EXPÉRIENCES
VÉCUES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE
PAR
LES MISSIONNAIRES DE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST
DES
SAINTS DES DERNIERS JOURS
Récits
tirés de l'ouvrage de S. George Ellsworth et Kathleen C.
Perrin,
Chronique
de la foi et du courage – Les saints derniers jours en
Polynésie française,
1994,
Sandy, Utah
SOMMAIRE
1. IL LA QUITTE IMMÉDIATEMENT (Anaa, 1845)
2. COMME SI RIEN NE LUI ÉTAIT ARRIVÉ (Anaa, 1846)
3. UNE LUMIÈRE APPARAÎT AU-DESSUS DE SA TÊTE
(Raivavae, 1852)
4. EMPRISONNÉS POUR AVOIR PRIÉ (entre 1852 et 1867)
5. LES NATIFS NE SONT PAS D'ACCORD (Tuamotu, 1896)
6. IL RÉPRIMANDE LA TEMPÊTE AU NOM DU SEIGNEUR
(Tuamotu, 1902)
7. AU PÉRIL DE LEUR VIE (Tahiti, 1906)
8. LE NAVIRE EST ENTRE TES MAINS ! (entre 1915 et 1919)
9. TOUS LES NATIFS SE LÈVENT D'UN BOND (Takume, 1917)
10. JE TIRE MON CHAPEAU À VOTRE ÉGLISE (Tahiti, 1918)
11. SALT LAKE CITY FOURNIT LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
(Tahiti,
1919-22, 1933-37, 1951)
12. UNE LETTRE CONFIRME CE QU'IL A VU EN SONGE (Hikueru,
1931)
13. JE CROIS MA FIN ARRIVÉE (Hao, 1936)
14. UNE MANIFESTATION DU DON DES LANGUES (Tahiti, 1957)
15. VOTRE BATEAU EST EN TRAIN DE COULER ! (Tahiti, 1959)
16. DES GUIDES D'ESPIONNAGE ! (Tahiti, début des années
1960)
17. SONT-ILS MAÎTRES AUSSI DES ÉLÉMENTS ?
(Tahiti, 1964)
18. ILS REGRETTAIENT DE DEVOIR S'EN ALLER (Tahiti – San
Francisco, 1964)
19. L'ÉPOPÉE MÉMORABLE DES MAMA RUAU (Tahiti,
années 1960)
20. SON CHEVAL LUI SERT D'YEUX (Mahu, Tubuai, Australes,
1964)
21. LA VISITE DU PRÉSIDENT DE GAULLE (Tahiti, 1966)
22. UN SENTIMENT DIFFICILE À EXPLIQUER M'ENVAHIT (Tubuai,
Australes, 1972)
23. DE NOMBREUX NON PRATIQUANTS REDEVIENNENT PRATIQUANTS
(1975)
24. L'ÎLE OUBLIÉE (Taenga, 1976)
25. PAUL COUSSERAN, HAUT COMMISSAIRE (Tahiti, 1980)
26. ELLE COMPREND QU'ELLE EN TRAIN DE RECEVOIR UNE BÉNÉDICTION
DE LA PRÊTRISE
(Tahiti, 1982)
27. IL LUI PROMET QU'ELLE AURA UN ENFANT (Tahiti, 1982)
28. IL LUI PROMET QUE TOUT FINIRA BIEN (Tubai, entre 1981
et 1984)
29. SUR LE POINT DE RENDRE SON DERNIER SOUPIR (Hikueru,
Tuamotu,
1988)
30. À UN MOMENT CRITIQUE DE LA VIE DE SES ENFANTS
(Papeete,
1988)
31. SA CONVICTION QUE L'ÉGLISE EST VRAIE (Marquises, 1989)
32. ELLE PRIE POUR QUE DES MISSIONNAIRES VIENNENT À HIVA OA
(Marquises, 1989)
33. IL SE SENT INSPIRÉ À RETIRER LES MISSIONNAIRES DE
L'ÎLE (1990)
34. IL ARRIVE DANS MON BUREAU SUR LES MAINS (Tahiti, 1991)
35. CET HOMME DANS MON RÊVE, C'ÉTAIT VOUS (Tahiti,
1991)
36. IL DÉCIDE DE NE PLUS JOUER AU FOOTBALL LE DIMANCHE
(1992)
37. IL ACCEPTE HUMBLEMENT L'APPEL (1992)
1. IL
LA QUITTE IMMÉDIATEMENT
Île
d'Anaa, 1845
Dans
l'île d'Anaa, les anciens rencontrent un problème en ce
qui concerne la santé de membres de l'Église : leur
corps est possédé par des mauvais esprits. En juillet
1845, Elder Benjamin Grouard est appelé au chevet d'une sœur
malade. Il raconte :
«
Je ris lorsque le messager me dit qu'elle était possédée
d'un démon, mais il m'assura que c'était vrai et me
supplia de me hâter. Sachant les natifs très
superstitieux et n'ayant moi-même jamais vu quelqu'un possédé
par un démon, je n'y croyais pas, mais pensai que la personne
avait été saisie d'une douleur violente, une colique ou
quelque chose de ce genre. Mais lorsque j'arrivai à l'endroit
où se trouvait cette personne, j'éprouvai une sensation
qui me dit qu'il s'agissait d'autre chose que d'une colique.
«
Je n'avais encore jamais vu un spectacle pareil, et cela me secoua ;
mais après avoir contemplé quelques minutes cette
personne, la crainte me quitta ; je posai alors les mains sur elle et
au nom de Jésus-Christ je réprimandai le mauvais esprit
et il la quitta immédiatement. Elle se leva, ayant tous ses
esprits, et demanda à boire, et au bout de quelques minutes,
elle était mieux que jamais. »
2. COMME
SI RIEN NE LUI ÉTAIT ARRIVÉ
Île
d'Anaa, 1846
Addison
Pratt (1802-1872), missionnaire en Polynésie française
de 1844 à 1848 et de 1850 à 1852, raconte :
«
J'ai passé la nuit à Otepipi. J'ai constaté
que la femme du frère qui faisait mon ménage là-bas
était malade. Je lui ai demandé ce qu'elle avait. Ma
question l'a fait rire mais elle ne m'a pas donné de réponse
claire. Lorsque je me suis mis au lit et que je dormais d'un profond
sommeil, Telii est venue me réveiller et m'a dit qu'un varua
ino, un mauvais esprit, était entré dans la femme et
qu'elle voulait que je vienne à leur aide au nom du Seigneur
Jésus. Je me levai immédiatement et entrai dans la
pièce où elle était.
«
Comme c'était une petite femme, un certain nombre de sœurs
plus corpulentes la maintenaient de force en place et elle s'agitait
rageusement avec toutes les paroles et toutes les actions démoniaques
d'une folle. Parfois elle agitait les mains, comme si elle essayait
de voler. Les natifs disaient qu'elle était possédée
d'un varua ino pererau, c'est-à-dire d'un démon volant.
Elle parlait aussi en langues et ils disaient que c'était une
langue étrangère. Mais il serait impossible de décrire
son étrange comportement et après avoir été
terrifié devant un fou lorsque j'étais tout petit, je
ne peux, à ce jour, éviter que d'étranges
sensations m'envahissent quand je vois quelqu'un de dérangé
et de perturbé par des esprits mauvais.
«
À cause de cela, il me fallut un certain temps pour réunir
suffisamment de volonté pour poser les mains sur elle, et
lorsque je le fis, elle se déchaîna plus que jamais,
mais lorsque je commandai d'une voix forte et ferme, au nom de
Jésus-Christ, à ces esprits mauvais qui la troublaient
de la quitter, elle s'empara du drap dont elle était couverte,
s'en recouvrit le visage et resta couchée complètement
passive.
«
Comme elle restait un certain temps totalement immobile, je finis par
lui parler, l'appelai par son nom et lui demandai comment elle
allait. Elle répondit qu'elle allait bien, rejeta le drap de
son visage et nous parla d'une manière parfaitement
raisonnable et avec sa vivacité et sa bonne humeur naturelles,
qui sont plein d'entrain, comme si rien ne lui était arrivé,
et elle resta ainsi tant que je me trouvai là-bas, et je n'ai
plus entendu dire qu'elle avait des problèmes. »
(The
Journals of Addison Pratt, 29 septembre 1846, University of Utah
Press, Salt Lake City, 1990, p. 289-90)
3.
UNE
LUMIÈRE APPARAÎT AU-DESSUS DE SA TÊTE
Raivavae,
1852
À Raivavae, le
missionnaire James S. Brown
rencontre beaucoup d'opposition. L'hostilité augmente jusqu'à
ce qu'en mai 1852, au village de Tatake, ses ouailles et lui soient
menacés de mort. Il y a deux jours de fête et d'hystérie
dont le point culminant sont les préparatifs pour brûler
Brown vif. Le bûcher est allumé.
Au plus fort du
tumulte, Elder Brown les défie au nom de Dieu. C'est alors
que, sans qu'il le sache, une lumière brillante apparaît
au-dessus de sa tête, lumière que la foule prend pour un
signe de Dieu en faveur du missionnaire. Un couple membres de
l'Église habitants du village, la femme ayant son bébé
dans les bras, s'avance et exige d'être brûlé
avant le missionnaire, sur quoi les gens commencent à se
battre entre eux jusqu'à ce que la tombée de la nuit
disperse la foule épuisée.
Elder Brown raconte
: « Après cela, je fus traité avec un grand
respect. »
4. EMPRISONNÉS
POUR AVOIR PRIÉ
Entre
1852 et 1867
Les
premiers missionnaires de l'Église de Jésus-Christ des
saints des derniers jours arrivent en Polynésie française
en 1844. Huit ans plus tard, en 1852, la politique française
ne permet plus aux missionnaires de continuer leur travail. Les
Elders Pratt, Grouard et les autres quittent les îles cette
année-là. Les dirigeants locaux qui ont été
formés par les missionnaires assument la pleine responsabilité
de l'Église et de l'enseignement de l'Évangile. Avant
leur départ, les missionnaires ont laissé dans le
ministère un certain nombre d'anciens natifs qui se sont
révélés être des hommes de Dieu dignes,
œuvrant fidèlement et de leur mieux. Les saints, quelque
1500 à 2000 âmes dispersées dans une vingtaine
d'îles, sont, d'une manière générale,
fidèles et zélés. Malgré une vive
opposition et des conditions d'existence difficiles, beaucoup de
communautés de saints non seulement survivent mais réussissent
à préserver leur mode de vie évangélique.
Les
responsables du gouvernement s'attendent à ce que, une fois
les missionnaires américains partis, les saints insulaires
abandonnent leur culte en tant que saints des derniers jours. Mais
ceux-ci continuent à organiser leurs réunions et à
adorer comme avant. Des représentants de l'Église
catholique vont dans les îles pour installer leur foi, avec le
soutien du gouvernement. Des conflits se produisent. Il est à
diverses reprises commandé aux saints de cesser de prêcher
et de prier, mais en vain. Les dirigeants de diverses branches et
groupes insulaires sont amenés à de multiples reprises
au siège du gouvernement à Tahiti, où on leur
donne le choix entre abandonner leur foi et mettre fin à leurs
réunions ou aller en prison.
Un
président de branche, Tihoni, d'Anaa, est emmené devant
le juge et le choix lui est donné. Il dit au juge qu'il
préférerait se faire trancher la gorge que d'abandonner
sa religion.
Une
autre fois, après 1862, à Anaa, l'officier résident
du village se rend à Otepipi avec un escorte de dix soldats et
arrête huit frères dirigeants et deux sœurs parce
qu'ils prêchent et prient. Les sœurs sont enfermées
dans le bâtiment gouvernemental et les frères mis en
prison pendant une semaine avant d'être libérés.
Ils s'habillent de leurs plus beaux vêtements et, Bible sous le
bras, sont introduits en présence du gouverneur. Après
un interrogatoire, les sœurs et les trois frères sont
mis en liberté. Deux frères,Tihoni et Maihea, sont de
nouveau emprisonnés mais libérés le lendemain
avec la permission de rentrer chez eux et de prêcher et de
prier autant qu'ils le veulent.
L'intolérance
se manifeste aussi à Tubuaï, mais lorsqu'une affaire est
transférée à Tahiti, le gouvernement ordonne la
mise en liberté des prisonniers et leurs accusateurs sont
condamnés par les autorités françaises. L'ère
d'intolérance et de persécution religieuse prend fin au
cours des années 1860. Dès 1867, la liberté de
religion règne de nouveau dans tout le Protectorat.
5.
LES
SAINTS NE SONT PAS D'ACCORD
Îles
Tuamotu, 1896
Lorsque
Andrew Jenson, l'historien de l'Église, rend visite en 1896
aux Tuamotu, il y reste suffisamment longtemps pour observer les
réunions des saints. Il écrit :
« Talcaroa,
dimanche 1er mars 1896. Nous avons assisté à trois
reunions générales, à une classe de l'Évangile et à une réunion de
prêtrise
avec les saints de Talcaroa. Nous avons également pris la
Sainte-Cène, utilisant de la chair de coco au lieu de pain et
du lait de coco au lieu de vin ou d'eau.
« Les
saints de cette mission assistent fidèlement aux réunions.
Dans la plupart des branches, ils tiennent trois réunions et
une classe de l'Évangile chaque dimanche. Ensuite on
tient aussi des classes de l'Évangile le lundi soir, des
réunions générales et des classes de
l'Évangile le mercredi, une réunion de soeurs le jeudi
après-midi et des classes de l'Évangile le vendredi
après-midi et le vendredi soir.
« Les
missionnaires ont essayé de diminuer le nombre des réunions,
mais les saints ne sont pas d'accord, car c'est une vieille habitude
chez eux de tenir des réunions et des classes dans cet
ordre-là.
« Les activités des
classes de l'Évangile consistent généralement en des
questions et des réponses sur des sujets de l'Évangile,
sur la Bible et l'histoire de l'Église. Celui qui dirige distribue les
questions aux différents élèves
lors d'une précédente leçon. Ces classes
sont généralement intéressantes et vivantes, car
elles stimulent l'esprit et l'énergie des saints qui sont
vivement désireux de donner les meilleures réponses
possibles. »
6. IL
RÉPRIMANDE LA TEMPÊTE AU NOM DU SEIGNEUR
Archipel des Tuamotu, 1903
Parmi les grands rendez-vous annuels
des habitants des Tuamotu, il y a la pêche aux perles. Les îles Hikueru
et Marokau sont les points centraux de la récolte des perles et de la
nacre. Des centaines d'insulaires s'y rassemblent, venant de très loin,
de l'île Hao à l'est à l'île Kaukura à l'ouest, pour participer à la
pêche aux perles, à son commerce et aux festivités qui l'entourent.
Les saints et autres habitants de
Hikueru reçoivent la visite des saints et autres habitants venus de
nombreuses îles. Les missionnaires H. J. Sheffield, président de
district, et son compagnon, Joseph E. Allen, veillent sur les affaires
de l'Église. Le fait que les saints des derniers jours côtoient une
population nouvelle et variée suscite un comportement contraire aux
enseignements des missionnaires : boisson, danses malpropres,
transgressions sexuelles.
Elder Sheffield est tellement anéanti
par cette situation de corruption généralisée parmi les habitants de
Hikueru, qu'en décembre, au cours d'un discours, il se sent contraint
de prévenir la population. Il raconte : « L'esprit de prophétie vint
sur moi et je prophétisai, au nom de Jésus-Christ et par le pouvoir de
la sainte prêtrise, que s'ils ne se repentaient pas rapidement, une
grande destruction et de grandes afflictions s'abattraient sur eux. »
Alors que la pêche bat son
plein, un cyclone se déclenche et fait rage pendant des jours. Un
gigantesque raz de marée inonde la plus grande partie de l'archipel des
Tuamotu. Quelque quatre-vingts îles sont touchées par l'ouragan. Les
plus durement touchées sont Hikueru, Hao et Marokau.
Le centre du cyclone touche Hikueru
le mercredi. Ce sont les mercredi 14, jeudi 15 et vendredi 16 janvier
1903 que le cyclone atteint son apogée, avec des vents atteignant 150
kilomètres à l'heure.
