EXPÉRIENCES VÉCUES EN POLYNÉSIE FRANÇAISE


PAR LES MISSIONNAIRES DE L'ÉGLISE DE JÉSUS-CHRIST
DES SAINTS DES DERNIERS JOURS



Récits tirés de l'ouvrage de S. George Ellsworth et Kathleen C. Perrin,

Chronique de la foi et du courage – Les saints derniers jours en Polynésie française,

1994, Sandy, Utah




SOMMAIRE

1. IL LA QUITTE IMMÉDIATEMENT (Anaa, 1845)

2. COMME SI RIEN NE LUI ÉTAIT ARRIVÉ (Anaa, 1846)

3. UNE LUMIÈRE APPARAÎT AU-DESSUS DE SA TÊTE (Raivavae, 1852)

4. EMPRISONNÉS POUR AVOIR PRIÉ (entre 1852 et 1867)

5. LES NATIFS NE SONT PAS D'ACCORD (Tuamotu, 1896)

6. IL RÉPRIMANDE LA TEMPÊTE AU NOM DU SEIGNEUR (Tuamotu, 1902)

7. AU PÉRIL DE LEUR VIE (Tahiti, 1906)

8. LE NAVIRE EST ENTRE TES MAINS ! (entre 1915 et 1919)

9. TOUS LES NATIFS SE LÈVENT D'UN BOND (Takume, 1917)

10. JE TIRE MON CHAPEAU À VOTRE ÉGLISE (Tahiti, 1918)

11. SALT LAKE CITY FOURNIT LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE (Tahiti, 1919-22, 1933-37, 1951)

12. UNE LETTRE CONFIRME CE QU'IL A VU EN SONGE (Hikueru, 1931)

13. JE CROIS MA FIN ARRIVÉE (Hao, 1936)

14. UNE MANIFESTATION DU DON DES LANGUES (Tahiti, 1957)

15. VOTRE BATEAU EST EN TRAIN DE COULER ! (Tahiti, 1959)

16. DES GUIDES D'ESPIONNAGE ! (Tahiti, début des années 1960)

17. SONT-ILS MAÎTRES AUSSI DES ÉLÉMENTS ? (Tahiti, 1964)

18. ILS REGRETTAIENT DE DEVOIR S'EN ALLER (Tahiti – San Francisco, 1964)

19. L'ÉPOPÉE MÉMORABLE DES MAMA RUAU (Tahiti, années 1960)

20. SON CHEVAL LUI SERT D'YEUX (Mahu, Tubuai, Australes, 1964)

21. LA VISITE DU PRÉSIDENT DE GAULLE (Tahiti, 1966)

22. UN SENTIMENT DIFFICILE À EXPLIQUER M'ENVAHIT (Tubuai, Australes, 1972)

23. DE NOMBREUX NON PRATIQUANTS REDEVIENNENT PRATIQUANTS (1975)

24. L'ÎLE OUBLIÉE (Taenga, 1976)

25. PAUL COUSSERAN, HAUT COMMISSAIRE (Tahiti, 1980)

26. ELLE COMPREND QU'ELLE EN TRAIN DE RECEVOIR UNE BÉNÉDICTION DE LA PRÊTRISE (Tahiti, 1982)

27. IL LUI PROMET QU'ELLE AURA UN ENFANT (Tahiti, 1982)

28. IL LUI PROMET QUE TOUT FINIRA BIEN (Tubai, entre 1981 et 1984)

29. SUR LE POINT DE RENDRE SON DERNIER SOUPIR (Hikueru, Tuamotu, 1988)

30. À UN MOMENT CRITIQUE DE LA VIE DE SES ENFANTS (Papeete, 1988)

31. SA CONVICTION QUE L'ÉGLISE EST VRAIE (Marquises, 1989)

32. ELLE PRIE POUR QUE DES MISSIONNAIRES VIENNENT À HIVA OA (Marquises, 1989)

33. IL SE SENT INSPIRÉ À RETIRER LES MISSIONNAIRES DE L'ÎLE (1990)

34. IL ARRIVE DANS MON BUREAU SUR LES MAINS (Tahiti, 1991)

35. CET HOMME DANS MON RÊVE, C'ÉTAIT VOUS (Tahiti, 1991)

36. IL DÉCIDE DE NE PLUS JOUER AU FOOTBALL LE DIMANCHE (1992)

37. IL ACCEPTE HUMBLEMENT L'APPEL (1992)




1. IL LA QUITTE IMMÉDIATEMENT

Île d'Anaa, 1845

Dans l'île d'Anaa, les anciens rencontrent un problème en ce qui concerne la santé de membres de l'Église : leur corps est possédé par des mauvais esprits. En juillet 1845, Elder Benjamin Grouard est appelé au chevet d'une sœur malade. Il raconte :

« Je ris lorsque le messager me dit qu'elle était possédée d'un démon, mais il m'assura que c'était vrai et me supplia de me hâter. Sachant les natifs très superstitieux et n'ayant moi-même jamais vu quelqu'un possédé par un démon, je n'y croyais pas, mais pensai que la personne avait été saisie d'une douleur violente, une colique ou quelque chose de ce genre. Mais lorsque j'arrivai à l'endroit où se trouvait cette personne, j'éprouvai une sensation qui me dit qu'il s'agissait d'autre chose que d'une colique.

« Je n'avais encore jamais vu un spectacle pareil, et cela me secoua ; mais après avoir contemplé quelques minutes cette personne, la crainte me quitta ; je posai alors les mains sur elle et au nom de Jésus-Christ je réprimandai le mauvais esprit et il la quitta immédiatement. Elle se leva, ayant tous ses esprits, et demanda à boire, et au bout de quelques minutes, elle était mieux que jamais. »


2. COMME SI RIEN NE LUI ÉTAIT ARRIVÉ

Île d'Anaa, 1846

Addison Pratt (1802-1872), missionnaire en Polynésie française de 1844 à 1848 et de 1850 à 1852, raconte :

« J'ai passé la nuit à Otepipi. J'ai constaté que la femme du frère qui faisait mon ménage là-bas était malade. Je lui ai demandé ce qu'elle avait. Ma question l'a fait rire mais elle ne m'a pas donné de réponse claire. Lorsque je me suis mis au lit et que je dormais d'un profond sommeil, Telii est venue me réveiller et m'a dit qu'un varua ino, un mauvais esprit, était entré dans la femme et qu'elle voulait que je vienne à leur aide au nom du Seigneur Jésus. Je me levai immédiatement et entrai dans la pièce où elle était.

« Comme c'était une petite femme, un certain nombre de sœurs plus corpulentes la maintenaient de force en place et elle s'agitait rageusement avec toutes les paroles et toutes les actions démoniaques d'une folle. Parfois elle agitait les mains, comme si elle essayait de voler. Les natifs disaient qu'elle était possédée d'un varua ino pererau, c'est-à-dire d'un démon volant. Elle parlait aussi en langues et ils disaient que c'était une langue étrangère. Mais il serait impossible de décrire son étrange comportement et après avoir été terrifié devant un fou lorsque j'étais tout petit, je ne peux, à ce jour, éviter que d'étranges sensations m'envahissent quand je vois quelqu'un de dérangé et de perturbé par des esprits mauvais.

« À cause de cela, il me fallut un certain temps pour réunir suffisamment de volonté pour poser les mains sur elle, et lorsque je le fis, elle se déchaîna plus que jamais, mais lorsque je commandai d'une voix forte et ferme, au nom de Jésus-Christ, à ces esprits mauvais qui la troublaient de la quitter, elle s'empara du drap dont elle était couverte, s'en recouvrit le visage et resta couchée complètement passive.

« Comme elle restait un certain temps totalement immobile, je finis par lui parler, l'appelai par son nom et lui demandai comment elle allait. Elle répondit qu'elle allait bien, rejeta le drap de son visage et nous parla d'une manière parfaitement raisonnable et avec sa vivacité et sa bonne humeur naturelles, qui sont plein d'entrain, comme si rien ne lui était arrivé, et elle resta ainsi tant que je me trouvai là-bas, et je n'ai plus entendu dire qu'elle avait des problèmes. »

(The Journals of Addison Pratt, 29 septembre 1846, University of Utah Press, Salt Lake City, 1990, p. 289-90)


3. UNE LUMIÈRE APPARAÎT AU-DESSUS DE SA TÊTE

Raivavae, 1852

À Raivavae, le missionnaire James S. Brown rencontre beaucoup d'opposition. L'hostilité augmente jusqu'à ce qu'en mai 1852, au village de Tatake, ses ouailles et lui soient menacés de mort. Il y a deux jours de fête et d'hystérie dont le point culminant sont les préparatifs pour brûler Brown vif. Le bûcher est allumé.

Au plus fort du tumulte, Elder Brown les défie au nom de Dieu. C'est alors que, sans qu'il le sache, une lumière brillante apparaît au-dessus de sa tête, lumière que la foule prend pour un signe de Dieu en faveur du missionnaire. Un couple membres de l'Église habitants du village, la femme ayant son bébé dans les bras, s'avance et exige d'être brûlé avant le missionnaire, sur quoi les gens commencent à se battre entre eux jusqu'à ce que la tombée de la nuit disperse la foule épuisée.

Elder Brown raconte : « Après cela, je fus traité avec un grand respect. »


4. EMPRISONNÉS POUR AVOIR PRIÉ

Entre 1852 et 1867

Les premiers missionnaires de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours arrivent en Polynésie française en 1844. Huit ans plus tard, en 1852, la politique française ne permet plus aux missionnaires de continuer leur travail. Les Elders Pratt, Grouard et les autres quittent les îles cette année-là. Les dirigeants locaux qui ont été formés par les missionnaires assument la pleine responsabilité de l'Église et de l'enseignement de l'Évangile. Avant leur départ, les missionnaires ont laissé dans le ministère un certain nombre d'anciens natifs qui se sont révélés être des hommes de Dieu dignes, œuvrant fidèlement et de leur mieux. Les saints, quelque 1500 à 2000 âmes dispersées dans une vingtaine d'îles, sont, d'une manière générale, fidèles et zélés. Malgré une vive opposition et des conditions d'existence difficiles, beaucoup de communautés de saints non seulement survivent mais réussissent à préserver leur mode de vie évangélique.

Les responsables du gouvernement s'attendent à ce que, une fois les missionnaires américains partis, les saints insulaires abandonnent leur culte en tant que saints des derniers jours. Mais ceux-ci continuent à organiser leurs réunions et à adorer comme avant. Des représentants de l'Église catholique vont dans les îles pour installer leur foi, avec le soutien du gouvernement. Des conflits se produisent. Il est à diverses reprises commandé aux saints de cesser de prêcher et de prier, mais en vain. Les dirigeants de diverses branches et groupes insulaires sont amenés à de multiples reprises au siège du gouvernement à Tahiti, où on leur donne le choix entre abandonner leur foi et mettre fin à leurs réunions ou aller en prison.

Un président de branche, Tihoni, d'Anaa, est emmené devant le juge et le choix lui est donné. Il dit au juge qu'il préférerait se faire trancher la gorge que d'abandonner sa religion.

Une autre fois, après 1862, à Anaa, l'officier résident du village se rend à Otepipi avec un escorte de dix soldats et arrête huit frères dirigeants et deux sœurs parce qu'ils prêchent et prient. Les sœurs sont enfermées dans le bâtiment gouvernemental et les frères mis en prison pendant une semaine avant d'être libérés. Ils s'habillent de leurs plus beaux vêtements et, Bible sous le bras, sont introduits en présence du gouverneur. Après un interrogatoire, les sœurs et les trois frères sont mis en liberté. Deux frères,Tihoni et Maihea, sont de nouveau emprisonnés mais libérés le lendemain avec la permission de rentrer chez eux et de prêcher et de prier autant qu'ils le veulent.

L'intolérance se manifeste aussi à Tubuaï, mais lorsqu'une affaire est transférée à Tahiti, le gouvernement ordonne la mise en liberté des prisonniers et leurs accusateurs sont condamnés par les autorités françaises. L'ère d'intolérance et de persécution religieuse prend fin au cours des années 1860. Dès 1867, la liberté de religion règne de nouveau dans tout le Protectorat.


5. LES SAINTS NE SONT PAS D'ACCORD

Îles Tuamotu, 1896

Lorsque Andrew Jenson, l'historien de l'Église, rend visite en 1896 aux Tuamotu, il y reste suffisamment longtemps pour observer les réunions des saints. Il écrit :

« Talcaroa, dimanche 1er mars 1896. Nous avons assisté à trois reunions générales, à une classe de l'Évangile et à une réunion de prêtrise avec les saints de Talcaroa. Nous avons également pris la Sainte-Cène, utilisant de la chair de coco au lieu de pain et du lait de coco au lieu de vin ou d'eau.

« Les saints de cette mission assistent fidèlement aux réunions. Dans la plupart des branches, ils tiennent trois réunions et une classe de l'Évangile chaque dimanche. Ensuite on tient aussi des classes de l'Évangile le lundi soir, des réunions générales et des classes de l'Évangile le mercredi, une réunion de soeurs le jeudi après-midi et des classes de l'Évangile le vendredi après-midi et le vendredi soir.

« Les missionnaires ont essayé de diminuer le nombre des réunions, mais les saints ne sont pas d'accord, car c'est une vieille habitude chez eux de tenir des réunions et des classes dans cet ordre-là.

« Les activités des classes de l'Évangile consistent généralement en des questions et des réponses sur des sujets de l'Évangile, sur la Bible et l'histoire de l'Église. Celui qui dirige distribue les questions aux différents élèves lors d'une précédente leçon. Ces classes sont généralement intéressantes et vivantes, car elles stimulent l'esprit et l'énergie des saints qui sont vivement désireux de donner les meilleures réponses possibles. »


6. IL RÉPRIMANDE LA TEMPÊTE AU NOM DU SEIGNEUR

Archipel des Tuamotu, 1903

Parmi les grands rendez-vous annuels des habitants des Tuamotu, il y a la pêche aux perles. Les îles Hikueru et Marokau sont les points centraux de la récolte des perles et de la nacre. Des centaines d'insulaires s'y rassemblent, venant de très loin, de l'île Hao à l'est à l'île Kaukura à l'ouest, pour participer à la pêche aux perles, à son commerce et aux festivités qui l'entourent.

Les saints et autres habitants de Hikueru reçoivent la visite des saints et autres habitants venus de nombreuses îles. Les missionnaires H. J. Sheffield, président de district, et son compagnon, Joseph E. Allen, veillent sur les affaires de l'Église. Le fait que les saints des derniers jours côtoient une population nouvelle et variée suscite un comportement contraire aux enseignements des missionnaires : boisson, danses malpropres, transgressions sexuelles.

Elder Sheffield est tellement anéanti par cette situation de corruption généralisée parmi les habitants de Hikueru, qu'en décembre, au cours d'un discours, il se sent contraint de prévenir la population. Il raconte : « L'esprit de prophétie vint sur moi et je prophétisai, au nom de Jésus-Christ et par le pouvoir de la sainte prêtrise, que s'ils ne se repentaient pas rapidement, une grande destruction et de grandes afflictions s'abattraient sur eux. »

Alors que la pêche bat son plein, un cyclone se déclenche et fait rage pendant des jours. Un gigantesque raz de marée inonde la plus grande partie de l'archipel des Tuamotu. Quelque quatre-vingts îles sont touchées par l'ouragan. Les plus durement touchées sont Hikueru, Hao et Marokau.

