Quatre
grandes clés pour un bon dirigeant
Stephen
R. Covey
Président
de la Mission irlandaise de 1962 à 1965
Discours
paru dans L'Étoile de novembre 1965
Le
grand philosophe naturaliste, Henry David Thoreau, a dit avec sagesse :
« On donne mille coups de hache aux feuilles du mal pour un
coup de hache aux racines ». Prenez du recul. Regardez
longuement les problèmes que vous affrontez. Quels incendies
essayez-vous d’éteindre ? Beaucoup de préparatifs
dare-dare de dernière minute ? La recherche de la petite bête
? Quelqu’un vous a laissé tomber ? La plupart des
ennuis, des maux de tête et des coups ratés ne sont que
les feuilles d’un grand arbre. Trop de manques de
communication. Trop peu de préparatifs à longue portée.
Trop de « gouvernement de crise ». Au lieu de travailler
au niveau des feuilles ou des symptômes, si vous travailliez au
niveau des racines ou des causes ? Que préférez-vous ?
Prévenir ou guérir ? Attention ! Votre problème
réel existe et sera résolu dans les processus qui
sous-tendent le gouvernement et l'administration. Ce ne sont pas les
problèmes visibles, mais les invisibles comme les grands
icebergs qui se trouvent sous la surface de l’eau.
Courage
! Sondez votre propre cœur et évaluez-vous en utilisant
pour critères les quatre grandes clefs suivantes du
gouvernement. Reprenez courage. Tournez avec humilité ces
quatre clefs dans votre cœur. Vous verrez, au cours des
semaines et des mois, que vous vous attaquez réellement aux
racines de vos problèmes. Êtes-vous disposés ? Il
faudra une volonté de fer. Il faudra cultiver de nouvelles
attitudes et de nouvelles habitudes de gouvernement qui exigeront de
la concentration, de la patience et une persévérance
obstinée dans leur pratique. Ce ne sera pas facile. Vous
resterez quelque temps seuls. Toujours disposés ? Mettons-nous
au travail.
PREMIÈRE
GRANDE CLEF : LA PLANIFICATION
«
Les guerres se gagnent dans la tente du général. »
La planification doit être de deux espèces : à long
terme et à court terme. C’est le planning à long
terme que l'on doit faire en premier et qui est le plus important. Si
on le fait correctement, le planning à court terme suivra
naturellement et aisément. Premièrement, préparez
votre calendrier général pour l’année.
Quelles sont les manifestations principales ? Les manifestations
secondaires ? Deuxièmement, faites vos plans pour les
préparatifs qu’il faut entreprendre maintenant (où
? pourquoi ? qui ? comment ?) pour éviter les gros efforts
exténuants de dernière minute pour respecter les dates
limites. Le planning à court terme comprend les détails
et les préparatifs pour les réunions.
Établissez
soigneusement l’ordre du jour des réunions. Envoyez-le
plusieurs jours à l’avance, à ceux qui
assisteront à la réunion pour que chacun puisse venir
prêt à faire rapport et à discuter avec sagesse.
Après les réunions, envoyez des procès-verbaux
complets et précis, avec des tâches pour chaque membre
participant.
L’ordre
du four de vos réunions doit comprendre :
1.
Révision : rapports sur tâches données,
discussion des correspondances importantes.
2.
Planning à court terme détaillé sur les
activités et les problèmes de la semaine ou du mois.
Qui doit faire quoi ? quand ? Où ? Comment ?
3.
Planning à long terme en considérant la question
fondamentale : Quels sont les problèmes « de racine »
que nous devons affronter ? Comment pouvons-nous mieux former ? Faire
participer davantage ? Augmenter l’unité ? La
spiritualité ? Le planning à long terme est créateur.
Il demande de la concentration et une foi véritable en sa
valeur. La tendance naturelle, qui est souvent une tendance
habituelle, est de se laisser embourber dans les détails et de
négliger cette activité mentale créatrice
essentielle. « Les choses les plus importantes ne doivent
jamais être à la merci de celles qui le sont le moins. »
Le
planification est un art. Comme tout art on ne l’acquiert qu’en
le pratiquant continuellement. Exercez-vous donc à la
planification : vos résultats vous stupéfieront
littéralement.
