À
propos de la Déclaration officielle
du
30 septembre 1978
Jean
Dressayre
Article
mis à jour le 1er avril 2003
Le
30 septembre 1978, lors de la 148e conférence générale
de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours, le président N. Eldon Tanner, premier conseiller dans
la Première Présidence de l'Église, a lu ce qui
suit :
« Au
début de juin de cette année, la Première
Présidence a annoncé que le président Spencer W.
Kimball avait reçu une révélation étendant
les bénédictions de la prêtrise et du temple à
tous les membres masculins de l'Église qui en sont dignes. Le
président Kimball m'a demandé d'informer la conférence
de ce qu'après avoir reçu cette révélation,
qui lui fut donnée à la suite d'une méditation
et de prières prolongées dans les salles sacrées
du saint temple, il la présenta à ses conseillers, qui
l'acceptèrent et l'approuvèrent. Elle fut alors
présentée au Collège des douze apôtres,
qui l'approuva à l'unanimité, et elle fut
ultérieurement présentée à toutes les
autres Autorités générales, qui l'approuvèrent
de même à l'unanimité.
« Le
président Kimball m'a demandé de lire maintenant cette
lettre :
« 8
juin 1978.
« À
tous les officiers généraux et locaux de la prêtrise
de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours du monde entier :
« Chers
frères,
« Témoins
de l'expansion de l'oeuvre du Seigneur sur la terre, nous avons été
heureux de constater que dans beaucoup de pays des gens ont répondu
au message de l'Évangile rétabli et se sont joints à
l'Église en nombre sans cesse croissant. Cela a suscité
en nous le désir d'étendre à tous les membres
dignes de l'Église tous les droits sacrés et toutes les
bénédictions qu'offre l'Évangile.
« Conscients
des promesses faites par les prophètes et présidents de
l'Église qui nous ont précédés qu'à
un moment donné du plan éternel de Dieu tous nos frères
qui sont dignes pourront recevoir la prêtrise, et constatant la
fidélité de ceux à qui la prêtrise a été
refusée, nous avons supplié longuement et avec ferveur
en faveur de ces frères fidèles qui sont les nôtres,
passant de nombreuses heures dans la salle haute du temple à
implorer le Seigneur pour être guidés par lui.
« Il
a entendu nos prières et a confirmé par révélation
que le jour promis depuis si longtemps est venu où tous les
hommes fidèles et dignes de l'Église pourront recevoir
la sainte prêtrise avec le pouvoir d'exercer son autorité
divine et de jouir avec leur famille de toutes les bénédictions
qui en découlent, notamment les bénédictions du
temple. Par conséquent, tous les membres masculins de l'Église
qui en sont dignes peuvent être ordonnés à la
prêtrise sans considération de race ou de couleur. Les
dirigeants de la prêtrise sont priés de respecter la
procédure consistant à avoir un entretien approfondi
avec tous ceux qui sont candidats à l'ordination à la
prêtrise d'Aaron ou à la prêtrise de Melchisédek
pour s'assurer qu'ils répondent aux conditions de dignité
requises.
« Nous
déclarons solennellement que le Seigneur a maintenant révélé
sa volonté pour la bénédiction de tous ses
enfants, partout sur la terre, qui écoutent la voix de ses
serviteurs autorisés et se préparent à recevoir
toutes les bénédictions de l'Évangile.
« Fraternellement,
« Spencer
W. KIMBALL, N. Eldon TANNER, Marion G. ROMNEY
« Salt
Lake City (Utah), 30 septembre 1978 »
À
la lecture de cette déclaration, il convient de comprendre
qu'avant celle-ci, seuls certains hommes dans l'Église étaient
autorisés à recevoir la prêtrise (autorité
ecclésiastique accordée aux hommes pour recevoir et
pratiquer des sacrements et occuper des postes de direction au sein
de l'Église). En fait, cette exclusion frappait les hommes de
couleur.
L'Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours a-t-elle fait
preuve de discrimination raciale à l’égard de
leurs frères de couleur, ou était-elle liée par
une doctrine « très particulière »
?
Avant
d'entreprendre de répondre à cette interrogation, il
convient d'expliquer ce que l'on entend par la dénomination de
« mormon ».