Le centre du cyclone touche Hikueru le mercredi. Ce sont les mercredi 14, jeudi 15 et vendredi 16 janvier 1903 que le cyclone atteint son apogée, avec des vents atteignant 150 kilomètres à l'heure.

Dès le jeudi, à la tombée de la nuit, il ne reste plus aucun bâtiment debout. Tous ont été balayés, le vent et l'eau emportant tout avec eux, y compris les arbres déracinés. Tout a été emporté dans lagune. Cependant, la tempête bat son plein. Ce soir-là, les Elders Sheffield et Allen s'attachent l'un à l'autre et se ligotent au sommet d'un cocotier.

Le lendemain matin, le cocotier est encore debout et les missionnaires ont survécu à la nuit. C'est alors qu'Elder Sheffield réprimande la tempête au nom du Seigneur et prie Dieu de la faire cesser. Moins d'une demi-heure plus tard, le vent tombe et la mer devient calme.

Trois jours plus tard, le vapeur Excelsior arrive pour emmener les gens dans leur île d'origine. Les habitants survivants de Hikueru sont emmenés aussi, leur île n'étant plus habitable par des humains.

Cette catastrophe servira de trame à une nouvelle de Jack London, La Maison de Mapuhi, publiée en octobre 1911 dans le recueil Contes des mers du sud.


7.  AU PÉRIL DE LEUR VIE

Tahiti, 1906

Le 8 février, les inondations sapent les fondations du consulat américain et le bâtiment ne tarde pas à s'effondrer. Le consul est en tournée dans l'île, mais sa mère, sa sœur et son jeune neveu sont là et sont immédiatement sauvés par les missionnaires mormons et emmenés au bureau de la mission. Les missionnaires vont ensuite au secours des archives du consulat, sauvant les registres, bien qu'ils soient endommagés par l'eau. Monsieur Doty, le consul, est impressionné par les missionnaires et reconnaissant de ce qu'ils ont sauvé les registres. Il écrit au président de l'Église, Joseph F. Smith :

Corps consulaire des États-Unis, Tahiti, S. 1.
15 février, 1906
M. Joseph F. Smith, président

Monsieur,

J'ai le grand plaisir de vous informer que pendant le cyclone et le raz de marée de Papeete, Tahiti, du 8 février, les missionnaires mormons ont rendu, au péril de leur vie, un service remarquable au consulat américain pour sauver les archives. Il s'agit de Messieurs Hall, Peck, Clawson, Pierson, Tibbetts, Miner, Wilkinson, Noall et Huffaker. Mme Hall et Mme Wilkinson ont aussi manifesté de la bonté et de l'hospitalité à mon égard et à ma famille pendant les trois jours où nous avons été leurs hôtes.

Les missionnaires ont donné un splendide exemple de loyauté envers les intérêts de leur pays à l'étranger. J'ai signalé leur bravoure et leurs services distingués au département d'État.

Je vous félicite d'avoir d'aussi nobles représentants dans cette communauté insulaire. Je suis heureux que le bureau de la mission soit presque terminé ; c'est un splendide édifice.

Avec ma très haute considération,
Respectueusement vôtre,
WILLIAM F. DOTY,
Consul.


8. LE NAVIRE EST ENTRE TES MAINS !

Entre 1915 et 1919

Ernest C. Rossiter fut deux fois président de mission en Polynésie française au cours des deux guerres mondiales. L'histoire suivante se passe lors de la première de ses deux missions polynésiennes, entre 1915 et 1919. Il raconte :

Un des membres de l'Église, un vieux capitaine de navire appelé Tahauri, était employé par une compagnie marchande locale dont le siège était à Papeete. Son itinéraire le menait dans les îles supérieures des Tuamotu qui se trouvent au nord et à l'est de l'île principale de Tahiti. J'avais pris passage sur le bateau de Tahauri, espérant atteindre l'île en quelques jours.

Nous étions en mer depuis plusieurs jours lorsque nous arrivâmes à notre premier point d'abordage dans l'île de Rairoa, où Tahauri faisait du commerce. Après avoir quitté Rairoa, le matin, nous naviguâmes toute la journée et, à la tombée du jour, nous venions tout juste de laisser l'extrémité nord-est de Rairoa derrière nous et, comme nous contournions la pointe de cette grande île corallienne, Tahauri, le capitaine, mit le cap sur le nord-est, me disant : « Eraneta (c'est ainsi que les natifs m'appellent), il y a un courant très fort entre ici et Takaroa. C'est pour cela que je maintiens mon bateau vers le nord, ce qui devrait nous amener en vue de Takaroa au petit matin. »

Nous mîmes nos couchettes sur le pont et nous installâmes pour la nuit, heureux à la pensée que nous allions aborder dans le courant de la journée suivante. Nous nous levâmes tôt dans l'espoir de voir la terre devant nous. Nous ne vîmes rien d'autre que le vaste océan. Nous regardâmes à gauche, à droite et vers l'arrière, mais il n'y avait rien en vue. Nous avançâmes tout droit ce jour-là et pendant toute la nuit suivante. Le troisième matin, le capitaine, chagrin et très préoccupé, vint me trouver et dit : « Eraneta, je me suis perdu. Je ne sais pas où nous sommes. » Comme le ciel était couvert, il lui était impossible de dire dans quelle direction il naviguait. S'il avait continué dans cette même direction, nous serions arrivés en Amérique du Sud. Cela nous aurait pris un mois ou plus et en outre, il ne nous restait plus que très peu d'eau potable et pas suffisamment de rations pour tenir aussi longtemps.

En désespoir de cause, il dit : « Eraneta, à partir d'ici, c'est toi qui dois me remplacer et devenir le capitaine. » Je lui dis que je n'y connaissais rien en navigation et que je ne savais pas plus que lui où nous étions. Que pouvais-je donc faire ? Il retourna, les larmes aux yeux, au gouvernail et continua tout droit avec le bateau, navigant tout le temps contre l'alizé. Après plusieurs jours encore, la situation commença à être grave et les marins devinrent agités et maussades. Tout à fait découragé, le capitaine répéta : « Eraneta, le navire est entre tes mains. Je refuse de continuer. »

Voyant que la situation avait commencé à devenir incontrôlable, je devins très inquiet. Après avoir sérieusement médité, réfléchi et prié, je dis au capitaine : « Je vais prendre la direction du bateau. » J'appelai tous les marins, les autres passagers et le capitaine à l'arrière du bateau et fis une prière d'actions de grâces au Seigneur de nous avoir sauvés jusque-là des éléments. Je dis au Seigneur que j'avais encore beaucoup de travail à faire parmi les natifs et avais dans mon cœur le désir d'achever ce travail et que puisque j'étais maintenant capitaine du bateau, je désirais savoir dans quelle direction je devais aller pour atteindre l'île de Takaroa. Devais-je faire demi-tour, devais-je aller vers l'est ou vers l'ouest ?

Les natifs avaient très peur et étaient très humbles et, dans cet état d'esprit, manifestèrent leur foi pour que je reçoive la réponse à notre prière. Une fois la prière faite, je me rassis sur le pont, les yeux fermés, et il me vint une vision très claire de l'île de Takaroa. Tandis que je regardais, l'île me semblait être derrière nous plutôt que devant. Je sus alors que le Seigneur avait répondu. Je criai aux marins de faire demi-tour et de revenir en arrière mais pas tout à fait sur le même itinéraire, puisque apparemment nous avions dépassé l'île de nombreux kilomètres à l'ouest, trop loin pour la voir au moment où nous passions. Je dis : « Nous allons tirer des bordées deux heures à droite, deux heures à gauche et nous allons aborder sains et saufs à l'île de Takaroa. »

Les natifs ayant une foi implicite aux missionnaires, étaient disposés à obéir à toutes les instructions et pendant plusieurs jours nous revînmes en arrière contre le vent. Finalement un matin, un marin grimpa au sommet du mât et poussa le cri pour lequel nous priions depuis si longtemps : « Terre droit devant ! » Ce soir-là, juste au crépuscule, nous entrions dans la passe de Takaroa et abordions au quai, heureux et reconnaissants de ce que nos prières eussent été exaucées et de ce que notre vie eût été épargnée.


9. TOUS LES NATIFS SE LÈVENT D'UN BOND

Île de Takume, 1917

Pendant la saison de 1917, une terrible épidémie de dysenterie éclate et dégénère en une forme plus grave de flux de sang. Des enfants de tous âges sont atteints et beaucoup meurent. Les missionnaires sont occupés toute la journée et jusqu'aux premières heures du matin à constamment bénir et soigner les enfants malades. Les missionnaires ont à peine le temps de rentrer chez eux et de se préparer pour la nuit que l'on frappe une énième fois à la porte de leur hutte de paille, ce qui signifie qu'ils vont faire une nouvelle visite de condoléances à un foyer éploré.

Le président de mission, Ernest C. Rossiter, raconte :

« Un soir, j'étais rentré chez moi lorsque le toc toc familier retentit. Je me levai, me rendis à la porte, plus endormi qu'éveillé, puisque je n'avais cessé de me lever et de me coucher toute la nuit. Lorsque j'ouvris la porte, je vis devant moi un natif qui semblait avoir connu un grand chagrin et qui était accablé de douleur. Il dit en sanglotant : ' Eraneta, viens vite. Notre petite enfant vient de mourir. ' Il partit en hâte, espérant que je le suivrais. En entendant l'histoire du natif, sœur Rossiter s'habilla et m'accompagna dans son humble demeure.

« C'était une nuit sans lune et l'obscurité était totale, mais avec notre lampe à pétrole, nous avançâmes lentement et prudemment dans le grand bosquet de cocotiers. Les immenses noix de coco tombaient ça et là tout autour de nous, libérées de leur support par la fraîcheur de la nuit. Nous eûmes la chance qu'aucune ne nous tomba sur la tête. Nous arrivâmes avec difficulté. En nous approchant de la maison de chaume, nous pouvions entendre des voix basses et solennelles psalmodier et gémir leur chant de détresse.

« Doucement, silencieusement, nous ouvrîmes la porte et nous vîmes dans la pièce un des spectacles les plus étranges et les plus étonnants que nous eussions jamais vus. Nous fûmes tout d'abord surpris, mais, lorsque nous entrâmes, les voix cessèrent de psalmodier. Les larmes leur coulant sur les joues, ils se prosternèrent avec révérence et respect devant la prêtrise du Dieu vivant qui entrait chez eux. Les amis et les parents étaient assis par terre, les jambes croisées comme le font les natifs. Au centre de la pièce, sur plusieurs oreillers blancs comme neige, était étendu le corps immobile du petit enfant de Toai a Maire, habillé de ses vêtements d'ensevelissement blancs à dentelles. Le père, qui était venu me trouver, était assis à côté de son enfant. M'appelant par le nom que me donnaient les natifs, il dit : 'Eraneta, notre enfant est morte. Nous voulons que tu consacres notre fille au Seigneur.'

« J'hésitai un instant, contemplant le corps sans vie de cette belle petite fille, puis me penchai et soulevai très tendrement son corps de l'oreiller blanc. Je ne pouvais détecter aucun signe de vie. Il n'y avait pas de pouls, pas de respiration. Je tins son corps immobile dans mes bras. Elle était si belle et si immobile. J'avais pleinement décidé de lui donner une bénédiction d'adieu, mais dans un but bon et sage, Dieu avait d'autres plans.

« Comme je commençais à prier, il me sembla que j'étais envahi par une force qui me retenait et que j'étais incapable de comprendre sur le moment même. Puis tout à coup, l'Esprit du Seigneur vint sur moi et d'une voix basse et tendre, je réprimandai le pouvoir du Destructeur et, au nom du Rédempteur, commandai que la vie revienne dans le corps de l'enfant. Je déposai avec douceur le corps sur l'oreiller, reculai d'un pas et, la tête inclinée, contemplai ce joli petit corps qui était froid et immobile devant moi.

« Bientôt je remarquai, et beaucoup de natifs avec moi, un cil battre ; Toai et Terava et tous les natifs se levèrent instantanément d'un bond, regardant fixement l'enfant. Son pouls revint et le corps commença bientôt à se réchauffer. Puis elle ouvrit les yeux. Les parents, stupéfaits, étaient incapables de se maîtriser et j'eus du mal à les empêcher de bouger et de déranger leur fille.

« C'est ainsi qu'en l'année 1917, dans cette hutte au toit de chaume isolée du monde, Dieu avait réalisé une de ses manifestations du pouvoir de la prêtrise. »


10. JE TIRE MON CHAPEAU À VOTRE ÉGLISE

Tahiti, 1918

Lors d'une conversation qui a lieu le 9 mars 1918, le consul britannique à Tahiti, le Dr Walter J. Williams, déclare :

« La chose que j'admire par excellence dans l'Église mormone est que c'est une religion pratique de tous les jours et e qu'il y a de plus remarquable chez elle est l'effet qu'elle a sur ses membres.

« C'est quelque chose de tout à fait merveilleux de voir les jeunes missionnaires mormons s'en aller dans le monde pour consacrer les meilleures années de leur jeunesse à leur Église sans rétribution. De plus, tout en se mêlant à toutes sortes de gens, ils ne s'identifient pas à eux. Ce sont les meilleurs jeunes gens que j'aie jamais rencontrés en ce monde et je tire mon chapeau à l'Église mormone et aux mormons. »


11. SALT LAKE CITY FOURNIT LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

Tahiti, 1919-22, 1933-37, 1951

Pendant que LeRoy Mallory fait sa première mission à Tahiti, entre 1919 et 1922, son président de mission, Ernest C. Rossiter, le charge d'organiser et de former une fanfare dans l'île de Takaroa. L'Église de Salt Lake City fournit les instruments. Étant donné que la plupart des insulaires ne peuvent pas lire la musique, la tâche est difficile, mais frère Mallory est un homme dévoué et talentueux. Cette entreprise constite pour les jeunes une distraction saine. La fanfare joue pour les conférences et l'amusement des membres aussi bien que lors des manifestations publiques et est bien reçue partout.

Pendant sa deuxième mission, de 1933 à 1937, cette fois en tant que président de mission, frère Mallory organise de nouveau cette fanfare de vingt-six membres. Il met à sa tête Taumata a Mapuhi, qui a été formé au Church College de Nouvelle-Zélande. La fanfare connaît de nouveau un grand succès. Elle fait plusieurs voyages à Tahiti et en août 1934, elle est invitée par le gouvernement à se rendre en novembre à Fakarava pour assurer la musique d'une grande journée de manifestations culturelles. Elle s'y rend, remporte le premier prix, une médaille, et 125 francs. Elle est très appréciée par tous les milieux.

En mars 1951, le président Mallory, lors de sa troisième mission, l'organise une fois de plus. Composée de trente-six musiciens, elle joue à de nombreuses manifestations de l'Église aussi bien que lors des manifestations publiques à Tahiti. Pour la parade de la fête de la Bastille, le 14 juillet, on lui demande d'ouvrir les festivités et d'être en tête de la parade.


12. UNE LETTRE CONFIRME CE QU'IL A VU EN SONGE

Île de Hikueru, 1931

À cette époque-là, en Polynésie française, les missionnaires habitent généralement une chambre unique dans une maison ou une maison d'une seule chambre séparée d'une famille locale. La cuisine est proche. La famille peut prendre soin d'eux de diverses façons. Les missionnaires ont un mode de vie assez proche de la vie tahitienne, à l'exception des vêtements où c'est la tenue américaine qui est de rigueur.

