«
Voilà ta mère »
Thomas
S. Monson
Premier
conseiller dans la Première Présidence
Par
un jour d’été, je me trouvais seul dans la
quiétude du cimetière militaire américain des
Philippines. L’air tropical et tiède était
empreint de recueillement. Sur une pelouse soigneusement tondue,
étaient alignées, à perte de vue, des pierres
qui portaient le nom
d’hommes,
jeunes pour la plupart, qui avaient donné leur vie au combat.
En lisant les noms les uns après les autres sur les nombreuses
colonnes du mémorial, j’ai rapidement et sans aucune
honte eu les larmes aux yeux. En même temps, mon cœur
s’emplissait de fierté. Je mesurais le prix élevé
de la liberté et le lourd sacrifice que beaucoup avaient dû
consentir.
Mes
pensées se détournèrent de ceux qui avaient
servi avec bravoure et qui étaient morts avec courage. Je me
mis à penser à la douleur de la mère de chacun
de ces hommes décédés, serrant dans ses mains la
lettre qui lui annonçait le sacrifice suprême de son
fils bien-aimé. Qui peut mesurer le chagrin d’une mère
? Qui peut sonder la profondeur de l’amour d’une mère
? Qui peut comprendre toute la portée du rôle noble
d’une mère ? Accordant à Dieu une confiance
totale, elle marche la main dans la sienne dans la vallée de
l’ombre de la mort pour que nous puissions voir le jour.
Les
mots les plus saints que mes lèvres puissent exprimer
Les
pensées les plus nobles que mon âme puisse concevoir
Ne
suffiraient pas à louer
Le
nom le plus précieux de tous.
Nouveau-né,
j’ai senti son amour,
Un
homme maintenant, je le ressens toujours.
Je
prononce avec respect
Le
nom béni de Maman.
(George
Griffith Fether, « The Name of Mother », dans Best Loved
Poems of the LDS People, édité par Jack M. Lyon et
d’autres, 1996, p. 218)
Dans
le même esprit, pensons aux mères. Quatre situations me
viennent à l'esprit : les mères oubliées, celles
dont on se souvient, celles qui sont bénies et celles qui sont
aimées.
Les
mères oubliées
Bien
trop souvent, on voit des « mères oubliées ».
Il y en a tant dans les maisons de retraite et dans les hôpitaux.
Les jours passent, souvent les semaines et les mois, mais pas de
visite. Ne pouvons-nous pas comprendre la solitude poignante, les
attentes du cœur d’une mère quand, au fil des
heures, isolée dans sa vieillesse, elle guette à la
fenêtre la venue de l’être cher qui ne passe pas la
voir, le courrier que le facteur n’apporte pas ? Elle attend
qu’on frappe à la porte, que le téléphone
sonne et qu’on vienne lui parler, en vain. Que ressent cette
mère lorsqu’une voisine accueille avec joie son fils qui
lui sourit, sa fille qui l’embrasse ou un enfant qui s’écrie
tout joyeux : « Bonjour Mamie ! »
Nous
oublions aussi notre mère d’autres façons. Chaque
fois que nous chutons, chaque fois que nous ne faisons pas tout ce
que nous devons faire, nous l’oublions d’une manière
bien réelle.
Je
me souviens d’une conversation que j’ai eue avec la
directrice d’une maison de retraite. De l’entrée
où nous étions, elle me montra plusieurs femmes âgées
qui étaient assises dans le calme d’un salon. Elle me
dit : « Cette dame s’appelle madame Hansen. Sa fille
vient la voir tous les dimanches, à quinze heures précises.
À droite, c’est madame Peek. Tous les mercredis, elle
reçoit une lettre de son fils qui vit à New York. Elle
la lit, la relit, puis la conserve précieusement comme un
trésor. Mais regardez madame Carroll : sa famille ne lui
téléphone jamais, ne lui écrit jamais et ne lui
rend jamais visite. Elle essaie bien de justifier patiemment cette
négligence en disant : « ils sont tous si occupés
», mais cela ne convainc personne et n’excuse rien.
