VOYAGE AVEC UN PROPHÈTE MISSIONNAIRE

par James O. Mason



Lorsque l’on commença à avoir des conférences interrégionales, les réunions avaient lieu dans une seule ville à la fois, comme Manchester, Mexico ou Munich. Le voyage jusqu’à la conférence et le retour chez soi constituaient un emploi du temps relativement simple à suivre pour les Autorités générales. Lorsque l’idée se développa d’apporter les conférences aux gens, particulièrement sous la direction du président Spencer W. Kimball, cela impliqua de programmer cinq ou six conférences interrégionales à la suite. Cela rendait les programmes du voyage plus que trépidants : ils devenaient absolument épuisants.

En 1975, quand les plans de conférences interrégionales furent annoncés pour l’Asie, je fus quelque peu préoccupé et sentis qu'un médecin devait accompagner les Autorités générales, leurs épouses et les autres membres du groupe. Cela faisait un bon petit groupe qui voyageait ensemble et il semblait approprié d’avoir de l’aide médicale disponible si nécessaire. La recommandation d’avoir un médecin qui accompagnerait ceux qui se rendaient aux différentes conférences inter-régionales fut faite et acceptée.

En 1976, on me demande de venir en Europe à ce titre. Dès le début de notre voyage, je suis ému par l’attention dont le président Kimball et sœur Kimball font preuve à l’égard des autres qui voyagent avec eux. Quand ma femme et moi montons à bord de l’avion à Salt Lake City, nous prenons place à côté du président Kimball et derrière lui.

Quelques minutes après que l’avion a décollé et que la pancarte lumineuse des ceintures s'est éteinte, le président Kimball se tourne et nous demande : « Êtes-vous bien installés ? » Je suis là pour le servir, lui et les autres qui voyagent avec lui, et cependant c’est lui qui se soucie de nous. Pendant tout le voyage, ce grand homme bon et amical s’intéresse au bien-être de ceux qui l’entourent. Sa chaleur et son aménité font du voyage avec lui un plaisir.

Après la première conférence à Paris, nous nous rendons à Helsinki, en Finlande. À Paris, le président a travaillé d’arrache-pied pendant trois jours. Il a été debout tôt chaque matin, a eu un emploi du temps très chargé toute la journée et s'est couché tard le soir. Ses responsabilités ont été plus prenantes que celles de n’importe quelle autre personne. Non seulement son travail a comporté la présidence et la direction, mais il a parlé pendant de longues périodes de temps à l’aide d’un interprète. Il a eu une conférence de presse épuisante, a eu des entretiens avec beaucoup d’autorités locales de l’Église et les a mises à part.

Nous prenons l’avion tard dans la soirée pour Helsinki. Il faut changer d’avion à Copenhague et nous traversons le hall de l’aéroport. Le président Kimball porte une valise qui contient ses costumes. J’ai une main libre et je l’aborde en disant : « frère Kimball, laissez-moi porter cela. » Il se retourne et dit : « Non, merci, il faut que ma présence ici serve à quelque chose. » Il est presque sérieux en exprimant humblement son désir de porter ses bagages ; il ne veut pas être à la charge de quiconque. Je suis impressionné par cette même belle attitude pendant tout le voyage.

À Dortmund (RFA), pendant la dernière conférence régionale de ce voyage, nous faisons halte dans un bel hôtel ancien. Le directeur est un prussien austère, grand et droit ; c’est un gentleman aux cheveux gris. À en juger par son apparence, il aurait bien pu être un officier dans l’armée. Le deuxième jour après notre arrivée à l'hôtel, le directeur fait le commentaire suivant à propos du président Kimball : « Chaque fois que cet homme traverse le vestibule, j’ai la chair de poule qui me gagne. » Il ressent l’esprit qui rayonne du président Kimball. Après avoir fait cette remarque, on le présenta au prophète. Le président Kimball lui parle brièvement et lui donne un manuel de soirées familiales et des dispositions sont prises pour qu’il reçoive les leçons missionnaires.