Les missionnaires sont à pied, sauf s'ils ont acheté un cheval. Le transport entre les îles est rare et lent. Ils doivent utiliser essentiellement les produits locaux. Mais leur principale préoccupation semble être le manque de courrier. Il peut se passer des semaines et plus vraisemblablement des mois entre deux distributions de courrier. Celui-ci dépend encore de la bonté du capitaine d'un navire et de l'itinéraire emprunté par celui-ci, toujours susceptible d'être retardé ou changé. En dépit du fait qu'ils sont isolés du monde extérieur, la communication se produit parfois par l'inspiration, comme l'illustre l'incident suivant.

Alors qu'Elder Floyd M. Packer travaille dans l'île de Hikueru, son collègue Elder Hess le réveille vers deux heures du matin, lui disant qu'il pleure. Que se passe-t-il ? On est le 16 septembre 1931. Elder Packer lui dit que la femme de son frère vient de décéder. Elder Hess essaie de persuader Elder Packer qu'il se trompe, que ce n'est qu'un rêve. Elder Packer lui dit qu'il l'a vue dans un cercueil, son frère d'un côté et sa mère de l'autre.

Quelques mois plus tard, lorsque les missionnaires retournent au siège de la mission, le président Burbidge appelle Elder Packer dans son bureau et lui dit qu'il a de tristes nouvelles pour lui. Elder Packer lui dit qu'il sait ce que c'est : sa belle-sœur est décédée le 16 septembre. Oui, c'est bien ce que le président a à lui apprendre. Comment Elder Packer le sait-il ? Il raconte au président ce qui est arrivé, puis il lit son courrier et une lettre confirme ce qu'il a vu en songe cette nuit-là.


13. JE CROIS MA FIN ARRIVÉE

Hao, 1936

Le missionnaire Robert M. Johnson travaille à la construction de l'église de Hao. Il raconte :

« Nous avons terminé les élévations, y compris les pignons. Les murs ont 45 centimètres d'épaisseur. Nous sommes en train d'installer les chevrons depuis le sommet des murs jusqu'aux poutres qui vont d'un pignon à l'autre.

« Je suis debout au sommet du mur de droite et je passe le chevron au missionnaire qui les fixe à la poutre au sommet, lorsqu'un des chevrons que je tiens glisse et me fait perdre l'équilibre, et je me mets à tomber en arrière, vers le sol qui est à environ quatre mètres cinquante en-dessous de moi.

« Je crois ma fin arrivée lorsqu'un pouvoir ou des mains sont placées sur mon dos et que je suis remis à ma place de départ.

« C'est une expérience spirituelle extraordinaire pour moi, jeune missionnaire. »


14. UNE MANIFESTATION DU DON DES LANGUES

Tahiti, février 1957

En mars 1956, Wendell B. Mendenhall, président du comité de construction de l'Église, qui visite les missions de l'Église dans le Pacifique pour inspecter les constructions, rend visite à Tahiti pour faire des recommandations concernant de futurs projets. Frère Mendenhall retourne à Tahiti en février 1957 pour voir où en sont divers chantiers. Au cours de sa visite, il souhaite rencontrer le gouverneur pour discuter avec lui de l'approbation du programme de construction de l'Église par le gouvernement. Il demande que Thomas R. Stone, missionnaire parlant le français, l'accompagne comme traducteur.

Elder Stone raconte :

« À son arrivée pour une visite de deux jours, le président Mendenhall nous demande de prendre rendez-vous pour rencontrer le lendemain matin le gouverneur français de Tahiti. Il faut habituellement une à deux semaines pour obtenir une entrevue personnelle avec le gouverneur. Toutefois, lorsque la situation a été expliquée à sa secrétaire, notre demande reçoit un accueil favorable et une audience nous est accordée.

« Lorsque la conversation commence entre le président Mendenhall et le gouverneur, je traduis en priant sincèrement de réussir à communiquer les pensées du président Mendenhall. Nous ne disposons que d'un temps limité et la nécessité de traduire tout ce qui se dit ralentit naturellement la conversation. Mais je ne tarde pas à remarquer que le président Mendenhall comprend ce que le gouverneur dit et répond avant que j'aie le temps de traduire.

« Je suppose à l'époque que le président Mendenhall a déjà étudié le français et peut par conséquent comprendre le gouverneur. Mais tandis que nous sortons, il se tourne vers moi et dit d'une voix contenue : 'Je viens d'avoir une manifestation du don des langues. Je n'ai jamais appris le français, et pourtant j'ai pu comprendre ce que le gouverneur voulait dire.'

« Grâce à cela, tous les points prévus à l'ordre du jour furent traités et l'approbation nécessaire pour entreprendre le programme de construction à Tahiti fut reçue. Quelle bénédiction pour moi d'avoir été témoin de cette manifestation moderne. Le Seigneur est assurément avec nous dans cette œuvre importante. »


15. VOTRE BATEAU EST EN TRAIN DE COULER !

Tahiti, 1959

En 1959, alors que Joseph Reeder est président de la mission de Polynésie française, des dispositions sont prises pour permettre à un groupe de trente saints tahitiens de voyager à bord du Paraita, le schooner de la mission, au temple de Hawaii. Le président Reeder et Raituia Tehina Tapu, le capitaine, ont reçu la permission nécessaire du gouvernement français ainsi que du président de l'Église, David O. McKay. Depuis bien des années les membres travaillent diligemment à épargner les fonds nécessaires. Après des années d'attente et de planification, tout semble finalement se mettre en place.

Ernest C. Rossiter, qui a été deux fois président de la mission tahitienne et parle couramment le français, est en visite à Tahiti, envoyé par la Première Présidence de l'Église pour aider à apaiser les tensions accumulées depuis une décennie entre l'Église et les représentants du gouvernement français. Frère Rossiter informe un groupe de frères de la prêtrise que le président McKay leur recommande vivement de ne pas faire le voyage. Quelques jours seulement avant le départ des saints pour Hawaii, le président Reeder écrit dans le journal de la mission :

« Nous nous rendîmes à la réunion avec les détenteurs de la prêtrise pour écouter le président Rossiter. Après avoir entendu le message de la Première Présidence, il fut persuadé que si cela venait des dirigeants de l'Église, c'était inspiré par le Seigneur et que la seule manière de lui montrer qu'ils l'aimaient et étaient reconnaissants des bénédictions qu'il leur avait données, était de suivre la recommandation qui avait été faite. Je les fis tous soutenir à main levée la décision de la Première Présidence et tous la soutinrent.

« Les membres déçus acceptèrent avec bonne grâce la tournure que prenaient les événements. La raison pour laquelle le président leur avait demandé d'annuler le voyage devint bientôt manifeste. Quelques jours plus tard, le capitaine Tapu recevait un coup de téléphone de la capitainerie du port l'informant que le Paraita était en train de couler. Voici comment le capitaine Tapu raconte l'incident :

Le capitaine du port me dit : “Votre bateau est en train de couler.' Je lui dis : 'Quoi ? Je viens de le sortir du chantier naval.” Il dit : “VOTRE BATEAU EST EN TRAIN DE COULER ! DEPÊCHEZ-VOUS !” Je courus jusqu'au port : le bateau était à moitié submergé. Mon second était en-dessous de la coque pour essayer de découvrir ce qu'il se passait. Il découvrit que le tuyau d'élimination des déchets de cuisine était pourri. Les ouvriers avaient repeint le bois pourri et le tuyau pourri et brisé avait laissé l'eau entrer dans le bateau. Que serait-il arrivé si nous avions fini à trois ou quatre cents kilomètres en mer sur une chaloupe de sauvetage ? Si nous étions partis comme prévu, c'est là que nous nous serions trouvés lorsque le tuyau se serait rompu. ›

« Quelques jours plus tard, lorsque la transmission du Paraita fut démontée, la raison de l'inspiration et de la recommandation de la Première Présidence fut évidente. Tous les engrenages de la transmission étaient complètement usés et n'auraient jamais tenu le coup pour le voyage aller-retour de Tahiti à Hawaii. »


16. DES GUIDES D'ESPIONNAGE !

Tahiti, début des années 1960

Le matériel à destination de la Primaire est saisi par un fonctionnaire des douanes. Il pense que les noms des manuels de la Primaire : Radar, Pilotes, Ailes, Traceurs de piste, etc. ressemblent plus à des guides d'espionnage qu'à des manuels d'enseignement religieux. Les dirigeants de la mission n'ont alors pas de difficulté à démontrer au fonctionnaire méfiant qu'il s'est heureusement trompé !


17. SONT-ILS MAÎTRES AUSSI DES ÉLÉMENTS ?

Tahiti, 1964

L'année 1964 voit l'achèvement d'un des projets de construction les plus importants de l'histoire de la mission de Polynésie française, l'école élémentaire de l'Église à Papeete, à Tahiti. Le splendide bâtiment est terminé et prêt à être consacré en décembre de cette année-là. Il comporte dix-sept salles de classe, une bibliothèque, une grande cafétéria qui peut être convertie en salle récréative, et une grande salle pour les cours pratiques (ébénisterie et arts domestiques).

Le 18 septembre 1964, jour de la dédicace de l'école, le ciel matinal est assombri par d'épais nuages ; Les pluies torrentielles qui battent Papeete depuis deux jours détrempent les sièges installés en plein air dans la cour de l'école pour l'événement.

Beaucoup de dignitaires locaux, dont des représentants ecclésiastiques et du gouvernement, attendent sous abri avec la grande foule qui s'est rassemblée. La dédicace doit commencer à dix heures du matin. À dix heures moins deux, la pluie continue à tomber à seaux, mais les saints refusent de se laisser décourager. C'est un jour merveilleux que l'on attend depuis longtemps. Beaucoup de personnes présentes prient silencieusement pour supplier le Seigneur de faire cesser la pluie.

Tout à coup, quelques instants avant dix heures, les nuages se séparent sur une petite superficie juste au-dessus de l'école. Le président Stone dira à propos de cet événement mémorable :

« Les nuages s'ouvrirent directement au-dessus de nous et un rayon de soleil intense passa et commença à réchauffer les centaines de chaises qui avaient été installées. La chaleur fut si immédiate et si forte que nous pûmes littéralement voir la vapeur s'élever, et les chaises mouillées furent sèches en quelques minutes.

« Un prêtre catholique se tourna vers moi et, d'un air incrédule, demanda : 'Les mormons sont-ils maîtres aussi des éléments ?'

« Nous pûmes rapidement faire asseoir tout le monde et la réunion commença avec seulement quelques minutes de retard sur l'horaire.

« Habituellement j'accorde peu de crédit à toutes les histoires de beau temps que j'entends, mais ceci était vraiment remarquable. Toutes les personnes présentes en furent témoins. Le ciel était clair et bleu au-dessus du terrain de l'école, alors qu'il continuait à pleuvoir tout autour de cet espace limité. »


18. ILS REGRETTAIENT DE DEVOIR S'EN ALLER

Tahiti – San Francisco, 1964

Le 3 mai 1964 a lieu le vol inaugural de la Pan American Airlines de Tahiti à San Francisco, et beaucoup d'autorités locales reçoivent, à titre publicitaire, des billets gratuits. Le président de la mission de Polynésie française, Thomas Stone, est invité à prendre l'avion en tant que représentant de l'Église qui est un client important de Pan Am dans le monde entier. Il voyage avec un groupe de plus de trente fonctionnaires du gouvernement français, dont le président de l'assemblée territoriale, des membres du conseil du gouveneur et des fonctionnaires des douanes. Ce qui a commencé comme un voyage aérien sans histoire, se révèle être la réponse aux prières du président Stone pour l'amélioration des rapports avec le gouvernement.

Lorsque le charter arrive à San Francisco, le groupe est emmené en car faire le tour de la région de la baie de San Francisco. Le groupe doit visiter l'hôtel Claremont, à Berkeley, mais voyant qu'ils sont arrivés presque une heure trop tôt, le président Stone demande si le conducteur du car peut passer devant le centre interpieux tout proche. C'est un immense complexe de l'Église desservant neuf pieux de la région d'Oakland. Il est équipé d'un des plus beaux orgues de l'Église et a une salle de Sainte-Cène pouvant recevoir deux mille deux cents personnes.

Le représentant de la Pan Am ne veut être associé à aucune confession religieuse mais donne quand même au conducteur la permission de faire le détour. O. Leslie Stone, père de Thomas Stone et président du pieu d'Oakland Berkeley, arrive par coïncidence au même moment que le groupe. Thomas Stone présente son père aux autorités gouvernementales et celui-ci invite les visiteurs à voir le nouveau bâtiment. Ils visitent le centre et entendent un récital d'orgue improvisé par un organiste professionnel qui répète en vue d'une prochaine représentation. Tous les membres du groupe sont impressionnés par la beauté de la musique et du cadre.

Ils visitent aussi l'église de la paroisse d'Oakland, qui est à côté, et constatent qu'il y a beaucoup de salles de classe vides. Ils demandent pourquoi elles sont vides et à quoi elles servent. Le nombre de salles de classe construites dans les églises de Polynésie française a toujours été une source de préoccupation pour les autorités françaises, qui ne sont pas convaincues que les classes ne servent qu'à des fins religieuses. Le président Stone explique que les classes sont vides parce qu'elles sont exclusivement utilisées pour l'enseignement religieux du dimanche.

Le groupe se rend alors dans la salle de Société de secours où la Société de secours de la troisième paroisse d'Oakland tient une réunion de témoignages. Les autorités gouvernementales se disent intéressées par la réunion. Elles sont alors invitées à y participer et, grâce à un traducteur, entendent les témoignages rendus ce jour-là. À la fin de la réunion, le porte-parole du groupe demande à pouvoir dire quelques mots avec l'aide d'un traducteur. Le président Stone et son père entendent cette autorité supérieure du gouvernement dire aux femmes :

« Je voudrais m'excuser d'avoir interrompu cette belle réunion. Nous avons été extrêmement impressionnés par ce que nous avons vu en ce bel endroit. Nous avons eu l'occasion d'écouter un beau récital d'orgue et maintenant de vous entendre exprimer du fond du coeur vos sentiments vis-à-vis de vos croyances. Cela a eu un effet très profond sur mon âme. Je tiens à ce que vous sachiez combien nous sommes reconnaissants d'avoir des représentants de votre Église en Polynésie française. Ils enseignent de merveilleux principes, notamment la Parole de sagesse, qui est bonne pour nos jeunes... »

Avant la fin de la visite, O. Leslie Stone invite le car tout entier d'autorités venues de Tahiti à passer devant le temple d'Oakland, alors en construction, et à s'arrêter brièvement à la maison familiale des Stone à Piedmont. Le temple impressionne encore davantage le groupe. Soeur Stone salue chaque membre du groupe comme s'il était un ami qu'elle n'avait plus vu depuis longtemps. Le président Stone dira : « Ma mère les a embrassés à la française sur les deux joues et leur a fait une vraie fête ! Ils regrettaient de devoir s'en aller. »

Pour Thomas Stone, cette expérience avec les autorités tahitiennes à San Francisco est véritablement une réponse à ses prières, car les autorités ont vu l'Église en action aux États-Unis. Grâce à cette expérience, les autorités françaises changent par la suite d'attitude. Le nombre de visas missionnaires augmente légèrement et, chose plus importante, les restrictions imposées au programme de construction de l'Église sont levées. La permission de construire l'église de llpaerui est accordée, salles de classe y compris.

Le président Stone dira : « Tout ce que nous essayions de dire aux autorités depuis des années, ils le virent de leurs propres yeux en Californie. Je n'avais plus besoin de dire quoi que ce soit. » Pendant tout le reste de son service à Tahiti, il aura des rapports cordiaux avec ce groupe d'autorités gouvernementales.