LA
DEUXIÈME GRANDE CLEF : LA COMMUNICATION
Il
n’y a de communication que si elle est à double sens. La
communication est simplement de la compréhension mutuelle.
Dirigeants, la communication est le pain et l’eau de votre
activité. Vous devez cultiver la capacité de comprendre
et d'être compris. La plupart des problèmes humains sont
des problèmes de compréhension ou des malentendus.
Prenez note.
1.
Les communications verbales importantes, surtout les tâches,
doivent être suivies de communications écrites claires,
tous les intéressés en recevant un exemplaire. Adoptez
ensuite un système de rapport régulier sur ces tâches.
Ce système de tâches et rapports est excellent et
donnera à votre organisation tout entière un sentiment
d’intendance et de responsabilité. Il engendrera
l'unité, la spiritualité, le soutien, l’obéissance,
l’humilité et le respect (gardez une copie de toutes les
communications écrites, feuilles de tâches, ordres du
jour, rapports, pour références ultérieures).
2.
Quand des changements et des adaptations sont nécessaires dans
un programme, veillez que tous les intéressés soient
avertis suffisamment tôt par des communications spécifiques.
Tout le monde se sentira pleinement au courant et saura ce qu’on
attend de lui. Sinon, il y en a qui se sentiront négligés
ou frustrés ou perdront foi en l’intégrité
et en la valeur du programme et de ses dirigeants. Froisser et
décevoir ceux dont la foi est tendre peut les détourner
tout à fait. Plus importante que les techniques de
communication est l’attitude de communication : la disposition
à écouter pour comprendre. Évitez les jugements
téméraires. Utilisez la troisième oreille qui
peut entendre les sentiments du cœur.
TROISIÈME
GRANDE CLEF : ASSURER LE SUIVI
1.
Votre meilleur instrument dans ce domaine est la liste de contrôle
qui contient tous les points que l’on doit envisager quand on
accomplit une tâche ou un projet. Elle doit être aussi
détaillée que possible. Par exemple, un bal réclamera
de la publicité, l’arrangement des locaux, les
amusements, les rafraîchissements, la musique, etc. Ensuite on
peut répartir plus encore chacun de ces domaines.
2.
Deuxième instrument : Fixez la responsabilité sur une
seule personne. « Ce qui est la responsabilité de tout
le monde n’est la responsabilité de personne. »
Cette personne peut tenir pour responsables d’autres personnes
désignées pour donner suite aux tâches assignées,
mais vous ne contrôlerez que par elle. Ne passez pas par-dessus
sa tête… à moins que vous ne vouliez reprendre la
responsabilité. Elle se sentira respectée, estimée
et soutenue. La confiance est le mobile le plus fort. Cultivez la
philosophie qu’il faut finir ce qu’on a commencé :
« il n'y a pas d'excuses ». Acquérez l’esprit
que donner des excuses ou rejeter la responsabilité sur autrui
ou se plaindre est sans valeur et négatif. Quand vous faites
rapport de réunions, développez cet esprit qui fera
dire à chacun, soit : « j’ai accompli la tâche
», soit : « je n’ai pas accompli la tâche,
mais je le ferai pour (une certaine date) » et non : «
Ben, il est arrivé ceci » ou « Frère Dupont
m’a laissé tomber » ou « je ne savais pas »,
etc. Si on applique constamment cette philosophie, avec le temps on
acquerra un sens profond des responsabilités et cela
provoquera presque de force la planification à long terme et
des communications efficaces dans les deux sens. Nous entendons
parfois des gens se plaindre : « On m’a laissé
tomber » ou « On ne peut pas compter sur eux ».
C’est pour cela même que vous êtes dirigeants :
pour former ceux sur qui on ne peut pas compter. Si on pouvait déjà
compter sur les gens, ils n’auraient pas besoin de formation.
C’est justement parce que souvent on ne peut pas compter sur
eux qu’ils ont besoin de votre formation, de votre aide et de
votre direction.
3.
Troisième instrument : Apprenez à utiliser les tableaux
et les schémas visuels qui donnent l’image claire de
tous les progrès aussi bien que des plans futurs. Cela
provoquera et entretiendra le sentiment d’avoir accompli
quelque chose. Pourquoi des tableaux et des schémas visuels ?
