Ce que les textes anciens ont à nous apprendre


Blake Ostler


Extrait de «
Vêtements sacrés : Un aspect unique de l’antiquité chrétienne »
© BYU Studies 22, n° 1, automne 1982
 


Les textes anciens tels que les manuscrits de la mer Morte, les codex de Nag Hammadi, les pseudépigraphes [écrits attribués à un auteur fictif, ndt], la littérature rabbinique et la littérature chrétienne primitive ont beaucoup à nous apprendre.

La doctrine de l'existence prémortelle, par exemple, apparaît souvent dans les manuscrits de la mer Morte, les pseudépigraphes et les textes de Nag Hammadi.

Notez les deux exemples suivants de la notion d'existence prémortelle dans les manuscrits de la mer Morte :

« Avant que les choses n’existent, il en détermina le plan. » (Manuel de Discipline [lQS] 3.15-17, tel que cité dans Theodore H. Gaster, trad. et dir. de publ., The Dead Sea Scriptures, Garden City, N.Y., Doubleday, 1976, p. 48)

« Par la sagesse de ta connaissance tu as fixé leur destin avant qu’ils ne se mettent à exister. » (Cantiques d’actions de grâces [IQH], dans Herbert G. May, « Cosmological Reference in Qumran and the Old Testament », Journal of Biblical Literature 82, 1963, p. 32n)

On trouve des passages semblables dans les Pseudépigraphes : voir 2 Énoch 23. 4-5 : « Toutes les âmes de l’humanité, quel que soit le nombre d’entre elles qui naissent et les lieux préparés pour elles de toute éternité, car toutes les âmes sont préparées de toute éternité avant la fondation du monde » (tel que traduit en anglais dans R. H. Charles, The Apocrypha and the Pseudepigrapha of the Old Testament, 2 vols., Londres, Oxford, 1913, 2:444, et Le Testament de Naphtali 2. 2-4).

La demeure des âmes préexistantes est, selon 2 Baruc 23. 5, la promptuaria animarum.

L'existence prémortelle de Moïse est indiquée dans l’Assomption de Moïse 1. 13-14.

Abraham vit le « conseil [divin] du monde... [au cours duquel] ce que j’avais décidé d’être avait déjà été prévu d’avance dans cette [image] et elle se tenait devant moi avant d’avoir été créée. » Il vit aussi « ceux que moi, Dieu, j’ai désignés pour qu’ils naissent de toi et soient appelés Mon Peuple – » (cité dans G. H. Box, trad. et dir. de publ., L’Apocalypse d’Abraham, Londres, SPCK, 1919, p. 68-69).

On trouve l’idée dans les manuscrits de la mer Morte via les Esséniens, selon Marc Philonenko dans Les Interpolations chrétiennes des Testaments des Douze Patriarches (Paris, Presses Universitaires de France, 1960, p. 39).

On trouve des références dans la littérature rabbinique dans Tenchuma Pikkude 3 ; Chagiga 12b ; Bereshit Rabbah 100.8 ; 3 ; Énoch 43.3 ; et Sagesse 8. 19-20.

Pour les exemples dans la littérature gnostique, voir l’Évangile de Thomas :

Logia 49 : « Bienheureux les solitaires et les élus, car vous trouverez le royaume. C’est de là que vous êtes venus et c’est là que vous retournerez »

Logia 84 : « Quand vous voyez vos images [eikôn] qui ont commencé à exister avant vous, qui ne meurent ni ne sont manifestées, combien supporterez-vous alors ! »

Citons aussi L’Évangile de Vérité 18.

On trouve tous ces documents dans Mario Erbetta, Gli Apocrifi del Nuovo Testamento, Turin, Marietti Editori, 1976, p. 271, 278 et 526.

L’âme doit faire le voyage vers la terre pour faire ses preuves, cela faisant partie du plan de Dieu établi avant la fondation du monde (voir Angelo Rappoport, Myth and Legend of Ancient Israel, 8 volumes, Londres, Gresheim Pub. Co, 1928, 8:21 ; Ben Sirach 16.26-29 ; 1 Énoch 23. 11 ; Apocryphe d’Abraham, dans Box, Apocalypse d’Abraham, p. 68 ; Odes de Salomon 7.7-10 ; et Évangile de Philippe 114. 7-20, dans R M. Wilson, trad. et dir. de publ., Évangile de Philippe, New York, Harper & Row, 1962, p. 125)

Selon ces textes, pour que l’âme retourne en la présence de Dieu, certaines ordonnances sont nécessaires. Parmi elles il y a le baptême, les ablutions, les onctions, les vêtements spéciaux et les signes comme sceaux et mots de passe pour passer devant les anges qui gardent la porte menant au royaume de Dieu (voir Steven E. Robinson, « The Apocalypse of Adam », BYU Studies 17, Hiver 1977, p. 132-133). On trouvera une liste complète de sceaux et de mots de passe dans Erbetta, Gli Apocrifi, p. 318 et suiv. et dans E. Testa, Il Simbolismo dei Gudeo-Cristiani, Jérusalem, n.p., 1962, p.115 et suivantes.

Dans certains récits, on doit être marié dans le saint des saints du temple pour obtenir le plus haut des trois degrés de gloire (Eric Segelberg, « The Coptic Gnostic Gospel according to Philip and Its Sacramental System », Numen 7, 1960, p. 198-199 ; « The Holy of Holy Ones Is the Bridal Chamber » (Évangile de Philippe 117. 24-25) : « La femme est unie à son mari dans la chamber nuptiale. Mais ceux qui se sont unis dans la chambre nuptiale ne seront plus séparés. » (Évangile de Philippe 118. 17-29 ; Cf. Évangile de Philippe 4-8 et 124.6 et suivants)

Ainsi donc, la pluralité des cieux fait partie des doctrines anciennes les plus universelles, avec des gloires spécifiques représentées par la lune, les étoiles et le soleil (Charles, Pseudepigrapha, pp. 530 et suiv. Cf. 3 Baruc, Ascension d’Ésaïe, Chagigah 12, 1 Énoch, 2 Énoch, Testament d’Abraham, Apocalypse d’Abraham et Testament de Lévi.

