chrétiens.
« Ayant
appris récemment que le mormonisme avait pénétré
dans une congrégation du Massachussets, et que plusieurs
membres de cette congrégation en avaient accepté les
doctrines et jusqu'à ses plus grossières duperies, au
point que l'excommunication était devenue nécessaire,
je me suis déterminée à arracher immédiatement
le masque à ce monstre de péché, et à
mettre à découvert cet abîme d'abomination. »
Que
pensez-vous de cette femme septuagénaire, qui déclare
que l'excommunication était devenue nécessaire ?
Voyez-vous la main des ministres !
Nous
répondrons donc tout d'abord : cette lettre est fausse.
Jamais Madame Davidson n'a
écrit ni signé rien de semblable.
Il
ne faut pas croire, d'ailleurs, que l'on ose encore, en Amérique,
parler de cette prétendue lettre de Mme
Davidson ; l'imposture a été trop bien démontrée
il y a vingt ans, et M.
Clarke lui-même, un de nos ennemis, affirme (page 17), que
c'est M. Storrs qui l'a envoyée
au journal de Boston pour la publier, furieux qu'il était
d'avoir vu passer au mormonisme
le diacre et plusieurs membres influents de sa congrégation.
Cette
lettre, en tous cas, sauf les faits qu'elle raconte, n'exprimerait
jamais que l'opinion d'une dame âgée sur nos doctrines,
dont elle ne connaissait pas un mot ; ce n'est donc pas son
appréciation, et encore moins celle des vrais auteurs, que
nous voulons combattre. Mais comme les faits sont faussement exposés,
nous voulons démasquer le mensonge.
Le
professeur J.-B. Turner, Illinois Collège, Jacksonville, l'un
des écrivains les plus hostiles au mormonisme, et parfaitement
placé d'ailleurs pour obtenir tous les éclaircissements
relatifs aux faits dont il s'agit, a publié un livre intitulé Mormonism in all
ages. Dans cet
ouvrage, p. 207, il rapporte ainsi le témoignage de John
Spaulding, frère de Salomon, l'auteur du roman :
« Après
avoir prêché pendant trois ou quatre années,
Salomon abandonna le ministère et se livra aux affaires de
commerce avec son frère Joseph, à Cherry-Valley
(New-York), où il fit faillite ; et en 1809 il alla
résider à Conneaut (Ohio). Je suis allé le
visiter environ quatre ans plus tard, et je l'ai trouvé criblé
de dettes. Il me dit qu'il venait d'écrire un livre qu'il
avait l'intention de faire imprimer, et qu'avec les bénéfices
il espérait pouvoir payer ses dettes. Ce livre portait le
titre de Manuscript
found (le Manuscrit
trouvé) ; il m'en lut de nombreux passages (many
passages). »
Or
les deux ministres, qui ignoraient que John habitait assez loin de
Salomon pour rester quatre ans sans le visiter, attribuent à
la plume de Mme
Davidson cette phrase :
« M.
Spaulding avait un frère, M. John Spaulding, qui alors
résidait dans le même lieu. Cet ouvrage lui était
parfaitement connu ; il en avait maintes fois entendu la lecture
en entier.
Suivant
John Spaulding, au contraire, c'est seulement en allant visiter son
frère à Conneaut, où lui-même ne résidait
pas, qu'il apprit que celui-ci avait écrit un ouvrage, et
qu'il lui en fut lu un certain nombre de passages.
Voici
une lettre qui a paru dans le Quincy
Whig peu de temps
après que le ministre D. Austin, le docteur Ely, de Monson
(Massachussets), et le ministre Storrs, de Holliston, avaient eu
l'impudence de publier le factum mensonger dont on vient de lire un
extrait. Cette lettre est adressée par M. John Haven,
d'Holliston (Massachussets), à sa fille Elisabeth Haven, de
Quincy (Illinois).
« Votre
frère Jessé a passé par Monson, où il a
vu Mme
Davidson et sa fille, Mme
Kinestry, et aussi le docteur Ely, et il a passé plusieurs
heures avec eux. Pendant ce temps, il leur a fait les questions
suivantes, savoir :
« Question.
Avez-vous, madame Davidson, écrit une lettre à John
Storrs, lui donnant un
récit de l'origine du Livre de Mormon ? — Réponse.
Je ne l'ai pas fait.
« Q.
Avez-vous signé votre nom au bas de cette lettre ? —
R. Je ne l'ai pas fait, et je n'ai pas vu non plus cette lettre avant
qu'elle parût dans le Recorder
de Boston. Jamais cette lettre ne me fut présentée pour
la signer.
« Q.
En quoi avez-vous contribué à l'envoi de cette lettre à
M. Storrs ? — R. M. Austin vint
dans ma maison et me fit quelques questions ; il prit des notes
sur du papier et s'en est
servi pour la lettre.
« Q.
Ce qu'il a écrit dans celte lettre est-il vrai ? —
R. Globalement, c’était vrai.
« Q.
Avez-vous lu le Livre de Mormon ? — R. J'en ai lu une
partie.
« Q.
Est-ce que le manuscrit de M. Spaulding et le Livre de Mormon se
ressemblent ? — R. Je crois que quelques-uns des noms sont
semblables.
« Q.
Le manuscrit parle-t-il d'un peuple idolâtre, ou d'un peuple
religieux ? — R. D'un peuple idolâtre.
« Q.
Où est le manuscrit ? — R. Le docteur P. Hulbert
vint ici et le prit, disant qu'il voulait le faire imprimer et me
donner la moitié du profit.
« Q.
Le docteur Hulbert a-t-il fait imprimer le manuscrit ? —
R. J'ai reçu de lui une lettre dans laquelle il me disait
qu'il ne l'avait pas trouvé tel qu'il s'y attendait, et qu'il
ne le ferait pas imprimer.
« Q.
Quelle est l'étendue du manuscrit de M. Spaulding ? R.
Environ un tiers de celle du Livre de Mormon.
Questions
adressées à Madame M'Kinestry :
« Q.
Quel âge aviez-vous quand votre père écrivit ce
manuscrit ? — R. Environ cinq ans.
« Q.
Avez-vous déjà lu ce manuscrit ? — R. À
l’âge d’environ douze ans, j'y ai lu pour mon
amusement.
« Q.
Le manuscrit donnait-il l'histoire d'un peuple religieux, ou d'un
peuple idolâtre ? — R. D'un peuple idolâtre.
« Q.
Le manuscrit et le Livre de Mormon s'accordent-ils ? —R.
Je pense que quelques noms s'accordent.
« Q.
Êtes-vous certaine que quelques noms s'accordent ? —
R. Je ne le suis pas.
« Q.
Avez-vous déjà lu dans le Livre de Mormon ? —
R. Non.
« Q.
Était-ce par votre ordre que votre nom était sur la
lettre envoyée à M. Storrs ? — R. Je ne
désirais pas qu'il s'y trouvât.
« Vous
voyez, par les questions et les réponses précédentes,
que M. Austin, dans son grand
zèle pour détruire les saints des derniers jours, a
interrogé madame Davidson et a ensuite écrit à
M. Storrs dans son propre style. Je ne dis pas que les questions et
les réponses
furent littéralement données dans la forme que je
reproduis, mais j'en donne exactement la substance. Madame Davidson
est âgée d'environ soixante-dix-ans, et passablement
cassée. »
Nous
lisons dans le feuilleton de la Presse,
12 août 1853, sous le titre Les
mormons, ce
qui suit :
« On
suppose qu'à Pittsbourg ce manuscrit a été
laissé à un imprimeur nommé Lambdin, et que
celui-ci l'a dû confier aux soins d'un nommé Sidney
Rigdon, lequel fît rencontre du prophète dans ces
entrefaites, et que ce fut alors qu'ils se concertèrent pour
métamorphoser ce roman en Bible d'or. Cette version est
contredite par des événements postérieurs.
« Lorsque
le Livre de Mormon parut, et que ceux qui connaissaient le Manuscript
found le
retrouvèrent dans cette œuvre divine, on voulut savoir
ce qu'était devenu le roman manuscrit de Salomon Spaulding. Il
avait disparu sans que ses possesseurs pussent s'expliquer cette
disparition, tant elle avait été effectuée
mystérieusement ; si bien que le manuscrit found
(trouvé) n'a cessé d'être depuis lors le
manuscrit Iost
(perdu). La malle qui le contenait fut visitée avec le plus
grand soin ; mais parmi son contenu on ne retrouva que la main
de papier manuscrite formant l'Exode
romain que l'auteur
avait adopté dans le plan primitif de son ouvrage. Comment et
quand ce manuscrit a-t-il été soustrait ? Cette
question n'a pu être résolue jusqu'à ce jour, et
ne le sera peut-être jamais. »
Eh
bien, ce manuscrit qui avait disparu, qu'on ne retrouva jamais, M.
