Ismaël, notre frère

 

 

James B. Mayfield

 

1979


 


Introduction

Les promesses faites à Abraham

La langue arabe

Mahomet, le prophète arabe

L'islam

La civilisation arabe

Contributions à la médecine

Contributions aux mathématiques

Comprendre l'islam




Introduction


      C’est dans la fraîcheur de la nuit et aux premières lueurs de l'aube que l'appel à la prière du muezzin, flottant mélodieusement dans l'air, parvenait jusque dans mon appartement du Caire, en Égypte, et excitait mon imagination chaque matin au réveil. Cet appel, cette splendide récitation, provenait d'une mosquée toute proche ; elle était artistiquement belle et riche de spiritualité plus particulièrement, évidemment, pour les musulmans eux-mêmes. Cet appel s'entend à travers tout le monde musulman aux mêmes heures de la journée et dans la même langue magnifique qu'est l'arabe ; de l'Indonésie à la Chine occidentale, en passant par l'Inde du nord, le Pakistan, l'Asie Mineure, l'Iran, la Turquie et toutes les contrées arabes qui s'étendent du Golfe Persique, et de l'Iraq à travers le Proche Orient et tout le long des côtes sud de la Méditerranée jusqu'à l'Atlantique.

 

      Les Arabes sont bien conscients d'appartenir à une communauté vivace qui s'étend sur toute la surface du globe, et qui se situe fermement tant en espace qu'en temps. Non seulement leur religion, les place géographiquement de Singapour jusqu'au Maroc, mais elle les situe également historiquement à Abraham par son fils Ismaël. C'est donc l'histoire d'une foi religieuse et d'une société structurée dont ils peuvent s'enorgueillir.

 

      La majorité des membres de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours savent qu'il a toujours existé de l'animosité entre les Arabes et les Juifs. Cependant, peu de membres de l'Église connaissent personnellement un Arabe. Qui sont-ils ? Quels sont les liens que nous pouvons nouer avec le peuple arabe ? La culture arabe et la religion musulmane méritent d'être connues et appréciées en tant que l'une des plus grandes civilisations de notre monde. Car les fils d'Ismaël sont aussi nos frères.

 

Les promesses faites à Abraham

 

       Nous, chrétiens, avons tendance à penser que les descendants d'Abraham sont Isaac, Jacob et les Israélites. Nous sommes nombreux à oublier que c'est par le premier-né d'Abraham, Ismaël, qui signifie « Dieu entend », qu'une grande nation s'est développée et a influencé le cours de l'histoire.

 

       Les Écritures disent qu'au moins une des promesses faites à Abraham s'applique autant à Ismaël qu'à Isaac. Bien longtemps avant qu'Ismaël et Isaac ne naquissent, le Seigneur promit à Abraham : « Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand... Toutes les familles de la terre seront bénies en toi » (Genèse 12:2, 3). Alors que nous acceptons ce verset quand il s'applique à la maison d'Israël, il est également vrai, généralement parlant, qu'aussi bien les descendants d'Ismaël que ceux d'Isaac ont été « grands » autant quantitativement que qualitativement, ce qui est une bénédiction pour l'humanité. Le Seigneur avait fait une deuxième promesse à Abraham : « Contemple donc le ciel, et compte les étoiles, si tu peux les compter... Telle sera ta descendance » (Genèse 15:5). Plus tard, quand Agar conçut Ismaël, un ange du Seigneur lui rappela cette promesse : « Je multiplierai beaucoup ta descendance et on ne pourra la compter tant elle sera nombreuse  » (Genèse 16:10).

 

      Il est intéressant de constater que les enfants d'Isaac aussi bien que ceux d'Ismaël ont voulu appliquer l'Écriture donnée à Abraham :

 

      « Voici comment vous garderez l'alliance que je traite avec vous et avec ta descendance après toi : tout mâle parmi vous sera circoncis » (Genèse 17:10, 25). Depuis ce temps-là, la circoncision fait partie des coutumes des Juifs (Israélites) et des Arabes (Ismaélites).