19. L'ÉPOPÉE MÉMORABLE DES MAMA RUAU

Tahiti, années 1960

Un des groupes artistiques les mieux connus qui sont créés à l'occasion de soirées musicales et de représentations artistiques sur des navires de ligne océaniques est le Pupu Mama Ruau, qui signifie littéralement le « chœur des grands-mères ».

La réputation des Mama Ruau mormones, chanteuses et danseuses, se répand dans toute la Polynésie française et au-delà. On leur demande de se produire devant les autorités gouvernementales et les dirigeants locaux de la collectivité.

Le chœur reçoit un jour en paiement trois cents dollars pour se produire devant un groupe de touristes et poser pour des photos. En juin 1964, le Pupu Mama Ruau part en bateau pour une tournée de dix jours dans les îles Sous-le-Vent. Elles se produisent devant plus de deux mille cinq cents spectateurs à Huahine, Raïatea, Tahaa et Bora Bora et sont reçues avec enthousiasme et appréciation. Lors des festivités de juillet de 1964, les Mama Ruau gagnent un prix de trente mille francs et une mention spéciale pour leur remarquable représentation. Les « grands-mères chanteuses » se produisent dans des hôpitaux, dans la colonie lépreuse et à bord du porte-avion français Foch devant trois mille soldats. Elles se produisirent également en plusieurs autres occasions pour l'armée française.

En octobre 1965, Hugh Downs, la personnalité de la télévision américaine, et sa femme, rendent visite à la mission pour écouter le célèbre Pupu Mama Ruau. Ils sont favorablement impressionnés par le programme et par l’œuvre de l'Église en général en Polynésie française. En janvier 1966, le Pupu Mama Ruau enregistre un disque avec un musicien local populaire, Eddie Lund. L'argent de la vente du disque va au fonds de construction de la mission.

En septembre 1966, les Mama Ruau sont invitées à participer aux festivités organisées lors de la visite du président de Gaulle. Le 10 septembre 1966, le groupe se produit devant Madame de Gaulle à la résidence du gouverneur Sicurani à Punaauia. Après la représentation, le chœur ainsi que le président et sœur Karl Richards ont l'honneur de rencontrer Madame de Gaulle.

Au cours du même mois, six des Mama Ruau et le président de mission, Karl Richards, sont invités à la télévision. Le président les présente brièvement et annonce la prochaine grande soirée musicale, puis elles font une démonstration de leurs talents devant les caméras. Nous sommes alors dans les premiers temps de la télévision en Polynésie française, et c'est une expérience merveilleuse pour celles qui peuvent y prendre part.

Le point culminant des représentations du groupe a lieu un an plus tard, après un autre spectacle remarquable devant l'armée. Le 22 septembre 1967, vingt-trois des Mama Ruau partent pour les États-Unis. Elles se produisent à Disneyland, où elles ont un succès fantastique. De là, elles se rendent à Salt Lake City, où elles se produisent pour la conférence de la Société de secours au moment de la conférence générale. Elles se produisent dans toute la vallée du lac Salé, invitées par les anciens missionnaires de Tahiti et d'autres qui ont des liens avec la Polynésie française. Leurs représentations en Utah sont accueillies avec enthousiasme, et ceux qui ont la chance de les voir peuvent sentir l'esprit merveilleux qui les anime.

Le groupe retourne triomphalement à Tahiti, débordant d'enthousiasme pour sa tournée de concerts américaine et sa réputation croissante.

En 1968, la popularité et la célébrité des Mama Ruau mormones suscite tant d'intérêt parmi les sœurs tahitiennes que le groupe originel, dirigé par le district, ne peut recevoir toutes celles qui veulent en faire partie. Des conflits ont lieu au sujet de la participation et de la direction du groupe. Sur la recommandation des dirigeants de la prêtrise, le groupe de district est dissous et chaque branche est invitée à former le sien. Ces groupes de Tahitiennes d'âge mûr, chantant et dansant, seront toujours le clou des soirées culturelles (ou fariiraas) devant les autorités de l'Église en visite. Les groupes de Mama Ruau resteront populaires pendant des décennies.


20. SON CHEVAL LUI SERT D'YEUX

1964

En juillet 1964, Thomas Stone, président de la mission de Polynésie française, organise un séminaire pour tous les dirigeants de prêtrise de la mission. Même le président de la branche de Noumea, Teahu Manoi, fait le voyage de Nouvelle Calédonie pour y assister. Est également présent Temariiata Hauata, ancien de la branche de Mahu à Tubuai. À cette occasion, le président Stone honore frère Hauata pour ses cent pour cent de présence depuis plus de vingt ans à la réunion de Sainte-Cène et à l'École du dimanche. C'est en soi remarquable, mais ça l'est encore davantage quand on sait que frère Hauata est presque totalement aveugle et habite loin de l'église.

Chaque dimanche, ainsi que pour les réunions de l'Église tenues en semaine, son cheval lui sert d'yeux et tire un grand chariot à deux roues sur les cinq kilomètres qui le séparent de l'église, le long d'une route sablonneuse et en passant un pont étroit et précaire. Frère Stone annonce : « Nous admirons et félicitons frère Hauata pour sa persévérance à observer le commandement du Seigneur de respecter le jour du sabbat. »


21. LA VISITE DU PRÉSIDENT DE GAULLE

Tahiti, 1966

En septembre 1966, tout Tahiti est en effervescence à cause de la visite du président de Gaulle. Soeur Richards, épouse du président de mission, raconte :

« Ainsi, c'est ça Papeete, quand elle est propre ! Les rues sont balayées, les jardins entourant les maisons ont été ratissés et nettoyés. Je ne vois pas de boîtes de conserve ni de papiers traîner partout : je n'arrive pas à y croire ! Voici des semaines qu'ils se préparent pour la visite de de Gaulle, installant des lampes dans la rue..., peignant les marches du bureau de poste, nettoyant les vieux bâtiments et rafraîchissant les nouveaux. Les terrains vagues ont tous été débarrassés. J'ai observé tout cela avec beaucoup d'intérêt, mais en voyant aujourd'hui le résultat, j'ai eu une surprise. Je n'aurais jamais cru que l'amélioration serait si importante. Aujourd'hui, on pourrait dire : Papeete, la Belle ! »

Soeur Richards est invitée à s'asseoir à la tribune des femmes pour la parade en l'honneur du président de Gaulle. Elle raconte :

« Le soleil brille, il fait chaud mais pas trop, l'humidité est faible, les fleurs luxuriantes, il y a de l'excitation dans l'air. Les drapeaux flottent, les fanfares jouent et voilà le président de Gaulle dans sa décapotable avec son entourage qui descend l'avenue… De Gaulle est un homme grand aux épaules carrées, il se tient droit, les épaules redressées avec une belle attitude militaire... Il est très gentil, très cordial, les gens réagissent avec de grandes acclamations… Les écoliers défilent fièrement, représentant leurs différentes écoles, les écoles publiques, catholiques, protestantes ; et l'école mormone est représentée par cent jeunes souriants... Les athlètes font une belle démonstration, mais quand je vois nos scouts mormons... et nos guides défiler avec une si belle allure avec leurs bannières, l'émotion m'étreint ; je sens la lourde responsabilité qui repose sur les dirigeants de toutes les nations et je prie pour eux avec ferveur. »

Pendant la visite du président de Gaulle, le président Richards a l'occasion de rencontrer le général et sa femme et reçoit beaucoup de compliments pour la beauté des propriétés de l'Église. La visite de de Gaulle est enthousiasmante pour tous les Tahitiens. Elle suscite un sentiment de patriotisme et renforce les sentiments positifs que les membres de l'Église ont vis-à-vis du gouvernement français.

C'est pendant cette période que commencent les visites annuelles des inspecteurs du gouvernement français (la Sûreté ou Bureau des renseignements généraux) au siège de la mission, visites qui se poursuivront longtemps. Le but de ces visites est d'informer le gouvernement des activités et des programmes de l'Église. Ces entretiens sont de nature amicale et placés sous le signe de la coopération plutôt que d'être une forme d'interrogatoire ou d'enquête. Karl Richards coopère à ces visites et fait beaucoup pour diminuer les inquiétudes entretenues par le gouvernement pour qui l'Église était considérée comme un instrument de la diffusion de l'américanisme.


22. UN SENTIMENT DIFFICILE À EXPLIQUER M'ENVAHIT

Tubuai, îles Australes, 1972

En 1972, Yves Perrin, un Français converti quelques années plus tôt, est jeune missionnaire en Polynésie française. Il sert comme assistant du président de mission lorsqu'il vit l'expérience suivante. Il raconte :

Lorsqu'il m'appelle dans son bureau au début de mai 1972, le président de mission, Karl M. Richards, m'explique que la présidence du district des Australes doit être réorganisée. Le district est sans président depuis plusieurs mois et le moment est venu d'organiser une conférence de district. Comme il a relevé ses deux conseillers en vue de l'organisation du premier pieu à Tahiti, je suis son assistant pour les membres et son conseiller dans la présidence de mission. Il me demande de prendre des réservations sur le bateau pour nous permettre, à lui et à moi, de nous rendre à Tubuai, et il me donne aussi pour tâche de préparer l'ordre du jour et le programme de la conférence de district.

Au cours des quelques jours qui suivent, je travaille aux préparatifs du voyage et de la conférence. Rien n'est simple. Les horaires de bateau sont erratiques. Contacter les dirigeants de Tubuai est une entreprise, car, à l'époque, il n'y a pas de téléphone, et je dois avoir recours au radio-téléphone. À cause des parasites constants, poser des questions est une épreuve et comprendre les réponses revient presque à lire dans la pensée ! Au bout de plusieurs jours d'immersion totale dans la planification, le programme est mis au point et la conférence organisée à la grande joie des saints de Tubuai.

Étant donné qu'à l'époque l'île n'est pas desservie par des lignes aériennes, le seul contact avec le monde extérieur est le bateau. L'arrivée du bateau est donc une source de grande excitation. C'est le lien économique avec le monde extérieur. La population reçoit ce dont elle a besoin en matière de confort moderne et envoie ses produits pour les vendre à Tahiti. Lorsqu'un bateau est à quai, c'est le moment où l'on échange les nouvelles et où les habitants de l'île s'occupent à charger et à décharger la nourriture et les produits de base. Bref, tout le monde est occupé, car le bateau ne vient qu'une fois par mois et ne reste habituellement qu'un jour ou deux.

Comme il n'y a pas de service fréquent avec Tubuai, le président Richards et moi-même ne disposons que d'un temps limité pour faire ce que nous avons à faire. Nous devons remonter à bord pour le voyage de retour à Tahiti, sinon nous devons rester un mois à Tubuai. En outre, nous nous rendons compte qu'aller à une réunion de l'Église pendant qu'un bateau est à quai exige des sacrifices. Nous limitons la conférence de district à une heure.

Deux jours avant notre départ, le président Richards reçoit un appel urgent du dirigeant missionnaire de Nouvelle-Calédonie demandant de venir le plus rapidement possible pour résoudre de graves problèmes. Le président Richards me demande de venir à son bureau et m'apprend qu'il doit aller en Nouvelle Calédonie. Étant donné que la conférence est planifiée et que les saints de Tubuai l'attendent, il estime qu'il ne faut pas la remettre à plus tard. Il me dit d'emmener mon collègue, Bruce Lindsay, à Tubuai, pour appeler un nouveau président de district et tenir la conférence comme prévu. Il me donne aussi des instructions sur la façon de faire les entretiens, les appels et les mises à part.

Il examine avec moi la liste des dirigeants de prêtrise à Tubuai et choisit un frère qu'il estime avoir les qualifications pour être un bon président de district. Il me dit toutefois qu'en ma qualité de conseiller dans la présidence de la mission, j'ai toute l'autorité et les clefs nécessaires pour comprendre les chuchotements de l'Esprit et pour donner l'appel.

Après cette discussion, je me rends dans ma chambre, me sentant accablé par cette importante responsabilité qui m'est donnée à un âge aussi jeune et en ayant aussi peu d'expérience dans l'Église. J'ai 22 ans et je ne suis converti que depuis quelques années. Néanmoins, j'apprécie les recommandations que le président Richards me fait et je suis reconnaissant de la confiance qu'il m'accorde. Je fais de nombreuses prières ferventes au Seigneur pour qu'il m'aide dans cette tâche difficile.

Après que le départ a été retardé, le Tuhaa Pae quitte le port de Papeete le 30 mai 1972. Il s'arrête dans les îles de Rimatara et de Rurutu avant d'atteindre Tubuai. La mer n'est pas commode et Elder Lindsay et moi avons le mal de mer pendant le voyage. Lorsque nous arrivons à Tubuai, on croirait que la population tout entière de l'île est sur le quai. Les membres nous accueillent à la polynésienne avec des heis de fleurs.

Nous nous rendons rapidement à l'église la plus proche, où l'un des présidents de branche a prévu les entretiens de prêtrise. Nous n'avons qu'une heure et demie pour faire une vingtaine d'entretiens. Nous nous mettons en devoir, Elder Lindsay et moi, de parler avec les dirigeants de prêtrise des trois branches de l'île, tous habillés comme pour le dimanche en ce jour d'activité profane intense dans leur île.

Après avoir terminé les entretiens, nous nous agenouillons pour prier et demander au Seigneur si le frère recommandé par le président Richards est celui qu'il a choisi pour diriger le district. Lorsque nous nous relevons, il nous suffit de nous lancer mutuellement un coup d’œil pour confirmer ce que nous avons ressenti dans notre cœur. Ce n'est pas lui qui doit être le prochain président de district.

À ce moment-là, il y a un vide total dans mon cœur et dans mon esprit. Je suis tellement certain que la recommandation du président Richards serait la bonne que je ne sais tout simplement pas ce qu'il faut faire. Il est possible que, certain que le nom recommandé serait correct, je n'aie pas ouvert mon cœur plus tôt aux chuchotements de l'Esprit. Nous décidons de revoir certains des frères, mais nous tombons à court de temps.

L'église est déjà remplie et le moment de commencer la conférence de district est arrivée. Après deux ou trois entretiens, nous décidons de commencer la réunion et de retourner à Tahiti pour faire rapport au président Richards que nous n'avons pas mené notre tâche à bien, mais qu'au moins nous n'avons pas commis l'erreur d'appeler un homme qui ne convenait pas.

Elder Lindsay dirige la réunion et je m'assois sur l'estrade avec lui. Après le cantique et la prière d'ouverture, il se lève pour annoncer le premier orateur et le cantique par l'assemblée. Tous les membres sont intrigués car ils savent que le soutien des officiers précède le premier discours. Tout le monde s'attend à ce que l'on soutienne une nouvelle présidence de district, mais au lieu de cela, il y a un discours. En pensant aux difficultés pratiques de l'organisation de cette conférence, je comprends que je ne peux pas retourner à Tahiti sans avoir mené à bien la tâche que mon président de mission m'a confiée.

Mon cœur est en prière et je sens aussi le soutien et les prières de mon collègue. Je supplie le Seigneur de venir à mon aide et de me guider. Au milieu du cantique chanté par l'assemblée, mes yeux tombent sur un frère appelé Apia Harevaa, et un sentiment impossible à expliquer m'envahit. Je sais à ce moment-là que le Seigneur a choisi Apia Harevaa pour être le prochain président de district. Je me retourne vers mon collègue et me rends compte qu'il a reçu au même moment le même sentiment. Je lui chuchote mon sentiment et il le confirme.