Guers affirme néanmoins qu'on le compara sur l'heure avec le
Livre de Mormon, et que l'on constata pleinement la fraude ! M.
Favez l'avait déjà dit en 1851 dans sa lettre
sur les mormons ;
il n'ose plus le répéter en 1854 ; mais sa lettre
n'en est pas moins une autorité pour M. Guers.
Nous
avons lu un grand nombre d'ouvrages publiés contre le
mormonisme, tant en Angleterre qu'en Amérique ; mais nous
certifions que personne avant eux, parmi ces auteurs, n'a poussé
l'audace au point d'avancer un fait aussi évidemment faux,
mais en même temps aussi facile à démentir. Ils
ajoutent, avons-nous dit, de leur propre crû cette infidélité
à celles de MM. Austin et Ely. À cet endroit surtout,
M. Guers secoue tout scrupule ; témoin ce passage,
démenti par la déclaration déjà citée
de John Spaulding :
« À
mesure qu'il composait son ouvrage, M. Salomon Spaulding (qui
habitait alors à Conneaut, Ohio) le communiquait à son
frère John Spaulding (qui habitait le comté de
Crawford, Pennsylvanie). » (page 62)
On
voit jusqu'où mène le zèle religieux !...
Les
personnes qui résident en Amérique, qui ont pu vérifier
les faits, se gardent bien d'affirmations aussi hardies. Le
professeur Turner, bien mieux placé que MM. Guers et Favez
pour saisir la vérité, s'exprime ainsi (p. 212) :
« M.
Spaulding quitta Pittsbourg en 1814 et partit pour Amity, (comté
de Washington), où il mourut en 1816. S'il a emporté
son manuscrit avec lui, ou s’il l’a laissé dans
l’imprimerie de Lambdin, sa veuve, actuellement Madame
Davidson, n’en est pas positivement
certaine. Les mormons ont affirmé qu'elle avait raconté
sur ce sujet des histoires contradictoires, ce qui, vu son âge
et l'infirmité de sa mémoire, est assez probable. »
Notons
en passant que le grand âge et l'infirmité de Madame
Davidson, attestés par ce témoin et par beaucoup
d'autres, sont soigneusement passés sous silence par les deux ministres qui lui
attribuent leur lettre mensongère, et que nos adversaires en
Europe sont tout aussi
discrets à cet égard que leurs confrères
d'Amérique.
Le
docteur Hulbert,
le plus fougueux de nos ennemis en Amérique, l'instigateur de
toutes les attaques dirigées contre nous [26],
a aussi publié un ouvrage intitulé Mormonism
unveiled
(le mormonisme dévoilé), où il dit, en parlant
du fameux manuscrit qu'il avait reçu de la veuve de Salomon
Spaulding :
« Ceci
est un roman que l'auteur donne comme traduit du latin et ayant été
trouvé, en vingt-quatre rouleaux de parchemin, dans une cave,
mais écrit dans un style moderne. Il raconte l'histoire
fabuleuse d'un vaisseau faisant voile de Rome pour la
Grande-Bretagne, et qui fut jeté sur les côtes de
l'Amérique quelque temps avant l'ère chrétienne,
ce pays étant alors habité par des Indiens. »
Voilà,
avons-nous dit, le plus ardent de nos ennemis. Il a eu le manuscrit
en sa possession, il l'a lu, il le connaît parfaitement.
Espérant y trouver des analogies frappantes avec le Livre de
Mormon, il avait promis à la veuve Spaulding de l'imprimer
pour donner l'évidence du plagiat de J. Smith ; mais il
s'est trouvé que ce roman ne ressemblait en rien au Livre de
Mormon, et il n'a plus voulu l'imprimer. N'est-il pas certain que
s'il eût présenté la possibilité de faire
croire à un tel plagiat, nos ennemis, qui ont fait preuve d'un
si grand zèle contre le développement de l'Église,
n'auraient pas manqué de le publier ? Les uns ont menti
en affirmant que les deux livres ont été comparés
et qu'on a reconnu la fraude ; d'autres ont menti en disant que
le manuscrit avait disparu mystérieusement. La seule version
vraie sur ce point est celle du docteur Hulbert, qui vous dit :
Moi je l'ai lu en 1834 ; il ne ressemble en rien au Livre de
Mormon.
Ceci,
d'ailleurs, s’accorde avec cette partie de la lettre attribuée
à Madame Davidson, publiée dans la brochure de M.
Pavez, p. 19 :
« Le
manuscrit alors m'échut et fut soigneusement gardé. Il
a été fréquemment examiné par ma fille,
madame M' Kinestry, de Monson (Massachussets), avec qui je demeure
maintenant, et par d'autres amis. »
L'unique
vérité, dans tout ce fatras de mensonges
contradictoires que l'on a publiés au sujet du roman de
Spaulding et du Livre de Mormon, c'est que lorsque ce dernier parut,
la malveillance de nos ennemis voulut faire croire à une copie
subrepticement obtenue du roman, qui aurait été donné
ensuite par Joseph comme un livre sacré ; mais que,
lorsqu'on voulut vérifier, le manuscrit de Spaulding fut remis
au docteur Hulbert, qui, après avoir comparé les deux
ouvrages, les trouva absolument sans aucun rapport, ni dans les
faits, ni dans le style.
Ceci
est d'autant plus vrai, que les deux « ministres
américains » n'ont pas osé dire un seul mot
dans le sens de l'allégation de M. Guers. Voici le passage de
la lettre publiée sous le nom de Mme
Davidson (Favez, p. 19) :
« L'excitation
dans New-Salem devint si grande, que les habitants eurent une assemblée et
députèrent ici le docteur Philastus Hulbert, l'un
d'entre eux, chargé de me demander le manuscrit original de M.
Spaulding, désirant le comparer avec la Bible des mormons,
pour satisfaire leur propre esprit et empêcher leurs amis de
tomber dans un piège aussi grossier. »
La
lettre n'ajoute ni que le manuscrit fut remis au député,
ni qu'il était égaré ; il n'y a à cet égard que le
témoignage du docteur Hulbert rapporté plus haut, et
qui donne un éclatant
démenti à toute cette histoire du roman de Spaulding
converti en Livre de Mormon.
Ce
que nous venons de dire touchant la différence qui existe
entre le roman de Spaulding et le Livre de Mormon est confirmé
par le témoignage d'un auteur qui nous est amèrement
hostile, mais que ce sentiment n'emporte pas au-delà des
limites qu'un honnête homme ne doit pas franchir. Citons donc
encore le professeur Turner (p. 213) :
« Madame
Davidson n'étant pas certaine que le Manuscrit
trouvé était
dans sa malle, on jugea convenable d'y chercher. Au lieu d'un certain
nombre de manuscrits, on n'en trouva qu'un seul, qui était un
petit roman inachevé, fixant l'origine des Indiens à
Rome, d'où ils avaient été amenés sur les
côtes de l'Amérique par un vaisseau qui faisait voile
pour la Grande-Bretagne, avant l'ère chrétienne. »
Or,
le Livre de Mormon se compose de 519 pages d'impression très
compacte ; il était imprimé et répandu à
l'époque de la déclaration que les ministres américains
ont publiée sous le nom de Mme
Davidson. Comment pourrait-on prétendre qu'un livre aussi
étendu « n'était, d'un bout à
l'autre, ni plus ni moins que le roman religieux de S. Spaulding »
qui n'était qu'un petit roman inachevé ? Comment
un homme raisonnable pourrait-il confondre ce petit roman, cette main
de papier manuscrite
dont parle un témoin, avec le Livre de Mormon, lequel, en
supposant deux pages de manuscrit pour une page d'impression
compacte, a dû former une collection de 1000 à 1200
pages ?
D'ailleurs,
est-il croyable qu'un roman, roman religieux si l'on veut, ait été
écrit dans le style qui caractérise le Livre de
Mormon ? Quel roman ressemble à celui-là ?
Citons
ici une appréciation lumineuse publiée dans le
« New-Yorker »
sous le pseudonyme de Joséphine. Cet article, évidemment
écrit par une personne étrangère à notre
Église, a été envoyé au président
J. Smith par M. A. G. Gano ; Esqr.
de Cincinnati (Ohio), et reproduit dans le Times
and Seasons :
« Le
style (du Livre de Mormon) est une imitation fidèle des
Écritures, et il est remarquablement privé de toute
allusion qui trahisse la connaissance de l'état politique ou
social de la société actuelle. L'écrivain vit de
toute la force de son imagination dans l'âge qu'il décrit.
