Ce que Joseph Smith voulait pour les jeunes

 

 

William G. Hartley

 

Historien

 

 

 

      Nous connaissons les contributions du prophète Joseph Smith envers l'Église, mais nous nous penchons rarement sur son intérêt et sur ses contributions à l'égard de la jeunesse. Cependant, les orientations et l’esprit des programmes de l'Église pour les jeunes sont encore influencés par les relations du prophète avec les jeunes de son époque.

 

      À cette époque-là, le terme jeunesse s’appliquait autant aux jeunes adultes de vingt-cinq ans qu’aux enfants de dix ans. Non seulement la puberté survenait alors plus tard, mais la croissance physique était un processus plus progressif que maintenant, la taille définitive n'étant pas atteinte par les jeunes gens avant l'âge de vingt-cinq ans approximativement. En d'autres termes, les jeunes qui mûrissaient rapidement accédaient très tôt à des rôles d'adulte, quel que soit leur âge.

 

      L’engagement du prophète Joseph envers les jeunes reposait sur (1) leur besoin d'amour, de respect et de direction venant des adultes, (2) leur besoin d'équilibre entre le travail et les divertissements, (3) leur besoin d'apprendre et (4) leur besoin de formation religieuse.

 

 

L’amour, la direction et le respect venant des adultes

 

      Joseph Smith aimait et respectait les jeunes. Ils avaient une grande importance pour lui, peut-être parce que la mort emporta cinq des dix bébés qu'il eut d’Emma.

 

      Les exemples abondent de sa grande estime pour les jeunes. Quand John Bellows et son père rendirent un jour visite au prophète, le garçon se sentit important parce que Joseph Smith, dit-il, « fit preuve de beaucoup d'attention à mon égard » pendant la conversation d'une heure entre les deux adultes. William H. Walker dit comment le prophète, apprenant qu’un invité de la maison avait insulté l'une des jeunes filles en service dans la Mansion House, ordonna à l'homme de partir sans l'autoriser à payer sa note, en ces termes : « Je ne veux pas de votre argent, ni d'aucun autre homme de votre espèce ». Une autre fois, Emma et Joseph prirent chez eux quelques-uns des dix enfants Walker à la mort de soeur Walker. « Tous les droits nous étaient accordés », dit la fille des Walker, Lucy. Joseph Smith traita son frère Loren comme un ami personnel et lui accorda sa confiance. « Il était toujours avec lui ; côte à côte, ils marchaient et parlaient librement de divers sujets ». Quand le prophète, qui se trouvait un jour chez les Hess, se fatigua d'étudier, il se divertit en jouant avec les enfants autour de la maison, y compris avec John W. Hess, âgé de quatorze ans.

 

      Comme le prophète respectait les jeunes, il attendait d’eux qu’ils se conduisent d’une manière digne de respect. Goudy E. Hogan raconte que lorsqu’il avait quatorze ans il assista, assis derrière Joseph Smith, à une réunion du dimanche dans le bois près du temple de Nauvoo. Il était en train d'écouter quand le prophète interrompit l'ancien qui parlait et dit à l'assemblée qu'il voudrait que certains des jeunes gens à l‘extérieur de l’assemblée, qui semaient la perturbation en parlant à haute voix aux jeunes filles, s'abstiennent de le faire mais attendent et aillent dans leur foyer pour leur parler avec I’accord de leurs parents. La perturbation ne s'arrêta évidemment pas, aussi Joseph traversa-t-il l'assemblée dans leur direction pour parler aux jeunes. Il n'y eut plus aucune perturbation au cours de cette réunion.

 

 

L’équilibre entre le travail et les divertissements

 

      Joseph Smith avait la conviction que les jeunes doivent apprendre à travailler et à se divertir, deux activités auxquelles il se livra lui-même. Beaucoup ont témoigné de la capacité du prophète à faire de durs travaux physiques. Alors que William Walker avait une vingtaine d'années, il travailla trois ans avec Joseph. Il raconte : « J’allai dans le pré avec lui et il aida maintes fois à faucher l'herbe avec une faux, jusqu’à parfois dix heures de dur labeur ».