On
appelle « mormons » ceux et celles qui
reconnaissent le Livre de Mormon comme un autre témoignage de
la réalité de Jésus-Christ, le premier se
trouvant dans la Bible. En fait, le nom officiel de l'Église
mormone est Église de Jésus-Christ des saints des
derniers jours. Sa dénomination souligne le fait qu'elle est
une Église chrétienne, et que ses membres sont, au même
titre que les premiers disciples du Christ, des saints, au sens où
ils bénéficient de la présence du Saint-Esprit
qui sanctifie. Quant à la notion de temps, elle met l'accent
sur le fait qu'il s'agit de l'Église de Jésus-Christ
rétablie de nos jours.
Le
Livre de Mormon est un recueil de saintes Écritures comparable
à la Bible ; il contient le récit des relations
entre Dieu et les anciens habitants du continent américain. Il
révèle la plénitude de l’Évangile
éternel. Ce livre fut écrit par de nombreux prophètes
dont les paroles furent abrégées et gravées par
le prophète-historien dénommé Mormon. Ces
annales racontent l’histoire de deux grandes civilisations :
l’une venue de Jérusalem en 600 av.J.-C. se sépara
en deux nations, les Néphites et les Lamanites. L’autre,
arrivée beaucoup plus tôt, à l’époque
où le Seigneur avait confondu la langue des hommes à la
tour de Babel, vers 2200 av.J.-C. est appelée Jarédites.
Des milliers d’années plus tard, ces civilisations
furent détruites à l’exception des Lamanites qui
sont les ancêtres de certains Indiens d’Amérique.
L’événement suprême relaté dans le
Livre de Mormon est le ministère personnel de Jésus-Christ
parmi les Néphites peu après sa résurrection.
Mormon
vécut au 4e siècle après J.-C. Il fut en fait
l’un des derniers témoins de la grande destruction de
son peuple, les Néphites. Lorsqu'il eut terminé ses
écrits, il transmit le récit à son fils Moroni.
Ce dernier y ajouta quelques paroles et cacha les plaques dans la
colline Cumorah située près de Palmyra, dans le nord de
l'État de New-York. En 1823, ce même Moroni, alors un
être ressuscité, apparut au jeune Joseph Smith. Il
l’instruisit au sujet des annales anciennes et le chargea de
leur future traduction. Celle-ci terminée et les plaques d’or
restituées à l’ange Moroni, l'ouvrage fut édité
et publié sous le titre de Livre de Mormon, du nom du
prophète-historien qui avait gravé les plaques.
En
1830, Joseph Smith reçut la révélation lui
commandant de rétablir l’Église telle que
Jésus-Christ lui-même l'avait fondée, Église
qui prit le nom officiel d’Église de Jésus-Christ
des saints des derniers jours.
La
Bible et les malédictions
Dans
les Écrituress bibliques, la malédiction est
l'application de la sanction divine à la transgression d'une
loi divine. Elle est la manifestation de la justice de Dieu. Par
ailleurs, la malédiction peut être levée dès
lors que celui qui l'a subi s'est repenti et se conforme désormais
à la loi de son Créateur. La Déclaration
officielle du 30 septembre 1978 rentre dans ce cadre.
Pour
un chrétien, il ne fait aucun doute que Dieu chassa Adam et
Ève du jardin d'Éden parce que chacun d'eux avait
transgressé la loi qui leur défendait de manger du
fruit de la connaissance du bien et du mal. Pour cela, ils furent
punis. Dieu dit à la femme : « Je rendrai tes
grossesses très pénibles et c'est avec peine que tu
accoucheras » (Genèse 3: 16). Il dit à
l'homme : « Le sol sera maudit à cause de toi ;
c'est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta
vie… c'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du
pain, jusqu'à ce que tu retournes dans le sol, d'où tu
as été pris » (Genèse 3:17-19).
Quelle
plus grande malédiction l'humanité pouvait-elle
recevoir que d'être chassée du jardin d'Éden,
malédiction qui perdure encore et qui est sans commune mesure
avec celle qui a suspendu jusqu'en 1978 certains droits
ecclésiastiques à certains peuples de la terre.