Vous seriez étonnés de voir à quel point
certaines personnes comprennent peu ce qui est attendu d’elles
et du but que vous poursuivez. Plutôt que d’avoir «
l’air bête » elles gardent souvent le silence et
vous croyez qu’elles ont compris. En outre, on se souvient
beaucoup plus de ce que l’on voit que de ce que l’on
entend. L’un ne peut réussir sans l’autre.
Pour
réussir à tout cela, vous devez changer d’habitudes
: d’habitudes de pensée et d’action, d’habitudes
profondément enracinées. Ce n’est pas chose
facile. Comprenez pourquoi il peut y avoir de la résistance,
de la peur et des doutes sur soi-même. Beaucoup de gens n’ont
tout simplement jamais appris à faire des plans, même
pour leur propre avenir. Beaucoup n’ont jamais appris à
communiquer avec leur femme ou leurs enfants ou même avec
eux-mêmes. Que dire alors de toute une organisation ! Beaucoup
n’ont jamais porté de responsabilité ni ont été
tenus pour responsables. Ce gouvernement nouveau de la planification,
de la communication et du contrôle des opérations peut
effrayer et froisser. Ou il peut aider d’une manière
fantastique ! Tout dépend de l’application de la clef
suivante, de loin la plus importante.
QUATRIÈME
GRANDE CLEF : L’ATTITUDE DE FOI, DE COMPRÉHENSION,
D’APPRÉCIATION ET D’INTÉGRATION
La
réaction naturelle aux situations où les
responsabilités excèdent les capacités est la
lutte ou la fuite. La réponse de l’Évangile : la
foi plus les œuvres. Dans l'Église, vos responsabilités
spirituelles sont toujours plus grandes que vos capacités
naturelles, parce que vous avez affaire à des forces et à
un objectif spirituels. La foi commence quand « c’est
impossible ». En votre qualité de dirigeants, vous devez
comprendre pourquoi les gens critiquent, présentent des
excuses ou se servent de diverses échappatoires. Ne devenez
pas critiques vous-mêmes, n’échappez pas à
votre responsabilité de comprendre, former, éduquer,
inspirer, aider. Comprenez que les gens ne peuvent agir qu’à
partir de leurs propres expériences. Vous devez leur donner
l’expérience des attitudes divines. Il est futile de
critiquer ou de traiter quelqu’un « d’incapable »
ou de juger quelqu’un en disant qu'il est « tel genre »
de personne. Vous ferez usage de votre foi en Dieu si vous croyez en
ses enfants et en leurs possibilités illimitées. Vous
avez le devoir d’apprendre les processus qui permettent de
libérer ce potentiel. Ces processus exigent spirituellement
beaucoup de vous. Ils comportent un effort constant et réel
pour comprendre. Cela demande du temps, de la patience et de
l'humilité. Vous devez apprendre à écouter et à
vous mettre à la place des autres. Pour cela, il faut accepter
les gens tels qu’ils sont, apprécier chacun de leurs
efforts, reconnaître le travail bien fait, affirmer leur droit
à l’individualité, à avoir des sentiments
et des idées personnelles.
Apprenez
à intégrer les gens aux décisions dès le
stade de la planification. Seule la participation sincère à
l’effort fera intervenir les potentiels et leurs désirs
les plus grands. Accepter, comprendre, apprécier, intégrer,
tout cela constitue une expérience divine qui élèvera
et édifiera.
Quand
vous vous contentez de donner à un autre humain l’expérience
du jugement, de la critique ou du rejet, qu’avez-vous fait ?
Vous avez dressé des barrières défensives, brisé
les communications, provoqué les conflits, les fuites et les
ressentiments. La foi et le respect sont des prophéties qui
s’accomplissent elles-mêmes. Comme le disait Goethe : «
Traitez les gens comme ils sont, et ils resteront ce qu’ils
sont. Traitez les gens comme ils peuvent et doivent être, et
ils deviendront ce qu’ils peuvent et doivent être ».
Dirigeants, voulez-vous une expérience merveilleuse ? Agissez,
pendant un mois, sur la base des quatre suppositions suivantes et
observez ce qui se passe. Vous serez joyeusement surpris.
1.