 

      L'historien T. Edgar Lyon racontait l’histoire qu'il avait entendue quand il était enfant, à Nauvoo. Un frère âgé de sa paroisse raconta que lorsqu’il était enfant, lui et un autre adolescent firent un mauvais coup dans une ferme voisine. Le fermier furieux les fit arrêter. Le juge les condamna à la prison. Le père du garçon demanda à Joseph Smith d'intercéder en leur faveur. Le prophète, se rappelant ses propres expériences amères de la prison, demanda au juge de relâcher les garçons à sa charge pendant six mois. Joseph mit alors les deux garçons au travail et les fit charrier des pierres et des graviers pour améliorer les rues de Nauvoo qui avaient des nids de poule. Les garçons recevaient cinquante cents par jour avec lesquels ils payaient le fermier pour les dommages et la cour pour les frais du procès. Ce frère confessa : « ce fut la meilleure éducation que j’aie jamais reçue pour ne pas détruire sans motif ou volontairement les biens appartenant à autrui… Ce fut le meilleur apprentissage à un travail persévérant pour gagner le salaire d’une journée honnête de travail ».

 

      Tout le monde sait que Joseph Smith aimait la lutte, jouer au ballon, nager et chasser. William Ailred, qui joua souvent au ballon avec Joseph, se rappela la fois où quelqu’un avait critiqué le prophète qui se laissait aller à jouer. Pour parer la critique, Joseph dit une parabole sur un prophète et un chasseur, expliquant clairement sa propre philosophie sur les relations entre le jeu et le travail. Voici l’histoire : un certain prophète était assis sous un arbre et s'amusait. Vint un chasseur qui le réprimanda. Le prophète demanda au chasseur s’il garde toujours son arc tendu. « Oh non », dit-il.

– Pourquoi pas ?

– Parce qu’il perdrait sa souplesse.

– Il en est exactement de même pour mon esprit, déclara le prophète. Il n’est souhaitable qu’il soit tout le temps tendu.

 

 

L’instruction

 

      Malgré le peu d’instruction qu’il a reçu, Joseph Smith aimait étudier et apprendre. Il reçut l’influence de plusieurs instituteurs. Son père avait enseigné dans une école. Sa grand-mère maternelle, institutrice, avait enseigné à sa mère les rudiments de l’arithmétique, de l’écriture et de l'orthographe. L’épouse de Joseph était institutrice, « une femme d’une culture étendue et qui tenait à l’instruction ». Et son premier secrétaire, pendant la traduction du Livre de Mormon, fut l’instituteur Oliver Cowdery.

 

      Joseph chercha aussi à obéir aux nombreuses révélations qui encourageaient les saints à se cultiver. Le Seigneur dit : « Cherchez des paroles de sagesse dans les meilleurs livres ; cherchez la science » (D&A 88:118). Le Seigneur exhorte aussi à « étudier, apprendre et se familiariser avec tous les bons livres, avec les langues, les langages et les peuples » (D&A 90:15) et à connaître les choses du ciel et de la terre, I’astronomie, la géologie, la géographie, l'histoire, la politique et les événements d'actualité (voir D&A 88:77-80).

 

      Mais Joseph Smith trouvait que trop de convertis étaient peu cultivés, comme c'était son cas. Beaucoup étaient comme Harrison Burgess, qui raconte : « Étant avec mes parents jusqu'à plus de quatorze ans et, étant I’aîné de la famille de mon père, je restai constamment au travail et n’eus que peu d'occasions de recevoir de l’instruction ».

 

      Aussi, à une époque d'écoles paroissiales et privées, d’instituteurs privés et de quelques écoles publiques extrêmement rares, Joseph Smith devint un réformateur de la scolarité bien en avance sur son temps.

 

      Des écoles apparurent dans presque tous les endroits où s'établissaient les saints des derniers jours. À Kirtland, avec l'école des prophètes, Joseph Smith fonda un lycée fréquenté un moment par 140 enfants et adolescents. On y enseignait, entre autres matières, les mathématiques, la géographie, la grammaire, l'écriture, la lecture et les langues. À la fin de chaque trimestre, les élèves devaient passer un examen qui avait lieu devant les administrateurs, parmi lesquels la Première Présidence. Également à Kirtland, Eliza R. Snow ouvrit une école pour jeunes filles, l'une des premières écoles privées ouvertes à cet endroit. Dans le Missouri, les saints ouvrirent les premières écoles du comté de Jackson.

 

      À Nauvoo, la charte de la ville établit un système de cycle scolaire complet de l’école primaire, dans chaque paroisse, jusqu'au lycée pour les jeunes et jusqu'à l’université pour les jeunes plus âgés et les adultes. Ouvert à quiconque voulait se cultiver, le système était financé par l'impôt public, idée révolutionnaire pour l’époque.