 

      Dieu a ensuite promis à Abraham : « Je te donnerai, et à tes descendants après toi, ...tout le pays de Canaan » (Genèse 17:8). À nouveau, cette promesse s'est accomplie à la fois pour Isaac et pour Ismaël, puisque Juifs et Arabes ont habité là-bas. En fait les Écritures prophétisent exactement qu'« il (Ismaël) demeurera face à tous ses frères » (Genèse 16:12). Le Seigneur décrit les descendants d'Ismaël, les Arabes, en ces termes : « À l'égard d'Ismaël, je t'ai entendu ; je le bénirai, je le rendrai fécond et je le multiplierai à l'extrême ; il engendrera douze princes, et je ferai de lui une grande nation » (Genèse 17:20).

 

      Selon le Coran, Abraham aurait amené Ismaël et sa mère en Arabie et les aurait installés près de ce qui allait devenir cette grande métropole qu'est la Mecque. Par la suite, les descendants des douze fils d'Ismaël ont commencé à remplir la péninsule arabe. Le récit de la Bible, bien qu'il diffère dans des point spécifiques dit cependant qu'Agar et Ismaël ont reçu des directives pour leur voyage. La Genèse raconte qu'un ange du Seigneur est venu les réconforter et les préserver et que « Dieu fut avec l'enfant (Ismaël » (voir Genèse 21:14-20).

 

      Nous connaissons tous l'histoire des douze fils de Jacob qui sont devenus les douze tribus d'Israël ; par contre, nous ne connaissons pas aussi bien l'histoire des douze fils d'Ismaël, une grande et noble tradition qui a créé l'une des très grandes cultures du monde, la culture islamique.

 

      La religion musulmane remplit la vie d'un musulman du lever au coucher du soleil, depuis sa chambre jusqu'à son magasin situé sur une place de marché gorgée de monde, avec une perfection que nous, chrétiens, avons parfois du mal à saisir. Beaucoup d'occidentaux ont sécularisé leur vie de telle façon qu'ils ont oublié ce que signifie vivre une vie entièrement dirigée par la religion.

 

      Les membres de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ont atteint un nouveau seuil d'expansion de l'Évangile dans le monde. Puisque l'Afrique et l'Asie font maintenant partie de notre vaste programme missionnaire, nous avons besoin de nous sensibiliser à l'histoire, la culture et la religion de ces contrées. Nous ne pouvons envisager de nouer des liens amicaux avec une personne ou une communauté si nous méprisons ce qu'elles chérissent ardemment.

 

      Je crois fermement que nous devrions apprécier les sentiments qu'éprouvent les Arabes vis-à-vis de leur langue, de leur prophète Mahomet, des devoirs religieux d'un musulman et de la remarquable civilisation qu'a produit l'islam.

 

La langue arabe

 

      Les Arabes croient que Dieu parle l'arabe et, partant, que cette langue est la plus belle, la plus riche et la plus logique de toutes les langues. J'ai regardé des foules de milliers de personnes assises pendant trois ou quatre heures, envoûtées par la lecture d'un poète local qui récitait des vers et des Écritures jusque tard dans la nuit. Un érudit arabe décrit le raffinement verbal qui découle de l'amour que les Arabes portent à leur langue : « Tous ceux qui ont l'occasion de se familiariser avec les façons de parler des arabes, même de la majorité illettrée dans les villages ou les tribus nomades, ont été frappés par la façon dont ils maîtrisent leur langue en utilisant un riche vocabulaire et une grande quantité de phrases bien tournées et souvent très compliquées. » (Raphael Patai, The Arab Mind, New York, Scribner, 1973, p. 50)

 

      C'est dans le Coran que cette langue atteint sa plus parfaite expression. Les Arabes, qui l'appellent respectueusement la parole directe de Dieu, trouvent dans le Coran l'exemple suprême de perfection linguistique et oratoire. Et une personne qui n'est pas arabe, bien que frappée par la grande harmonie qui existe avec ses propres Écritures et la beauté de nombreux passages, aura des difficultés à le lire.

 

      Cela est dû au fait que les occidentaux lisent un texte en y recherchant un sens qui est totalement explicite et rapidement compréhensible. Les orientaux, en général, aiment le symbolisme verbal qu'il faut méditer et savourer. Une phrase révélée est pour eux un déploiement de symboles qui leur offre de plus en plus de compréhension spirituelle à chaque lecture. Les mots sont les points de référence d'une doctrine inépuisable ; le sens implicite se trouve partout, et les obscurités du sens littéral sont de nombreux voiles qui masquent la majesté du contenu.

