La bonté de Joseph Smith



Kenneth W. Godfrey




      En enseignant l'histoire de l'Église pendant plus de seize ans et en faisant de nombreuses recherches sur les débuts de l'histoire mormone, une des qualités les plus frappantes que j'aie découvertes chez le prophète Joseph Smith a été sa bonté. Cette grande qualité semble avoir imprégné sa vie tout entière et a été accordée aux gens de toutes les races aussi bien qu'au règne animal. Tandis qu'il était enfermé avec plusieurs compagnons dans la prison de Liberty (Missouri), il écrivit plusieurs lettres à sa femme Emma. Il s'y informait souvent de la santé et du bien-être spirituel de ses enfants. Dans une lettre très intéressante, dans la même phrase où il demande à Emma des renseignements concernant ses fils et ses filles, il s'informe aussi de Joanna, son cheval, et d'Old Major, son chien, qu'il aimait tous deux et qu'il traitait avec gentillesse.

 

      Il est bien connu que Joseph et Emma adoptèrent les jumeaux Murdock et élevèrent Julia, celle qui survécut à l'attaque de la populace à Hiram (Ohio), comme si c'était un de leurs enfants. Après avoir eu un mariage extrêmement pénible, Julia revint auprès d'Emma Smith et on prit soin d'elle avec le même amour qu'elle avait tant connu dans sa jeunesse. Ce que l'on connaît peut-être moins, ce sont plusieurs actes de bonté rapportés dans les journaux personnels des premiers membres de l'Église.

 

      En 1841, la famille Walker, composée du père, John Walker, de la mère, Lydia Adams Holmes Walker. et de leurs dix enfants, emménagea à Nauvoo. Cette famille fidèle avait survécu au massacre de Haun's Mill et à la persécution des Missouriens en ces jours terribles de 1838 et 1839. Maintenant très pauvres, ils arrivaient dans la capitale mormone remplis d'espérance. Logeant chez le frère de leur père, le premier soir, on les présenta à Joseph Smith. L'été amena des rhumes et de la fièvre chez les Walker et laissa soeur Walker extrêmement affaiblie. Joseph, apprenant son état de santé délicat, vint avec Emma et prit cette brave soeur chez lui, croyant que le changement pourrait aider sa santé à s'améliorer. N'aimant pas rester très longtemps loin de ses enfants, Lydia, toujours malade, persuada les Smith de la ramener chez elle. Mettant le lit sur un traîneau, la couvrant de couvertures, parce que l'hiver était maintenant venu, on l'y reconduisit prudemment. Elle réunit ses enfants, les exhorta à ne jamais s'écarter de la vérité et cl vivre de manière à ce qu'elle pût les retrouver « dans le monde où il n'y aura plus de souffrance, ni de larmes d'anxiété ». Elle ferma les yeux et «son esprit la quitta, laissant un sourire céleste sur son cher visage ».

 

      La mort de soeur Walker laissait dix enfants orphelins de mère, le plus jeune n'ayant pas encore deux ans. Le poids du chagrin sembla briser la santé de frère Walker, et bientôt la famille craignit pour sa vie.

 

      Informé de leur grande détresse, Joseph vint de nouveau à la rescousse. Il dit à frère Walker que s'il ne changeait pas d'air, il rejoindrait sa femme, puis il dit : « Vous avez des enfants que je pourrais aimer. Ma maison sera leur foyer : pour le moment je vous recommande de vendre votre maison, de mettre vos petits enfants chez de bons amis ; les quatre aînés viendront chez moi et je les traiterai comme mes propres enfants. Et si je constate que les petits ne sont pas heureux ou ne sont pas traités convenablement, je les amènerai chez moi et je les garderai jusqu'à votre retour. »

 

      Ainsi fut fait, et Lucy rapporte que souvent le prophète leur prêtait sa voiture pour qu'ils puissent aller rendre visite à leurs frères et à leurs soeurs qui vivaient maintenant dans d'autres parties de la ville. C'est alors que Lydia, qui venait d'avoir huit ans, eut une fièvre cérébrale. Craignant pour sa vie et fidèle à sa promesse, le prophète la prit chez lui où il pria pour qu'elle guérît, la soigna comme un de ses enfants, mais seulement pour la voir s'attarder encore quelques jours et puis rejoindre sa mère dans le monde des esprits. Emma et Joseph accompagnèrent les enfants tandis qu'on emmenait le corps de la petite Lydia à sa dernière demeure. Un par un, tous les enfants restants atterrirent dans la maison du prophète où ils restèrent jusqu'à ce que lui aussi fût emporté par la mort. Alors leur père revint en bonne santé, et en temps voulu ils l'accompagnèrent de l'autre côté des plaines. Jamais ils ne devaient oublier la bonté, l'amour et la sollicitude sincères que Joseph et Emma avaient montré à leur famille.

 

      Mary Ann Stearns, belle-fille de Parley P. Pratt, raconte, dans son autobiographie non publiée, une expérience que sa famille eut avec le prophète qui illustre aussi sa grande capacité de gentillesse. Revenant de sa mission en Angleterre avec sa famille et un groupe d'émigrants via St-Louis (Missouri), le groupe fut retardé pendant quatre semaines à cause du froid et des gros blocs de glace qui flottaient sur le Mississipi presque gelé. Quand ils arrivèrent finalement à Nauvoo, le vif désir des Britanniques de voir le prophète Joseph ne le cédait qu'à l'anxiété des saints de Nauvoo concernant la sécurité des émigrants. C'est ainsi que Joseph et Hyrum et un groupe important de personnes étaient au débarcadère pour accueillir les nouveaux venus. Frère Pratt présenta le groupe aux deux chefs illustres, et lorsque tous, sauf les Pratt, eurent débarqué et furent allés chez eux, le prophète entra dans la cabine du bateau où se trouvaient les Pratt.

