Pendant
que Joseph Smith, au cours des derniers mois de sa vie, devient un des hommes dont on parle le plus aux
États-Unis, ses ennemis jurés préparent sa
destruction à Nauvoo et à Carthage. Il y avait
parmi eux William Law, deuxième conseiller du prophète. Il est accompagné de William Marks, président
du pieu de Nauvoo, qui, dit-on, prend part aux conseils secrets de
l'Église, puis en fait rapport à l'ennemi.
Plusieurs
mois avant l'excommunication de William Law le 18 avril 1844, le
prophète déclare : « Je suis exposé
à des dangers beaucoup plus grands de la part de traîtres
parmi nous que des ennemis extérieurs, bien que les autorités
civiles et militaires, les prêtres et la population du Missouri
aient cherché pendant de nombreuses années à
attenter à ma vie ; et si je puis échapper à
la traîtrise ingrate des assassins, je peux vivre comme César
aurait pu vivre, s'il n'y avait un Brutus à ma droite. De
soi-disant amis m'ont trahi. Tous les ennemis sur la face de la terre
peuvent hurler et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour
provoquer ma mort, mais ils ne peuvent rien faire si certains qui
sont parmi nous et jouissent de notre compagnie, ont été
avec nous dans nos conseils, ont eu part
à
notre confiance, nous ont pris par la main, nous ont appelés
frères, nous ont salué d'un baiser, s'unissent à
nos ennemis, transforment nos vertus en péchés, par la
tromperie et le mensonge, excitent leur colère et leur
indignation contre nous, et font peser leur vengeance unie sur notre
tête… Nous avons un Juda parmi nous. » Et il
y en a pas seulement un, mais plusieurs.
L'histoire
de deux jeunes gens, Denison L. Harris et Robert Scott, révèle
quelque chose de la nature de la conspiration qui existe au sein de
l'Église contre le prophète. Ces deux jeunes gens, qui
n'ont alors que dix-sept ans, sont invités
à assister à une réunion secrète des
conspirateurs. Dans un esprit de camaraderie ils se confient
l'un I'autre, se demandant quoi faire. IIs portent
la question devant le père de Denison, Emer Harris, frère
de Martin Harris. II leur conseille de porter l'affaire devant Joseph
Smith. Le prophète demande aux deux garçons d'assister
à la réunion et de lui raconter ce qui s'y passe.
La
réunion se tient le jour du sabbat chez William Law, conseiller
du prophète. Une multitude d'accusations sont portées
contre Joseph et Hyrum Smith. Il semble que la cause immédiate
de cette activité perverse soit le fait que
Joseph Smith a récemment présenté à
l'approbation du grand conseil la révélation sur le
mariage céleste, et certains membres qui y sont
violemment opposés dénoncent Joseph comme un
prophète déchu et sont décidés
à le renverser.
Les deux
garçons sont observateurs silencieux, et lorsque la
réunion est terminée, ils rencontrent
secrètement le prophète et lui font rapport. Suivant
son conseil, ils assistent à des réunions
semblables les deux dimanches suivants et reçoivent une
invitation à assister à une quatrième réunion.
À chaque réunion, l'esprit de violence contre le
prophète s'accroît. Avant qu'ils n'assistent à
la dernière réunion, Joseph Smith leur dit : « Ce
sera votre dernière réunion. Ce sera la dernière
fois qu'ils vous admettront dans leur conseil. Ils vont prendre une
décision. Mais veillez à ne contracter aucune alliance
et à n'accepter aucune obligation, quelle qu'elle soit,
vis-à-vis d'eux. » Après un temps il
ajoute : « Mes enfants, ce sera leur dernière
réunion et ils risquent de verser votre sang, mais je doute
qu'ils le fassent, car vous êtes jeunes. S'ils le font, je serai
un lion dans leur chemin ! Ne faiblissez pas. Si vous devez
mourir, mourez comme des hommes. Vous serez martyrs de la cause et
vos couronnes ne pourront être plus grandes. Mais je doute
qu'ils versent votre sang. »
Lorsque,
ce sabbat après-midi-là, Denison et Robert approchent
de la maison de William Law, ils sont arrêtés à
la porte par des gardes armés. Après avoir été
minutieusement questionnés et examinés, ils sont
admis.
La maison
est remplie d'hommes qui profèrent des accusations
contre le prophète. II y a de la haine partout. II est manifeste qu'on va prendre une décision pendant la
réunion.Comme les
deux garçons ne prennent pas part aux discussions, mais
restaient seuls, William Law et Austin Cowles consacrent un
certain temps à leur expliquer comment le prophète
est tombé et pourquoi ils doivent se joindre à
eux pour débarrasser l'Église de lui.
