Le baptême pour les morts
Marc-Olivier R.
En finir avec un mythe
La question du baptême pour les morts, tel qu'il est pratiqué dans l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, a fait l'objet de commentaires de toutes sortes. Il y a quelque temps de cela, j’ai regardé une émission télévisée dont le thème était « les mormons ». Le sujet du baptême pour les morts a été abordé, et on a demandé à l'un des présentateurs d'expliquer comment les saints des derniers jours baptisent leurs ancêtres. Avec le plus grand sérieux du monde, il a répondu que les mormons mettent sur microfilms les noms de leurs ancêtres, puis vont dans leur temple. Là, ils placent un bac rempli d'eau devant eux, et après une brève incantation, immergent la bobine. « Et voilà, conclue le speaker. C'est ainsi que les mormons baptisent cent mille personnes d'un coup. »
Lorsque j’ai entendu cela, je n’en ai pas cru mes oreilles. J’avais le choix entre la consternation et le rire…
Pourtant, l'émission était réputée sérieuse. Aujourd’hui, je me demande encore d’où est venue cette idée saugrenue de tremper une bobine dans de l'eau. On est d’ailleurs en droit de s'inquiéter de la qualité de l'information diffusée par certains milieux journalistiques, si tous les sujets sont traités avec si peu de professionnalisme.
Quoi qu'il en soit, la question mérite qu'on s'y arrête : ceux qui connaissent l’existence d’un baptême pour les morts chez les saints des derniers jours ne comprennent que très rarement en quoi il consiste précisément, sur quels principes théologiques il repose, et quel lien il peut avoir avec chacun d’entre eux.
J'aborderai le sujet du baptême et de sa nécessité dans le salut de l'humanité, puis aborderai un sujet plus eschatologique : l'enseignement de l'Évangile aux esprits des défunts, en relation avec la pratique du baptême pour les morts.
La
nécessité du baptême
Commençons par le baptême conventionnel, celui pratiqué par la plupart des Églises chrétiennes, y compris l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours.
Le mot « baptême » est tiré du latin baptisma, lui-même issu du verbe baptizare qui signifie littéralement « immerger ». Les premier Chrétiens étaient baptisés par immersion (pléonasme, puisque étymologiquement parlant, un baptême est une immersion). Cet acte religieux comporte, pour les saints des derniers jours, des symboles et une alliance :
· il symbolise la mort, l'ensevelissement et la résurrection du Christ ;
· il symbolise notre propre mort et résurrection ;
· il symbolise la « mort » de l'homme naturel, de l’homme pécheur, et la « naissance » de l'homme spirituel en Christ ;
· nous promettons de prendre sur nous le nom du Christ, de garder ses commandements et de le servir jusqu’à la fin ;
· Dieu nous promet de pardonner nos péchés sous condition de repentir sincère, et de nous remettre le don du Saint-Esprit.
Le Christ a enseigné que le baptême était une étape indispensable pour entrer dans le royaume de Dieu et retourner vivre avec lui. Il a dit à Nicodème :
(...) En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. (Jean 3:5)
Le baptême n'est pas une alternative facultative pour qui veut s'assurer une place auprès du Père dans le monde à venir, pas plus qu'une voie comme une autre pour entrer dans l'Église du Christ. Bien que le baptême, en soi, ne garantisse pas le bonheur éternel, il est néanmoins nécessaire à son obtention.
A l'issue du discours de Pierre lors de l'événement miraculeux de la Pentecôte, l'invitation au baptême a été réitérée :
(...) Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés ; et vous recevrez le don du Saint-Esprit. (Actes 2:38)
Le baptême revêt une telle importance dans le plan de Dieu que Jésus lui-même fut baptisé pour accomplir « ce qui est juste » (Matthieu 3:15) et que Paul rebaptisa douze hommes (voir Actes 19:1-7) car l'origine de leur premier baptême était douteuse : ils déclaraient avoir été baptisés du baptême de Jean, mais n'avaient jamais même entendu parler du Saint-Esprit - chose étonnante lorsque l'on sait que ce thème était majeur dans la prédication du Baptiste. Paul les rebaptisa donc.
Le Livre de Mormon insiste, lui aussi, sur l'importance de ce sacrement :
Néphi : C'est pourquoi, je voudrais que vous vous souveniez que je vous ai parlé de ce prophète que le Seigneur m'a montré, qui baptisera l'Agneau de Dieu, lequel ôtera les péchés du monde.
Et maintenant, si l'Agneau de Dieu, qui est saint, a besoin d'être baptisé d'eau pour accomplir tout ce qui est juste, oh ! alors, à combien plus forte raison nous, qui ne sommes pas saints, avons-nous besoin d'être baptisé, oui, d'eau. (2 Néphi 31:4-5)
Jésus : Et je vous le dis encore, vous devez vous repentir, et êtes baptisés en mon nom, et devenir semblables à un petit enfant, ou vous ne pouvez en aucune façon hériter le royaume de Dieu. (3 Néphi 11:38)
L'Évangile
enseigné aux morts
Comme nous l'avons vu, le baptême par immersion est un acte indispensable au salut de l'homme.
