Le monde des esprits




Marcel Kahne




Où allons-nous apres la mort ?

À l'instant du décès de chaque homme, son corps est déposé dans une tombe ou il se décomposé. Mais qu'arrive-t-il a son esprit ? Voici ce qu'en dit Orson Pratt :

« L'esprit de l'homme retournera-t-il dans la présence de Dieu avant de recevoir son corps ressuscité ? Oui. Lisez ce qu'Alma a dit à ce propos à son fils Corianton, en décrivant l'état de l'esprit entre le moment de la mort et celui de la résurrection. Il dit : « II m'a été appris par un ange que les esprits de tous les hommes, dès qu'ils ont quitté ce corps mortel, oui, les esprits de tous les hommes, qu'ils soient bons ou mauvais, retournent à ce Dieu qui leur a donné Ia vie » ; c'est-a-dire qu'ils retournent en sa présence. Toutefois, les méchants sont de nouveau rejetés dans les ténèbres extérieures, la lumière de la face du Seigneur leur est de nouveau refusée, un voile est baissé entre eux et leur Père et Dieu.

« Mais qu'en est-il des justes ? Quand ils retourneront voir le visage de leur Père, ils resteront dans la lumière de sa face, et auront le privilège de le voir. Ils seront retournés dans leur ancienne demeure à ce Dieu qui leur a donné la vie, aux demeures et lieux familiers ou ils avaient vécu pendant des éternités avant de venir ici. Ils seront allés retrouver de vieilles connaissances et leurs souvenirs seront accrus et rendus parfaits à un point tel, lorsqu'ils auront quitté ce corps, que les choses de leur état et de leur situation précédente leur seront toutes fraîches à la mémoire, et ils contempleront cette particule appelée temps, dans laquelle ils sont restés soixante-dix, quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans, comme un songe ou une vision nocturne pendant laquelle les choses des époques passées étaient retranchées de leur mémoire ; mais quand ils retourneront à leur ancienne demeure, ils auront le souvenir vivace de toutes ces choses, et du visage familier de leur Père, et du visage de son Fils unique, et du visage des millions et des millions d'esprits qui sont leurs frères et sœurs, avec qu'ils avaient vécu jadis.

« Et la mémoire des méchants sera à ce point accrue, quand ils auront quitté ce corps, qu'ils auront le souvenir vivace, nous dit Alma, de toute leur culpabilité. Ici ils oublient une bonne partie des choses qu'ils ont faites qui ont déplu à Dieu ; mais dans cette situation, avant même la résurrection, ils auront le souvenir vivace de toute leur culpabilité, qui allumera en eux une flamme comme celle d'un feu inextinguible, créant dans leur sein un sentiment de tourment, de douleur et de misère, parce qu 'ils ont péché contre leur Père et Dieu et ont rejeté ses avis. »

« Rentrer dans la présence de Dieu, c'est donc être placé dans un état qui permet de voir sa présence. Cela ne veut pas dire, dans tous les cas, que ceux qui retournent en sa présence sont immédiatement placés à quelques mètres ou a courte distance de sa personne. Y a-t-il une révélation qui le prouve ? Oui. Le Seigneur a dit que d'entre toutes ses créations, il avait pris Sion en son sein. S'il a pris Sion en son sein d'entre toutes ses créations innombrables, peuvent-elles toutes être concentrées dans un petit emplacement de quelques dizaines de mètres de diamètre pour être en sa présence ? Mais non. Si chaque Sion n'occupait pas plus de place qu'une particule de notre globe, étant donné que les mondes sont innombrables, comment les particules de millions de terres comme celle-ci pourraient-elles toules se placer en un espace si restreint qu'il leur permette de se trouver près de la personne de Dieu ? Ce serait impossible. Mais qu'il suffise de dire que le voile est enlevé et que quelque éloigné que soit un monde racheté il sera dans la présence de Dieu... »