Dès le jeudi, à la tombée de la nuit,
il ne reste plus aucun bâtiment debout. Tous ont été balayés, le vent
et l'eau emportant tout avec eux, y compris les arbres déracinés. Tout
a été emporté dans lagune. Cependant, la tempête bat son plein. Ce
soir-là, les Elders Sheffield et Allen s'attachent l'un à l'autre et se
ligotent au sommet d'un cocotier.
Le lendemain matin, le cocotier est
encore debout et les missionnaires ont survécu à la nuit. C'est alors
qu'Elder Sheffield réprimande la tempête au nom du Seigneur et prie
Dieu de la faire cesser. Moins d'une demi-heure plus tard, le vent
tombe et la mer devient calme.
Trois jours plus tard, le vapeur
Excelsior arrive pour emmener les gens dans leur île d'origine. Les
habitants survivants de Hikueru sont emmenés aussi, leur île n'étant
plus habitable par des humains.
Cette catastrophe servira de
trame à une nouvelle de Jack London, La Maison de Mapuhi, publiée en
octobre 1911 dans le recueil Contes des mers du sud.
7.
AU
PÉRIL DE LEUR VIE
Tahiti,
1906
Le
8 février, les inondations sapent les fondations du consulat
américain et le bâtiment ne tarde pas à
s'effondrer. Le consul est en tournée dans l'île, mais
sa mère, sa sœur et son jeune neveu sont là et
sont immédiatement sauvés par les missionnaires mormons
et emmenés au bureau de la mission. Les missionnaires vont
ensuite au secours des archives du consulat, sauvant les registres,
bien qu'ils soient endommagés par l'eau. Monsieur Doty, le
consul, est impressionné par les missionnaires et
reconnaissant de ce qu'ils ont sauvé les registres. Il écrit
au président de l'Église, Joseph F. Smith :
Corps
consulaire des États-Unis, Tahiti, S. 1.
15
février, 1906
M.
Joseph F. Smith, président
Monsieur,
J'ai
le grand plaisir de vous informer que pendant le cyclone et le raz de
marée de Papeete, Tahiti, du 8 février, les
missionnaires mormons ont rendu, au péril de leur vie, un
service remarquable au consulat américain pour sauver les
archives. Il s'agit de Messieurs Hall, Peck, Clawson, Pierson,
Tibbetts, Miner, Wilkinson, Noall et Huffaker. Mme Hall et Mme
Wilkinson ont aussi manifesté de la bonté et de
l'hospitalité à mon égard et à ma famille
pendant les trois jours où nous avons été leurs
hôtes.
Les
missionnaires ont donné un splendide exemple de loyauté
envers les intérêts de leur pays à l'étranger.
J'ai signalé leur bravoure et leurs services distingués
au département d'État.
Je
vous félicite d'avoir d'aussi nobles représentants dans
cette communauté insulaire. Je suis heureux que le bureau de
la mission soit presque terminé ; c'est un splendide édifice.
Avec
ma très haute considération,
Respectueusement
vôtre,
WILLIAM
F. DOTY,
Consul.
8. LE
NAVIRE EST ENTRE TES MAINS !
Entre
1915 et 1919
Ernest
C. Rossiter fut deux fois président de mission en Polynésie
française au cours des deux guerres mondiales. L'histoire
suivante se passe lors de la première de ses deux missions
polynésiennes, entre 1915 et 1919. Il raconte :
Un
des membres de l'Église, un vieux capitaine de navire appelé
Tahauri, était employé par une compagnie marchande
locale dont le siège était à Papeete. Son
itinéraire le menait dans les îles supérieures
des Tuamotu qui se trouvent au nord et à l'est de l'île
principale de Tahiti. J'avais pris passage sur le bateau de Tahauri,
espérant atteindre l'île en quelques jours.
Nous
étions en mer depuis plusieurs jours lorsque nous arrivâmes
à notre premier point d'abordage dans l'île de Rairoa,
où Tahauri faisait du commerce. Après avoir quitté
Rairoa, le matin, nous naviguâmes toute la journée et, à
la tombée du jour, nous venions tout juste de laisser
l'extrémité nord-est de Rairoa derrière nous et,
comme nous contournions la pointe de cette grande île
corallienne, Tahauri, le capitaine, mit le cap sur le nord-est, me
disant : « Eraneta (c'est ainsi que les natifs m'appellent), il
y a un courant très fort entre ici et Takaroa. C'est pour cela
que je maintiens mon bateau vers le nord, ce qui devrait nous amener
en vue de Takaroa au petit matin. »
Nous
mîmes nos couchettes sur le pont et nous installâmes pour
la nuit, heureux à la pensée que nous allions aborder
dans le courant de la journée suivante. Nous nous levâmes
tôt dans l'espoir de voir la terre devant nous. Nous ne vîmes
rien d'autre que le vaste océan. Nous regardâmes à
gauche, à droite et vers l'arrière, mais il n'y avait
rien en vue. Nous avançâmes tout droit ce jour-là
et pendant toute la nuit suivante. Le troisième matin, le
capitaine, chagrin et très préoccupé, vint me
trouver et dit : « Eraneta, je me suis perdu. Je ne sais pas où
nous sommes. » Comme le ciel était couvert, il lui était
impossible de dire dans quelle direction il naviguait. S'il avait
continué dans cette même direction, nous serions arrivés
en Amérique du Sud. Cela nous aurait pris un mois ou plus et
en outre, il ne nous restait plus que très peu d'eau potable
et pas suffisamment de rations pour tenir aussi longtemps.
En
désespoir de cause, il dit : « Eraneta, à partir
d'ici, c'est toi qui dois me remplacer et devenir le capitaine. »
Je lui dis que je n'y connaissais rien en navigation et que je ne
savais pas plus que lui où nous étions. Que pouvais-je
donc faire ? Il retourna, les larmes aux yeux, au gouvernail et
continua tout droit avec le bateau, navigant tout le temps contre
l'alizé. Après plusieurs jours encore, la situation
commença à être grave et les marins devinrent
agités et maussades. Tout à fait découragé,
le capitaine répéta : « Eraneta, le navire est
entre tes mains. Je refuse de continuer. »
Voyant
que la situation avait commencé à devenir
incontrôlable, je devins très inquiet. Après
avoir sérieusement médité, réfléchi
et prié, je dis au capitaine : « Je vais prendre la
direction du bateau. » J'appelai tous les marins, les autres
passagers et le capitaine à l'arrière du bateau et fis
une prière d'actions de grâces au Seigneur de nous avoir
sauvés jusque-là des éléments. Je dis au
Seigneur que j'avais encore beaucoup de travail à faire parmi
les natifs et avais dans mon cœur le désir d'achever ce
travail et que puisque j'étais maintenant capitaine du bateau,
je désirais savoir dans quelle direction je devais aller pour
atteindre l'île de Takaroa. Devais-je faire demi-tour,
devais-je aller vers l'est ou vers l'ouest ?
Les
natifs avaient très peur et étaient très humbles
et, dans cet état d'esprit, manifestèrent leur foi pour
que je reçoive la réponse à notre prière.
Une fois la prière faite, je me rassis sur le pont, les yeux
fermés, et il me vint une vision très claire de l'île
de Takaroa. Tandis que je regardais, l'île me semblait être
derrière nous plutôt que devant. Je sus alors que le
Seigneur avait répondu. Je criai aux marins de faire demi-tour
et de revenir en arrière mais pas tout à fait sur le
même itinéraire, puisque apparemment nous avions dépassé
l'île de nombreux kilomètres à l'ouest, trop loin
pour la voir au moment où nous passions. Je dis : « Nous
allons tirer des bordées deux heures à droite, deux
heures à gauche et nous allons aborder sains et saufs à
l'île de Takaroa. »
Les
natifs ayant une foi implicite aux missionnaires, étaient
disposés à obéir à toutes les
instructions et pendant plusieurs jours nous revînmes en
arrière contre le vent. Finalement un matin, un marin grimpa
au sommet du mât et poussa le cri pour lequel nous priions
depuis si longtemps : « Terre droit devant ! » Ce
soir-là, juste au crépuscule, nous entrions dans la
passe de Takaroa et abordions au quai, heureux et reconnaissants de
ce que nos prières eussent été exaucées
et de ce que notre vie eût été épargnée.
9. TOUS
LES NATIFS SE LÈVENT D'UN BOND
Île
de Takume, 1917
Pendant
la saison de 1917, une terrible épidémie de dysenterie
éclate et dégénère en une forme plus
grave de flux de sang. Des enfants de tous âges sont atteints
et beaucoup meurent. Les missionnaires sont occupés toute la
journée et jusqu'aux premières heures du matin à
constamment bénir et soigner les enfants malades. Les
missionnaires ont à peine le temps de rentrer chez eux et de
se préparer pour la nuit que l'on frappe une énième
fois à la porte de leur hutte de paille, ce qui signifie
qu'ils vont faire une nouvelle visite de condoléances à
un foyer éploré.
Le
président de mission, Ernest C. Rossiter, raconte :
«
Un soir, j'étais rentré chez moi lorsque le toc toc
familier retentit. Je me levai, me rendis à la porte, plus
endormi qu'éveillé, puisque je n'avais cessé de
me lever et de me coucher toute la nuit. Lorsque j'ouvris la porte,
je vis devant moi un natif qui semblait avoir connu un grand chagrin
et qui était accablé de douleur. Il dit en sanglotant :
' Eraneta, viens vite. Notre petite enfant vient de mourir. ' Il
partit en hâte, espérant que je le suivrais. En
entendant l'histoire du natif, sœur Rossiter s'habilla et
m'accompagna dans son humble demeure.
«
C'était une nuit sans lune et l'obscurité était
totale, mais avec notre lampe à pétrole, nous avançâmes
lentement et prudemment dans le grand bosquet de cocotiers. Les
immenses noix de coco tombaient ça et là tout autour de
nous, libérées de leur support par la fraîcheur
de la nuit. Nous eûmes la chance qu'aucune ne nous tomba sur la
tête. Nous arrivâmes avec difficulté. En nous
approchant de la maison de chaume, nous pouvions entendre des voix
basses et solennelles psalmodier et gémir leur chant de
détresse.
«
Doucement, silencieusement, nous ouvrîmes la porte et nous
vîmes dans la pièce un des spectacles les plus étranges
et les plus étonnants que nous eussions jamais vus. Nous fûmes
tout d'abord surpris, mais, lorsque nous entrâmes, les voix
cessèrent de psalmodier. Les larmes leur coulant sur les
joues, ils se prosternèrent avec révérence et
respect devant la prêtrise du Dieu vivant qui entrait chez eux.
Les amis et les parents étaient assis par terre, les jambes
croisées comme le font les natifs. Au centre de la pièce,
sur plusieurs oreillers blancs comme neige, était étendu
le corps immobile du petit enfant de Toai a Maire, habillé de
ses vêtements d'ensevelissement blancs à dentelles. Le
père, qui était venu me trouver, était assis à
côté de son enfant. M'appelant par le nom que me
donnaient les natifs, il dit : 'Eraneta, notre enfant est morte. Nous
voulons que tu consacres notre fille au Seigneur.'
«
J'hésitai un instant, contemplant le corps sans vie de cette
belle petite fille, puis me penchai et soulevai très
tendrement son corps de l'oreiller blanc. Je ne pouvais détecter
aucun signe de vie. Il n'y avait pas de pouls, pas de respiration. Je
tins son corps immobile dans mes bras. Elle était si belle et
si immobile. J'avais pleinement décidé de lui donner
une bénédiction d'adieu, mais dans un but bon et sage,
Dieu avait d'autres plans.
«
Comme je commençais à prier, il me sembla que j'étais
envahi par une force qui me retenait et que j'étais incapable
de comprendre sur le moment même. Puis tout à coup,
l'Esprit du Seigneur vint sur moi et d'une voix basse et tendre, je
réprimandai le pouvoir du Destructeur et, au nom du
Rédempteur, commandai que la vie revienne dans le corps de
l'enfant. Je déposai avec douceur le corps sur l'oreiller,
reculai d'un pas et, la tête inclinée, contemplai ce
joli petit corps qui était froid et immobile devant moi.
«
Bientôt je remarquai, et beaucoup de natifs avec moi, un cil
battre ; Toai et Terava et tous les natifs se levèrent
instantanément d'un bond, regardant fixement l'enfant. Son
pouls revint et le corps commença bientôt à se
réchauffer. Puis elle ouvrit les yeux. Les parents,
stupéfaits, étaient incapables de se maîtriser et
j'eus du mal à les empêcher de bouger et de déranger
leur fille.
«
C'est ainsi qu'en l'année 1917, dans cette hutte au toit de
chaume isolée du monde, Dieu avait réalisé une
de ses manifestations du pouvoir de la prêtrise. »
10. JE
TIRE MON CHAPEAU À VOTRE ÉGLISE
Tahiti,
1918
Lors
d'une conversation qui a lieu le 9 mars 1918, le consul britannique à
Tahiti, le Dr Walter J. Williams, déclare :
«
La chose que j'admire par excellence dans l'Église mormone est
que c'est une religion pratique de tous les jours et e qu'il y a de
plus remarquable chez elle est l'effet qu'elle a sur ses membres.
«
C'est quelque chose de tout à fait merveilleux de voir les
jeunes missionnaires mormons s'en aller dans le monde pour consacrer
les meilleures années de leur jeunesse à leur Église
sans rétribution. De plus, tout en se mêlant à
toutes sortes de gens, ils ne s'identifient pas à eux. Ce sont
les meilleurs jeunes gens que j'aie jamais rencontrés en ce
monde et je tire mon chapeau à l'Église mormone et aux
mormons. »
11. SALT
LAKE CITY FOURNIT LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Tahiti,
1919-22, 1933-37, 1951
Pendant
que LeRoy Mallory fait sa première mission à Tahiti,
entre 1919 et 1922, son président de mission, Ernest C.
Rossiter, le charge d'organiser et de former une fanfare dans l'île
de Takaroa. L'Église de Salt Lake City fournit les
instruments. Étant donné que la plupart des insulaires
ne peuvent pas lire la musique, la tâche est difficile, mais
frère Mallory est un homme dévoué et talentueux.
Cette entreprise constite pour les jeunes une distraction saine. La
fanfare joue pour les conférences et l'amusement des membres
aussi bien que lors des manifestations publiques et est bien reçue
partout.
Pendant
sa deuxième mission, de 1933 à 1937, cette fois en tant
que président de mission, frère Mallory organise de
nouveau cette fanfare de vingt-six membres. Il met à sa tête
Taumata a Mapuhi, qui a été formé au Church
College de Nouvelle-Zélande. La fanfare connaît de
nouveau un grand succès. Elle fait plusieurs voyages à
Tahiti et en août 1934, elle est invitée par le
gouvernement à se rendre en novembre à Fakarava pour
assurer la musique d'une grande journée de manifestations
culturelles. Elle s'y rend, remporte le premier prix, une médaille,
et 125 francs. Elle est très appréciée par tous
les milieux.
En
mars 1951, le président Mallory, lors de sa troisième
mission, l'organise une fois de plus. Composée de trente-six
musiciens, elle joue à de nombreuses manifestations de
l'Église aussi bien que lors des manifestations publiques à
Tahiti. Pour la parade de la fête de la Bastille, le 14
juillet, on lui demande d'ouvrir les festivités et d'être
en tête de la parade.
12. UNE
LETTRE CONFIRME CE QU'IL A VU EN SONGE
Île
de Hikueru, 1931
À
cette époque-là, en Polynésie française,
les missionnaires habitent généralement une chambre
unique dans une maison ou une maison d'une seule chambre séparée
d'une famille locale. La cuisine est proche. La famille peut prendre
soin d'eux de diverses façons. Les missionnaires ont un mode
de vie assez proche de la vie tahitienne, à l'exception des
vêtements où c'est la tenue américaine qui est de
rigueur.
Les
missionnaires sont à pied, sauf s'ils ont acheté un
cheval. Le transport entre les îles est rare et lent. Ils
doivent utiliser essentiellement les produits locaux. Mais leur
principale préoccupation semble être le manque de
courrier. Il peut se passer des semaines et plus vraisemblablement
des mois entre deux distributions de courrier. Celui-ci dépend
encore de la bonté du capitaine d'un navire et de l'itinéraire
emprunté par celui-ci, toujours susceptible d'être
retardé ou changé. En dépit du fait qu'ils sont
isolés du monde extérieur, la communication se produit
parfois par l'inspiration, comme l'illustre l'incident suivant.
