L'histoire de ma conversion



Victor Ojeda-Mari






Introduction

J’ai eu l’occasion dans ma recherche de la vérité de toutes choses de faire la différence entre un témoignage intellectuel et un témoignage spirituel. Je vais dire peut-être une lapalissade, mais qu’importe : l’un provient de la logique, de la réflexion humaine ; l’autre du Saint-Esprit, et on le sait sans l’ombre d’un doute.

Le premier produit de la satisfaction personnelle avec un certain bien-être, l'autre un bonheur inexprimable avec la certitude qu’il ne peut venir que de Dieu. On sait vraiment, et on sait que Dieu sait qu’on sait ! Et on ne peut le nier, sans se renier misérablement et éternellement !

Sans le rechercher, j’ai reçu gratuitement le témoignage spirituellement du Livre de Mormon, mais j’avais des difficultés, des troubles à croire que Joseph Smith, un garçon de 15 ans environ ait pu voir Dieu le Père et son Fils Jésus. Surtout d’apprendre que notre Père céleste avait un corps de chair et d’os. Cela me révoltait ; pour moi, cela constituait une hérésie, car je croyais que Dieu pouvait être si grand qu’il pouvait contenir tous les espaces des univers et à la fois si petit qu’il pouvait se contenir dans chaque cœur.
Ne pouvant pas renier mon témoignage spirituel du livre de Mormon et pour être cohérent envers moi-même, je décidais de croire par la logique que ce livre venant de Joseph Smith prouvait qu’il ne pouvait être qu’un authentique prophète de Dieu.

Lorsque j’ai reçu le témoignage spirituel de Joseph comme je l’avais reçu pour le Livre de Mormon, j’ai éprouvé pour lui beaucoup d’amour et d’admiration, et combien je partage ce qui est dit de lui dans le Livre de « Doctrine et Alliances » :

D&A 135:3

« Joseph Smith, le Prophète et Voyant du Seigneur, a fait plus, avec l’exception unique de Jésus, pour le salut des hommes dans ce monde, que n’importe quel autre homme qui y ait jamais vécu. Dans le bref laps de vingt ans, il a fait paraître le Livre de Mormon, qu’il traduisit par le don et le pouvoir de Dieu, et l’a fait publier sur deux continents, a envoyé aux quatre coins de la terre la plénitude de l’Évangile éternel qu’il contenait, a fait paraître les révélations et les commandements qui composent ce livre des Doctrine et Alliances et beaucoup d’autres documents et instructions sages pour le profit des enfants des hommes, a rassemblé des milliers de saints des derniers jours, fondé une grande ville et laissé une renommée et un nom que l’on ne peut faire périr. Il fut grand dans sa vie et dans sa mort aux yeux de Dieu et de son peuple. Et comme la plupart des oints du Seigneur dans les temps anciens, il a scellé sa mission et ses œuvres de son sang, de même que son frère Hyrum. Ils n’étaient pas divisés dans la vie, et ils ne furent pas séparés dans la mort ! »

Plus j’étudiais et j’apprenais sur la vie du prophète, plus mon amour et ma reconnaissance augmentaient pour lui. En 2005, lors de mes 60 ans où j’ai pris ma retraite, je décidais de réaliser mon rêve d’adolescent : celui de devenir écrivain. J’ai édité des livres, et je me suis passionné pour devenir biographe pour particuliers.

Petit à petit, j’ai désiré écrire une biographie de Joseph Smith. Dans l’Église, on dispose d’une littérature nombreuse sur la vie du prophète. L’Église conserve son histoire depuis les années 1820 à ses débuts dans l'État de New York jusqu'à nos jours contenus dans de nombreux volumes en anglais.

Les seuls volumes qui m’auraient intéressé pour écrire une pointilleuse biographie de Joseph concernaient uniquement la période de 1820 à 1844. Mais voilà, ces volumes sont écrits en anglais, et je suis nul en anglais…

Pour moi, c’était mission impossible, jusqu’au jour où l’Église a présenté en de nombreuses langues dont le français, et en 4 volumes : « Les saints : Histoire de l’Église de Jésus-Christ dans les derniers jours »
Combien j’en suis reconnaissant, car j’avais là le moyen parfait, au-delà de mes espérances d’écrire cette biographie telle espérée et désirée.

J’aime ce passage de l’Évangile, parce qu’il me touche :

Luc 7:36-50

36  Un pharisien pria Jésus de manger avec lui. Jésus entra dans la maison du pharisien, et se mit à table. 37  Et voici, une femme pécheresse qui se trouvait dans la ville, ayant su qu'il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d'albâtre plein de parfum, 38  et se tint derrière, aux pieds de Jésus. Elle pleurait; et bientôt elle lui mouilla les pieds de ses larmes, puis les essuya avec ses cheveux, les baisa, et les oignit de parfum.
39  Le pharisien qui l'avait invité, voyant cela, dit en lui-même: Si cet homme était prophète, il connaîtrait qui et de quelle espèce est la femme qui le touche, il connaîtrait que c'est une pécheresse.
40  Jésus prit la parole, et lui dit: Simon, j'ai quelque chose à te dire. - Maître, parle, répondit-il.- 41  Un créancier avait deux débiteurs: l'un devait cinq cents deniers, et l'autre cinquante.
42  Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus?
43  Simon répondit: Celui, je pense, auquel il a le plus remis. Jésus lui dit: Tu as bien jugé.
44  Puis, se tournant vers la femme, il dit à Simon: Vois-tu cette femme? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m'as point donné d'eau pour laver mes pieds; mais elle, elle les a mouillés de ses larmes, et les a essuyés avec ses cheveux. 45  Tu ne m'as point donné de baiser; mais elle, depuis que je suis entré, elle n'a point cessé de me baiser les pieds. 46  Tu n'as point versé d'huile sur ma tête; mais elle, elle a versé du parfum sur mes pieds.
47  C'est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés ont été pardonnés: car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu.
48  Et il dit à la femme: Tes péchés sont pardonnés.
49  Ceux qui étaient à table avec lui se mirent à dire en eux-mêmes: Qui est celui-ci, qui pardonne même les péchés?
50  Mais Jésus dit à la femme: Ta foi t'a sauvée, va en paix.


