UN SOLDAT ENNEMI AU PUPITRE
À la déclaration
de la Deuxième Guerre mondiale, un frère allemand,
Herbert Klopfer, est appelé à présider la
Mission d'Allemagne de l'Est. À la même époque,
il est également mobilisé dans l'Armée
allemande. Il dirige alors les affaires de la Mission depuis le front
par l'intermédiaire de ses deux conseillers.
Le président Klopfer
est stationné à Esbjerg au Danemark lorsqu'un dimanche
avant Noël, loin de sa famille, il se sent seul. II veut
assister à une réunion de Sainte-Cène mais ne
sait pas s'il y a une branche de l'Église en ville. Il se dit
qu'il doit y en avoir une quelque part mais il ne parle pas danois.
Il marche alors dans les rues de la ville, revêtu de son
uniforme, en fredonnant un cantique, dans l'espoir d'être
remarqué par quelqu'un qui saurait le guider jusqu'à
l'église.
De fait, une petite fille
passe près de lui et lui demande en danois : « mormon ?
» Le voyant faire oui de la tête, elle le conduit jusqu'à
l'église. Ce faisant, le président Klopfer sait qu'il
risque sa vie, car s'il est vu par des officiers nazis en compagnie
d'ennemis dans leur service de culte, il peut être accusé
de trahison, ce qui est passible de la peine capitale. II prend
également un risque en remettant son ceinturon et ses armes au
président de branche à l'entrée et en acceptant
de donner un message de Noël pendant la réunion de
Sainte-Cène, qui plus est dans une langue ennemie, l'anglais.
Le lendemain, une jeune
fille danoise, membre de la branche, écrit : « Hier
soir, je suis allée à la branche. II y avait un
Allemand. Bien que beaucoup de Danois haïssent les Allemands,
nous avons éprouvé de l'amour pour cet homme. II s'est
adressé à l'assemblée en anglais. William Onan
Peterson a traduit. Il nous raconté qu'il y a un mois, il a
perdu tout ce qu'il avait, et que le siège de la mission a été
détruit. Mais il était reconnaissant que sa femme et
ses enfants soient sains et saufs. II a ensuite rendu témoignage
de la véracité de l'Église. C'était
merveilleux de voir un homme portant l'uniforme ennemi s'adresser à
nous avec tant d'amour. II était heureux d'être parmi
les saints. »
Quelques années plus
tard, en 1944, frère Klopfer est officier allemand en Russie.
Le 17 mai, il écrit à frère Olsen rencontré
à Esbjerg : « Cher frère Olsen, Il y a près
de deux mois que j'ai quitté le Danemark. Au cours de ces
semaines, j'ai vu l'horreur de la guerre, mais j'ai été
merveilleusement protégé des blessures et de la
maladie. Je suis reconnaissant au Seigneur pour ses nombreuses
bénédictions, et j'attends avec impatience le moment ou
j'aurai le bonheur de revoir les miens. Pour l'instant, ma femme et
mes enfants ont été protégés de la
terreur des raids quotidiens des avions ennemis au-dessus de
l'Allemagne. Je pense à vous et aux autres chers amis que j'ai
connus à Esbjerg. Je vous souhaite à tous bonne chance
pour l'avenir. Transmettez mes salutations à tous ceux que je
connais. Fraternellement. »
La lettre étant
écrite en anglais, en Russie, par un officier allemand
s'adressant à un homme vivant au Danemark, elle est censurée
par les autorités militaires allemandes et mettra des années
à parvenir à destination.
Vers la fin de la Deuxième
Guerre mondiale, prisonnier dans un camp au fin-fond de la Russie,
Herbert Klopfer meurt par manque de nourriture, alors qu'il fait
toujours fonction de président de la mission d'Allemagne de
l'Est.
(L'Étoile, février
1991, p. 25-27)