Alors
qu'Elder Floyd M. Packer travaille dans l'île de Hikueru, son
collègue Elder Hess le réveille vers deux heures du
matin, lui disant qu'il pleure. Que se passe-t-il ? On est le 16
septembre 1931. Elder Packer lui dit que la femme de son frère
vient de décéder. Elder Hess essaie de persuader Elder
Packer qu'il se trompe, que ce n'est qu'un rêve. Elder Packer
lui dit qu'il l'a vue dans un cercueil, son frère d'un côté
et sa mère de l'autre.
Quelques
mois plus tard, lorsque les missionnaires retournent au siège
de la mission, le président Burbidge appelle Elder Packer dans
son bureau et lui dit qu'il a de tristes nouvelles pour lui. Elder
Packer lui dit qu'il sait ce que c'est : sa belle-sœur est
décédée le 16 septembre. Oui, c'est bien ce que
le président a à lui apprendre. Comment Elder Packer le
sait-il ? Il raconte au président ce qui est arrivé,
puis il lit son courrier et une lettre confirme ce qu'il a vu en
songe cette nuit-là.
13. JE
CROIS MA FIN ARRIVÉE
Hao,
1936
Le
missionnaire Robert M. Johnson travaille à la construction de
l'église de Hao. Il raconte :
« Nous
avons terminé les élévations, y compris les
pignons. Les murs ont 45 centimètres d'épaisseur. Nous
sommes en train d'installer les chevrons depuis le sommet des murs
jusqu'aux poutres qui vont d'un pignon à l'autre.
« Je
suis debout au sommet du mur de droite et je passe le chevron au
missionnaire qui les fixe à la poutre au sommet, lorsqu'un des
chevrons que je tiens glisse et me fait perdre l'équilibre, et
je me mets à tomber en arrière, vers le sol qui est à
environ quatre mètres cinquante en-dessous de moi.
« Je
crois ma fin arrivée lorsqu'un pouvoir ou des mains sont
placées sur mon dos et que je suis remis à ma place de
départ.
« C'est
une expérience spirituelle extraordinaire pour moi, jeune
missionnaire. »
14. UNE
MANIFESTATION DU DON DES LANGUES
Tahiti,
février 1957
En
mars 1956, Wendell B. Mendenhall, président du comité
de construction de l'Église, qui visite les missions de
l'Église dans le Pacifique pour inspecter les constructions,
rend visite à Tahiti pour faire des recommandations concernant
de futurs projets. Frère Mendenhall retourne à Tahiti
en février 1957 pour voir où en sont divers chantiers.
Au cours de sa visite, il souhaite rencontrer le gouverneur pour
discuter avec lui de l'approbation du programme de construction de
l'Église par le gouvernement. Il demande que Thomas R. Stone,
missionnaire parlant le français, l'accompagne comme
traducteur.
Elder
Stone raconte :
«
À son arrivée pour une visite de deux jours, le
président Mendenhall nous demande de prendre rendez-vous pour
rencontrer le lendemain matin le gouverneur français de
Tahiti. Il faut habituellement une à deux semaines pour
obtenir une entrevue personnelle avec le gouverneur. Toutefois,
lorsque la situation a été expliquée à sa
secrétaire, notre demande reçoit un accueil favorable
et une audience nous est accordée.
«
Lorsque la conversation commence entre le président Mendenhall
et le gouverneur, je traduis en priant sincèrement de réussir
à communiquer les pensées du président
Mendenhall. Nous ne disposons que d'un temps limité et la
nécessité de traduire tout ce qui se dit ralentit
naturellement la conversation. Mais je ne tarde pas à
remarquer que le président Mendenhall comprend ce que le
gouverneur dit et répond avant que j'aie le temps de traduire.
«
Je suppose à l'époque que le président
Mendenhall a déjà étudié le français
et peut par conséquent comprendre le gouverneur. Mais tandis
que nous sortons, il se tourne vers moi et dit d'une voix contenue :
'Je viens d'avoir une manifestation du don des langues. Je n'ai
jamais appris le français, et pourtant j'ai pu comprendre ce
que le gouverneur voulait dire.'
«
Grâce à cela, tous les points prévus à
l'ordre du jour furent traités et l'approbation nécessaire
pour entreprendre le programme de construction à Tahiti fut
reçue. Quelle bénédiction pour moi d'avoir été
témoin de cette manifestation moderne. Le Seigneur est
assurément avec nous dans cette œuvre importante. »
15. VOTRE
BATEAU EST EN TRAIN DE COULER !
Tahiti,
1959
En
1959, alors que Joseph Reeder est président de la mission de
Polynésie française, des dispositions sont prises pour
permettre à un groupe de trente saints tahitiens de voyager à
bord du Paraita, le schooner de la mission, au temple de Hawaii. Le
président Reeder et Raituia Tehina Tapu, le capitaine, ont
reçu la permission nécessaire du gouvernement français
ainsi que du président de l'Église, David O. McKay.
Depuis bien des années les membres travaillent diligemment à
épargner les fonds nécessaires. Après des années
d'attente et de planification, tout semble finalement se mettre en
place.
Ernest
C. Rossiter, qui a été deux fois président de la
mission tahitienne et parle couramment le français, est en
visite à Tahiti, envoyé par la Première
Présidence de l'Église pour aider à apaiser les
tensions accumulées depuis une décennie entre l'Église
et les représentants du gouvernement français. Frère
Rossiter informe un groupe de frères de la prêtrise que
le président McKay leur recommande vivement de ne pas faire le
voyage. Quelques jours seulement avant le départ des saints
pour Hawaii, le président Reeder écrit dans le journal
de la mission :
«
Nous nous rendîmes à la réunion avec les
détenteurs de la prêtrise pour écouter le
président Rossiter. Après avoir entendu le message de
la Première Présidence, il fut persuadé que si
cela venait des dirigeants de l'Église, c'était inspiré
par le Seigneur et que la seule manière de lui montrer qu'ils
l'aimaient et étaient reconnaissants des bénédictions
qu'il leur avait données, était de suivre la
recommandation qui avait été faite. Je les fis tous
soutenir à main levée la décision de la Première
Présidence et tous la soutinrent.
«
Les membres déçus acceptèrent avec bonne grâce
la tournure que prenaient les événements. La raison
pour laquelle le président leur avait demandé d'annuler
le voyage devint bientôt manifeste. Quelques jours plus tard,
le capitaine Tapu recevait un coup de téléphone de la
capitainerie du port l'informant que le Paraita était en train
de couler. Voici comment le capitaine Tapu raconte l'incident :
‹
Le
capitaine du port me dit : “Votre bateau est en train de
couler.' Je lui dis : 'Quoi ? Je viens de le sortir du chantier
naval.” Il dit : “VOTRE BATEAU EST EN TRAIN DE COULER !
DEPÊCHEZ-VOUS !” Je courus jusqu'au port : le bateau
était à moitié submergé. Mon second était
en-dessous de la coque pour essayer de découvrir ce qu'il se
passait. Il découvrit que le tuyau d'élimination des
déchets de cuisine était pourri. Les ouvriers avaient
repeint le bois pourri et le tuyau pourri et brisé avait
laissé l'eau entrer dans le bateau. Que serait-il arrivé
si nous avions fini à trois ou quatre cents kilomètres
en mer sur une chaloupe de sauvetage ? Si nous étions partis
comme prévu, c'est là que nous nous serions trouvés
lorsque le tuyau se serait rompu. ›
«
Quelques jours plus tard, lorsque la transmission du Paraita fut
démontée, la raison de l'inspiration et de la
recommandation de la Première Présidence fut évidente.
Tous les engrenages de la transmission étaient complètement
usés et n'auraient jamais tenu le coup pour le voyage
aller-retour de Tahiti à Hawaii. »
16. DES
GUIDES D'ESPIONNAGE !
Tahiti,
début des années 1960
Le
matériel à destination de la Primaire est saisi par un
fonctionnaire des douanes. Il pense que les noms des manuels de la
Primaire : Radar, Pilotes, Ailes, Traceurs de piste, etc. ressemblent
plus à des guides d'espionnage qu'à des manuels
d'enseignement religieux. Les dirigeants de la mission n'ont alors
pas de difficulté à démontrer au fonctionnaire
méfiant qu'il s'est heureusement trompé !
17. SONT-ILS
MAÎTRES AUSSI DES ÉLÉMENTS ?
Tahiti,
1964
L'année
1964 voit l'achèvement d'un des projets de construction les
plus importants de l'histoire de la mission de Polynésie
française, l'école élémentaire de
l'Église à Papeete, à Tahiti. Le splendide
bâtiment est terminé et prêt à être
consacré en décembre de cette année-là.
Il comporte dix-sept salles de classe, une bibliothèque, une
grande cafétéria qui peut être convertie en salle
récréative, et une grande salle pour les cours
pratiques (ébénisterie et arts domestiques).
Le
18 septembre 1964, jour de la dédicace de l'école, le
ciel matinal est assombri par d'épais nuages ; Les pluies
torrentielles qui battent Papeete depuis deux jours détrempent
les sièges installés en plein air dans la cour de
l'école pour l'événement.
Beaucoup
de dignitaires locaux, dont des représentants ecclésiastiques
et du gouvernement, attendent sous abri avec la grande foule qui
s'est rassemblée. La dédicace doit commencer à
dix heures du matin. À dix heures moins deux, la pluie
continue à tomber à seaux, mais les saints refusent de
se laisser décourager. C'est un jour merveilleux que l'on
attend depuis longtemps. Beaucoup de personnes présentes
prient silencieusement pour supplier le Seigneur de faire cesser la
pluie.
Tout
à coup, quelques instants avant dix heures, les nuages se
séparent sur une petite superficie juste au-dessus de l'école.
Le président Stone dira à propos de cet événement
mémorable :
«
Les nuages s'ouvrirent directement au-dessus de nous et un rayon de
soleil intense passa et commença à réchauffer
les centaines de chaises qui avaient été installées.
La chaleur fut si immédiate et si forte que nous pûmes
littéralement voir la vapeur s'élever, et les chaises
mouillées furent sèches en quelques minutes.
«
Un prêtre catholique se tourna vers moi et, d'un air incrédule,
demanda : 'Les mormons sont-ils maîtres aussi des éléments
?'
«
Nous pûmes rapidement faire asseoir tout le monde et la réunion
commença avec seulement quelques minutes de retard sur
l'horaire.
«
Habituellement j'accorde peu de crédit à toutes les
histoires de beau temps que j'entends, mais ceci était
vraiment remarquable. Toutes les personnes présentes en furent
témoins. Le ciel était clair et bleu au-dessus du
terrain de l'école, alors qu'il continuait à pleuvoir
tout autour de cet espace limité. »
18. ILS
REGRETTAIENT DE DEVOIR S'EN ALLER
Tahiti
– San Francisco, 1964
Le 3 mai 1964 a lieu le
vol
inaugural de la Pan American Airlines de Tahiti à San
Francisco, et beaucoup d'autorités locales reçoivent, à
titre publicitaire, des billets gratuits. Le président de la
mission de Polynésie française, Thomas Stone, est
invité à prendre l'avion en tant que représentant
de l'Église qui est un client important de Pan Am dans le
monde entier. Il voyage avec un groupe de plus de trente
fonctionnaires du gouvernement français, dont le président
de l'assemblée territoriale, des membres du conseil du
gouveneur et des fonctionnaires des douanes. Ce qui a commencé
comme un voyage aérien sans histoire, se révèle
être la réponse aux prières du président
Stone pour l'amélioration des rapports avec le gouvernement.
Lorsque le charter arrive
à San Francisco, le groupe
est emmené en car faire le tour de la région de la baie
de San Francisco. Le groupe doit visiter l'hôtel Claremont, à
Berkeley, mais voyant qu'ils sont arrivés presque une heure
trop tôt, le président Stone demande si le conducteur du
car peut passer devant le centre interpieux tout proche. C'est un
immense complexe de l'Église desservant neuf pieux de la
région d'Oakland. Il est équipé d'un des plus
beaux orgues de l'Église et a une salle de Sainte-Cène
pouvant recevoir deux mille deux cents personnes.
Le
représentant de la Pan Am ne veut être associé à
aucune confession religieuse mais donne quand même au
conducteur la permission de faire le détour. O. Leslie Stone,
père de Thomas Stone et président du pieu d'Oakland
Berkeley, arrive par coïncidence au même moment que le
groupe. Thomas Stone présente son père aux autorités
gouvernementales et celui-ci invite les visiteurs à voir le
nouveau bâtiment. Ils visitent le centre et entendent un
récital d'orgue improvisé par un organiste
professionnel qui répète en vue d'une prochaine
représentation. Tous les membres du groupe sont impressionnés
par la beauté de la musique et du cadre.
Ils visitent
aussi l'église de la paroisse d'Oakland, qui est à
côté, et constatent qu'il y a beaucoup de salles de
classe vides. Ils demandent pourquoi elles sont vides et à
quoi elles servent. Le nombre de salles de classe construites dans
les églises de Polynésie française a toujours
été une source de préoccupation pour les
autorités françaises, qui ne sont pas convaincues que
les classes ne servent qu'à des fins religieuses. Le président
Stone explique que les classes sont vides parce qu'elles sont
exclusivement utilisées pour l'enseignement religieux du
dimanche.
Le groupe se rend alors
dans la salle de Société
de secours où la Société de secours de la
troisième paroisse d'Oakland tient une réunion de
témoignages. Les autorités gouvernementales se disent
intéressées par la réunion. Elles sont alors
invitées à y participer et, grâce à un
traducteur, entendent les témoignages rendus ce jour-là.
À la fin de la réunion, le porte-parole du groupe
demande à pouvoir dire quelques mots avec l'aide d'un
traducteur. Le président Stone et son père entendent
cette autorité supérieure du gouvernement dire aux
femmes :
« Je voudrais m'excuser
d'avoir
interrompu cette belle réunion. Nous avons été
extrêmement impressionnés par ce que nous avons vu en ce
bel endroit. Nous avons eu l'occasion d'écouter un beau
récital d'orgue et maintenant de vous entendre exprimer du
fond du coeur vos sentiments vis-à-vis de vos croyances. Cela
a eu un effet très profond sur mon âme. Je tiens à
ce que vous sachiez combien nous sommes reconnaissants d'avoir des
représentants de votre Église en Polynésie
française. Ils enseignent de merveilleux principes, notamment
la Parole de sagesse, qui est bonne pour nos jeunes... »
Avant
la fin de la visite, O. Leslie Stone invite le car tout entier
d'autorités venues de Tahiti à passer devant le temple
d'Oakland, alors en construction, et à s'arrêter
brièvement à la maison familiale des Stone à
Piedmont. Le temple impressionne encore davantage le groupe. Soeur
Stone salue chaque membre du groupe comme s'il était un ami
qu'elle n'avait plus vu depuis longtemps. Le président Stone
dira : « Ma mère les a embrassés à la
française sur les deux joues et leur a fait une vraie fête !
Ils regrettaient de devoir s'en aller. »
Pour Thomas
Stone, cette expérience avec les autorités tahitiennes
à San Francisco est véritablement une réponse à
ses prières, car les autorités ont vu l'Église
en action aux États-Unis. Grâce à cette
expérience, les autorités françaises changent
par la suite d'attitude. Le nombre de visas missionnaires augmente
légèrement et, chose plus importante, les restrictions
imposées au programme de construction de l'Église sont
levées. La permission de construire l'église de
llpaerui est accordée, salles de classe y compris.
Le
président Stone dira : « Tout ce que nous
essayions de dire aux autorités depuis des années, ils
le virent de leurs propres yeux en Californie. Je n'avais plus besoin
de dire quoi que ce soit. » Pendant tout le reste de son
service à Tahiti, il aura des rapports cordiaux avec ce groupe
d'autorités gouvernementales.
19. L'ÉPOPÉE
MÉMORABLE DES MAMA RUAU
Tahiti,
années 1960
Un
des groupes artistiques les mieux connus qui sont créés
à l'occasion de soirées musicales et de représentations
artistiques sur des navires de ligne océaniques est le Pupu
Mama Ruau, qui signifie littéralement le « chœur
des grands-mères ».