Partez du principe que les autres sont de bonne foi. N’incriminez
pas leurs mobiles. Partez du principe qu’à leur point de
vue ils ont raison. Partez du principe qu’ils font de leur
mieux, comme ils le voient, peut-être pas comme vous le voyez.
Quand les communications sont interrompues et que de mauvais
sentiments se développent, Partez du principe que les autres
font de leur mieux, et ensuite allez les trouver et discutez-en.
Éclaircissez les choses. Ne croyez pas aux rumeurs. Allez
vous-mêmes à la source et discutez-en. Les gens cessent
de lutter quand on les accepte tels qu’ils sont. Les défenses
tombent lorsqu’ils sentent votre intérêt sincère
et votre désir de comprendre et d’aider plutôt que
de juger et de rejeter.
2.
Partez du principe que l’on peut tourner à l’avantage
du Seigneur toutes les situations négatives et tous les
ennuis. Quand vous entendez une plainte, un obstacle ou un problème,
demandez : « Comment pouvons-nous tourner ceci à
l’avantage du Seigneur ? » Puis discutez-en sérieusement.
Vous vous apercevrez que vous êtes en train de penser et de
parler positivement d’une situation dite négative. La
puissance de réalisation d’un esprit positif est
incroyablement grand. Il est comme l’esprit du Seigneur, le
grand Créateur. Le Malin inspire des pensées négatives
et le défaitisme. De même que la foi sans les œuvres
est morte, de même les œuvres sans la foi sont mortes.
3.
En fin de compte tous les problèmes sont spirituels et non
techniques, financiers ou pratiques (2 Néphi 3:7). Puisque le
problème ultime est spirituel — un problème de
désir et de foi — la solution ultime doit également
être spirituelle — une conversion plus grande à
l’Évangile, au programme de l'Église. Pour cela
il faut enseigner, de la patience, rendre témoignage, exprimer
de l’amour et de l’appréciation. Attendre trop des
autres et juger avec trop de dureté décourage les gens
d’essayer, de participer, de « se jeter à l’eau
», parce que ces efforts impliquent le progrès par
l’essai et l’erreur et la critique possible. « Il
est plus sûr de ne rien faire. » Souvenez-vous que la
plus grande de toutes les choses est l’âme humaine et que
l’Évangile, ses principes et le programme de l'Église
n’ont été créés que pour aider
l’âme humaine dans sa progression divine. Ne confondez
jamais les moyens et les fins, ne vous concentrez jamais davantage
sur les programmes que sur les gens.
4.
Vos problèmes commencent tout d’abord dans votre propre
cœur. « Garde ton cœur plus que toute autre chose.
Car de lui viennent les sources de la vie » (Proverbes 4:23).
Ayez le courage de regarder tout d’abord ce qu’il y a
dans votre cœur. Invoquez ardemment le Seigneur. Demandez-lui
de vous révéler vos faiblesses (voir Éther
12:27). Ceci réclame une prière privée profonde
et sincère qui vient du cœur. Plus que toute autre
chose, votre humilité sincère et votre grand courage
pour regarder ce qu’il y a dans votre cœur et tourner la
clef qui s’y trouve inspireront les autres à regarder en
eux-mêmes et à tourner la clef qui se trouve dans leur
cœur.
RÉSUMÉ
Ces
quatre grandes clefs ou activités ne prendront probablement
pas plus de 25% de votre temps et cependant elles influenceront de
manière dynamique 90% ou plus des succès de votre
gouvernance. Prenez la décision de les utiliser. Faites-en une
habitude. Enfoncez profondément vos racines spirituelles eu
buvant profondément à la source divine de la prière
sincère quotidienne et de l’étude des Écritures
et en négligeant les sources profanes. Alors, lorsque les
temps difficiles viendront, vous ne serez pas déracinés
ni emportés. De la spiritualité profonde découlera
de l’intérieur le pouvoir d’aimer vos gens,
d’avoir foi en eux, de les intégrer, de les apprécier
et de les comprendre. À partir de là, vous développerez
les puissants talents de planifier, de communiquer et de donner suite
à ce qui a été entrepris. Vous travaillerez
ainsi aux racines du succès plutôt qu’à des
feux de broussailles, des dates limites, des crises, des détails
énervants. Et vous découvrirez une vérité
spirituelle centrale : VOUS ENSEIGNEZ CE QUE VOUS ÊTES.