Les mormons, Église ou secte ?


Jean Dressayre

Article mis à jour le 1er janvier 2003



L'histoire du monde témoigne que l'association d'individus au sein de communautés, qu'elles soient de nature spirituelle, philosophique ou philanthropique, soulève toujours de l'inquiétude, voire de la suspicion parmi l'opinion publique. Ainsi, de nos jours, sous la notion de « secte », se cache toute une psychologie de cette peur collective de l'inconnu, se traduisant souvent par le rejet et la persécution. Cependant, s'il est bon d'être prudent face au développement considérable de ces divers mouvements, il est également de notre intérêt de nous informer objectivement des valeurs qu'ils véhiculent afin de lutter contre ceux qui menacent l'intégrité psychologique et morale de l'homme, et de soutenir ceux qui lui permettent réellement de s'épanouir.

Les mormons, Église ou secte ?

Avant d'entreprendre de répondre à cette question, il convient d'éclaircir, pour le lecteur, ce que l'on entend par la dénomination « mormon ».

On appelle « mormons » ceux et celles qui reconnaissent le Livre de Mormon comme un autre témoignage de la réalité de Jésus-Christ, le premier se trouvant dans la Bible. En fait, le nom officiel de l'Église mormone est Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Sa dénomination souligne le fait qu'elle est une Église chrétienne, et que ses membres sont, au même titre que les premiers disciples du Christ, des saints, au sens où ils bénéficient de la présence du Saint-Esprit qui sanctifie. Quant à la notion de temps, elle met l'accent sur le fait qu'il s'agit de l'Église de Jésus-Christ rétablie de nos jours.

Le Livre de Mormon est un recueil de saintes Écritures comparable à la Bible ; il contient le récit des relations entre Dieu et les anciens habitants du continent américain. Il révèle la plénitude de l’Évangile éternel. Ce livre fut écrit par de nombreux prophètes dont les paroles furent abrégées et gravées par le prophète-historien Mormon. Ces annales racontent l’histoire de deux grandes civilisations : l’une venue de Jérusalem en 600 av. J.-C. se sépara en deux nations, les Néphites et les Lamanites. L’autre, arrivée beaucoup plus tôt, à l’époque où le Seigneur avait confondu la langue des hommes à la tour de Babel, vers 2200 av. J.-C. est appelée Jarédites. Des milliers d’années plus tard, ces civilisations furent détruites à l’exception des Lamanites qui sont les ancêtres de certains Indiens d’Amérique. L’événement suprême relaté dans le Livre de Mormon est le ministère personnel de Jésus-Christ parmi les Néphites peu après sa résurrection.

Mormon vécut au 4ème siècle après J.-C. Il fut en fait l’un des derniers témoins de la grande destruction de son peuple, les Néphites. Lorsqu'il eut terminé ses écrits, il transmit le récit à son fils Moroni. Ce dernier y ajouta quelques paroles et cacha les plaques dans la colline Cumorah située près de Palmyra, dans le nord de l'État de New-York. En 1823, ce même Moroni, alors un être ressuscité, apparut au jeune Joseph Smith. Il l’instruisit au sujet des annales anciennes et le chargea de leur future traduction. Celle-ci terminée et les plaques d’or restituées à l’ange Moroni, l'ouvrage fut édité et publié sous le titre de Livre de Mormon, du nom du prophète-historien qui avait gravé les plaques.

En 1830, Joseph Smith reçut la révélation lui commandant de rétablir l’Église telle que Jésus-Christ lui-même l'avait fondée, Église qui prit le nom officiel d’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours.

Quelques définitions en préambule

Il est nécessaire, avant tout, d'apporter quelques précisions sur certains termes : église vient du latin ecclesia qui veut dire assemblée. Il est étroitement associé à celui de religion du latin religio qui se traduit par « culte rendu à la Divinité ». Ainsi, une Église est une assemblée qui rend un culte à la Divinité. Le mot secte, lui, vient du latin secta qui veut dire « suivre ». Une secte se définit donc comme un ensemble de personnes qui « suit » une voie différente de celle de l’assemblée.

Le mot évoque l'idée de désaccord, de dissidence, de schisme, voire de trahison. Il est souvent insupportable à la majorité de voir la minorité penser différemment. Penser autrement implique parfois d'entrer en conflit avec l’autre. En matière de religion, on parlera d'hérétiques, d'illuminés, de fanatiques et, depuis un certain temps, de groupes dangereux et aliénants. Les Juifs appelaient « la secte du Nazaréen » (Actes 24:5) le groupe des leurs qui avait décidé de suivre les enseignements de Jésus-Christ.

L’Église catholique romaine a persécuté pendant longtemps ceux et celles qui avaient une opinion religieuse différente de celle de Rome, alors qu’elle-même était issue de la « secte du Nazaréen ». Au milieu du 19ème siècle, elle désignait encore comme « secte » tout ce qui n’était pas catholique, à commencer par les protestants, les sociétés bibliques, les sociétés républicaines et les groupes socialistes.

En plus de désigner une minorité, le mot secte a été, peu à peu, associé à méfiance et trahison. Aujourd’hui encore, à l’égard des religions minoritaires, nombreux sont ceux qui confondent les termes « minorité » et « dangerosité » ; ils les considèrent souvent, à tort, comme indissociables.

Le critère de la minorité

Une minorité n’est pas systématiquement dangereuse ; elle peut même être l’embryon d’une grande religion. La « secte du Nazaréen » n’est-elle pas devenue l’une des plus grandes religions de notre temps ? Quand Martin Luther, moine de l’ordre des Augustins et professeur à l’université de Wittenberg, s’opposa publiquement à la Papauté en dénonçant la vente des Indulgences (titres assurant le pardon des péchés à qui pouvait les payer), une nouvelle minorité vit le jour en Allemagne vers 1517. Qui pouvait imaginer alors que cette opposition deviendrait un grand mouvement religieux appelé le Protestantisme ? Aujourd'hui, en Europe, il ne viendrait à l’esprit de personne de considérer l’Église catholique comme une secte. Cependant, cette comparaison se fait aisément à l'égard des mormons. En Utah (aux États-Unis) la majorité de la population est mormone ; aussi, les autres Églises, largement minoritaires, pourraient sans difficulté être considérées comme des sectes. Le critère de la minorité n’est pas en soi synonyme de dangerosité.