La
réputation des Mama Ruau mormones, chanteuses et danseuses, se
répand dans toute la Polynésie française et
au-delà. On leur demande de se produire devant les autorités
gouvernementales et les dirigeants locaux de la collectivité.
Le
chœur reçoit un jour en paiement trois cents dollars
pour se produire devant un groupe de touristes et poser pour des
photos. En juin 1964, le Pupu Mama Ruau part en bateau pour une
tournée de dix jours dans les îles Sous-le-Vent. Elles
se produisent devant plus de deux mille cinq cents spectateurs à
Huahine, Raïatea, Tahaa et Bora Bora et sont reçues avec
enthousiasme et appréciation. Lors des festivités de
juillet de 1964, les Mama Ruau gagnent un prix de trente mille francs
et une mention spéciale pour leur remarquable représentation.
Les « grands-mères chanteuses » se produisent dans
des hôpitaux, dans la colonie lépreuse et à bord
du porte-avion français Foch devant trois mille soldats. Elles
se produisirent également en plusieurs autres occasions pour
l'armée française.
En
octobre 1965, Hugh Downs, la personnalité de la télévision
américaine, et sa femme, rendent visite à la mission
pour écouter le célèbre Pupu Mama Ruau. Ils sont
favorablement impressionnés par le programme et par l’œuvre
de l'Église en général en Polynésie
française. En janvier 1966, le Pupu Mama Ruau enregistre un
disque avec un musicien local populaire, Eddie Lund. L'argent de la
vente du disque va au fonds de construction de la mission.
En
septembre 1966, les Mama Ruau sont invitées à
participer aux festivités organisées lors de la visite
du président de Gaulle. Le 10 septembre 1966, le groupe se
produit devant Madame de Gaulle à la résidence du
gouverneur Sicurani à Punaauia. Après la
représentation, le chœur ainsi que le président
et sœur Karl Richards ont l'honneur de rencontrer Madame de
Gaulle.
Au
cours du même mois, six des Mama Ruau et le président de
mission, Karl Richards, sont invités à la télévision.
Le président les présente brièvement et annonce
la prochaine grande soirée musicale, puis elles font une
démonstration de leurs talents devant les caméras. Nous
sommes alors dans les premiers temps de la télévision
en Polynésie française, et c'est une expérience
merveilleuse pour celles qui peuvent y prendre part.
Le
point culminant des représentations du groupe a lieu un an
plus tard, après un autre spectacle remarquable devant
l'armée. Le 22 septembre 1967, vingt-trois des Mama Ruau
partent pour les États-Unis. Elles se produisent à
Disneyland, où elles ont un succès fantastique. De là,
elles se rendent à Salt Lake City, où elles se
produisent pour la conférence de la Société de
secours au moment de la conférence générale.
Elles se produisent dans toute la vallée du lac Salé,
invitées par les anciens missionnaires de Tahiti et d'autres
qui ont des liens avec la Polynésie française. Leurs
représentations en Utah sont accueillies avec enthousiasme, et
ceux qui ont la chance de les voir peuvent sentir l'esprit
merveilleux qui les anime.
Le
groupe retourne triomphalement à Tahiti, débordant
d'enthousiasme pour sa tournée de concerts américaine
et sa réputation croissante.
En
1968, la popularité et la célébrité des
Mama Ruau mormones suscite tant d'intérêt parmi les
sœurs tahitiennes que le groupe originel, dirigé par le
district, ne peut recevoir toutes celles qui veulent en faire partie.
Des conflits ont lieu au sujet de la participation et de la direction
du groupe. Sur la recommandation des dirigeants de la prêtrise,
le groupe de district est dissous et chaque branche est invitée
à former le sien. Ces groupes de Tahitiennes d'âge mûr,
chantant et dansant, seront toujours le clou des soirées
culturelles (ou fariiraas) devant les autorités de l'Église
en visite. Les groupes de Mama Ruau resteront populaires pendant des
décennies.
20. SON
CHEVAL LUI SERT D'YEUX
1964
En juillet 1964, Thomas
Stone, président de la mission
de Polynésie française, organise un séminaire
pour tous les dirigeants de prêtrise de la mission. Même
le président de la branche de Noumea, Teahu Manoi, fait le
voyage de Nouvelle Calédonie pour y assister. Est également
présent Temariiata Hauata, ancien de la branche de Mahu à
Tubuai. À cette occasion, le président Stone honore
frère Hauata pour ses cent pour cent de présence depuis
plus de vingt ans à la réunion de Sainte-Cène et
à l'École du dimanche. C'est en soi remarquable, mais
ça l'est encore davantage quand on sait que frère
Hauata est presque totalement aveugle et habite loin de l'église.
Chaque dimanche, ainsi
que pour les réunions de
l'Église tenues en semaine, son cheval lui sert d'yeux et tire
un grand chariot à deux roues sur les cinq kilomètres
qui le séparent de l'église, le long d'une route
sablonneuse et en passant un pont étroit et précaire.
Frère Stone annonce : « Nous admirons et
félicitons frère Hauata pour sa persévérance
à observer le commandement du Seigneur de respecter le jour du
sabbat. »
21. LA
VISITE DU PRÉSIDENT DE GAULLE
Tahiti,
1966
En
septembre 1966, tout Tahiti est en effervescence à cause de la
visite du président de Gaulle. Soeur Richards, épouse
du président de mission, raconte :
« Ainsi,
c'est ça Papeete, quand elle est propre ! Les rues sont
balayées, les jardins entourant les maisons ont été
ratissés et nettoyés. Je ne vois pas de boîtes de
conserve ni de papiers traîner partout : je n'arrive pas à
y croire ! Voici des semaines qu'ils se préparent pour la
visite de de Gaulle, installant des lampes dans la rue..., peignant
les marches du bureau de poste, nettoyant les vieux bâtiments
et rafraîchissant les nouveaux. Les terrains vagues ont tous
été débarrassés. J'ai observé tout
cela avec beaucoup d'intérêt, mais en voyant aujourd'hui
le résultat, j'ai eu une surprise. Je n'aurais jamais cru que
l'amélioration serait si importante. Aujourd'hui, on pourrait
dire : Papeete, la Belle ! »
Soeur
Richards est invitée à s'asseoir à la tribune
des femmes pour la parade en l'honneur du président de Gaulle.
Elle raconte :
« Le
soleil brille, il fait chaud mais pas trop, l'humidité est
faible, les fleurs luxuriantes, il y a de l'excitation dans l'air.
Les drapeaux flottent, les fanfares jouent et voilà le
président de Gaulle dans sa décapotable avec son
entourage qui descend l'avenue… De Gaulle est un homme grand
aux épaules carrées, il se tient droit, les épaules
redressées avec une belle attitude militaire... Il est très
gentil, très cordial, les gens réagissent avec de
grandes acclamations… Les écoliers défilent
fièrement, représentant leurs différentes
écoles, les écoles publiques, catholiques,
protestantes ; et l'école mormone est représentée
par cent jeunes souriants... Les athlètes font une belle
démonstration, mais quand je vois nos scouts mormons... et nos
guides défiler avec une si belle allure avec leurs bannières,
l'émotion m'étreint ; je sens la lourde responsabilité
qui repose sur les dirigeants de toutes les nations et je prie pour
eux avec ferveur. »
Pendant
la visite du président
de Gaulle, le président Richards a l'occasion de rencontrer le
général et sa femme et reçoit beaucoup de
compliments pour la beauté des propriétés de
l'Église. La visite de de Gaulle est enthousiasmante pour tous
les Tahitiens. Elle suscite un sentiment de patriotisme et renforce
les sentiments positifs que les membres de l'Église ont
vis-à-vis du gouvernement français.
C'est
pendant cette période que commencent les visites annuelles des
inspecteurs du gouvernement français (la Sûreté
ou Bureau des
renseignements généraux)
au siège de la mission, visites qui
se poursuivront longtemps. Le but de ces visites est d'informer le
gouvernement des activités et des programmes de l'Église.
Ces entretiens sont de nature amicale et placés sous le signe
de la coopération plutôt que d'être une forme
d'interrogatoire ou d'enquête. Karl Richards coopère à
ces visites et fait beaucoup pour diminuer les inquiétudes
entretenues par le gouvernement pour qui l'Église était
considérée comme un instrument de la diffusion de
l'américanisme.
22. UN
SENTIMENT DIFFICILE À EXPLIQUER M'ENVAHIT
Tubuai,
îles Australes, 1972
En
1972, Yves Perrin, un Français converti quelques années
plus tôt, est jeune missionnaire en Polynésie française.
Il sert comme assistant du président de mission lorsqu'il vit
l'expérience suivante. Il raconte :
Lorsqu'il
m'appelle dans son bureau au début de mai 1972, le président
de mission, Karl M. Richards, m'explique que la présidence du
district des Australes doit être réorganisée. Le
district est sans président depuis plusieurs mois et le moment
est venu d'organiser une conférence de district. Comme il a
relevé ses deux conseillers en vue de l'organisation du
premier pieu à Tahiti, je suis son assistant pour les membres
et son conseiller dans la présidence de mission. Il me demande
de prendre des réservations sur le bateau pour nous permettre,
à lui et à moi, de nous rendre à Tubuai, et il
me donne aussi pour tâche de préparer l'ordre du jour et
le programme de la conférence de district.
Au
cours des quelques jours qui suivent, je travaille aux préparatifs
du voyage et de la conférence. Rien n'est simple. Les horaires
de bateau sont erratiques. Contacter les dirigeants de Tubuai est une
entreprise, car, à l'époque, il n'y a pas de téléphone,
et je dois avoir recours au radio-téléphone. À
cause des parasites constants, poser des questions est une épreuve
et comprendre les réponses revient presque à lire dans
la pensée ! Au bout de plusieurs jours d'immersion totale dans
la planification, le programme est mis au point et la conférence
organisée à la grande joie des saints de Tubuai.
Étant
donné qu'à l'époque l'île n'est pas
desservie par des lignes aériennes, le seul contact avec le
monde extérieur est le bateau. L'arrivée du bateau est
donc une source de grande excitation. C'est le lien économique
avec le monde extérieur. La population reçoit ce dont
elle a besoin en matière de confort moderne et envoie ses
produits pour les vendre à Tahiti. Lorsqu'un bateau est à
quai, c'est le moment où l'on échange les nouvelles et
où les habitants de l'île s'occupent à charger et
à décharger la nourriture et les produits de base.
Bref, tout le monde est occupé, car le bateau ne vient qu'une
fois par mois et ne reste habituellement qu'un jour ou deux.
Comme
il n'y a pas de service fréquent avec Tubuai, le président
Richards et moi-même ne disposons que d'un temps limité
pour faire ce que nous avons à faire. Nous devons remonter à
bord pour le voyage de retour à Tahiti, sinon nous devons
rester un mois à Tubuai. En outre, nous nous rendons compte
qu'aller à une réunion de l'Église pendant qu'un
bateau est à quai exige des sacrifices. Nous limitons la
conférence de district à une heure.
Deux
jours avant notre départ, le président Richards reçoit
un appel urgent du dirigeant missionnaire de Nouvelle-Calédonie
demandant de venir le plus rapidement possible pour résoudre
de graves problèmes. Le président Richards me demande
de venir à son bureau et m'apprend qu'il doit aller en
Nouvelle Calédonie. Étant donné que la
conférence est planifiée et que les saints de Tubuai
l'attendent, il estime qu'il ne faut pas la remettre à plus
tard. Il me dit d'emmener mon collègue, Bruce Lindsay, à
Tubuai, pour appeler un nouveau président de district et tenir
la conférence comme prévu. Il me donne aussi des
instructions sur la façon de faire les entretiens, les appels
et les mises à part.
Il
examine avec moi la liste des dirigeants de prêtrise à
Tubuai et choisit un frère qu'il estime avoir les
qualifications pour être un bon président de district.
Il me dit toutefois qu'en ma qualité de conseiller dans la
présidence de la mission, j'ai toute l'autorité et les
clefs nécessaires pour comprendre les chuchotements de
l'Esprit et pour donner l'appel.
Après
cette discussion, je me rends dans ma chambre, me sentant accablé
par cette importante responsabilité qui m'est donnée à
un âge aussi jeune et en ayant aussi peu d'expérience
dans l'Église. J'ai 22 ans et je ne suis converti que depuis
quelques années. Néanmoins, j'apprécie les
recommandations que le président Richards me fait et je suis
reconnaissant de la confiance qu'il m'accorde. Je fais de nombreuses
prières ferventes au Seigneur pour qu'il m'aide dans cette
tâche difficile.
Après
que le départ a été retardé, le Tuhaa Pae
quitte le port de Papeete le 30 mai 1972. Il s'arrête dans les
îles de Rimatara et de Rurutu avant d'atteindre Tubuai. La mer
n'est pas commode et Elder Lindsay et moi avons le mal de mer pendant
le voyage. Lorsque nous arrivons à Tubuai, on croirait que la
population tout entière de l'île est sur le quai. Les
membres nous accueillent à la polynésienne avec des
heis de fleurs.
Nous
nous rendons rapidement à l'église la plus proche, où
l'un des présidents de branche a prévu les entretiens
de prêtrise. Nous n'avons qu'une heure et demie pour faire une
vingtaine d'entretiens. Nous nous mettons en devoir, Elder Lindsay et
moi, de parler avec les dirigeants de prêtrise des trois
branches de l'île, tous habillés comme pour le dimanche
en ce jour d'activité profane intense dans leur île.
Après
avoir terminé les entretiens, nous nous agenouillons pour
prier et demander au Seigneur si le frère recommandé
par le président Richards est celui qu'il a choisi pour
diriger le district. Lorsque nous nous relevons, il nous suffit de
nous lancer mutuellement un coup d’œil pour confirmer ce
que nous avons ressenti dans notre cœur. Ce n'est pas lui qui
doit être le prochain président de district.
À
ce moment-là, il y a un vide total dans mon cœur et dans
mon esprit. Je suis tellement certain que la recommandation du
président Richards serait la bonne que je ne sais tout
simplement pas ce qu'il faut faire. Il est possible que, certain que
le nom recommandé serait correct, je n'aie pas ouvert mon cœur
plus tôt aux chuchotements de l'Esprit. Nous décidons de
revoir certains des frères, mais nous tombons à court
de temps.
L'église
est déjà remplie et le moment de commencer la
conférence de district est arrivée. Après deux
ou trois entretiens, nous décidons de commencer la réunion
et de retourner à Tahiti pour faire rapport au président
Richards que nous n'avons pas mené notre tâche à
bien, mais qu'au moins nous n'avons pas commis l'erreur d'appeler un
homme qui ne convenait pas.
Elder
Lindsay dirige la réunion et je m'assois sur l'estrade avec
lui. Après le cantique et la prière d'ouverture, il se
lève pour annoncer le premier orateur et le cantique par
l'assemblée. Tous les membres sont intrigués car ils
savent que le soutien des officiers précède le premier
discours. Tout le monde s'attend à ce que l'on soutienne une
nouvelle présidence de district, mais au lieu de cela, il y a
un discours. En pensant aux difficultés pratiques de
l'organisation de cette conférence, je comprends que je ne
peux pas retourner à Tahiti sans avoir mené à
bien la tâche que mon président de mission m'a confiée.
Mon
cœur est en prière et je sens aussi le soutien et les
prières de mon collègue. Je supplie le Seigneur de
venir à mon aide et de me guider. Au milieu du cantique chanté
par l'assemblée, mes yeux tombent sur un frère appelé
Apia Harevaa, et un sentiment impossible à expliquer
m'envahit. Je sais à ce moment-là que le Seigneur a
choisi Apia Harevaa pour être le prochain président de
district. Je me retourne vers mon collègue et me rends compte
qu'il a reçu au même moment le même sentiment. Je
lui chuchote mon sentiment et il le confirme.
Suivi
des yeux par toute l'assemblée, je me lève et quitte
l'église. De l'extérieur de l'église, je fais
signe à frère Harevaa de sortir. Le regardant droit
dans les yeux et sans qu'il me reste l'ombre d'un doute, je lui dis :
« Frère Harevaa, le Seigneur veut que vous soyez le
président du district des Australes. Acceptez-vous cet appel ?
