Meliton
Gonzalez Trejo porte l'Évangile au Mexique
par
Matthew G. Geilman, le 30 octobre 2014
Espagnol
aux yeux bleus, originaire de Garganta la Olla [1], Meliton Gonzalez
Trejo était un homme de petite carrure, mais courageux et
déterminé [2]. Né en 1844, dans une famille
aisée, il eut l’opportunité d’intégrer
une école militaire. Il devint officier et poursuivit des
études supérieures à l’Université
de Bordeaux en France. Cependant son parcours le conduisit vers une
vie très différente de celle que sa famille ou lui-même
aurait pu envisager. Un jour, Trejo « entendit un collègue
officier faire une remarque sur un groupe de 'saints' installés
dans les montagnes Rocheuses guidés par un prophète de
Dieu ». Pour des raisons qu’il ne comprit peut-être
pas pleinement à l’époque, il se sentit «
rempli d’un désir pressant de voir ces personnes ».
[3]
Il
demanda une affectation militaire aux Philippines pour se rapprocher
de l’Amérique, mais une fois sur place, il « fut
tellement absorbé dans son travail qu'il en oublia
temporairement le but réel de son voyage » [4]. Son
désir de se rendre dans les montagnes Rocheuses se réveilla
lorsqu’il contracta une maladie grave. Alors qu’il
cherchait à savoir du Seigneur ce qu’il devait faire,
Trejo reçut une réponse à sa prière sous
la forme d’un rêve, « un rêve qui le remplit
de satisfaction et qu’il a toujours considéré
comme extrêmement sacré » [5]. Poussé par
cette expérience, il régla ses affaires aux Philippines
et partit pour un endroit et une culture inconnus. Il arriva à
San Francisco le 4 juillet 1874 et à Salt Lake City peu de
temps après. Bien que Trejo ne fit apparemment jamais part des
détails de son rêve à qui que ce soit d’autre
qu’au président Brigham Young [6], l’impact de son
rêve sur lui fut évident, et le moment spécifique
de son arrivée en Utah tout à fait remarquable.
Un
peu plus d’un mois avant l’arrivée de Trejo en
Utah, Brigham Young avait appelé deux hommes à faire
une mission au Mexique et à traduire des « extraits du
Livre de Mormon » [7]. Daniel W. Jones et Henry Brizzee
avaient tous deux des connaissances en espagnol [8], mais leurs
compétences linguistiques étaient limitées.
Jones écrit : « nous avons commencé à
étudier et à nous préparer pour la traduction.
J’avais le sentiment qu’on allait devoir énormément
étudier, même si je comprenais assez bien l’espagnol.
Élaborer une traduction pour la publication exigeait une
connaissance beaucoup plus poussée, qu’aucun de nous ne
possédait » [9]. L’arrivée de Trejo en Utah
fut une grande bénédiction. Il fût bientôt
baptisé et dit à Brigham Young que « son désir
le plus fervent était de traduire le Livre de Mormon en langue
espagnole » [10]. Son rôle dans la traduction se révéla
inestimable.
Cette
première traduction du Livre de Mormon en espagnol, appelée
Trozos Selectos del Libro de Mormon (Extraits choisis du Livre de
Mormon), se composait d’environ 100 pages seulement, mais fut
une étape importante dans la parution du Livre de Mormon en
espagnol. Deseret News Press imprima mille cinq cents exemplaires,
qui furent envoyés au Mexique par cheval quand les premiers
missionnaires partirent pour le Mexique [11] en septembre 1875. Cette
première mission au Mexique fut essentiellement une expédition
d’exploration plutôt qu’une mission de prosélytisme
traditionnelle. Les missionnaires envoyèrent des centaines
d’exemplaires du Trozos Selectos del Libro de Mormon à
travers le pays et pour la première fois, une portion du
message du Livre de Mormon fut mise à disposition du monde
hispanophone. Trejo ne fit pas partie de ce groupe d’exploration
initial, mais son impact sur la mission fut important. [12]
Au
cours des mois et des années qui suivirent, Trejo eut
l’occasion d'être lui-même missionnaire auprès
de la population hispanophone. En 1876, il fit partie d’un
deuxième groupe missionnaire envoyé au Mexique par
Brigham Young. En mai 1877, alors qu’ils se trouvaient à
Hermosillo, son collègue, Louis Garff, et lui baptisèrent
les cinq premiers membres de l’Église du « Vieux
Mexique » [13].
En
1879, en réponse aux lettres adressées depuis Mexico
par des personnes intéressées [14], les dirigeants de
l’Église décidèrent d’envoyer frère
Moses Thatcher du Collège des douze apôtres commencer
l’œuvre missionnaire au cœur du pays. Trejo et
James Z. Stewart (qui avait fait partie de la première mission
au Mexique en 1875) furent choisis pour l’accompagner. Trejo
passa environ un an à prêcher l’Évangile
dans la ville de Mexico et ses environs. Il continua aussi à
traduire la documentation de l’Église en espagnol, y
compris le livre de Parley P. Pratt Une voix d’avertissement
(Una voz de amonestación) [15] et plusieurs discours des
dirigeants de l’Église. Cette mission à Mexico
fut, à bien des égards, le début officiel de
l’Église au Mexique et Trejo en fut l’un des
principaux participants.
De
retour chez eux, Stewart et Trejo aidèrent à finir la
traduction du Livre de Mormon en espagnol, qui fut publié [16]
en 1886. Bien qu’ils semblent avoir sous-estimé
l’importance de ce projet dans leurs archives personnelles
[17], les répercussions de leur travail ont été
une bénédiction pour d’innombrables membres de
l’Église en Amérique latine. Leur traduction a
été modifiée et mise à jour au fil du
temps, mais leur travail fidèle et dévoué a été
fondamental pour apporter l’Évangile rétabli dans
le monde hispanophone.
Outre
ces premières missions et ces projets de traduction, Trejo
mena une vie de service et de dévotion à l’Évangile.
À la demande des dirigeants de l’Église, il
s’installa plus tard à Colonia Chuichupa, une des
colonies mormones du Mexique. Il y vécut avec sa famille
jusqu’à la révolution mexicaine. En 1912, sa
famille et des milliers d’autres saints furent forcés de
fuir aux États-Unis. Après avoir mis sa famille en
sécurité à St David, en Arizona, Trejo retourna
à Chuichupa pour rassembler quelques effets personnels, dont
son journal et les manuscrits de la traduction du Livre de Mormon en
espagnol.
Les
récits des événements qui se sont déroulés
quand Trejo est retourné à Chuichupa varient. D’après
le journal de son fils, Trejo aurait caché le célèbre
révolutionnaire mexicain Pancho Villa dans le grenier de sa
maison, une nuit alors qu’il se trouvait au Mexique. Le
lendemain, quand l’armée de Venustiano Carranza arriva
chez Trejo à la recherche de Villa, les soldats tuèrent
tout le bétail de Trejo, menacèrent de le pendre, et
brûlèrent sa maison. Trejo fut ensuite retenu contre sa
volonté au Mexique et forcé d’enseigner dans une
école pendant plusieurs mois sans pouvoir prendre contact avec
sa famille pour leur faire savoir qu’il était en vie.
Heureusement, il survécut et relata les faits, mais
malheureusement, la plupart de ses archives personnelles furent
perdues dans l’incendie. [18]
Quelques
années plus tard, en 1917, Trejo décéda et fut
enterré près de sa modeste maison à St David, en
Arizona. On dit de lui que lorsqu’il rendait son témoignage,
il se frappait la poitrine à deux mains en disant : «
C’est de cette façon que me sont venues les vérités
de l’Évangile » [19]. Trejo fit des sacrifices
pour accomplir une œuvre pour laquelle il avait été
qualifié et préparé de façon personnelle,
à un moment où on avait grandement besoin de lui.
Traducteur, missionnaire, et colon, il a joué un rôle
essentiel bien que largement méconnu dans les débuts de
l’Église au Mexique. Sa vie s’est trouvée
entrelacée avec un peuple et un pays qui, bien que très
éloignés de son pays d’origine, partageaient avec
lui une langue commune et un même amour pour l’Évangile.
NOTES
[1]
Garganta la Olla est une petite ville dans l’ouest de l’Espagne
dans la province de Cáceres.
[2]
Entretien avec la famille Trejo : Salt Lake City (Utah), 8 février
1973, 1 – 2, Church History Library, Salt Lake City.
[3]
K.E. Duke, « Meliton Gonzalez Trejo: Translator of the Book of
Mormon into Spanish, » Improvement Era, oct. 1956, p. 714. Cet
article est la ressource la plus complète des débuts de
l’histoire de Trejo. Malheureusement, les archives personnelles
de Trejo ont été détruites pendant la révolution
mexicaine (voir l’entretien avec la famille Trejo, p. 35). K.E.
Duke a épousé l’une des petites-filles de Trejo
et semble avoir eu accès à des renseignements sur Trejo
grâce à ce lien de parenté, ainsi que par
l’intermédiaire de plusieurs autres sources qui sont
mentionnées dans sa bibliographie mais qui ne sont pas
disponibles actuellement.
[4]
Duke, « Meliton Gonzalez Trejo », p. 714.
[5]
Duke, « Meliton Gonzalez Trejo », p. 714.