Le critère de la dangerosité

Le dernier rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale française (Rapport n° 2468 adopté le 22 décembre 1995) intitulé « Les sectes en France » donne la définition suivante des sectes : Groupes visant par des manoeuvres de déstabilisation psychologique à obtenir de leurs adeptes une allégeance inconditionnelle, une diminution de l’esprit critique, une rupture avec les références communément admises (éthiques, scientifiques, civiques, éducatives), et entraînant des dangers pour les libertés individuelles, la santé, l’éducation, les institutions démocratiques. Ces groupes utilisent des masques philosophiques, religieux ou thérapeutiques, pour dissimuler des objectifs de pouvoir, d’emprise et d’exploitation des adeptes.

Le nombre de mouvements recensés par la Direction Centrale des Renseignements Généraux et répondant à l’un des critères de dangerosité s’élevait en 1995, selon le rapport, à 172 pour les « organisations-mères ». L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, surnommée parfois « l’Église mormone », ne figure pas parmi cette liste de mouvements considérés comme sectaires. Ainsi, les pouvoirs publics français reconnaissent-ils l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours comme une religion à part entière. En 2000, elle compte onze millions de fidèles, répartis dans 180 pays ou territoires, dont 30.000 en France. Elle est aujourd’hui l’une des confessions dont la croissance dans le monde est la plus rapide.

La Commission a été consciente que ni la nouveauté, ni le petit nombre d’adeptes, ni même l’excentricité ne pouvaient être retenus comme des critères permettant de qualifier de secte un mouvement se prétendant religieux. Néanmoins, certains indices permettent d'établir la réalité des soupçons conduisant à qualifier de secte un mouvement qui se présenterait comme religieux. La Commission d’enquête a retenu dix critères utilisés par les services des Renseignements Généraux du Ministère de l’Intérieur.

1) La déstabilisation mentale : C’est le fait, par la persuasion, la manipulation ou tout autre moyen, de déstabiliser quelqu’un pour le soumettre à une emprise. Cette déstabilisation mentale peut prendre des formes très diverses et très insidieuses. En revanche, d’autres procédés sont nettement plus brutaux comme le fait d’affaiblir l’individu en lui imposant une discipline très rigoureuse ou de réduire son esprit critique afin d’obtenir sa soumission.

2) Le caractère exorbitant des exigences financières : Plusieurs témoignages recueillis par la Commission montrent qu’elles auraient conduit de nombreux adeptes à une grave situation d’endettement.

3) La rupture induite avec l’environnement d’origine : Evidemment contestable dans la vie en communauté, elle implique une séparation totale d'avec la famille, les amis, l'entourage familier. Mais elle est plus insidieuse lorsque les adeptes continuent, en apparence, de mener une vie familiale et sociale normale, mais dont l'engagement les conduit progressivement à cesser toute relation véritable avec le monde extérieur.

4) Les atteintes à l’intégrité physique : Il peut s’agir de mauvais traitements, coups et blessures, séquestration, non-assistance à personne en danger ou exercice illégal de la médecine, et plus grave, d’agressions sexuelles.

5) L’embrigadement des enfants : Le rapport ne précise pas ce que ses auteurs entendent sous ce terme, il ne fait que citer les sectes qui le pratiqueraient sous une forme plus ou moins insidieuse.

6) Le discours plus ou moins antisocial : Le rapport précise que le discours est clairement antisocial et caractérisé par la promotion de pratiques contraires aux lois et à la morale commune. Elles expliquent à leurs adeptes que ces lois et cette morale sont mauvaises et que seuls les principes de la secte méritent d’être suivis.

7) Les troubles à l’ordre public : Il s'agit de faits qui perturbent la paix sociale et seraient à l’origine de certains troubles à l’ordre public.

8) L’importance des démêlés judiciaires : Le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale donne les références de nombreuses décisions judiciaires pénales allant des atteintes physiques à la violation de certaines obligations familiales, en passant par les délits de diffamation, de fraude fiscale, d'escroquerie ou de violation du droit du travail.

9) L’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels : Selon les analyses des Renseignements Généraux, le détournement des circuits économiques traditionnels se caractérise par l'appel au travail clandestin ou à diverses formes de fraude ou d’escroquerie.

10) Les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics : Il s'agit, selon le rapport, de placer, suivant une stratégie déterminée, ses membres afin d'influencer et de corrompre le pouvoir en sa faveur.

Si ce rapport a eu le mérite de sensibiliser l’opinion publique à la dangerosité de certains mouvements pseudo-religieux, il a été très critiqué par les milieux scientifiques qui lui reprochent son manque d’objectivité et de rigueur quant à la justesse des informations citées (Commentaires du CESNUR -Centre d'études sur les nouvelles religions- notamment l'ouvrage de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton « Pour en finir avec les sectes » Juillet 1996).

La Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale reconnaît que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours fait partie des nouveaux mouvements religieux de la première vague (19ème siècle) donc qu'elle n'est pas une secte. Au-delà de ce fait, il est néanmoins intéressant de l'analyser par rapport aux critères de la commission afin d'expliquer et de mieux comprendre pourquoi il est logique qu'elle ne figure pas sur la liste des sectes en France.

1) Déstabilisation mentale ou conversion ?

La déstabilisation mentale correspond à la perte des notions sociales, familiales et individuelles. C’est en ce sens qu’elle est dangereuse. L’individu qui en est victime se trouve dépourvu de toute protection personnelle. Il devient alors un danger pour lui-même, pour son entourage et pour la société. Est associé à la déstabilisation mentale le « lavage de cerveau », technique qui serait susceptible d’amener une personne à changer d’opinion sous la pression et la manipulation psychologique. Suivant cet ordre d’idée, de nombreux ordres religieux de type monastique qui pratiquent la rupture avec la famille et la société, qui sont astreints à des obligations d’abstinence en tout genre et, dans certains cas, à des châtiments corporels, devraient également être qualifiés de sectaires.

Que l’on parle de « déstabilisation mentale » ou de « lavage de cerveau », on associe, la plupart du temps, ces pratiques à des manœuvres frauduleuses telles que le mensonge, l’escroquerie et l’abus de confiance, qui amènent celui qui en est victime à subir un préjudice moral ou/et matériel (souvent économique).