» Avec une grande modestie, il répond oui. Je lui dis
qu'il n'a que quelques minutes pour nommer ses conseillers, ce qu'il
fait immédiatement : Ils sont, eux aussi, invités à
sortir de la salle et acceptent leur appel sans hésitation.
Les trois hommes sont présidents de branche. En quelques
minutes, nous sommes tous revenus à nos sièges.
La
réunion est aux trois-quarts lorsque je me lève pour
demander un vote de soutien pour les membres de la nouvelle
présidence de district. Ceux-ci rendent brièvement leur
témoignage avant mon bref discours et la réunion est
terminée. Lorsque Elder Lindsay et moi avons mis à part
la nouvelle présidence du district des Australes, le moment
est venu pour le bateau de quitter Tubuai. Nous montons à
bord, reconnaissants au Seigneur de nous avoir permis de mener à
bien notre tâche. Les années qui suivront, frère
Harevaa remplira fidèlement sa tâche de président
de district.
23. DE
NOMBREUX NON-PRATIQUANTS REDEVIENNENT PRATIQUANTS
1975
Depuis
les débuts de l'histoire de l'Église en Polynésie
française, un des principaux obstacles au baptême sera
le fait que les couples tahitiens vivent en dehors des liens sacrés
du mariage, y compris souvent parmi les membres de l'Église,
ce qui créera des problèmes difficiles aux officiers
présidents.
C'est
ainsi qu'en 1975, vers la fin de sa mission, Joseph Childers,
président de mission, se sent obligé de visiter chaque
branche de la mission et d'appeler au repentir ceux qui vivent en
infraction avec la loi du Seigneur. Sa première visite à
chaque branche est pour expliquer la signification et le
fonctionnement d'une commission disciplinaire de l'Église et
la façon dont on l'utilise pour être une bénédiction
dans la vie des membres. Par la suite, il rend visite aux branches et
organise soixante-deux commissions disciplinaires, donnant à
ceux qui vivent dans une situation irrégulière trois
mois pour se marier.
Sur
les soixante-deux commissions disciplinaires tenues à
l'origine, seulement cinq donnent lieu à une excommunication.
Le président Childers estime que ses efforts sont extrêmement
positifs. Il dit que « un bon esprit fut ressenti dans toute la
mission et l'effet fut que beaucoup de non-pratiquants redevinrent
pratiquants. »
Le
temps où les membres de l'Église de Polynésie
française, souvent totalement isolés des dirigeants
ecclésiastiques, vivaient comme ils le voulaient, est alors
révolu. Tous dans l'Église comme à l'extérieur
comprennent dès lors parfaitement que pour être membre
de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours, il faut accepter et vivre certaines obligations et certains
engagements.
Il
est intéressant de constater comment l'histoire se répète
: Les mêmes mesures que celles prises par le président
Childers envers les saints polynésiens avaient été
prises par le prophète Alma avec les mêmes conséquences,
comme en témoigne le Livre de Mormon :
«
Et il arriva qu'Alma alla juger ceux qui avaient été
pris dans l'iniquité, selon la parole du Seigneur. Et ceux qui
se repentirent de leurs péchés et les confessèrent,
il les compta parmi le peuple de l'Église ; et ceux qui ne
voulurent pas confesser leurs péchés et se repentir de
leur iniquité, ceux-là ne furent plus comptés
parmi le peuple de l'Église, et leur nom fut effacé.
«
Et il arriva qu'Alma gouverna toutes les affaires de l'Église
; et ils recommencèrent à avoir la paix et à
prospérer extrêmement dans les affaires de l'Église,
marchant avec circonspection devant Dieu, en recevant beaucoup et en
baptisant beaucoup. » (Mosiah 26:34-37)
24. L'ÎLE
OUBLIÉE
Taenga,
1976
Quelques
jours seulement avant la première conférence
interrégionale de Tahiti avec la participation du président
de l'Église, Spencer W. Kimball, un groupe de plus de
cinquante personnes se présente au bureau de la mission de
Tahiti Papeete. Le président de mission, Raymond Baudin,
connaît bien les saints des divers groupes d'îles de la
Polynésie française, mais il ne connaît aucune de
ces personnes.
Il
suppose que c'est un groupe d’amis de l’Église qui
souhaite assister à la conférence. Ils se présentent,
disant qu'ils habitent Taenga, dans les îles Tuamotu, et disent
qu'ils sont saints des derniers jours. Le président Baudin
n'est pas informé que des membres de l'Église vivent
dans cette île, et il n'a aucun certificat de membres
concernant des personnes vivant là-bas. Mais on lui dit que
presque toute la population de Taenga est membre de l'Église
et que tous les habitants de Taenga ont fait les trois jours de
voyage à Tahiti par voilier pour voir Spencer W. Kimball, le
prophète du Seigneur !
Bien qu'il soit difficile
de
comprendre comment on a pu perdre de vue une île tout entière
de membres de l'Église, il faut noter que les années
précédentes, les membres de l'Église avaient
émigré et s'étaient déplacés dans
les Tuamotu, ce qui avait compliqué la tenue des registres. En
outre, l'île de Taenga, qui compte alors une population de
moins de cent personnes, n'est pas une des îles les plus
prospères des Tuamotu. Elle n'a pas été touchée
par l'essor économique des îles voisines. Et pendant des
décennies après cet événement, Taenga
n'aura ni aérodrome ni communications téléphoniques
avec le monde extérieur et, sans service régulier par
bateau, les déplacements avec cette île resteront
difficiles.
Les membres fidèles de
Taenga expliquent
que la dernière visite qu'un président de mission leur
a faite est celle de Joseph R. Reeder à la fin des années
1950. Au cours des quinze années suivantes, les dirigeants de
mission de Tahiti ont perdu la trace de la petite branche de Taenga.
Bien que la branche ait fini par ne plus fonctionner officiellement
et que les réunions ne se tiennent que de manière
informelle, les membres ont conservé leur foi. Ils continuent
à entretenir l'église vieillissante de 6 mètres
sur 9 construite en 1931. « Nous avons toujours vécu
l'Évangile du mieux que nous pouvions », dit sœur
Teuruhei Buchin du groupe de Taenga. Frère Kaheke Temanu
explique qu'il a la foi qu'un jour la petite île recevra la
visite du président de mission. Il a même construit une
petite résidence dans l'île dans le seul but de recevoir
le visiteur espéré. Il n'est donc pas surprenant que
lorsque ces membres inébranlables ont appris, on ne sait
comment, qu'un prophète du Seigneur venait à Tahiti,
ils aient été poussés à faire le
difficile voyage, en amenant avec eux des cadeaux artistiquement
ouvragés, preuve de leur amour et de leur respect pour les
offrir au président Kimball.
Peu après la
conférence interrégionale et le retour des saints de
Taenga dans leur île, le président Baudin fait cette
visite longtemps attendue à Taenga. Pendant qu'il est là-bas,
il réorganise une branche de l'Église dans l'île.
Il appelle comme président de branche Kaheke Temanu et loge
dans la maison que ce dernier a construite pour cette occasion tant
attendue. Puis des missionnaires sont envoyés à Taenga.
Lorsque la branche se
remet à fonctionner
officiellement, les membres retournent aux réunions et dix
convertis sont baptisés. Lorsque dix ans plus tard, en 1986,
une nouvelle église est consacrée, sept personnes
seulement ne sont pas membres de l’Église sur les
soixante-seize habitants de Taenga.
L’histoire de
l’Église nous apprend que l’île de Taenga
n’en était pas à sa première expérience
de longue autonomie sans émissaires de l’Église :
Le 1er mai 1845, Benjamin Grouard, premier missionnaire envoyé
en Polynésie française, arrive sur l'atoll voisin
d'Anaa et sur une période de cinq mois baptise près de
620 personnes et organise plusieurs branches. Il se rend également
à Taenga et convertit la population. En 1852, le gouvernement
français interdit le prosélytisme dans les Tuamotu,
protectorat qu'il vient d'acquérir. L’interdiction dure
20 ans pendant lesquels les saints locaux sont sans contact avec
l'Église. Ils continuent tout seuls à faire connaître
l'Évangile. Ils font œuvre missionnaire dans presque
tous les atolls de la partie occidentale de l'archipel et réussissent
à convertir un nombre considérable d'habitants.
25.
PAUL
COUSSERAN, HAUT COMMISSAIRE
Tahiti,
1980
Le 11 avril1980, Jean Juventin, maire de Papeete, et
vingt autres dignitaires locaux font une visite officielle au nouveau
centre de pieu. Cinq jours plus tard, le 16 avril1980, le centre de
pieu de Papeete est inauguré en présence de deux mille
personnes. Monsieur Paul Cousseran, haut commissaire, chef du
territoire de la Polynésie française, connaît
bien l'histoire et les dirigeants de l'Église et exprime
l'attitude du gouvernement :
« Vous célébrez
cette année le cent cinquantième anniversaire de la
fondation de votre Église…
« Les
îles du Pacifique sud et notamment la Polynésie ont été
très vite l'un de vos champs d'action privilégiés…
« L'arrivée de votre communauté se
situe à Tubuai, puis à Tahiti puis, en 1845, dans les
Tuamotu…
« 1845, c'est donc deux ans avant
l'installation définitive dans l'Utah de la communauté
religieuse mormone...
« En Polynésie, grâce
à la tolérance et à l'ambiance de pluralisme
religieux qui caractérise ce pays, votre Église s'est
normalement développée avec l'aide et la participation
de jeunes missionnaires essentiellement américains. Grâce
à leur effort incessant, grâce à l'appui matériel
des communautés religieuses américaines, vos effectifs
ont progressé pour atteindre 6500 fidèles. Ce chiffre
rapporté à la population de la Polynésie montre
le succès que vous avez remporté ici, bénéficiant
pleinement du principe de liberté religieuse...
« Je
suis venu vous exprimer le respect et l'amitié des pouvoirs
publics tant français que polynésiens. Nous n'ignorons
pas l'influence bienfaisante que vous exercez sur vos fidèles...
« Nous apprécions enfin la réserve
dont vous savez faire preuve à l'égard de ce qui n'est
pas l'expression de votre foi et l'accomplissement de votre mission
évangélique. Même si certains de vos membres ont
des positions militantes et affirmées sur le plan politique et
c'est leur droit absolu tant qu'ils respectent les lois de la France
et du Territoire, je sais que vous veillez scrupuleusement à
ce que votre Église et votre communauté ne dévient
pas de leur but. C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics
conserveront, j'en suis sûr, avec l'Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, des relations
cordiales et confiantes. »
26. ELLE
COMPREND QU'ELLE EST EN TRAIN DE RECEVOIR UNE
BÉNÉDICTION DE LA PRÊTRISE
Tahiti-Paris,
1982
En
1982, Augusta Manoi, une sainte des derniers jours tahitienne, mère
de famille, commence à souffrir de maux de tête. Pensant
que c'est à cause du soleil, elle se met à faire son
travail de jardinage au foyer de la mission tôt le matin. Mais
la douleur ne diminue pas et devient si violente qu'elle a du mal à
faire son travail.
Quand
elle commence à perdre la vue d'un œil, elle va
finalement consulter un médecin et elle apprend qu'elle a une
tumeur au cerveau. On l'opère à Tahiti, mais on ne
réussit pas à enlever toute la tumeur. Au bout de deux
mois, l'enflure au-dessus de son œil augmente et ses symptômes
physiques empirent. On décide que, sans intervention, elle n'a
plus que quelques mois à vivre. Si on l'opère en
France, où on pourra lui apporter des soins médicaux
encore meilleurs, elle a, lui dit-on, une mince chance de survivre à
une opération au cerveau. Mais on lui dit qu'elle doit prendre
sa décision immédiatement. La sécurité
sociale française lui donne la possibilité de prendre
cette décision sans tenir compte des contraintes financières.
Ses
dépenses seront couvertes, y compris le voyage en France. Elle
raconte : « En apprenant cela, ma première pensée
ne fut pas de me demander si j'allais survivre. Ce fut que je ne
pourrais pas assister à la consécration du temple. »
En
septembre 1983, juste un mois avant la consécration du temple
de Tahiti, Augusta Manoi quitte son mari et ses trois fils, ne
sachant pas si elle les reverra, déçue de ne pas avoir
été scellée à eux avant son départ.
Néanmoins, en dépit du tableau sombre que lui ont
dépeint ses médecins, Augusta a la foi que le Seigneur
lui accordera ce qu'elle désire de juste. Elle a le sentiment
qu'elle pourra aller au temple avant sa mort.
C'est
une expérience effrayante et marquante pour Augusta de quitter
sa famille et de prendre l'avion pour un pays étranger. Elle
n'est encore jamais sortie de Polynésie française et
elle ne parle qu'un mauvais français. Elle prie pour avoir de
l'aide et du réconfort pour affronter les difficultés
qui l'attendent.
On
l'amène directement dans un hôpital à Paris. La
date de l'opération est fixée, mais avant de la subir,
Augusta souhaite avoir une bénédiction de la prêtrise.
Elle peut finalement contacter Charles Cuenot, un membre de l'Église.
Celui-ci se rend à l'hôpital avec deux autres détenteurs
de la prêtrise pour lui faire l'imposition des mains. Elle
parle à ces frères du grand désir qu'elle a de
survivre à l'opération pour pouvoir retourner à
Tahiti et être scellée à sa famille dans le
temple. Ils lui donnent une puissante bénédiction dans
laquelle il lui est promis qu'elle retournera dans sa famille à
Tahiti. Dès que la bénédiction est terminée,
on la transporte en salle d'opération.
Le
chirurgien est surpris de voir sa patiente survivre à la
première opération. Quinze jours plus tard, l'équipe
chirurgicale accomplit une greffe osseuse, prenant un morceau d'os
dans sa hanche pour remplacer le morceau d'os qu'ils ont dû
enlever de son crâne.
La
première chose dont sœur Manoi se rappelle après
l'opération, c'est d'être seule dans sa chambre
d'hôpital, souffrant considérablement. Elle raconte : À
cause de la greffe prélevée sur ma hanche, je ne me
pouvais pas bouger. J'étais toute seule et découragée.
Tout ce que je pouvais faire pour me consoler, c'était de
prier pour avoir de l'aide. »
À
la fin de sa prière, elle voit trois personnages habillés
de blanc. Un personnage se tient de chaque côté de son
lit et le troisième se tient au pied de son lit, les bras
levés au-dessus d'elle. Les deux qui sont à ses côtés
posent doucement les mains sur sa tête. Elle comprend qu'elle
reçoit une bénédiction et écrira plus
tard :
«
Je sentis une chaleur pénétrer tout mon être,
depuis ma tête jusqu'à mes pieds ; mais je n'entendis
pas leur prière. Je fermai les yeux. À la fin de la
bénédiction, le personnage qui était à ma
gauche me fit un signe d'adieu avant de disparaître comme ses
deux compagnons. Je passai une nuit paisible. Le lendemain matin, le
médecin fut étonné de mon bon état de
santé. Je lui demandai comment l'opération s'était
passée. Il me dit : 'Ici, les patients qui ne vont pas bien ne
se réveillent plus. Pendant votre opération, votre
visage était complètement déformé et
paralysé d'un côté. Mais c'est incroyable. Vous
vous en êtes très bien sortie.'
Augusta
reste six mois à l'hôpital de Paris, subissant des
rayons, de la chimiothérapie et de la rééducation.
Lorsqu'elle arrive à Tahiti, elle va au temple avec sa famille
et reçoit la bénédiction qui a soutenu son
espérance.
27.
IL
LUI PROMET QU'ELLE AURA UN ENFANT
Tahiti,
1982
En
ce dernier jour de classe, avant que les portes de l'école
primaire de l'Église ne se referment définitivement,
l'émotion est forte. La fermeture de l'école coïncide
avec l'arrivée de James E. Faust, du Collège des Douze,
chargé de diviser le pieu de Papeete Tahiti. Il assiste au
banquet de clôture du personnel de l'Église organisé
dans une des classes d'étage de l'école. Il salue les
employés et les remercie cordialement des années de
services qu'ils ont rendues. Ensuite il leur demande de se lever pour
lui être présentés.