À
un moment donné, Dieu vit que la terre était corrompue
et pleine de violence. Il dit alors à Noé : « J'ai
décidé de mettre fin à tous les être
vivants, car la terre est pleine de violence à cause d'eux ».
Il fit venir un déluge sur la terre pour détruire
hommes, femmes, enfants et tout ce qui se trouvait à sa
surface, sauf un petit nombre (Genèse 6:11-13). Comment rester
insensible à la destruction programmée de l'humanité
? Aucun croyant n'éprouve un étonnement particulier
devant la plus grande extermination de la race humaine que la terre
ait jamais connue. Pourquoi ? Probablement parce qu'elle était
organisée par Dieu.
Parce
que Pharaon s'obstinait à ne pas vouloir laisser partir libre
le peuple élu (les Hébreux), l'Éternel frappa
tout premier-né dans le pays d'Égypte, depuis le
premier-né du Pharaon jusqu'au premier-né du captif
dans sa prison (Exode 12:29). Comment ignorer la douleur de ces
millions de parents souffrant de la mort de leur fils premier-né ?
Le chrétien d'aujourd'hui n'en est pas troublé outre
mesure et accepte ce terrible drame comme une fatalité puisque
venant de Dieu. Là encore, exécutions programmées
qui sont sans commune mesure avec la malédiction qui suspend
les privilèges religieux de certains.
En
s'adressant à son peuple, Dieu lui dit que s'il désobéit
à sa voix, toutes les malédictions s'abattront sur lui
(Deutéronome 28:15). Toute une série de malédictions
est alors énoncée : « L'Éternel
attachera à toi la peste, jusqu'à ce qu'elle
t'extermine… il te frappera de dépérissement, de
fièvre, d'inflammation, de brûlure, de sécheresse,
de rouille… il te frappera d'ulcère, d'hémorroïdes,
de gale et de démangeaisons, dont tu ne pourras guérir…
tu auras une fiancée et un autre homme la violera, tu bâtiras
une maison et tu ne l'habiteras pas, tu planteras une vigne et tu
n'en jouiras pas, ton bœuf sera égorgé sous tes
yeux et tu n'en mangeras pas… tes fils et tes filles seront
livrés à un autre peuple, tes yeux le verront et
languiront tout le jour après eux… l'Éternel te
frappera, toi et ta descendance, par de grandes plaies persistantes »
(Deutéronome 28:15-68). Là encore, rien ne semble
choquer le croyant qui lit la Bible, pourtant les malédictions
que Dieu annonce sont du domaine de l'insupportable et toujours sans
commune mesure avec la malédiction visée par la
Déclaration du 30 septembre 1978.
Enfin,
sur le commandement de Dieu, le peuple élu, les Hébreux,
ne faisait-il pas déjà preuve d'une discrimination
raciale caractérisée dès lors qu'étaient
exclus des privilèges religieux hébraïques le
commun des païens ? Cette situation historique, patrimoine
biblique des chrétiens du monde entier, ne choque en rien ces
derniers.
Le
chrétien croit aux histoires de la Bible sans jamais les
mettre en doute, à condition qu'elles appartiennent au passé.
Mais, dès lors qu'elles nous rattrapent, elles paraissent tout
à coup inacceptables. Comment croire aujourd'hui que Dieu
puisse maudire certaines personnes ou certains peuples ?
Pourtant Dieu n'est-il pas toujours le même ? Les
chrétiens du monde entier ne louent-ils pas le Dieu de la
Bible, celui-là même qui fut à l'origine de tant
de malédictions ?
C'est
dans cet état d'esprit que s'inscrit la Déclaration
officielle du 30 septembre 1978.
Les
mormons sont-ils racistes ?