Honte
à tous ceux qui oublient ainsi une mère noble. «
Écoute ton père, lui qui t’a engendré »,
a écrit Salomon, « et ne méprise pas ta mère,
quand elle est devenue âgée » (Proverbes 23:22).
Ne pouvons-nous donc pas nous souvenir de notre mère au lieu
de la délaisser ?
Les
mères dont on se souvient
Les
hommes se détournent du mal et s’attachent à ce
qu’il y a de meilleur en eux lorsqu’ils se souviennent de
leur mère. Lorsqu’on demanda au colonel Higginson,
célèbre officier de l’époque de la guerre
de Sécession, quel était l’événement
qu’il considérait comme le plus
représentatif
de la bravoure, il répondit qu’il y avait dans son
régiment, un homme aimé de tous, courageux et noble,
pur dans sa vie quotidienne et exempt de toutes les mauvaises
habitudes qu’avaient la plupart des autres hommes.
Un
soir, lors d’un dîner au champagne, alors que de nombreux
hommes étaient déjà ivres, quelqu’un
demanda pour plaisanter à ce jeune homme de porter un toast.
Le colonel Higginson rapporte que ce jeune homme se leva, pâle
mais parfaitement maître de lui pour déclarer : «
Messieurs, je vais porter un toast pour lequel vous pourrez boire ce
que vous voudrez, mais moi, je boirai de l’eau. Je veux porter
un toast à nos mères ! »
Immédiatement,
un charme étrange descendit sur tous ces hommes un peu ivres.
Il burent leur toast silencieusement. Plus personne ne riait, ni ne
chantait, et ils quittèrent la pièce l’un après
l’autre. La lampe du souvenir s’était allumée,
et le nom de Mère avait touché
le
cœur de chacun.
Je
me souviens bien de l’Ecole du dimanche du jour de la fête
des mères quand j’étais enfant. Nous donnions à
chaque mère présente une petite plante en pot, puis
nous restions assis dans une douce rêverie pendant que Melvin
Watson, un frère aveugle, chantait, debout près du
piano : « Ma mère est merveilleuse ». C’est
la première fois que j’ai vu un aveugle pleurer.
Aujourd’hui
encore, je revois les larmes couler de ses yeux qui ne voyaient rien,
former de minuscules sillons, glisser sur ses joues, pour finalement
tomber sur le revers du costume qu’il n’avait jamais vu.
Avec mon étonnement d’enfant, je me demandais pourquoi
tous les hommes se taisaient, pourquoi tant de personnes sortaient
leur mouchoir. Aujourd’hui, je sais : Chacun se souvenait de sa
mère. Chaque garçon, chaque fille, chaque père
et chaque mari semblait faire ce vœu silencieux : « Je me
souviendrai de ma merveilleuse maman. »
Il
y a quelques années, j’ai écouté avec
attention l’histoire qu’un homme qui avait largement
dépassé la cinquantaine m’a racontée. La
mère, devenue veuve, qui l’avait mis au monde ainsi que
ses frères et sœurs, s’en était allée
vers sa récompense éternelle et bien méritée.
La famille s’était réunie à la maison et
s’était assemblée autour de la grande table de la
salle à manger.
Quelqu’un
ouvrit avec révérence la petite boîte de métal
dans laquelle leur mère gardait ses trésors terrestres.
On sortit chaque trésor un par un. Il y avait le certificat de
mariage du Temple de Salt Lake City. « Oh, maintenant, maman
peut être avec papa ». Puis il y avait l’acte de
propriété de l’humble maison dans laquelle chaque
enfant était arrivé à sa naissance. La valeur
commerciale de la maison n’était rien en comparaison de
la valeur que leur mère lui donnait.