Orson Pratt explique ensuite sa conception de la présence de Dieu en dépit des distances énormes auxquelles les hommes peuvent se trouver de lui en disant que de même que nous nous sentons en présence de quelqu'un qui est loin mais à qui nous pouvons parler par la radio (nous dirions aujourd'hui que nous pourrions non seulement lui parler, mais aussi le voir), de même, si l'on tient compte que nos facultés seront considérablement accrues et qu'au lieu de nos ondes sonores et visuelles, il existe une force infiniment plus rapide, nous permettant de voir Dieu et de lui parler comme s'il était tout près de nous, on se considérerait être en sa présence. Puis il conclut :

« Peuvent-ils converser avec lui, quand ils se trouvent à ces distances immenses de sa personne ? Oui. Comment ? Grâce aux facultés plus parfaites que Dieu donnera à l'homme immortel. II sera aussi facile à ses enfants, quand ils seront rendus parfaits et semblables à lui, de converser avec lui à ces distances immenses et à leurs yeux de percer toutes ses créations, que ce l'est pour leur Père et Dieu. » (tiré d'un discours fait à Ogden le 27 janvier 1874 ; Journal of Discourses, vol. 16, p. 363-368.)

Voilà donc le principe général. À Ia mort, on retourne dans la présence de Dieu, en ce sens que (en ce qui concerne les justes du moins) on peut le voir. Cela ne signifie pas un déplacement géographique. On peut très bien être sur terre et voir Dieu comme s'il était à quelques pas de nous.
Mais alors se pose une autre question : Où est-il, ce monde des esprits ? Et là encore, nous avons Ia parole de la révélation par la bouche du président Brigham Young :

« Quand vous déposez ce tabernacle, où allez-vous ? Dans le monde des esprits. Allez-vous dans le sein d'Abraham ? Non, et nulle part dans ces environs-là, mais dans le monde des esprits. Où est le monde des esprits ? II est ici même. Les esprits bons et mauvais sont-ils ensemble ? Oui. Demeurent-ils les uns et les autres dans un seul royaume ? Oui. Vont-ils dans le soleil ? N on. Vont-ils au-delà des limites de cette terre organisée ? Non. Ils ont été amenés sur cette terre dans le but exprès d'y demeurer à toute éternité. » (The Contributor, vol. 10, n° 9, juillet 1889)

Le monde des esprits nous entoure, et seul un voile nous empêche de le voir. Mais eux, nous voient-ils ? On ne sait pas exactement dans quelle mesure, mais le prophète Joseph Smith a dit un jour qu'ils connaissent nos actions et en sont souvent peinés.

Comment est-ce là-bas ?

La phrase « Personne n'en est jamais revenu pour le raconter » est démodée depuis plus d'un siècle, car voici ce que Jedediah M. Grant raconta un peu avant sa mort à l'apotre Heber C. Kimball :

« Frère Heber, je suis allé deux nuits de suite dans le monde des esprits... Quel ordre, quel gouvernement il y avait là-bas ! Tandis que je me trouvais dans le monde des esprits, je vis l'ordre des justes ; je les vis organisés dans leurs degrés respectifs... je regardai pour voir s'il y avait un désordre quelconque la-bas, mais il n'y en avait pas... »

L'apôtre Kimball poursuit en ces termes : « Il dit que les gens qu'il vit là-bas étaient organisés en famille s; et quand il les regarda, il vit un degré après l'autre et tous étaient organisés en une harmonie parfaite...

« Il vit les justes rassemblés dans le monde des esprits, et il n'y avait pas de mauvais esprits parmi eux. Il vit sa femme ; elle fut la première personne à venir à lui. Il en vit beaucoup qu'il connaissait, mais ne parla qu'à sa femme, Caroline. Elle vint a lui. Elle avait dans ses bras leur petit enfant, qui était mort dans les Plaines...