Au cours
de la réunion, chaque membre présent est invité
à faire le serment suivant : « Vous jurez
solennellement, devant Dieu, et devant tous les saints anges, et
devant ceux-ci, vos frères, qui vous entourent, que vous
donnerez votre vie, votre liberté, votre influence et tout ce
que vous avez, pour la destruction de Joseph Smith et des siens,
ainsi vous aide Dieu. » La
personne qui prête serment dit alors : « Je
le jure », après quoi elle signe en présence
du juge de paix.
Deux
cents personnes environ prêtent serment. Parmi elles,
il y a trois femmes lourdement voilées, qui témoignent
que Joseph et Hyrum ont tenté de les séduire.
Lorsque tous sauf les deux garçons onr prêté serment, l'attention du groupe se tourna vers eux. Les garçons
refusent de prêter serment et commencent à
quitter la pièce. Un des hommes leur barre la route,
s'exclamant : « Non, pas question. Vous connaissez
tous nos plans et tous nos arrangements, et nous n'avons pas
l'intention de vous laisser partir ainsi. Vous prêterez serment
ou vous ne sortirez pas vivants d'ici. »
Les
garçons sont dans une situation dangereuse. On
peut entendre des menaces de tous les côtés.
Quelqu'un crie : « Les morts ne parlent pas. »
Des mains violentes se posent sur eux. Des épées
et des couteaux à cran d'arrêt sont tirés. Un
des principaux hommes dit : « Si vous ne prêtez
pas serment, nous vous couperons la gorge. »
Seule la
sagesse du chef empêche qu'ils soient assassinés sur
place. La maison de William Law est tout près de la
rue et il y a grand danger que le bruit soit entendu par les
passants. Il vaut mieux les exécuter dans la cave.
En
conséquence, une garde, épée sortie et couteau
à cran d'arrêt en main, encadre les garçons,
tandis que deux autres, munis de mousquets armés leur
plaçant la baïonnette dans le dos, ferment la marche
vers la cave. William et Wilson Law, Austin Cowles et d'autres les y
accompagnent.
Toutefois,
avant de commettre le meurtre, ils donnent aux garçons
une dernière chance de sauver leur vie. L'un d'entre eux
dit : « Mes enfants, si vous prêtez ce serment,
votre vie sera sauve. Mais vous en savez trop pour que nous
vous permettions de partir libres et, si vous êtes décidés
à refuser, nous devrons verser votre sang. »
Ayant la
mort comme alternative immédiate, les deux garçons
refusent fermement de se tourner contre leur prophète.
Tremblants et pleins de peur, ils attendent l'épée.
Comme celle-ci est levée par un participant furieux,
une voix s'élevant vivement de la foule l'arrête en
l'air. « Attends, Attends, là-bas !
Discutons-en avant de verser leur sang. »
Il
s'ensuit une consultation hâtive, au cours de laquelle les
jeunes gens ont le soulagement d'entendre une voix forte dire :
« Il y a beaucoup de chances pour que les parents des
garçons sachent où ils sont, et s'ils ne rentrent pas
chez eux, cela va susciter des soupçons, et ils risquent de
faire des recherches qui seraient très dangereuses pour
nous. »
On suit
son conseil. On menace les garçons de mort s'ils
révèlent le moindre mot de ce qui s'est produit, et on les laisse partir. Une garde les accompagne sur une
certaine distance pour empêcher les individus les plus
sanguinaires de les suivre pour les tuer. Les paroles d'adieu des
gardes sont : « Si jamais vous ouvrez la bouche sur
ce que vous avez vu ou entendu dans l'une de nos réunions,
nous vous tuerons de nuit ou de jour, ou que nous vous trouvions, et
nous considérerons que c'est notre devoir. »
Les
garçons se dirigent vers la berge du fleuve, où
ils rencontrent le prophète, lequel est devenu très anxieux et est parti à leur
recherche. Se retirant en un endroit isolé, plus bas que la
maison du prophète, ils racontent toute l'histoire.
La
bravoure et la loyauté des deux jeunes gens font fondre le
prophète en larmes. Craignant qu'on leur fasse du mal, il leur
recommande vivement de promettre de ne jamais révéler
leur histoire pendant vingt ans. Le secret sera fidèlement
gardé.
L'héroïsme
de deux garçons sauvera pendant un certain temps la vie du
prophète du filet qui se resserre sur lui. Plus tard, les
conspirateurs seront excommuniés de l'Église, après
quoi ils s'allieront ouvertement à toutes les forces
qui recherchent le renversement du prophète.
(Carter
E. Grant, Le
royaume de Dieu rétabli, p. 308-309 de l'édition
française de 1964
; William
E. Berrett, L'Église
rétablie, p. 148-149 de l'édition française
de 1973
; Contributor,
volume 5, p. 252, 255-256
; Millennial
Star, 1884, volume 5, page 253)