Puis
ils trouvèrent une enveloppe jaunie par le temps. Ils
l’ouvrirent avec précaution et en retirèrent une
carte de la Saint-Valentin faite à la main. Il y avait un
message tout simple, écrit par un enfant, qui disait : «
Je t’aime Maman». Même morte, cette mère
leur avait une fois de plus enseigné une leçon grâce
à ce qui avait de la valeur à ses yeux. Le silence
régnait dans la pièce et chaque membre de la famille
fit le vœu, non seulement de se
souvenir
de sa mère, mais aussi de l’honorer.
Les
mères qui sont bénies
Maintenant
que nous avons parlé des mères dont on se souvient,
tournons-nous vers celles qui sont bénies. Je vais vous citer
l’un des exemples les plus beaux et qui inspirent le plus de
respect, rapporté dans les Saintes Écritures.
Dans
le Nouveau Testament de notre Seigneur, nous n’avons peut-être
aucun récit sur les mères bénies qui soit plus
touchant que celui où le Maître agit avec une grande
tendresse envers la veuve de Naïn.
«
Jésus alla dans une ville appelée Naïn ; ses
disciples et une grande foule faisaient route avec lui. Lorsqu’il
fut près de la porte de la ville, voici, on portait en terre
un mort, fils unique de sa mère, qui était veuve ; et
il y avait avec elle beaucoup de gens de la ville. Le Seigneur
l’ayant vue, fut ému de compassion pour elle, et lui dit
: Ne pleure pas ! Il s’approcha et toucha le cercueil. Ceux qui
le portaient s’arrêtèrent. Il dit : Jeune homme,
je te le dis, lève-toi ! Et le mort s’assit, et se mit à
parler. Jésus le rendit à sa mère. » (Luc
7:11-15)
Quelle
puissance, quelle tendresse, quelle compassion a montrées
notre Maître et Exemple ! Nous aussi, nous pouvons être
une bénédiction dans la vie des autres si nous suivons
son noble exemple. Il y a des occasions partout. Il nous faut des
yeux capables de voir les situations pitoyables, des oreilles pour
entendre les appels au secours silencieux des coeurs brisés,
oui, et aussi une âme remplie de compassion, pour pouvoir
communiquer non seulement d’oeil à oeil, ou de bouche à
oreille, mais de la manière royale du Sauveur, c’est à
dire de cœur à cœur. Ainsi, chaque mère, où
qu’elle soit, sera une mère qui sera bénie.
Les
mères qui sont aimées
Pour
terminer, regardons des mères qui sont aimées. Le poème
intitulé « Qui aime le mieux », que j’ai
entendu lorsque j’étais enfant, s’applique à
tous et il est apprécié par les
enfants,
même ceux d’aujourd’hui.
«
Je t’aime, maman », dit le petit Jean.
Mais
oubliant le travail confié par maman
Il
se rend au jardin pour s’y balancer
Et
lui laisse l’eau et le bois à porter.
«
Je t’aime, maman, dit Rosine Aguire
Je
t’aime plus que je ne peux le dire. »
Mais
elle taquine et ronchonne tant et tant
Que
maman est contente de voir sortir l’enfant.
«
Je t’aime, maman », dit la jolie Virginie.
«
Je vais t’aider aujourd’hui, c’est promis.
«
Il n’y a pas école. Je peux rester ici ! »
Elle
berce bébé jusqu’à ce qu’il soit
endormi.
Elle
s’arme d’un balai et nettoie sans un bruit,
Elle
travaille tout le jour, avec joie, ardemment,
Heureuse
et serviable comme sait l’être un enfant.
«
Je t’aime, maman », ont-ils tous répété,
ces
trois petits enfants avant de se coucher.
Mais,
selon vous, pour maman,
Lequel
l’aimait le mieux, de ces petits enfants ?