Le directeur de l'hôtel sera vivement influencé par ce très bref contact avec le prophète. Le jour de notre départ, nous montons à bord d’un autocar devant l’hôtel et nous faisons le tour du pâté de maisons en repassant devant l’hôtel à cause des rues en sens unique. Quand nous dépassons l’hôtel, cet homme qui a beaucoup de classe et de prestance se tient dehors sur le trottoir et agite son mouchoir blanc en signe d’au revoir pour le président Kimball. Il est remarquable que le directeur de l’hôtel ait pu sentir l’Esprit du Seigneur rien qu’en observant notre prophète traverser le vestibule de l’hôtel. Vous savez que le président Kimball ne paraît pas différent du reste d’entre nous. Certains peuvent ne pas penser qu’il y ait quoi que ce soit d’inhabituel dans son apparence, mais il y a un esprit inhabituel qu’il porte sur lui.

Après la conférence de Dortmund, tandis que la majeure partie du groupe rentre aux États-Unis, le président Kimball, le président Tanner et leurs épouses font route vers Berne (Suisse) avec quelques autres personnes. Les deux membres de la Première Présidence ont à faire un jour et demi supplémentaire dans le temple de Suisse. Cela fait alors quatorze jours qu’ils voyagent tout en participant à cinq conférences inter-régionales, constamment occupés. Nous prenons l’autocar qui nous mène de Berne à Zurich où nous devons prendre notre avion pour New York, puis pour Salt Lake City. C'est alors que je suis encore témoin de l’enthousiasme du président Kimball en action.

Jusqu'ici, il y a eu quatorze jours de voyage et de déplacement et, dans les 30 heures à venir, le prophète ne pourra pas se coucher et se reposer vraiment. Dans l’autocar, la plupart d’entre nous s’enfoncent dans leur siège et commencent à sommeiller. Je suis assis derrière le président Kimball et je m’attends à ce qu’il utilise cette heure pour prendre un repos bien mérité. Nous n’avons pas tout à fait atteint l’autoroute quand le président Kimball se lève et remonte le couloir pour s’asseoir sur le siège escamotable à côté du conducteur de l’autocar. Alors que je suis installé dans mon siège, presqu’épuisé, notre prophète qui a des raisons d’être plus fatigué que quiconque ne peut pas se reposer parce qu'il y a une personne dans le car à qui l’on n’a pas enseigné l’Évangile de Jésus-Christ.

En observant la scène, j’ai un sentiment de culpabilité : je me suis contenté de me tasser dans mon siège et de me reposer, mais le prophète, conscient de l'importance transcendante de l’œuvre missionnaire, ne laisse pas la fatigue émousser son désir ardent de faire part de l'Évangile aux autres.

Je me demande comment il va parler avec le chauffeur qui semble avoir peu de notions d’anglais. Le président Kimball ne parle pas l’allemand. Au début, ils ont quelques difficultés quand ils essaient de se parler. Après quelques minutes, cependant, ils sont tous les deux visiblement tout à fait capables de se comprendre. Mon inquiétude se reporte alors de la manière dont ils communiquent ensemble au fait de savoir si le chauffeur, tout en se tournant souvent vers le président Kimball, peut faire que l’autocar reste sur la route. On peut voir qu’il comprend et qu’il s’intéresse au message sincère du président Kimball. Leur conversation se poursuit jusqu’aux faubourgs de Zurich. Alors le président Kimball retourne vers son siège.

Quand l’autocar s’arrêta à l'aéroport de Zurich, le président Gary E. O'Brian, président de la mission suisse de Zurich, attend sur le trottoir. Le président Kimball va vers la portière de l’autocar quand elle s’ouvre. Il demanda au président O’Brian de monter à bord de l'autocar et tout en lui serrant la main, dit : « Président O’Brian, voici Mr… Voulez-vous me promettre que vous lui enseignerez l’Évangile ? » Le président O’Brian dit : « Oui, président. » Et le président Kimball dit alors : « Mr…, voici l’un de nos présidents de mission. Voulez-vous qu’il vous enseigne l’Évangile de Jésus-Christ ? » Et le chauffeur de car accepte.

(L'Étoile, juillet 1978, p. 23-25)