 

Mahomet, le prophète arabe

 

      Mahomet est né à la Mecque vers 570 après Jésus-Christ. Très tôt orphelin, il a été surtout élevé par un oncle, Abu Talib, qui le traitait gentiment, mais qui apparemment n'a pas pu lui fournir les moyens de s'éduquer. Mahomet était un jeune homme honorable et capable ; on dit qu'il avait dans la ville le surnom de « Digne de confiance ». Une riche veuve, Khadija, un peu plus âgée que lui, lui confia la gestion de ses affaires et ensuite l'épousa. Leur mariage était une union idyllique. D'abord au service de son oncle, puis ensuite à celui de Khadija, Mahomet conduisait des caravanes en Syrie et au Yémen et avait accumulé un savoir considérable des croyances et des coutumes religieuses des juifs et des chrétiens. À l'âge de quarante ans, Mahomet, qui avait passé beaucoup de temps à prier et à méditer dans des endroits solitaires, prétendit avoir eu une vision dans laquelle, comme il l'a expliqué plus tard, l'ange Gabriel lui est apparu et lui a annoncé son appel de prophète.

 

      Les musulmans disent que, tout comme Jérémie, Mahomet a tout d'abord douté de sa capacité de se faire entendre comme prophète. Il s'est confié à Khadija qui l'a réconforté et lui a rappelé qu'il avait toujours mené une vie vertueuse, dit la vérité, rendu le bien pour le mal, et fait du bien à tous ; elle l'a assuré que cette vision signifiait qu'il était le prophète divinement choisi de leur peuple.

 

      Pendant le reste de sa vie, Mahomet est fréquemment entré en transes, prononçant des paroles qui, acceptées comme révélations et écrites par des scribes, constituent maintenant le Coran, les saintes Écritures de l'Islam. Le livre saint des musulmans représente donc pour eux l'apogée d'une longue suite de volumes de révélations données à une succession de prophètes, depuis Adam jusqu'à Mahomet.

 

      Le lieu le plus sacré de la sainte ville de la Mecque est la Kaaba, ou les musulmans croient qu'Abraham et Ismaël adoraient Dieu. Au temps de Mahomet, la Kaaba contenait un autel au seul vrai Dieu d'Abraham, mais des images et des pratiques païennes avaient également été ajoutées. Pendant cette période préislamique, les gens de toute l'Arabie venaient en pèlerinage pour les adorer, se livrant à des orgies sexuelles et alcooliques qui se terminaient parfois par des sacrifices humains. Ces coutumes païennes permettaient l'infanticide ; les jeux de hasard étaient répandus ; les effusions de sang et les vengeances privées constituaient l'éthique de la justice tribale ; il n'existait aucune unité nationale, et les tribus se livraient fréquemment bataille. Mahomet vit que son peuple avait rejeté les valeurs morales élevées d'Abraham. Le judaïsme et le christianisme, que Mahomet considérait comme des formes corrompues et apostates des enseignements d'Abraham, ne faisaient ni beaucoup de convertis, ni ne progressaient pour réformer ou éduquer les habitants.

 

      Mahomet essaya de convertir le peuple et de l'amener de ses coutumes idolâtres et de ses faibles valeurs morales Dieu (Allah) et vers un niveau plus élevé de morale personnelle et sociale ordonnée par Dieu. Allah, le mot arabe pour Dieu, est décrit dans le chapitre six du Coran comme le même Dieu qui est apparu aux prophètes de l'Ancien et du Nouveau Testament : « Et nous lui avons donné Isaac et Jacob. Nous les avons guidés ; Noé nous l'avons guidé auparavant, et parmi ses descendants, David et Salomon et Joseph et Moïse et Aaron... Et Zacharie et Jean et Jésus et Élie... C'est à eux que nous avons donné le Livre et l'autorité de la prophétie. » (The Holy Quran, trans. Maulana Muhammad Ali, Lahora Pakistan, Ahmadiyyah Anjuman Ishaat Islam, 1951, pp. 85-90.)