Après
le repas, frère Faust prend à part frère Perrin,
directeur de l'école et manifeste un intérêt
particulier pour Anne-Marie Delawarde Ruffier-Meray, employée
à l'école depuis des années. « Parlez-moi
d'elle », demande-t-il.
Frère
Perrin lui dit qu'Anne-Marie, d'origine française, travaille à
l'école depuis quinze ans. Elle a été
institutrice puis conseillère consciencieuse et dévouée
à l'école, prenant souvent sur son temps pour aider les
élèves qui ont eu besoin d'une attention particulière.
Elle a toujours manifesté la capacité exceptionnelle
d'aimer les enfants confiés à sa tutelle et de
s'occuper d'eux. En 1976, elle a épousé Stéphane
Ruffier-Meray, l'actuel évêque de la paroisse de Papeete
4. En six ans de mariage, le couple n'a pas réussi à
avoir d'enfant. Les médecins ont dit à Anne-Marie que
ses chances d'avoir des enfants sont limitées, et ils lui ont
conseillé en dernier recours de subir une opération.
Outre les problèmes médicaux, sa situation est
compliquée par son âge : Elle a quarante ans.
Frère
Faust dit alors qu'il souhaite lui donner une bénédiction.
Dans sa bénédiction, il dit qu'elle est comme Sara
autrefois, étant donné qu'elle est à la limite
d'âge pour avoir des enfants. Il lui promet néanmoins
que, comme Sara, elle aura un enfant en bonne santé et qu'elle
aura la santé et la force nécessaires pour s'occuper de
lui.
Ainsi,
un apôtre du Seigneur s'est senti poussé à
promettre à cette sœur que le plus grand désir de
son cœur lui sera accordé, et cela en dépit du
fait qu'elle ne lui a jamais demandé pareille bénédiction.
Soeur
Ruffier-Meray raconte :
«
Je fus totalement surprise lorsque frère Perrin me dit
qu'Elder Faust voulait me donner une bénédiction. Je
n'en avais pas demandé et je ne savais pas qu'Elder Faust
avait parlé de moi à frère Perrin. Quand il fit
cette merveilleuse promesse, je fus remplie de reconnaissance et
aussi de foi. En fait, ma foi était si grande que je
n'éprouvais plus le besoin de subir l'opération
recommandée par les médecins. Nous en discutâmes
toutefois après la bénédiction, et Elder Faust
nous dit que le Seigneur attend de nous que nous fassions tout ce que
nous pouvons en plus d'avoir la foi. Quelques semaines plus tard, je
subissais l'opération. »
Une
fois l'école fermée, les Ruffier-Meray quittent Tahiti
et trouvent un emploi en Nouvelle-Calédonie. L'année
s'écoule, Anne-Marie avance en âge, et aucun bébé
ne vient. Ceux qui sont au courant de la bénédiction
qu'elle a reçue commencent à douter, mais pas
Anne-Marie. Une année se passe encore et sa foi continue à
être forte. Si un apôtre lui a dit qu'elle aura un
enfant, elle aura un enfant, et l'opinion des experts médicaux
ne diminuent pas sa foi.
On
peut imaginer leur émotion lorsque, plus de trois ans après
la bénédiction de frère Faust, des amis de
Tahiti sont avisés de la naissance de Samantha Ruffier-Meray.
Elle est née le 28 septembre 1985 en parfaite santé et
sans complications. Sa mère a quarante-trois ans.
«
Nous l'appelâmes Samantha parce que c'est le féminin de
Samuel. Samuel, le prophète, naquit d'Anne, femme stérile
d'un certain âge, en réponse à ses prières.
C'est ainsi que Samantha nous fut donnée. Son nom, c'est notre
manière de remercier le Seigneur pour cette grande
bénédiction, et, comme Anne, nous avons promis d'élever
notre fille dans l'amour et le service du Seigneur. »
En
avril 1993, Stéphane et Anne-Marie Ruffier-Meray assistent à
une conférence régionale de l'Église à
Valence, sous la présidence de James E. Faust. Après la
conférence, ils ont la joie de lui présenter leur fille
de sept ans.
28. IL
LUI PROMET QUE TOUT FINIRA BIEN
Île
de Tubai, entre 1981 et 1984
William Chung Tien a grandi dans
l'île de Tubuaï, et est le petit-fils du côté
paternel d'un marchand chinois qui n'est pas membre de l'Église
et de sa femme tahitienne. Ses grands-parents maternels sont les
fidèles Puna et Teriiotemana Tahiata, qui ont fait tant de
sacrifices pour aller au temple dans les années 1960. Avec cet
héritage mixte, Willie se trouve devant un choix difficile
lorsqu'il s'agit de prendre la décision relative à la
mission, but qu'il a envisagé toute sa vie.
Il a
travaillé avec diligence dans l'épicerie et la
boulangerie de son grand-père, se levant à trois heures
du matin dès l'âge de douze ans pour faire le pain. Non
seulement il travaille dur, mais il est frugal et il économise
soigneusement son argent, le déposant à la banque.
Conformément à la tradition chinoise, il honore son
grand-père Chung Tien de toutes les manières possibles.
Willie est l'orgueil et la joie de son grand-père et celui-ci
l'a désigné comme son principal héritier.
Lorsqu'il lui fait part de son désir d'aller en mission, le
grand-père Chung Tien devient furieux.
Le président
de mission, C. Jay Larson, a un entretien avec Willie et lui promet
que s'il accepte l'appel à travailler comme missionnaire pour
le Seigneur, tout finira bien. Willie envoie ses documents, et
lorsqu'il annonce à son grand-père qu'il va
temporairement quitter l'entreprise familiale, il ne semble pas que
la promesse du président Larson va s'accomplir. Grand père
Chung Tien informe Willie sans détour que s'il part, il ne
franchira plus jamais le seuil de la maison de son grand-père,
qu'il ne devra jamais mentionner le nom de Chung Tien, qu'il perdra
son héritage et que lui, son grand-père, usera de son
influence pour empêcher Willie de prélever sur ses
économies à la banque. Comme si cela ne suffisait pas,
il déclare que Willie mourra pendant qu'il sera missionnaire
mormon.
En dépit de toutes ces menaces, William Chung
Tien prend la décision de servir le Seigneur. Le président
Larson rapporte comment la promesse qu'il a faite à ce jeune
homme a fini par s'accomplir :
« Elder Chung
Tien oeuvra fidèlement. Ses compagnons le respectaient pour
son dévouement et son service fidèle. Chaque fois que
je le rencontrais, je l'interrogeais sur sa famille et plus
particulièrement sur son grand-père. Toute sa famille
allait bien, mais aucun changement ne s'était produit chez le
grand-père Chung Tien. Et puis un jour, environ six mois avant
la fin de sa mission, je reçus un coup de téléphone
de sa mère qui avait une demande particulière à
me faire au nom du grand-père : permettre à Elder
Chung Tien de retourner brièvement à Tubuai pour que
son grand-père puisse s'excuser auprès de lui...
« Je
répondis que je lui donnerais ma permission mais que je
laisserais à notre missionnaire le soin de prendre la décision
finale... Sa réaction fut exactement celle à laquelle
se serait attendu quiconque le connaissait. Il se dit ravi
d'apprendre que son grand-père avait changé d'idée
mais il préférait terminer sa mission sans
l'interrompre et retourner ensuite à Tubuai. C'est ce qu'il
fit. Son grand-père l'accueillit, lui demanda pardon et sa
place dans l'affaire familiale lui fut rendue. »
29. SUR LE POINT DE RENDRE
SON DERNIER SOUPIR
Île
de Hikueru, îles Tuamotu, 1988
En
novembre 1988, les missionnaires Michael Tutton et Jean-Claude Decian
reçoivent de George S. Hilton, président de la mission
de Tahiti Papeete, la tâche de rendre visite aux branches
isolées des Tuamotu pour soutenir les saints et mettre à
jour les registres des branches. Ils passent plusieurs semaines dans
une île et s'en vont ensuite dans une autre.
Ils
passent un certain temps dans l'île de Makemo, puis le
président de branche emmène les deux missionnaires en
bateau à Hikueru. Quand ils arrivent là-bas, Elder
Tutton a des nausées mais attribue son malaise aux effets
combinés du long voyage agité et de l'intensité
du soleil. Ayant passé de nombreuses heures en pleine mer sans
avoir pris la précaution d'utiliser une crème solaire,
Elder Tutton attrape un coup de soleil douloureux au visage. Le
lendemain matin, il se sent très malade mais réussit à
aller jusqu'au bout de la journée. Le deuxième matin
après leur arrivée, il dit à son collègue,
Elder Decian, qu'il ne peut pas se lever. Elder Decian reste avec
lui, mais commence à se demander pourquoi un coup de soleil
provoque une réaction aussi forte.
Le
lendemain est un dimanche. Elder Tutton sort péniblement du
lit, mais est trop malade pour prendre sa douche ou se raser. Il est
littéralement plié en deux de douleur à
l'abdomen. Il réussit à s'habiller et à aller
jusqu'à la petite église située à côté
de chez les missionnaires. C'est une bénédiction pour
les membres de ces branches isolées d'avoir parmi eux des
missionnaires, et ces derniers sont généralement
invités à prendre une part active aux réunions
du dimanche. Elder Tutton prie au fond de lui-même que le
président de branche ne lui demande pas de prendre la parole
ce matin-là. Au milieu de la réunion, il se trouve
incapable de supporter la souffrance croissante qu'il subit et quitte
la réunion. Son collègue le trouve à demi
conscient sur le lit dans leur logement. Il le ranime et Elder Tutton
dit : « Ce ne sont que des crampes d'estomac. Laissez-moi
dormir, je suis sûr que cela ira demain matin. »
Elder
Decian commence à s'inquiéter sérieusement. Il y
a quelque chose qui ne va vraiment pas chez son collègue alors
qu'ils sont dans une île isolée, sans aéroport ni
téléphone. Le seul moyen de communication avec Tahiti
étant le radiophone, il décide qu'il est temps de
contacter le président Hilton qui non seulement est le
président de mission, mais est également médecin
de métier.
Le
président Hilton écrira à propos de cette
communication de Hikueru :
«
Un jour, je fus appelé au téléphone alors que
j'étais à la réunion de Sainte-Cène à
Papeete. On me relia à la station radio, qui me mit en contact
avec Elder Decian. Il me signala que son compagnon, Elder Tutton,
était tombé gravement malade et me décrivit tous
les symptômes. Cela ressemblait beaucoup à
l'appendicite. Il n'y avait ni médecin ni infirmière
dans l'île, mais l'instituteur avait également consulté
un livre de médecine familiale et confirma que cela
ressemblait fort à une appendicite. Il était évident
que si l'on ne pouvait l'opérer immédiatement, il
perdrait la vie.
«
Nous contactâmes les installations militaires françaises
et elles promirent d'envoyer un hélicoptère. Le
dimanche soir, nous tînmes, au foyer de la mission, une veillée
précédemment prévue pour une trentaine de
missionnaires. J'informai le groupe de l'état critique d'Elder
Tutton et ils répondirent à mon invitation de nous
agenouiller ensemble dans ce foyer sacré de la mission et de
supplier le Seigneur d'épargner la vie de notre collègue.
Il était environ huit heures du soir. »
Pendant
la conversation de son collègue avec le président
Hilton, Elder Tutton souhaite dire au président Hilton qu'il
va bien. Il ne veut pas causer tant de dérangement, mais juste
au moment où il est prêt à prendre le récepteur,
il est plié en deux de douleurs. Il ne peut parler au
président, et les dispositions pour son évacuation sont
prises. L'armée ne peut pas envoyer d'hélicoptère,
mais elle accepte d'envoyer un avion. À partir de ce
moment-là, l'état d'Elder Tutton empire.
Hikueru
n'a pas de piste pavée, mais un marchand tahitien, qui possède
une culture de perles dans l'île, a dégagé une
piste de fortune privée sur un motu de l'autre côté
de la lagune par rapport au village. Pas de radar sophistiqué
ni d'éclairage sur cette piste de corail qui a été
condamnée par le gouvernement ! On dit à Elder Decian
d'y amener Elder Tutton à 18 heures. Elder Decian et les
membres de la branche de Hikueru enveloppent Elder Tutton dans une
couverture, le mettent sur un camion à benne plate et le
conduisent du logement des missionnaires au dock, à une courte
distance, et jusqu'à l'embarcation à moteur qui le
transporte de l'autre côté de la lagune. Toutes les
bosses et toutes les secousses sont une torture pour le jeune
missionnaire américain qui se demande s'il va mourir au milieu
du Pacifique.
Les
saints de Hikueru qui accompagnent le missionnaire sur le motu se
mettent à débarrasser la piste et à faire de
grands feux pour éclairer l'avion à son arrivée.
Elder Tutton lève les yeux vers les étoiles et pense à
sa mère. « Que va-t-elle penser, se dit-il, lorsqu'elle
apprendra que je suis mort dans un trou perdu ? » Une heure
passe, puis une autre. Aucun bruit de moteur d'avion ne se fait
entendre. Les saints n'arrêtent pas d'attiser les feux, mais
l'ambiance est tendue. Il est 20 heures, l'avion n'arrive pas et les
souffrances d'Elder Tutton sont intenses.
Tandis
qu'il continue à regarder les étoiles, certain d'être
sur le point de rendre son dernier soupir, il sent soudain la
présence de trois personnages célestes. Il ne les voit
pas. Il sent simplement leur présence. Il ferme
respectueusement les yeux et a alors l'impression très nette
qu'ils lui font l'imposition des mains. Immédiatement, la
souffrance quitte son corps. Il peut se lever et s'approche du groupe
de saints qui alimentent les feux. Il s'assoit avec eux et leur dit
qu'il va mieux. Décidant que l'avion ne va pas venir ce
soir-là, le groupe retourne au village avec Elder Tutton
apparemment remis. Il est épuisé et affaibli par
l'épreuve, mais il dort paisiblement toute la nuit.
Elder
Decian est informé de ce que le pilote a estimé qu'il
était trop dangereux d'essayer un atterrissage de nuit et a
été obligé de reporter l'évacuation au
lendemain matin. Lorsqu'il s'éveille le lendemain matin, Elder
Tutton assure Elder Decian qu'il va mieux, que le diagnostic devait
être erroné et qu'il ne veut pas retourner à
Tahiti. Mais comme les dispositions ont déjà été
prises pour que l'avion atterrisse ce matin-là, il accepte
finalement de traverser de nouveau la lagune et de rencontrer le
personnel médical à bord. Il dira : « J'étais
tellement certain que j'allais mieux, que je ne pris même pas
la peine de prendre mes affaires avec moi. Je pensais que nous
allions parler au médecin et qu'il me dirait que j'allais bien
et que nous retournerions terminer notre travail à Hikueru. »
L'avion
accomplit le dangereux atterrissage et le médecin tient
absolument à ce qu'Elder Tutton et Elder Decian reviennent
avec lui à Papeete. En dépit de la récupération
spontanée d'Elder Tutton, les symptômes ressemblent trop
à l'appendicite et il n'est pas question d'avoir fait tout ce
chemin sans revenir avec le malade. À contrecœur, Elder
Tutton monte à bord de l'avion, certain d'être la cause
d'une évacuation très coûteuse et inutile. Mais
immédiatement après le décollage de l'avion, ses
symptômes reviennent et la douleur devient de nouveau intense.