La conversion, quant à elle, est le fait de changer d’opinion sur certaines valeurs. En principe, la conversion est une affaire de réflexion et de sentiments personnels. De ce fait, la conversion est nécessairement incompatible avec la pression psychologique et les manoeuvres frauduleuses. Ainsi, il ne fait aucun doute pour les chrétiens du monde entier que Pierre, Jacques et Jean ont été convertis au christianisme alors qu’ils étaient juifs. Pourtant, il est facile d’imaginer qu’à cette époque les proches de ces trois hommes ont pensé que ces derniers étaient victimes d’une « déstabilisation mentale » ou d’un « lavage de cerveau » puisqu’ils avaient rejoint la « secte de Jésus de Nazareth », comme on l’appelait alors.

En matière de religion, comme dans tout autre domaine, celui qui arrive à convaincre l’autre exerce nécessairement une influence sur lui. Si cette influence apporte un bien-être certain à celui qui la reçoit en toute conscience et dans les limites du respect des libertés individuelles, c'est de conversion dont il s'agit, tout simplement.

Le message de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours engendre-t-il ou non, de près ou de loin, une restriction intellectuelle et mentale, voire matérielle des libertés individuelles ?

Les fondements essentiels de l'Église : la liberté de choisir et le Christ

« L'hommes est la plus grande création de Dieu. C'est pour lui que le monde a été formé. C'est son bonheur qui est le plus grand souci du Père. Mais Dieu n'a pas fait de l'homme un pion. Il exhorte, il dirige mais il ne force jamais. L'homme est libre de choisir son chemin » (Gordon B. Hinckley, « Qui sont les mormons ? », brochure). En venant sur terre, nous recevons un corps à travers lequel nous exerçons notre liberté de choix et en choisissant le bien, nous montrons à Dieu notre désir de revenir à Lui. Mais étant libre et imparfait, nous commettons des actes qui nous rendent indignes de retourner auprès du Père. Pour nous aider, Il envoie des prophètes qui témoignent du Christ. C'est en acceptant celui-ci comme Sauveur et en vivant selon son exemple que nous pouvons être rachetés de nos péchés.

Seule la liberté peut nous permettre d'aller à la vérité. Et c'est pour que celle-ci soit enseignée aux hommes que Jésus, lors de son ministère terrestre, organisa son Église, l'Église de Jésus-Christ. Il donna aux apôtres l'autorité de diriger son Église, c'est-à-dire le pouvoir d'avoir au nom de Dieu. Mais les hommes se rebellèrent contre le Seigneur et le crucifièrent.

Après la mort du Christ, pour cause de persécution et de mort des apôtres, l'Église des premiers jours tomba entre les mains d'hommes avides de pouvoir. L'autorité divine fut retirée, ce qui favorisa la prolifération d'interprétations et d'Églises guidées par des hommes sans autorité divine. Cette situation perdura pendant près de dix-sept siècles mais avait été prédite par les prophètes de jadis (Amos 8:11, 12 ; 2 Thessaloniciens 2:1-4). Pendant cet âge de ténèbres sans prophètes ni apôtres pour guider les hommes, une part importante de la vérité fut perdue. Mais les Écritures annonçaient le rétablissement de la vérité, de l'Église de Jésus-Christ. Les hommes allaient être à nouveau libres de venir au Christ.

Le Rétablissement de l’Église de Jésus-Christ

Tout comme le Christ établit lui-même son Église sur terre c’est également lui qui devait la rétablir. En 1820, dans l'État de New-York, au milieu d'une série de réveils destinés à ramener la population à la pratique religieuse, diverses confessions se disputent l'adhésion de ceux à qui elles prêchent. Au milieu de ces voix discordantes, un jeune homme de quatorze ans, du nom de Joseph Smith, se pose la question de savoir à quelle Église il doit se rallier. Quatre des membres de sa famille, dont sa mère, se sont déjà joints à l'Église presbytérienne et le jeune Joseph se demande s'il doit les suivre.

Un passage lu dans la Bible l'incite à demander directement à Dieu (Jacques 1:5). En réponse à sa prière, Dieu, le Père, et son Fils, Jésus-Christ, lui apparaissent et lui font part de leur volonté de rétablir l'Église de Jésus-Christ dans toute la pureté de sa doctrine et de ses préceptes, et ils lui confient la mission d'être leur porte-parole. Trois ans plus tard, un messager céleste remet au jeune Joseph un livre écrit sur des plaques d'or, le Livre de Mormon, annales d'un peuple descendant d'émigrants partis de Jérusalem et qui se sont installés en Amérique. Ces annales racontent les relations de ce peuple avec Dieu, notamment son expérience de la visite du Christ ressuscité, ce qui en fait un autre témoin de Jésus-Christ. Deux autres apparitions viendront plus tard apporter un complément indispensable, l'autorité de faire les choses au nom de Dieu. La première est celle de Jean-Baptiste, ressuscité, qui confère à Joseph Smith l'autorité de baptiser. La deuxième est celle de Pierre, Jacques et Jean, également ressuscités, qui confèrent au jeune prophète l'autorité qu'ils ont eux-mêmes reçu de Jésus-Christ de diriger l'Église. Tout est donc prêt pour rétablir l'Église de Jésus-Christ, ce qui se fait officiellement le 6 avril 1830.

Alors que les Églises chrétiennes avaient à leur tête des hommes choisis par d’autres hommes, cela depuis des siècles, l’Église de Jésus-Christ avait à sa tête un homme choisi et appelé de Dieu dès son adolescence. Depuis ce temps-là, elle affirme agir avec l'autorité de Dieu, celle qui fut donnée aux premiers apôtres, pour diriger l’Église et pour administrer les sacrements.

La vision de Joseph Smith et le rétablissement de l'Église de Jésus-Christ, mythe ou réalité ?