 

      Mahomet s'est efforcé d'enseigner la charité comme base de toute relation sociale : « Toute bonne action est de la charité. Un sourire à votre frère est charité ; une exhortation à faire des actes vertueux adressée à vos semblables équivaut à donner une aumône. Remettre un vagabond dans le droit chemin est charité ; donner de l'eau à celui qui a soif est charité. » « La richesse d'un homme dans l'au-delà, c'est le bien qu'il fait dans ce monde à ses semblables. Quand il meurt, les gens demandent : Quels biens a-t-il laissés derrière lui ? Mais les anges qui l'examinent dans sa tombe, demanderont : Quelles bonnes actions as-tu envoyées te précéder ?  »

 

      Comme l'apôtre Paul, Mahomet a reconnu l'existence de l'esclavage, mais contrairement à Paul, il a été capable de le diminuer. Il défendait que l'on séparât les mères, les enfants et les frères captifs. Il recommandait la libération des esclaves comme un geste de pitié que Dieu récompense. Mahomet a aboli également l'infanticide, intégré dans la religion la gentillesse envers les animaux, insisté pour qu'il y ait des poids et des mesures honnêtes, il a interdit la prise d'intérêts et, par d'autres mesures, il a allégé la vie des débiteurs. Il a interdit les jeux de hasard et les liqueurs toxiques. S'il n'est pas arrivé à libérer le monde islamique de son goût du jeu et de l'alcool, au moins il a rendu ces vices plus rares qu'auparavant dans la communauté arabe.

 

      Puisque grand nombre de ses disciples masculins ont perdu leur vie pour défendre leur foi, et qu'un excédent de femmes s'en est suivi, il n'est pas surprenant que Mahomet n'ait pas aboli la polygamie ou le concubinage. D'un autre côté, il condamnait et punissait sévèrement l'adultère et la fornication. Un homme devait se limiter à quatre épouses. Il ne devait pas montrer de favoritisme pour l'une de ses femmes, que ce soit affectivement ou matériellement parlant, pas plus qu'il ne pouvait en épouser plus qu'il n'avait les moyens d'entretenir décemment. Il ne pouvait divorcer sans motifs sérieux. Les femmes pouvaient obtenir une séparation légale de leur mari si elles avaient des motifs graves.

 

      Ainsi donc, Mahomet, en l'espace de vingt ans, a relevé le niveau de vie de toute une nation, à tout point de vue. Non seulement il a persuadé toute l'Arabie de n'adorer qu'un seul dieu, mais il a mêlé la religion à la vie en l'appliquant à tous les aspects de la morale, de la loi et d'une organisation sociale. Mahomet a trouvé les Arabes divisés et superstitieux. Il les a laissés unis dans la foi, destinés à devenir les dirigeants du monde pendant longtemps, non seulement à cause de leur religion mais aussi en vertu de tous les aspects de leur culture. Il n'est pas étonnant que les musulmans pensent qu'il a été le dernier et le plus grand des prophètes, et que sa religion a une mission universelle.

 

L'islam

 

      Dans l'islam, on adore Dieu de façon purement spirituelle, et le croyant s'adresse directement à lui quand il prie, sans utiliser d'images ou d'icônes. Un Iman dirige les croyants quand ils prient dans une mosquée, mais ce n'est pas un prêtre. N'importe quel laïque est qualifié à servir, et cette absence de clergé a garanti la simplicité liturgique.

 

      Chaque adorateur doit apprendre par coeur le chapitre d'introduction du Coran, le Fatihah, et le réciter souvent, un peu de la même façon que les chrétiens récitent le Notre Père :

 

Louange à Dieu, Souverain de l'Univers,

le Clément, le Miséricordieux,

Souverain au jour de la rétribution.

C'est toi que nous adorons,

C'est toi dont nous implorons le secours.

Dirige-nous dans le sentier droit,

Dans le sentier de ceux que tu as comblé de bienfaits,

De ceux qui n'ont point encouru ta colère,

Et qui ne s'égarent point. Amen.

(Le Coran, traduction de Kasimirski, Éditions Rombaldi, Paris 1973, p. 11)

 

      Le premier devoir d'un musulman, c'est de croire ; de croire en Dieu, de croire en son unité, ses révélations, ses prophètes, ses livres, ses anges et au dernier jour. La compréhension pure qu'il n'y a qu'un seul Dieu a libéré les musulmans de toutes leurs peurs et a encouragé leur fermeté d'esprit. La légalité et une conscience commune ont des inconvénients, mais elles ont été une source de dignité et de loyauté qui sont des vertus typiquement musulmanes. La foi en Dieu que prône l'islam a enseigné l'unité aux croyants ; les différences sociales, même si elles existent à un niveau économique, sont rejetées par la religion. L'hospitalité est une qualité propre aux Arabes. Une attitude responsable (de la famille, de la communauté, de Dieu) est la conséquence de l'acceptation de Dieu. Nous, saints des derniers jours, reconnaissons et apprécions ces qualités.