Je sais qu’un jour, je serais devant mon Seigneur, et je baiserais ses pieds, et que je les couvrirais de mes larmes avec adoration et reconnaissance...

Je sais qu’un jour, je rencontrais Joseph, que nous étreindrons poitrine contre poitrine, tête contre tête, cœur contre cœur dans les bras l’un de l’autre. Je sais que je pourrais lui exprimer, tout mon amour, toute mon amitié, toute ma gratitude pour le prophète, et le grand frère qu’il a été…

Et je prie pour qu’il en soit ainsi, et que jamais au grand jamais je ne dévie… Amen, Amen et Amen !
 
Avant ma rencontre des saints des derniers jours

Mon père, républicain espagnol, assimilait Dieu à l'Église qui prit, en 1936, le parti du franquisme. Après la guerre, il s’inscrivit au parti communiste espagnol et en fut membre actif toute sa vie. Il décéda avant le démembrement de l’URSS et ne connut pas la face trouble du communisme, en particulier celle du stalinisme. Ma mère ne croyait pas en Dieu, mais de temps en temps en une « Force » qui l’aidait dans les moments difficiles.

Je vécus toute ma jeunesse dans un milieu anticlérical totalement athée. Mes parents m’enseignaient l’importance de la famille, du travail, de l’honnêteté, de la politesse, du respect des choses et des gens. Surtout la considération des personnes âgées et celui des « maîtres » et « maîtresses » à l’école. Jamais je n’aurais osé me plaindre de l’instituteur qui m’avait tiré énergiquement l’oreille. Je savais trop bien ce qu’il en résulterait. Si c’était l’oreille gauche qui avait subi les sévices, mon père se serait empressé de me tirer encore plus fort la droite.

Le hasard n’existe pas

Avant de vous raconter l’histoire de ma conversion, je voudrais vous dire que Dieu met sur notre route des panneaux indicateurs qui nous montrent le chemin menant à Lui. Souvent, c’est après bien des années que nous en prenons conscience. Ces panneaux spirituels peuvent être des événements, des objets, des expériences, des personnes placées au bon moment sur notre route éternelle. Ils représentent une forme de langage personnel de Dieu à chacun de nous qui sommes littéralement ses enfants, et cela, que nous le voulions ou non. Dieu nous parle souvent par des signes qu’il nous arrive trop souvent d’ignorer quand ils se présentent.

Alors que tout me destinait à ignorer Dieu, à le combattre ou à le dénigrer, je pris conscience, bien des années après, des trois premiers panneaux spirituels qui m’amenèrent inconsciemment à Lui. Ce furent deux personnages, Santiago, ma tante Eugenia d’Espagne et une illustration dans mon livre d’histoire du cours moyen.

Âgé d’une dizaine d’années, tous les ans pour les vacances, j’allais en Espagne à Najera, le village de naissance de mon père. Je passais avec mes sœurs deux à trois mois dans la maison de ma chère grand-mère. C’était une vraie grand-mère, avec des cheveux blancs, toute de noir vêtue à cause de son veuvage qui la priva à quarante-deux ans de son mari fusillé par les franquistes.

Le soir, j’aimais la regarder quand elle défaisait son chignon imposant. Ses cheveux retombaient sur ses épaules pour atteindre presque les hanches. Elle les peignait lentement, gravement, du sommet de la tête, jusqu’aux extrémités. Les yeux et les pensées perdus au loin. Quand elle se rendait compte que je la regardai, elle me souriait, comme elle seule savait me sourire. Je la contemplais. Il y avait en elle tellement de tristesse, de dignité, de tendresse, de force que j’en étais remué jusqu’à la moelle. Je me sentais bien avec elle. En sécurité. Paisible.

Cette année-là, je m’étais fait un ami. Il s’appelait Santiago. Il était doux et gentil. Nous nous entendions à merveille et nous passions de bons moments ensemble. Un jour, je ne me souviens plus pour quelle raison idiote, nous nous disputâmes. Qui avait raison ? Qui avait tort ? Je ne m’en souviens plus et peu importe.

Toujours est-il que je lui en voulais beaucoup. Peu de temps après, je me fis un autre copain qui n'était pas du genre tendre. Je lui racontais mes « malheurs » avec Santiago qui un jour passa près de nous. Le méchant copain provoqua le pauvre Santiago qui n’était pas de taille à se défendre. Il prit une raclée. Il avait de grands yeux marron avec de longs cils de fille. Encore aujourd'hui, je revois combien, ils étaient apeurés. Silencieusement, ils me criaient au secours. Ce jour-là, je n’écoutais pas une petite voix qui me disait de m’interposer et défendre mon ami. Santiago partit en pleurant. Mon méchant compère se moquait de lui, riait bêtement à gorge déployée. Je l’imitais. Pourtant, le cœur n’y était pas. Lorsque je me retrouvais seul, je me sentais triste en pensant à Santiago. Je pouvais presque ressentir les coups qu’il avait reçus. J’avais mal. Ma gorge, mon cœur se serraient comme dans un étau qui m'étouffait. Quand je me revoyais me réjouir pendant que mon pauvre ami se faisait corriger, je me détestais, me trouvais sale.

J’éprouvais une furieuse envie de me battre. Au point que j’aurais voulu prendre les coups à sa place.