Il est difficile d'imaginer une élaboration littéraire
plus ardue que d'écrire ce qui peut être appelé
la continuation de l'Écriture sainte, et de le faire de
manière non seulement à éviter toute discordance
avec les mots sacrés et authentiques, mais encore à
combler maintes lacunes qui semblent y exister, et à confirmer
ainsi ces livres l'un par l'autre.
« Établir
la théorie vraisemblable et appuyée que les aborigènes
de notre continent (l'Amérique) sont des descendants d'Israël,
sans se compromettre par aucune assertion ou dissertation qui la
contredise, dénote un degré de talent et de science
qui, chez un jeune homme sans éducation, est presque un
miracle.
« Une
copie des caractères de plusieurs pages du Livre d'or fut
communiquée à une personne de notre ville, laquelle
naturellement fut incapable de les déchiffrer, quoiqu'ils présentassent
une grande ressemblance avec les anciens caractères égyptiens.
« Si,
en les comparant, ils résulte que ces caractères sont
semblables à ceux découverts dans les ruines de
l'Amérique centrale, qui ont naguère si vivement frappé l'attention, et qui
décidément ressortent de l'architecture égyptienne,
cela plaidera en faveur
de Smith. Cela tendra à prouver que les plaques sont
authentiques, si même cela n'établit
pas la vérité de son inspiration et la fidélité
de sa traduction. »
Après
toute discussion sur le prétendu roman de Spaulding et le
Livre de Mormon, il reste vrai jusqu'à l'évidence qu'il
n'existe pas plus de rapport entre ces deux ouvrages qu'il n'y en a
entre la Bible et les Aventures de Télémaque. La fausse
déclaration des deux ministres américains est démentie
par une foule d'auteurs respectables, au témoignage desquels
nous allons ajouter celui de M. Pichot, notre ennemi bien connu (p.
69) :
« Ce
document isolé, terminé par une malédiction,
n'est pas absolument concluant. Mathilde Davidson
peut fort bien n'avoir été elle-même qu'un
instrument de vengeance dans les mains du docteur Philastus
Hulbert [27],
le délégué des habitants de Salem. Le docteur
Philastus, dont nos lecteurs ne seront pas fâchés de
connaître les antécédents, avait cru lui-même
au prophète Joseph Smith, et avait été l'un des
membres de la nouvelle Église. D'après son dire, il se
retira parce que ses yeux s'ouvrirent à l'imposture et à
la fraude dont il avait été l'innocente victime.
D'après la version des mormons, au contraire, il fut expulsé
de leurs rangs pour adultère et pour d'autres actes
d'immoralité. »
Après
quelques détails sur ce malheureux, M. Pichot ajoute :
« Si
nous nous sommes arrêté un instant à ces misères,
c'est qu'il y a, au fond des persécutions que l'on va bientôt
voir essuyer aux mormons, de fourbes et lâches rivalités
de sectaires trop souvent couvertes du manteau de la morale et de
l’intérêt public.
« Auprès
de certains prédicants de dénominations diverses et
multiples, le Tartufe de Molière n'est qu'un écolier,
et Joseph Smith lui-même un maladroit, au moins dans ses
débuts. » (p. 72)
Ce
dernier membre de phrase ne laisse aucun doute sur les dispositions
de M. Pichot envers J. Smith ; son ouvrage entier, d'ailleurs,
imprimé dans la Bibliothèque des chemins de fer, porte
un cachet d'hostilité non équivoque. Le lecteur peut
donc admettre avec confiance les éclairs d'impartialité
et de franchise qui jaillissent parfois de la plume de cet écrivain.
Nous ajouterons : On dirait que M. Pichot a eu sous les yeux les
brochures de MM. Guers et Favez.
M.
Favez nous dit (p. 9) :
« Le
livre de Mormon n'est pas homogène. En divers endroits du
volume anglais sorti des mains de Smith, on découvre des
additions dont plusieurs sont marquées par des fautes de
grammaire et font avec le reste un contraste évident d'où,
par conséquent, naît la pensée que ce livre doit
avoir deux auteurs : l'un qui écrivait bien l'anglais,
l'autre qui l'écrivait mal. »
À
ces observations faites, ou plutôt copiées par M. Guers,
et adoptées par M. Favez, nous
allons opposer d'autres appréciations de personnes plus
compétentes, quoique aussi hostiles envers nous. Le lecteur
jugera si l'avis de MM. Guers et Favez peut être comparé
à ceux que nous reproduisons.
Écoutons
d'abord le professeur Alexandre Campbell, president of Bethany
Collège, U. S.,
dans son ouvrage intitulé « Mormonism
weighed in the balances and found wanting
(le mormonisme pesé
dans la balance et trouvé léger), page 18 :
« Ce
livre (le Livre de Mormon) professe être écrit à
divers intervalles et par différentes personnes pendant la
longue période de 1020 ans ; et cependant, pour
l'uniformité du style, il n'y eut jamais un livre plus
évidemment écrit par la même main, ni plus
certainement conçu par le même cerveau, depuis le
premier livre qui a paru dans le langage humain, que ce même
livre. Autant je pourrais jurer que je reconnais sur la scène
un acteur qui prend successivement divers costumes et joue des rôles
différents, autant je peux jurer qu'un seul homme a écrit
ce livre [28].
Et comme Joseph Smith est un homme très ignorant, et qu'il en
est désigné comme l'auteur, je ne peux pas douter un
seul instant qu'il n'en soit le seul auteur et propriétaire. »
Voilà
déjà un démenti donné à MM. Guers
et Favez ; en voici d'autres. La Revue
d'Edimbourg (N°
CCII, p. 321, avril 1854), écrite par des gens qui connaissent
sans doute l'anglais mieux que ces deux messieurs, s'exprime ainsi :
« Ces
fautes sont si uniformément répandues à travers
l'ouvrage, qu'elles doivent être attribuées à son
auteur, et non, comme elles l'ont été quelquefois, à
un interpolateur postérieur. On a eu recours à cette
hypothèse, parce qu'on ne pouvait pas comprendre qu'un homme
chargé d'enseigner la religion ait pu commettre de telles
fautes. Mais en Amérique les qualités littéraires
requises pour l'ordination sont nécessairement réduites
au minimum. »
Considérant
Salomon Spaulding comme un pauvre d'esprit, et lui attribuant le
Livre de Mormon en totalité, sans exception, l'écrivain
ajoute :
« Il
n'est pas étonnant que S. Spaulding ait fait banqueroute en
chaire comme derrière son comptoir. »
Comment
concilier tous ces témoignages d'uniformité de style
avec le témoignage de MM. Guers et Favez qui veulent
absolument reconnaître deux auteurs, l'un qui écrivait
bien l'anglais, l'autre qui l'écrivait mal ?
D'altération
en altération, nos ennemis ont fini par tomber quelquefois
dans des mensonges tellement cyniques, tellement monstrueux, qu'ils
se sont effrayés les uns les autres. Notamment, MM. Guers et
Favez n'ont pas osé s'appuyer sur le témoignage du
docteur John Thomas, president
of the S. and E. Medical College of Virginia, U. S. On
n'aime pas à trouver son maître. « Celui-là,
ont-ils dit, est encore plus hardi que nous. » M. Thomas,
en effet, dans sa brochure imprimée à Londres, dit sans
façon (p. 2), qu'un prédicateur presbytérien des
États-Unis fit un roman qu'il intitula le Livre
de Mormon (This
fiction he termed « the Book of Mormon… »
Il
nous reste à démentir une allégation de nos
ennemis, qui consiste à dire que J. Smith, trop ignorant pour
approprier lui-même le roman de Spaulding à l'usage
qu'il voulait en faire, s'est associé dans ce travail Sidney
Rigdon.
Sur
ce point, comme sur beaucoup d'autres, nos adversaires se
contredisent entre eux : c'est pour eux une fatalité.