Le
président Hilton rapporte :
«
L'avion s'arrêta brièvement à Hao pour reprendre
du carburant puis continua directement sur Tahiti et il fut admis à
la clinique Paofai. On l'envoya d'urgence en salle d'opération
et on réussit à exciser l'appendice très
enflammé avant sa rupture. Nous eûmes le plaisir d'avoir
Elder Tutton avec nous au foyer de la mission pendant ses deux
semaines de convalescence et nous fûmes très touchés
par son témoignage dans lequel il nous fit part de cet
événement remarquable. Le soulagement qu'il ressentit
près de la piste d'atterrissage se produisit vers 8 heures du
soir environ, exactement au moment où les missionnaires de
Tahiti étaient agenouillés au foyer de la mission et
suppliaient le Seigneur de le guérir. »
30. À
UN MOMENT CRITIQUE DE LA VIE DE SES ENFANTS
Papeete,
1988
George
F. Hilton, missionnaire à Tahiti de 1950 à 1952 et
président de la mission de Tahiti Papeete de 1987 à
1989, raconte :
Un
après-midi de 1988, alors que je travaillais au bureau de la
mission, un des saints vint me prévenir que Jacques Tumarae
était malade et avait été amené en avion
de Tubuai à l'hôpital militaire de Papeete. Je répondis
très volontiers à leur demande d'aller lui donner une
bénédiction de la prêtrise. Je ne me souviens pas
des termes exacts de la bénédiction, mais la famille se
rappelle que je lui donnai en bénédiction le réconfort
et la perception spirituelle, mais je ne lui promis pas
spécifiquement qu'il guérirait complètement.
Douze jours plus tard, j'étais de nouveau appelé à
lui rendre visite à son chevet et il me raconta cette histoire
miraculeuse.
Sa
maladie évolua et il alla jusqu'à mourir. Le médecin
l'examina, vérifia son cœur, ses poumons, son cerveau et
attesta qu'il était décédé. Sœur
Tumarae resta à son chevet. Imaginez sa surprise lorsqu'il
revint à la vie au bout d'une heure. Il raconta ce qu'il avait
vécu au cours de cette heure.
Il
me raconta sa visite dans le monde des esprits en me regardant droit
dans les yeux. Un messager glorieux était venu à sa
rencontre, mais il ne connaissait pas son identité. Il dit que
le monde des esprits était un bel endroit avec de belles
maisons. Son guide lui fit faire un tour, et il dit que l'on
enseignait l'Évangile à des gens. Au bout d'une heure
environ, il rencontra un autre être très glorieux qui
lui expliqua qu'il devrait retourner sur la terre pour terminer un
travail. Il revint alors dans son corps et sa femme se réjouit
de voir la vie retourner dans le corps qui avait été
déclaré mort.
Tandis
qu'il me tenait la main et me regardait dans les yeux, je n'avais
absolument pas le moindre doute que j'entendais le récit
véridique d'un événement réel. Il dit
qu'il revint de cet épisode remarquable avec deux pensées
à l'esprit. L'une était que tout ce que l'Église
lui avait enseigné était bien vrai. Il y a un paradis
où l'on enseigne l'Évangile aux gens dans l'au-delà
et le monde des esprits est un bel endroit pour les justes.
Deuxièmement,
il revenait avec la préoccupation qu'il devait instruire son
fils qui était tombé dans l'erreur. C'était un
problème personnel et il estimait qu'il devait s'entretenir
avec son fils un peu comme Alma s'était entretenu avec son
fils Corianton. Le résultat de son influence auprès de
son fils fut un repentir remarquable et ce jeune homme fut bientôt
qualifié pour faire une mission à plein temps avec nous
dans la mission de Tahiti Papeete. De plus, le même esprit
s'empara de son frère aîné qui se joignit aussi à
nous dans le champ de la mission.
Plusieurs
semaines plus tard, frère Tumarae retourna dans son île
bien-aimée de Tubuai, puis décéda, fidèle
à la foi et reconnaissant de l'occasion qu'il avait eue de
revenir du monde des esprits pour rendre son témoignage et
donner des enseignements importants à sa famille à un
moment très critique de la vie de ses enfants.
31. TOUT
CE QU'ELLE A, C'EST
LA CONVICTION QUE L'ÉGLISE EST VRAIE
Îles
Marquises, 1989
Des
missionnaires travaillent sporadiquement dans les Marquises, mais ce
n'est qu'en 1989 que les barrières tombent. Le 1er septembre
1989, un groupe de six missionnaires à plein temps. Deux sœurs
missionnaires (Yolande Tehina et Thérèse Scallamera),
deux frères missionnaires (Jason Lucas et Joseph Raihauti)
ainsi qu'un couple tahitien local (Rodolphe et Marie Tua) rencontrent
le président de mission, frère Perrin et son épouse
au foyer de la mission. Le président leur dit : « J'ai
le sentiment que le moment est venu où les habitants des
Marquises vont commencer à accepter le message de l'Évangile
».
Il
explique comment le Seigneur a ouvert plusieurs portes pour que le
message puisse être apporté aux habitants des Marquises.
Depuis un mois, il prend très discrètement les
dispositions nécessaires pour le transport et le logement du
groupe, la plus grande expédition de missionnaires de l'Église
jamais envoyée aux Marquises. À la suite d'un concours
de circonstances exceptionnel, il a pu louer des logements à
Ua Pou et à Hiva Oa, en plus du bâtiment de Nuku Hiva
qui allait loger les deux sœurs missionnaires tout près
d'une famille forte de l'Église. Il ne sait pas ce qui attend
les missionnaires, mais il a le sentiment que cette fois leur action
va connaître le succès en dépit des difficultés
et des obstacles. C'est un soir qu'il n'oublierai jamais. Deux des
missionnaires, Elder Raihauti et sœur Scallamera, sont
d'origine marquisienne. Soeur Scallamera a grandi à Hiva Oa et
est devenue plus tard membre de l'Église alors qu'elle
habitait à Moorea. Elle est la seule des six à parler
le marquisien. Elder Raihauti dit au président Perrin : «
Savez-vous qu'en me donnant cette tâche, vous accomplissez une
promesse de ma bénédiction patriarcale ? Il m'a été
promis que je retournerais comme missionnaire au pays de mes ancêtres
pour prêcher l'Évangile à mon peuple ».
Le
groupe part deux semaines plus tard pour le voyage de sept jours qui
doit le mener dans ces îles lointaines. Les missionnaires
connaissent de nombreuses difficultés à Ua Pou et à
Nuku Hiva, mais la présence de deux missionnaires marquisiens
dans le groupe aide à surmonter les obstacles. Dès le
départ, le succès le plus grand est obtenu à
Hiva Oa, où travaillent Elder et sœur Tua. Les
dirigeants de la mission l'ignorent, mais une membre de l'Église
habite à Hiva Oa. Ziella Vivish, une Tahitienne, a déménagé
dix ans auparavant à Hiva Oa et a épousé Robert
O'Connor. Celui-ci est un des vingt enfants d'une forte famille
marquisienne catholique. Au cours de ces années après
son mariage, Ziella n'a aucun contact avec l'Église, mais
résiste aux efforts de son mari pour l'amener à devenir
catholique. Lorsque les enfants O'Connor naissent, Ziella commence à
se rendre compte qu'elle veut les élever en tant que mormons.
Il y a si longtemps qu'elle est isolée de l'Église
qu'elle n'a pas la moindre idée de la façon de
procéder. Elle n'a même jamais lu le Livre de Mormon et
n'est pas versée dans la doctrine de l'Église. Tout ce
qu'elle a c'est la conviction croissante dans son cœur que
l'Église est vraie. Elle se met à prier avec ferveur
pour qu'un jour des missionnaires de l'Église viennent à
Hiva Oa.
Ziella,
qui travaille comme secrétaire à l'hôpital du
village d'Atuona, raconte comment elle rencontre Elder et sœur
Tua. Un jour, une amie se précipite au bureau et lui dit que
deux missionnaires mormons viennent d'arriver par bateau. Elle court
jusqu'au dock en priant qu'il s'agisse bien des missionnaires. Ses
espoirs s'effondrent lorsqu'elle ne voit aucun jeune homme en chemise
blanche et cravate. Mais lorsqu'elle voit un couple qui porte des
badges noirs, elle se rend compte que ses prières ont été
exaucées. Ce qui est encore plus incroyable, c'est que, sans
pouvoir se souvenir de son nom, elle reconnaît Elder Tua pour
l'avoir connu dans sa jeunesse, lorsqu'il conduisait les membres de
l'Église aux réunions du dimanche et les ramenait chez
eux. Elle invite le couple à enseigner l'Évangile à
sa famille.
La
découverte d'une famille marquisienne disposée à
entendre leur message s'avère être l'élément-clef
du succès des Tua à Hiva Oa. La soeur de Ziella, qui
l'a suivie à Hiva Oa et a épousé le cousin de
Robert O'Connor, se joint au groupe avec son mari. Les Tua commencent
à enseigner à la famille O'Connor l'importance de lire
le Livre de Mormon. Ils ont du mal à lire un livre d'Écritures
anciennes, mais Elder Tua ne renonce pas. Il leur dit : « Un
prophète vivant nous a demandé de lire tous les jours
dans le Livre de Mormon. Pensez-vous qu'il nous demanderait de faire
quelque chose qui ne serait pas pour notre profit ? La famille
O'Connor se met à lire tous les jours dans le Livre de Mormon.
Les enfants lisent mal et, au début, ce n'est qu'un ou deux
versets. Ensuite cela devint plus facile.
Au
bout de quelques mois, quelque chose de merveilleux se produit. Non
seulement la famille commence à comprendre et à vivre
les Écritures, mais chacun des enfants fait des progrès
importants à l'école. Leurs instituteurs veulent savoir
quel miracle s'est produit chez eux.
Bien
entendu, le plus grand de tous les miracles est que la famille
O'Connor a accepté le véritable Évangile de
Jésus-Christ. Frère O'Connor et les enfants plus âgés
sont baptisés en décembre 1989. En travaillant dur, en
devenant autonomes par la culture et l'élevage et en obéissant
à la loi de la dîme, ils constatent que les écluses
des cieux s'ouvrent pour eux. Au bout d'un an et demi, les O'Connor
ont gagné la somme importante nécessaire pour payer
leur voyage en avion à Tahiti. Le scellement de la famille de
Robert O'Connor, en juillet 1991, dans le temple de Tahiti, se fait
sans fanfare, mais c'est une étape significative dans
l'implantation de l'Église dans les Marquises. Les O'Connor
sont la première famille marquisienne résidant dans les
îles Marquises à devenir membre de l'Église et à
être scellée dans le temple.
Un
an après avoir organisé un groupe de l'Église à
Hiva Oa, le président Perrin y retourne. Le 12 octobre 1991,
la première branche de l'Église est organisée
dans les îles Marquises dans l'île de Hiva Oa. Robert
O'Connor est appelé comme président de branche. Le
président Perrin passe plusieurs jours avec la famille
O'Connor et constate comment l'Évangile a enrichi la vie de
tous ses membres. Il dit : « La nouvelle branche est petite et
ne compte qu'une vingtaine de membres, mais la famille O'Connor en
est le noyau solide. C'est la famille la plus autonome et la plus
travailleuse que j'aie jamais vue. Depuis qu'elle est membre de
l'Église, elle a la bénédiction d'avoir
d'abondantes récoltes et de nombreux animaux. Les enfants sont
bien élevés et très versés dans la
connaissance de l'Évangile. Mais le plus étonnant,
c'est combien la responsabilité de frère O'Connor dans
la prêtrise l'a changé. Lors de ma première
visite en septembre 1990, il était timide et avait du mal à
diriger une réunion. C'était Ziella qui le poussait.
Maintenant il est dynamique et assuré. Il s'est acquis le
respect des autorités de Hiva Oa, qui admirent son intégrité
et respectent même ses croyances religieuses. Cet homme sera un
atout précieux pour l'Église dans les Marquises. »
Suite
à la percée obtenue à Hiva Oa, des missionnaires
sont affectés en permanence dans l'île et, en 1993, on
commence à chercher un terrain à acheter pour la
construction d'une église.
32. ELLE
PRIE POUR QUE DES MISSIONNAIRES VIENNENT À HIVA OA
Îles
Marquises, 1989
Des
missionnaires ont travaillé sporadiquement dans les Marquises,
mais ce n'est qu'en 1989 que les barrières tombent. Le 1er
septembre 1989, un groupe de six missionnaires à plein temps –
deux sœurs missionnaires (Yolande Tehina et Thérèse
Scallamera), deux frères missionnaires (Jason Lucas et Joseph
Raihauti) ainsi qu'un couple tahitien local (Rodolphe et Marie Tua) –
rencontrent le président de mission, frère Perrin et
son épouse au foyer de la mission. Le président leur
dit : « J'ai le sentiment que le moment est venu où les
habitants des Marquises vont commencer à accepter le message
de l'Évangile ».
Il
explique comment le Seigneur a ouvert plusieurs portes pour que le
message puisse être apporté aux habitants des Marquises.
Depuis un mois, il prend très discrètement les
dispositions nécessaires pour le transport et le logement du
groupe, la plus grande expédition de missionnaires de l'Église
jamais envoyée aux Marquises. À la suite d'un concours
de circonstances exceptionnel, il a pu louer des logements à
Ua Pou et à Hiva Oa, en plus du bâtiment de Nuku Hiva
qui va loger les deux sœurs missionnaires tout près
d'une famille forte de l'Église. Il ne sait pas ce qui attend
les missionnaires, mais il a le sentiment que cette fois leur action
va connaître le succès en dépit des difficultés
et des obstacles.
Deux
des missionnaires, Elder Raihauti et sœur Scallamera, sont
d'origine marquisienne. Sœur Scallamera a grandi à Hiva
Oa et est devenue plus tard membre de l'Église alors qu'elle
habitait à Moorea. Elle est la seule des six à parler
le marquisien. Elder Raihauti dit au président Perrin : «
Savez-vous qu'en me donnant cette tâche, vous accomplissez une
promesse de ma bénédiction patriarcale ? Il m'a été
promis que je retournerais comme missionnaire au pays de mes ancêtres
pour prêcher l'Évangile à mon peuple ».
Le
groupe part deux semaines plus tard pour le voyage de sept jours qui
doit le mener dans ces îles lointaines. Les missionnaires
connaissent de nombreuses difficultés à Ua Pou et à
Nuku Hiva, mais la présence de deux missionnaires marquisiens
dans le groupe aide à surmonter les obstacles. Dès le
départ, le succès le plus grand est obtenu à
Hiva Oa, où travaillent Elder et sœur Tua. Les
dirigeants de la mission l'ignorent, mais une membre de l'Église
habite à Hiva Oa. Ziella Vivish, une Tahitienne, a déménagé
dix ans plus tôt à Hiva Oa et a épousé
Robert O'Connor. Celui-ci est un des vingt enfants d'une forte
famille marquisienne catholique. Au cours de ces années après
son mariage, Ziella n'a aucun contact avec l'Église, mais
résiste aux efforts de son mari pour l'amener à devenir
catholique. Lorsque les enfants O'Connor naissent, Ziella commence à
se rendre compte qu'elle veut les élever en tant que mormons.
Il y a si longtemps qu'elle est isolée de l'Église
qu'elle n'a pas la moindre idée de la façon de
procéder. Elle n'a même jamais lu le Livre de Mormon et
n'est pas versée dans la doctrine de l'Église. Tout ce
qu'elle a c'est la conviction croissante dans son cœur que
l'Église est vraie. Elle se met à prier avec ferveur
pour qu'un jour des missionnaires de l'Église viennent à
Hiva Oa.
Ziella,
qui travaille comme secrétaire à l'hôpital du
village d'Atuona, raconte comment elle rencontre Elder et sœur
Tua. Un jour, une amie se précipite au bureau et lui dit que
deux missionnaires mormons viennent d'arriver par bateau. Elle court
jusqu'au dock en priant qu'il s'agisse bien des missionnaires. Ses
espoirs s'effondrent lorsqu'elle ne voit aucun jeune homme en chemise
blanche et cravate. Mais lorsqu'elle voit un couple qui porte des
badges noirs, elle se rend compte que ses prières ont été
exaucées. Ce qui est encore plus incroyable, c'est que, sans
pouvoir se souvenir de son nom, elle reconnaît Elder Tua pour
l'avoir connu dans sa jeunesse, lorsqu'il conduisait les membres de
l'Église aux réunions du dimanche et les ramenait chez
eux. Elle invite le couple à enseigner l'Évangile à
sa famille.
La
découverte d'une famille marquisienne disposée à
entendre leur message s'avère être l'élément-clef
du succès des Tua à Hiva Oa. La sœur de Ziella,
qui l'a suivie à Hiva Oa et a épousé le cousin
de Robert O'Connor, se joint au groupe avec son mari. Les Tua
commencent à enseigner à la famille O'Connor
l'importance de lire le Livre de Mormon. Ils ont du mal à lire
un livre d'Écritures anciennes, mais Elder Tua ne renonce pas.