Mais qu'en est-il de ceux qui, de leur vivant, n'en ont pas eu la possibilité ? Qu’en est-il des milliards d’être humains qui, depuis la création du monde, n’ont pas eu l'occasion de recevoir l’Évangile de Jésus-Christ ? Dieu les enverra-t-il en enfer ou leur refusera-t-il de son héritage, simplement parce qu'ils sont nés en un lieu et à une époque où l’Évangile de Jésus-Christ n’était pas annoncé ?
Les Écritures, à commencer par la Bible, enseignent que ceux qui n'ont pas entendu l'Évangile ici-bas auront cette occasion dans la vie à venir. Lorsqu’un être meurt, son esprit, son être spirituel, poursuit son existence de façon indépendante du corps. À la mort physique, le corps biologique meurt, mais pas l'esprit ; ce dernier est conscient, plus encore que nous le sommes dans un corps physique imparfait et limité. L’esprit de ceux qui meurent va en un lieu appelé le monde des esprits. Dans ce monde des esprits, l'Évangile de Jésus-Christ est prêché à celles et ceux qui n'ont pas eu l’occasion de l’entendre alors qu’ils vivaient dans la chair. Pierre a enseigné :
Christ aussi a souffert une fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous amener à Dieu, ayant été mis à mort quant à la chair, mais ayant été rendu vivant quant à l'Esprit,
dans lequel aussi il est allé prêcher aux esprits en prison,
qui autrefois avaient été incrédules lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé (...). (1Pierre 3:18-20)
Car l'Évangile a été aussi annoncé aux morts, afin que, après avoir été jugés comme les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quant à l'esprit. (1 Pierre 4:6)
Avant Pierre, Jésus lui-même avait annoncé :
En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu ; et ceux qui l'auront entendue vivront. (Jean 5:25)
Les esprits en attente de leur résurrection entendent l'Évangile mais ne peuvent recevoir physiquement les sacrements du salut tels que le baptême. L'Évangile leur est prêché, mais le baptême ne peut être effectué qu'ici-bas, dans un monde physique où le symbolisme prend toute sa signification.
Le baptême pour les morts, dit aussi baptême post-mortem, ou baptême par procuration, est le moyen par lequel les défunts peuvent recevoir ce sacrement. C’est dans le monde des esprits qu’ils reçoivent l’Évangile, mais ici-bas que le baptême est accompli pour eux.
La Bible et le baptême pour les morts
Cette doctrine apparaît-elle dans la Bible ? En 1 Corinthiens 15:29, on lit :
« Autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts ? Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ? »
Bien entendu, hors contexte, ce verset n'appuie ni ne rejette la doctrine du baptême pour les morts. Paul ne semble ici faire qu'un constat : la futilité d'un tel sacrement s'il ne devait y avoir de résurrection. Cependant, cette constatation est faite au cours d’un long plaidoyer sur la résurrection. Peut-on imaginer Paul, cet éminent apôtre, s'appuyer sur un rite hérétique pour enseigner une doctrine essentielle : la réalité de la résurrection ? Ce point de vue ne semble pas cohérent. Le détachement de Paul par rapport à « ceux qui se font baptiser pour les morts » ne signifie nullement que lui ou d'autres membres de l'Église ne l'aient pas pratiqué. Il peut faire référence à un événement précis, ou encore à une doctrine qui n'est pas encore connue et bien établie dans l'ensemble de l'Église.
Les commentateurs de la Bible ne donnent que peu de renseignements à ce sujet :
« Il est difficile de savoir ce qu’était ce baptême pour les morts. Les essais d’explication sont nombreux dans les commentaires. » (Crampon, 1923)
« Allusion à une pratique dont la nature exacte nous échappe, mais dont les Corinthiens pensaient qu’elle profitait aux morts de quelque manière. » (Osty, 1973)
« On ignore la nature exacte et le but de cette pratique. Paul ne porte pas de jugement sur sa valeur ; il constate qu’elle est absurde dans le cas où les morts ne ressuscitent pas. » (Traduction œcuménique de la Bible [TOB], édition intégrale, 1988)
« Il est probable que certains croyants s'inquiétaient pour leurs parents, morts sans avoir reçu l'annonce de l'Évangile, et se faisaient baptiser en leur nom. Paul ne dit pas ce qu'il pense de cette pratique. Il s'en sert seulement pour réaffirmer la résurrection. » (La Bible des Peuples, Fayard, 1998)
Baptême
post-mortem : pratiques et limites
Le but du baptême pour les morts est de permettre aux personnes décédées sans connaître le Christ, son Évangile et les sacrements divins, de pouvoir se présenter devant la justice et la miséricorde de Dieu en toute équité.