Suivi des yeux par toute l'assemblée, je me lève et quitte l'église. De l'extérieur de l'église, je fais signe à frère Harevaa de sortir. Le regardant droit dans les yeux et sans qu'il me reste l'ombre d'un doute, je lui dis : « Frère Harevaa, le Seigneur veut que vous soyez le président du district des Australes. Acceptez-vous cet appel ? » Avec une grande modestie, il répond oui. Je lui dis qu'il n'a que quelques minutes pour nommer ses conseillers, ce qu'il fait immédiatement : Ils sont, eux aussi, invités à sortir de la salle et acceptent leur appel sans hésitation. Les trois hommes sont présidents de branche. En quelques minutes, nous sommes tous revenus à nos sièges.

La réunion est aux trois-quarts lorsque je me lève pour demander un vote de soutien pour les membres de la nouvelle présidence de district. Ceux-ci rendent brièvement leur témoignage avant mon bref discours et la réunion est terminée. Lorsque Elder Lindsay et moi avons mis à part la nouvelle présidence du district des Australes, le moment est venu pour le bateau de quitter Tubuai. Nous montons à bord, reconnaissants au Seigneur de nous avoir permis de mener à bien notre tâche. Les années qui suivront, frère Harevaa remplira fidèlement sa tâche de président de district.


23. DE NOMBREUX NON-PRATIQUANTS REDEVIENNENT PRATIQUANTS

1975

Depuis les débuts de l'histoire de l'Église en Polynésie française, un des principaux obstacles au baptême sera le fait que les couples tahitiens vivent en dehors des liens sacrés du mariage, y compris souvent parmi les membres de l'Église, ce qui créera des problèmes difficiles aux officiers présidents.

C'est ainsi qu'en 1975, vers la fin de sa mission, Joseph Childers, président de mission, se sent obligé de visiter chaque branche de la mission et d'appeler au repentir ceux qui vivent en infraction avec la loi du Seigneur. Sa première visite à chaque branche est pour expliquer la signification et le fonctionnement d'une commission disciplinaire de l'Église et la façon dont on l'utilise pour être une bénédiction dans la vie des membres. Par la suite, il rend visite aux branches et organise soixante-deux commissions disciplinaires, donnant à ceux qui vivent dans une situation irrégulière trois mois pour se marier.

Sur les soixante-deux commissions disciplinaires tenues à l'origine, seulement cinq donnent lieu à une excommunication. Le président Childers estime que ses efforts sont extrêmement positifs. Il dit que « un bon esprit fut ressenti dans toute la mission et l'effet fut que beaucoup de non-pratiquants redevinrent pratiquants. »

Le temps où les membres de l'Église de Polynésie française, souvent totalement isolés des dirigeants ecclésiastiques, vivaient comme ils le voulaient, est alors révolu. Tous dans l'Église comme à l'extérieur comprennent dès lors parfaitement que pour être membre de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, il faut accepter et vivre certaines obligations et certains engagements.

Il est intéressant de constater comment l'histoire se répète : Les mêmes mesures que celles prises par le président Childers envers les saints polynésiens avaient été prises par le prophète Alma avec les mêmes conséquences, comme en témoigne le Livre de Mormon :

« Et il arriva qu'Alma alla juger ceux qui avaient été pris dans l'iniquité, selon la parole du Seigneur. Et ceux qui se repentirent de leurs péchés et les confessèrent, il les compta parmi le peuple de l'Église ; et ceux qui ne voulurent pas confesser leurs péchés et se repentir de leur iniquité, ceux-là ne furent plus comptés parmi le peuple de l'Église, et leur nom fut effacé.

« Et il arriva qu'Alma gouverna toutes les affaires de l'Église ; et ils recommencèrent à avoir la paix et à prospérer extrêmement dans les affaires de l'Église, marchant avec circonspection devant Dieu, en recevant beaucoup et en baptisant beaucoup. » (Mosiah 26:34-37)


24. L'ÎLE OUBLIÉE

Taenga, 1976

Quelques jours seulement avant la première conférence interrégionale de Tahiti avec la participation du président de l'Église, Spencer W. Kimball, un groupe de plus de cinquante personnes se présente au bureau de la mission de Tahiti Papeete. Le président de mission, Raymond Baudin, connaît bien les saints des divers groupes d'îles de la Polynésie française, mais il ne connaît aucune de ces personnes.

Il suppose que c'est un groupe d’amis de l’Église qui souhaite assister à la conférence. Ils se présentent, disant qu'ils habitent Taenga, dans les îles Tuamotu, et disent qu'ils sont saints des derniers jours. Le président Baudin n'est pas informé que des membres de l'Église vivent dans cette île, et il n'a aucun certificat de membres concernant des personnes vivant là-bas. Mais on lui dit que presque toute la population de Taenga est membre de l'Église et que tous les habitants de Taenga ont fait les trois jours de voyage à Tahiti par voilier pour voir Spencer W. Kimball, le prophète du Seigneur !

Bien qu'il soit difficile de comprendre comment on a pu perdre de vue une île tout entière de membres de l'Église, il faut noter que les années précédentes, les membres de l'Église avaient émigré et s'étaient déplacés dans les Tuamotu, ce qui avait compliqué la tenue des registres. En outre, l'île de Taenga, qui compte alors une population de moins de cent personnes, n'est pas une des îles les plus prospères des Tuamotu. Elle n'a pas été touchée par l'essor économique des îles voisines. Et pendant des décennies après cet événement, Taenga n'aura ni aérodrome ni communications téléphoniques avec le monde extérieur et, sans service régulier par bateau, les déplacements avec cette île resteront difficiles.

Les membres fidèles de Taenga expliquent que la dernière visite qu'un président de mission leur a faite est celle de Joseph R. Reeder à la fin des années 1950. Au cours des quinze années suivantes, les dirigeants de mission de Tahiti ont perdu la trace de la petite branche de Taenga. Bien que la branche ait fini par ne plus fonctionner officiellement et que les réunions ne se tiennent que de manière informelle, les membres ont conservé leur foi. Ils continuent à entretenir l'église vieillissante de 6 mètres sur 9 construite en 1931. « Nous avons toujours vécu l'Évangile du mieux que nous pouvions », dit sœur Teuruhei Buchin du groupe de Taenga. Frère Kaheke Temanu explique qu'il a la foi qu'un jour la petite île recevra la visite du président de mission. Il a même construit une petite résidence dans l'île dans le seul but de recevoir le visiteur espéré. Il n'est donc pas surprenant que lorsque ces membres inébranlables ont appris, on ne sait comment, qu'un prophète du Seigneur venait à Tahiti, ils aient été poussés à faire le difficile voyage, en amenant avec eux des cadeaux artistiquement ouvragés, preuve de leur amour et de leur respect pour les offrir au président Kimball.

Peu après la conférence interrégionale et le retour des saints de Taenga dans leur île, le président Baudin fait cette visite longtemps attendue à Taenga. Pendant qu'il est là-bas, il réorganise une branche de l'Église dans l'île. Il appelle comme président de branche Kaheke Temanu et loge dans la maison que ce dernier a construite pour cette occasion tant attendue. Puis des missionnaires sont envoyés à Taenga.

Lorsque la branche se remet à fonctionner officiellement, les membres retournent aux réunions et dix convertis sont baptisés. Lorsque dix ans plus tard, en 1986, une nouvelle église est consacrée, sept personnes seulement ne sont pas membres de l’Église sur les soixante-seize habitants de Taenga.

L’histoire de l’Église nous apprend que l’île de Taenga n’en était pas à sa première expérience de longue autonomie sans émissaires de l’Église : Le 1er mai 1845, Benjamin Grouard, premier missionnaire envoyé en Polynésie française, arrive sur l'atoll voisin d'Anaa et sur une période de cinq mois baptise près de 620 personnes et organise plusieurs branches. Il se rend également à Taenga et convertit la population. En 1852, le gouvernement français interdit le prosélytisme dans les Tuamotu, protectorat qu'il vient d'acquérir. L’interdiction dure 20 ans pendant lesquels les saints locaux sont sans contact avec l'Église. Ils continuent tout seuls à faire connaître l'Évangile. Ils font œuvre missionnaire dans presque tous les atolls de la partie occidentale de l'archipel et réussissent à convertir un nombre considérable d'habitants.


25. PAUL COUSSERAN, HAUT COMMISSAIRE

Tahiti, 1980

Le 11 avril1980, Jean Juventin, maire de Papeete, et vingt autres dignitaires locaux font une visite officielle au nouveau centre de pieu. Cinq jours plus tard, le 16 avril1980, le centre de pieu de Papeete est inauguré en présence de deux mille personnes. Monsieur Paul Cousseran, haut commissaire, chef du territoire de la Polynésie française, connaît bien l'histoire et les dirigeants de l'Église et exprime l'attitude du gouvernement :

« Vous célébrez cette année le cent cinquantième anniversaire de la fondation de votre Église…

« Les îles du Pacifique sud et notamment la Polynésie ont été très vite l'un de vos champs d'action privilégiés…

« L'arrivée de votre communauté se situe à Tubuai, puis à Tahiti puis, en 1845, dans les Tuamotu…

« 1845, c'est donc deux ans avant l'installation définitive dans l'Utah de la communauté religieuse mormone...

« En Polynésie, grâce à la tolérance et à l'ambiance de pluralisme religieux qui caractérise ce pays, votre Église s'est normalement développée avec l'aide et la participation de jeunes missionnaires essentiellement américains. Grâce à leur effort incessant, grâce à l'appui matériel des communautés religieuses américaines, vos effectifs ont progressé pour atteindre 6500 fidèles. Ce chiffre rapporté à la population de la Polynésie montre le succès que vous avez remporté ici, bénéficiant pleinement du principe de liberté religieuse...

« Je suis venu vous exprimer le respect et l'amitié des pouvoirs publics tant français que polynésiens. Nous n'ignorons pas l'influence bienfaisante que vous exercez sur vos fidèles...

« Nous apprécions enfin la réserve dont vous savez faire preuve à l'égard de ce qui n'est pas l'expression de votre foi et l'accomplissement de votre mission évangélique. Même si certains de vos membres ont des positions militantes et affirmées sur le plan politique et c'est leur droit absolu tant qu'ils respectent les lois de la France et du Territoire, je sais que vous veillez scrupuleusement à ce que votre Église et votre communauté ne dévient pas de leur but. C'est la raison pour laquelle les pouvoirs publics conserveront, j'en suis sûr, avec l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, des relations cordiales et confiantes. »



26. ELLE COMPREND QU'ELLE EST EN TRAIN DE RECEVOIR UNE BÉNÉDICTION DE LA PRÊTRISE

Tahiti-Paris, 1982

En 1982, Augusta Manoi, une sainte des derniers jours tahitienne, mère de famille, commence à souffrir de maux de tête. Pensant que c'est à cause du soleil, elle se met à faire son travail de jardinage au foyer de la mission tôt le matin. Mais la douleur ne diminue pas et devient si violente qu'elle a du mal à faire son travail.

Quand elle commence à perdre la vue d'un œil, elle va finalement consulter un médecin et elle apprend qu'elle a une tumeur au cerveau. On l'opère à Tahiti, mais on ne réussit pas à enlever toute la tumeur. Au bout de deux mois, l'enflure au-dessus de son œil augmente et ses symptômes physiques empirent. On décide que, sans intervention, elle n'a plus que quelques mois à vivre. Si on l'opère en France, où on pourra lui apporter des soins médicaux encore meilleurs, elle a, lui dit-on, une mince chance de survivre à une opération au cerveau. Mais on lui dit qu'elle doit prendre sa décision immédiatement. La sécurité sociale française lui donne la possibilité de prendre cette décision sans tenir compte des contraintes financières.

Ses dépenses seront couvertes, y compris le voyage en France. Elle raconte : « En apprenant cela, ma première pensée ne fut pas de me demander si j'allais survivre. Ce fut que je ne pourrais pas assister à la consécration du temple. »

En septembre 1983, juste un mois avant la consécration du temple de Tahiti, Augusta Manoi quitte son mari et ses trois fils, ne sachant pas si elle les reverra, déçue de ne pas avoir été scellée à eux avant son départ. Néanmoins, en dépit du tableau sombre que lui ont dépeint ses médecins, Augusta a la foi que le Seigneur lui accordera ce qu'elle désire de juste. Elle a le sentiment qu'elle pourra aller au temple avant sa mort.

C'est une expérience effrayante et marquante pour Augusta de quitter sa famille et de prendre l'avion pour un pays étranger. Elle n'est encore jamais sortie de Polynésie française et elle ne parle qu'un mauvais français. Elle prie pour avoir de l'aide et du réconfort pour affronter les difficultés qui l'attendent.

On l'amène directement dans un hôpital à Paris. La date de l'opération est fixée, mais avant de la subir, Augusta souhaite avoir une bénédiction de la prêtrise. Elle peut finalement contacter Charles Cuenot, un membre de l'Église. Celui-ci se rend à l'hôpital avec deux autres détenteurs de la prêtrise pour lui faire l'imposition des mains. Elle parle à ces frères du grand désir qu'elle a de survivre à l'opération pour pouvoir retourner à Tahiti et être scellée à sa famille dans le temple. Ils lui donnent une puissante bénédiction dans laquelle il lui est promis qu'elle retournera dans sa famille à Tahiti. Dès que la bénédiction est terminée, on la transporte en salle d'opération.

Le chirurgien est surpris de voir sa patiente survivre à la première opération. Quinze jours plus tard, l'équipe chirurgicale accomplit une greffe osseuse, prenant un morceau d'os dans sa hanche pour remplacer le morceau d'os qu'ils ont dû enlever de son crâne.

La première chose dont sœur Manoi se rappelle après l'opération, c'est d'être seule dans sa chambre d'hôpital, souffrant considérablement. Elle raconte : À cause de la greffe prélevée sur ma hanche, je ne me pouvais pas bouger. J'étais toute seule et découragée. Tout ce que je pouvais faire pour me consoler, c'était de prier pour avoir de l'aide. »

À la fin de sa prière, elle voit trois personnages habillés de blanc. Un personnage se tient de chaque côté de son lit et le troisième se tient au pied de son lit, les bras levés au-dessus d'elle. Les deux qui sont à ses côtés posent doucement les mains sur sa tête. Elle comprend qu'elle reçoit une bénédiction et écrira plus tard :

« Je sentis une chaleur pénétrer tout mon être, depuis ma tête jusqu'à mes pieds ; mais je n'entendis pas leur prière. Je fermai les yeux. À la fin de la bénédiction, le personnage qui était à ma gauche me fit un signe d'adieu avant de disparaître comme ses deux compagnons. Je passai une nuit paisible. Le lendemain matin, le médecin fut étonné de mon bon état de santé. Je lui demandai comment l'opération s'était passée. Il me dit : 'Ici, les patients qui ne vont pas bien ne se réveillent plus. Pendant votre opération, votre visage était complètement déformé et paralysé d'un côté. Mais c'est incroyable. Vous vous en êtes très bien sortie.'

Augusta reste six mois à l'hôpital de Paris, subissant des rayons, de la chimiothérapie et de la rééducation. Lorsqu'elle arrive à Tahiti, elle va au temple avec sa famille et reçoit la bénédiction qui a soutenu son espérance.


27. IL LUI PROMET QU'ELLE AURA UN ENFANT

Tahiti, 1982

En ce dernier jour de classe, avant que les portes de l'école primaire de l'Église ne se referment définitivement, l'émotion est forte. La fermeture de l'école coïncide avec l'arrivée de James E. Faust, du Collège des Douze, chargé de diviser le pieu de Papeete Tahiti. Il assiste au banquet de clôture du personnel de l'Église organisé dans une des classes d'étage de l'école. Il salue les employés et les remercie cordialement des années de services qu'ils ont rendues. Ensuite il leur demande de se lever pour lui être présentés.