 

      L'Arabe croyant pense que Mahomet est entré dans un monde qui avait perdu la foi et, partant, le secret de la paix intérieure et de l'ordre extérieur. Dans ce monde, attendant que la voix de Dieu le libère, Mahomet avait l'éloquence, la conviction et l'intensité d'un prédicateur inspiré, le courage, l'attitude chevaleresque et le succès d'un soldat admirable. Grand par son caractère et ses talents, il a dominé la culture de son époque. Les musulmans pensent qu'il a fait prendre à l'histoire un tournant essentiel.

 

      Cependant, Mahomet était-il un prophète ? At-il reçu des révélations de Dieu ? Certains le traitent de menteur, d'autres le considèrent comme un apologiste et un imitateur de la théologie juive et chrétienne. Les érudits ont longuement débattu pour savoir à quoi ressemblaient les communautés juives et chrétiennes du monde arabe au septième siècle et quels étaient les contacts que Mahomet avait avec elles. Si nous examinons le contenu du Coran, nous pouvons en conclure que Mahomet n'avait pas de contact personnel avec le texte de la Bible, les comptes rendus qui apparaissent dans le Coran étant considérablement différents puisqu'ils ont été transmis oralement. Dans le Coran il n'y a presque rien que nous pouvons taxer de citation directe provenant de l'un des deux Testaments.

 

      Les saints des derniers jours, familiarisés avec les relations de Joseph Smith avec le Livre de Mormon, sont à même d'apprécier la croyance générale de l'islam que le Coran a été donné par révélation, et non pas écrit par Mahomet, croyance qui est renforcée par la tradition que Mahomet était en fait illettré.

 

      Le Coran met l'accent sur le jour du jugement quand tous les hommes comparaîtront devant Dieu (Allah) et ses anges. Le croyant fidèle recevra une récompense éternelle dans un paradis de rivières, de sources, de nourriture abondante, de vin non fermenté et d'autres délices propres à séduire les habitants du désert, alors que les méchants seront brûlés sans être consumés. Donc, un musulman envisage la vie après la mort à peu près comme le chrétien qui a une conception traditionnelle du paradis et de l'enfer. Dans la gloire paradisiaque dont héritent ceux qui ont obéi à la loi de Dieu, toutes les luttes prennent fin, toutes les passions basses telles que l'avarice, l'envie, la rivalité, la vanité et la vengeance sont bannies, et tous les désirs de l'âme s'accomplissent.

 

      J'ai remarqué que les préjugés qu'ont les Occidentaux vis-à-vis de l'Islam viennent souvent d'une mauvaise compréhension ou de mauvaises traductions des écrits sacrés. Islam signifie « soumission à Allah » et cela implique que l'on se soumette à la volonté de Dieu telle qu'elle est révélée afin d'obtenir une paix parfaite. Ce n'est pas un état passif, cela demande une recherche active de la justice et inclut le rejet total de l'idolâtrie (l'adoration d'autres dieux qu'Allah), la propagation active de la foi quand c'est possible, l'obéissance aux injonctions du Coran qui ont trait à la conduite morale et se conformer aux « cinq piliers du Coran »  :

 

      1. Répéter et accepter pleinement le court credo musulman qui est inclus dans l'appel à la prière : « Il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah, et Mahomet est son prophète. »

 

      2. Prier cinq fois par jour après avoir fait ses ablutions. Le véritable musulman s'agenouille et prie toutes les fois que le muezzin l'appelle, qu'il soit chez lui, au travail ou dans la rue. Le vendredi (le sabbat musulman), il devrait être à midi à la mosquée si possible.

 

      3. Offrandes. Un quarantième des possessions d'un musulman fidèle est destiné chaque année à la charité publique et au soutien de la religion.