« À ma grande surprise, dit-il, quand je regardais les familles, il y avait chez certaines d'entre elles une déficience, il y avait un manque, car je vis des familles auxquelles il n'était pas permis de venir vivre ensemble, parce qu'elles n'avaient pas honoré leur appel ici-bas. »

« Il parla aussi des bâtiments qu'il y vit, remarquant que le Seigneur donna à Salomon de la sagesse et répandit l'or et l'argent entre ses mains pour qu'il put étaler son adresse et ses capacités, et dit que le temple érigé par Salomon était de loin inférieur aux bâtiments les plus ordinaires qu'il vit dans le monde des esprits. »

En ce qui concerne les jardins, frère Grant dit : « J'ai vu de bons jardins sur cette terre, mais je n'en ai jamais vu aucun qui pût soutenir la comparaison avec ceux de là-bas Je vis des fleurs de nombreuses espèces, et il y en avait qui avaient de cinquante à cent fleurs de couleurs différentes sur une même tige... » (Journal of Discourses, vol. 4, p. 135-137)

Le paradis, l'enfer, Ia prison

Tout le monde connaît la différence entre le paradis et l'enfer, qui ne sont pas des lieux, mais des états d'esprit, le premier celui du repos des justes, l'autre celui du tourment des injustes attendant la damnation (Alma 40:12-13). Ainsi donc, justes et injustes restent physiquement mêlés, mais sont spirituellement séparés. Mais il existe dans notre terminologie un autre mot dont le sens n'apparaît pas clairement à tous : la « prison ».

L'apôtre Orson Pratt nous en donne une définition parfaitement claire :

« La prison est destinée à ceux qui n'ont jamais entendu l'Évangile dans la chair, mais ont toutefois commis quelques péchés sans la connaissance de la loi révélée, et doivent être battus de peu de coups en prison. Mais les personnes qui entendent l'Évangile, comme c'est le cas des nations de la dispensation actuelle, ne peuvent aller en prison, ce n'est pas leur place. Elles tombent plus bas que la prison, dans les ténèbres extérieures ou l'enfer, où il y aura des pleurs, des lamentations et des grincements de dents. Elles doivent y rester avec le diable et ses anges dans les tourments et la misère jusqu'à la fin, jusqu'au moment où elles ressusciteront.

« Pourront-elles se rendre là où Dieu et ses anges demeurent ? Non, elles ne pourront jamais s'y rendre. Pourront-elles se rendre dans la présence des païens où la gloire est celle de la lune ? Non, elles ne pourront même pas aller là. Quand elles seront délivrées du pouvoir de Satan et de la mort éternelle et ressuscitées, où iront-elles ?… Ayant souffert la vengeance du feu éternel pendant mille ans et plus, et souffert le châtiment extrême de la loi de Dieu, elles pourront être ressuscitées pour hériter d'un lieu où elles pourront être administrées par des êtres terrestres, et par des anges détenant la Prêtrise, et où elles pourront recevoir le Saint-Esprit. » (Journal of Discourses, vol. 15, p. 319-324)

En résumé, il y a trois états dans le monde des esprits : le paradis pour les justes, la prison pour ceux qui n'ont pas connu l'Évangile, et l'enfer pour ceux qui ont péché en connaissance de l'Évangile. Les deux premiers auront part à la première résurrection, mais les derniers souffriront des tourments indicibles avec le diable et ses anges pendant tout le temps du millénium et ne ressusciteront que pour le jugement dernier et la gloire téleste.

Que fait-on dans le monde des esprits ?

Voici ce que le président Brigham Young dit concernant les saints fidèles qui arrivent dans le monde des esprits :

« Ils prêchent tout le temps et préparent le chemin pour que nous hâtions notre oeuvre de construction de temples ici et ailleurs... Ils se hâtent pour être prêts lorsque nous serons prêts, et nous nous hâtons pour être prêts quand notre Frère Aîné sera prêt. Quand les Anciens fidèles, détenant la Prêtrise, vont dans le monde des esprits, ils emportent le même pouvoir et la même prêtrise qu'ils avaient tandis qu'ils étaient dans le tabernacle mortel...

