Quels sont les dangers spirituels de la critique ?


Mark D. Chamberlain


Les prophètes et les Écritures modernes nous avertissent que la critique, que ce soit entre deux personnes, ou dans un quartier où les gens s’entendent bien ou dans une paroisse, peuvent présenter des dangers spirituels.

Perception faussée

La critique fausse notre perception de nombreuses façons. D’abord, nous commettons l’erreur de nous juger supérieurs. Quand nous nous préoccupons des faiblesses des autres, notre attention se détourne de nos propres fautes. Nous sommes frappés d’un genre de presbytie spirituelle en concentrant notre attention sur les fautes des autres, et nos yeux spirituels peuvent commencer à nous jouer des tours si nous ne voyons plus ce qui est plus proche de nous : nos propres défauts.

Dans Matthieu 7:3, le Sauveur décrit cette situation bizarre : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? »

Nous pouvons nous considérer meilleurs que ceux que nous critiquons, mais, en réalité, ils sont aussi précieux que nous aux yeux du Seigneur, comme l’explique le prophète Jacob :

« Je viens de vous parler de l’orgueil, mes frères ; et ceux d’entre vous qui ont affligé leur voisin, et l’ont persécuté, parce qu’ils avaient de l’orgueil dans le cœur, à cause des choses que Dieu leur a données, qu’en disent-ils ? Ne pensez-vous pas que de pareilles actions sont abominables à celui qui a créé toute chair ? Toutes les créatures sont également précieuses à ses yeux » (Jacob 2:20-21).

Si nous nous jugeons supérieurs à ceux qui nous entourent, nous oublions vraisemblablement que nous avons, nous aussi, péché et sommes « privés de la gloire de Dieu » (Romains 3:23).

En critiquant les autres, nous risquons de commettre l’erreur de juger sur les apparences au lieu de tenir compte du fond. Incapables de discerner les pensées et les intentions de notre prochain, nous jugeons seulement à partir de ce qui est visible, ou de nos déductions erronées.

Spencer W . Kimball a dit que nous jugeons souvent à tort si nous essayons de sonder l’intention et la motivation qui se cachent derrière les actions des autres et si nous les interprétons à notre manière (voir Le miracle du pardon, p. 251).

Peut-être préférons-nous nous comparer à ceux qui ont des péchés évidents parce que beaucoup de nos points faibles restent privés et cachés. Cela semblait être le cas des scribes et des pharisiens qui avaient l’intention de lapider la femme adultère. Cependant, lorsque Jésus leur a dit : «Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle » (Jean 8:7), les accusateurs se sont retirés en silence.

Il nous est facile de condamner l’hypocrisie des scribes et des pharisiens, mais peut-être ne sommes-nous guère différents de nos jours. Voyez le nombre croissant de journaux à sensation et d’émissions de télévision qui se livrent à la chasse aux secrets honteux des célébrités, des hommes politiques et des autres. La popularité de ces magazines et de ces émissions s’explique sûrement par notre désir de trouver un personnage véreux par rapport à qui nous aurions l’air de petits saints.

Si nous nous moquons des autres, satisfaits de croire que nos péchés leur sont cachés, nous devenons des hypocrites comme les scribes et les pharisiens que Jésus a comparés à des « sépulcres blanchis, qui paraissent beaux au-dehors, et qui, au-dedans, sont pleins d ’ossements de morts et de toute espèce d’impuretés » (Matthieu 23:27).

En fin de compte, lorsque nous critiquons les autres, notre perception risque d’être faussée parce que nous voyons souvent nos propres faiblesses chez les autres.

L’apôtre Paul a mis en garde contre cette tendance : « Ô homme, qui que tu sois, toi qui juges, tu es donc inexcusable ; car, en jugeant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges, tu fais les mêmes choses » (Romains 2:1).

Si nous projetons nos défauts sur les autres, notre attitude envers eux est peut-être le baromètre de nos imperfections.

Le conseil suivant, donné dans le recueil de cantiques, est instructif :

« Si l’envie nous prend de blâmer le prochain de ses erreurs ; Puissions-nous plutôt rechercher la faiblesse en notre cœur. » (Cantiques, n° 151)

Progression bloquée

Un deuxième risque de la critique est qu’elle bloque notre progression personnelle et spirituelle. La vie terrestre est un temps pour nous préparer à rencontrer Dieu (voir Alma 34:32). Le fait de mettre l’accent sur les défauts des autres nous détourne de cette tâche. Quand on juge injustement les autres, on risque non seulement de ne pas voir ses propres défauts, mais aussi de ne pas s’efforcer de les corriger.

C’est peut-être pour cela que le Seigneur a horreur de l’hypocrisie. Les sentiments d’auto-satisfaction et de suffisance sont trompeurs, car lorsque nous croyons que nos problèmes ne sont pas aussi graves que ceux des autres, nous avons tendance à oublier que ce n’est pas notre situation par rapport aux autres qui détermine si nous obtenons ou non la vie éternelle.

Le lièvre de la fable d’Esope offre une excellente illustration d’un tel orgueil et d’une telle suffisance. Un lièvre et une tortue avaient décidé de faire la course. Le lièvre démarre en flèche, laissant la tortue avancer péniblement derrière lui. Il finit par se fatiguer et, sûr de sa victoire, décide de s’arrêter et de se reposer. Il s’endort et la tortue, imperturbable, le dépasse tranquillement pour finalement gagner la course.