Au
19e siècle et jusque dans la deuxième partie du 20e
siècle, quand la plupart des Américains blancs étaient
racistes modérés (comme l'était Abraham
Lincoln), on pouvait dire que la plupart des mormons blancs avaient
tendance à reproduire l'attitude raciale de la plupart des
autres Américains blancs. La plupart des Américains
blancs ne haïssaient pas les noirs, mais ils se croyaient
supérieurs parce que c'était ce qu'on leur enseignait,
notamment dans les universités américaines et cela
jusque dans les années 1950. Il n'y eut pas toutefois de
mormons racistes radicaux comme les membres du Ku-Klux-Klan. Au
contraire, l'Église était extrêmement anti-Klan
et le Klan considérait l'Église comme son plus grand
ennemi. En 1924, le New York Time écrivait : « En
Utah et en Idaho, l'ordre masqué [KKK] n'a aucune
représentation digne de ce nom. On dit qu'il y a quelques
cellules du Klan dans des endroits isolés, mais elles sont
négligeables quant à leur nombre et à leur
influence. » (New York Times, 19 octobre 1924)
Dès
1842, Joseph Smith (premier président de l'Église)
disait : « J'ai conseillé (aux détenteurs
d’esclaves) d’emmener leurs esclaves dans un pays libre
et de les libérer, de les éduquer et de leur donner
l'égalité des droits » (Compilation on the
Negro in Mormonisme, p. 40). Il dit également : « La
déclaration d'indépendance tient ces vérités
comme allant de soi que tous les hommes sont créés
égaux, qu'ils sont dotés par leur Créateur de
certains droits inaliénables ; que parmi ceux-ci il y a
la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Mais en même
temps quelque trois millions de personnes sont détenues comme
esclaves pour la vie, parce que l'esprit qui est en eux est recouvert
d'une peau plus sombre que la nôtre. La Constitution des
États-Unis d'Amérique voulait dire exactement ce
qu'elle disait, sans mention de couleur ni de condition, à
l'infini ! » (Messages of the First Presidency
1:191-192).
Brigham Young (2e président de l'Église)
a dit en 1860 : « Les noirs doivent être
traités comme des êtres humains et pas d'une manière
pire que les animaux. Pour les mauvais traitements infligés à
cette race, les blancs seront maudits, à moins qu'il ne se
repentent » (Journal of Discourses 10:111)
David O.
Mc. Kay (9e président de l'Église) a dit en 1935 :
« Comme ce monde serait différent, si les hommes
accumulaient la richesse, par exemple, non comme une fin en soi, mais
comme le moyen de faire du bien aux êtres humains et
d'améliorer les rapports humains. Une conception chrétienne
du droit et de la valeur de l'âme humaine, même si sa
peau est sombre, aurait empêché le massacre qui a lieu
en ce moment en Éthiopie. » [lorsque les troupes
italiennes fascistes de Mussolini ont envahi ce pays] (Conférence
Report, oct. 1935, p. 101)
John A. Widtsoe (un apôtre) a
écrit en 1946 : « Les prétentions à
être de la race des maîtres sont de la sottise pure
utilisée par des hommes sans moralité pour promouvoir
leurs intérêts personnels. Aucun pays n'a jamais eu le
monopole de la maîtrise dans les réalisations humaines.
Affirmer une telle chose, c'est tout simplement donner libre cours à
un nationalisme débridé. La doctrine de la race des
maîtres de la dernière guerre était une
fumisterie horrible conçue par les puissances du mal dont le
prince est Satan, le diable. » (Evidences and
Réconciliations, p. 3-4)
Joseph
Fielding Smith (10e président de l'Église) a dit en
1963 : « L'Église mormone ne croit pas et
n'enseigne pas que le noir est un être inférieur. Le
noir est capable, mentalement et physiquement, d'accomplir de grandes
choses, aussi grandes ou dans certains cas plus grandes que le
potentiel de la race blanche. » (Magazine Look, 22 octobre
1963, p. 79)
Spencer W. Kimball (12e président de
l'Église) a dit en 1972 : « Les préjugés
raciaux sont du diable. Les préjugés raciaux viennent
de l'ignorance. Il n'y a pas de place pour eux dans l'Évangile
de Jésus-Christ. ». (Teachings of Spencer W.
Kimball, p. 237)
L'accès
à la prêtrise avant 1978
Certains
noirs ont détenu la prêtrise avant 1978. Il s'agit des
hommes de lignage non chamitique, comme les Dravidiens d'Inde, les
Aborigènes d'Australie, les Mélanésiens de Fidji
et de Mélanésie, les Négritos des Philippines et
d'Indonésie qui avaient tous droit à la prêtrise.