Ainsi, M. Favez, dans la lettre que les ministres d'Amérique
ont fabriquée sous le nom de Mme
Davidson, cite ce qui suit :
« Sidney
Rigdon, qui a figuré si grandement dans l'histoire des
mormons, était à cette époque en relation avec
l'imprimerie de M. Patterson, et c'est une chose bien connue dans cette contrée, —
Rigdon lui-même l'a souvent déclaré, —
qu'il eut en mains le manuscrit de
M. Spaulding et le copia. C'était un fait notoire pour toutes
les personnes en relation avec
l'imprimerie. »
Cette
lettre, comme l'annonce M. Favez, a paru dans le journal de Boston ;
mais depuis elle a sans doute été confirmée par
les ministres, c'est-à-dire falsifiée ; car, dans
le journal de Boston, au lieu de « et la copia »,
— on lit : Là, il eut amplement occasion de
connaître le manuscrit « et de le copier s’il
a voulu ».
M.
Guers enchérit encore sur l'exagération de M. Favez ;
il dit (page 62) que Sidney Rigdon était employé dans
l'imprimerie de M. Patterson. Un autre écrivain dit qu'en 1812
et 1814 il y était chargé de préparer les
manuscrits. — Voici la vérité :
Sidney
Rigdon est né en 1793 ; en 1812 il était donc âgé
de dix-neuf ans. À cette époque il travaillait dans la
ferme exploitée par son père, et il y resta jusqu'au
moment où il alla à Pittsbourg comme étudiant,
comme dit le professeur Turner, non pas en 1812, mais en 1822. Or, la
veuve de Salomon Spaulding déclare qu'à la mort de son
mari le roman lui échut, et qu'elle le garda soigneusement.
Joignez à cela qu'elle l'avait encore à sa disposition,
suivant M. Guers, quand, en 1833 ou 1834, on voulut comparer ce
manuscrit avec le Livre de Mormon. Dites-nous donc, Messieurs, à
quelle époque vous prétendez que Sidney Rigdon a pu
copier le roman de Spaulding.
Mais
nous allons démontrer, par un témoignage non suspect,
que les chrétiens d'Amérique, parmi lesquels se
trouvait Sidney Rigdon en qualité de ministre, n'ont jamais
songé à l'accuser de complicité avec J. Smith
dans la publication du Livre de Mormon.
Nous
démontrerons, de plus, par la même citation, que Sidney
Rigdon n'a eu connaissance de ce livre et n'est entré dans
l'Église que quelque temps après sa publication.
L'autorité que nous invoquons est de celles devant lesquelles
nos ennemis doivent s'incliner : c'est un de leurs organes en
Angleterre (Christain
Messenger and Reformer for April 1841) :
« …La
Bible d'or fut imprimée dans l'été de 1830…
Étant pleinement préparés, Smith et Cowdery
commencèrent à accomplir leur mission, et s'étant
baptisés l'un l'autre, ils réussirent bientôt à
en convertir d'autres à leur imposture, les baptisant pour la
rémission des péchés et les dons du Saint-Esprit
dans tous ses pouvoirs miraculeux. Parmi leurs premiers disciples
était Parley P. Pratt, qui est actuellement en ce pays
(Angleterre), qui s'est joint au prophète peu après la
publication de la Bible. Bientôt après lui vint Sidney
Rigdon, qui était auparavant en communion avec nos frères
en Amérique. »
Voilà
encore une preuve positive que Sidney Rigdon n'a pris aucune part
au Livre de Mormon [29].
En voici une autre, empruntée au professeur Turner (page
211) :
« En
1812, Spaulding quitta Ohio et se rendit à Pittsbourg, où
il demeura environ deux ans, pendant lesquels on a supposé
qu'il avait laissé son manuscrit à l'imprimerie de
Patterson et Lambdin, et que Sidney Rigdon l'y trouva en 1822. De
cela, cependant, il n’y a
aucune évidence, et je ne peux pas imaginer qu'un homme du
talent de Sidney Rigdon, éloquent et connaissant parfaitement
la Bible, ait jamais pu entasser les absurdités qui composent
le Livre de Mormon. »
Une
autre preuve, négative, il est vrai, c'est que le fameux
Alexandre Campbell, auquel Sidney Rigdon était alors associé
pour la fondation de l’Église des Campbellistes, qui le connaît
parfaitement et qui sait très bien la date de leur séparation,
Campbell, disons-nous,
qui a beaucoup écrit contre nous, ne songe pas le moins du
monde à le regarder comme
ayant pris une part quelconque à la publication du Livre de
Mormon.
Nous
croyons avoir traité cette question du Livre de Mormon (au
point de vue purement rationnel), avec tous les développements
nécessaires ; nous n'avons laissé debout aucune
des imputations d'imposture faites par nos ennemis, et nous aimons à
penser que le lecteur, quel qu'il soit, est maintenant convaincu,
nous ne dirons pas de la divinité de ce livre, — puisque
nous n'avons pas abordé la discussion au point de vue
religieux et que nous n'avons donné aucune preuve de ce genre,
cet opuscule n'étant pas destiné à l'exposition
de nos doctrines, — mais au moins de l'honnêteté
de ces hommes sur lesquels on a accumulé tant de calomnies.
Nous n'avions pas d'autre but.
Quelques
objections de M. Favez contre le Livre de Mormon
M.
Favez n'est pas heureux lorsqu'il cherche des preuves d'imposture
contre le Livre de Mormon ; son échafaudage tombe sur
lui-même. C'est lui qui se montre ou ignorant, ou imposteur.
Écoutez-le (page 10) :
« Ce
livre prête aux premiers âges du monde des inventions
modernes. Dans les premières pages, l'auteur met dans la
bouche de Néphi ces paroles : Je pris la boussole. Or,
selon cette narration, l'événement avait eu lieu au
temps de Sédécias, et la boussole n'est connue que
depuis cinq ou six cents ans. L'auteur l'ignorait sans doute. »
Dans
une note au bas de cette même page, M. Favez ajoute que :
« Je pris la boussole », est la traduction de
ce passage anglais : « I took the compass ».
Puisqu'il
a lu le Livre de Mormon, il sait qu'il n'existe aucun rapport entre
l'instrument dont il parle et la boussole. Quelques extraits de ce
livre vont le convaincre d'erreur, sinon de mauvaise foi.
« Et
il arriva que comme mon père se levait le matin et se rendait
à la porte de la tente, il vit, à son grand étonnement,
sur le sol, une boule ronde d'une exécution habile ; et
elle était d'airain fin. Et dans la boule,
il y avait deux aiguilles ; et l'une d'elles montrait la
direction dans laquelle nous devions aller dans le désert [30]. »
(page 31 ; 1 Néphi 16:10, ndlr)
On
voit que la boule n'indiquait pas un des quatre points cardinaux,
mais le chemin à suivre.
« Et
il arriva que moi, Néphi, je vis les aiguilles qui étaient
dans la boule, qu'elles marchaient selon la foi, et la diligence, et
l'attention que nous leur accordions. Et une nouvelle écriture
était aussi écrite dessus, qui était claire à
lire, qui nous donna une certaine compréhension des voies du
Seigneur ; et elle était écrite et changeait de
temps en temps, selon la foi et la diligence que nous lui accordions.
Et ainsi, nous voyons que par de petits moyens le Seigneur peut
réaliser de grandes choses. (page 32 ; 1 Néphi
16:28, 29, ndlr)
Est-ce
que cela ressemble à une boussole ? Mais, à
supposer même que ces deux passages
du Livre de Mormon aient été mal compris par M. Favez,
qu'il ait été étourdi ou aveuglé au point
de ne pas apercevoir la différence qui existe entre un tel
instrument et l'aiguille aimantée, voici quelques lignes qui
auraient dû lui ouvrir les yeux :
« Et
maintenant, mon fils, je dois parler quelque peu de l'objet que nos
pères appellent boule, ou directeur; ou, nos pères
l'appelaient Liahona, ce qui est, par interprétation, un
compas ; et c'est le Seigneur qui l'a préparé. Et
voici, il n'est pas d'homme qui puisse réaliser une exécution
aussi habile. Et voici, il fut préparé pour montrer à
nos pères le chemin qu'ils devaient suivre dans le désert.
Et il marchait pour eux selon leur foi en Dieu ; c'est pourquoi,
s'ils avaient la foi pour croire que Dieu pouvait faire que ces
aiguilles indiquent le chemin qu'ils devaient suivre, voici, cela se
faisait ; c'est pourquoi ils voyaient, jour après jour,
ce miracle et aussi beaucoup d'autres miracles s'accomplir par le
pouvoir de Dieu. Néanmoins, parce que tous ces miracles
étaient accomplis par de petits moyens, cela leur montrait des
œuvres merveilleuses. Ils étaient paresseux et
oubliaient d'exercer leur foi et leur diligence, et alors ces œuvres
merveilleuses cessaient, et ils ne progressaient pas dans leur
voyage ; c'est pourquoi, ils s'attardaient dans le désert,
ou ne suivaient pas un chemin direct et étaient affligés
par la faim et la soif à cause de leurs transgressions. »
(page 289 ; Alma 37:38-42, ndlr)
Est-il
possible, après avoir lu ce passage, de dire que « ce
livre prête aux premiers âges du monde des inventions
modernes ? » Est-il possible de confondre un appareil
qui se meut par le pouvoir de Dieu, suivant la foi et la diligence de
celui qui le tient, qui cesse de fonctionner quand la foi cesse, avec
la boussole, qui suit invariablement le courant magnétique
d'un pôle à l'autre, et qui fonctionne également
entre les mains d'un croyant ou d'un athée ?