Après le repas, frère Faust prend à part frère Perrin, directeur de l'école et manifeste un intérêt particulier pour Anne-Marie Delawarde Ruffier-Meray, employée à l'école depuis des années. « Parlez-moi d'elle », demande-t-il.

Frère Perrin lui dit qu'Anne-Marie, d'origine française, travaille à l'école depuis quinze ans. Elle a été institutrice puis conseillère consciencieuse et dévouée à l'école, prenant souvent sur son temps pour aider les élèves qui ont eu besoin d'une attention particulière. Elle a toujours manifesté la capacité exceptionnelle d'aimer les enfants confiés à sa tutelle et de s'occuper d'eux. En 1976, elle a épousé Stéphane Ruffier-Meray, l'actuel évêque de la paroisse de Papeete 4. En six ans de mariage, le couple n'a pas réussi à avoir d'enfant. Les médecins ont dit à Anne-Marie que ses chances d'avoir des enfants sont limitées, et ils lui ont conseillé en dernier recours de subir une opération. Outre les problèmes médicaux, sa situation est compliquée par son âge : Elle a quarante ans.

Frère Faust dit alors qu'il souhaite lui donner une bénédiction. Dans sa bénédiction, il dit qu'elle est comme Sara autrefois, étant donné qu'elle est à la limite d'âge pour avoir des enfants. Il lui promet néanmoins que, comme Sara, elle aura un enfant en bonne santé et qu'elle aura la santé et la force nécessaires pour s'occuper de lui.

Ainsi, un apôtre du Seigneur s'est senti poussé à promettre à cette sœur que le plus grand désir de son cœur lui sera accordé, et cela en dépit du fait qu'elle ne lui a jamais demandé pareille bénédiction.

Soeur Ruffier-Meray raconte :

« Je fus totalement surprise lorsque frère Perrin me dit qu'Elder Faust voulait me donner une bénédiction. Je n'en avais pas demandé et je ne savais pas qu'Elder Faust avait parlé de moi à frère Perrin. Quand il fit cette merveilleuse promesse, je fus remplie de reconnaissance et aussi de foi. En fait, ma foi était si grande que je n'éprouvais plus le besoin de subir l'opération recommandée par les médecins. Nous en discutâmes toutefois après la bénédiction, et Elder Faust nous dit que le Seigneur attend de nous que nous fassions tout ce que nous pouvons en plus d'avoir la foi. Quelques semaines plus tard, je subissais l'opération. »

Une fois l'école fermée, les Ruffier-Meray quittent Tahiti et trouvent un emploi en Nouvelle-Calédonie. L'année s'écoule, Anne-Marie avance en âge, et aucun bébé ne vient. Ceux qui sont au courant de la bénédiction qu'elle a reçue commencent à douter, mais pas Anne-Marie. Une année se passe encore et sa foi continue à être forte. Si un apôtre lui a dit qu'elle aura un enfant, elle aura un enfant, et l'opinion des experts médicaux ne diminuent pas sa foi.

On peut imaginer leur émotion lorsque, plus de trois ans après la bénédiction de frère Faust, des amis de Tahiti sont avisés de la naissance de Samantha Ruffier-Meray. Elle est née le 28 septembre 1985 en parfaite santé et sans complications. Sa mère a quarante-trois ans.

« Nous l'appelâmes Samantha parce que c'est le féminin de Samuel. Samuel, le prophète, naquit d'Anne, femme stérile d'un certain âge, en réponse à ses prières. C'est ainsi que Samantha nous fut donnée. Son nom, c'est notre manière de remercier le Seigneur pour cette grande bénédiction, et, comme Anne, nous avons promis d'élever notre fille dans l'amour et le service du Seigneur. »

En avril 1993, Stéphane et Anne-Marie Ruffier-Meray assistent à une conférence régionale de l'Église à Valence, sous la présidence de James E. Faust. Après la conférence, ils ont la joie de lui présenter leur fille de sept ans.


28. IL LUI PROMET QUE TOUT FINIRA BIEN

Île de Tubai, entre 1981 et 1984

William Chung Tien a grandi dans l'île de Tubuaï, et est le petit-fils du côté paternel d'un marchand chinois qui n'est pas membre de l'Église et de sa femme tahitienne. Ses grands-parents maternels sont les fidèles Puna et Teriiotemana Tahiata, qui ont fait tant de sacrifices pour aller au temple dans les années 1960. Avec cet héritage mixte, Willie se trouve devant un choix difficile lorsqu'il s'agit de prendre la décision relative à la mission, but qu'il a envisagé toute sa vie.

Il a travaillé avec diligence dans l'épicerie et la boulangerie de son grand-père, se levant à trois heures du matin dès l'âge de douze ans pour faire le pain. Non seulement il travaille dur, mais il est frugal et il économise soigneusement son argent, le déposant à la banque. Conformément à la tradition chinoise, il honore son grand-père Chung Tien de toutes les manières possibles. Willie est l'orgueil et la joie de son grand-père et celui-ci l'a désigné comme son principal héritier. Lorsqu'il lui fait part de son désir d'aller en mission, le grand-père Chung Tien devient furieux.

Le président de mission, C. Jay Larson, a un entretien avec Willie et lui promet que s'il accepte l'appel à travailler comme missionnaire pour le Seigneur, tout finira bien. Willie envoie ses documents, et lorsqu'il annonce à son grand-père qu'il va temporairement quitter l'entreprise familiale, il ne semble pas que la promesse du président Larson va s'accomplir. Grand père Chung Tien informe Willie sans détour que s'il part, il ne franchira plus jamais le seuil de la maison de son grand-père, qu'il ne devra jamais mentionner le nom de Chung Tien, qu'il perdra son héritage et que lui, son grand-père, usera de son influence pour empêcher Willie de prélever sur ses économies à la banque. Comme si cela ne suffisait pas, il déclare que Willie mourra pendant qu'il sera missionnaire mormon.

En dépit de toutes ces menaces, William Chung Tien prend la décision de servir le Seigneur. Le président Larson rapporte comment la promesse qu'il a faite à ce jeune homme a fini par s'accomplir :

« Elder Chung Tien oeuvra fidèlement. Ses compagnons le respectaient pour son dévouement et son service fidèle. Chaque fois que je le rencontrais, je l'interrogeais sur sa famille et plus particulièrement sur son grand-père. Toute sa famille allait bien, mais aucun changement ne s'était produit chez le grand-père Chung Tien. Et puis un jour, environ six mois avant la fin de sa mission, je reçus un coup de téléphone de sa mère qui avait une demande particulière à me faire au nom du grand-père : permettre à Elder Chung Tien de retourner brièvement à Tubuai pour que son grand-père puisse s'excuser auprès de lui...

« Je répondis que je lui donnerais ma permission mais que je laisserais à notre missionnaire le soin de prendre la décision finale... Sa réaction fut exactement celle à laquelle se serait attendu quiconque le connaissait. Il se dit ravi d'apprendre que son grand-père avait changé d'idée mais il préférait terminer sa mission sans l'interrompre et retourner ensuite à Tubuai. C'est ce qu'il fit. Son grand-père l'accueillit, lui demanda pardon et sa place dans l'affaire familiale lui fut rendue. »


29. SUR LE POINT DE RENDRE SON DERNIER SOUPIR

Île de Hikueru, îles Tuamotu, 1988

En novembre 1988, les missionnaires Michael Tutton et Jean-Claude Decian reçoivent de George S. Hilton, président de la mission de Tahiti Papeete, la tâche de rendre visite aux branches isolées des Tuamotu pour soutenir les saints et mettre à jour les registres des branches. Ils passent plusieurs semaines dans une île et s'en vont ensuite dans une autre.

Ils passent un certain temps dans l'île de Makemo, puis le président de branche emmène les deux missionnaires en bateau à Hikueru. Quand ils arrivent là-bas, Elder Tutton a des nausées mais attribue son malaise aux effets combinés du long voyage agité et de l'intensité du soleil. Ayant passé de nombreuses heures en pleine mer sans avoir pris la précaution d'utiliser une crème solaire, Elder Tutton attrape un coup de soleil douloureux au visage. Le lendemain matin, il se sent très malade mais réussit à aller jusqu'au bout de la journée. Le deuxième matin après leur arrivée, il dit à son collègue, Elder Decian, qu'il ne peut pas se lever. Elder Decian reste avec lui, mais commence à se demander pourquoi un coup de soleil provoque une réaction aussi forte.

Le lendemain est un dimanche. Elder Tutton sort péniblement du lit, mais est trop malade pour prendre sa douche ou se raser. Il est littéralement plié en deux de douleur à l'abdomen. Il réussit à s'habiller et à aller jusqu'à la petite église située à côté de chez les missionnaires. C'est une bénédiction pour les membres de ces branches isolées d'avoir parmi eux des missionnaires, et ces derniers sont généralement invités à prendre une part active aux réunions du dimanche. Elder Tutton prie au fond de lui-même que le président de branche ne lui demande pas de prendre la parole ce matin-là. Au milieu de la réunion, il se trouve incapable de supporter la souffrance croissante qu'il subit et quitte la réunion. Son collègue le trouve à demi conscient sur le lit dans leur logement. Il le ranime et Elder Tutton dit : « Ce ne sont que des crampes d'estomac. Laissez-moi dormir, je suis sûr que cela ira demain matin. »

Elder Decian commence à s'inquiéter sérieusement. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas chez son collègue alors qu'ils sont dans une île isolée, sans aéroport ni téléphone. Le seul moyen de communication avec Tahiti étant le radiophone, il décide qu'il est temps de contacter le président Hilton qui non seulement est le président de mission, mais est également médecin de métier.

Le président Hilton écrira à propos de cette communication de Hikueru :

« Un jour, je fus appelé au téléphone alors que j'étais à la réunion de Sainte-Cène à Papeete. On me relia à la station radio, qui me mit en contact avec Elder Decian. Il me signala que son compagnon, Elder Tutton, était tombé gravement malade et me décrivit tous les symptômes. Cela ressemblait beaucoup à l'appendicite. Il n'y avait ni médecin ni infirmière dans l'île, mais l'instituteur avait également consulté un livre de médecine familiale et confirma que cela ressemblait fort à une appendicite. Il était évident que si l'on ne pouvait l'opérer immédiatement, il perdrait la vie.

« Nous contactâmes les installations militaires françaises et elles promirent d'envoyer un hélicoptère. Le dimanche soir, nous tînmes, au foyer de la mission, une veillée précédemment prévue pour une trentaine de missionnaires. J'informai le groupe de l'état critique d'Elder Tutton et ils répondirent à mon invitation de nous agenouiller ensemble dans ce foyer sacré de la mission et de supplier le Seigneur d'épargner la vie de notre collègue. Il était environ huit heures du soir. »

Pendant la conversation de son collègue avec le président Hilton, Elder Tutton souhaite dire au président Hilton qu'il va bien. Il ne veut pas causer tant de dérangement, mais juste au moment où il est prêt à prendre le récepteur, il est plié en deux de douleurs. Il ne peut parler au président, et les dispositions pour son évacuation sont prises. L'armée ne peut pas envoyer d'hélicoptère, mais elle accepte d'envoyer un avion. À partir de ce moment-là, l'état d'Elder Tutton empire.

Hikueru n'a pas de piste pavée, mais un marchand tahitien, qui possède une culture de perles dans l'île, a dégagé une piste de fortune privée sur un motu de l'autre côté de la lagune par rapport au village. Pas de radar sophistiqué ni d'éclairage sur cette piste de corail qui a été condamnée par le gouvernement ! On dit à Elder Decian d'y amener Elder Tutton à 18 heures. Elder Decian et les membres de la branche de Hikueru enveloppent Elder Tutton dans une couverture, le mettent sur un camion à benne plate et le conduisent du logement des missionnaires au dock, à une courte distance, et jusqu'à l'embarcation à moteur qui le transporte de l'autre côté de la lagune. Toutes les bosses et toutes les secousses sont une torture pour le jeune missionnaire américain qui se demande s'il va mourir au milieu du Pacifique.

Les saints de Hikueru qui accompagnent le missionnaire sur le motu se mettent à débarrasser la piste et à faire de grands feux pour éclairer l'avion à son arrivée. Elder Tutton lève les yeux vers les étoiles et pense à sa mère. « Que va-t-elle penser, se dit-il, lorsqu'elle apprendra que je suis mort dans un trou perdu ? » Une heure passe, puis une autre. Aucun bruit de moteur d'avion ne se fait entendre. Les saints n'arrêtent pas d'attiser les feux, mais l'ambiance est tendue. Il est 20 heures, l'avion n'arrive pas et les souffrances d'Elder Tutton sont intenses.

Tandis qu'il continue à regarder les étoiles, certain d'être sur le point de rendre son dernier soupir, il sent soudain la présence de trois personnages célestes. Il ne les voit pas. Il sent simplement leur présence. Il ferme respectueusement les yeux et a alors l'impression très nette qu'ils lui font l'imposition des mains. Immédiatement, la souffrance quitte son corps. Il peut se lever et s'approche du groupe de saints qui alimentent les feux. Il s'assoit avec eux et leur dit qu'il va mieux. Décidant que l'avion ne va pas venir ce soir-là, le groupe retourne au village avec Elder Tutton apparemment remis. Il est épuisé et affaibli par l'épreuve, mais il dort paisiblement toute la nuit.

Elder Decian est informé de ce que le pilote a estimé qu'il était trop dangereux d'essayer un atterrissage de nuit et a été obligé de reporter l'évacuation au lendemain matin. Lorsqu'il s'éveille le lendemain matin, Elder Tutton assure Elder Decian qu'il va mieux, que le diagnostic devait être erroné et qu'il ne veut pas retourner à Tahiti. Mais comme les dispositions ont déjà été prises pour que l'avion atterrisse ce matin-là, il accepte finalement de traverser de nouveau la lagune et de rencontrer le personnel médical à bord. Il dira : « J'étais tellement certain que j'allais mieux, que je ne pris même pas la peine de prendre mes affaires avec moi. Je pensais que nous allions parler au médecin et qu'il me dirait que j'allais bien et que nous retournerions terminer notre travail à Hikueru. »

L'avion accomplit le dangereux atterrissage et le médecin tient absolument à ce qu'Elder Tutton et Elder Decian reviennent avec lui à Papeete. En dépit de la récupération spontanée d'Elder Tutton, les symptômes ressemblent trop à l'appendicite et il n'est pas question d'avoir fait tout ce chemin sans revenir avec le malade. À contrecœur, Elder Tutton monte à bord de l'avion, certain d'être la cause d'une évacuation très coûteuse et inutile. Mais immédiatement après le décollage de l'avion, ses symptômes reviennent et la douleur devient de nouveau intense.