La fin des vacances approchait. Je voulais tellement lui parler. Surtout lui demander pardon. Redevenir son ami. Mais j’avais trop honte. Peur qu’il me rejette. Une ou deux fois, je l’aperçus dans les rues du village. Son regard, avec ses grands yeux de fille, bordés de cils à ne plus en finir, croisa le mien. Je fis un mouvement vers lui. Puis, je restais sur place. Je me demande encore aujourd’hui ce qui m’arrêta dans mon premier élan. Je retournais en France. Tous les soirs, avant de m’endormir, je pensais à mon ami et je me tournais inlassablement, séquence par séquence, image par image le même film : je me voyais retourner au village, aller d’un pas résolu chez son oncle, lui demander pardon, le supplier pour qu’il veuille encore de moi pour ami. De nouveau, nous étions amis et c'était aussi formidable qu'avant.

Après de longs mois d'attente, enfin les vacances arrivèrent. J’étais à Najera. Comme je l’avais tellement de fois visualisé et vécu dans mon cœur comme dans son esprit, j’allais chez la famille de Santiago, et je demandais à le voir. L'oncle me regarda tristement puis m’annonça l’incroyable et terrible nouvelle : Santiago était mort ! Mon sang se glaça dans mes veines, ma gorge se noua. Je partis précipitamment cacher ma peine et pleurer amèrement mon ami qui n’était plus.

Depuis jamais plus je n’ai ressenti de rancœur, d’esprit de vengeance pour personne. Jamais, je ne me suis réjoui des peines ou des malheurs des autres. Jamais, je n’ai fait de mal à personne ou alors, ce ne fut sans le savoir ou le vouloir. Je pouvais dire sincèrement que depuis, et en grande partie grâce à mon petit ami éternel, je me suis senti en paix avec tout le monde désirant toujours le bien de mon prochain et jamais plus du mal. Ô non ! Jamais plus, cela fait trop mal ; on regrette trop !

« Merci Santiago, pensais-je souvent, je sais qu’un jour, j’aurai l’occasion de te demander pardon et que nous redeviendrons amis. Je sais combien je te dois. »

Au cours de mes vacances en Espagne, j’allais souvent chez ma tante Eugenia, la femme de mon oncle Augustin, frère de mon père. Elle était très croyante. En Particulier, elle vouait une touchante adoration à la Vierge. Quand nous étions seuls, elle me parlait souvent du Bon Dieu, du paradis où vont les gentils et de l’enfer où sont précipités les méchants. Mais je ne croyais pas en Dieu, ni à l’enfer ni au paradis. Mon père me disait toujours :

— Tout ça, c’est des histoires de curés.

Et je croyais mon père. Ma tante Eugenia était celle de toute ma famille d’Espagne (à part ma grand-mère) que j’aimais le plus. Avec elle, je me sentais si bien.

Alors que j’avais dix ans environ, une image dans mon livre d’histoire frappa mon esprit d’une manière indélébile. Ce dessin représentait un grand-prêtre avec son bâton de berger. À sa gauche, il y avait le peuple juif. À sa droite se tenait un agneau et au fond on distinguait le désert.

Il y avait cette légende qui expliquait : « Tous les ans, le grand-prêtre d’Israël chassait dans le désert un agneau pour l’expiation des péchés ».

J’aimais beaucoup les animaux. Cependant, cet agneau, qui me regardait avec un air tellement triste, m’émouvait particulièrement inexplicablement. Cette image de temps en temps comme un flash se déclenchait dans mon esprit. Je comprendrai sa véritable signification vingt ans après.

« Sois patient tout arrive »

Ainsi, jusqu’à l’âge environ de vingt-deux ans j’étais athée par tradition familiale et au fil des ans par conviction personnelle. Pour moi, être athée signifiait ne pas croire :

— Au Dieu des curés qui en Espagne prirent pour la plupart le parti du franquisme contre le peuple.
— À cette Église qui produisit l'inquisition.
— À ce clergé qui tint pendant des siècles les peuples, sous un joug de fer, dans une totale ignorance et l'esclavage le plus servile.
— À tous ces curés qui disent faites ce que je vous dis, mais pas ce que je fais.

Cependant, cela ne m’empêchait pas de reconnaître que l'église produisit de véritables saints et saintes ; comme Saint-François-d’Assise, Saint-Vincent de Paul, mère Teresa, sœur Emmanuelle, l’abbé Pierre et bien d'autres encore, plus anonymes et aussi méritants.

Mais surtout, je ne pouvais pas croire à ce Dieu qui permettait toutes ces souffrances et injustices dans le monde.

J’étais contre les religions qui le représentaient et qui, selon la formule consacrée, sont l'opium du peuple. Pour moi, toute l’injustice et la souffrance du monde prouvaient l’inexistence de Dieu.

De plus, je pensais qu’un athée est plus méritant qu’un croyant. Pourquoi ? Parce que le croyant a besoin, pour surmonter les difficultés de la vie, d’une béquille imaginaire appelée, Dieu. L’incroyant ne doit compter que sur lui-même. Il est le démiurge de sa destinée. C’est pourquoi je considérais tout croyant comme un infirme.

Je connus ma femme. Un jour, nous parlions de Dieu. Elle m’avoua qu’elle y croyait. Je me moquais d’elle. Nous nous mariâmes et eûmes une fille. Alors, je pris conscience de mes nouvelles responsabilités.

Je désirais leur apporter le meilleur de la vie et avoir une belle situation qui rapporterait beaucoup d’argent. Mais tout cela, je le voulais tout de suite. En ce temps-là, j’étais très impatient. Je me demandais comment réussir rapidement. Me remettre sérieusement aux études ? Ce serait trop long, je n'en avais ni le désir ni le courage. Un jour dans une revue, je lus, une annonce qui disait à peu près ceci : « Développez, par l’Auto-Hypnose, les pouvoirs latents qui sommeillent en vous. »

Je commandais le livre. Lorsque je le reçus, je le dévorais en quelques jours. Ce bouquin décrivait l’auto-hypnose comme une technique permettant de tout mémoriser définitivement.

Voilà, j’avais trouvé la solution ! J’allais me remettre aux études et travailler mes cours sous auto-hypnose. À moi les diplômes, la belle situation ! C'était aussi simple que cela ! Encore fallait-il y penser.

Je remarquais dans mes lectures qu’il était souvent question du Subconscient, partie de l'être renfermant de grands pouvoirs latents. Également du supra-conscient, parcelle de Dieu dans l’homme qui offre encore plus de possibilités. Le terme supra-conscient sonnait bien à mes oreilles, mais le nom de Dieu hérissait profondément mon athéisme pur et dur. Alors, je décidais de me consacrer uniquement au subconscient et d’ignorer tout ce qui pouvait faire allusion à Dieu.

J’expérimentais cette technique d'étude et je passais de longs moments à fixer la flamme d'une bougie. Lorsque je pensais être en condition, je lisais et relisais les leçons. Je constatais que mes cours n’étaient pas retenus d'une manière complète, encore moins définitive. Je reconnaissais que j’avais passé beaucoup de temps à me mettre en état d'hypnose et que ce temps utilisé à étudier classiquement aurait produit de meilleurs résultats. Mais voilà, je ne voulais pas en convenir. Je m’obstinais à y croire.

Je me disais :

— C’est une question de technique et la tienne n’est pas encore au point. Tu dois persévérer.

En ce temps-là, je passais tantôt par des périodes d’euphorie au cours desquelles je me sentais « le roi du monde » et où tout me serait possible. Tantôt par d’autres, je me sentais moins que rien.

La grand-mère de ma femme, qu’on appelait « Kika », habitait juste à côté de chez nous. C’était une femme formidable, gentille et douce. Seule une barrière, en bois vermoulu, avec un petit jardin séparait nos maisons. Elle s’accoudait à la palissade et nous appelait pour nous inviter à prendre le café. Elle le faisait souvent, pour se sentir moins seule et pour converser avec nous.

Ce jour-là, mon moral était au plus bas, comme on dit « au raz des chaussettes » ! Comme d’habitude, grand-mère servit le café tout fumant qui répandait dans la pièce sa bonne odeur. Elle me tendit la boîte en fer blanc remplie de gâteaux sur lesquels étaient inscrites des maximes.

Comme d’habitude, j’en pris un au hasard. Machinalement, je lus l’inscription : « Sois patient, tout arrive ».

À la lecture de cette devise, je reçus une paix que les mots ne peuvent décrire. Je ressentis dans mon cœur comme une promesse qui me disait :

« Si tu te montres patient et persévérant, tu recevras ce que tu attends. »

Alors, je compris que je devais acquérir dans cette vie ces deux qualités qui me manquaient tant et qui étaient si essentielles pour tout individu. Vouloir tout immédiatement n'était pas la bonne méthode, car chaque bonne chose détient le prix fort à payer. Bien des années après, je compris que ce gâteau avec sa maxime était comme un petit murmure de Dieu glissé au creux de mon oreille. Tout simplement : un autre panneau indicateur !

Les 3 questions clefs de la vie 

Quelque temps après, je me posais beaucoup de questions : Pourquoi la vie ? Quel est notre véritable but sur cette Terre ? La mort est-elle la fin de tout ? Je fus surpris de me poser cette dernière question. Quelque temps auparavant, j’aurais répondu :

— Mais bien sûr qu'après la mort tout est fini, notre corps devient poussière et sera réutilisé pour créer d'autres êtres ou formes de vies.

Alors, je me dis :

— J'aime ma femme, ma fille, mes parents, mes amis... Lorsque nous mourrons, tous ces liens qui, dit-on, sont plus forts que la mort disparaîtraient comme s'ils n'avaient jamais existé ?

C'était la première fois qu'une telle éventualité me paraissait inconcevable et me révoltait. Notre but sur terre serait-il simplement de se perpétuer pour assurer la survie de notre espèce ? Je me souvins alors de ma tante d’Espagne et des bons moments passés auprès d’elle. Je l’entendis surtout me parler du Bon Dieu. Une question surgit dans mon esprit :

– Mais d’où venons-nous ? Mon père m'a donné la vie ; mais cette vie, il la détient de son père qui lui-même la reçut de son père. Et ainsi de suite, jusqu'à la nuit des temps. Mais qui est le premier à avoir eu la vie en lui-même et l’a transmise comme un flambeau de génération en génération ? Comment le temps, le hasard, la matière sans intelligence ont-ils pu créer toute cette diversité, ces êtres vivants doués d’intelligence ? Oui, comment l’inintelligence peut-elle créer l’intelligence ? Comment le chaos peut-il créer l’ordre parfait ? Quel est notre but sur cette terre ? Si on doit mourir, s’il n’y a rien après, alors à quoi bon aimer, lutter, faire de son mieux pour être en accord avec sa conscience ? Pourquoi toute cette morale ? Si demain nous devons mourir, alors mangeons, buvons, faisons ce qui nous plaît. Pourquoi malgré nous, aspirons-nous, à nous élever ? Pourquoi lorsque nous agissons mal, sommes-nous mal dans notre peau ? Ce n'est pas notre culture judéo-chrétienne avec tous ses interdits, car je n'y crois pas. C'est quelque chose qui fait partie de nous ?! C'est notre conscience ! Mais notre conscience : c'est quoi ? Ce qui nous permet de distinguer le bien du mal ? À l'école, il y avait des cours de morale, mais on savait naturellement quand on faisait bien ou mal.

Je connus un grand désarroi et en même temps, un besoin impérieux de connaître les réponses à ces trois questions. Mais ces réponses existent-elles ? Je ressentis qu’elles étaient les plus importantes de la vie.

J’abandonnais l'étude par auto-hypnose, tant les résultats étaient nuls. Par contre, je me sentais attiré par tout ce genre de littérature. Même le terme supra-conscient assimilé à Dieu ne le hérissait plus. Pour arrondir les fins de mois, deux à trois soirs par semaine, après son travail d’aide-chimiste à la Faculté de médecine et de pharmacie, je vendais, au porte-à-porte, un livre de cuisine. Un soir, je frappais à la porte d’une famille de race noire. Dès les premiers instants, je ressentis une grande affinité avec le chef du foyer, et je perçus les mêmes sentiments de sympathie de son côté.

Je fis la présentation du livre. L’épouse le trouva intéressant et demanda la permission de nous quitter un instant afin de le montrer à sa voisine d’en face.

Resté seul, l’homme me regarda droit dans les yeux et dit :

— Croyez-vous en Dieu ?

Je fus surpris par cette question à laquelle je ne m’y attendais guère. Fièrement en bombant le torse, je répondis :

— Non, pas du tout ! Je suis athée !

Soudain, un silence pesant s’installa entre nous. J’étais sûr que cet homme avait mille choses à me dire et il restait là, muet, le visage fermé, avec un air désolé qui me désolait encore plus. Le courant ne passait plus entre nous. À cette idée, je me sentis pris de panique. Je savais, comme jamais je n’ai su qu’il fallait, à tout prix, rétablir le contact. Sinon, je risquais de perdre quelque chose de vital. Alors, je m’entendis dire :

— Je ne crois pas en Dieu, mais je crois qu'il y a en chacun de nous un petit dieu qui sommeille.

Voilà, c'était dit. Je n'en revenais pas ! Comment ai-je pu prononcer une telle énormité ? Pourtant, c’était bien ce qu'il fallait dire, car le visage de l’homme s’ouvrit à nouveau. Plus amical que jamais. Ouf ! Je respirais de soulagement.

L’homme me parla de Dieu, avec une foi et des accents qui firent vibrer en moi des sentiments inconnus enfouis au plus profond de mon être. Il me fit connaître Bouddha et je découvris ce grand personnage. Il fit beaucoup référence à Jésus et Jésus ne fut plus pour moi « une histoire de curés ».

Je passais un moment extraordinaire. Avant de partir, l’homme me confia un livre sur la vie des maîtres d’Orient. Je le dévorais et je pris beaucoup de notes. Quelque temps après, le livre en main, je frappais pour la seconde fois à leur porte.

À ma surprise, je me trouvais en face d’un autre homme. J’appris qu’ils avaient déménagé. Devant la porte entrouverte et cette personne inconnue, j’eus au fond de mon âme un sentiment étrange. Je revis dans son esprit l’homme qui vécut là. Je pensais qu’il fut comme un ange qui passe, donne un message et disparaît soudainement en laissant derrière lui une impression à la fois de rêve et de réalité. Mais le livre que je tenais dans mes mains témoignait que je n’avais pas rêvé !

Encore un autre panneau spirituel ! Oui, Dieu peut nous parler à travers d’autres personnes. À travers mille petits moyens. Mille expériences qui peuvent paraître anodines. À nous de les reconnaître et de les suivre. Certains vous diront :

— Mais tu te fais des idées. Tu prends tes désirs pour des réalités. Tu te conditionnes !

Pourtant au fond de soi-même, on sait et on sait que Dieu sait. Et c’est cela qui compte vraiment. Même si on ne peut pas exprimer par des mots ce qu’on sait. En partie, c’est ça la foi. Cette force, cette assurance, cette paix dont je me moquais tellement avant de l’acquérir et qui aujourd’hui m’est chère, douce, vitale. Pour laquelle, j’exprime quotidiennement ma reconnaissance à Dieu.

La quête de la vérité

Je continuais ma quête de la Vérité en cherchant la réponse à ces trois questions clefs de la vie. Cela dura sept ans. Je me refusais d’étudier le Christianisme qui pour moi se résumait au catholicisme et donc aux curés qui prirent le parti du franquisme contre la République.

Je me mis à étudier les religions d’Orient : l'Hindouisme et le Bouddhisme. Je fus particulièrement captivé par Bouddha, mais j’étudiais aussi une multitude de grands maîtres et Lamas. Je m'intéressais à la métaphysique de Pythagore, de Platon et à un tas d'autres livres. Je remarquais que Jésus était souvent cité dans tous les livres étudiés et qu'il était considéré comme le Maître des maîtres. Alors, je me promis d’étudier la Bible dès que je me sentirais spirituellement prêt.

Dans mes études, je découvris la doctrine de la réincarnation. Je croyais avoir atteint le but. Cette doctrine pouvait tout expliquer logiquement. Je compris à travers elle que l’homme est responsable individuellement, collectivement de son bonheur ou de son malheur. Car si Dieu est Amour, alors il est aussi Justice ; et comme il est équitable, il ne peut favoriser l’un ou l’autre. Je compris que chacun à son niveau est responsable de l’état actuel du monde qui est ni plus ni moins que le reflet de nos actes collectifs, vie après vie, et génération après génération. La loi du Karma agit au niveau de l’individu, des nations et de la terre entière. C’était merveilleux, à partir de la réincarnation, je pouvais tout expliquer, tout comprendre :

— Pourquoi tel homme à trois ans jouait-il de grandes œuvres au piano ? Parce que dans sa vie précédente il avait développé ce talent et dans cette vie, il en recueillait le fruit.

— Pourquoi cet autre est-il homosexuel ? Parce que dans sa vie précédente il fut une femme et qu’il en gardait aujourd’hui inconsciemment la nostalgie.

Ainsi, le malheur, la douleur, le bonheur peuvent s’expliquer, car tout ce qui nous arrive est une rétribution de nos vies passées. Naître dans tel pays, être riche, pauvre, heureux, malheureux, malade, en bonne santé, beau, laid… Tout a une explication, car il y a toujours une relation de cause à effet. Telle est la loi du Karma. Cette loi de justice trouve son accomplissement et sa justification dans la réincarnation. Comme les maîtres d’Orient et Grecs l’enseignèrent, nous récoltons dans cette vie, ce que nous avons semé dans nos vies précédentes. Ainsi, nous devons semer le meilleur de nous-mêmes par la méditation, la recherche de la connaissance, la compassion. Alors, nous aurons à notre mort une meilleure renaissance, en espérant que ce soit la dernière, celle qui nous permettra d’être absorbés dans l'Un ou Dieu.

