Le jour paraît, chassant la nuit


Bruce R. McConkie


du Collège des Douze




Lorsque le soleil de l’Évangile s’est couché il y a près de deux millénaires, lorsque la prêtrise a été enlevée et qu’une pénombre glaciale est descendue sur les assemblées qui avaient jadis connu la lumière, lorsque la lumière et la vérité ont cessé de briller du ciel et lorsque ceux qui étaient sur la terre n’ont plus été instruits ni dirigés par les apôtres et les prophètes, les ténèbres spirituelles se sont mises à régner. Les ténèbres ont couvert la terre et l’obscurité l’esprit des gens (voir Ésaïe 60:2). L’âge des ténèbres commençait et la lumière du ciel ne demeurait plus dans le coeur de ceux qui professaient adorer celui de qui nous sommes.

La vision de tous les hommes est devenue comme les paroles d'un livre qui est cacheté (voir Ésaïe 29:11). Les prophètes et les voyants étaient réduits au silence ; les Saintes Écritures n’étaient plus mises à la disposition des masses ; personne ne pouvait voir le chemin de la perfection, personne ne connaissait le chemin permettant de retourner en la présence éternelle. Les pèlerins de la terre marchant dans des chemins secondaires et interdits étaient perdus dans les ténèbres de la nuit.

Le ciel, il est vrai, fourmillait toujours d’étoiles innombrables, car il y avait beaucoup de gens sages et bons qui lançaient aux autres le reflet de la lumière, de la vérité et de la bonté qu’ils avaient. Mois après mois une lune nouvelle se levait pour refléter les vérités du ciel qui venaient de l’instinct et de la raison. Il y eut un saint Augustin, un Maimonide, une Jeanne d’Arc, un Thomas More, un Michel-Ange, un Galilée, une foule d’autres — chacun pour le mois où leur lune brillait — qui ont reflété la lumière empruntée qu’ils avaient en leur pouvoir. Mais la lumière du ciel ne versait plus ses rayons sur le chemin étroit et resserré qui conduit à la vie éternelle.

Il y avait des ombres profondes dans lesquelles rôdaient les bêtes de l’enfer. Lucifer ne dormait pas. À Nicée et plus tard, sous la plume d’Athanase, il contribuait à rédiger les credo qui avilissaient les vrais Dieux du ciel et faisaient d’eux une essence spirituelle incompréhensible qui remplit l’immensité de l’espace.

Par la parole de Constantin, il faisait entrer les sujets d’un empire païen dans ce que les hommes ont appelé depuis l’Église universelle. Avec l’épée de Cortez, il mettait une croix entre les mains des peuples païens et les nommait chrétiens.

Par la bouche de Tetzel, il vendait des indulgences pour que les péchés des hommes fussent pardonnés pour de l’argent, du moins le pensaient-ils.

En Espagne, au Mexique et au Pérou, il faisait s’épanouir les maux de l’Inquisition et des dizaines de milliers d’habitants de la terre étaient mis à mort pour écraser l'hérésie comme on avait décidé d’appeler cela. Les Huguenots et d’autres dissidents de l’ordre établi étaient assassinés par dizaines de milliers. La religion dominante du jour était une religion de terreur, d’ignorance et de superstition : c’était une religion imposée par l’épée qui refusait à l’homme son libre arbitre.

Ç’a été une nuit longue et ténébreuse. Il y avait des chacals dans l’ombre, des loups dans les forêts, des coyotes partout. Les lions rugissaient et les crocs du serpent se sont enfoncés maintes et maintes fois dans la chair humaine. La peste a balayé l’Europe. Il y avait des guerres partout.

La morale et la décence avaient peu de partisans. La terreur de la nuit était réelle et la nuit a été longue — longue, sombre et noire.

Mais finalement les hérauts d’une aube lointaine sont apparus. Il y a eu un Calvin, un Zwingli, un Luther, un Wesley, il y a eu des hommes sages et bons — des étoiles du matin qui brillaient avec plus d'éclat que leurs semblables — qui se sont levés dans chaque nation. Il y a eu des homm es perspicaces et courageux qui étaient dégoûtés du péché et des maux de la nuit. Ces grandes âmes ont tailladé et scié les chaînes qui liaient les masses. Ils ont cherché à faire du bien et à aider leurs semblables, tout cela conformément à ce qu’ils avaient de mieux en fait de lumière et de connaissance.

En Allemagne, en France, en Angleterre, en Suisse et ailleurs, des groupes ont commencé à se détacher de la religion des siècles passés. Quelques rayons de lumière pénétraient les ténèbres du ciel à l’orient.

Beaucoup de ceux qui cherchaient la liberté d’adorer Dieu selon l’inspiration de leur conscience ont émigré vers l’Amérique. Et en temps voulu, par le pouvoir du Père, une nouvelle nation a été créée, une nation « conçue dans la liberté et consacrée au principe que tous les hommes sont créés égaux » (Abraham Lincoln dans son discours de Gettysburg).