Aujourd'hui, le surnaturel trouve difficilement sa place. Néanmoins, ce que Joseph Smith dit avoir vu et entendu n'est pas si différent (en matière de surnaturel), que la plupart des histoires bibliques notamment, telles que la croyance à la réception des dix commandements par Moïse, la traversée de la mer Rouge à pied par les Hébreux ou encore la résurrection de Jésus-Christ. Le fait que Dieu a parlé à un jeune garçon au cours du 19ème siècle semble inconcevable à certaines personnes alors que pour elles il ne fait aucun doute que Dieu parla à Adam, à Abraham, à Moïse, à David et à un grand nombre d’autres prophètes. Par ailleurs, il semble qu’il soit plus facile de croire à des événements surnaturels qui eurent lieu il y a plusieurs siècles que de croire à ce même type d’événements s’ils ont lieu à notre époque. Comment croire aux prophètes anciens dont on suppose, par la foi, qu’ils ont existé et ne pas se demander si Joseph Smith fut également un prophète de Dieu ? Le message spirituel de l'Église est déjà plus ou moins enseigné, sous des formes diverses, par la plupart des grandes religions chrétiennes. La différence essentielle avec les autres communautés chrétiennes réside dans le fait que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours dit être une religion révélée et détenir la plénitude de l’Évangile, ceci grâce notamment au second témoignage de Jésus-Christ : le Livre de Mormon.

On croit ou on ne croit pas à la vision du jeune Joseph Smith. C’est une affaire de foi. Si on y croit, on accepte le message spirituel de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. On croit que les dirigeants actuels de l’Église sont inspirés de Dieu et on s’efforce de suivre leurs conseils. Cette situation n’est en rien différente de celle de la plupart des grandes religions traditionnelles (catholique, juive, orthodoxe, protestante...) dont les fidèles suivent les recommandations de leurs dirigeants. Comme eux, les saints des derniers jours, dans tout ce qu’ils font ou ne font pas, sont libres de leurs choix et s’efforcent de vivre au quotidien leur religion.

Celui qui se joint à l’Église par le baptême s’engage moralement et spirituellement à honorer ces commandements. Lorsqu’il décide de ne plus les suivre, il peut quitter en toute liberté l’Église ou en sera excommunié si ses manquements graves et répétés portent un préjudice à l'Église. C’est ce qui se passe au sein de toutes les grandes religions chrétiennes traditionnelles.

2) Extorsion ou financement ?

Généralement, celui qui fait preuve de zèle et d’engagement au sein d'un groupe religieux donne beaucoup de son temps et parfois de son argent pour la progression du mouvement. Ce don de soi est la plupart du temps motivé par une sincère conviction. Parfois même, le fidèle le fait au prix d’une vie de sacrifice et d’abnégation au profit de la hiérarchie du groupe. Ainsi en est-il de ceux qui vivent volontairement et sincèrement une vie appauvrie pour envoyer des fonds à leur gourou qui vit luxueusement. Il en est de même des ecclésiastiques de base de la plupart des communautés religieuses qui vivent souvent dans des conditions matérielles précaires par rapport à celles réservées aux prélats.

Dans son étude sur les sectes en France, le rapport de la Commission rappelle que généralement le financement de ces minorités repose essentiellement sur le paiement de services, de dons librement consentis ou de cotisations à barème fixe ou proportionnel aux revenus et qui, en rien, ne paraissent illégaux. Faut-il rappeler que les Églises établies ont toujours bénéficié de dons émanant de leurs membres (quêtes, héritages, offrandes pontificales...), qu’elles font payer les messes de mariage et d’enterrement et qu’elles demandent à leurs fidèles de leur verser le denier du culte. En fait, quelle association, qu'elle soit religieuse ou non, ne cherche pas à s’étendre et n’a pas, pour ce faire, besoin d’argent ? Par ailleurs, lorsque ces exigences financières deviennent exorbitantes au point de mettre en danger l’équilibre financier de certains donateurs, le législateur a prévu suffisamment de textes, notamment dans le Code pénal, pour les protéger et punir cette forme de délinquance. Il faut retenir les infractions d’escroquerie et d’abus de confiance, la publicité fausse ou trompeuse, la quête sur la voie publique.

L’article 225.13 de ce même code précise que : le fait d’obtenir d’une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli est puni.... De même, l’article 225.14 dit que : le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni...

Autant de situations différentes qui démontrent combien l’utilisation de l’argent au sein des communautés religieuses peut prendre des orientations diverses. Qu’en est-il chez les saints des derniers jours ?

Avec les dix commandements que Dieu donna à Moïse, que la plupart des chrétiens connaissent, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours reçut le commandement de donner la dîme. En effet, la façon dont l'argent est perçu est décrit dans les Écritures comme un principe religieux. Il n'y a pas de collecte, la dîme est une loi ancienne acceptée par les saints des derniers jours comme un commandement. La Bible témoigne à plusieurs reprises de la pratique de cette loi (Malachie 3:8-12). Abraham payait déjà la dîme à Melchisédek (Genèse 14:20) ; Jacob fit alliance de donner la dîme à Dieu (Genèse 28:22) et Moïse commanda aux enfants d’Israël qu’ils donnent la dîme à l’Eternel (Lévitique 27:30-34). Pour un saint des derniers jours, payer la dîme consiste à remettre à l’Église un dixième de ses revenus.

Deux éléments gouvernent l’application du principe de la dîme. Le premier est d’ordre spirituel : en nous créant et en organisant cette terre, Dieu nous a tout donné. Le principe de la dîme consiste à apprendre à se détacher des choses matérielles en donnant une partie de ce que l’on possède au profit des autres. Le deuxième est d’ordre matériel : il permet à chacun de contribuer au développement de l’Église. Grâce à la dîme des fidèles il est possible de construire des églises (400 nouveaux lieux de culte par an), de les entretenir et de payer les frais afférents à leur utilisation, tels que le chauffage et l'électricité ; d'éditer des ouvrages pédagogiques et de les distribuer gratuitement aux membres ; de gérer des établissements scolaires, notamment l'Université Brigham Young à Provo (Utah) la plus grande université privée d'Amérique financée par une Église, avec une population de plus de 28.000 étudiants. Avec d'autres fonds à vocation humanitaire qu'elle récolte auprès de ses fidèles (le don de jeûne), l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours apporte une aide conséquente aux victimes des guerres, des séismes, des inondations, des sécheresses et d'autres désastres. Elle participe à cette œuvre caritative avec bon nombre d'organisations non gouvernementales telles le Secours catholique, le Mercy Corps International, la Croix-Rouge américaine, le Croissant Rouge, l'Armée du Salut, l'Habitat for Humanity et d'autres groupes de par le monde. Au cours de l'année 1999, l'Église a envoyé une aide humanitaire en participant à 829 projets dans 101 pays, donnant 11,2 millions de dollars en argent liquide et 44 millions de dollars en matériel, soit un total de 55,2 millions de dollars (Gordon B. Hinckley, magazine « Le Liahona », août 2000).