« Les esprits sont aussi familiers avec les esprits que les corps sont avec les corps, bien que les esprits soient composés d'une matière tellement raffinée qu'ils ne sont pas tangibles pour notre matière plus grossière. Ils marchent, conversent et ont leurs réunions ; et les esprits des braves gens qui ont quitté cette Église sur cette terre pendant un certain temps pour travailler dans un autre monde, rassemblent toutes leurs forces et vont de lieu en lieu, prêchant l'Évangile, et Joseph [le prophète] les dirige, disant, allez, mes frères, et s'ils vous barrent la route, avancez et commandez-leur de se disperser… mais s'il en est qui veulent entendre l'Évangile, prêchez-le leur… » (The Contributor, vol. 10, n° 9, juillet 1889)

L'extrait suivant d'un discours du président Woodruff témoigne, lui aussi, que l'on ne reste pas oisif dans l'au-delà. À propos des conversations qu'il eut en vision avec le prophète Joseph Smith, il dit :

« Joseph Smith continua à me visiter, moi et d'autres encore, jusqu'à un certain temps, puis cela cessa. La dernière fois que je le vis, c'était dans les cieux. Dans la vision nocturne, je le vis à la porte du temple dans les cieux. Il vint me parler. Il dit qu'il ne pouvait pas s'attarder pour parler avec moi parce qu'il était pressé. Je rencontrai ensuite Joseph Smith, père ; il ne pouvait me parler parce qu'il était pressé. Je rencontrai une demi-douzaine de frères qui avaient détenu des postes élevés sur la terre et aucun d'entre eux ne pouvait s'arrêter pour parler avec moi parce qu'ils étaient pressés.

« J'étais très étonné. Je revis plus tard le prophète, et reçus le privilège de lui poser une question. « Je voudrais bien savoir, dis-je, pourquoi vous êtes pressé. J'ai été pressé toute ma vie, mais je pensais que je n'aurais plus à me presser quand j'arriverais dans le royaume des cieux, si jamais j'y arrivais ». Joseph dit : « Je vais vous le dire, frère Woodruff, toutes les dispensations qui ont eu la Prêtrise sur la terre et sont allées dans le royaume céleste ont eu une certaine quantité de travail à faire pour se préparer à aller sur la terre avec le Sauveur quand il ira régner sur la terre. Chaque dispensation a eu amplement le temps d'accomplir son oeuvre. Pas nous. Nous sommes la dernière dispensation, et il y a tant de travail à faire, et il faut nous presser pour l'accomplir. » (Deseret Weekly News, vol. 53, n° 21)

De quelle oeuvre le prophète Joseph Smith parlait-il ? Le président Joseph F. Smith en eut un jour la révélation sous forme d'une vision célèbre, appelée la Vision de la rédemption des morts :

« ...Je vis les armées des morts... une foule innombrable d'esprits des justes était rassemblée en un seul lieu… Tous ceux-ci avaient quitté la vie mortelle, fermes dans l'espoir d'une glorieuse résurrection par la grâce de Dieu le Père et de son Fils unique, Jésus-Christ… Je vis qu'ils étaient remplis de joie… parce que le jour de leur délivrance était arrivé…

« Tandis que cette multitude attendait et conversait, se réjouissant de l'heure de leur délivrance des chaînes de la mort, le Fils de Dieu apparut, annonçant la liberté aux captifs qui avaient été fidèles, et il leur prêcha l'Évangile éternel, la doctrine de la résurrection et de la rédemption de l'humanité de la chute, et des péchés individuels sous condition de repentance.

« Mais il n'alla pas auprès des méchants, et sa voix ne s'éleva pas parmi les impies et les impénitents qui s'étaient souillés dans la chair, et les rebelles qui rejetèrent les témoignages et les avertissements des anciens prophètes ne virent pas non plus sa présence, ni ne contemplèrent sa face. Là où ceux-ci se trouvaient régnaient les ténèbres, mais parmi les justes il y avait de la paix, et les saints se réjouissaient de leur rédemption et fléchissaient le genou pour reconnaître le Fils de Dieu comme leur Rédempteur et Sauveur de la mort et des chaînes de l'enfer. Leur aspect était radieux et le rayonnement de la présence du Seigneur reposait sur eux et ils chantaient des louanges à son saint nom...