Les États-Unis d'Amérique sont nés. Au-delà des montagnes, un jour nouveau, maintenant pas très éloigné, était en gestation dans le sein de la nature.

La terre a continué à tourner lentement et inexorablement suivant le cours qui lui a été décrété, l’aube a grandi, la lumière matinale s’est accrue, la Constitution des États-Unis a garanti la liberté religieuse, des hommes ont modéré leurs sentiments et ont commencé à se voir mutuellement avec plus d’équité et de justice, la Bible a été publiée et lue par un plus grand nombre de personnes, les ténèbres se sont enfuies et la lumière s’est accrue : alors le moment est venu pour que se lève le soleil de l’Évangile.

Lorsque le mom ent fixé est pleinement venu — lorsque le jour promis du rétablissement de toutes choses a été proche — le Seigneur dans le ciel, dans sa sagesse, sa miséricorde et sa bonté infinies, a envoyé des lieux célestes cet esprit éternel dont la mission préordonnée était d'inaugurer la dispensation de la plénitude des temps. Joseph Smith a commencé sa vie mortelle. C’était le 23 décembre 1805. Le soleil était alors juste caché par les pics des montagnes.

Puis par un merveilleux jour du printemps de 1820 — notre tradition veut que ç’ait été le 6 avril — le soleil est apparu. Le grand Dieu et le Seigneur Jésus à sa droite, sont descendus du ciel, se sont tenus personnellement dans un bosquet dans l’ouest de l’État de New York, ont appelé le jeune Joseph par son nom, lui ont commandé de ne se joindre à aucune des Églises de l’époque, car elles étaient toutes dans l’erreur, lui ont dit que tous leurs credo étaient une abomination aux yeux du ciel et que les professeurs de religion étaient tous corrompus, qu’ils s’approchaient du Seigneur du bout des lèvres, mais que leur coeur était éloigné de lui, qu’ils enseignaient comme comm andements des doctrines d’hommes ayant une forme de piété, mais niaient ce qui en faisait la puissance (voir Joseph Smith 2:19).

Dès ce moment-là les étoiles ont cessé de briller, la lune a caché sa face. Les lueurs qui n’étaient qu’un reflet n’étaient plus nécessaires pour percer les ténèbres de la nuit. La dispensation de la plénitude des temps était sur le point d’être donnée par le Dieu du ciel à l’homme sur la terre.

Presque immédiatement des anges sont venus de la présence divine pour enseigner la doctrine, pour conférer pouvoir, autorité et prêtrise, pour rendre les clefs du royaume qui font partie du saint apostolat de sorte que les hommes mortels peuvent lier sur la terre pour que cela soit scellé éternellement dans les cieux (voir D&A 132:46).

En une seule décennie, le Livre de Mormon paraissait, l’Église et le royaume de Dieu sur la terre étaient rétablis, la révélation et la prophétie redevenaient courantes, et les dons du Saint-Esprit — tous ces signes, ces merveilles et ces miracles d’autrefois — étaient déversés sur les fidèles. Une fois de plus, il y avait des visions, des langues et des prophéties, les malades étaient guéris, les paralytiques marchaient, les aveugles voyaient et les morts étaient ressuscités. Car il en était pour les saints des derniers jours comme il en avait été pour les saints des premiers jours.

Ligne après ligne les vérités d’autrefois étaient rétablies. L’un après l’autre les rites et les ordonnances antiques étaient de nouveau révélés. Bientôt l’Évangile, la plénitude de l’Évangile éternel, le pouvoir même de Dieu qui sauve et exalte les hommes — brillait dans tout son éclat, sa beauté et sa perfection. Le soleil de l’Évangile, qui s’était couché le jour où les ténèbres avaient couvert la terre, ce même soleil de l’Évangile se levait dans le jour nouveau du rétablissement.

Et avec l’aube de l’Évangile et l’explosion de la vérité sur toute la terre, les terreurs de la nuit commencent à disparaître. Là où il y avait la peur, l’ignorance et la superstition, il y a maintenant l’amour, la lumière et la religion pure. La peur est devenue courage, l’ignorance se transforme en sagesse, la superstition et la tradition sont remplacées par la lumière et la vérité du ciel.

Bientôt les loups de la méchanceté ne hurleront plus et les chacals du péché ne geindront plus et ne harcèleront plus le royaume dans sa progression, et le grand jour du millénaire sera sur nous.

Ceci est ton jour, ô Sion ! « Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, et la gloire de l’Éternel se lève sur toi… Sur toi sa gloire apparaît. Des nations marchent à ta lumière et des rois à la clarté de tes rayons… On n ’entendra plus parler de violence dans ton pays, ni de ravage et de ruine dans ton territoire, tu donneras à tes murs le nom de salut, et à tes portes celui de gloire… L’Éternel sera ta lumière à toujours, ton Dieu sera ta gloire. » (Ésaïe 60:1-3, 18-19)

(L'Étoile, octobre 1978)