Sur sa pratique, je propose ci-dessous une série de questions auxquelles j’apporte une réponse :
Q : Où se pratique le baptême pour les morts ?
R : Dans les temples de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Pendant une courte période de la première moitié du XIXe siècle, alors qu'aucun temple n'avait encore été construit pour administrer ce sacrement, il a été pratiqué dans des cours d’eau. Seuls les membres dignes de l’Église sont autorisés à entrer dans les temples et à être baptisés par immersion pour ceux qui ont quitté cette vie sans connaître l'Évangile.
Q : Comment se déroule un baptême pour les morts ?
R : Comme un baptême pour une personne vivante : par immersion. Le baptiseur et le baptisé descendent dans un bassin rempli d’eau, au niveau inférieur du temple, et le baptiseur immerge la personne qui représente le défunt. Il le fait au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Il agit en vertu de la prêtrise supérieure, ou prêtrise de Melchisédek.
Q : Pourquoi baptisez-vous à titre post-mortem ceux qui ont déjà été baptisés dans une Église chrétienne ?
R : Pour qu’un baptême soit reconnu par Dieu, il doit être pratiqué par immersion et doit être administré par quelqu’un qui en a reçu l’autorité. Cette autorité a été rétablie en 1829 par des messagers célestes.
Q : N'est-ce pas une façon d’imposer le baptême à nos ancêtres ?
R : Le baptême n'a d'effet sur le défunt que s’il accepte l’Évangile dans le monde des esprits et désire en recevoir les sacrements. La personne décédée est libre d'accepter ou de refuser le baptême accompli en sa faveur. Pour qu’un baptême soit valide, son bénéficiaire doit le désirer et l’accepter.
En réalité, de nombreux esprits attendent depuis longtemps de recevoir le baptême accompli par procuration dans les temples construits à cette fin à notre époque et dans le passé. Les personnes qui s'opposent à ce qu'un de leurs ancêtres reçoive ce sacrement prennent le risque de faire un choix contraire à leur ancêtre, de freiner sa progression et de lui enlever ainsi sa liberté.
Q : Comment sait-on qu'un défunt a accepté l'Évangile dans le monde des esprits ?
R : Dieu seul le sait, à moins qu’il décide de le révéler. Notre rôle de membre de l’Église consiste à identifier nos ancêtres et à être baptisé pour eux par ceux qui en ont reçu l'autorité. Cela concerne tous ceux de nos ancêtres que nous pouvons identifier : le baptême est accompli pour tous, quelle qu’ait été leur vie. Le Seigneur jugera de la valeur du baptême administré en leur faveur, en fonction de leurs choix faits dans la chair et de leur désir d’accepter et de vivre dorénavant selon l’Évangile de Jésus-Christ. Il en est de même du baptême des vivants : ce n'est pas parce qu'on est baptisé qu'on vit à la hauteur de ce sacrement et qu'il sera nécessairement salvateur.
Q : J'ai appris qu'un de mes ancêtres avait reçu le baptême dans un temple mormon. Comment cela se fait-il, alors que je ne l'ai pas demandé ?
R : Parce qu’un autre de ses descendants, probablement membre de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, s'en est occupé.
Q : D'autres sacrements sont-ils pratiqués à titre post mortem dans les temples ?
R : Au temple, tous les sacrements dispensés aux vivants le sont également aux défunts. Quelle que soit la nature du sacrement, pour qu’un défunt le reçoive, des vivants doivent y travailler. Le défunt, quant à lui, ne bénéficie de l’œuvre accomplie en sa faveur que s’il le désire et l’accepte.
Une
doctrine juste et miséricordieuse
La doctrine de l'oeuvre pour les morts est le moyen préparé par le Seigneur de permettre à tous ses enfants de recevoir les bénédictions de son Évangile quels que soient l’époque et le lieu où ils auront vécu. Ce moyen à la fois juste et miséricordieux donne à chacun l’occasion d'accepter l’Évangile de Jésus-Christ et d’en recevoir les bénédictions.
L’oeuvre pour le salut des défunts ne nous dispense pas de la responsabilité de vivre dès à présent selon l’Évangile du Christ, si l’occasion nous est offerte de le recevoir. On ne peut le rejeter consciemment ici-bas et en recevoir toutes les bénédictions dans l’au-delà.
L’Évangile n’est pas non plus une formalité de dernière minute. Intégrer les enseignements du Maître pour se préparer à vivre en sa présence est l’affaire de toute une vie.
Assurément, le plan de Dieu pour ses enfants comprend à la fois le présent et la vie à venir. Comme l’a écrit Paul aux Corinthiens :
Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes. (1 Corinthiens 15:19)
Première
parution : 8 octobre 2003
Mise à jour : 21 mai 2004
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