La liberté religieuse




Introduction à la liberté de religion

Pour beaucoup de gens dans le monde, peu de choses sont plus précieuses que la liberté. La liberté – le pouvoir de vivre comme on le veut – est l’une des grandes sources de la dignité humaine. Le bon usage de la liberté est aussi l’une des grandes responsabilités des êtres humains. Nous avons encore bien du mal à savoir comment définir nos libertés, comment les comprendre et comment les préserver tout en les tempérant. Au centre de ces considérations se trouve l’une des libertés les plus fondamentales : la liberté religieuse.

Qu’est-ce que la liberté de religion ?

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, la liberté de religion n’est pas simplement la liberté d’adorer Dieu ou de croire comme on le veut, bien que ce soient là des aspects essentiels de ce principe. Elle n’est pas non plus la prérogative des personnes intéressées par la religion. La liberté de religion est en réalité d’une portée plus profonde, plus large et plus importante que ne le considèrent la plupart des gens.

Au niveau le plus fondamental, la liberté de religion est le droit qu’ont les hommes de penser, d’agir en accord avec ce qu’ils croient profondément et de l’exprimer, selon ce que leur dicte leur conscience morale. En fait, la liberté de religion a toujours été appréhendée conjointement avec la « liberté de conscience », la liberté d’acquérir et de conserver des convictions morales et d’agir en accord avec celles-ci. Ainsi la liberté de religion comprend la liberté de croyance et de culte religieux, mais elle a également une portée bien plus large car elle comporte la liberté d’agir : de parler librement en public, de vivre en accord avec ses principes moraux et de défendre sa propre vision morale de la société. Sa portée, ainsi que la relation qu’elle entretient avec la liberté de conscience, aident à expliquer pourquoi la liberté de religion est importante pour tous, pas seulement pour les croyants.

Les États-Unis d’Amérique ont une tradition longue et exceptionnelle de liberté religieuse, une vertu qui a été inscrite dans les documents originaux de la nation et exaltée par ses fondateurs. Consacrée comme liberté prééminente dans la Déclaration américaine des Droits de l’Homme, la liberté de religion est la première des libertés essentielles, et est souvent appelée la « première liberté ». Elle est ainsi désignée parce qu’elle permet et protège d’autres libertés humaines, comme la liberté d’expression. En effet, la culture de liberté et de démocratie paisible des États-Unis est en grande partie née de leur respect ferme de la liberté religieuse. Comme les États-Unis, beaucoup d’autres nations en sont aussi venues à reconnaître cette liberté des plus essentielles, et ont fait d’elle un principe central de leur gouvernement. Les Nations Unies, dans leur Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), et dans beaucoup d’autres conventions depuis lors, ont décrit la liberté de religion comme « un droit humain fondamental ».

Liberté de religion et société

Ce droit fondamental est indispensable dans les diverses sociétés du monde moderne, où les droits et les intérêts de différents partis entrent souvent en conflit. Étant donné que le potentiel d’animosité est le plus grand là où les différences sont les plus profondes ou bien là où la majorité domine, la liberté de religion est cruciale parce qu’elle permet à des personnes de convictions différentes à l’égard des aspects les plus profonds de la vérité, de vivre ensemble en paix. Le respect attentif de cette liberté protège tous les groupes et tous les individus, y compris les plus vulnérables, qu’ils soient religieux ou non. Quand elle est respectée, la liberté de religion aide à prévenir la violence et à éviter les conflits.

Les nations de par le monde qui ont soutenu la liberté de religion en ont vu les effets positifs sur la société. Bien que des cas d’extrémisme religieux aient entaché l’image publique de la religion, les chercheurs reconnaissent que la religion est source d’avantages importants, tels que l’harmonie et la stabilité, pour les sociétés qui la soutiennent. Leurs études montrent invariablement que les personnes religieuses font davantage preuve d’esprit civique, sont plus généreuses et plus amicales que leurs homologues non religieux. Des données empiriques semblent également indiquer que les sociétés où la liberté de religion prévaut jouissent de nombreux autres avantages, notamment un niveau plus élevé des autres libertés, non présents dans les sociétés où la religion est réprimée ou désavantagée. Ces avantages sont des raisons supplémentaires de laisser la religion libre de s’épanouir dans la société (voir Robert D. Putnam and David E. Campbell, American Grace: How Religion Divides and Unites Us, Simon and Schuster, 2010 ; Brian J. Grim and Roger Finke, The Price of Freedom Denied: Religious Persecution and Conflict in the Twenty-First Century, Cambridge University Press, 2010).