Il n'y a pas d'obligation de payer la dîme pour un membre. Chacun dispose de l’entière liberté de le respecter ou non. Un saint des derniers jours qui ne paie pas sa dîme à l'Église reste membre. Tout comme le denier du culte et les quêtes, propres à d'autres Églises, sont des dons volontaires, chacun apprécie le don de la dîme selon son degré de foi. Charge au croyant de donner ou non le denier du culte ou la dîme. À combien s’élèvent les exigences financières pour un saint des derniers jours ? À rien, si celui-ci n’a pas acquis la conviction personnelle que la dîme est un commandement de Dieu, au même titre que les Dix commandements. À un dixième de ses revenus s’il pense que c’est une bonne chose pour sa progression spirituelle et le soutien matériel de l’Église.

3) Rupture ou accueil / intégration ?

Le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale parle des techniques de recrutement des sectes aujourd’hui bien connues. Il fait remarquer également que les thèmes de propagande utilisés sont extrêmement divers : l’éthique, l’écologie, la médecine, la guérison, la culture, l’éducation, la transformation personnelle, l’épanouissement sexuel. Il dit par ailleurs que les instruments de telles propagandes sont également très divers : le démarchage dans la rue ou à domicile, la diffusion de journaux, la publicité par voie d’affichage ou de presse, les conférences, les cycles de formation etc...

C'est justement dans ces méthodes d'approche que réside la grande différence entre l'Église de Jésus-Christ et les sectes. Alors que celles-ci se gardent bien de révéler leur identité lors des premiers contacts avec leurs futurs adeptes, les personnes qui sont abordées par les missionnaires de l'Église savent, d'entrée de jeu, à qui elles ont affaire. Les 60.000 missionnaires de l'Église (année 2000) sont de jeunes hommes et femmes âgés entre 19 et 25 ans, et aussi des couples retraités, qui dans tous les pays du monde donnent, bénévolement et de leur plein gré, de leur argent et de leur temps pour servir leurs prochains. Le nom de l'Église figure sur leur badge et ils se présentent comme missionnaires de l'Église, porteurs d'un message chrétien.

Le rapport cite le Dr Jean-Marie Abgrall : « Le recrutement d’un adepte passe par trois phases à partir desquelles l’adhésion va s’obtenir progressivement, en même temps qu’apparaît une forme de dépendance intellectuelle et affective. Tour à tour, le nouvel adepte va être séduit, persuadé puis fasciné par la secte et ses membres recruteurs ». La première phase est celle de la séduction. Elle vise à proposer une alternative séduisante aux difficultés de la vie quotidienne. La seconde phase est celle de la persuasion. Elle consiste à persuader le futur adepte de la crédibilité du discours de la secte. La troisième phase, conduisant à l’adhésion, est la fascination obtenue le plus souvent lors de la rencontre avec la pièce maîtresse de la dynamique sectaire (résultats positifs à un test, assistance à un rite, rencontre du gourou, etc...). En fait, le rapport ne dit rien d’autre qui ne se passe déjà au sein même des grandes religions traditionnelles. Ce sont les termes employés par les rédacteurs du rapport qui donnent une connotation péjorative à la méthode. À l’égard des nouveaux mouvements religieux on dira : « recrutement » plutôt que « conversion » ; « adepte » plutôt que « fidèle » ; « embrigadement » plutôt que « catéchèse ».

Ce n’est pas la démarche qui est perverse en elle-même mais ce qu’elle prône quand cet enseignement conduit à la restriction des libertés individuelles. Combien ont été séduits par le message du christianisme qui invite les individus à « remettre leurs difficultés entre les mains du Sauveur du monde » (première phase) ? Combien ont été persuadés de la crédibilité du discours du Nouveau Testament et des enseignements des missionnaires chrétiens (deuxième phase) ? Combien ont été fascinés ou touchés par des sentiments spirituels très forts en présence d’autorités ecclésiastiques chrétiennes, notamment le Pape (troisième phase) ? Est-ce pour autant qu’il faille dire que les 600 millions de catholiques ont tous été manipulés par une démarche psychologique intentionnellement mauvaise ?

L’un des derniers commandements que Jésus-Christ donna à ses disciples avant de les quitter fut d’aller de par le monde prêcher la « bonne nouvelle ». Quoi de plus naturel que l’Église qui porte son nom aujourd’hui soit une Église missionnaire ? C’est pourquoi des milliers de jeunes saints des derniers jours partent en mission.

Celui qui adopte une autre religion que celle transmise par la tradition familiale est souvent seul dans sa différence. Cela peut ne pas être toléré par le reste de la famille et engendrer un conflit, voire une rupture. La plupart du temps, la rupture avec le milieu d’origine vient d’un conflit intellectuel et émotionnel, quand la majorité des membres d’une famille n’accepte pas qu’un des leurs puisse penser différemment. Cette réaction est souvent motivée par le noble instinct de protection de l’être aimé contre l’inconnu. Cette majorité est alors facilement tentée de croire que celui qui a changé d’opinion a été « manipulé » ou « embrigadé ». Elle ne peut croire qu’il se soit converti, en toute connaissance de cause, à une autre religion. La rupture ne vient pas tant de celui qui change que de celui qui n’accepte pas que l’autre puisse changer.

Enfin, et pour justement minimiser ce type de rupture, l'Église de Jésus-Christ applique des règles très précises en la matière. Ainsi, un enfant ne pourra être baptisé sans le consentement écrit de ses parents, et une personne mariée ne pourra l'être tout autant sans le consentement écrit de son conjoint.

4) Atteintes ou protection de l’intégrité physique ?

Dans le contexte religieux, les atteintes à l'intégrité physique peuvent s'entendre de deux façons. Celle relative aux persécutions d'un groupe infligées par d'autres groupes hostiles, et celle relative aux atteintes à l'intégrité physique pratiquées par un groupe sur la personne de ses propres adhérents.