En
voici encore une autre du même auteur. Il dit (page 10) :
« Enfin,
en divers endroits, le Livre de Mormon donne un démenti à
la Bible. Un exemple suffira. À la page 499, il nous dit que
l'Amérique est, au-dessus de toutes les autres, une terre
choisie du Seigneur ; — ‘que là sera bâtie
de nouveau la Jérusalem ancienne, laquelle sera une sainte
cité au Seigneur. — Et la Bible, de son côté,
déclare que Canaan est la noblesse de tous les pays, que
Jérusalem y sera bâtie de nouveau et sera une sainteté
à l'Éternel. — Tout cela n'est pas une
recommandation pour le livre du nouveau prophète. Évidemment
il porte les marques de la fraude. »
Ceci,
en effet, porte les marques de la fraude, mais de la fraude de M.
Favez ; car, pour mettre le Livre de Mormon en opposition avec
la Bible, il fait une citation infidèle. Voici le verset cité
par lui (p. 499 du Livre du Mormon ; Éther 13:4-8,
ndlr) ; mais nous le transcrivons en entier, afin que le lecteur
puisse juger :
« Voici,
Éther vit le temps du Christ, et il parla d'une nouvelle
Jérusalem dans ce pays. Et il parla aussi de la maison
d'Israël et de la Jérusalem d'où Léhi
viendrait : lorsqu'elle aurait été détruite,
elle serait rebâtie, ville sainte pour le Seigneur ; c'est
pourquoi, ce ne pourrait pas être une nouvelle Jérusalem,
car elle avait été à une époque du passé;
mais elle serait rebâtie et deviendrait une ville sainte du
Seigneur; et elle serait bâtie pour la maison d'Israël -
et qu'une nouvelle Jérusalem serait bâtie dans ce pays
pour le reste de la postérité de Joseph, ce dont il y a
eu une préfiguration. Car, comme Joseph fit descendre
son père au pays d'Égypte, de même il y mourut ;
c'est pourquoi, le Seigneur amena un reste de la postérité
de Joseph hors du pays de Jérusalem, afin d'être miséricordieux
envers la postérité de Joseph, afin qu'elle ne pérît
pas, tout comme il fut miséricordieux
envers le père de Joseph, afin qu'il ne pérît
pas. C'est pourquoi, le reste de la
maison de Joseph sera édifié dans ce pays; et ce sera
un pays de son héritage ; et il bâtira une ville
sainte pour le Seigneur, semblable à la Jérusalem
d'autrefois; et il ne sera plus confondu, jusqu'à ce que
vienne la fin, lorsque la terre passera. »
II
est évident que ce verset parle de deux Jérusalem,
l'une ancienne, qui sera rebâtie en Asie par les enfants
d'Israël, l'autre nouvelle, qui sera construite en Amérique
pour la postérité de Joseph. Et c'est en présence
d'un texte aussi clair que M. Favez vient nous dire : « Le
Livre de Mormon donne un démenti à la Bible »
quand au contraire il la confirme !...
Le
passage de la Bible cité par M. Favez : « Canaan
est la noblesse de tous les pays » n'est pas, comme il
l'affirme, démenti par le Livre de Mormon. Il suffit d'un peu
de bon sens pour tout concilier. Canaan, selon l'Ancien Testament,
était la noblesse de tous les pays alors connus. S'il fallait
une preuve de cette interprétation, nous rappellerions ici
cette parole de Daniel à Nébucadnetsar :
« Le
Dieu des cieux t'a donné le royaume, la puissance, la force et
la gloire, et en quelque lieu qu'habitent les enfants des hommes, les
bêtes des champs et les oiseaux des cieux, il les a donnés
en ta main, et t'a fait dominer sur eux tous. » (Daniel
2:37, 38)
Nous
pourrions y joindre cette citation de Paul parlant des travaux des
serviteurs de Dieu :
« Leur
voix est allée par toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux
bouts du monde. » (Romains 10:18)
Or,
nous le demandons à M. Favez, Nébucadnetsar a-t-il
régné sur le continent de l'Amérique ? Les
apôtres de l'Orient y ont-ils fait entendre la parole de Dieu ?
Il est évident que la Bible, quand elle parle de tous les
pays, doit être entendue dans le sens que nous venons
d'indiquer. Cette objection de M. Favez n'est donc pas plus sérieuse
que les autres.
Réponse
à M. Agénor de Gasparrin
Voici
un autre adversaire que nous avions oublié, mais qui est
subitement rappelé à notre mémoire par une
nouvelle lecture des Archives
du christianisme
(années 1852 et 1853) au moment où nous allions clore
cette discussion. À Dieu ne plaise que nous laissions sans
réponse ses rares objections noyées dans une dilution
de six longs articles. Seulement, comme il nous serait impossible, au
point où nous en sommes, de classer ces objections suivant
l'ordre que nous avons adopté, nous consacrerons à ce
nouveau champion un chapitre à part.
Dans
le premier de ces articles (1852, p. 185), M. de Gasparin se livre à
des considérations générales, sans présenter
aucune objection. Il se pose en adversaire loyal et consciencieux ;
mais déjà quelques finasseries font prévoir que
l'auteur ne soutiendra pas le ton sérieux et convenable de
cette introduction.
En
effet, dès le second article (p. 15 de 1853), nous le voyons
ressusciter la fable des ministres
américains au sujet du roman de Spaulding. Il n'ose pas y
adhérer formellement, et
il a raison, car nous le mettrions plus tard en contradiction avec
lui-même, puisqu'il dit (p. 75) :
« Rien
enfin ne manque pour faire comprendre à quiconque sait
comprendre, que M. Joseph Smith a composé ces prophéties
à loisir, en l'an de grâce 1828, ayant son Nouveau
Testament sous les yeux. »
Quel
est donc le but de M. de Gasparin en réveillant cette histoire
de Spaulding ? Cela se devine aisément. Toutefois il sort
de là assez habilement.
« Nous
ignorons, dit-il, ce qu'il en est, et, à vrai dire, nous nous
en inquiétons peu. Ceci est trop sérieux pour que nous
nous préoccupions des questions de propriété
littéraire. »
Ce
qu'il y a de plus clair dans tout cela, c'est que M. de Gasparin n'a
pas d'opinion arrêtée sur ce point, puisqu'il raconte
cette histoire et la dément plus loin.
L'introduction
nous promettait des objections sérieuses ; mais, dès
la page 16, l'auteur tombe dans la facétie :
« Nos
ouvriers sont sans doute bien moins habiles que ne l'étaient
les innombrables prophètes de Néphi ; mais il est
certain que pour graver sur l'airain les immenses récits dont
le Livre de Mormon ne nous donne que des extraits, il faudrait
employer aujourd'hui des centaines d'ouvriers pendant un temps bien
considérable. Et nous ne parlons pas du transport de ces
plaques. De nos jours, il faudrait des charrettes ou des wagons de
chemins de fer ; du temps des prophètes néphites,
on emportait cela sans façon dans sa poche, et personne n'y
prenait garde. »
On
le voit, M. de Gasparin s'amuse. Mais voyons ce que valent ses
joyeusetés. Les plaques, longues et larges de 7 à 8
pouces, formaient une épaisseur totale de six pouces. Une
partie seulement a été traduite. En supposant au métal
une épaisseur d'une demi ligne, il y aurait en totalité
44 plaques. D'un autre côté, quiconque a vu le
fac-simile d'une de ces tablettes, s'il est doué de la moindre
connaissance en gravure, jugera qu'un ouvrier peut facilement graver
une page en un jour, soit deux jours pour une plaque, soit 288 jours
pour la collection entière. Mettons-en le double, le triple,
admettons même que ce travail, s'il eût été
exécuté par un seul homme, l'eût occupé
trois ans ; toujours est-il évident que M. de Gasparin
tombe dans la plus ridicule exagération lorsqu'il dit « qu'il
faudrait y employer des centaines d'ouvriers pendant un temps bien
considérable. » Que devons-nous répondre à
un écrivain qui prétend charger des wagons de chemins
de fer avec les plaques en question, qui forment un cube de 7 ou 8
pouces de longueur, autant de largeur et 6 de profondeur ?....