Respecter la liberté de religion ne veut pas dire mettre de côté les autres libertés et intérêts sociaux ou subvertir la loi ; la liberté de religion coexiste avec d’autres intérêts légitimes dans la société. Le gouvernement a la responsabilité cruciale d’assurer la sécurité publique et d’arbitrer les conflits opposant certains droits entre eux. Aux États-Unis est entretenue une saine indépendance entre l’Église et l’État ; toutefois, on ne devrait pas empêcher la religion d’exercer une influence morale sur les affaires publiques de la nation. La liberté de religion n’exclut pas les autres intérêts mais, en tant que « première liberté », elle devrait jouir du respect qui lui est dû.

Les mormons et la liberté de religion

Les membres de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ont de bonnes raisons d’honorer la liberté de religion. Ayant parfois connu la persécution religieuse au cours de leur histoire, les mormons apprécient particulièrement d’être libres de s’exprimer et de vivre selon leurs convictions et leur foi. En fait, la liberté de religion a toujours eu une grande importance pour les Mormons depuis le début. Joseph Smith, fondateur de l’Église, était un partisan fort et généreux de ce principe, et il reconnaissait qu’il était crucial que tous les partis s’accordent à le défendre. Il a déclaré : « J’ose affirmer devant les cieux que je suis tout aussi prêt à mourir pour la défense des droits d’un presbytérien, d’un baptiste ou d’un brave homme de toute autre dénomination ; car le même principe qui foulerait les droits des saints des derniers jours foulerait les droits des catholiques ou de toute autre religion. »

Dans une colonie mormone du dix-neuvième siècle, Smith a là aussi souligné l’importance de la liberté de religion en établissant une charte municipale qui garantissait la liberté de religion pour les habitants de toutes confessions. La liberté de conscience et la liberté de religion ont été inscrites dans les Articles de foi de l’Église, qui stipulent : « Nous affirmons avoir le droit d’adorer le Dieu Tout-Puissant selon les inspirations de notre conscience, et reconnaissons le même droit à tous les hommes : qu’ils adorent comme ils veulent, où ils veulent ou ce qu’ils veulent » (voir LDS Newsroom, Selected Beliefs and Statements on Religious Freedom of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints). Les Mormons sont fermement engagés vis-à-vis de la liberté de religion et de sa protection.

Les remises en cause croissantes de la liberté de religion

La situation de la liberté de religion et de la liberté de conscience n’est pas aussi terrible aux États-Unis que dans d’autres parties du monde. Aujourd’hui, les Américains de foi et de conscience ne sont d’une manière générale pas confrontés à la violence physique et à la coercition comme c’est parfois le cas dans d’autres pays. Toutefois, la liberté de religion et la liberté de conscience aux États-Unis n’en sont pas moins en danger. Des changements sociaux et légaux restreignent ces libertés par des détours nouveaux et très problématiques. Leur valeur est rappelée aux Américains qui les ont depuis longtemps considérées comme acquises.

Les remises en cause de la liberté religieuse émergent de nombreuses sources. Le nouveau plaidoyer en faveur des droits des homosexuels menace de réduire la liberté de religion de différentes manières. Des changements en matière de soins de santé menacent les droits de ceux qui ont certaines convictions morales à l’égard de la vie humaine. Ces évolutions et d’autres engendrent des conflits et commencent à peser sur les organisations religieuses et les gens de conscience. Elles menacent, par exemple, de restreindre la façon dont les organisations religieuses peuvent gérer leurs ressources humaines et leurs biens. Elles exercent une contrainte sur les universités, les écoles et les services sociaux affiliés à des religions. Elles amènent le blâme sur des individus qui agissent en accord avec leurs principes : des personnels de santé, d’autres professionnels, des parents. Dans ces situations et beaucoup d’autres, nous voyons à quel point la liberté de religion et la liberté de conscience subissent une érosion subtile mais constante. Autre cause de préoccupation, les dispositions légales prises pour préserver ces libertés sont souvent superficielles, et ne les protègent que dans le sens le plus restreint. Dans beaucoup d’aspects de la vie publique, la liberté de religion et la liberté de conscience sont entraînées dans des conflits qui pourraient les anéantir.