Concernant le premier cas, et dans toute l’histoire des États-Unis, peu de gens ont autant souffert pour leurs convictions religieuses que les saints des derniers jours. Les deux premières décennies de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours sont décrites comme des cycles répétés de migrations, d’installations et d’expulsions sous la force, causées par l'opposition du monde ecclésiastique de l’époque, qui considérait comme hérétique la doctrine des prophètes vivants.

Les mormons firent même l’objet d’un ordre d’extermination émanant de Lilburn W. Boggs, gouverneur du Missouri, qui signa le 27 octobre 1838 l’un des documents les plus antidémocratiques de l’histoire américaine. Cette directive politique et militaire contraignit à l’exode environ vingt mille hommes, femmes et enfants qui quittèrent le Missouri en plein hiver, laissant derrière eux les terres, les maisons et les biens qu’ils avaient achetés. Depuis les premières pistes gelées traversant le Mississippi au milieu de l’hiver, jusqu’à la chaleur torride de juillet dans la vallée du Grand Lac Salé, les pionniers mormons ont laissé leurs traces sur 2000 kilomètres marqués par les tragédies et l’espoir. La quête de la liberté religieuse et le rassemblement de dizaines de milliers d’immigrants dans l’Ouest américain aride font de l’exode des pionniers mormons une épopée sans égale dans l’histoire des États-Unis.

Quant au deuxième cas, en France la loi dispose de suffisamment de textes qui, d’une part, préviennent les agissements délictueux et, d’autre part, punissent sévèrement ceux qui se rendent coupables d'atteintes à l'intégrité physique d'autrui. Que l’on soit mormon, musulman ou catholique, la loi est la même pour tous. Aussi, un mormon qui se rendrait coupable d’atteinte à l’intégrité physique d’autrui, pour quelque motif que ce soit, serait bien évidemment poursuivi par la justice.

Parce que l'esprit et le corps sont l'âme de l'homme, les saints des derniers jours considèrent celui-ci comme sacré. Il est enseigné et appris que notre corps doit être protégé par la vertu et la pureté personnelles, et que les membres doivent respecter le corps des autres en vivant chastement et fidèlement. Ainsi, rien dans la doctrine de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours n’encourage à la violence physique ou psychologique. Elle conseille, au contraire, aux hommes et aux femmes de bonne volonté de suivre l’exemple de patience et d’amour de Jésus-Christ, notamment dans son 13è article de foi : « Nous croyons que nous devons être honnêtes, fidèles, chastes, bienveillants et vertueux, et que nous devons faire du bien à tous les hommes ; en fait, nous pouvons dire que nous suivons l’exhortation de Paul : nous croyons tout, nous espérons tout, nous avons supporté beaucoup et nous espérons être capables de supporter tout. Nous recherchons tout ce qui est vertueux ou aimable, tout ce qui mérite l'approbation ou est digne de louange. »

L'élément majeur de la doctrine de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours est la progression éternelle des individus et des familles. Celle-ci n'est possible que dans le cadre de la liberté de choix. Quelqu'un que l'on force à faire quelque chose n'évolue pas, et dès que la contrainte cesse, reprend son comportement d'origine. L'ascèse forcée, les humiliations, le manque de sommeil etc… vont tout à fait à l'encontre d'une doctrine qui prône la progression volontaire.

5) Embrigadement ou accompagnement à l'éducation ?

Affirmer quelque chose à son enfant, c’est nécessairement l’instruire. Tout dépend de l’endroit où l’on se trouve : on parlera « d’éducation religieuse » pour des enfants issus d’une religion traditionnelle et « d’embrigadement » pour ceux dont les parents sont membres d’une communauté religieuse minoritaire mal connue. Doit-on remettre en question la liberté des parents de transmettre à leurs enfants les idées et les valeurs religieuses auxquelles ils croient ?

Pourrait-on reprocher à des parents catholiques d’éduquer leurs enfants dans la tradition catholique sous prétexte qu’ils vivent dans un État islamique ou à des musulmans d’enseigner l’Islam à leur postérité sous prétexte qu’ils demeurent à Rome ? Personne ne peut s’opposer à ce que les jeunes enfants reçoivent l’éducation de leurs parents, sauf si cette éducation entre dans le cadre d’interdits juridiques. Tout comme des parents athées « enseignent », « éduquent » ou « embrigadent » leurs enfants de telle sorte qu'ils pensent que Dieu n’est que le fruit de l’imagination des hommes, ou décident de les laisser choisir, des parents croyants enseignent leurs croyances à leurs enfants. En fait, l'embrigadement prend son vrai sens dès lors qu'une secte prend les enfants aux parents pour les mettre dans des centres où on les « forme » intensivement. C'est aussi le cas lorsque la secte les envoie mendier pour son compte. Ou lorsqu'elle les utilise pour espionner et dénoncer leurs parents.

Tous les mouvements de jeunesse peuvent aussi constituer un embrigadement, une association sportive, une chorale, un regroupement scout, etc... Ce qui est dangereux, au sens moral et parfois juridique du terme, c'est le détournement de la personnalité des enfants du groupe, à l'insu des parents, à des fins contraires aux principes des libertés individuelles.

L’enseignement religieux que reçoivent les enfants dans les familles des saints des derniers jours est essentiellement fondé sur l’exemple de Jésus-Christ et la croyance en la perpétuation de la cellule familiale au-delà de la mort. Très tôt, les enfants apprennent que la famille peut vivre ensemble à jamais. Dans les familles fidèles de l’Église, on prie ensemble tous les jours. On se réunit une fois par semaine pour la « soirée familiale », un moment où les membres de la famille jouent ensemble, travaillent ensemble, servent leur prochain et s’enseignent l’Évangile les uns aux autres. C’est la croyance au caractère éternel de la famille et l'invitation du Christ à le suivre qui pousse les membres d’une même famille à vivre des principes élevés.

6) Le discours peu ou prou social ?

Il est vrai que certaines communautés religieuses tiennent parfois un discours antisocial et le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale en cite quelques exemples.