Le président Hilton rapporte :

« L'avion s'arrêta brièvement à Hao pour reprendre du carburant puis continua directement sur Tahiti et il fut admis à la clinique Paofai. On l'envoya d'urgence en salle d'opération et on réussit à exciser l'appendice très enflammé avant sa rupture. Nous eûmes le plaisir d'avoir Elder Tutton avec nous au foyer de la mission pendant ses deux semaines de convalescence et nous fûmes très touchés par son témoignage dans lequel il nous fit part de cet événement remarquable. Le soulagement qu'il ressentit près de la piste d'atterrissage se produisit vers 8 heures du soir environ, exactement au moment où les missionnaires de Tahiti étaient agenouillés au foyer de la mission et suppliaient le Seigneur de le guérir. »


30. À UN MOMENT CRITIQUE DE LA VIE DE SES ENFANTS

Papeete, 1988

George F. Hilton, missionnaire à Tahiti de 1950 à 1952 et président de la mission de Tahiti Papeete de 1987 à 1989, raconte :

Un après-midi de 1988, alors que je travaillais au bureau de la mission, un des saints vint me prévenir que Jacques Tumarae était malade et avait été amené en avion de Tubuai à l'hôpital militaire de Papeete. Je répondis très volontiers à leur demande d'aller lui donner une bénédiction de la prêtrise. Je ne me souviens pas des termes exacts de la bénédiction, mais la famille se rappelle que je lui donnai en bénédiction le réconfort et la perception spirituelle, mais je ne lui promis pas spécifiquement qu'il guérirait complètement. Douze jours plus tard, j'étais de nouveau appelé à lui rendre visite à son chevet et il me raconta cette histoire miraculeuse.

Sa maladie évolua et il alla jusqu'à mourir. Le médecin l'examina, vérifia son cœur, ses poumons, son cerveau et attesta qu'il était décédé. Sœur Tumarae resta à son chevet. Imaginez sa surprise lorsqu'il revint à la vie au bout d'une heure. Il raconta ce qu'il avait vécu au cours de cette heure.

Il me raconta sa visite dans le monde des esprits en me regardant droit dans les yeux. Un messager glorieux était venu à sa rencontre, mais il ne connaissait pas son identité. Il dit que le monde des esprits était un bel endroit avec de belles maisons. Son guide lui fit faire un tour, et il dit que l'on enseignait l'Évangile à des gens. Au bout d'une heure environ, il rencontra un autre être très glorieux qui lui expliqua qu'il devrait retourner sur la terre pour terminer un travail. Il revint alors dans son corps et sa femme se réjouit de voir la vie retourner dans le corps qui avait été déclaré mort.

Tandis qu'il me tenait la main et me regardait dans les yeux, je n'avais absolument pas le moindre doute que j'entendais le récit véridique d'un événement réel. Il dit qu'il revint de cet épisode remarquable avec deux pensées à l'esprit. L'une était que tout ce que l'Église lui avait enseigné était bien vrai. Il y a un paradis où l'on enseigne l'Évangile aux gens dans l'au-delà et le monde des esprits est un bel endroit pour les justes.

Deuxièmement, il revenait avec la préoccupation qu'il devait instruire son fils qui était tombé dans l'erreur. C'était un problème personnel et il estimait qu'il devait s'entretenir avec son fils un peu comme Alma s'était entretenu avec son fils Corianton. Le résultat de son influence auprès de son fils fut un repentir remarquable et ce jeune homme fut bientôt qualifié pour faire une mission à plein temps avec nous dans la mission de Tahiti Papeete. De plus, le même esprit s'empara de son frère aîné qui se joignit aussi à nous dans le champ de la mission.

Plusieurs semaines plus tard, frère Tumarae retourna dans son île bien-aimée de Tubuai, puis décéda, fidèle à la foi et reconnaissant de l'occasion qu'il avait eue de revenir du monde des esprits pour rendre son témoignage et donner des enseignements importants à sa famille à un moment très critique de la vie de ses enfants.


31. TOUT CE QU'ELLE A, C'EST LA CONVICTION QUE L'ÉGLISE EST VRAIE

Îles Marquises, 1989

Des missionnaires travaillent sporadiquement dans les Marquises, mais ce n'est qu'en 1989 que les barrières tombent. Le 1er septembre 1989, un groupe de six missionnaires à plein temps. Deux sœurs missionnaires (Yolande Tehina et Thérèse Scallamera), deux frères missionnaires (Jason Lucas et Joseph Raihauti) ainsi qu'un couple tahitien local (Rodolphe et Marie Tua) rencontrent le président de mission, frère Perrin et son épouse au foyer de la mission. Le président leur dit : « J'ai le sentiment que le moment est venu où les habitants des Marquises vont commencer à accepter le message de l'Évangile ».

Il explique comment le Seigneur a ouvert plusieurs portes pour que le message puisse être apporté aux habitants des Marquises. Depuis un mois, il prend très discrètement les dispositions nécessaires pour le transport et le logement du groupe, la plus grande expédition de missionnaires de l'Église jamais envoyée aux Marquises. À la suite d'un concours de circonstances exceptionnel, il a pu louer des logements à Ua Pou et à Hiva Oa, en plus du bâtiment de Nuku Hiva qui allait loger les deux sœurs missionnaires tout près d'une famille forte de l'Église. Il ne sait pas ce qui attend les missionnaires, mais il a le sentiment que cette fois leur action va connaître le succès en dépit des difficultés et des obstacles. C'est un soir qu'il n'oublierai jamais. Deux des missionnaires, Elder Raihauti et sœur Scallamera, sont d'origine marquisienne. Soeur Scallamera a grandi à Hiva Oa et est devenue plus tard membre de l'Église alors qu'elle habitait à Moorea. Elle est la seule des six à parler le marquisien. Elder Raihauti dit au président Perrin : « Savez-vous qu'en me donnant cette tâche, vous accomplissez une promesse de ma bénédiction patriarcale ? Il m'a été promis que je retournerais comme missionnaire au pays de mes ancêtres pour prêcher l'Évangile à mon peuple ».

Le groupe part deux semaines plus tard pour le voyage de sept jours qui doit le mener dans ces îles lointaines. Les missionnaires connaissent de nombreuses difficultés à Ua Pou et à Nuku Hiva, mais la présence de deux missionnaires marquisiens dans le groupe aide à surmonter les obstacles. Dès le départ, le succès le plus grand est obtenu à Hiva Oa, où travaillent Elder et sœur Tua. Les dirigeants de la mission l'ignorent, mais une membre de l'Église habite à Hiva Oa. Ziella Vivish, une Tahitienne, a déménagé dix ans auparavant à Hiva Oa et a épousé Robert O'Connor. Celui-ci est un des vingt enfants d'une forte famille marquisienne catholique. Au cours de ces années après son mariage, Ziella n'a aucun contact avec l'Église, mais résiste aux efforts de son mari pour l'amener à devenir catholique. Lorsque les enfants O'Connor naissent, Ziella commence à se rendre compte qu'elle veut les élever en tant que mormons. Il y a si longtemps qu'elle est isolée de l'Église qu'elle n'a pas la moindre idée de la façon de procéder. Elle n'a même jamais lu le Livre de Mormon et n'est pas versée dans la doctrine de l'Église. Tout ce qu'elle a c'est la conviction croissante dans son cœur que l'Église est vraie. Elle se met à prier avec ferveur pour qu'un jour des missionnaires de l'Église viennent à Hiva Oa.

Ziella, qui travaille comme secrétaire à l'hôpital du village d'Atuona, raconte comment elle rencontre Elder et sœur Tua. Un jour, une amie se précipite au bureau et lui dit que deux missionnaires mormons viennent d'arriver par bateau. Elle court jusqu'au dock en priant qu'il s'agisse bien des missionnaires. Ses espoirs s'effondrent lorsqu'elle ne voit aucun jeune homme en chemise blanche et cravate. Mais lorsqu'elle voit un couple qui porte des badges noirs, elle se rend compte que ses prières ont été exaucées. Ce qui est encore plus incroyable, c'est que, sans pouvoir se souvenir de son nom, elle reconnaît Elder Tua pour l'avoir connu dans sa jeunesse, lorsqu'il conduisait les membres de l'Église aux réunions du dimanche et les ramenait chez eux. Elle invite le couple à enseigner l'Évangile à sa famille.

La découverte d'une famille marquisienne disposée à entendre leur message s'avère être l'élément-clef du succès des Tua à Hiva Oa. La soeur de Ziella, qui l'a suivie à Hiva Oa et a épousé le cousin de Robert O'Connor, se joint au groupe avec son mari. Les Tua commencent à enseigner à la famille O'Connor l'importance de lire le Livre de Mormon. Ils ont du mal à lire un livre d'Écritures anciennes, mais Elder Tua ne renonce pas. Il leur dit : « Un prophète vivant nous a demandé de lire tous les jours dans le Livre de Mormon. Pensez-vous qu'il nous demanderait de faire quelque chose qui ne serait pas pour notre profit ? La famille O'Connor se met à lire tous les jours dans le Livre de Mormon. Les enfants lisent mal et, au début, ce n'est qu'un ou deux versets. Ensuite cela devint plus facile.

Au bout de quelques mois, quelque chose de merveilleux se produit. Non seulement la famille commence à comprendre et à vivre les Écritures, mais chacun des enfants fait des progrès importants à l'école. Leurs instituteurs veulent savoir quel miracle s'est produit chez eux.

Bien entendu, le plus grand de tous les miracles est que la famille O'Connor a accepté le véritable Évangile de Jésus-Christ. Frère O'Connor et les enfants plus âgés sont baptisés en décembre 1989. En travaillant dur, en devenant autonomes par la culture et l'élevage et en obéissant à la loi de la dîme, ils constatent que les écluses des cieux s'ouvrent pour eux. Au bout d'un an et demi, les O'Connor ont gagné la somme importante nécessaire pour payer leur voyage en avion à Tahiti. Le scellement de la famille de Robert O'Connor, en juillet 1991, dans le temple de Tahiti, se fait sans fanfare, mais c'est une étape significative dans l'implantation de l'Église dans les Marquises. Les O'Connor sont la première famille marquisienne résidant dans les îles Marquises à devenir membre de l'Église et à être scellée dans le temple.

Un an après avoir organisé un groupe de l'Église à Hiva Oa, le président Perrin y retourne. Le 12 octobre 1991, la première branche de l'Église est organisée dans les îles Marquises dans l'île de Hiva Oa. Robert O'Connor est appelé comme président de branche. Le président Perrin passe plusieurs jours avec la famille O'Connor et constate comment l'Évangile a enrichi la vie de tous ses membres. Il dit : « La nouvelle branche est petite et ne compte qu'une vingtaine de membres, mais la famille O'Connor en est le noyau solide. C'est la famille la plus autonome et la plus travailleuse que j'aie jamais vue. Depuis qu'elle est membre de l'Église, elle a la bénédiction d'avoir d'abondantes récoltes et de nombreux animaux. Les enfants sont bien élevés et très versés dans la connaissance de l'Évangile. Mais le plus étonnant, c'est combien la responsabilité de frère O'Connor dans la prêtrise l'a changé. Lors de ma première visite en septembre 1990, il était timide et avait du mal à diriger une réunion. C'était Ziella qui le poussait. Maintenant il est dynamique et assuré. Il s'est acquis le respect des autorités de Hiva Oa, qui admirent son intégrité et respectent même ses croyances religieuses. Cet homme sera un atout précieux pour l'Église dans les Marquises. »

Suite à la percée obtenue à Hiva Oa, des missionnaires sont affectés en permanence dans l'île et, en 1993, on commence à chercher un terrain à acheter pour la construction d'une église.


32. ELLE PRIE POUR QUE DES MISSIONNAIRES VIENNENT À HIVA OA

Îles Marquises, 1989

Des missionnaires ont travaillé sporadiquement dans les Marquises, mais ce n'est qu'en 1989 que les barrières tombent. Le 1er septembre 1989, un groupe de six missionnaires à plein temps – deux sœurs missionnaires (Yolande Tehina et Thérèse Scallamera), deux frères missionnaires (Jason Lucas et Joseph Raihauti) ainsi qu'un couple tahitien local (Rodolphe et Marie Tua) – rencontrent le président de mission, frère Perrin et son épouse au foyer de la mission. Le président leur dit : « J'ai le sentiment que le moment est venu où les habitants des Marquises vont commencer à accepter le message de l'Évangile ».

Il explique comment le Seigneur a ouvert plusieurs portes pour que le message puisse être apporté aux habitants des Marquises. Depuis un mois, il prend très discrètement les dispositions nécessaires pour le transport et le logement du groupe, la plus grande expédition de missionnaires de l'Église jamais envoyée aux Marquises. À la suite d'un concours de circonstances exceptionnel, il a pu louer des logements à Ua Pou et à Hiva Oa, en plus du bâtiment de Nuku Hiva qui va loger les deux sœurs missionnaires tout près d'une famille forte de l'Église. Il ne sait pas ce qui attend les missionnaires, mais il a le sentiment que cette fois leur action va connaître le succès en dépit des difficultés et des obstacles.

Deux des missionnaires, Elder Raihauti et sœur Scallamera, sont d'origine marquisienne. Sœur Scallamera a grandi à Hiva Oa et est devenue plus tard membre de l'Église alors qu'elle habitait à Moorea. Elle est la seule des six à parler le marquisien. Elder Raihauti dit au président Perrin : « Savez-vous qu'en me donnant cette tâche, vous accomplissez une promesse de ma bénédiction patriarcale ? Il m'a été promis que je retournerais comme missionnaire au pays de mes ancêtres pour prêcher l'Évangile à mon peuple ».

Le groupe part deux semaines plus tard pour le voyage de sept jours qui doit le mener dans ces îles lointaines. Les missionnaires connaissent de nombreuses difficultés à Ua Pou et à Nuku Hiva, mais la présence de deux missionnaires marquisiens dans le groupe aide à surmonter les obstacles. Dès le départ, le succès le plus grand est obtenu à Hiva Oa, où travaillent Elder et sœur Tua. Les dirigeants de la mission l'ignorent, mais une membre de l'Église habite à Hiva Oa. Ziella Vivish, une Tahitienne, a déménagé dix ans plus tôt à Hiva Oa et a épousé Robert O'Connor. Celui-ci est un des vingt enfants d'une forte famille marquisienne catholique. Au cours de ces années après son mariage, Ziella n'a aucun contact avec l'Église, mais résiste aux efforts de son mari pour l'amener à devenir catholique. Lorsque les enfants O'Connor naissent, Ziella commence à se rendre compte qu'elle veut les élever en tant que mormons. Il y a si longtemps qu'elle est isolée de l'Église qu'elle n'a pas la moindre idée de la façon de procéder. Elle n'a même jamais lu le Livre de Mormon et n'est pas versée dans la doctrine de l'Église. Tout ce qu'elle a c'est la conviction croissante dans son cœur que l'Église est vraie. Elle se met à prier avec ferveur pour qu'un jour des missionnaires de l'Église viennent à Hiva Oa.

Ziella, qui travaille comme secrétaire à l'hôpital du village d'Atuona, raconte comment elle rencontre Elder et sœur Tua. Un jour, une amie se précipite au bureau et lui dit que deux missionnaires mormons viennent d'arriver par bateau. Elle court jusqu'au dock en priant qu'il s'agisse bien des missionnaires. Ses espoirs s'effondrent lorsqu'elle ne voit aucun jeune homme en chemise blanche et cravate. Mais lorsqu'elle voit un couple qui porte des badges noirs, elle se rend compte que ses prières ont été exaucées. Ce qui est encore plus incroyable, c'est que, sans pouvoir se souvenir de son nom, elle reconnaît Elder Tua pour l'avoir connu dans sa jeunesse, lorsqu'il conduisait les membres de l'Église aux réunions du dimanche et les ramenait chez eux. Elle invite le couple à enseigner l'Évangile à sa famille.