Les exigences de la liberté de religion

Compte tenu de la profondeur de ces conflits et de la controverse qu’ils suscitent parfois, il est essentiel que toutes les parties fassent preuve de civilité lorsqu’elles examinent ces sujets très importants. Ce n’est que juste, car les attributs de la dignité humaine qui font partie de la liberté de religion garantissent aussi le droit de chacun au respect et à l’expression de son point de vue. Chaque groupe, y compris les individus et les organisations religieuses, a la responsabilité d’exprimer raisonnablement son point de vue, de manière à favoriser une discussion claire. En tant que concitoyens, nous devrions toujours parler avec courtoisie et faire preuve de patience, de compréhension et d’empathie envers ceux qui ne sont pas d’accord avec nous. Nous favorisons la bonne volonté en en faisant preuve nous-mêmes. (Pour en savoir davantage sur l’engagement de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours vis-à-vis de la civilité dans les conversations, voir LDS Newsroom, The Mormon Ethic of Civility)

La liberté de religion, ou « liberté de conscience », est depuis longtemps le fondement de la démocratie. Enterrée depuis longtemps et considérée comme acquise, c’est aujourd’hui une préoccupation élevée. Les Américains, y compris les saints des derniers jours, ont besoin de renouer avec cette liberté et de se réengager vis-à-vis d’elle. Une société libre engagée vis-à-vis de la liberté de religion et de la liberté de conscience est une société dont tous les membres sont attentifs à protéger leurs libertés réciproques. Préserver cette liberté humaine des plus fondamentales et l’harmonie qu’elle apporte est un impératif pour nous tous.


1. Ce que signifie la liberté religieuse

Ce que les Américains savent de la liberté religieuse

La plupart des Américains savent que la liberté religieuse est une des libertés les plus fondamentales garanties par la Constitution américaine. Souvent appelée la « première liberté », la liberté religieuse est au premier plan dans les textes fondateurs américains, et elle est la source de nombreuses autres libertés.

C’est un droit humain fondamental, qui est maintenant protégé dans les lois de beaucoup de pays dans le monde entier et dans des conventions internationales telles que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948). En règle générale, les Américains reconnaissent et honorent la liberté religieuse comme étant une des libertés inaliénables qui leur sont reconnues.

Pourtant, malgré la conscience qu’ont les Américains de la liberté religieuse et leur perception générale du fait qu’il s’agit d’une chose de très grande valeur, des études montrent que beaucoup d’Américains ne sont pas vraiment sûrs de ce qu’elle signifie. En conséquence, ils ne comprennent pas non plus pleinement pourquoi elle est si essentielle et ce qu’elle nécessite.

Des études montrent effectivement que la plupart des Américains saisissent l’idée générale. Pour le citoyen moyen, la liberté religieuse est le droit dont jouissent beaucoup de gens, dans le monde libre, de croire à propos de Dieu et de la vérité morale ce qu’ils choisissent de croire, ainsi que le droit de célébrer ces croyances par le culte, s’ils le veulent. Intuitivement, c’est cohérent. Il ne serait pas juste que quelqu’un soit contraint en matière de croyance religieuse ou de moralité, ou empêché d’adorer selon sa conscience. (voir « Survey Fact Sheet: What Americans Know About Religious Freedom », American Religious Freedom Program, accessed January 14, 2012, http://religiousfreedom.org/research/detail/survey-fact-sheet-americans-views-on-religious-freedom ; et « What It Means to Be an American », Brookings Institute and Public Religion Research Institute, accessed January 14, 2012, http://www.brookings.edu/reports/2011/0906_american_attitudes.aspx)

L’étendue de la liberté religieuse

Mais si ces activités personnelles et intérieures sont des éléments vitaux de la liberté religieuse, ils ne rendent pas compte de tout ce que celle-ci englobe. La liberté religieuse est en réalité d’une portée beaucoup plus large et plus profonde que ne le suggère cette description. Dans un sens plus fondamental, la liberté religieuse, apparentée à la « liberté de conscience », est le droit qu’ont les hommes de penser, de croire et aussi d’exprimer ce qu’ils croient profondément et d’agir en fonction de ces croyances, selon ce que leur dicte leur conscience morale. Cette liberté s’applique aussi bien à ceux qui adhèrent à des croyances religieuses qu’à ceux qui n’en ont pas.