Pour M. Favez, passe encore ; mais de la part de M. le comte
Agénor de Gasparin et des Archives
du christianisme,
nous n'attendions pas de pareilles évaluations. Nous voudrions
voir cet écrivain se livrer dans le même esprit à
des calculs sur les dimensions données par la Bible à
l'arche de Noé, comparativement au volume des animaux et des
approvisionnements qu'elle renfermait…
L'auteur
finit par s'apercevoir qu'il se moque de ses lecteurs.
« Qu'on
nous pardonne, dit-il, si notre discussion ne demeure pas toujours
sérieuse. En vérité, il est des choses qu'on ne
peut rapporter ni discuter gravement. »
D'accord.
Quand on a fait une caricature, on a le droit d'en rire ; mais
il est des choses sérieuses
que l'on pourrait rapporter fidèlement et discuter gravement.
Après
le burlesque, le lamentable. M. de Gasparin ajoute immédiatement :
« Mais
lorsqu'au même temps on se prend à penser que ces
choses-là sont prêchées et accueillies comme une
parole de Dieu, qu'elles font le tour du monde, qu'à l'heure
où nous écrivons ceci, plusieurs centaines de
missionnaires mormons sont occupés à corrompre les âmes
et à déshonorer l'Évangile, le cœur se
serre de tristesse, et le sourire qui avait effleuré les
lèvres s'en efface promptement. »
Donc
voici M. de Gasparin devenu sérieux ; ce qui ne l'empêche
pas de nous donner encore plusieurs colonnes remplies de jovialités
sur les noms de quelques prophètes rapportés par le
Livre de Mormon, où il se divertit à comparer les
exploits de l'un d'entre eux à ceux des chevaliers de la Table
Ronde. On voit comme c'est grave. Puis il s'écrie :
« Notre
amour pour le Sauveur souffre à rapporter, même afin de
les combattre, de si prodigieuses profanations. »
Quant
à la preuve de ces profanations, c'est la chose dont il
s'occupe le moins. Il est beaucoup plus commode de donner la question
pour raison, et M. de Gasparin y est habitué. Lisez non
seulement cet article, mais les quatre qui le suivent, vous n'y
trouverez pas vestige de démonstration. L'auteur part de ce
point que le Livre de Mormon est faux, et il va son train.
Comme
MM. Guers et Favez, M. de Gasparin écrit l'histoire à
sa façon, sans le moindre scrupule. Écoutons-le parler
des mormons au Missouri :
« Enfin
ils publient une proclamation en vertu de laquelle tous les habitants
du pays qui ne professent pas la foi nouvelle sont mis en demeure
d'abandonner leurs propres maisons et de céder aux saints leur
propre pays. Les Missouriens ne se croient pas tenus d'obéir,
et à la suite d'une lutte violente, ils expulsent de chez eux
l'armée des bandits. »
Si
nous demandions à M. de Gasparin sur quelle preuve il appuie
cette histoire, il nommerait sans doute quelque homme religieux. En
tout cas, nous le mettons au défi de citer le texte de la
prétendue proclamation, d'en indiquer même la date. Ceci
s'appelle une calomnie, et n'a point d'autre nom. Jamais les mormons
ne se sont approprié un immeuble quelconque dans le Missouri
ou ailleurs, sans l'avoir acheté et payé. Que M. de
Gasparin prouve le contraire.
Plus
loin, l'auteur s'exprime en ces termes au sujet de ce qu'il appelle
la « guerre des mormons » (p. 43) :
« Elle
se termina par la défaite et l'emprisonnement de Joseph Smith,
qui fut tué plus tard au moment où il cherchait à
s'échapper de sa prison. »
Ceci
est odieux ; il nous répugne de voir un honnête
homme chercher à pallier, sinon à légitimer un
meurtre infâme. Nous avons raconté, sur la foi d'autres
ennemis plus calmes et mieux renseignés, comment la prison fut
envahie par des brigands armés et qui s'étaient
barbouillé le visage avec du noir. Chacun sait que si Joseph
s'est présenté à la fenêtre, c'était
pour échapper, non à la prison, où il ne trouva
pas même la protection des verrous, mais aux balles et aux
baïonnettes qui perçaient la porte de sa chambre. Chacun sait que s'il fut dans
cette prison, c'est parce qu'il s'y constitua volontairement. Nous le répétons
avec amertume : il est pénible pour nous de voir M. de
Gasparin s'associer à nos ennemis
les moins véridiques, et éclipser même leur
témérité. À la page 67, nous lisons ce
qui suit :
« Mais
Joe Smith est prudent. Il sent que l'égyptien lui-même
peut être connu, et il lui importe d'imaginer une langue telle
que toute vérification soit impossible : il invente donc
l'égyptien réformé.
« Voici
donc l'hypothèse fondamentale que sont tenus d'accepter ceux
qui écoutent l'Évangile mormon : des Juifs
quittant Jérusalem sous Sédécias, Juifs qui ne
savent pas leur langue maternelle et qui se servent de l'égyptien,
voire de l'égyptien réformé, en ayant soin de
l'écrire au moyen de caractères sans analogues, soit en
Égypte, soit en Judée ! On conviendra qu'il faut
une crédulité robuste pour fréquenter les
chapelles du mormonisme. »
À
M. de Gasparin qui croit à la Bible et s'effraie du Livre de
Mormon, nous rappellerons ces paroles de Christ aux Pharisiens :
« Conducteurs aveugles, qui coulez le moucheron, et qui
avalez le chameau ! » (Matthieu 23:24)
Oui,
il faudrait une foi robuste pour croire à la vérité
ainsi travestie par M. de Gasparin. Tout ce qui passe par les mains
de nos adversaires devient incroyable. Mais ramenons les choses à
leur état naturel, et voyons si, dégagées des
charges de cet écrivain, elles ne sont pas parfaitement
admissibles.
Nous
relèverons d'abord ce nom de Joe, substitué à
celui de Joseph. Si nous donnions à M. de Gasparin, au lieu de
son prénom Agénor, tout autre sobriquet exprimant le
mépris, on nous considérerait comme des ennemis dont on
ne doit attendre aucune impartialité ? Est-ce qu'un
langage convenable prouve moins que de grossières injures ?
L'égyptien
reformé ! Voilà le grand cheval de bataille de nos
ennemis ; M. Favez lui-même, et avant lui M. Guers,
l'avaient enfourché. Nous renvoyons M. de Gasparin à ce
que nous avons dit en répondant à nos autres
adversaires, et nous ajoutons, la Bible en main : Joseph, fils
du patriarche Jacob, fut vendu par ses frères à des
marchands madianites, puis à des Ismaélites, puis enfin
à Potiphar, eunuque de Pharaon. Accusé de séduction,
d'attentat sur la femme de son maître, il fut jeté en
prison, et en fut enfin délivré par l'intervention du
Seigneur ; puis il arriva au pouvoir, et fut établi par
Pharaon « sur tout le pays d'Égypte. »
Bientôt après, son père et toute sa famille, au
nombre de 70 personnes, vinrent près de lui en Égypte.
« Les enfants d'Israël furent féconds et
multiplièrent, ils s'accrurent et devinrent de plus en plus
puissants. Et le pays en fut rempli. » (Exode 1:7)
Il
est bien évident que Joseph, investi de hautes fonctions dans
ce gouvernement, a dû apprendre la langue égyptienne. Il
est fort probable aussi que sa famille, dans ses relations obligées
avec les Égyptiens, dut apprendre la langue du pays, et
qu'après plusieurs générations les enfants
d'Israël étaient devenus familiers avec cette langue.
S'il faut une crédulité robuste pour admettre cette
opinion si naturelle, il en faudrait une plus robuste encore pour
admettre que 70 personnes arrivant dans l'Égypte y ont
conservé exclusivement leur langue maternelle, et que leurs
descendants l'ont également conservée pendant sept ou
huit générations.
Si
nous demandions à M. de Gasparin dans quelle langue écrivait
Moïse, il ne lui viendrait
certes pas à l'idée de nommer l'égyptien. Il
serait trop pénible pour lui de penser que
ces livres divins furent primitivement écrits dans la même
langue que le Livre de Mormon.
Mais nous devons, au risque de froisser l'opinion qu'il s'est faite à
cet égard, lui faire connaître celle d'un homme qu'il
jugera sans doute compétent en pareille matière.