La découverte d'une famille marquisienne disposée à entendre leur message s'avère être l'élément-clef du succès des Tua à Hiva Oa. La sœur de Ziella, qui l'a suivie à Hiva Oa et a épousé le cousin de Robert O'Connor, se joint au groupe avec son mari. Les Tua commencent à enseigner à la famille O'Connor l'importance de lire le Livre de Mormon. Ils ont du mal à lire un livre d'Écritures anciennes, mais Elder Tua ne renonce pas. Il leur dit : « Un prophète vivant nous a demandé de lire tous les jours dans le Livre de Mormon. Pensez-vous qu'il nous demanderait de faire quelque chose qui ne serait pas pour notre profit ? La famille O'Connor se met à lire tous les jours dans le Livre de Mormon. Les enfants lisent mal et, au début, ce n'est qu'un ou deux versets. Ensuite cela devint plus facile.

Au bout de quelques mois, quelque chose de merveilleux se produit. Non seulement la famille commence à comprendre et à vivre les Écritures, mais chacun des enfants fait des progrès importants à l'école. Leurs instituteurs veulent savoir quel miracle s'est produit chez eux.

Bien entendu, le plus grand de tous les miracles est que la famille O'Connor a accepté le véritable Évangile de Jésus-Christ. Frère O'Connor et les enfants plus âgés sont baptisés en décembre 1989. En travaillant dur, en devenant autonomes par la culture et l'élevage et en obéissant à la loi de la dîme, ils constatent que les écluses des cieux s'ouvrent pour eux. Au bout d'un an et demi, les O'Connor ont gagné la somme importante nécessaire pour payer leur voyage en avion à Tahiti. Le scellement de la famille de Robert O'Connor, en juillet 1991, dans le temple de Tahiti, se fait sans fanfare, mais c'est une étape significative dans l'implantation de l'Église dans les Marquises. Les O'Connor sont la première famille marquisienne résidant dans les îles Marquises à devenir membre de l'Église et à être scellée dans le temple.

Un an après avoir organisé un groupe de l'Église à Hiva Oa, le président Perrin y retourne. Le 12 octobre 1991, la première branche de l'Église est organisée dans les îles Marquises dans l'île de Hiva Oa. Robert O'Connor est appelé comme président de branche. Le président Perrin passe plusieurs jours avec la famille O'Connor et constate comment l'Évangile a enrichi la vie de tous ses membres. Il dit : « La nouvelle branche est petite et ne compte qu'une vingtaine de membres, mais la famille O'Connor en est le noyau solide. C'est la famille la plus autonome et la plus travailleuse que j'aie jamais vue. Depuis qu'elle est membre de l'Église, elle a la bénédiction d'avoir d'abondantes récoltes et de nombreux animaux. Les enfants sont bien élevés et très versés dans la connaissance de l'Évangile. Mais le plus étonnant, c'est combien la responsabilité de frère O'Connor dans la prêtrise l'a changé. Lors de ma première visite en septembre 1990, il était timide et avait du mal à diriger une réunion. C'était Ziella qui le poussait. Maintenant il est dynamique et assuré. Il s'est acquis le respect des autorités de Hiva Oa, qui admirent son intégrité et respectent même ses croyances religieuses. Cet homme sera un atout précieux pour l'Église dans les
Marquises. »

Suite à la percée obtenue à Hiva Oa, des missionnaires sont affectés en permanence dans l'île et, en 1994, on commence à chercher un terrain à acheter.


33. IL SE SENT INSPIRÉ À RETIRER LES MISSIONNAIRES DE L'ÎLE

1990

À un moment donné, Yves Perrin, président de la mission de Polynésie française de 1989 à 1992, apprend que les membres de l'Église de l'île de Raïatea ne participent plus à l’œuvre missionnaire. Un jour, il téléphone au président de branche, frère Terooatea pour lui dire qu'il se sent inspiré à retirer les missionnaires à plein temps de l'île.

Pendant plusieurs mois, les saints se trouvent face à leur responsabilité de faire part de l'Évangile sans les missionnaires. Chose remarquable, au lieu de diminuer, le nombre de baptêmes augmente, car les saints ont compris le rôle qu'ils ont à jouer dans ce processus.

Les saints ayant démontré leur volonté de contribuer à l’œuvre missionnaire, des missionnaires sont de nouveau envoyés à Raïatea.


34. IL ARRIVE DANS MON BUREAU SUR LES MAINS

Tahiti, 1991

En juillet 1991, un groupe de saints de Maupiti prend l'avion pour aller au temple de Tahiti. Tepouveretutanetaaroa et Heimaturia Tavae sont membres du groupe. Ce sont deux octogénaires qui tous deux ont des handicaps physiques et sont en mauvaise santé. Frère Tavae, qui souffre de diabète, a eu les deux jambes amputées.

Depuis des années, il se déplace sur les mains. Sa femme, paraplégique, ne peut quitter sa chaise roulante. Lorsque leur président de branche, Gérard Vaetua, leur propose d'aller au temple, ils se montrent réticents à cause de leur mauvaise santé, de leur âge, de leurs difficultés d'audition et de leurs finances réduites. Après avoir témoigné de l'importance des alliances du temple, le président Vaetua leur promet, à eux et à d'autres membres de la branche que s'ils mettent leur confiance dans le Seigneur et s'engagent à faire le voyage, la voie sera ouverte pour leur permettre d'y aller.

Lorsque les membres de la branche de Maupiti arrivent à Tahiti, ils ont un entretien avec le président de mission, Yves Perrin, pour obtenir leur recommandation à l'usage du temple. Le président Perrin est ému par leur foi simple et leur humble situation. Il raconte :

« Lorsque frère Tavae entra pour son entretien, il arriva dans mon bureau sur les mains et s'assit par terre, de sorte que je me levai de mon fauteuil derrière le bureau et vint m'asseoir par terre près de lui. Ce fut un des entretiens les plus touchants que j'aie jamais eus. Cela me rappela vivement les bénédictions que le Seigneur m'avait données ainsi que le grand amour qu'il a pour tous ses enfants. Il me suffisait de contempler les yeux souriants et le visage radieux de frère Tavae pour savoir combien il était heureux. »


35. CET HOMME DANS MON RÊVE, C'ÉTAIT VOUS

Tahiti, 1991

Une nouvelle région où des progrès apparaissent est la région de Vairao de la péninsule de Tahiti. Au cours de toutes les années de service missionnaire dans l'île, on y a rencontré peu de succès. Les rares membres de l'Église qui y vivent sont organisés en branches dépendantes de la paroisse de Taiarapu.

Jean Tefan, le président du pieu de Paea, aide à trouver une maison à louer où on peut tenir des réunions, et deux missionnaires à plein temps sont affectés en novembre
1991 à Vairao. L'un d'eux est Stéphane Temahuki. Celui-ci, déçu de sa nouvelle affectation, demande au président de mission, Yves Perrin, si sa mutation est inspirée. Le président Perrin lui dit de demander au Seigneur ce qu'il veut qu'il fasse à Vairao, car le Seigneur l'a appelé à travailler là-bas.

Quelques semaines plus tard, les missionnaires enseignent un jeune homme chez lui. Elder Temahuki vient de commencer la lecture d'un passage de la Bible lorsque le jeune homme l'arrête et lui dit : « Il y a deux ans, j'ai rêvé que deux jeunes gens en chemise blanche et cravate m'enseignaient la religion. L'un d'eux me lut une Écriture dans la Bible,
et cet homme dans mon rêve, c'était vous, Elder Temahuki. »

C'est pour Elder Temahuki le témoignage vibrant qu'il a véritablement été appelé à Vairao par le Seigneur.

L'oeuvre avance rapidement et en 1992, une branche indépendante est organisée à Vairao et un terrain est acheté pour une église.


36. IL DÉCIDE QU'IL NE JOUERA PLUS AU FOOTBALL LE DIMANCHE

1992

Le 26 février 1992, Lysis Terooatea est relevé après avoir été président de pieu pendant dix ans. Son deuxième conseiller, Erroll Bennett, est appelé comme nouveau président du pieu de Pirae avec Gaston Richmond et Arthur Perry comme conseillers.

Le président Bennett est un héros populaire parmi les membres de l'Église de Polynésie française. Michael R. Otterson a raconté l'histoire de sa conversion dans L'Étoile de mai 1983. Mis en contact en 1977 avec l'Église par son ami Lysis Terooatea, Erroll et sa femme Yolande décident d'être baptisés. Le père d'Erroll est furieux en apprenant la nouvelle : « Si tu te fais baptiser, dit-il, je ne veux plus jamais te revoir. »

Le père d'Erroll n'est pas seulement préoccupé par son changement de religion, mais aussi par le fait que son affiliation à l'Église risque de mettre fin à sa carrière spectaculaire de vedette de football tahitien. À Tahiti, le football est le sport public le plus populaire et, à l'âge de vingt-sept ans, Erroll Bennett est capitaine d'une des meilleures équipes tahitiennes, Central Sport. Comme tel, c'est un héros national.

Sa décision de devenir mormon est un coup dur pour l'institution du football et surtout pour son équipe, qui est en tête de division. La raison de cette réaction est qu'à Tahiti les matches de football ont lieu le dimanche. Et une chose que les entraîneurs, les équipiers et les fans d'Erroll savent, c'est que les mormons ne font pas d'activités sportives le dimanche.

En désespoir de cause, Napoleon Spitz, président de Central Sport et Tahitien puissant et influent, téléphone à Victor Cave, qui à l'époque est le président du pieu de Papeete Tahiti. Le président de pieu ne pourrait-il pas donner à Erroll une dispense pour jouer au football le dimanche ? La réponse du président Cave est polie mais ne laisse pas beaucoup d'espoir : « Vous devrez demander à Erroll. C'est à lui à décider. Il a décidé d'être baptisé, et il vous dira lui-même ce qu'il pense de l'idée de jouer le dimanche ».

Pour Erroll, ce problème n'a aucune importance comparé à celui d'être rejeté par son père. Il estime qu'il doit se réconcilier avec son père avant d'être baptisé. Il reçoit une bénédiction de Noël Tarati, un vieil ami, dans laquelle il lui est promis que son père l'accueillera s'il fait le premier pas.

En approchant de la maison de son père, Erroll voit ce dernier dans le jardin, les larmes aux yeux. « Erroll, supplie son père, pardonne-moi les choses cruelles que je t'ai dites. Tu sais ce que je pense de la perte de ta carrière, mais c'est à toi à décider, et je ne veux plus en parler. »

Erroll et sa femme sont baptisés comme prévu, au cours d'une cérémonie discrète et spirituelle. Ce soir-là, il décide qu'il ne jouera plus au football le dimanche. Le lendemain, il dit à Napoleon Spitz qu'il a décidé de se retirer de l'équipe. La réaction de Spitz est étonnante : « Attends quelques jours, dit-il. Attends que la réunion de la ligue se tienne cette semaine. »

Lorsqu'il apprend la nouvelle quelques jours plus tard, Erroll ne peut en croire ses oreilles. Napoléon Spitz a informé les directeurs de la ligue que l'équipe de football de Central Sport a décidé de ne plus jouer le dimanche. Il explique que les matches du dimanche empêchent les joueurs d'être avec leur famille. Quelle que soit la décision des autres équipes de la ligue, Central ne jouera plus le dimanche. Il s'ensuit un vote, et il est décidé à l'unanimité que la division ne jouera plus le dimanche. Tous les matches auront lieu les soirs de semaine.

Les journalistes sportifs connaissent les raisons de la proposition de Napoleon Spitz. Michael Ferrand, longtemps correspondant sportif pour le journal tahitien La Dépêche, dira : « Il n'était pas facile de changer une tradition bien ancrée. Beaucoup de fans et de reporters furent contrariés par la décision, mais la critique ne fut pas trop sévère. Il faut se souvenir qu'Erroll Bennett était très populaire à Tahiti et qu'aucun journaliste sportif n'allait critiquer ouvertement un héros national ».

Napoléon Spitz, après avoir soigneusement observé les réactions et les répercussions, dira : « Il ne fait pas de doute que les joueurs préfèrent jouer pendant la semaine. Ils ont découvert qu'ils aiment être le dimanche en famille. Même le public a appris à l'apprécier... Cela nous a profité à tous. »

À partir des premiers jours après son baptême, Erroll ne fera jamais de compromission avec ses nouvelles croyances. Il acquiert le respect de toute la collectivité pour son courage à respecter ses principes.

Il se retire honorablement du football dans les années 1980 et continue comme entraîneur de football pour Central Sport. Après son baptême, il œuvre fidèlement comme membre du grand conseil du pieu de Pirae Tahiti, puis comme évêque et ensuite comme conseiller dans la présidence de pieu.

En ce jour de février 1992, il y a des larmes sur la plupart des visages des membres du pieu de Pirae qui lèvent haut la main pour soutenir Erroll Bennett comme leur nouveau président de pieu.


37. IL ACCEPTE HUMBLEMENT L'APPEL

1992

Deux hommes de l'île Takaroa sont en pleine mer en canot à moteur, lorsqu'ils heurtent une grosse vague et sont éjectés tous les deux. Le bateau continue son chemin sous leurs yeux, sans qu'ils puissent rien faire. Aucun des deux ne porte de gilet de sauvetage et ils sont trop loin de Takaroa pour retourner à l'île à la nage.

Louis Palmer, le plus fort des deux nageurs, sait que leur seul espoir est qu'il essaie de rejoindre le bateau à la nage et revienne ensuite chercher son compagnon. L'épreuve de Louis dure plusieurs heures, et chaque mouvement devient plus difficile. Lorsqu'il arrive en haut de la houle, il peut voir le bateau dans le lointain, mais il ne semble pas s'en rapprocher. Il a le sentiment que sa vie ici-bas n'est pas terminée et qu'il a beaucoup à accomplir. Louis est un homme jeune qui a une femme et une petite fille. Il ne peut laisser sa famille sans mari et sans père. Finalement, complètement épuisé, il atteint le bateau. Il a tout juste la force de se hisser à l'intérieur.

Il panique lorsque le moteur refuse de démarrer. Le bateau a continué sans pilote son chemin sur l'océan jusqu'à tomber à court de carburant. Louis fait une prière fervente, mais le moteur refuse de démarrer.

Par l'autorité de la prêtrise avec toute la foi qu'il a, il implore le Seigneur de le bénir dans ce moment d'épreuve. Il promet au Seigneur de le servir dans tous les appels qu'il recevra si sa vie est épargnée. Par miracle, le moteur se met en route. Mais la nuit a commencé à tomber et il est difficile de voir. Louis revient à l'endroit où il pense que son ami se trouve mais ne peut le trouver. Sachant que le niveau de carburant est très bas, il retourne chercher de l'aide à Takaroa. Les insulaires passent de longues heures avec lui à ratisser les eaux ténébreuses de l'océan, mais son compagnon ne sera jamais retrouvé.

Telle est la situation lorsque, le lendemain matin, le président de mission, frère Perrin, arrive avec ses conseillers pour appeler un nouveau président pour la branche de Takaroa 2. Ils arrivent tôt le samedi matin et apprennent la tragédie qui s'est produite la veille.

Ils rendent visite à la veuve et aux enfants de l'homme qui a été perdu en mer et leur adressent des paroles de consolation. En dépit de la tragédie, les affaires de la mission doivent être traitées. Ils commencent par un entretien avec les dirigeants de la prêtrise de la branche de Takaroa 2. L'inspiration ne vient pas. Ils demandent un entretien avec Louis Palmer et sentent immédiatement que c'est l'homme que le Seigneur veut comme président de branche.

Lorsque le président Perrin appelle Louis Palmer, petit-fils d'un autre grand dirigeant de l'Église, Charles Tutu Palmer, les larmes coulent sur les joues de Louis qui vient de vivre une nuit horrible et sait ce qu'il a promis au Seigneur. Il confirme que le Seigneur a effectivement épargné sa vie dans un but spécifique et accepte humblement l'appel.