La notion complète de liberté religieuse révèle une liberté profonde qui va beaucoup plus loin que le simple droit de croire ce que l’on veut, et qui va bien au-delà du droit à la dévotion personnelle dans un lieu de culte ou chez soi. En effet, la liberté religieuse n’est pas seulement intérieure et personnelle, pour que nous en jouissions intérieurement dans notre esprit et dans le secret de notre vie privée. Elle comprend aussi le droit d’agir selon ses croyances et convictions morales. Et plus que la liberté d’adorer en privé, c’est le droit de vivre sa foi librement et en public.

Les croyances mènent aux actes, tandis que la liberté de croire sans la capacité d’agir selon ces croyances, dans les limites de la loi, n’est nullement une liberté. La plupart des gens conviendront que les croyances morales et religieuses ne veulent pas dire grand-chose si elles n’influencent pas la façon dont nous vivons. En d’autres termes, nous nous attendons à ce que les croyances religieuses aient une influence sur le comportement des gens, sur leur façon d’élever leur famille et de traiter les autres. Et de fait, la liberté religieuse protège le droit des individus d’agir en accord avec leurs croyances religieuses et leurs convictions morales. La liberté religieuse ne nous permet pas seulement de méditer sur nos convictions ; elle nous permet de les mettre en action.

Pour cette raison, la religion ne peut être confinée au cadre de la vie privée. Bien évidemment, la liberté religieuse protège les droits des individus de vivre leur religion dans le cadre de lieux privés. Mais le langage religieux et moral est aussi protégé dans l’air libre du domaine public. Que ce soit à la mairie, dans les colonnes des journaux, sur l’Internet ou ailleurs dans la sphère publique, les gens ayant des convictions morales ont, en vertu de leur liberté religieuse, le droit de faire part de ces convictions, de raisonner et de persuader, et de défendre leur vision de la société.

Les études montrent en fait qu’aux États-Unis les personnes religieuses contribuent à enrichir et à améliorer la société. Elles ont tendance à se distinguer par un niveau plus élevé de qualités sociales telles que le bon voisinage, la générosité, le service et l’engagement civique. Par conséquent, ce n’est pas seulement une exigence de la liberté religieuse que les personnes religieuses et leurs voix soient accueillies dans la sphère publique ; mais en outre cela renforce le tissu civique de la société (voir Robert D. Putnam and David E. Campbell, American Grace: How Religion Divides and Unites Us, New York, Simon and Schuster, 2010).

Mettre en pratique et protéger la liberté religieuse

Le fait que la liberté religieuse soit publique et qu’elle recouvre davantage que la seule croyance ne veut bien sûr pas dire qu’elle supplante toute autre considération dans la société. L’objectif d’une démocratie est de concilier les divers intérêts de tous ses membres. La liberté religieuse et la liberté de conscience sont essentielles parce qu’elles aident à soutenir ce système de coexistence pacifique, et elles doivent être contrebalancées par d’autres considérations, telles que les droits d’autrui, la loi et la sécurité publique. Néanmoins, étant donné que ces libertés sont si essentielles à la dignité humaine et qu’elles apportent tant à la société, elles méritent d’être soigneusement protégées.

Cette protection relève de la responsabilité de tous les citoyens qui chérissent leur liberté et reconnaissent que les libertés des uns sont autant assurées que celles des autres. La protection de la liberté religieuse exige aussi qu’elle soit pleinement comprise et respectée dans son intégralité. Une mauvaise compréhension de la liberté religieuse peut être problématique si elle conduit, par exemple, à établir des règles et des lois qui la définissent trop étroitement et la protègent trop faiblement. L’ignorance de la liberté religieuse peut aussi, si on n’y prend garde, permettre qu’elle subisse une érosion lente et subtile, fragilisant ou compromettant cette liberté fondamentale. Une conscience forte de la liberté religieuse, une compréhension de sa pleine signification, est indispensable pour qu’elle se perpétue et s’épanouisse.


2. Pourquoi nous avons besoin de la liberté religieuse

Ces deux dernières années, des officiers généraux de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ont fait des déclarations majeures sur de nombreux aspects de la liberté religieuse : ce qu’elle signifie, ce qu’elle fait, les menaces auxquelles elle fait face et pourquoi elle est aussi vitale pour les peuples libres de partout. Dallin H. Oaks, du Collège des douze apôtres de l’Église, a dit : « Il y a une bataille sur la signification de la liberté [religieuse]. Ce combat a une importance éternelle. » Un autre apôtre, Quentin L. Cook, a lancé à des diplômés universitaires le défi de « travailler avec des gens d’autres confessions » pour protéger et « être un avocat de la liberté religieuse et morale. »

En plus du soutien des saints des derniers jours à la liberté religieuse se trouvent les efforts significatifs d’autres dirigeants religieux et citoyens. Pourquoi alors apportons-nous une telle attention à la liberté religieuse ? Pourquoi les citoyens américains en ont-ils tant besoin ?