L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, elle, insiste sur l'obligation de respect et incite ses fidèles à participer à la vie de la collectivité pour que leur présence soit constructive. Chacun est invité à être un citoyen à part entière et à briller par son intégrité. L'Église encourage à être honnête et travailleur. En tout cela, les saints des derniers jours croient qu’en servant leurs semblables, c’est Dieu qu’ils servent.

Réputés pour être un peuple honnête et industrieux, les saints des derniers jours, dans leur 12ème article de foi, précisent quel genre de citoyens ils aspirent à être : « Nous croyons que nous devons nous soumettre aux rois, aux présidents, aux gouverneurs et aux magistrats, et que nous devons respecter, honorer et défendre la loi ».

7) Troubles à l’ordre public ou souci de cohésion ?

Le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale rappelle que le phénomène des sectes ne date pas d’aujourd’hui. Il précise que, déjà sous l’Empire romain, les premières communautés chrétiennes furent persécutées tant à cause de leur refus du serment à l’Empereur qu’en raison des accusations de sorcelleries (réunions nocturnes) ou d’anthropophagie (rite de la Communion) dont elles firent l’objet. Le rapport précise encore que les procès en sorcellerie, dont furent victimes au Moyen-Âge et jusqu’au début de la Réforme près de 100.000 personnes en Europe, témoignent de la persistance de phobie des sectes.

Depuis l’arrivée du premier missionnaire mormon en France en 1849 jusqu’au début des années 1980, soit pendant plus de 130 ans, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours a souffert des préjugés de l’opinion publique française. Au cours des années soixante, l’Église a connu en France une croissance spectaculaire ; néanmoins cela n'a pas suffi à lui donner une image respectable et elle est encore restée considérée comme une « secte venue d’outre-Atlantique ».

Ce n’est qu’à partir des années quatre-vingts, notamment grâce aux deux rapports de l'Assemblée Nationale sur les sectes en France, que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours a acquis une notoriété certaine au titre de nouveau mouvement religieux en voie d'être reconnu aux côtés des grandes religions traditionnelles. Au début des années quatre-vingts, l’opinion publique française fut émue par des drames qui eurent lieu au sein de certaines communautés minoritaires à caractère religieux. Monsieur Pierre Mauroy, alors Premier Ministre, confia au député Alain Vivien la tâche de lui remettre un rapport sur les sectes en France. Ce rapport, publié en 1982, faisait un premier état de l’implantation des minorités religieuses en France, de leur idéologie et de leur dangerosité éventuelle. C’est grâce à ce premier rapport, relayé par la presse nationale, que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours est sortie du « grand sac » dans lequel étaient mises, sans distinction aucune, toutes les minorités religieuses ou philosophiques mal connues. Le deuxième rapport, adopté par l’Assemblée Nationale le 22 décembre 1995, émane de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale. Comme celui de 1982, il est intitulé « Les sectes en France ». Ce dernier rapport met en évidence non seulement le fait que l’Église mormone est une Église chrétienne respectable mais qu’elle a aussi un effet bénéfique sur ses fidèles.

En ce qui concerne les troubles à l’ordre public, depuis qu’elle est installée en France, l’Église n’a fait l’objet d’aucun procès à ce propos. D’ailleurs, les saints des derniers jours sont encouragés à respecter les gouvernements et les lois qui régissent le pays dans lequel ils vivent. Le 12ème article de foi, cité précédemment, les y encourage.

8) Démêlés judiciaires ou respect de la loi ?

Pour analyser les dangers que font courir un certain nombre de mouvements, la Commission d’enquête sur les sectes en France s’est fondée principalement sur deux sources d’information : les décisions judiciaires et les données collectées par les Renseignements Généraux. De l’ensemble des décisions de justice auxquelles la Commission a eu accès, notamment celles fournies par la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la Justice, il ressort que de nombreuses sectes, au cours des dix dernières années, se sont rendues coupables d’illégalités. Ces condamnations pénales s’appuient exclusivement sur des faits matériels incontestables. Cependant, tous les actes répréhensibles commis par les sectes ne font pas l’objet d’une condamnation. En effet, pour prononcer une condamnation, il est nécessaire de réunir plusieurs éléments. Il faut, tout d’abord, que la personne ayant subi un préjudice en soit consciente, d’où la nécessité pour l’adepte d’avoir pris suffisamment de distance vis-à-vis de la secte pour dénoncer son préjudice. Il faut ensuite que l’intéressé décide de porter plainte. Or cette démarche est loin d’être systématique, beaucoup préférant « tourner définitivement la page » d’une période de leur vie. Il faut, enfin, que les faits reprochés à la secte correspondent à une incrimination prévue et sanctionnée par la loi.

Au-delà des décisions judiciaires à l’encontre de certains mouvements minoritaires à caractère religieux ou philosophique, il convient de distinguer les actes répréhensibles commis par des personnes, membres de sectes, et ceux causés par les sectes en tant que telles. Aussi faut-il être vigilant et ne pas faire d’amalgames. Par exemple : dirait-on que le corps des enseignants de l’Éducation Nationale est pervers lorsqu’un enseignant se rend coupable de viol ? L’ensemble des officiers de police judiciaire doit-il être réprouvé dès lors que certains d’entre eux commettent des « bavures » ? Le corps médical devrait-il faire l’objet d’une suspicion d’incompétence générale lorsqu’un médecin est reconnu coupable d’une erreur de diagnostic aux conséquences fatales ? Des déviants évoluent dans tout groupe ; ce n’est pas pour autant que les groupes eux-mêmes sont déviants.

L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours n’échappe pas à cette vérité objective. Il peut arriver que certains de ses membres, alors même qu'on leur apprend à respecter des principes de haute moralité, transgressent ceux-ci et arrivent à enfreindre les lois du pays. C’est dans ces cas qu’ils font, bien naturellement, l’objet de condamnations pénales. Mais, l'Église, en tant que telle, n'a jamais fait l'objet de condamnation judiciaire pour violation des lois du pays.

9) Détournement ou application des règles ?

En évoquant le détournement des circuits économiques, le rapport d’enquête sur les sectes en France est avare d’explications. Il n’évoque que très succinctement l’importance des sommes en jeu et ce qui pourrait expliquer la stratégie de nombreuses associations qui choisissent de s’implanter dans des pays dotés d’une législation fiscale « tolérante ». Il dénonce cependant, l’exploitation impitoyable de l’adepte par les dirigeants au mépris des lois sociales, notamment lorsque le travail n’est pas déclaré. Mais la fuite des capitaux vers des « paradis fiscaux », la fraude fiscale et le travail clandestin ne sont pas l’apanage des minorités religieuses.