Ceux qui étaient membres de l'Église la détenaient
avant 1978.
On
entend par Chamites, les descendants de Cham, deuxième fils de
Noé. Cham était marié à Égyptus,
une Caïnite (descendante de Caïn). Égyptus avait la
marque de Caïn, c'est-à-dire la peau noire.
L'interdiction de la prêtrise n'était pas une question
de couleur de peau, mais de lignage. Quiconque avait une trace de
lignage chamitique (descendance de Cham et d'Égyptus) se
voyait refuser la prêtrise. Il en a été de même
pour les Chamites à peau blanche, dès lors que leurs
ascendants étaient identifiés comme chamites.
Au
sein de l'Église de Jésus-Christ des saints des
derniers jours, cette interdiction a trouvé sa source
doctrinale dans certains versets du livre d'Abraham. Ce livre est
l'une des parties d'un ouvrage intitulé « La Perle
de grand prix », lequel, avec la Bible, le Livre de Mormon
et Doctrine et Alliances, constitue l'un des quatre ouvrages
canoniques de l'Église de Jésus-Christ des saints des
derniers jours.
Joseph
Smith traduisit le Livre d'Abraham à partir de papyrus
égyptiens qui lui étaient parvenus à la fin des
années 1830. Les papyrus venaient de Thèbes et
contenaient des textes funéraires égyptiens. Au premier
chapitre de ce livre, Abraham écrit que le pharaon, roi
d'Égypte, était un « homme juste »,
mais qu'il ne pouvait pas détenir la prêtrise parce
qu'il était descendant de Cham. Il précise également
que le lignage chamitique avait reçu les « bénédictions
de la sagesse », mais qu'il avait été
« maudit à l'égard à la prêtrise »
(Abraham 1:26). Dans le Livre de Moïse, il est également
dit que les Caïnites, descendants de Caïn, fils d'Adam,
étaient « noirs » (Moïse
7:22).
Ainsi, dès le début du rétablissement
de l'Église de Jésus-Christ, ces versets furent
interprétés comme voulant dire que les noirs étaient
de lignage caïnite/chamitique et qu'il ne leur serait pas permis
de détenir la prêtrise.
La
malédiction de Caïn
Caïn,
fils aîné d'Adam, avait le droit d'aînesse à
la sainte prêtrise. Lui et ses descendants (les Caïnites)
avaient le droit d'être les premiers à la recevoir. Mais
Caïn fit un sacrifice au Seigneur dans un état
d'indignité ou de méchanceté. Le Seigneur
n'accepta pas le sacrifice. Comme Abel avait fait son sacrifice dans
un état de dignité ou de justice, le Seigneur accepta
son sacrifice et Caïn perdit son droit d'aînesse en faveur
d'Abel, son frère cadet. Caïn, jaloux et furieux, décida
de tuer Abel, pensant que le droit d'aînesse à la
prêtrise lui reviendrait. Lorsqu'il le fit, le Seigneur le
maudit et fit de lui un vagabond sur la terre et mit sur lui une
marque pour qu'on ne peuisse le quiconque le reconnaîtrait
s'abstienne de le tuer. La marque que reçut alors Caïn
était la peau sombre.
« Maintenant,
tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de
ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il
ne te donnera plus sa richesse. Tu seras errant et vagabond sur la
terre. Caïn dit à l'Éternel : Mon châtiment
est trop grand pour être supporté. Voici, tu me chasses
aujourd'hui de cette terre ; je serai caché loin de ta
face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me
trouvera me tuera. L'Éternel lui dit : Si quelqu'un tuait
Caïn, Caïn serait vengé sept fois. Et l'Éternel
mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le
tuât point. » (Génèse 4:11-15).