Le besoin vient de l’immense diversité de la nation et de la société américaines. Depuis le commencement, les États-Unis ont été le foyer de nombreuses croyances religieuses. Sans une Église d’État définie (brisant ainsi une tradition européenne de mille cinq cents ans) et avec un flot constant d’immigrés, le pluralisme religieux a été un signe distinctif en Amérique. Les Américains, dans cette nouvelle nation en mouvement, ont découvert une multitude de choix religieux qu’ils ne connaissaient pas jusque-là : ils pouvaient choisir leur propre groupe religieux, leur assemblée (ou débuter la leur) et trouver un ministre de culte. Ils pouvaient aussi choisir de n’adhérer à aucune religion. Ce large panel de choix religieux a montré une liberté de conscience vivifiante et une liberté religieuse florissante. Les Américains n’ont pas seulement toléré les autres croyances religieuses, mais ils ont adopté la liberté religieuse à bras ouverts, comprenant que le « seul moyen de l’avoir pour eux-mêmes était de la garantir à tous les autres. » (voir Robert Booth Fowler, Allen D. Hertzke, Laura R. Olsen, Kevin R. Den Dulk, Religion and Politics in America, Faith, Culture and Strategic Choices, p. 6)

Pourtant, la liberté religieuse ne s’est pas imposée facilement aux États-Unis. Les baptistes, les juifs, les catholiques et ceux d’autres confessions, qui pendant un temps avaient été des religions nouvelles, impopulaires et mineures, ont ressenti l’aiguillon de la persécution religieuse et du préjudice de la société. Mais la possibilité d’une société où diverses confessions et croyances peuvent coexister est enracinée dans les hauts principes de liberté de conscience et les protections habilitantes de la religion par le premier amendement. C’est ce cadre architectural qui assure un espace physique, social et légal pour que les groupes et personnes vivent leurs différentes croyances de manière significative tant dans leur vie privée que publiquement. Une déclaration des principes signée par les érudits et hommes d’États met en lumière ces principes : « Les clauses de la liberté religieuse sont à la fois une protection de la liberté individuelle et une disposition pour organiser le lien entre la religion et la vie publique. Elles nous permettent de vivre avec nos différences les plus profondes. » (La charte de Williamsburg, Summary of Principles, 1988)

Mais la liberté religieuse et de conscience demandent plus que de simplement vivre et coexister avec nos différences. Ces libertés importantes créent aussi des obligations rajeunissantes. Tous les bénéficiaires de la liberté religieuse, chaque groupe et individu libre de vivre selon ce que lui dicte sa conscience doit à son tour protéger cette même liberté pour tous les autres, surtout les plus vulnérables, qu’ils soient religieux ou non. Voilà l’obligation. Et elle est rajeunissante parce qu’elle « permet à la diversité d’être la source d’une force nationale. » (Ibid.)

Ces principes sont remarquablement éloquents dans la Charte de Williamsburg. Écrite comme une « confirmation du premier amendement », les signatures comprennent celles des dirigeants des gouvernements (y compris deux anciens présidents des États-Unis), d’hommes d’affaires, de groupes d’enseignants, de groupes religieux et d’autres domaines. Dallin H. Oaks a signé le document au nom de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. La charte met l’accent sur la nature vitale et l’importance morale de l’obligation associée à la liberté religieuse, comprenant l’observation incisive qu’une « société n’est libre qu’en étant respectueuse de la [liberté religieuse et de conscience] pour les minorités les plus faibles et les communautés les moins populaires ».

De récentes études ont montré les bénéfices sociétaires de la liberté religieuse (voir par exemple Brian J. Grim et Roger Finke, The Price of Freedom Denied, et le Hudson Institute’s Center for Religious Freedom study). Elles ont par exemple découvert que :

La liberté religieuse promeut la stabilité dans une société pluraliste, mais que quand elle est limitée, il y a plus de violence et de conflit.

Quand la liberté religieuse est élevée, il y a plus de prospérité économique, une meilleure santé, une moins grande disparité des revenus et une démocratie plus forte.