L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ne bénéficie pas d’un régime de faveur particulier à ce propos de la part des gouvernants, tout au moins en France. De plus, force est de constater qu’aucune condamnation pénale pour fraude à la législation fiscale ou sociale n’est relevée à son encontre. Et pour cause : son système d’apurement est peut-être le plus détaillé et le plus complet qui soit au monde. En France, érigée en association, seul statut juridique lui permettant d'exister au titre d'institution, l'Église est soumise aux contrôles fiscaux comme le sont toutes les autres formes d'associations.

10) Infiltration ou promotion au mérite ?

La Commission d'enquête fait allusion aux mouvements pseudo-religieux qui font des efforts concertés pour rallier à leur cause des personnalités en place, afin de s'assurer de hautes protections ou en vue d'une prise future du pouvoir.

En France il faut entendre par « pouvoirs publics », d’une part, les hommes et les femmes élus pour diriger la nation et, d’autre part, les hommes et les femmes recrutés par voie de concours pour assurer le Service Public. Les premiers sont démocratiquement mis en place par le peuple, les seconds bénéficient du principe d’égalité d’accès à la Fonction Publique.

On utilisera plus facilement le terme « infiltration » à l’égard de ceux qui sont membres d’une communauté religieuse minoritaire, et le terme « accès à la Fonction Publique » pour les autres, comme si le fait d’avoir une opinion religieuse différente de celle de la majorité était une traîtrise à l’État. Ce genre d'attitude discriminatoire a bien des fois engendré des drames qui sont encore aujourd’hui une honte pour l’humanité. C’est le détournement du pouvoir qui est blâmable et non le fait d’être membre d’une religion ou de tout groupe minoritaire. On peut être décideur politique, membre d’une religion traditionnelle majoritaire, et être peu soucieux de l’intérêt public ; tout comme l’on peut être décideur politique, membre d’une communauté religieuse minoritaire, et avoir un sens aigu de la démocratie et de la moralisation de l’État.

De nombreux documents à portée internationale réaffirment le principe de liberté de choix, également dans le domaine de la religion et du respect vis-à-vis des choix de chacun. La Déclaration de l’UNESCO du 16 novembre 1995 constitue la référence internationale la plus récente. Lors de la 28ème session de sa Conférence générale, elle a émis une déclaration de principe sur la tolérance adoptée solennellement par les États membres dont la France fait partie et dans laquelle il peut être notamment relevé que : « la tolérance est la clé de voûte des droits de l’homme, du pluralisme, de la démocratie et de l’État de droit  ». En son alinéa 1.4, il peut être relevé également que : « la pratique de la tolérance signifie que chacun a le libre choix de ses convictions et accepte que l’autre jouisse de la même liberté. Elle signifie l’acceptation du fait que les êtres humains, qui se caractérisent naturellement par la diversité de leurs valeurs, ont le droit de vivre en paix et d’être tels qu’ils sont  ».

Dans la mesure où une minorité se définit comme une religion à part entière, et dans la mesure où elle s’exprime légalement, pourquoi s’étonner de l’effort qu’elle fait pour être entendue ?

L’objectif de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours est de proclamer la plénitude de l’Évangile de Jésus-Christ. Aussi, en quoi l’un de ses fidèles, alors qu’il serait élu ou fonctionnaire, pourrait-il être un danger pour l’État, dès lors qu’il est respectueux de la loi ?

Conclusion

Toutes les grandes religions du monde furent, à l’origine, des sectes dont les fondateurs se distinguèrent de leur environnement en proposant une doctrine nouvelle. Il en est ainsi de Jésus par rapport au judaïsme traditionnel, de Luther et Calvin avec le catholicisme, du roi Henri VIII d’Angleterre par rapport au pouvoir souverain du Saint-Siège de Rome, de Bouddha vis-à-vis du brahmanisme rigidifié dans ses castes, de Lao Tseu avec à la vieille religion agraire chinoise.

Plusieurs générations plus tard, la « minorité » devient une institution respectable. En fait, il n’y a pas de différence conceptuelle entre une secte (au sens minoritaire du mot, excluant toute dangerosité) et une religion. C’est le temps qui permet à une minorité qui s’intègre socialement de se voir reconnue comme religion. Aussi, dans la mesure où il exprime des convictions religieuses et respecte la loi, tout mouvement, fût-il le plus petit, est protégé par le principe de la liberté de conscience.

La liberté de conscience, notamment en matière religieuse, est garantie par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, par le 5ème alinéa du préambule de la Constitution de 1946, ainsi que par l’article 2 de la Constitution de 1958. Le principe en est consacré par l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en 1973. D’autre part, tout mouvement jouit de la liberté de réunion garantie par la loi du 30 juin 1881, ainsi que de la liberté d’association, prévue par l’article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

Ces trois libertés (de conscience, de réunion, d'association) ne peuvent toutefois s’exercer que dans certaines limites. Celle du respect de l’ordre public, c’est-à-dire, au sens large, la tranquillité, la sécurité, la salubrité et la moralité publiques ; celle du respect de la liberté et des droits d’autrui, car, comme l’affirme l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 : « la liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » ; et, enfin, celle du respect du principe de laïcité sur lequel repose la séparation des Églises et de l’État, décidée par la loi du 9 décembre 1905.

C’est en rappelant ces notions, que la Commission d’enquête sur les sectes en France a bien veillé à ne pas faire un amalgame entre tous les groupes spirituels existants. Aussi, le rapport précise-t-il : « La Commission a pris grand soin de faire la part des choses afin de dissiper un éventuel malentendu : tous les mouvements spirituels autres que les religions traditionnelles et communément appelés sectes ne sont pas dangereux, comme, par exemple, les baptistes, les quakers ou les mormons. Leur rôle peut même être, parfois, considéré comme très positif. »

Tout mouvement religieux, s’il évolue dans la plus stricte légalité, en promouvant des valeurs morales élevées, n’est rien d’autre qu’une religion. C’est ce qu’est l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours.