L’accusation de
« racisme » dans le Livre de Mormon
John A. Tvedtnes
The
FARMS Review,
vol. 15, n°2, 2003, pp. 183-197
©
2003 ISPART
Décidé
à ne voir dans le Livre de Mormon qu’un document écrit
au 19e siècle plutôt qu’un texte ancien, un
détracteur récent de l’ouvrage s’indigne de
certaines descriptions des Lamanites dans le texte. C’est
particulièrement le cas lorsque « les différences
culturelles entre les Lamanites et les Néphites sont
typiquement décrites en des termes péjoratifs, comme
sanguinaires, idolâtres, féroces, indolents, paresseux
et souillés quand il s’agit des Lamanites à peau
sombre [1]. » La question est de savoir si ces termes
peuvent être considérés comme « racistes »
et, de plus, si l’attitude soi-disant « raciste »
imputée aux Néphites prouve que Joseph Smith a écrit
le Livre de Mormon sur la base de ses propres préjugés
supposés racistes d’homme du dix-neuvième siècle.
Ayant une formation d’anthropologue, je déteste
personnellement le terme race
et il y a plusieurs décennies que j’essaie d’éviter
de l’employer. Les différentes sortes d’hommes
ressemblent beaucoup plus à leurs semblables, même dans
des endroits lointains du monde, que certaines races de chiens entre
elles. Comme le disent David B. Goldstein et Lounès Chikhi :
« Une
conséquence claire et évidente de la complexité
de l’histoire de la démographie humaine est que les
races, si l’on attribue un sens valable quelconque à ce
terme, n’existent pas dans l’espèce humaine. Le
mot race, comme on l’imagine habituellement, implique que l’on
a affaire à des groupes que l’on peut séparer
clairement les uns des autres et, au sein de notre espèce, de
tels groupes n’existent tout simplement pas… L’essentiel
des variations génétiques de l’espèce
humaine est dû à des différences entre personnes
à l’intérieur des groupes plutôt qu’entre
ceux-ci… Les différences entre les groupes représentent
moins de 15% de l’ensemble des variations génétiques
de notre espèce [2]. »
Pour
réagir au problème sous rubrique, je dois en conclure
que le racisme, quelle que soit l’ambiguïté que
l‘on donne au sens de ce terme, n’influence pas plus la
véracité de l’histoire du Livre de Mormon
qu’il ne pourrait influencer la véracité du récit
biblique qui s’oppose souvent à ce que ceux du peuple
d’Israël épousent des étrangers (voir, par
exemple, Genèse 24:3, 37 ; 27:46 ; 28:1-2, 6-9 ;
9:11-12). Jésus était-il raciste quand il a refusé
de bénir la Cananéenne en disant : « Il
n'est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux
petits chiens » (Matthieu 15:26) ? Ou ne faisait-il
qu’employer un dicton de l’époque pour illustrer
ce qu’il venait d’avancer, qu’il n’était
« envoyé qu'aux brebis perdues de la maison
d'Israël » (Matthieu 15:24) et devait vaquer aux
besoins de ceux qui faisaient partie de l’alliance ?
Descriptions
des Lamanites faites par les Néphites
Considérant
Joseph Smith comme étant l’auteur du Livre de Mormon,
certains détracteurs voient dans ce qu’ils considèrent
comme des épithètes racistes le reflet des conceptions
américaines du XIXe siècle plutôt que celles des
anciens Néphites. Cette façon de voir néglige
quelques faits importants :
■
Il
n’y a aucune preuve, à part des ouï-dire
ultérieurs, qui indique que Joseph Smith croyait que la
couleur de la peau rendait quelqu’un inférieur. Par
contre, il y a des indications concrètes de ce qu’il
considérait les noirs africains comme tout aussi capables que
les blancs, si on leur donnait les mêmes possibilités ;
il était également en faveur de la libération
des esclaves [3].
■
Deux
noirs au moins ont été ordonnés anciens du temps
de Joseph Smith et le prophète lui-même a signé
le certificat d’ordination de l’un d’eux. Cet
homme, Elijah Abel, a été ordonné plus tard
soixante-dix et a été missionnaire [4].
■
Le
livre d’Abraham, souvent cité plus tard comme étant
la preuve que l’on ne doit pas ordonner les noirs à la
prêtrise, ne dit rien concernant la couleur de la peau et
décrit, tout au plus, un conflit entre Abraham et le roi
d’Égypte au sujet de l’autorité
patriarcale, pas de la prêtrise en général
(Abraham 1:21-31). On ne peut pas interpréter le texte comme
voulant dire qu’Égyptus descendait de Caïn ou avait
la peau noire. En effet, l’idée que Cham avait épousé
une Caïnite était une idée courante chez les
protestants américains du XIXe siècle et c’est
chez eux que les saints des derniers jours ont puisé cette
idée [5].
Se
peut-il que les Néphites aient été racistes dans
leur perception des Lamanites ? Peut-être, dans le même
sens que les patriarches bibliques étaient racistes quand il
s’agissait de leurs voisins païens – les Hittites,
les Cananéens et les Amoréens – et ne voulaient
pas que leurs descendants épousent ces incroyants. Mais le
racisme, dans son sens traditionnel, ne semble pas avoir existé
chez les Néphites, quand on pense à tous ceux d’entre
eux qui, à diverses époques, ont fait dissidence de la
culture néphite pour rejoindre les Lamanites. Et l’on
nous dit que chaque fois que les Lamanites se convertissaient à
la religion néphite, les barrières qui séparaient
ces deux peuples se dissipaient (Alma 27:21-27 ; 3 Néphi
2:13, 14 ; 4 Néphi, v. 17).
Même avant leur
conversion, les Néphites considéraient les Lamanites
comme des frères,
un terme utilisé plus de cinquante fois à propos des
Lamanites dans le Livre de Mormon [6]. Ce n’est vraiment pas un
terme qu’on s’attendrait à trouver dans une
société qui entretient des opinions racistes à
l’égard d’un peuple voisin. Et si le racisme de
Joseph Smith se reflète dans le Livre de Mormon, pourquoi
voit-on dans cet ouvrage un grand nombre de Lamanites devenir justes
– en fait plus justes que les Néphites – au cours
des décennies précédant l’apparition du
Christ ?
La nature de la
malédiction
La
peau sombre était-elle vraiment une malédiction
prononcée par Dieu contre les Lamanites ? C’est une
croyance qui semble être généralement entretenue,
mais que dit le Livre de Mormon lui-même ? Comme on le lit
dans Alma, le Seigneur, parlant à Néphi, fait la
distinction entre la malédiction et la marque. « Voici,
j'ai maudit les Lamanites, et je mettrai une
marque
sur eux, afin qu'
eux
et leurs descendants soient séparés de toi et de ta
postérité »
(Alma 3:14). Au moment où cette promesse est faite à
Néphi, la malédiction a déjà sorti ses
effets, tandis que la marque, un changement de peau, est encore à
venir. Le Seigneur dit aussi à Néphi que les autres
personnes qui se mêleraient aux Lamanites (y compris sa propre
postérité) seraient à la fois maudites et
marquées :
« Et
encore: Je mettrai une
marque
sur celui qui mêle sa postérité à tes
frères, afin qu'elle soit
maudite
aussi.
Et encore: Je mettrai une
marque
sur celui qui te combat, toi et ta postérité. Et
encore, je dis que celui qui s'écarte de toi ne sera plus
appelé ta postérité; et je te bénirai,
toi, et quiconque sera appelé ta postérité,
dorénavant et à jamais; et ce furent là les
promesses du Seigneur à Néphi et à sa
postérité » (Alma 3:15-17).
Néphi
montre que les Lamanites, en se rebellant systématiquement
contre Dieu à cause de la dureté de leur cœur,
sont maudits en étant « retranchés de la
présence du Seigneur » (2 Néphi 5:20). Cette
malédiction a aussi pour résultat que les Lamanites
sont séparés du peuple de Dieu par le départ de
Néphi (2 Néphi 5:1-7). Au moment où il décrète
la malédiction de la séparation, le Seigneur, nous
dit-on, met une
marque
sur les Lamanites. Selon le Livre de Mormon, le but de la marque est
de distinguer les Lamanites des Néphites pour que ces derniers
ne se marient pas avec eux et n’acceptent pas des traditions
incorrectes. Après avoir emmené ceux qui voulaient le
suivre, Néphi écrit :
« Et
voici, les paroles du Seigneur s'étaient accomplies pour mes
frères, celles qu'il dit à leur sujet, que je serais
leur gouverneur et leur instructeur. C'est pourquoi, j'avais été
leur gouverneur et leur instructeur, selon les commandements du
Seigneur, jusqu'au moment où ils cherchèrent à
m'ôter la vie. C'est pourquoi, la parole du Seigneur
s'accomplit, celle qu'il m'adressa, disant: S'ils n'écoutent
pas tes paroles,
ils
seront retranchés de la présence du Seigneur.
Et voici,
ils
furent retranchés de sa présence.
« Et
il
avait fait tomber la malédiction sur eux, oui, une grande
malédiction, à cause de leur iniquité.
Car voici, ils s'étaient endurci le cœur contre lui, de
sorte qu'il était devenu semblable à un caillou; c'est
pourquoi, comme ils étaient blancs et extrêmement beaux
et agréables,
afin
qu'ils ne fussent pas séduisants pour mon peuple,
le Seigneur Dieu fit venir sur eux une peau sombre.
« Et ainsi dit le
Seigneur Dieu :
Je
les rendrai repoussants pour ton peuple, à moins qu'ils ne se
repentent de leurs iniquités. Et maudite sera la postérité de celui
qui se mêle
à leur postérité: car ils seront maudits de la
même malédiction. Et le Seigneur le dit, et cela fut
fait. Et à cause de la malédiction qui était sur
eux,
ils
devinrent un peuple indolent, plein de malfaisance et d'astuce, et
cherchèrent des bêtes de proie dans le désert »
(2 Néphi 5:19-24).
Il est évident que ce n’est
pas un changement de couleur de peau qui va faire des Lamanites des
gens « indolents » ou « pleins
d’astuce ». C’étaient là des
traits culturels, pas raciaux. Pour les Néphites, qui
suivaient la loi de Moïse (Jarom v. 5), les pratiques lamanites
de « boire le sang des animaux » (voir Jarom 6)
et de « se nourrir de bêtes de proie »
(Énos v. 20) ont dû paraître répugnantes,
puisqu’elles étaient interdites par le code mosaïque
(Lévitique 7:26-27 ; 11:13-20).
En
dépit de ce que dirent des dirigeants tels que Néphi et
son frère Jacob (Jacob 3:5), plus tard, certains Néphites
considérèrent le fait d’être retranché
de la présence de Dieu ainsi que la marque mise sur les
Lamanites comme une malédiction (Alma 3:6). C’est ainsi
que nous lisons :
« Et
la peau des Lamanites était sombre, selon la marque qui avait
été mise sur leurs pères, qui était une
malédiction sur eux à cause de leur transgression et de
leur rébellion contre leurs frères, qui se composaient
de Néphi, de Jacob et de Joseph, et de Sam, qui étaient
des hommes justes et saints. Et leurs frères cherchèrent
à les faire périr, c'est pourquoi ils furent maudits ;
et le Seigneur Dieu mit une marque sur eux, oui, sur Laman et Lémuel,
et aussi sur les fils d'Ismaël, et les femmes ismaélites.
« Et cela
fut fait pour que leur postérité pût être
distinguée de la postérité de leurs frères,
afin que le Seigneur Dieu pût ainsi préserver son
peuple, afin qu'ils ne se mélangeassent pas et ne crussent pas
en des traditions incorrectes qui causeraient leur destruction.
Et il arriva que quiconque mêlait sa postérité à
celle des Lamanites entraînait
la
même malédiction sur sa postérité.
C'est pourquoi, quiconque se laissait entraîner par les
Lamanites était appelé de ce nom,
et
une marque était mise sur lui.
« Et il arriva que tous ceux qui ne voulaient pas croire en la
tradition des Lamanites, mais croyaient en ces annales qui furent
apportées du pays de Jérusalem et aussi en la tradition
de leurs pères, qui étaient correctes, qui croyaient
aux commandements de Dieu et les gardaient, furent appelés, à
partir de ce moment-là, les Néphites, ou le peuple de
Néphi » (Alma 3:6-11).
Si
certains, au moins, des Néphites dédaignaient les
Lamanites à cause de la couleur de leur peau, le Seigneur
était préoccupé par la nature pécheresse
des Lamanites et ne se servait de leurs caractéristiques
physiques que pour empêcher les Néphites d’accepter
leurs mauvaises pratiques. Quiconque parmi les Néphites, ayant
rejeté la religion néphite, se mêlait aux
Lamanites, attirait « la même
malédiction
sur sa
postérité » et « une
marque
était mise sur lui ». Nous voyons ici encore que la
malédiction et la marque, quoique allant de pair, étaient
deux choses différentes.
La
« souillure » lamanite
Mosiah
9:12 décrit les Lamanites comme étant « un
peuple paresseux et idolâtre », mais il n’associe
pas ces traits avec la couleur de leur peau. En effet, Alma 22:28 les
rattache à des conditions géographiques ou culturelles,
disant que « la partie la plus indolente des Lamanites
vivait dans le désert. » Il y a quelque chose de
plus important, c’est le fait que Néphi décrit la
paresse de ses frères quand Laman et Lémuel ne se
montrent pas disposés à l’aider à
construire le bateau, longtemps avant qu’il soit question de
changement de couleur de peau (1 Néphi 17:18). Il parle aussi
de leur « grossièreté »,
peut-être dans le sens originel du terme, la sauvagerie (1
Néphi 18:9 ; 2 Néphi 2:1). Dans sa vision, Néphi
voit « qu'après avoir dégénéré
dans l'incrédulité, ils devenaient un peuple sombre, et
repoussant, et souillé, rempli d'indolence et de toutes sortes
d'abominations » (1 Néphi 12:23).
Les
mentions de souillure n’ont rien à voir avec la couleur
de la peau mais désignent clairement l’état de
gens qui sont « souillés… devant Dieu »
(Jacob 3:3 ; voir aussi les versets 5, 9-10 ; 1 Néphi
15:33-34 ; 2 Néphi 9:16 ; Mosiah 7:30-31 ; Alma
5:22 ; 7:21 ; Mormon 9:4, 14). De la même manière,
la Bible et les Doctrine et Alliances emploient les termes
souillé
(souillure, impur ou impureté)
en parlant des pécheurs [7].
Il
ne faut pas s’étonner qu’il y ait une attitude de
supériorité et l’attribution de caractéristiques
négatives aux populations et aux cultures étrangères
chez les Néphites, et leur présence dans le Livre de
Mormon ne peut pas être considérée comme la
preuve de ce que le texte est nécessairement un reflet des
conceptions racistes américaines XIXe siècle. Par
exemple, dans le Codex Florentin, qui est incontestablement
précolombien, les descriptions des Otomi du Mexique révèlent
l’ethnocentrisme aztèque et pourraient être
considérées comme tout aussi péjoratives que ce
que Néphi ou Mormon ont pu écrire. Selon ce texte, les
Aztèques décrivaient couramment les Otomi comme
« ignares, bêtes » et « très
rapaces, c’est-à-dire, très envieux, cupides.
Tout ce qui était bon, ils l’achetaient ; ils
voulaient tout avoir même si ce n’était pas
vraiment nécessaire. »
C’étaient « des
gens vaniteux qui s’habillaient de manière criarde ».
Ils étaient « paresseux, indolents, bien que
maigres, nerveux, forts, endurcis comme on le dit, ouvriers. Bien
qu’excellents agriculteurs, ils ne s’appliquaient pas à
s’assurer les besoins de base. Quand ils avaient travaillé
la terre, ils ne faisaient qu’errer. Voilà ce qu’ils
faisaient : ils allaient attraper du gibier [8]. »
Voilà des descriptions qui rappellent celles que les Néphites
font des Lamanites.
Au
Proche-Orient ancien, l’Amoréen était décrit
comme « un habitant des tentes », « celui
qui ne connaît pas la vie citadine », « celui
qui de son vivant n’a pas de maison » ou « l’homme
malhabile vivant dans les montagnes ». C’était
« celui qui ne sait pas cultiver le grain »,
« celui qui déterre des champignons au pied de la
montagne » ou celui « qui mange de la viande
crue » et « qui, le jour de sa mort, ne sera
pas enterré ». C’était « un
peuple ravageur, aux instincts canins, comme les loups [9]. »
À propos de ces descriptions, William F. Albright observe :
« C’est naturellement une description plutôt
extrême, mais elle illustre de manière frappante
l’attitude des gens sédentaires de Babylonie à
une période non déterminée du troisième
millénaire. On peut ajouter que les paysans arabes de Syrie
appellent toujours les nomades
el-wuhûsh
‘les bêtes sauvages’ [10]. »
Comme
le donnent à penser les exemples ci-dessus en provenance de la
Mésopotamie ancienne et de la Mésoamérique
précolombienne, cela ne doit pas nous étonner que les
Néphites et les Lamanites aient eu leurs propres problèmes
d’ethnocentrisme. Néanmoins, les lecteurs modernes
doivent veiller à ne pas laisser leur propre sensibilité
culturelle obscurcir la signification du texte.
Comportements néphites
positifs à l’égard des Lamanites
Chose
significative, Néphi, qui est le premier à parler de la
« peau sombre » des Lamanites, est aussi celui
qui écrit que le Seigneur accepte tous ceux qui sont bien
disposés : « Et il les invite tous à
venir à lui et à prendre part à sa bonté,
et il ne repousse aucun de ceux qui viennent à lui, noirs et
blancs, esclaves et libres, hommes et femmes; et il se souvient des
païens; et tous sont pareils pour Dieu, tant le Juif que le
Gentil » (2 Néphi 26:33). L’accent que met
Néphi sur la nature universelle de l’amour de Dieu prend
encore plus de sens quand on se rend compte qu’il s’adresse
à un peuple qui se débat au milieu de problèmes
de diversité ethnique et sociale.
Les membres de la famille de
Néphi devaient naturellement savoir que les « Juifs »
étaient ceux qui étaient sortis de Jérusalem et
devaient reconnaître cela comme les concernant, mais l’allusion
supplémentaire aux Gentils et aux païens – qui ne
pouvait avoir du sens que s’il y en avait d’autres dans
le pays quoi n’étaient pas venus de Jérusalem
[11] – est un avertissement clair à quiconque d’entre
eux qui considérerait que la noirceur de la peau d’un
autre était un signe de la haine durable de Dieu.
Comme
noté plus haut, les auteurs néphites appellent
systématiquement les Lamanites leurs
frères.
Le Livre de Mormon tout entier porte le message de l’amour du
Père pour tous ses enfants, d’où qu’ils
viennent, et son but avoué est de les récupérer
tous et de les amener dans l’alliance (voir page de titre du
Livre de Mormon). La « malédiction » des
Lamanites n’est une malédiction que dans le contexte des
idéologies opposées des Néphites et des
Lamanites. Une fois que les deux peuples s’unissent dans leurs
traditions et dans leurs croyances, la couleur de la peau et les
autres différences ethniques ou tribales cessent d’exister
pour le Seigneur et les prophètes néphites (voir 4
Néphi v. 17).
Jacob,
frère de Néphi, réprimande publiquement les
Néphites pour leur haine des Lamanites à cause de la
couleur de leur peau (Jacob 3:5). Alors que certains Néphites
considèrent que la couleur sombre de la peau est une
malédiction, Jacob rectifie cette notion erronée de
supériorité en faisant remarquer que les Lamanites de
l’époque étaient plus vertueux et plus purs que
certains de leurs contemporains néphites (Jacob 3:5-7) et que
des différences externes telles que la couleur de la peau sont
temporelles et ne signifient pas nécessairement un état
spirituel (Jacob 3:8). Il commande aux Néphites de se repentir
et de ne plus insulter les Lamanites à cause de la noirceur de
leur peau (Jacob 3:9-10) [12]. Voici un extrait de son discours :
« Voici,
les Lamanites, vos
frères, que vous
haïssez à cause de leur
souillure et de la malédiction
qui est tombée sur leur peau, sont plus
justes que vous, car ils
n'ont pas oublié le commandement du Seigneur qui fut donné
à notre père, qu'ils ne devaient avoir qu'une seule
épouse, et que de concubines ils ne devaient en avoir aucune,
et qu'il ne devait pas se commettre de fornication parmi eux…
Ô mes frères, je crains que, si vous ne vous repentez
pas de vos péchés, leur
peau ne soit plus blanche que la vôtre lorsque
vous serez amenés avec eux devant le trône de Dieu.
« C'est pourquoi, je vous donne le commandement, qui est la parole de
Dieu, de ne plus les insulter à cause de la couleur sombre de
leur peau; et vous ne les insulterez plus non plus à cause de
leur souillure, mais vous vous souviendrez de votre
propre souillure, et
vous vous souviendrez que leur souillure vient de leurs pères.
C'est pourquoi, vous vous souviendrez de vos enfants, de la manière
dont vous avez peiné leur cœur à cause de
l'exemple que vous leur avez donné; et aussi, souvenez-vous
qu'à cause de votre
souillure vous pouvez
amener vos enfants à la destruction, et que leurs péchés
seront accumulés sur votre tête au dernier jour »
(Jacob 3:5, 8-10).
Énos,
fils de Jacob, note que les Néphites « cherch[èrent]
diligemment à ramener les Lamanites à la vraie foi en
Dieu » (Énos 1:20). Les générations
postérieures purent convertir un grand nombre de Lamanites.
Chose importante, quand les fils de Mosiah proposent d’aller
prêcher aux Lamanites, les autres Néphites réagissent
en leur parlant de la méchanceté des Lamanites, mais ne
parlent pas de la couleur de leur peau (Alma 26:24).
Tous
les passages de ce genre, les détracteurs les balaient en
disant qu’ils ne font que masquer ce qu’ils estiment être
un racisme implicite dans le Livre de Mormon. Selon eux, « la
création et l’existence du Livre de Mormon comme
document authentique décrivant un passé américain
lié aux mythes raciaux et à l’histoire sacrée
du Vieux Monde donne à Joseph Smith et aux prophètes
qui lui ont succédé un pouvoir dangereux de
représentation sur les Lamanites d’autrefois décrits
dans cette ‘parole de Dieu’ [13]. »
Mais cette
vision profane de la chose les rend aveugles au contexte et au
message généraux du Livre de Mormon. Si les différences
ethniques ont dû être visibles pour les historiens
néphites, il n’est dit nulle part que la couleur de la
peau est une condition requise pour avoir les bénédictions
de Dieu ou le salut. En fait, bien des fois la justice et la fidélité
des Lamanites vont l’emporter de loin sur la justice des
Néphites (voir Hélaman 6:1-2, 34-38 ; 15:5-10 ; 3
Néphi 6:14).
Il n’y a qu’un seul cas dans toutes
les annales néphites où les prophètes signalent
un changement quelconque dans la noirceur de la peau des Lamanites (3
Néphi 2:12-16), mais cela, et c’est important, se passe
après
que ces Lamanites ont été convertis et se sont unis aux
Néphites. Que ce changement soit le résultat de
mariages mixtes ou d’un autre processus, les Néphites y
voyaient de toute évidence un événement unique
et sans précédent.
Dans le contexte de la société
et de la culture néphite, cet événement
exceptionnel a certainement dû être considéré
comme un signe de Dieu que des distinctions telles que la couleur de
la peau n’avaient aucune importance pour ceux qui étaient
comptés avec le Christ. Après cela, il n’est plus
question de cas où la peau des Lamanites devienne noire, ni
aucune indication de ce que la couleur de la peau ait été
un facteur important dans les croyances ou la société
néphites [14].
« Blanc »
ou « pur » ?
Selon
l’édition de 1830 du Livre de Mormon, Néphi,
parlant du rétablissement moderne, dit ceci à propos de
la conversion future des descendants de Léhi : « Et
alors, ils se réjouiront; car ils sauront que c'est une
bénédiction qui leur est donnée par la main de
Dieu; et leurs écailles de ténèbres commenceront
à leur tomber des yeux; et il ne passera pas beaucoup de
générations parmi eux qu'ils ne soient un peuple blanc
et agréable » (2 Néphi 30:6). En 1840, le
Livre de Mormon fut « soigneusement révisé
par le traducteur », Joseph Smith [15], et dans cette
édition l’expression « blanc et agréable »
fut changée en « pur et agréable ».
Ce changement semble être dû à la crainte du
prophète que les lecteurs modernes voient par erreur dans ce
passage une allusion aux changements raciaux plutôt qu’aux
changements dans le domaine de la justice. Il est possible que ses
séjours en Ohio et au Missouri aient changé sa vision
des connotations raciales du mot
blanc
dans les États-Unis de son époque, en particulier chez
les esclaves et les esclavagistes. Il n’a sans doute pas acquis
une grande compréhension de la question pendant qu’il
était en Nouvelle-Angleterre et à New York, où
l’esclavage n’était pas aussi courant [16].
Malheureusement
pour les interprètes de l’Église qui vinrent plus
tard, après la mort du prophète, les changements de
l’édition de 1840 du Livre de Mormon n’ont pas été
reproduits dans les impressions qui ont suivi, qui étaient
plutôt basées sur une édition préparée
par les Douze Apôtres en Grande-Bretagne d’après
une copie d’une précédente édition. Étant
en Angleterre, les apôtres ne connaissaient pas l’édition
de 1840. Par conséquent, les saints des derniers jours n’ont
bénéficié des éclaircissements du
prophète que lors de leur introduction dans l’édition
anglaise de 1981 [17].
Certains détracteurs se sont fait un
plaisir de citer les paroles de dirigeants de l’Église
d’autrefois, qui interprétaient 2 Néphi 30:6
comme voulant dire que la conversion produit un changement de couleur
de peau ; cependant, utiliser aujourd’hui de telles
citations est, au mieux, anachronique, au pire, déloyal,
puisque tout cela a été dit avant la correction de 1981
et n’est rien d’autre qu’une mauvaise
interprétation du texte du Livre de Mormon plutôt que le
texte faisant autorité. De plus, dans le passage « blanc/pur
et agréable », modifié par Joseph Smith, il
n’était clairement pas question d’un changement
dans la couleur de la peau des Lamanites, parce qu’il ne parle
pas du tout des Lamanites, mais des Néphites et des Juifs des
derniers jours qui se tourneront vers le Christ (voir 2 Néphi
30:1-7).
Mais
le remplacement de « blanc » par « pur »
par le prophète était-il justifié dans le
contexte scripturaire ? La réponse est oui. Les termes
blanc
et
pur
sont utilisés comme synonymes dans Daniel 7:9, Apocalypse 15:6
[18] et D&A 110:3. On les trouve aussi ensemble dans un certain
nombre de passages où ils désignent clairement ceux qui
sont purifiés et rachetés par le Christ (Alma 5:24 ;
13:12 ; 32:42 ; Mormon 9:6 ; D&A 20:6). De la même
manière, Mormon exprime l’espoir que les Néphites
« soient encore une fois un peuple agréable »
(Paroles de Mormon 1:8). C’est aussi à propos des
Néphites qu’il écrit :
« Et
aussi pour que la postérité de ce peuple croie plus
complètement en son Évangile, qui ira des Gentils parmi
elle; car ce peuple sera dispersé et deviendra un peuple
sombre, souillé et repoussant, au-delà de toute
description de ce qui a jamais été parmi nous, oui, de
ce qui a été parmi les Lamanites, et cela à
cause de son incrédulité et de son idolâtrie »
(Mormon 5:15).
Le
recours au contraste blanc-noir pour symboliser la pureté et
la justice ressort bien dans les œuvres d’Éphraïm
de Syrie, auteur chrétien du 4
e
siècle dans le Vieux Monde, qui dit ce qui suit à
propos du baptême de l’eunuque éthiopien par
Philippe (Actes 8:26-39) : « L’eunuque
d’Éthiopie, sur son char, vit Philippe : l’Agneau
de Lumière rencontra l’homme sombre sortant de l’eau.
Pendant qu’il lisait, l’Éthiopien fut baptisé
et brilla de joie, et poursuivit son voyage ! Il se fit des
disciples et enseigna, et avec des hommes noirs il fit des hommes
blancs. Et les sombres Éthiopiennes devinrent des perles pour
le Fils [19]. » Un des poèmes d’Éphraïm
explique que « des corps qui étaient remplis de
taches sont rendus blancs » grâce à l’onction
et au baptême [20].
Le Coran, qui est un texte sémitique
du septième siècle, appelle aussi le jour du jugement
« le jour où certains visages seront blancs et
certains visages noirs » (3:106). On pourrait y voir une
allusion à la pureté et à la justice d’une
part et à l’impureté et à la méchanceté
de l’autre ou au salut et à la damnation, mais
certainement pas à la race, puisque l’Islam a toujours
été raisonnablement insensible aux couleurs [21].
L’arabe moderne utilise toujours l’expression idiomatique
sawwada
wajhuhu
pour décrire le fait de discréditer, de déshonorer
ou de diffamer une personne, mais sa signification littérale
est « noircir le visage » de quelqu’un.
Un document antiraciste
Le
Livre de Mormon précise bien que la couleur de la peau n’a
rien à voir avec le fait qu’une personne est juste ou
pécheresse. Néphi, fils d’Hélaman, dit aux
Néphites :
« Car
voici, ainsi dit le Seigneur: Je ne montrerai pas ma force aux
méchants, pas plus à l'un qu'à l'autre, sauf à
ceux qui se repentent de leurs péchés et écoutent
mes paroles. C'est pourquoi, je voudrais que vous voyiez, mes frères,
que ce sera mieux pour les Lamanites que pour vous, à moins
que vous ne vous repentiez. Car voici, ils sont plus justes que vous,
car ils n'ont pas péché contre la grande connaissance
que vous avez reçue; c'est pourquoi le Seigneur sera
miséricordieux envers eux; oui, il prolongera leurs jours et
augmentera leur postérité lorsque vous serez totalement
détruits, à moins que vous ne vous repentiez »
(Hélaman 7:23-24).
Ce
passage rappelle la vision qu’a Néphi de l’avenir
des Lamanites : « Et il arriva que je vis qu'après
avoir dégénéré dans l'incrédulité,
ils devenaient un peuple sombre, et repoussant, et souillé,
rempli d'indolence et de toutes sortes d'abominations » (1
Néphi 12:23).
Il
est clair que le Livre de Mormon décrit divers peuples –
y compris les Néphites eux-mêmes – comme
spirituellement sombres, souillés et repoussants. Néanmoins,
les Néphites qui faisaient dissidence et rejoignaient les
Lamanites ne les voyaient de toute évidence pas d’une
manière aussi négative et le Seigneur lui-même
n’utilise pas de tels termes pour décrire les Lamanites.
De plus, des Néphites tels que les fils de Mosiah et leur
génération, qui accueillent des Lamanites dans leur
société, n’ont que du bien à dire de ces
convertis.
J’en
conclus donc que si certains Néphites semblent avoir été
racistes dans le sens qu’ils étaient dégoûtés
de la couleur de la peau des Lamanites, ce n’était pas
là une caractéristique culturelle générale.
Les détracteurs commettent donc deux erreurs fatales.
Premièrement, l’apparition de racisme dans le Livre de
Mormon n’est pas une preuve qu’il vient du XIXe siècle
ou que Joseph Smith en est l’auteur. Deuxièmement, en
dépit du fait qu’il mentionne des cas d’attitude
raciste, le Livre de Mormon n’est pas en lui-même un
document raciste.
En fait, il recommande et même idéalise
exactement l’inverse : plutôt que de mettre en avant
des notions d’infériorité raciale, les événements
et les enseignements qu’il contient montrent bien que des gens
appartenant à des cultures et à des traditions
ethniques différentes peuvent véritablement surmonter
les vieilles haines et idées fausses et parvenir à la
paix, au bonheur et à l’unité grâce à
l’Évangile de Jésus-Christ.
NOTES
[1]
Thomas W. Murphy, « Laban’s Ghost : On Writing
and Transgression », Dialogue
30/2, 1997, p. 117.
[2]
David B. Goldstein et Lounès Chikhi, « Human
Migrations and Population Structure : What We Know and Why It
Matters », Annual
Review of Genomics and Human Genetics
3, 2002, pp. 137-138. Je
remercie John M. Butler d’avoir attiré mon attention sur
cet article.
[3]
History
of the Church,
5:217; 6:243-244.
[4]
Newell G. Bringhurst, “Elijah Abel and the Changing Status of
Blacks within Mormonism”, Dialogue
12/2, 1979, p. 24.
[5]
Voir Stephen R. Haynes, Noah’s
Curse: The Biblical Justification of American Slavery,
New York, Oxford University Press, 2002).
[6]
Voir, par exemple, Jacob 2:35; 3:5; 7:24, 26; Énos v. 11 ;
Jarom v. 2 ; Mosiah 1:5, 13 ; 22:3 ; 25:11 ;
28:1 ; Alma 3:6 ; 17:9, 11, 30-31, 33 ; 19:14 ;
26:3, 9, 13-14, 22-23, 26-27 ; 27:8, 20-24 ; 28:8 ;
29:10 ; 43:14, 29 ; 48:21, 23-25 ; 49:7 ;
53:15 ;
59:11 ; Hélaman 4:24 ; 11:24 ; 15:11-12 ;
3 Néphi 2:12 ; 4 Néphi v. 43 ; Mormon 2:26 ;
9:35-36 ; Moroni 1:4 ; 10:1.
[7]
Voir, par exemple, Esdras 6:21 ; 9:11 ; Proverbes
30:12 ;
Ézéchiel 22:15 ; 24:13 ; 36:25 ; 2
Corinthiens 7:1 ; Éphésiens 5:5 ; Jacques
1:21 ; Apocalypse 17:4 ; 22:11 ; D&A 88:35, 102.
[8]
Bernardino de Sahagun, General
History of the Things of New Spain,
10.29, dans Charles E. Dibble et Arthur J. O. Anderson, trad.,
Florentine
Codex, Book 10,
Santa Fe, NM, School of American Research et Université
d’Utah, 1961, pp. 178-179. Je
remercie Matt. Roper pour cette référence et les deux
qui suivent.
[9]
Cité d’un certain nombre de sources originales dans
Giorgio Bucellati, The
Amorites of the Ur III Period,
Naples, Istituto orientale di Napoli, 1966, pp. 330-332.
[10]
William F. Albright, From
the Stone Age to Christianity: Monotheism and the Historical Process,
2e éd., Garden City, NY, Doubleday, 1957, p. 166.
[11]
Voir Matthew Roper, “Nephi’s Neighbors: Book of Mormon
Peoples and Pre-Columbian Populations”, The
FARMS Review,
vol. 15, n°2, 2003, pp. 91-128.
[12]
Comparez les commentaires de Néphi sur les Juifs dans 2 Néphi
29:4-6 avec ceux de Mormon dans 3 Néphi 29:8.
[13]
Murphy, « Laban’s Ghost », p. 117.
[14]
Certains lecteurs du Livre de Mormon ont interprété des
déclarations de Néphi (1 Néphi 12:23) et de
Mormon (Mormon 5:15) comme signalant une malédiction lamanite
concrétisée par une peau noire après la
destruction des Néphites ; or ces passages parlent de
l’état spirituel des enfants de Léhi plutôt
que de distinctions de race.
[15]
Voir l’introduction de l’édition de 1840 du Livre
de Mormon.
[16]
L’usage du terme blanc
pour désigner la notion de pureté était bien
attesté à l’époque où Joseph Smith
a traduit le Livre de Mormon, ainsi que dans son contexte culturel.
Sur les six significations du terme données dans l’édition
de 1828 de l’American
Dictionary of the English Language
de Noah Webster, trois concernent la pureté, alors que deux
seulement concernent la couleur. La dernière concerne la
vulnérabilité.
[17]
On trouvera une explication plus détaillée de
l’histoire de cette variante textuelle dans Larry W. Draper,
« Book of Mormon Editions », dans Uncovering
the Original Text of the Book of Mormon,
dir. de publ. Gerald M. Bradford et Alison V. P. Coutts, Provo, Utah,
FARMS 2002, p. 43.
[18]
Ndt : Dans la King James. Segond utilise « éclatant ».
[19]
« The
Pearl :
Seven Hymns of the Faith » 3:2, dans Nicene
and Post-Nicene Fathers,
2e sér. dir. de publ. Philip Schaff et Henry Wace, 1890-1900;
réimpression Peabody, Mass., Hendrickson, 1994, 13:295. Je
remercie Mark Ellison d’avoir attiré mon attention sur
ce passage.
[20]
Cette traduction vient du texte 16, strophe 7, d’une édition
à paraître d’un recueil de poèmes de saint
Éphaïm le Syrien, compilé et traduit par Sebastian
P. Brock et George A. Kiraz, qui sera publié en 2004 en format
bilingue parallèle par la Brigham Young University Press. Voir
aussi Sebastian Brock, trad., The
Harp of the Spirit : Eighteen Poems of St. Ephrem,
2e éd., Londres, Fellowship of St. Alban and St. Sergius,
1983, p. 49. Je
remercie Daniel C. Peterson pour cette référence et la
suivante.
[21]
Bernard Lewis, Race
and Color in Islam,
New York, Harper and Row, 1971.