 

 

La formation religieuse

 

      Joseph Smith soutenait pleinement la « loi pour les habitants de Sion » (D&A 68:25-28), selon laquelle la responsabilité de la formation religieuse des enfants incombait directement aux parents. Mais il savait aussi que l’Église devait renforcer les parents dans ce domaine. Les écoles des saints des derniers jours y contribuaient en enseignant la lecture et l’écriture au moyen des Saintes Écritures, et les sermons publics plaidaient en faveur des principes chrétiens, y compris l’importance du mariage.

 

      Les annales montrent que les jeunes assistaient aux réunions de culte du dimanche et à quelques réunions privées de prière du dimanche soir, et recevaient de bons enseignements. Goudy Hogan raconte, à propos de la période de ses quatorze ans : « J’allai très souvent avec mon père de chez nous à Nauvoo, soit treize kilomètres, pour des réunions et revenais le même jour à pied ». Il ajoute : « Je voulais vraiment aller à la réunion pour écouter ce que les serviteurs du Seigneur disaient ». Mary Alice Cannon dit que lorsqu’elle avait quatorze ans, elle entendit souvent le prophète prêcher.

 

      Joseph Smith soutenait avec enthousiasme la Société d'aide des jeunes gens et des jeunes filles de Nauvoo, qui se développa sous la direction de Heber C. Kimball. Elle n’était à l’origine qu’une petite réunion de discussion fortuite. Mais, semaine après semaine, de plus en plus de jeunes y vinrent et d’autres lieux de réunions furent établis, qui devinrent de plus en plus nombreux. Une fois, alors que le groupe se réunit dans la grande salle au-dessus du magasin du prophète, il vint leur parler. Il loua frère Kimball pour l’aide qu’il apportait à cette « œuvre bonne et glorieuse » ; il adressa des compliments aux jeunes pour leur bonne conduite, « et leur enseigna la manière de se conduire en tous lieux, leur expliqua leurs devoirs et leur conseilla de s'organiser en société pour le secours aux pauvres ». Il leur demanda de bâtir une maison pour un frère qui était infirme. En réponse, les jeunes rédigèrent des statuts, élirent un bureau, fixèrent des réunions mensuelles et acceptèrent parmi eux toute personne de Nauvoo ayant moins de trente ans, sainte des derniers jours ou non.

 

      Les jeunes filles assistaient aussi à la Société de secours des adultes. Lors de la première réunion de la Société de secours, trois des vingt sœurs présentes étaient adolescentes.

 

      La prêtrise ne faisait alors généralement pas participer les jeunes gens de l’Église. La maturité, non pas l’âge, était la condition nécessaire. Cependant, un bon nombre de jeunes gens servaient l’Église dans des appels officiels. Orson Pratt devint missionnaire à l’âge de dix-neuf ans (voir D&A 34). Lyman Johnson, par la suite jeune membre du Collège des Douze, remplit une mission à l’âge de vingt ans. George A. Smith, baptisé à quinze ans, défila dans le camp de Sion et à dix-huit ans fut ordonné membre du Premier collège des soixante-dix. Peter Whitmer, fils, devint, à dix-neuf ans, l'un des huit témoins du Livre de Mormon. Daniel Tyler, qui n'avait pas tout à fait dix-huit ans, remplit une mission tout seul, en l’absence de son compagnon senior. Le frère cadet de Joseph, Don Carlos, reçut la prêtrise à l'âge de quatorze ans, remplit une mission cette année-Ià et, à dix-neuf ans, devint président du collège des grands prêtres. Erastus Snow, baptisé à l'âge de quatorze ans, prêcha beaucoup en Ohio, dans l'État de New York, en Pennsylvanie et, avant d'avoir dix-neuf ans, remplit une mission dans le Vermont. William F. Cahoon, qui à dix-sept ans fut ordonné instructeur, fut l'instructeur au foyer de la famille de Joseph Smith.

 

      Alors que les quelques sermons publics du prophète dont nous ayons les textes mentionnent peu de choses à propos des jeunes, il est manifeste, d’après d’autres sources, qu'il ne les négligeait pas. Il les aimait, s'associait avec eux, les instruisait. Pour eux, il fondait des écoles et encourageait les initiatives d’associations d'amélioration des jeunes. Sa considération des jeunes et son action en leur faveur sont éloquents.  

 

 

Source : L’Étoile, décembre 1979, p. 23-27