Les
Sethites (descendants de Seth, troisième fils d'Adam et d'Ève)
et les Caïnites (descendants de Caïn) ne furent pas
autorisés à se mêler par le mariage. Néanmoins
cela se produisit. Le résultat fut la corruption, et le
Seigneur décida de détruire les Adamites dans un grand
déluge. Il choisit de sauver Noé, sa femme, ses fils et
leurs femmes ainsi que deux de chaque espèce d'animale dans
l'arche. Cham, fils de Noé avait pour femme Égyptus,
une Caïnite. Ainsi, le lignage caïnite continua après
le déluge. Les descendants de Cham et de sa femme Égyptus
furent Mitsraïm, Cusch, Puth et Canaan. Les descendants de
Mitsraïm, Cusch et Puth s'installèrent en Afrique du
Nord. Mitsraïm est le nom hébreu de l'Égypte.
Cusch est le nom hébreu de la Nubie (maintenant le Soudan) et
on pense que Puth s'est installé dans ce qui est maintenant
l'Éthiopie.
Au-delà
du fait que la descendance de Cham, était, par le lignage
d'Égyptus, sous la condamnation caïnique, il se produisit
un nouvel événement qui compromit davantage la
situation de Cham à l'égard de la prêtrise. « Noé
commença à cultiver la terre, et planta de la vigne. Il
but du vin, s'enivra, et se découvrit au milieu de sa tente.
Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père,
et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem
et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules,
marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité
de leur père ; comme leur visage était détourné,
ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé
se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son
fils cadet. Et il dit : Maudit soit Canaan (fils de Cham) !
qu'il soit l'esclave des esclaves de ses frères ! Il dit
encore : Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, et que
Canaan soit leur esclave ! Que Dieu étende les
possessions de Japhet, qu'il habite dans les tentes de Sem, et que
Canaan soit leur esclave ! » (Génèse
9:20-26).
Les
Chamites dans l'Église
Les
Chamites, quelle que soit la couleur de leur peau, noire ou blanche,
pouvaient déjà se joindre à l'Église par
le baptême. Ils pouvaient déjà entrer dans les
temples et être baptisés pour leurs ancêtres
décédés, mais ne pouvaient pas recevoir la
prêtrise supérieure, celle appelée « prêtrise
de Melchisédek ». Ainsi étaient-ils écartés
des postes de direction de l'Église, tout comme ils ne
pouvaient officier au titre de missionnaire.
À
partir des années 1840 et jusqu'au début des années
1960, l'Église ne compta jamais plus de mille noirs de
descendance africaine parmi ses membres. Au milieu des années
1960, il se passa un phénomène non expliqué qui
poussa un grand nombre de noirs africains à se rapprocher de
l'Église. C'est à cette époque que des milliers
d'entre eux acceptèrent le baptême. C'est à cette
même époque que l'Église fut vivement critiquée
à cause de sa « politique discriminatoire »
à l'égard des hommes de couleur.
En
1978, l'Église construisit un temple au Brésil, à
Sao-Paulo plus exactement. Il y avait, à ce moment là,
des dizaines de milliers de mormons mulâtres au Brésil,
des gens qui avaient une ascendance noire et blanche. Ces fidèles
de l'Église firent de gros sacrifices pour construire le
temple de Sao-Paulo. La plupart d'entre eux savaient qu'ils
pourraient y entrer, mais qu'ils ne seraient pas autorisés à
participer aux ordonnances les plus importantes dans ce lieu qu'ils
considéraient comme sacré. Devant cette intense
expression de foi, les Autorités de l'Église ne
restèrent pas indifférentes. Elles invoquèrent
alors pendant plusieurs mois le Seigneur afin que la malédiction
de Caïn fut levée pour cette génération et
les générations à venir.
Le
1er juin 1978, dans le temple de Salt Lake City, le Seigneur parla au
prophète Spencer W. Kimball et leva l'interdiction de la
prêtrise dont était frappé le lignage chamitique.
Quelques semaines plus tard, les premiers noirs de lignage africain
étaient ordonnés à la prêtrise et leurs
familles recevaient les ordonnances supérieures du
temple.
Malgré cela, et encore aujourd'hui, certains
fidèles de l'Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours, de race noire ou blanche, ne croient pas que la
malédiction de Caïn venait de Dieu. Ils croient que c'est
une erreur d'interprétation des premiers dirigeants de
l'Église et qu'elle n'aurait jamais dû se produire.