 

      « Après des salutations cordiales, il s'assit et, prenant les petits garçons, Parley et Nathan, sur ses genoux, parut très ému. Frère Pratt dit : ‘ Nous avons emmené trois enfants et nous en avons ramené cinq ‘. Alors le prophète Joseph dit : ‘ Eh bien, eh bien, frère Parley, vous êtes revenu en amenant vos gerbes avec vous ‘, et les larmes lui coulaient sur le visage. Frère Pratt, voyant l'émotion générale que ceci provoquait, dit : ‘ Si vous êtes si triste de nous voir revenir à la maison, je crois que nous ferions mieux de repartir ‘, et des larmes de joie lui remplissaient les yeux. »

 

      La réflexion de frère Pratt sembla briser le charme, les sourires revinrent et la joie continua à leur remplir le coeur à tous. Alors Joseph dit en se levant : « Venez, frère Parley, amenez votre famille chez moi ; c'est tout près d'ici et vous serez plus à l'aise après votre long voyage. » Soeur Pratt, trés malade, fut mise dans un grand fauteuil confortable et portée par frère Hodge et d'autres gardes du corps de Joseph chez le prophète où la famille tout entière passa une soirée vraiment agréable.

 

      La gentillesse du prophète s’étendait, semble-t-il, à tous les enfants de Dieu. Un grand exemple de son respect pour tous les hommes ressort d’un incident raconté par Jane E. Manning, une des premières converties noires à l'Église, dont elle écrivit les détails en 1893. En 1842, soeur Manning entra dans l'Église au Connecticut ; à grands frais personnels et à plus grands risques encore, elle se rendit avec plusieurs autres membres noirs de l'Église à Nauvoo. Marchant jusqu'à ce que leurs souliers fussent totalement usés et qu'ils eussent à ce point mal aux pieds que ceux-ci se fendirent et saignèrent au point qu'ils pouvaient voir « l'empreinte de leurs pieds marquée de sang sur le sol », ce groupe courageux arriva à Peoria (Illinois) pour s'entendre menacer par les autorités d'être envoyé en prison si les papiers n'étaient pas en ordre. Comme ils avaient les papiers nécessaires, on les libéra et ils poursuivirent leur voyage, traversant des rivières si profondes que l'eau leur montait jusqu'au cou. Finalement arrivés à Nauvoo, on leur indiqua où était la maison du prophète Joseph Smith et, pour employer les termes de Jane :

 

      « Soeur Emma était devant la porte et elle dit gentiment : Entrez, entrez ! Frère Joseph dit à quelques-unes des soeurs blanches qui étaient là : sœurs, je voudrais que vous occupiez ce soir cette pièce avec des frères et des soeurs qui viennent d'arriver. Frère Joseph plaça les chaises autour de la pièce, puis il alla chercher sœur Emma et le Dr Bernhisel et nous les présenta. Frère Joseph prit une chaise, s'assit à côté de moi et dit : ‘ Vous avez été le chef de ce petit groupe, n'est-ce pas ? ‘ Je répondis ‘ oui ‘. Il dit alors : ‘ Que Dieu vous bénisse. J'aimerais maintenant que vous racontiez vos voyages ‘. Je leur racontai par le menu tout ce que j'ai dit ci-dessus et encore beaucoup d'autres choses, étant donné que beaucoup d'incidents ont échappé à ma mémoire depuis le temps. Frère Joseph donna une tape sur le genou du Dr Bernhisel et dit : ‘ Que pensez-vous de cela, docteur, n'est-ce pas de la foi cela ? ‘ Le docteur dit : ‘ Je pense bien que oui, si ç'avait été moi, je crois bien que j'aurais fait marche arrière et serais rentré chez moi.’ »

 

      Le groupe tout entier resta une semaine entière chez le prophète jusqu'à ce qu'on eût pu lui trouver un bon logement. Le prophète entrait chaque matin dans leur chambre pour voir comment cela allait et un jour donna à Jane, qui avait perdu ses vêtements en chemin, quelques nouveaux vêtements. Un autre matin, voyant qu'elle pleurait parce que tous les autres avaient trouvé un logement, il quitta la pièce, parla quelques instants à Emma, puis demanda à Jane Manning si elle voulait vivre avec sa famille. Elle accepta, repassa, lessiva et fit la cuisine pour eux et n'oublia jamais la gentillesse de Joseph et d'Emma Smith. Elle mourut fidèle à l’Église en avril 1908, toujours reconnaissante pour le temps qu'elle avait passé chez le prophète.

 

      Une autre fois, Emily Williams, une veuve, qui n'était pas encore membre de I’Église et qui résidait au Michigan, vit sa petite fille, qui était encore bébé, tomber gravement malade et après bien des jours entendit le médecin lui dire qu'elle devait renoncer à tout espoir de voir le bébé guérir. Apprenant que Joseph Smith était dans la région pour rendre visite à ses cousins, elle lui demanda de venir et de faire l'imposition des mains à son enfant. Le prophète vint avec son père et, s'agenouillant à côté de la petite fille, posa les mains sur sa tête et lui promit qu'elle guérirait. Emily rapporte : « L'enfant se retourna, ses convulsions la quittèrent et elle s'endormit et fut complètement guérie le lendemain matin. »

 

      Il est manifeste que le prophète Joseph Smith donna un exemple de bonté et d'amour pour tous les hommes, exemple qui aujourd'hui encore invite chaque saint des derniers jours à être meilleur.

 

 

Source : L’Étoile, décembre 1978, p. 12-15