PREMIÈRES ARRESTATIONS DE JOSEPH SMITH



Peu après la première conférence de l'Église, le Prophète se rend à Colesville (New-York) pour diriger l'ordonnance du baptême de sa femme et de douze autres convertis. Les frères construisent un barrage sur le ruisseau, mais un groupe d'incroyants l'enlève et libère les eaux. Néanmoins, tôt le lundi matin, Joseph et ses amis replacent le barrage et baptisent les convertis. Ayant été ainsi déjoués, quelque cinquante hommes en colère entourent la maison de Joseph Knight, jurant qu'ils détruiront Joseph Smith et sa nouvelle Église. « Ce ne fut que l'usage d'une grande prudence de notre part, écrit le Prophète, et notre confiance en notre Père céleste, qui les empêcha de se livrer à des voies de fait sur nous. »

Le Prophète fait encore ce commentaire à propos d'une réunion qu'il tient ce soir-là chez les Knight pour confirmer les convertis : « Je reçus la visite d'un gardien de la paix qui m'arrêta en vertu d'un mandat, sur l'accusation que je semais le désordre, que je mettais la région en émoi en prêchant le Livre de Mormon, etc. Le gardien de la paix m'informa, peu après mon arrestation, que le plan de ceux qui avaient fait émettre le mandat d'arrêt était de me faire tomber entre les mains de la populace, qui était occupée à me tendre une embuscade ; mais qu'il était décidé à me sauver de leurs mains, parce qu'il pouvait constater que je n'étais pas du tout tel qu'on m'avait décrit à lui. »

Joseph poursuit : « Je m'aperçus bientôt qu'il avait dit vrai à ce propos, car non loin de la maison de M. Knight, le chariot dans lequel nous nous étions mis en route fut entouré par une populace qui semblait n'attendre qu'un signal du gardien de la paix ; mais à leur grande déception, il fouetta le cheval et m'emmena hors de leurs mains.

« Tandis que nous roulions à vive allure, une des roues du chariot se détacha, ce qui leur laissa presque le temps de nous entourer encore une fois, car ils nous poursuivaient de près. Mais nous arrivâmes à remettre la roue, et les laissâmes de nouveau derrière nous. »

Arrivés à South Bainbridge à quelque vingt-quatre kilomètres au nord — la ville où Joseph s'était marié, et où Josiah Stoal l'avait employé pendant deux hivers —, le gardien de la paix emmène Joseph dans une chambre à l'étage de la taverne, et, après avoir veillé qu'il a un lit confortable, s'étend sur le plancher, les pieds contre la porte, le fusil en travers des genoux, bien décidé à protéger son prisonnier.

Pleins d'angoisse, la femme et les amis de Joseph passent le reste de la nuit à chercher des défenseurs ; et de fait, à neuf heures, le matin suivant, ils sont aux côtés de Joseph avec deux avocats, Reid et Davidson. Plus tard, Reid explique que, étant donné qu'il s'occupe de procès depuis plusieurs jours et jusque tard le soir, il a refusé de défendre Joseph. Puis, raconte-t-il, tandis que M. Knight insistait autant qu'il pouvait : « Mon esprit fut saisi de l'impression étrange… que je devais aller le défendre, car il était l'oint du Seigneur. Je ne savais pas ce que cela voulait dire, mais je pensai que je devais aller disculper l'oint du Seigneur. »

L'avocat Reid rapporte que le procès continua jusqu'à « ...minuit. Après quelques instants de délibération, le tribunal prononça les mots 'non coupable', et le prisonnier fut relâché. » Il affirme qu'il n'y avait même pas « la moindre apparence de culpabilité. » « Mais hélas ! » dès l'instant où le procès fut terminé, dit-il, Joseph fut de nouveau arrêté et ramené à Colesville, dans le Comté de Broome, pour y être jugé de nouveau. « On fit de nouveau appel à moi... pour le défendre contre ses persécuteurs malins... Ce n'était ni le talent ni l'argent qui manquaient pour leur assurer le succès. Ils utilisèrent le meilleur avocat du comté, et dès avant la nuit ils avaient produit vingt ou trente témoins, mais ne prouvèrent rien. » Et le jugement se poursuit ainsi jusqu'à quatre heures du matin. « Nous le sortîmes, cette nuit-là, du milieu de trois cents personnes sans qu'il reçût le moindre dommage. »

À propos de son acquittement et la manière dont il a échappé à la populace, Joseph écrit que vers la fin du procès : « La majorité de la foule assemblée avait commencé à s'apercevoir que l'on ne pouvait rien amener contre moi. Même le gardien de la paix qui m'arrêta et me traita si mal, vint s'excuser auprès de moi, et me demanda pardon pour sa conduite à mon égard, et il avait tellement changé qu'il m'informa que la populace était décidée, si le tribunal m'acquittait, à me promener sur une barre et à me couvrir de goudron et de plumes ; en outre, il m'informa qu'il était disposé à m'aider et à me mener en lieu sûr par un chemin secret…

« Grâce à mon nouvel ami, le gardien de la paix, je fus à même de leur échapper et parvins sain et sauf chez la sœur de ma femme, où je trouvai ma femme en train d'attendre avec angoisse le résultat de ces manoeuvres impies, et le lendemain j'arrivai en toute sécurité avec elle chez moi », quarante-huit kilomètres au sud, à Harmony.

« Au bout de quelques jours, je retournai à Colesville en compagnie d'Oliver Cowdery, dans le but de confirmer ceux que nous avions été obligés de quitter pendant un certain temps. À peine étions-nous arrivés chez M. Knight, qu'une populace se rassembla pour nous faire opposition, et nous jugeâmes sage de rentrer chez nous, ce que nous fîmes, sans même attendre des rafraîchissements. Nos ennemis nous poursuivirent, et nous leur échappâmes de très peu à plusieurs reprises. Nous réussîmes toutefois à arriver chez nous, ayant voyagé toute la nuit, sauf pour une brève halte au cours de laquelle nous fûmes obligés de nous reposer sous un grand arbre le long du chemin, dormant et montant alternativement la garde. »

« Mais je dois dire que parmi toutes les épreuves et toutes les vicissitudes que nous dûmes traverser, le Seigneur… nous accorda une source de force et de la connaissance, 'ligne par ligne, un peu ici, un peu là'. »

En effet, ce jour-là, le Seigneur révéla les quarante-deux premiers versets du Livre de Moïse, qui donnaient à l'Église quelques principes, ordonnances et points de doctrine très importants que l'on ne trouvait pas dans la Bible du roi Jacques.

(Carter E. Grant, Le royaume de Dieu rétabli, Belgique, 1964, p. 110-113)