 

      4. Jeûne quotidien (aucune nourriture, aucun liquide) du lever au coucher du soleil pendant le mois de Ramadan pour commémorer la fuite de Mahomet vers la Mecque à Médine en 622 après Jésus-Christ. Cette règle ne s'applique pas à un malade ou à un voyageur. Des mets simples doivent être pris le soir et avant le lever du soleil.

 

      5. Au moins un pèlerinage à la Mecque. Le pèlerinage rassemble des représentants de toutes les régions du monde islamique, ce qui permet la promotion d'échanges et d'expériences qui, sans aucun doute, ont contribué à la solidarité culturelle et spirituelle de l'islam à travers les siècles.

 

      De nombreux saints des derniers jours sont surpris d'apprendre que l'islam considère que Jésus a été le plus grand des prophètes de tous les temps avant Mahomet. Le Coran dit que Jésus a été miraculeusement conçu par la Vierge Marie, grâce à l'intervention de Dieu, mais que Jésus n'a pas été engendré par Dieu. Comme les Juifs ou certains chrétiens, les musulmans acceptent le Christ en tant que grand maître, inspiré de Dieu, mais lui retirent sa divinité.

 

      Les musulmans orthodoxes ne croient pas que Dieu ait laissé le Christ, un homme sans fautes, être crucifié ; ils croient donc qu'on lui a substitué quelqu'un d'autre et que Jésus est monté au Ciel sans goûter la mort. Le Coran suggère que les futurs disciples du Christ ont mal compris ou ont perverti ses enseignements, et par la suite l'ont déifié et ont mis au point des doctrines telles que l'incarnation, la Trinité et la Vierge Marie.

 

      Pour les saints des derniers jours, la question cruciale reste la suivante : Mahomet était-il un prophète de Dieu ? Ses enseignements et les révélations que l'on trouve dans le Coran peuvent-ils être pris au sérieux ? Celui qui lit le Coran avec patience et sensibilité reconnaîtra ses avantages littéraires, son engagement vis-à-vis des traditions des prophètes anciens, son insistance sur le point que l'homme est responsable de ses actes et qu'on lui demandera des comptes, et sur le fait qu'il doit rechercher à établir d'étroites relations avec Dieu. Cependant, le Coran est-il « la Parole de Dieu »  ? Pour certains, le Coran n'est rien d'autre que le produit de l'imagination prolifique de Mahomet, mélangé avec des bouts de vérité que lui avaient fait découvrir ses conversations avec les marchants juifs et chrétiens de son époque. D'autres disent qu'il a apporté aux Arabes une forme évoluée de vérité religieuse qui traduit le souci et l'amour que Dieu a pour eux, ce qu'il ne faut pas négliger ou rejeter.

 

      Dans Alma 29:8, un prophète américain des temps anciens a déclaré avec force le passage suivant : « Car voici, le Seigneur accorde à toutes les nations, des hommes de la même nation et de la même langue pour enseigner sa parole, oui, en sagesse, tout ce qu'il estime convenable qu'elles aient ; c'est pourquoi nous voyons que le Seigneur conseille en sagesse selon ce qui est juste et vrai ».

 

      Une explication directe et puissante de ce livre se trouve dans le « Message de la Première Présidence concernant l'amour de Dieu pour toute l'humanité », qui date du 15 février 1978. Nous en lisons un extrait : « Les grands guides du monde tels que Mahomet, Confucius et les Réformateurs, tout aussi bien que des philosophes tels que Socrate ou Platon et d'autres, ont reçu une partie de la lumière de Dieu. Dieu leur a donné des vérités morales pour éclairer des nations entières et amener des individus à un niveau de compréhension plus élevé. »

 

      De nombreuses personnes pourront rejeter les enseignements de Mahomet parce qu'il semble contredire les enseignements fondamentaux de l'Évangile. Cependant, il peut y avoir une grande différence entre ce qu'enseignait Mahomet au septième siècle et ce que la communauté islamique enseigne de nos jours, de même qu'il existe une grande différence entre les enseignements des apôtres et ce que les Églises chrétiennes prêchent de nos jours. Le message du Coran, que Dieu est le créateur et le juge de l'homme, qu'il a parlé à des prophètes (jusqu'au temps de Mahomet), qu'il nous demandera des comptes de ce que nous avons fait, et que nous devrions tous chercher à vivre en accord avec les lois de Dieu, indique clairement que ce livre a transmis des vérités morales qui devraient nous être familières.