D'autres croient que l'Église n'a jamais vraiment enseigné
ce point de doctrine, que c'était simplement l'opinion de
certains membres ou même peut-être celle d'un petit
nombre d'apôtres. Pourtant, l'examen attentif de toutes les
données historiques révèle que l'interdiction de
la prêtrise était basée uniquement sur la
doctrine de la malédiction de Caïn. Qu'elle a toujours
été présentée par les dirigeants de
l'Église comme une doctrine de l'Église depuis le
commencement. Elle n'a jamais, à aucun moment, été
présentée comme une simple opinion ou supposition.
Pourquoi
1978 ?
Il
eut été facile, notamment pour la croissance de
l’Église, de ne jamais faire allusion à cette
restriction. Pourtant, dès son rétablissement en 1830,
l’Église allait restreindre de leurs droits religieux
les hommes de couleur. Situation d’autant plus difficile à
gérer à ce moment-là que les problèmes
racistes n’avaient jamais été aussi forts sur le
sol américain.
Sans
une grande foi du rétablissement de l'Église de
Jésus-Christ par l'intermédiaire du jeune prophète
Joseph Smith, il était alors difficile à une personne
de bonne volonté, convaincue du message de l'Évangile
de Jésus-Christ, de se joindre à une Église qui
restreignait les droits de certains, surtout sur des bases qui
s’apparentaient étroitement au racisme. Aussi, pourquoi
avoir attendu près d'un siècle et demi (1830 à
1978) pour changer les choses ?
C'est
sur le principe même sur lequel est établie l'Église
que se trouve la réponse : la révélation.
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours n’est pas dirigée par des hommes mais par
Jésus-Christ lui-même. Ce sont les prophètes
choisis par lui qui parlent en son nom. Cette méthode de
communication du monde céleste au monde terrestre est acceptée
depuis tout temps par les croyants. Dans la Bible on en trouve la
plus belle référence : « Ainsi le
Seigneur, l’Éternel, ne fait rien sans avoir révélé
son secret à ses serviteurs les prophètes. »
(Amos 3:7)
Quoiqu'elle
fût manifestement dérangeante pour la progression de
l'Église, il n'appartenait pas aux dirigeants de celle-ci de
modifier ce que le Dieu d'Israël avait arrêté en
son temps. Selon la logique biblique, Dieu seul, par l'intermédiaire
d'un prophète, pouvait lever ce type de malédiction. À
quel moment ? Question qui reste sans réponse comme sont
restées sans réponse de date toutes les prophéties
bibliques.
Dieu
mit à l'épreuve Abraham. Il dit : « Prends
ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac ; va t'en dans le
pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l'une des
montagnes que je t'indiquerai ». Ce que demandait Dieu à
Abraham était une similitude du sacrifice de Jésus-Christ
qui interviendrait deux mille ans plus tard. Tout au long de l'Ancien
Testament, les prophètes ont annoncé la venue du
Messie, le Fils de Dieu. Pourtant, comme Abraham et comme tous les
prophètes qui le suivirent, aucun d'eux ne savait quand
viendrait le Messie. La seconde venue de Jésus-Christ est
annoncée, néanmoins personne ne sait quand elle se
produira. Aussi, qui pouvait connaître le moment où Dieu
lèverait la malédiction de la postérité
de Caïn ?
Ce
qui semble cohérent, c'est qu'elle intervienne après le
Rétablissement de l'Église de Jésus-Christ et
par une révélation à un prophète vivant.
Et à une époque où un grand nombre d'hommes et
de femmes de couleur s'étaient joints à l'Église,
malgré la connaissance de cette malédiction. C'est
probablement la foi exemplaire de ces gens-là, associée
aux prières de l'ensemble des fidèles de l'Église,
qui permit à Spencer W. Kimball, prophète vivant du
moment, de recevoir cette révélation.
Ainsi,
si l'on s'en tient aux différents évènements
bibliques en les acceptant comme étant la « volonté »
de Dieu, notamment quant aux malédictions ; si, d'autre
part, on prend en compte la position de l'Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours à l'égard
de l'esclavage ; et, enfin, si l'on s'appuie sur sa doctrine qui
met l'homme au centre du plan de Dieu, on peut alors comprendre les
termes de la « Déclaration officielle du 30
septembre 1978 ».