La liberté religieuse a un lien direct avec la protection accordée à d’autres droits civiques et humains ; si quelque liberté peut contrôler les aspirations de la foi et de la conviction, alors cette liberté pourrait, d’après les paroles de James Madison, « balayer tous nos droits fondamentaux », comme la liberté d’expression, de la presse et de réunion.

Voilà quelques-unes des conséquences de la liberté religieuse qui contribue à une société juste et libre où les tensions sont traitées et où les gens vivent paisiblement avec leurs plus grandes différences. C’est l’essence même de la démocratie.


3. Pourquoi la liberté religieuse est importante pour les mormons

L’histoire des mormons et la liberté religieuse

Étant l’une des libertés humaines les plus essentielles, la liberté religieuse est précieuse pour tous les peuples. Pourtant, elle a un sens particulier pour ces groupes qui, à un moment ou un autre, se sont retrouvés impopulaires ou vulnérables à cause de leurs convictions religieuses. C’est aussi vrai même dans un pays aussi libre et tolérant que les États-Unis, où la tolérance et la liberté religieuse ont toujours été un idéal mais pas toujours mis en pratique. Des baptistes et quakers aux catholiques, musulmans ou juifs, les groupes de minorités religieuses en Amérique ont ressenti l’aiguillon de la persécution pour leur foi et pour leur efforts à s’y conformer.

Religion minoritaire en Amérique, les mormons ont aussi fait face à l’intolérance, y compris à certaines des persécutions religieuses les plus tristement connues de l’histoire américaine. Quand l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours a été fondée par Joseph Smith au début du dix-neuvième siècle, ses membres ont souvent été confrontés à l’hostilité et à la suspicion. La croissance de l’Église, attirant de nombreux convertis, a entraîné des conflits avec d’autres groupes, dus aux pratiques et croyances religieuses uniques des mormons.

À cette période, les conflits allaient jusqu’à l’intimidation et, parfois, à la violence. Les émeutiers et les milices incendiaient leurs maisons et détruisaient leurs récoltes, obligeant les mormons à quitter leurs campements à plusieurs reprises. Un conflit particulièrement mortel est survenu en 1838, après que le gouverneur du Missouri ait ordonné que tous les mormons soient chassés de l’État ou « exterminés ». De violents émeutiers ont attaqué une petite ville rurale et ont dispersé les colons mormons, massacrant dix-sept d’entre eux, hommes et garçons. À la lumière de ces différents incidents, les saints des derniers jours ont demandé de l’aide et de la protection à la fois à l’État et aux gouvernements nationaux. Des amis sympathisants de l’Église ont essayé d’aider, mais les mormons n’ont pu que légèrement s’en remettre.

Ces jours de violence et de campements mormons frontaliers sont maintenant très loin derrière nous, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours est depuis devenue une foi mondiale et grandement respectée. Mais les leçons de l’Histoire demeurent. À la lumière de tout cela et d’autres expériences dans leur histoire, les mormons n’oublient pas que la liberté religieuse ne doit pas être prise pour acquise.

Enseignements sur la liberté religieuse

Pendant ce temps, les premiers dirigeants de l’Église, comme Joseph Smith, enseignaient l’importance de la liberté religieuse qu’ils recherchaient. Les dirigeants de l’Église enseignaient que la liberté religieuse n’était pas seulement pour les mormons mais pour tous. Joseph Smith était un partisan particulièrement engagé envers ces principes. Par exemple dans le premier campement mormon de Nauvoo, en Illinois, Smith a dit :

« S’il a été démontré que j’ai accepté devant les cieux de mourir pour un « mormon », j’ose affirmer devant les cieux que je suis tout aussi prêt à mourir pour la défense des droits d’un presbytérien, d’un baptiste ou d’un brave homme de toute autre dénomination ; car le même principe qui foulerait les droits des saints des derniers jours foulerait les droits des catholiques ou de toute autre religion, qu’elle soit impopulaire ou trop faible pour se défendre. » (History of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, volume 5, p. 498–99 ; volume 4, p. 306)

Plus tard, Smith a présenté un décret qui protégerait les libertés des peuples de toutes confessions, y compris les non-chrétiens, à Nauvoo. Ces groupes bénéficieraient d’une « libre tolérance et de privilèges égaux dans cette ville ». Joseph Smith a reconnu qu’assurer la liberté religieuse signifiait la garantir pour tous. L’importance de la liberté de conscience et de religion a aussi été intégrée en 1842 dans l’un des treize Articles de foi de l’Église : « Nous affirmons avoir le droit d’adorer le Dieu Tout-Puissant selon les inspirations de notre conscience et reconnaissons le même droit à tous les hommes : qu’ils adorent comme ils veulent, où ils veulent ou ce qu’ils veulent. »