 

      Remarquez bien que les musulmans reconnaissent les prophètes de l'Ancien et du Nouveau Testament. Dans le Coran il est dit : « Nous croyons en Allah, en ce qui nous est révélé et en ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, et Jacob, et les tribus, et en ce que Moïse et Jésus ont reçu, et en ce que les Prophètes ont reçu de leur Seigneur. Nous ne faisons de distinction entre aucun d'eux, et à lui nous nous soumettons. »

 

La civilisation arabe

 

      Les occidentaux qui vivent à une époque qui, jusqu'à récemment, a vu leur culture dominer le monde, feraient bien de se rappeler qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Il y a mille ans, l'Europe était politiquement faible et intellectuellement stérile. Du neuvième au treizième siècle, Bagdad, Le Caire et Cordoue en Espagne musulmane étaient les centres économique, intellectuel et culturel du monde. C'est la civilisation arabe qui a produit les sciences, les mathématiques et la poésie pour l'humanité, à cette époque-là, ce sont ses marchands qui ont organisé les lettres de crédit de l'Afrique à la Finlande et des îles Britanniques au Japon, et ses armées déterminaient les événements politiques.

 

      En ce temps-là, alors que l'Europe persécutait ses hommes de science, brûlant leurs travaux et supprimant leurs idées, les écrits de Mahomet pressaient les musulmans d'aller « rechercher la connaissance même en Chine ». Le résultat direct de cette admiration pour le savoir a été une recherche constante de la connaissance accumulée par les Grecs, les Perses, les Égyptiens et les Hindous. On retrouve constamment dans le Coran des références à la lecture, l'écriture, la plume, le livre, la connaissance. L'encre qu'utilisaient les hommes de science pour écrire était considérée comme l'équivalent du sang des « martyr » ; des écoles et des universités ont été établies de par tout le monde arabe.

 

Contributions à la médecine

 

      Il est impressionnant de constater les contributions des Arabes dans les domaines de la médecine et des mathématiques. L'âge « d'or » de la médecine arabe se situe lors de l'accession au pouvoir de la dynastie Abbasid en 750 après Jésus-Christ. Pendant cette époque, les souverains ou califes arabes ont invités à Bagdad tous les érudits de l'empire grandissant, y compris les médecins de Jundi-Shapor, centre médical réputé en Perse.

 

      Tous les ouvrages de médecine faisant autorité, qu'ils soient grecs, perses ou autres, ont été rapidement traduits en arabe. Pendant le règne du calife Al-Mamoun, 107 livres du seul médecin grec Galien ont été traduits en arabe, et le calife faisait rechercher des manuscrits grecs dans tout Byzance. Ce grand enthousiasme pour les oeuvres grecques à conduit certains historiens médicaux à conclure que les Arabes ont seulement contribué à préserver le savoir médical grec, mais en fait, les Arabes ont également apporté d'incroyables découvertes.

 

      Les médecins arabes possédaient des connaissances poussées (inconnues des Grecs) sur l'emplacement et la fonction du muscle optique et les mouvements de la pupille, sur la différence entre la petite vérole et la rougeole, l'utilisation des boyaux d'un animal pour faire une suture, sur les nerfs laryngés, la préparation d'un onguent au mercure, sur la mastectomie en cas de cancer, l'emploi d'instruments qui ressemblaient à des forceps en cas de naissance difficile, et ils ont décrits plus de deux cents instruments chirurgicaux.

 

      Toutes les universités du monde occidental, Salerne en Italie, Cordoue et Séville en Espagne, Paris et Montpellier en France, et bien d'autres, ont été grandement influencées par la science médicale arabe. La traduction en latin de leurs ouvrages jusqu'au dix-huitième siècle, cinq cents ans après la chute de l'empire islamique, a servi de base pour établir les textes médicaux de l'Europe.

 

 

Contributions aux mathématiques

 

      Nous devons également beaucoup à la civilisation arabe dans le domaine des mathématiques. Parce que le calife Al-Momoun a fait traduire par des érudits tous les grands ouvrages grecs en arabe, les écrits de Ptolémée, d'Euclide, d'Aristote et de bien d'autres ont par la suite été envoyés de Bagdad aux universités islamiques et ce, aussi loin qu'en Espagne. C'est par le biais de ces universités arabes en Espagne que le savoir scientifique a été transmis en Europe pendant le Moyen-Âge.