Il leur dit : « Un prophète vivant nous a demandé
de lire tous les jours dans le Livre de Mormon. Pensez-vous qu'il
nous demanderait de faire quelque chose qui ne serait pas pour notre
profit ? La famille O'Connor se met à lire tous les jours dans
le Livre de Mormon. Les enfants lisent mal et, au début, ce
n'est qu'un ou deux versets. Ensuite cela devint plus facile.
Au
bout de quelques mois, quelque chose de merveilleux se produit. Non
seulement la famille commence à comprendre et à vivre
les Écritures, mais chacun des enfants fait des progrès
importants à l'école. Leurs instituteurs veulent savoir
quel miracle s'est produit chez eux.
Bien
entendu, le plus grand de tous les miracles est que la famille
O'Connor a accepté le véritable Évangile de
Jésus-Christ. Frère O'Connor et les enfants plus âgés
sont baptisés en décembre 1989. En travaillant dur, en
devenant autonomes par la culture et l'élevage et en obéissant
à la loi de la dîme, ils constatent que les écluses
des cieux s'ouvrent pour eux. Au bout d'un an et demi, les O'Connor
ont gagné la somme importante nécessaire pour payer
leur voyage en avion à Tahiti. Le scellement de la famille de
Robert O'Connor, en juillet 1991, dans le temple de Tahiti, se fait
sans fanfare, mais c'est une étape significative dans
l'implantation de l'Église dans les Marquises. Les O'Connor
sont la première famille marquisienne résidant dans les
îles Marquises à devenir membre de l'Église et à
être scellée dans le temple.
Un
an après avoir organisé un groupe de l'Église à
Hiva Oa, le président Perrin y retourne. Le 12 octobre 1991,
la première branche de l'Église est organisée
dans les îles Marquises dans l'île de Hiva Oa. Robert
O'Connor est appelé comme président de branche. Le
président Perrin passe plusieurs jours avec la famille
O'Connor et constate comment l'Évangile a enrichi la vie de
tous ses membres. Il dit : « La nouvelle branche est petite et
ne compte qu'une vingtaine de membres, mais la famille O'Connor en
est le noyau solide. C'est la famille la plus autonome et la plus
travailleuse que j'aie jamais vue. Depuis qu'elle est membre de
l'Église, elle a la bénédiction d'avoir
d'abondantes récoltes et de nombreux animaux. Les enfants sont
bien élevés et très versés dans la
connaissance de l'Évangile. Mais le plus étonnant,
c'est combien la responsabilité de frère O'Connor dans
la prêtrise l'a changé. Lors de ma première
visite en septembre 1990, il était timide et avait du mal à
diriger une réunion. C'était Ziella qui le poussait.
Maintenant il est dynamique et assuré. Il s'est acquis le
respect des autorités de Hiva Oa, qui admirent son intégrité
et respectent même ses croyances religieuses. Cet homme sera un
atout précieux pour l'Église dans les
Marquises.
»
Suite
à la percée obtenue à Hiva Oa, des missionnaires
sont affectés en permanence dans l'île et, en 1994, on
commence à chercher un terrain à acheter.
33. IL
SE SENT INSPIRÉ À RETIRER LES MISSIONNAIRES DE L'ÎLE
1990
À
un moment donné, Yves Perrin, président de la mission
de Polynésie française de 1989 à 1992, apprend
que les membres de l'Église de l'île de Raïatea ne
participent plus à l’œuvre missionnaire. Un jour,
il téléphone au président de branche, frère
Terooatea pour lui dire qu'il se sent inspiré à retirer
les missionnaires à plein temps de l'île.
Pendant
plusieurs mois, les saints se trouvent face à leur
responsabilité de faire part de l'Évangile sans les
missionnaires. Chose remarquable, au lieu de diminuer, le nombre de
baptêmes augmente, car les saints ont compris le rôle
qu'ils ont à jouer dans ce processus.
Les
saints ayant démontré leur volonté de contribuer
à l’œuvre missionnaire, des missionnaires sont de
nouveau envoyés à Raïatea.
34. IL
ARRIVE DANS MON BUREAU SUR LES MAINS
Tahiti,
1991
En
juillet 1991, un groupe de saints de Maupiti prend l'avion pour aller
au temple de Tahiti. Tepouveretutanetaaroa et Heimaturia Tavae sont
membres du groupe. Ce sont deux octogénaires qui tous deux ont
des handicaps physiques et sont en mauvaise santé. Frère
Tavae, qui souffre de diabète, a eu les deux jambes amputées.
Depuis
des années, il se déplace sur les mains. Sa femme,
paraplégique, ne peut quitter sa chaise roulante. Lorsque leur
président de branche, Gérard Vaetua, leur propose
d'aller au temple, ils se montrent réticents à cause de
leur mauvaise santé, de leur âge, de leurs difficultés
d'audition et de leurs finances réduites. Après avoir
témoigné de l'importance des alliances du temple, le
président Vaetua leur promet, à eux et à
d'autres membres de la branche que s'ils mettent leur confiance dans
le Seigneur et s'engagent à faire le voyage, la voie sera
ouverte pour leur permettre d'y aller.
Lorsque
les membres de la branche de Maupiti arrivent à Tahiti, ils
ont un entretien avec le président de mission, Yves Perrin,
pour obtenir leur recommandation à l'usage du temple. Le
président Perrin est ému par leur foi simple et leur
humble situation. Il raconte :
«
Lorsque frère Tavae entra pour son entretien, il arriva dans
mon bureau sur les mains et s'assit par terre, de sorte que je me
levai de mon fauteuil derrière le bureau et vint m'asseoir par
terre près de lui. Ce fut un des entretiens les plus touchants
que j'aie jamais eus. Cela me rappela vivement les bénédictions
que le Seigneur m'avait données ainsi que le grand amour qu'il
a pour tous ses enfants. Il me suffisait de contempler les yeux
souriants et le visage radieux de frère Tavae pour savoir
combien il était heureux. »
35. CET
HOMME DANS MON RÊVE, C'ÉTAIT VOUS
Tahiti,
1991
Une nouvelle région où des progrès
apparaissent est la région de Vairao de la péninsule de
Tahiti. Au cours de toutes les années de service missionnaire
dans l'île, on y a rencontré peu de succès. Les
rares membres de l'Église qui y vivent sont organisés
en branches dépendantes de la paroisse de Taiarapu.
Jean
Tefan, le président du pieu de Paea, aide à trouver une
maison à louer où on peut tenir des réunions, et
deux missionnaires à plein temps sont affectés en
novembre
1991 à Vairao. L'un d'eux est Stéphane
Temahuki. Celui-ci, déçu de sa nouvelle affectation,
demande au président de mission, Yves Perrin, si sa mutation
est inspirée. Le président Perrin lui dit de demander
au Seigneur ce qu'il veut qu'il fasse à Vairao, car le
Seigneur l'a appelé à travailler là-bas.
Quelques semaines plus tard, les missionnaires enseignent un
jeune homme chez lui. Elder Temahuki vient de commencer la lecture
d'un passage de la Bible lorsque le jeune homme l'arrête et lui
dit : « Il y a deux ans, j'ai rêvé que
deux jeunes gens en chemise blanche et cravate m'enseignaient la
religion. L'un d'eux me lut une Écriture dans la Bible,
et
cet homme dans mon rêve, c'était vous, Elder Temahuki. »
C'est pour Elder Temahuki le témoignage vibrant qu'il
a véritablement été appelé à
Vairao par le Seigneur.
L'oeuvre avance rapidement et en
1992, une branche indépendante est organisée à
Vairao et un terrain est acheté pour une église.
36. IL
DÉCIDE QU'IL NE JOUERA PLUS AU FOOTBALL LE DIMANCHE
1992
Le
26 février 1992, Lysis Terooatea est relevé après
avoir été président de pieu pendant dix ans. Son
deuxième conseiller, Erroll Bennett, est appelé comme
nouveau président du pieu de Pirae avec Gaston Richmond et
Arthur Perry comme conseillers.
Le
président Bennett est un héros populaire parmi les
membres de l'Église de Polynésie française.
Michael R. Otterson a raconté l'histoire de sa conversion dans
L'Étoile de mai 1983. Mis en contact en 1977 avec l'Église
par son ami Lysis Terooatea, Erroll et sa femme Yolande décident
d'être baptisés. Le père d'Erroll est furieux en
apprenant la nouvelle : « Si tu te fais baptiser, dit-il, je ne
veux plus jamais te revoir. »
Le
père d'Erroll n'est pas seulement préoccupé par
son changement de religion, mais aussi par le fait que son
affiliation à l'Église risque de mettre fin à sa
carrière spectaculaire de vedette de football tahitien. À
Tahiti, le football est le sport public le plus populaire et, à
l'âge de vingt-sept ans, Erroll Bennett est capitaine d'une des
meilleures équipes tahitiennes, Central Sport. Comme tel,
c'est un héros national.
Sa
décision de devenir mormon est un coup dur pour l'institution
du football et surtout pour son équipe, qui est en tête
de division. La raison de cette réaction est qu'à
Tahiti les matches de football ont lieu le dimanche. Et une chose que
les entraîneurs, les équipiers et les fans d'Erroll
savent, c'est que les mormons ne font pas d'activités
sportives le dimanche.
En
désespoir de cause, Napoleon Spitz, président de
Central Sport et Tahitien puissant et influent, téléphone
à Victor Cave, qui à l'époque est le président
du pieu de Papeete Tahiti. Le président de pieu ne pourrait-il
pas donner à Erroll une dispense pour jouer au football le
dimanche ? La réponse du président Cave est polie mais
ne laisse pas beaucoup d'espoir : « Vous devrez demander à
Erroll. C'est à lui à décider. Il a décidé
d'être baptisé, et il vous dira lui-même ce qu'il
pense de l'idée de jouer le dimanche ».
Pour
Erroll, ce problème n'a aucune importance comparé à
celui d'être rejeté par son père. Il estime qu'il
doit se réconcilier avec son père avant d'être
baptisé. Il reçoit une bénédiction de
Noël Tarati, un vieil ami, dans laquelle il lui est promis que
son père l'accueillera s'il fait le premier pas.
En
approchant de la maison de son père, Erroll voit ce dernier
dans le jardin, les larmes aux yeux. « Erroll, supplie son
père, pardonne-moi les choses cruelles que je t'ai dites. Tu
sais ce que je pense de la perte de ta carrière, mais c'est à
toi à décider, et je ne veux plus en parler. »
Erroll
et sa femme sont baptisés comme prévu, au cours d'une
cérémonie discrète et spirituelle. Ce soir-là,
il décide qu'il ne jouera plus au football le dimanche. Le
lendemain, il dit à Napoleon Spitz qu'il a décidé
de se retirer de l'équipe. La réaction de Spitz est
étonnante : « Attends quelques jours, dit-il. Attends
que la réunion de la ligue se tienne cette semaine. »
Lorsqu'il
apprend la nouvelle quelques jours plus tard, Erroll ne peut en
croire ses oreilles. Napoléon Spitz a informé les
directeurs de la ligue que l'équipe de football de Central
Sport a décidé de ne plus jouer le dimanche. Il
explique que les matches du dimanche empêchent les joueurs
d'être avec leur famille. Quelle que soit la décision
des autres équipes de la ligue, Central ne jouera plus le
dimanche. Il s'ensuit un vote, et il est décidé à
l'unanimité que la division ne jouera plus le dimanche. Tous
les matches auront lieu les soirs de semaine.
Les
journalistes sportifs connaissent les raisons de la proposition de
Napoleon Spitz. Michael Ferrand, longtemps correspondant sportif pour
le journal tahitien La Dépêche, dira : « Il
n'était pas facile de changer une tradition bien ancrée.
Beaucoup de fans et de reporters furent contrariés par la
décision, mais la critique ne fut pas trop sévère.
Il faut se souvenir qu'Erroll Bennett était très
populaire à Tahiti et qu'aucun journaliste sportif n'allait
critiquer ouvertement un héros national ».
Napoléon
Spitz, après avoir soigneusement observé les réactions
et les répercussions, dira : « Il ne fait pas de doute
que les joueurs préfèrent jouer pendant la semaine. Ils
ont découvert qu'ils aiment être le dimanche en famille.
Même le public a appris à l'apprécier... Cela
nous a profité à tous. »
À
partir des premiers jours après son baptême, Erroll ne
fera jamais de compromission avec ses nouvelles croyances. Il
acquiert le respect de toute la collectivité pour son courage
à respecter ses principes.
Il
se retire honorablement du football dans les années 1980 et
continue comme entraîneur de football pour Central Sport. Après
son baptême, il œuvre fidèlement comme membre du
grand conseil du pieu de Pirae Tahiti, puis comme évêque
et ensuite comme conseiller dans la présidence de pieu.
En
ce jour de février 1992, il y a des larmes sur la plupart des
visages des membres du pieu de Pirae qui lèvent haut la main
pour soutenir Erroll Bennett comme leur nouveau président de
pieu.
37. IL
ACCEPTE HUMBLEMENT L'APPEL
1992
Deux
hommes de l'île Takaroa sont en pleine mer en canot à
moteur, lorsqu'ils heurtent une grosse vague et sont éjectés
tous les deux. Le bateau continue son chemin sous leurs yeux, sans
qu'ils puissent rien faire. Aucun des deux ne porte de gilet de
sauvetage et ils sont trop loin de Takaroa pour retourner à
l'île à la nage.
Louis
Palmer, le plus fort des deux nageurs, sait que leur seul espoir est
qu'il essaie de rejoindre le bateau à la nage et revienne
ensuite chercher son compagnon. L'épreuve de Louis dure
plusieurs heures, et chaque mouvement devient plus difficile.
Lorsqu'il arrive en haut de la houle, il peut voir le bateau dans le
lointain, mais il ne semble pas s'en rapprocher. Il a le sentiment
que sa vie ici-bas n'est pas terminée et qu'il a beaucoup à
accomplir. Louis est un homme jeune qui a une femme et une petite
fille. Il ne peut laisser sa famille sans mari et sans père.
Finalement, complètement épuisé, il atteint le
bateau. Il a tout juste la force de se hisser à l'intérieur.
Il
panique lorsque le moteur refuse de démarrer. Le bateau a
continué sans pilote son chemin sur l'océan jusqu'à
tomber à court de carburant. Louis fait une prière
fervente, mais le moteur refuse de démarrer.
Par
l'autorité de la prêtrise avec toute la foi qu'il a, il
implore le Seigneur de le bénir dans ce moment d'épreuve.
Il promet au Seigneur de le servir dans tous les appels qu'il recevra
si sa vie est épargnée. Par miracle, le moteur se met
en route. Mais la nuit a commencé à tomber et il est
difficile de voir. Louis revient à l'endroit où il
pense que son ami se trouve mais ne peut le trouver. Sachant que le
niveau de carburant est très bas, il retourne chercher de
l'aide à Takaroa. Les insulaires passent de longues heures
avec lui à ratisser les eaux ténébreuses de
l'océan, mais son compagnon ne sera jamais retrouvé.
Telle
est la situation lorsque, le lendemain matin, le président de
mission, frère Perrin, arrive avec ses conseillers pour
appeler un nouveau président pour la branche de Takaroa 2. Ils
arrivent tôt le samedi matin et apprennent la tragédie
qui s'est produite la veille.
Ils
rendent visite à la veuve et aux enfants de l'homme qui a été
perdu en mer et leur adressent des paroles de consolation. En dépit
de la tragédie, les affaires de la mission doivent être
traitées. Ils commencent par un entretien avec les dirigeants
de la prêtrise de la branche de Takaroa 2. L'inspiration ne
vient pas. Ils demandent un entretien avec Louis Palmer et sentent
immédiatement que c'est l'homme que le Seigneur veut comme
président de branche.
Lorsque
le président Perrin appelle Louis Palmer, petit-fils d'un
autre grand dirigeant de l'Église, Charles Tutu Palmer, les
larmes coulent sur les joues de Louis qui vient de vivre une nuit
horrible et sait ce qu'il a promis au Seigneur. Il confirme que le
Seigneur a effectivement épargné sa vie dans un but
spécifique et accepte humblement l'appel.