Le problème du lièvre n’était pas son manque de capacité de terminer la course. Pas du tout. Son problème était qu’il pensait que la course était gagnée d’avance. Si, comme le lièvre imprudent, nous pensons avoir gagné d’avance la course, pourquoi continuer à travailler ?

Cependant, nous n’avons pas encore franchi la ligne d’arrivée. Si nous nous arrêtons maintenant et nous endormons, quel que soit notre degré actuel de progression sur la voie spirituelle, nous n’atteindrons pas la ligne d’arrivée. Dès que nous nous concentrons sur notre avance spirituelle sur les autres, nous dispersons l’énergie nécessaire pour progresser davantage et risquons d ’oublier l’objectif de la course.

L’orgueil et la suffisance du lièvre sont semblables à ceux du pharisien qui critiquait le publicain :

« Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus » (Luc 18:11-12).

Sans s’en rendre compte, le pharisien avait omis de voir la poutre qui se trouvait dans son œil. Son esprit sommeillait. Dans les versets suivants, nous apprenons que le publicain, ayant visiblement reconnu et confessé ses péchés à Dieu, était alors dans un meilleur état spirituel que le pharisien orgueilleux :

« Le publicain, se tenant à distance, n’osait pas même lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine, en disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, qui suis un pécheur.

« Je vous le dis, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l’autre. Car quiconque s’élève sera abaissé, et celui qui s’abaisse sera élevé » (versets 13-14).

Comme le pharisien et le lièvre, quand nous croyons avoir gagné d’avance la course, nous insistons sur notre prétendue supériorité sur les autres au lieu de nous efforcer de surmonter nos faiblesses. Si nous arrivons à être apaisés en pensant que tout est bien parce que nous nous jugeons meilleurs que les autres, rappelons-nous la mise en garde de Néphi qui disait que c’est une manière qu’a le diable de tromper notre âme et de nous entraîner soigneusement en enfer (voir 2 Néphi 28:21).

Miséricorde impossible à recevoir

Pour finir, la dureté dans notre manière de juger les autres nous empêche de recevoir la compassion ou la miséricorde.

Après quatre mois de mission à plein temps, mon enthousiasme et mon zèle du début pour l’oeuvre avaient considérablement décliné. Je me suis aperçu que j’avais des difficultés à faire preuve de compréhension et à éprouver de la compassion pour mon collègue, et j’étais découragé de ne pas obtenir de succès dans notre travail. Je manquais complètement de la confiance que j’avais ressentie si fort quelques mois à peine auparavant.

Lors d’un entretien privé avec mon président de mission, j’ai fait part de mon sentiment d’incompétence et de découragement. « Comment faire preuve de plus de confiance dans mon travail ? », ai-je demandé.

J’ai été extrêmement surpris de sa réponse. Il n’a pas essayé de me redonner confiance en me disant que j’avais bien travaillé. Il ne m’a pas enseigné la force d’une attitude

positive. Au lieu de cela, il m’a demandé ce que je pensais des autres, et surtout de ceux avec qui je travaillais.

J’ai répondu : « Je ne suis pas très patient. J’étais débordant de zèle au début de ma mission, et c’est décevant quand les choses ne vont pas comme prévu. »

Avant de partir en mission, je pensais honnêtement que je pouvais m’entendre avec tout le monde. Cependant, au cœur de l’adversité, je me suis aperçu qu’il m ’arrivait souvent de critiquer et de juger les autres.

Le président m’a alors lu une Écriture bien connue :

« Que tes entrailles soient également remplies de charité envers tous les hommes et envers les frères en la foi, et que la vertu orne incessamment tes pensées ; alors ton assurance deviendra grande en la présence de Dieu… Le Saint-Esprit sera ton compagnon constant » (D&A 121:45-46).

J’ai vu immédiatement que cette Écriture était adaptée à ma situation. En tant que missionnaire, j’avais manqué de confiance et cette Écriture m’en promettait suffisamment pour que mon assurance devienne grande en la présence de Dieu. Je manquais d'assurance et cette Écriture me promettait la compagnie constante du Consolateur.

La clé de cette assurance, de ce courage et de cette confiance ? Outre le fait d’avoir incessamment des pensées vertueuses, je devais avoir de la « charité envers tous les hommes ».

Dans mon évaluation des autres, notamment de mon compagnon, j’avais critiqué et je m’étais érigé en juge. En manquant de charité, je m’étais coupé de la source de la confiance. Ce jour-là, j’ai appris une leçon inestimable.

Depuis longtemps, je savais que je blessais les autres en les critiquant, mais pour la première fois, je comprenais que mon attitude critique me faisait aussi du mal. Depuis cet entretien, j’ai souvent remarqué que lorsque je suis charitable envers les autres, je me sens plus en confiance et moins limité par mes défauts. Bref, plus j’essaie de pardonner, plus je me sens pardonné.

Nous devons cultiver les attributs chrétiens de la charité et de la compassion dans tous les aspects de notre vie car nous ne pouvons espérer avoir une bonne opinion de nous-mêmes lorsque nous relevons les moindres défauts chez ceux qui nous entourent.

Ce qui explique peut-être en partie nos difficultés, nos faiblesses et nos défauts ici-bas, c’est qu’ils nous donnent l’occasion de faire preuve de plus de compassion envers les autres. Quelle tragédie de pointer un doigt accusateur vers les autres au lieu de voir la nature humaine que nous avons en commun !

(L'Étoile, mai 1997)