 

      En plus de traduire les traités alexandrins, grecs et hindous, les érudits arabes ont commencé rapidement à apporter leurs propres contributions : les chiffres arabes, le système décimal, le développement de l'algèbre, les relations entre l'algèbre et la géométrie ont permis de fonder la géométrie analytique, les découvertes en trigonométrie plane et sphérique ; précurseurs des tables de logarithme, ils ont apporté des solutions précises aux différentes équations quadratiques.

 

      Muhammad ibn Musa al-Kwarizmi a écrit le traité de mathématiques le plus important de l'époque, le Hisab al-Jabr wal-Muqabalah (Livre des calculs de restauration et de réduction) qui a donné son nom à la science de l'algèbre (al-jabra). Du douzième au seizième siècle, ce livre a été le principal texte de mathématiques des universités européennes.

 

      En astronomie, les Arabes ont perfectionné l'astrolabe grec et inventé un grand nombre d'instruments remarquablement précis qui leur ont permis d'étudier les étoiles et de mesurer les distances qui séparent les corps célestes. Conséquemment, ils ont établi le fait que la terre est une sphère flottante dans l'espace et ce, 400 ans avant Colomb. De plus, ils se sont livrés à une opération hautement complexe pour calculer la longueur d'un degré terrestre et ont utilisé le résultat pour déterminer avec précision la circonférence et le diamètre de la terre.

 

      Ils ont calculé la longueur d'une année stellaire, établi une carte déterminant les positions et les orbites des étoiles et des planètes, et étudié les taches à la surface du soleil ; ils savaient d'après des calculs mathématiques à quel point la planète Mercure croiserait le soleil, et que la terre était considérablement plus petite que le soleil. De plus, ils ont corrigé les erreurs du système astronomique de Ptolémée et mis au point un astrolabe de mer.

 

Comprendre l'islam

 

      En vérité, Ismaël est devenu une grande nation, dotée d'une grande civilisation pour laquelle tous les Occidentaux devraient être reconnaissants. Cependant, c'est dans le domaine de la religion que les Arabes ont apporté leur plus grande contribution. L'islam repose fondamentalement sur la foi en Dieu, un dieu qui agit et parle à l'homme par la voix de prophètes et qui leur transmet des exigences spécifiques. Sur le plan humain, il pose en postulat la valeur fondamentale de la nature humaine, une responsabilité morale à laquelle aucun individu ne peut échapper et dont il devra rendre compte au jour du jugement. Tous ces concepts sont compatibles avec la théologie des saints des derniers jours.

 

      Bien sûr, les musulmans admettront facilement que leurs pratiques religieuses se sont considérablement éloignées des idéaux élevés enseignés par Mahomet, de même que les saints des derniers peuvent confesser avoir trop souvent failli à appliquer de façon constante les principes de l'Évangile.

 

      Sous de nombreux aspects, l'islam est pour les musulmans ce que l'Évangile rétabli représente pour les saints des derniers jours. Les principes et les concepts religieux ne font pas seulement partie de la réalité, mais ils en sont l'essence même. Pour un musulman, c'est la religion qui détermine l'organisation d'une civilisation. Pour lui, les facteurs économiques, politiques, sociaux et autres dérivent tous de la religion. L'islam définit la vie d'un musulman et la façon dont il doit se conduire dans ce monde.

 

      Il y aura des contacts accrus entre les Arabes et les saints des derniers jours ; mais respect et compréhension mutuelle progresseront malheureusement très lentement jusqu'à ce que nous reconnaissions la beauté du fondement religieux sur lequel est bâti la civilisation arabe, que nous comprenions que les concepts de justice, de pureté, et de progrès humain font intégralement partie de l'islam autant que de l'Évangile rétabli, et que nous soyons conscients que la clé pour leur faire accepter et apprécier ce que nous avons à offrir, c'est d'apprécier les ressemblances qui nous unissent à eux et non les différences qui nous séparent. En vérité, les fils d'Ismaël sont également nos frères.  



Sources : Ensign, juin 1979 ; L’Étoile, septembre 1983, p. 44-59



Lire aussi :


Juifs et Arabes : Tous égaux devant Dieu (Howard W. Hunter, 1979)