Le
professeur Cooper, M. D., de l'Amérique, s'exprime ainsi dans
sa lettre au professeur Silliman of Yale Collège, Connecticut,
sur le rapport entre la géologie et le Pentateuque (p. 38) :
« Il
n'est dit nulle part dans quelle langue a écrit Moïse ;
si c'est dans les hiéroglyphes hiératiques ou
phonotiques des Égyptiens. Nous présumons qu'il les
connaissait ; il avait reçu une éducation toute
égyptienne. Il n'est pas vraisemblable que les Hébreux,
si longtemps entourés des Égyptiens (pendant sept ou
huit générations) aient conservé leur dialecte
original chaldéen. »
Il
serait absurde de supposer que les familles élevées
parmi les enfants d'Israël, n'ont pas connu l'égyptien,
et M. de Gasparin pourrait bien, il nous semble, commencer à
croire que le professeur Cooper, dans une discussion aussi
importante, n'établit pas une hypothèse sans fondement.
Resterait
encore la difficulté de l'égyptien réformé.
Or, nous renvoyons à ce que nous avons dit (chapitre III)
relativement aux découvertes qui se font en Amérique,
où l'on exhume des hiéroglyphes évidemment
égyptiens, mais néanmoins indéchiffrables pour
les hommes les plus versés dans ceux de l'Égypte
ancienne, par la seule raison que ceux de l'Amérique sont de
l'égyptien réformé.
Quant
à l'usage suivi par les Égyptiens de transmettre à
leurs descendants, au moyen de la gravure, le récit des
événements extraordinaires qui les intéressaient,
c'est un point qu'il n'est pas besoin de discuter. Les Hébreux
ont dû les imiter. M. de Gasparin dit qu'ils n'en eurent jamais
l'idée ; mais alors que signifie ce passage de Job
(19:23, 24) :
« Oh !
je voudrais que mes paroles fussent écrites, qu'elles fussent
écrites dans un livre ;
Je voudrais
qu'avec un burin de fer et avec du plomb elles fussent pour toujours
gravées dans le roc... »
Si
Job n'était pas Hébreu, il n'en est pas moins vrai que
l’idée de la gravure remonte à la plus haute
antiquité.
Notre
adversaire nous a fait croire un instant qu'il allait aborder
sérieusement la question, car il écrit (p. 85) :
« Que
dire des arguments empruntés à ces caractères
qu'aucun savant ne peut déchiffrer, ou à ces ruines
découvertes en Amérique et qui attesteraient
nécessairement l'ancienne splendeur des Néphites, des
Lamanites et du peuple de Jared ? »
Nous
n'espérons pas réconcilier M. de Gasparin avec
l'égyptien réformé et l'usage de graver des
plaques ; nous savons que nos preuves le toucheraient peu. S'il
était vraiment scandalisé, nous aurions plus de
confiance dans nos démonstrations ; mais le scandale
simulé est difficile à apaiser.
Notre
adversaire reproche au Livre de Mormon d'avoir supposé des
synagogues chez les
Juifs au commencement du règne de Sédécias,
d'avoir parlé d'alpha et d'oméga à des gens
qui ne savaient pas le grec, d'avoir dit : le sud-sud-est,
d'avoir parlé de l'acier, etc., etc.
Et pour mieux prouver l'anachronisme qui consiste à rapporter
à une haute antiquité des choses d'invention moderne,
là où le Livre de Mormon, parlant des poissons, dit
qu'ils furent
transportés dans des vases, M. de Gasparin dit dans des
bocaux. Les vases sont de toute antiquité, mais les bocaux
sont en effet plus modernes. C'est peu loyal de la part de notre
adversaire. Toutefois, nous allons expliquer tous ces anachronismes à
la fois.
Joseph
Smith n'était pas un savant, surtout à l'époque
où il traduisit le Livre de Mormon. D'un autre côté,
en comparant l'étendue de ce livre avec le nombre et la
dimension des plaques, dont une partie seulement a été
traduite, et dont le fac-simile a été publié
dans le Millennial
Star,
on demeure convaincu que ces plaques ne donnaient pas une histoire
littéralement écrite, mot pour mot, mais des
hiéroglyphes, dont un seul représentait une idée,
quelquefois multiple. L'inspiration divine a donc révélé
au traducteur, non pas des mots correspondant à d'autres mots,
mais des idées qu'il a dû exprimer par les mots qui lui
ont paru les plus propres. Il traduisait pour des Anglais connaissant
la Bible ; il a dû prendre les mots anglais et les termes
bibliques. Ceci explique synagogue
pour assemblée ou lieu de réunion
[31],
alpha et oméga pour tout autre signe correspondant dans un
alphabet qui n'est pas connu, sud-sud-est pour une orientation
analogue exprimée en termes inconnus, l'acier pour tout autre
métal préparé de manière à obtenir
une dureté égale, Christ pour le Rédempteur,
etc. En effet, on a découvert dans des ruines de l'Ohio et du
Mexique des instruments
tranchants qui attestent que les anciens habitants de l'Amérique
possédaient un procédé par lequel ils obtenaient
des lames d'une dureté surprenante
[32].
M. de Gasparin paraît ou ignorer qu'il s'agit d'hiéroglyphes,
ou n'en tenir aucun compte. Pour nous, ces mots modernes, substitués
aux mots anciens qui seraient aujourd'hui inintelligibles, ne
prouvent absolument rien.
Une
autre preuve d'imposture, suivant cet écrivain, consiste en ce
que le Livre de Mormon, quoique donné comme étant écrit
par une succession de prophètes anciens, présente une
uniformité de style qui porte à le regarder comme
l'oeuvre d'un seul homme ; et ce seul homme, bien entendu, c'est
Joseph Smith.
Cette
objection n'en est pas une. D'abord il faut savoir que les prophètes
qui avaient écrit avant Mormon ayant été abrégés
par celui-ci, l'uniformité de style n'a déjà
plus rien de surprenant. Outre cette explication, et en supposant que
Joseph eût traduit les manuscrits originaux de ces prophètes,
les différences s'effaceraient encore ; car, deux
ouvrages d'auteurs différents, littéralement écrits,
s'ils sont traduits par le même homme, perdent déjà
beaucoup de leur cachet original ; ils s'identifient en quelque
sorte, quant au style, sous la plume du traducteur. Mais c'est bien
autre chose quant il s'agit d'hiéroglyphes traduits. Là,
à proprement parler, il n'y a pas de style possible ; il
n'y a que celui de l'interprète.
Du
reste, notre ennemi oublie ici le roman de Spaulding. Qu'il se mette
d'accord avec MM. Guers et Favez, qui ont meilleure vue que lui,
puisqu'ils prétendent reconnaître la partie écrite
par Spaulding d'avec les interpolations de J. Smith. L'imposture est
démontrée par l'identité, suivant M. de
Gasparin, et par le défaut d'identité, suivant MM.
Guers et Favez. Messieurs, accordez-vous ensemble, s'il vous plaît.
Il
en est de même de la conformité du style du Livre de
Mormon avec celui de la Bible. Ces deux livres se ressemblent :
coupable et sacrilège imitation, dit M. de Gasparin. Dans le
cas contraire, il ne manquerait pas de s'écrier : Voyez
quelle différence entre le livre inspiré
et l'imposture ! On sent la valeur de pareils arguments.
À
l'égard des miracles, notre adversaire ne croit qu'à
ceux de la Bible ; ceux du Livre de Mormon sont donc des
impostures. Pourquoi M. de Gasparin y croirait-il ? Et comme les
petites anecdotes sont des ornements agréables à ses
lecteurs, il ajoute :
« Quant
aux miracles publiés et qui ont des incrédules pour
témoins, ils réussissent moins bien, si nous en croyons
le récit de certaine tentative de J. Smith, qui devait
traverser une rivière à pied sec, et qui s'arrêta
prudemment au bord de l'eau. »
Nous
savions que les incrédules ne croient pas, même quand M.
de Gasparin n'eût pas pris la peine de nous l'apprendre. Les
miracles du Christ n'ont pas converti les incrédules de son
époque ; pourquoi serions-nous plus heureux ? Mais
s'il ne croit pas aux miracles opérés par les mormons,
du moins il se montre d'une foi robuste à l'égard du
prétendu miracle avorté qu'il emprunte à la Revue britannique.