(Joy
Allison, dans Best-Loved Poems of the LDS People, p. 217-218)
Un
moyen sûr de vraiment montrer de l’amour à notre
mère est de vivre les vérités qu’elle nous
a enseignées avec tant de patience. Ce noble but n’est
pas réservé à notre époque. Dans le Livre
de Mormon, nous lisons l’histoire d’un dirigeant
courageux, bon et généreux
nommé
Hélaman qui a mené 2000 jeunes hommes à une
juste bataille. Hélaman décrit les occupations de ces
jeunes hommes :
«
Jamais je n ’avais vu autant de courage… [quand] ils me
dirent : Père, voici, notre Dieu est avec nous et il ne permettra pas que nous succombions ; aussi, allons… Or, ils ne
s’étaient jamais battus, cependant, ils ne craignaient
point la mort… oui, ils avaient appris
de
leurs mères que s’ils ne doutaient point, Dieu les
délivrerait. Et ils me répétèrent les
paroles de leurs mères, disant : Nous ne doutons pas que nos
mères le savaient. » (Alma 56:45-48)
La
bataille terminée, Hélaman continue sa description : «
Voici, à ma grande joie, pas une âme parmi eux n’était
tombée ; oui, et ils s’étaient battus, comme
s’ils avaient été armés de la puissance de
Dieu ; oui, et jamais on n’avait vu hommes se battre avec une
force si miraculeuse… [et] avec tant de puissance »
(Alma 56:56). Une force miraculeuse, une puissance énorme :
l’amour de leurs mères et leur amour pour leurs mères
s’étaient conjugués et avaient triomphé.
Les
Saintes Écritures, les manuels d’histoire, sont pleins
de récits tendres, émouvants et frappants sur les mères
qui sont aimées. Il en est un, cependant, qui surpasse tous
les autres. Il se passe à Jérusalem, à l’époque
qu’on appelle le midi des temps. Une foule de soldats romains
est assemblée. Leur casque témoigne de leur loyauté
envers César, leur bouclier porte son emblème, leur
lance est couronnée de l’aigle romain. Les natifs du
pays de Jérusalem sont aussi assemblés. Les cris
violents et agressifs « crucifie-le, crucifie-le » se
sont évanouis dans la nuit calme et ont disparu.
L’heure
est venue. Le ministère terrestre du Fils de Dieu avance
rapidement vers sa fin tragique. Une certaine solitude se fait
sentir. Il n’y a nulle trace des mendiants infirmes qui
marchent grâce à cet homme, ni des sourds qui entendent
grâce à lui, ni des aveugles qui voient grâce à
lui, ni des morts qui sont revenus à la vie grâce à
lui.
Il
reste encore quelques fidèles disciples. De l’ignoble
croix, où il souffre terriblement, il voit sa mère et
auprès d’elle le disciple qu’il aime. Il leur dit
: « Femme, voilà ton fils ! Puis il dit au disciple :
Voilà ta mère ! » (Jean 19:26-27)
Depuis
cette heure horrible où le temps s’est arrêté,
où la terre a tremblé et où les montagnes ont
été aplanies, oui, dans toutes les annales de
l’histoire, à travers les siècles et par delà
le temps écoulé, on entend encore l’écho
de ses mots simples mais divins : « Voilà ta mère
».
Si
nous écoutons vraiment ce doux commandement et que nous y
obéissons avec joie, nous n’oublierons plus jamais notre
mère. Il y aura partout des mères dont on se souvient,
des mères qui sont bénies et des mères qui sont
aimées, et, comme au commencement, Dieu regardera une nouvelle
fois l’œuvre de ses mains et sera poussé à
dire que cela était « très bon » (Genèse
1:31).
Chérissons
tous cette vérité : Nul ne peut oublier sa mère
et se souvenir de Dieu. Nul ne peut se souvenir de sa mère et
oublier Dieu. Pourquoi ? Parce que ces deux personnes sacrées,
Dieu et notre mère, partenaires dans la création, dans
l’amour et dans le sacrifice, sont unies.
(L'Étoile,
avril 1998, p. 3-7)