« Je vis que le Seigneur ne se rendait pas en personne parmi les méchants et les désobéissants qui avaient rejeté la vérité, pour les enseigner; mais voici, il organisa, parmi les justes ses forces et nomma des messagers, revêtus de pouvoir et d'autorité, et les chargea d'aller porter la lumière de l'Évangile à ceux qui étaient dans les ténèbres, à savoir à tous les esprits des hommes.

« Et c'est ainsi que l'Évangile fut prêché aux morts. Et les messagers choisis allèrent proclamer la liberté aux captifs qui étaient enchaînés ; à tous ceux qui se repentiraient de leurs péchés et recevraient l'Évangile. C'est ainsi que l'Évangile fut prêché à ceux qui étaient morts dans leurs péchés, sans connaître la vérité, ou dans la transgression, ayant rejeté les prophètes.

« On leur enseigna la foi en Dieu, le repentir du péché, le baptême par procuration pour la rémission des péchés, le don du Saint-Esprit par l'imposition des mains, et tous les autres principes de l'Évangile qu'il leur était nécessaire de connaître pour se qualifier afin qu'ils fussent jugés selon les hommes quant à la chair, mais vécussent selon Dieu quant à l'esprit. » (Improvement Era, vol. 22, p. 166)

Et cette oeuvre de prédication de l'Évangile se poursuit, dans un monde qui, après tout, n'est pas tellement différent du nôtre, du moins dans les grandes lignes.

Avant de terminer, nous voudrions attirer l'attention du lecteur, surtout de l'insouciant, sur ce passage d'un discours de Melvin J. Ballard :

« Un homme peut recevoir la prêtrise et tous ses privilèges et bénédictions, mais tant qu'il n'aura pas appris à vaincre la chair, son caractère, sa langue, sa propension à se livrer aux choses que Dieu a interdites, il ne pourra pas entrer dans le royaume céleste de Dieu. Il doit vaincre soit dans cette vie ou dans la vie à venir. Mais cette vie est le temps pendant lequel les hommes doivent se repentir.

« Qu'aucun de nous n'aille imaginer que nous pouvons descendre au tombeau sans avoir surmonté les corruptions de la chair et perdre dans l'au-delà tous nos péchés et nos tendances mauvaises. Ils seront avec nous. Ils seront avec l'esprit séparé du corps.

« À mon avis, l'homme ou la femme peuvent faire plus pour se conformer aux lois de Dieu en une année de cette vie qu'en dix ans quand ils seront morts. L'esprit ne peut que se repentir et changer, mais la bataille devra reprendre plus tard avec la chair. II est plus facile de vaincre et de servir le Seigneur quand le corps et l'esprit sont unis. Nous sommes au moment où les hommes sont plus malléables et influençables. Quand nous serons morts, nous trouverons chaque désir, chaque sentiment fortement intensifié. Quand l'argile est malléable elle est beaucoup plus facile a changer que quand elle durcit et se fige.

« Cette vie est le moment de la repentance. C'est pourquoi je présume qu'il faudra mille ans après la première résurrection pour que le dernier groupe soit prêt à ressusciter. Il leur faudra mille ans pour faire ce qu' il ne leur aurait fallu que soixante-dix ans pour le faire dans cette vie... Les justes qui sont morts auront la paix, mais je vous dis que quand nous quitterons cette vie, quitterons ce corps, nous voudrons faire beaucoup de choses que nous ne pourrons absolument pas faire sans le corps. Nous serons sérieusement handicapés, et nous aspirerons à notre corps ; nous prierons pour voir arriver le moment de la réunion avec le corps. Nous saurons alors quel avantage c'est d'avoir un corps.

Ainsi donc, tout homme, toute femme, qui remet à la vie prochaine la tache de corriger et de vaincre les faiblesses de la chair se condamne à des années d'esclavage, car nul homme, nulle femme ne ressuscitera tant qu'ils n'auront pas terminé leur oeuvre, tant qu'ils n'auront pas vaincu, tant qu'ils n'auront pas fait tout ce qu'ils peuvent faire... »

(L'Étoile, mars à mai 1964)