Tout ce qui est écrit contre nous, M. de Gasparin l'adopte
sans examen. Peu importe l'origine : journaux, ministres
méthodistes, mormons retranchés de l'Église pour
immoralité, romans, etc., etc., tout est accueilli par lui
avec un zèle peu impartial, peu judicieux, mais digne de la
pieuse croisade dirigée contre les saints des derniers jours.
Autre
argument de M. de Gasparin, aussi fort que tous ceux que l'on a déjà
lus :
« Le
Livre de Mormon attestant la vérité de l'Ancien
Testament et des annales des douze apôtres (le Nouveau
Testament) ! L'audace hypocrite d'un impie a-t-elle jamais été
plus loin ? »
Voilà
le fond de la pensée de notre adversaire. Le Livre de Mormon,
au lieu d'être en contradiction avec les Écritures
admises par les prétendus chrétiens, est en parfaite
harmonie avec elles et les confirme ; c'est ce qui le désespère.
S'il y avait discordance entre les deux livres, il conclurait à
l'imposture ; mais il y a un tel accord, que l'on est porté
à les attribuer tous deux à l'inspiration divine ;
il conclut à l'hypocrisie. Que faire avec de tels
adversaires ?
Nous
laissons M. de Gasparin dans la croyance que « les
prophéties adressées à une époque et à
une nation sont destinées à toutes les époques
et à toutes les nations. » Cette opinion est
nécessairement celle des chrétiens qui croient que Dieu
abandonne la direction de l'humanité, qu'il n'a plus ni anges
ni prophètes. Pour nous, nous sommes témoins du
contraire, et nous croyons à l'action permanente de
l'Esprit-Saint. L'intervention du Seigneur dans la conduite de son
peuple est trop évidente pour que nous puissions en douter un
seul instant.
Voici
qui est plus curieux. M. de Gasparin, après avoir, en six
longs articles, ressuscité toutes les calomnies des
méthodistes américains, sans jamais citer un mot de MM.
Stansbury, Gunnison, ni des journaux écrits en dehors de
l'influence sectaire, ose s'écrier (p. 86) :
« On
voit avec quel scrupule nous nous sommes attaché à ne
recourir qu'aux documents mormons pour peindre et juger les mormons.
Ils affectent, en général, de crier à la
calomnie ; ils prétendent qu'on ajoute foi aux assertions
de leurs ennemis. Eh bien, voici une étude attentive et
consciencieuse qui n'est basée que sur leur propre Bible et
leurs propres journaux. »
Quelle
est la vertu qui manque à un homme ? C'est celle dont il
se vante le plus. M. de Gasparin
se dit scrupuleux.
Voilà
pour les doctrines ; voici maintenant pour l'appréciation
des hommes.
« Nous
avons dû en croire les mormons quand il s'agissait de leurs
doctrines. Nous ne sommes pas tenus de les en croire, quand il s'agit
de leurs vertus. C'est un point qui appelle nécessairement
l'intervention d'une opinion extérieure, et cette opinion,
sans être infaillible, mérite cependant d'être
consultée avec soin. »
Et
savez-vous quelle est cette opinion extérieure qui mérite
d'être consultée avec soin ? C'est celle de
l'infâme John G. Bennett dont nous avons parlé. C'est la
lettre des trois juges fugitifs d'Utah. Voilà ses témoins !
Voilà l'étude consciencieuse ! Voilà le
scrupule avec lequel M. de Gasparin s'est attaché à ne
recourir qu'aux documents mormons pour peindre et juger les mormons !
La fin couronne l'œuvre !
NOTES
[20]
Voir l'Étoile
du Déseret,
page 49.
[21]
Les enfants d'Israël, qui s'étaient trouvés en
Égypte pendant sept ou huit générations, avaient
pratiqué l'usage des embaumements (voir Genèse 50:2, 3,
26).
[22]
Il y a des savants qui, forcés par l'évidence de
reconnaître l'émigration des Israélites dans
l'Amérique ancienne, ne veulent pas croire, d'après le
Livre de Mormon, que cette contrée fut habitée par des
descendants de Joseph. Ceux-là sont obligés d'expliquer
la présence des enfants d'Israël sur ce continent par la
disparition des dix tribus perdues.
[23]
Cet ouvrage a été imprimé en 1838.
[24]
Avertissement des éditeurs de cet ouvrage.
[25]
On peut juger de la valeur des assertions renfermées dans
l'ouvrage du capitaine Marryat par les lignes qui suivent : « M.
Combe, d'Edimbourg, dans l'introduction à des notes sur les
États-Unis de l'Amérique du Nord, page xi, assure que
miss Martineau et le capitaine Marryat ont été abusés
par les Américains pendant qu'ils recueillaient des matériaux
pour leurs ouvrages. La personne qui a égaré le
capitaine s'en vante à ses amis et leur assure qu'elle lui a
rempli (crammed)
la tête des histoires les plus ridicules (Joe Millers), que le
capitaine a prises au sérieux et introduites dans ses ouvrages
comme types des mœurs américaines. » (Logic
of facts, p. 36. Holyoake, London)
[26]
Bien que le docteur Hulbert soit le premier qui ait voulu, dans un
pamphlet, faire croire à la similitude du Livre de Mormon et
du roman de Spaulding, l'idée première de cette
confusion ne lui appartient pas, mais à un fermier nommé
Henri Lake, vieillard incrédule, nommé par M. Favez
lui-même (p. 19). Hulbert, alors membre de l'Église, a
mainte fois combattu cette supposition, et il n'a feint d'y croire
lui-même qu'après avoir été retranché
pour cause d'adultère. Le docteur était tellement
décrié dans le pays, que son pamphlet (le
mormonisme dévoilé)
n'a pas été publié sous son nom ; nos
ennemis lui ont offert une somme pour son travail, et la brochure
parut sous le nom de l'imprimeur E. D. Howe. M. Favez avait sans
doute besoin de ces petits éclaircissements.
[27]
Septième fils d'une nombreuse famille, ses parents
l'appelaient par plaisanterie le
Docteur.
Ce surnom est donc un sobriquet, et non pas le titre d'une profession
qu'il n'a jamais
apprise. Du reste, la vengeance dont parle M. Pichot s'explique par
cette circonstance que Philastus Hulbert, ayant menacé la vie
de Joseph, fut mené devant le tribunal
de la ville de Painsville (Ohio), le 9 avril 1834, condamné à
fournir une caution pour la somme de 200 dollars comme garantie
pécuniaire de sa conduite future envers le prophète
pendant six mois, et aux frais de l'instance qui s'élevaient à
300 dollars environ.
[28]
À ceux qui s'étonneraient de cette uniformité
dans un livre écrit par plusieurs auteurs et à de longs
intervalles, nous rappellerons que les anciens prophètes
américains ont été abrégés par
Mormon, qui dès lors leur a imprimé son propre style.
Nous entrerons dans de plus amples explications à cet égard
en répondant à M. le comte de Gasparin (voir Livre de
Mormon, p. 466 ; Mormon 2:17, 18, ndlr).
[29]
Sidney Rigdon, au moment où cette lettre fut publiée, y
a répondu et a démontré qu'il n'avait jamais eu
rien de commun avec l'imprimerie Patterson ni avec le roman de Spaulding,
dont il n'apprit l'existence que par les publications de l'apostat
Hulbert. Parley P.
Pratt, qui avait présenté le Livre de Mormon à
Sidney Rigdon six mois après sa publication,
a confirmé les assertions de S. Rigdon. Du reste, l'imprimeur
Patterson a nié toute cette histoire du manuscrit de
Spaulding, qu'il dit n'avoir jamais vu.
[30]
Ceux
qui croient à la Bible, et qui savent que le Seigneur
dirigeait les enfants d'Israël au moyen d'une colonne de fumée
pendant le jour, laquelle devenait une colonne de feu pendant la
nuit, ne doivent pas s'étonner si Dieu, qui avait ordonné
à ce peuple de sortir de Jérusalem, a pourvu à
sa direction dans le désert au moyen d'un instrument qui
fonctionnait suivant la foi et la fidélité de ceux qui
le consultaient.
[31]
Dans une révélation du mois d'août 1831, il est
prédit que les saints seront chassés de ville en ville,
« de synagogue en synagogue. » Et pourtant il
n'est pas de synagogue proprement dite. Il est donc évident
que ce mot est employé comme synonyme d'église, de
temple, de réunion religieuse.
[32] Lecture
delivred ad the Exhibition-room of lhe Fine Arts, Academy, Bristol,
by professor Wasterman, of Boston, U. S. (Millenial
Star,
vol. 12, p. 44)
Source : Thomas
B.-H. Stenhouse, Les
mormons et leurs ennemis, 1854