Oui, je croyais avoir reçu enfin la réponse aux trois questions clefs de la vie : d'où venons-nous ? Quel est notre but sur la terre ? Où allons-nous après cette vie ? ...

Un jour, je me promenais, sur les quais de Bordeaux. Je remarquais, Place de la Bourse, une grande tente. Curieux, je rentrais. Au centre, je reconnus le portrait du Christ. Deux jeunes hommes d’une vingtaine d’années, sympathiques, souriants, impeccables en costume-cravate l’accueillirent. Tout de suite, je fus touché par le regard lumineux, à la fois doux, paisible et amical de l’un d’eux.

Ils étaient missionnaires d’une Église chrétienne portant un curieux nom à rallonge : Église de Jésus Christ des saints des derniers jours. Ils m’expliquèrent que leur Église était plus connue sous le nom d’Église mormone. Je n’en fus pas plus avancé.

Ils me racontèrent la vie d’un prophète du nom de Joseph Smith. J’écoutais poliment. Tous les deux parlaient avec un fort accent américain, charmant et agréable. Celui qui avait le regard de lumière s’exprimait assez maladroitement. Il jetait des regards désespérés vers son compagnon plus expérimenté qui lui soufflait les mots avec beaucoup de discrétion. Quand ils eurent terminé, je leur demandais ce qui, avant tout, m’intéressait :

— Votre Église croit-elle en la réincarnation ?
— Non, pas du tout.
— Alors, cela ne m’intéresse pas.

Cet événement fut un nouveau panneau indicateur que Dieu mettait sur mon chemin, avec des personnes, qu’il plaça à un carrefour important de ma vie pour m’indiquer précisément la bonne route à suivre. Ce jour-là, je fus aveugle ou sourd ou les deux à la fois.

Je continuais à étudier une abondante littérature qui, d’après moi, me préparait spirituellement à étudier la Bible. Vint le jour où me considérant fin prêt à découvrir les secrets cachés du Livre des livres, j’allais à la « Maison de la Bible », au cours d’Alsace et Lorraine, en plein centre de Bordeaux.

Une gentille petite dame âgée vint vers moi. Au cours de notre conversation, je lui fis part de ma laborieuse préparation. Elle me regarda longuement. Avec beaucoup de douceur, elle me dit :

— Vous vous trompez, mon bon monsieur, la Bible doit être lue comme un petit enfant.

Je pensais avec suffisance :

— Ma petite dame, excuse-moi, tu es bien gentille, mais tu es à côté de la plaque ! Tu n'as rien compris !

J’apprendrai quelques années plus tard combien elle avait raison et moi tort. Je commençais l’étude de la Bible par l'Ancien Testament. Je ne comprenais rien. Déçu, j’abandonnais, et je passais au Nouveau.

Alors, je découvris un Jésus, encore plus grand que toutes mes études antérieures m’avaient fait connaître. J’en fus touché au-delà des mots. Je fus comme « absorbé » par Lui. Cependant, dans le Nouveau Testament, je ne trouvais pas la Réincarnation, mais la Résurrection ! Ce fut un choc, un véritable déchirement.

Logiquement, il ne pouvait y avoir les deux à la fois. C’était l’une ou l’autre, car tous les hommes doivent être pesés avec la même balance. Par conséquent si l’une est vraie l’autre est fausse. Et inversement. Mon cœur penchait pour la Réincarnation que je trouvais plus juste plus logique et à vrai dire, je ne comprenais pas la Résurrection. Pourquoi le Christ ? Et pourquoi pas tout le monde ? Mais en même temps, je me sentais de plus en plus « absorbé » par Jésus qui affirmait avec autorité être la Vérité, la Vie, le Chemin et la Résurrection.

Ce Maître donnait des enseignements, tellement simples, directs et condensés à tel point qu’une seule phrase de Lui expliquait plus et mieux que de longues pages de commentaires doctrinaux des maîtres étudiés jusque-là. Dieu dut considérer que j'avais été, au cours de ces sept années, suffisamment patient, persévérant et donc prêt à recevoir la Vérité, conformément au message qu’Il m’envoya par le biscuit retiré de la boîte en fer-blanc de ma grand-mère avec la maxime : « Sois patient tout arrive ! »

Je réalisais cette grande bénédiction au moyen d’un événement tout simple comme un déménagement. Nous habitions à Sarcignan et nous déménageâmes à Cenon. Mon voisin de palier était la famille Bennasar. Pourtant, nous nous liâmes d'abord d'amitié avec les Vilatte, les voisins du troisième. Ces derniers avaient des amis rosicruciens, qu’ils nous présentèrent, et je décidais de suivre leur enseignement.

Très vite, j’abandonnais. Je ne sentais pas cette philosophie qui pourtant recherche pour ses membres un état de perfection spirituelle et morale. Ses origines me paraissaient bizarres et multiples par conséquent contradictoires. Pour certaines :

— La Rose-Croix est un ordre remontant au début du 17ième siècle en Allemagne dont le fondateur serait Christian Rosenkreutz.
— Les Rose-Croix seraient les successeurs des chevaliers du Graal et des Templiers.
— Pour le docteur Harvey Spencer Lewis, le fondateur en 1915 de « l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix ou AMORC » , le personnage de Christian Rose-Croix, ou Christian Rosenkreutz, serait une allégorie. Pour lui, l'ordre aurait été créé, non par un initié portant ce nom symbolique, mais par une société initiatique de mystères, il y a 3 500 ans, organisée par le pharaon Thoutmôsis III.

Que croire et qui croire ?