[6]
Entretien avec la famille Trejo, p. 16.
[7]
Daniel W. Jones, « Forty Years among the Indians: A True Yet
Thrilling Narrative of the Author’s Experience among the
Natives » 1890, p. 220.
[8]
Jones, « Forty Years among the Indians », p. 19; voir
aussi Andrew Jenson, « Church Chronology: A Record of Important
Events Pertaining to the History of the Church of Jesus Christ of
Latter-day Saints » 1899, 20 mars 1898.
[9]
Jones, « Forty Years among the Indians », p. 220.
[10]
Duke, « Meliton Gonzalez Trejo », p. 715.
[11]
Le groupe était composé de Daniel W. Jones, son fils
Wiley C. Jones, James Z. Stewart, Helaman Pratt (fils de Parley P.
Pratt), Robert H. Smith, Ammon M. Tenney et Anthony W. Ivins. Voir
Jones, « Forty Years among the Indians », p. 233.
[12]
Des erreurs se sont répandues en ce qui concerne les
missionnaires qui ont œuvré dans cette première
expédition au Mexique. De nombreux récits
intervertissent les missionnaires de la première et de la
deuxième mission de Saints des derniers jours au Mexique, et
déclarent que Trejo faisait partie du premier groupe à
se rendre au Mexique. En comparant les journaux des missionnaires de
la première mission, il apparaît que la liste de Daniel
W. Jones est exacte et que Trejo ne faisait pas partie de la première
compagnie.
[13]
« An Arduous Mission, » Deseret News, 12 déc.
1877, p. 717; voir aussi « Mexican Mission, » 1877,
Mexican Mission manuscript history and historical reports,
Bibliothèque d’histoire de l’Église, Salt
Lake City; Journal de Louis Garff, cité dans F. LaMond Tullis,
« Mormons in Mexico: The Dynamics of Faith and Culture, »
2nd ed. 1997, p. 4.
[14]
Plotino C. Rhodakanaty avait reçu une des copies de Trozos
Selectos del Libro de Mormon envoyées par le premier groupe de
missionnaires. Lui et plusieurs de ses amis furent convaincus de sa
véracité et commencèrent à envoyer des
lettres au président John Taylor (voir Tullis, « Mormons
in Mexico », p. 34 – 35, 48).
[15]
« Une voix d’avertissement » avait initialement été
publié en 1837, et la première édition espagnole
imprimée en 1880. Les traducteurs indiqués sur la page
de titre étaient Trejo, Stewart et Rhodakanaty (le premier
converti à Mexico).
[16]
Voir Eduardo Balderas, « How the Scriptures Came to Be
Translated into Spanish, » Ensign, sept. 1972, p. 29. Cette
édition en espagnol avait le même format que la version
anglaise du Livre de Mormon de 1879, avec la division en chapitres et
en versets, mais sans les notes de bas de page. Outre Trejo et
Stewart, d’autres personnes ont joué un rôle
important dans la traduction de 1886, y compris Jaime Aoy oliviers
Vila (voir la lettre de Moses Thatcher à John Taylor, 15
juillet 1884, bibliothèque d’histoire de l’Église,
Salt Lake City ; Voir aussi la lettre de George Q. Cannon à
James Z. Stewart, 19 janvier 1885, bibliothèque d’histoire
de l’Église, Salt lake City).
[17]
Leurs archives personnelles ne mentionnent quasiment pas cette
expérience, à part dans les pages de journal de Stewart
qui indiquent les dates de début et de fin de la traduction et
des notes sur les progrès qu’ils faisaient. Le 21 juin
1884, il a simplement écrit : « Nous avons fini de
traduire le Livre de Mormon en espagnol » (voir les journaux de
James Z. Stewart, bibliothèque d’histoire de l’Église,
Salt Lake City). Une note a aussi été faite dans la
bible de la famille Trejo concernant l’aboutissement de la
traduction en 1884 (voir la collection de Meliton G. Trejo,
Bibliothèque d’histoire de l’Église, Salt
Lake City).
[18]
E. Jean Fisher Duke, « A Prayerful Man in the Mexican
Revolution, » Renseignements sur Pancho Villa et les mormons au
Mexique, non daté, Bibliothèque d’histoire de
l’Église, Salt Lake City. Ce récit est
apparemment tiré du journal de Emmanuel Trejo, fils de Meliton
Trejo. Voir aussi Duke, « Meliton Gonzalez Trejo », p.
715 ; Entretien de la famille Trejo, p. 35.
[19]
Tressie M. Post, « Melitone Gonzales Trejo: The First Spanish
Translator of the Book of Mormon, » Improvement Era, mars 1926,
p. 429–430.