Après Joseph Smith, les dirigeants de l’Église ont continué à enseigner la liberté religieuse. James E. Talmage, un apôtre de l’Église de longue date, a écrit en 1899 que « les saints des derniers jours proclament leur allégeance inconditionnelle aux principes de liberté religieuse et de tolérance. Ils affirment que la liberté d’adorer le Dieu Tout-Puissant, comme la conscience peut le dicter, est l’un des droits inhérents et inaliénables de l’humanité » (James E. Talmage, The Articles of Faith, 1899, p. 406). J. Reuben Clark, membre de la Première Présidence de l’Église, a enseigné en 1935 qu’une garantie de liberté religieuse est essentielle dans la vie publique, car « après tout ce qui compose notre vie et tout ce que nous en faisons, se trouvent notre religion, notre culte, nos croyances et notre foi en Dieu. » (J. Reuben Clark, dans Conference Report, avril 1935, p. 94)

En 1985, l’apôtre Bruce R. McConkie a écrit que la liberté religieuse est « pour parler simplement, la partie la plus basique de la doctrine » de l’Évangile (Bruce R. McConkie, A New Witness for the Articles of Faith, 1985, p. 655 ; voir aussi W. Cole Durham, The Doctrine of Religious Freedom, BYU devotional address, 3 avril 2001). C’est vrai pour les saints des derniers jours car, comme il l’a expliqué, le principe du libre arbitre, la liberté innée de choisir et d’exercer ses croyances religieuses et ses convictions morales, est à la base de tous les autres enseignements et points de doctrine essentiels des mormons. La dignité humaine et le libre arbitre reposent sur la liberté de conscience.

Les dirigeants de l’Église actuels continuent de rappeler et de mettre l’accent sur ces principes, expliquant ce qu’est la liberté religieuse et pourquoi elle est importante. Dallin H. Oaks a souvent parlé du besoin de préserver la liberté religieuse à une époque de moins en moins respectueuse de la religion. Dans un discours magistral à l’université Chapman en février 2011, il a défendu le principe de la liberté religieuse et a souligné les tendances inquiétantes qui la menacent de nos jours. Quentin L. Cook a aussi encouragé les saints des derniers jours à être « des avocats de la liberté religieuse et de la moralité. » Ces dirigeants actuels de l’Église font écho aux enseignements sur la liberté religieuse qui font partie de la foi mormone depuis le début.

Avocats de la liberté religieuse

Les mormons chérissent la liberté religieuse en vertu de leur histoire et de leur foi. Mais bien qu’ils aient des raisons particulières de chérir la liberté religieuse, ils ne se l’approprient pas ; tout comme Joseph Smith, les mormons veulent voir ces libertés préservées et protégées pour tous. À une époque où la liberté religieuse est de plus en plus menacée, il en est de la responsabilité de chaque croyant en foi et en conscience de comprendre et de faire progresser cette liberté humaine fondamentale pour lui-même et son prochain. Les mormons ont de nombreuses raisons de conserver cette responsabilité.


4. Ce que la liberté religieuse requiert de nous

« Les conflits et les débats sont vitaux pour la démocratie. Toutefois, si des controverses sur la religion et la politique doivent refléter la grande sagesse du premier amendement et mettre en avant les meilleurs intérêts des contestataires et de la nation, alors notre façon de débattre et ce dont nous débattons sont critiques. » (La charte de Williamsburg, Summary of Principles, 1988 ; Dallin H. Oaks a signé ce document au nom de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours)

Les exigences de la liberté religieuse

Il y a un paradoxe avec la liberté religieuse : un gain véritable découle d’une perte apparente. Le dilemme va comme suit : si vous voulez protéger vos croyances religieuses, vous devez protéger les croyances religieuses qui diffèrent fondamentalement des vôtres. Cela ne nécessite pas d’adhérer à ces croyances, mais cela requiert un respect particulier pour elles (voir W. Cole Durham, The Doctrine of Religious Freedom, discours prononcé à l’université Brigham Young le 3 avril 2001). Les affirmations concurrentielles de vérité et de croyance ne coexistent pas facilement. Toutefois, « la liberté religieuse pour moi mais pas pour toi » ne peut pas marcher, surtout dans un monde aussi diversifié que le nôtre. Des siècles de conflits sectaires ont montré que de telles attitudes dégradent la liberté de chacun. Le moyen de s’assurer sa propre liberté est de l’assurer aux autres.