Plus tard, je serais d'accord avec Michel Malherbe, dans son livre « Les religions de l’humanité » :

« En fait, la mystique paraît bien éloignée des préoccupations de ces personnages (les dirigeants supérieurs de l’Ordre), à moins qu’il ne s’agisse d’une entreprise de déification de l’homme. Comment expliquer autrement l’autel que le disciple est prié d’installer chez lui et dont la pièce essentielle est un miroir entouré de baguettes d’encens ? Chacun se voit ainsi dans le miroir comme la divinité de son propre culte. Un cahier personnel où chacun relate les progrès de sa méditation complète, la panoplie narcissique du disciple. Chaque jeudi, une soirée d’étude tient lieu de grande messe. On y emploie des formules rituelles qui sont comme le négatif de celles de l’Église catholique. (Par exemple : « Qu’il en soit ainsi », au lieu « ainsi soit-il »). L’exaltation de la puissance de l’homme situe les rosicruciens à l’opposé des croyants qui voient au contraire leur réussite et leur épanouissement à travers la reconnaissance de la toute-puissance de Dieu. »

De nouveau, je ne savais plus à quel saint se vouer. Finalement, je décidais de me débarrasser de tous les livres traitant de religion, sauf de la Bible, que je lirais entièrement une fois par an.

La famille Bennasar

C’est là qu’intervient la famille Bennasar avec qui je n’avais eu, jusqu'à présent, que de simples relations de bon voisinage. Un jour, Paul et moi discutions sur le palier. Je l’invitais à entrer. Paul vit la Bible sur la table et j’eus le temps de remarquer un petit éclair passer dans ses yeux. Il me dit très intéressé :

— Vous lisez la Bible ?
— Oui. Je me suis promis de la lire une fois par an.

Ses yeux brillaient encore plus :

— Nous aussi, dans notre famille, étudions la Bible, nous pourrions en parler ensemble.
Paul m’apprit qu’il était mormon. Aussitôt, je revis, dans mon esprit, le missionnaire mormon, rencontré quelques années auparavant, que j’appelais « Le jeune homme au regard de lumière ».

Suite à cette discussion, deux à trois fois par semaine à 6 heures 30, nous faisions du footing au parc Palmer tout en parlant de religion. À la fin d’un entraînement, Paul me proposa de rencontrer les missionnaires. J’acceptais.

Mon témoignage spirituel du Livre de Mormon

Ils vinrent un soir vers 19h 30, quand je leur ouvris la porte, je me trouvais devant Elder Gyunn et Elder Ysaat (Elder signifie Ancien). Dans le regard d’Elder Ysaat, je revis exactement celui de mon missionnaire rencontré quelques années auparavant et cela me frappa. Nous eûmes une première discussion, sur la première vision du prophète Joseph Smith. La discussion dura très longtemps et déborda largement sur d’autres sujets. Nous nous séparâmes en prenant un nouveau rendez-vous. Avant de partir, ils me laissèrent le livre de Mormon, me demandèrent de le lire et de prier à son sujet.

Le lendemain, je pris le livre et m’installais confortablement dans mon fauteuil habituel. À peine, avais-je lu quelques pages, soudain je me levais et m’entendis crier :

— Ce livre est vrai, il vient de Dieu !

Puis, je retombais sans forces sur le fauteuil, et je sentis en moi comme une chaleur avec un bien-être qui me parcourait de la tête aux pieds et qui me fit pleurer comme un enfant de joie et de reconnaissance. Ce bonheur, aucun mot ne peut l’exprimer. Ce sentiment, dans une moindre mesure, je l’avais ressenti le jour où « Kika », la grand-mère de ma femme, m’avait tendu sa boîte à gâteaux en fer blanc de laquelle, j’en avais retiré un, avec la maxime « Sois patient tout arrive ».

Je compris que j’allais avoir enfin la vraie réponse à mes trois questions. Ce moment d’euphorie passé, je réalisais que je me trouvais en face d’un problème insoluble : Je savais maintenant que le Livre de Mormon est vrai, qu’il vient de Dieu, mais il m’était impossible d’admettre l’histoire de Joseph Smith.
Je ne pouvais pas croire :

— Qu’un garçon âgé de 15 ans ait pu voir Dieu le Père et son Fils Jésus-Christ.
— Que Dieu ait l’apparence d’un homme ! À la rigueur, qu’il l’ait prise pour la circonstance, je veux bien, car je pensais que Dieu pouvait prendre toutes les formes. Mais les missionnaires m’affirmaient grâce à l’expérience de leur prophète que Dieu en permanence, tout comme nous, possède un corps, de chair et d’os, à la différence que le sien est glorifié et ressuscité.

Alors, une grande tristesse remplaça progressivement ma joie. Soudain, j’eus une idée. Je pris le livre de Mormon, je le serrais très fort dans mes mains, et je me mis pour la première fois à genoux. Je fermais les yeux, je m’imaginais que Jésus était là devant moi, et pour la première fois de ma vie, je priais à haute voix :

— Notre Père qui est aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, donne nous aujourd’hui notre pain quotidien, pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons ceux qui nous ont offensés, ne nous abandonne pas à la tentation, mais délivre nous du mal. Car c’est à toi qu’appartiennent dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Ô Jésus, tu es-là devant moi. Je sais que ce livre est vrai, ne m’abandonne pas, et éclaire-moi. Fais, je te prie, ce que je vais te demander. Voici, ce livre est de Dieu, je le sais maintenant, je vais le laisser s’ouvrir. Fais qu’il s’ouvre, s’il te plait, à la page qui sera ta réponse pour moi.

