LES DEUX DERNIERS MISSIONNAIRES



Mission française, 1939

Le 3 septembre 1939, l'Angleterre et la France déclarent la guerre à l'Allemagne. À ce moment, tous les missionnaires qui ont plus de vingt mois de service sont renvoyés dans leurs foyers. Les autres iront en Suisse pour y finir leur temps de mission. Un visa a pu être obtenu pour seulement deux d'entre eux : Brigham Young Card et Gaston Chapuis, les autres retournent dans leur pays.

Brigham Young Card réside à Genève et préside au district suisse un peu de temps avant de retourner, lui aussi, aux États-Unis. Il ne reste que Gaston Chapuis, à Paris, pour prendre soin du quartier général de la mission et veiller à la publication du magazine L'Étoile. Gaston Chapuis, originaire de Suisse, est le dernier à rester au bureau de la Mission. Il transporte les archives de l'Église en sa possession à Bâle. Auparavant, Brigham Young Card, dernier missionnaire de Suisse et président du district suisse, contacte le président de la branche de Neuchâtel, Robert Simond et lui transmet toutes ses responsabilités avant de quitter l'Europe.

Au mois de mai suivant, les armées allemandes bousculent les forces françaises et s'emparent d'une grande partie du territoire national. Frère Chapuis ferme la Mission française au mois de juin, quitte Paris en compagnie de sa femme, traverse la France, l'Espagne et arrive au Portugal où il obtient passage sur un navire ralliant l'Amérique.

La direction des affaires de l'Église est alors laissée aux membres locaux. En France, un seul homme est capable d'assumer cette charge : Léon Fargier, président de la branche de Valence. Avant de quitter le sol français, Gaston Chapuis l'a placé à la tête de l'Église en France pour toute la durée de la guerre. Frère Fargier prendra soin dans toute la mesure du possible du troupeau évangélique qui lui est confié, soixante-quinze membres environ, éparpillés sur tout le territoire.

Chaque mois, il enverra un rapport aux Autorités de l'Église via frère Robert Simond, président de la branche de Neuchâtel et du district suisse, qui les envoie mensuellement avec les siens à Salt Lake City. Les rapports de Fargier sont censurés par les autorités allemandes. Elles concernent uniquement la marche des communautés.

Robert Simond ne peut sortir de Suisse et Léon Fargier encore moins de France. Salt Lake City reçoit ces rapports par le truchement du Portugal, mais les directives que l'Église envoie à frère Simond ne lui parviennent jamais. Elles sont arrêtées à la frontière des États-Unis par la sécurité militaire qui coupe toute correspondance avec l'Europe.

(Jean Lemblé, Dieu et les Français – Les saints des derniers jours francophones, éditions Liahona, Paris, 1986, p. 187, 211-213)