La liberté religieuse est autant un devoir que c’est un droit, autant une exigence de donner qu’un privilège de recevoir. De telles responsabilités et bénéfices ne sont pas seulement l’héritage d’une constitution éprouvée par le temps. Ils façonnent la façon dont nous vivons notre vie jour après jour. Les fruits de la liberté religieuse dépendent du dur labeur continuel des communautés à alimenter la civilité, le respect et la réciprocité : la rue à double sens de la vertu civique. Soutenir la liberté religieuse fait partie d’une société juste et libre.

Cette obligation mutuelle repose sur la dignité de chacun et la conscience morale qui guide le libre arbitre humain. Garder cette obligation est le plus grand défi d’une société en paix. Ayant été l’objet de persécutions et d’intolérance par le passé, les membres de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours peuvent comprendre les groupes religieux minoritaires qui souffrent de façon similaire. Un esprit de solidarité a inspiré Joseph Smith, le prophète fondateur de l’Église, à affirmer : « C’est l’amour de la liberté qui inspire mon âme : la liberté civile et religieuse de toute l’humanité ».

La civilité et ses conséquences

Une grande part de cette responsabilité réciproque repose sur la façon dont nous, citoyens, nous nous traitons les uns les autres. Nos interactions publiques révèlent quel peuple nous sommes et quel genre de société nous choisissons de bâtir. Ces interactions définissent continuellement nos valeurs. Un soin constant est requis pour cultiver les usages et libertés de la civilisation.

Nos paroles et comment nous les prononçons font toute la différence. Le besoin de civilité ne requiert pas que les citoyens cachent ou amenuisent leurs croyances en gentilles généralités. Une discussion sensée peut être à la fois humaine et vigoureuse. La civilité est un appel pour assurer que chaque voix est entendue et respectée, même si ce n’est suivi d’aucun accord. Les organisations religieuses et individuelles sont responsables d’exposer leurs vues raisonnablement et respectueusement pour contribuer à obtenir une discussion fructueuse. L’intensité d’une démocratie pluraliste nécessite d’être tempérée par des discours mûrs où différents partis expriment leurs opinions sans mettre des croyances de côté.

Discuter d’idées contraires, signe d’une démocratie saine, enseigne aux citoyens à reconnaître et à respecter les grandes différences de chacun. Nous, citoyens, devons toujours parler avec compassion et être patients envers les gens en désaccord avec nous. Nous bénéficions de tolérance et de respect en les donnant nous-mêmes. Personne ne devrait être critiqué pour suivre ce que lui dit sa conscience morale.

Un climat de bonne volonté

Dallin H. Oaks, du Collège des douze apôtres, nous a exhortés : « En tant que croyants, nous devons argumenter et nous positionner de manière à contribuer à une discussion raisonnée et aux arrangements qui sont essentiels à un gouvernement démocratique dans une société pluraliste. Ce faisant, nous contribuerons à la civilité qui est essentielle pour préserver notre civilisation. »

En s’efforçant de communiquer et de promouvoir leurs valeurs pour toucher les gens de leur communauté, les saints des derniers jours s’ajoutent à la multitude de voix soucieuses du bien-être de la société. Thomas S. Monson, président de l’Église, a capturé cette aspiration : « En tant qu’Église, nous nous tournons non seulement vers les nôtres, mais aussi vers toutes les personnes de bonne volonté partout dans le monde dans cet esprit de fraternité qui vient du Seigneur Jésus-Christ. »

Tant que les êtres humains continuent de s’organiser en société, d’agir selon leur conscience et de faire des affirmations sur la vérité ultime, il y aura de grandes différences, parfois intraitables. Le paradoxe de la liberté religieuse continuera de requérir que nous accomplissions cette obligation mutuelle de civilité. Détenir cette liberté est une rue à double sens.


Sources :

http://www.presse-mormons.ca/article/introduction-a-la-liberte-de-religion
http://www.presse-mormons.ca/article/liberte-de-religion
http://www.presse-mormons.ca/article/ce-que-la-liberte-religieuse-requiert-de-nous