K. Kohler affirme : « Les exégètes ne comprennent pas les paroles de l’apôtre Paul dans 1 Corinthiens 15:40 et suivants, où Paul parle de 'sômata épourania' par opposition à 'sômata épigueia' et qui dit : 'Autre est la doxa du soleil, autre la doxa de la lune, et autre la doxa des étoiles… L’apôtre fait allusion aux différentes classes de justes au paradis, différant selon les degrés de lumière. » (K. Kohler, « The Apocalypse of Abraham and Its Kindred », Jewish Quarterly Review, 1895, p. 597)

L’origine du symbolisme du soleil, de la lune et des étoiles est commune au Ardai Viraf et à d’autres sources zoroastriennes. Les premiers chrétiens mettaient l’accent sur trois cieux (voir DeJonge, The Testament of the XIl Patriarchs, Assen, Pays-Bas, n.p., 1953, p. 46 ; et A. T. Lincoln, « Paul the Visionary », New Testament Studies 2, 1979, p. 212-218).

Ceux qui ne pouvaient pas recevoir toutes les ordonnances nécessaires concernant la gnôsis, la connaissance, requises dans cette vie, pouvaient les recevoir au-delà de la tombe : « Ceux qui n’ont pas connu les ordonnances seront placés avec un autre, toujours dans le corps, qui accomplira les ordonnances pour eux. » (voir Apocryphe de Jean 2. 1 dans James Robinson, the Nag Hammadi Library, New York, Harper & Row, 1977, p. 113-114 ; Pistis Sophia 98. 43-93 ; 108. et suivants ; 128 1 et suivants ; et 147. 39 et suivants dans Erbetta, Gli Apocrifi, p. 468, 479, 494-495 et 514 ; et 2 Jeu 42, dans Erbetta, Gli Apocrifi, p. 336)

Le récit de la descente aux enfers du Christ ou de son voyage dans le monde d’esprit après sa mort pour prêcher l’Évangile est un autre point de doctrine commun à beaucoup de manuscrits (voir Évangile de Pierre 10. 41-42 ; Justin Martyr, Dialogus cum Tryphone Judeo 82. 4 ; Irénée, Predicatione Apost. 78 ; Adversus Haereses 4. 22 ; 3. 20. 4 ; Odes de Salomon 17 ; 22. 1-12 ; 42. 11-20 ; Ascension d’Ésaïe 9.13-18 ; 4.21-22 ; 11.19 ; 10.8-16 ; et Pasteur d’Hermas, Similitudes 9.4-6, 16. 1-7. Cf. Jean Daniélou, Dictionnaire de la Bible, Supplément, Tome 6, Paris, n.p., n.d., p. 680 et suivantes ; et W. Bieder, Die Vorstellung von der Höllenfahrt Jesu Christi, Zurich, n.p., 1949, p. 179. Voir aussi Apocryphe de Jean CJ 3 et 4 ; Épître des Apôtres 26- 27 ; Testament de Lévi 4.1 ; et Actes de Thomas 10)

Le Christ ne va cependant pas auprès des méchants ; il va vers ses anciens prophètes pour organiser une ecclésia, après quoi ils reçoivent tous le sphragis ou sceau qui représente le baptême pour les morts, et ils montent ensemble jusqu’au ciel en tant qu’êtres ressuscités.

L’ « ecclesia » est indiquée dans Erbetta, Gli Apocrifi, p. 658 ; Odes de Salomon 42. 17 ; et Cazelles, « Descente du Christ aux Enfers », dans le Dictionnaire de la Bible, Paris, n.p., 1960, cols. 395-430.

Le baptême pour les morts est indiqué dans Ode 42 18 ; Pasteur d’Hermas, Similitudes 9 ; Apocryphe de Jean, in Robinson, Nag Hammadi Library, p. 116 ; Jean Daniélou, The Doctrine of Jewish Christianity, Londres, Darton, Longman et Todd, 1958 , p .248 ; et Épître des Apôtres 27, dans Erbetta, Gli Apocrifi, p. 658.

Dans l’Apocryphe de Jean, le sceau (sphragis) est sur les cinq sens [vue, ouïe, odorat, goût, toucher, ndlr], rappelant l’onction.

Et la prédication dans le monde d’esprit est laissée aux apôtres, qui administrent également un baptême par procuration pour les morts :

« Eux donc, étant morts, furent néanmoins scellés du sceau du Fils de Dieu et entrèrent ainsi dans le royaume de Dieu… Le sceau, c’est l’eau du baptême… Ces apôtres et instructeurs, qui prêchèrent au nom du Fils de Dieu, mourant après avoir reçu sa foi et sa puissance, prêchèrent à ceux qui étaient morts précédemment et ils leur donnèrent ce sceau. Ils descendirent donc dans l’eau avec eux et en ressortirent. Mais ceux-ci descendirent tandis qu’ils étaient vivants et ressortirent vivants tandis que ceux qui étaient morts précédemment descendirent morts mais ressortirent vivants. » (Pasteur d’Hermas, Similitude 9, 16, dans Migne, PG 2. 995 ; Cf. Évangile de Nicodème 15-20 et Clément d’Alexandrie, Stromata 2, 4).