Je me concentrais de toutes mes forces, de tout mon esprit, puis je laissais le livre s’ouvrir. J’ouvris les yeux et je lus :

« Et quand vous recevrez ces choses, je vous exhorte à demander à Dieu, le Père éternel, au nom du Christ, si c’est choses ne sont pas vraies ; et si vous le demandez avec un cœur sincère et une intention réelle, ayant foi au Christ, il vous en manifestera la vérité par le pouvoir du Saint-Esprit. Et par le pouvoir du Saint-Esprit, vous pouvez connaître la vérité de toutes choses. »

Si un jour je voulais connaître la Vérité de toutes choses, je devais recevoir le don du Saint-Esprit, et pour recevoir le don du Saint-Esprit, je savais que je devais me faire baptiser. Alors, je me dis :

— Sois logique et cohérent avec toi-même, tu ne crois pas que Joseph Smith ait vu Dieu, le Père et son Fils Jésus-Christ et pourtant, tu sais que le livre de Mormon est de Dieu. Ce livre le monde l’a reçu par l’intermédiaire de Joseph Smith, n’est-ce pas ? Alors, admets qu’il est un prophète de Dieu et que la première vision est vraie.

J’avais reçu gratuitement de Dieu, sans aucun effort de ma part, le témoignage spirituel que le livre de Mormon est vrai, par contre, j’ai dû me battre pendant plus d’un an pour recevoir le témoignage spirituel que Joseph Smith est un prophète de Dieu. J’étudiais le livre de Moïse, d’Abraham, Doctrine et Alliances. Je priais, je jeûnais. Par cette longue démarche, j’étais arrivé à croire intellectuellement que Joseph était un prophète, mais je ne le savais pas spirituellement comme je le savais pour le Livre de Mormon.

Mon témoignage spirituel de Joseph Smith

Voici exactement de quelle manière je reçus le témoignage spirituel que Joseph Smith est un prophète de Dieu envoyé dans les derniers jours pour rétablir, sous la direction du Christ, son Église et la plénitude de l’Évangile éternel.

Ce jour-là, j’étudiais la section 88 de Doctrine et Alliances. J’avais déjà eu l’occasion de lire cette section plusieurs fois, seul ou en leçon de prêtrise avec les frères du collège des anciens :

« En vérité, ainsi dit le Seigneur, à vous qui vous êtes rassemblés pour recevoir sa volonté à votre sujet : Voici, ceci est agréable à votre Seigneur, et les anges se réjouissent à cause de vous ; les aumônes de vos prières sont montées aux oreilles du Seigneur des armées et sont inscrites dans le livre des noms des sanctifiés, à savoir ceux du monde céleste.

C’est pourquoi je vous envoie maintenant un autre Consolateur, à savoir sur vous mes amis, afin qu’il demeure dans votre cœur, oui, le Saint-Esprit de promesse ; lequel Consolateur est celui-là même que j’ai promis à mes disciples, comme le rapporte le témoignage de Jean. Ce Consolateur est la promesse que je vous donne de la vie éternelle, à savoir la gloire du royaume céleste ; laquelle gloire est celle de l’Église du Premier-Né, à savoir de Dieu, le plus saint de tous, par l’intermédiaire de Jésus-Christ, son Fils :

Lui qui est monté là-haut, de même qu’il est descendu au-dessous de toutes choses, en ce qu’il a embrassé toutes choses, afin d’être en toutes choses et par toutes choses, la lumière de la vérité.

Laquelle vérité luit. C’est la lumière du Christ. De même qu’il est dans le soleil, et la lumière du soleil, et le pouvoir par lequel il a été fait.

Il est aussi dans la lune, et est la lumière de la lune, et le pouvoir par lequel elle a été faite.

Et aussi la lumière des étoiles et le pouvoir par lequel elles ont été faites ;

Et la terre aussi et son pouvoir sur laquelle vous vous tenez.

Et il y a beaucoup de royaumes, car il n’est point d’espace dans lequel il y ait un royaume, et il n’y a point de royaume dans lequel il n’y a point d’espace, que ce soit un grand ou un petit royaume.

Et à tout royaume est donnée une loi ; et à toute loi, il y a certaines limites et certaines conditions. Et ces royaumes se donnent de la lumière l’un à l’autre, en leurs temps et en leurs saisons, en leurs minutes, en leurs heures, en leurs jours, en leurs semaines, en leurs mois, en leurs années. Tout cela est une année pour Dieu, mais pas pour l’homme.

Et la lumière qui luit, qui vous donne la lumière, vient par l’intermédiaire de celui qui illumine vos yeux, qui est cette même lumière qui vivifie votre intelligence ; laquelle lumière sort de la présence de Dieu pour remplir l’immensité de l’espace, la lumière qui est en toutes choses, qui donne la vie à toutes choses, qui est la loi par laquelle tout est gouverné, à savoir le pouvoir de Dieu qui est assis sur son trône, qui est dans le sein de l’éternité, qui est au milieu de toutes choses.

À quoi comparerai-je ces royaumes pour que vous compreniez ? Voici, je comparerai ces royaumes à un homme qui a un champ, qui envoya ses serviteurs dans le champ pour labourer le champ.

Il dit au premier : Va travailler dans le champ et je viendrai vers toi dans la première heure, et tu verras la joie de mon visage. Et il dit au deuxième : va aussi dans le champ et à la seconde heure et je te visiterai de la joie de mon visage.

Et également au troisième en disant : Je te visiterai.

Et au quatrième, et ainsi de suite jusqu’au douzième.

Et le seigneur du champ alla vers le premier, à la première heure, et demeura avec lui pendant toute cette heure et il se réjouit de la lumière du visage de son seigneur.
Alors, il se retira du premier afin de visiter également le deuxième et le troisième, et le quatrième, et ainsi de suite jusqu’au douzième.

Et ainsi, ils reçurent tous la lumière du visage de leur seigneur, chacun en son heure, en son temps et en sa saison ; commençant par le premier et ainsi de suite jusqu’au dernier, et du dernier au premier, et du premier au dernier ; chacun en son ordre propre, jusqu’à ce que son heure fût terminée, selon ce que son seigneur lui avait commandé, afin que son seigneur fût glorifié en lui et lui en son seigneur, afin qu’ils fussent tous glorifiés.

C’est pourquoi c’est à cette parabole que je comparerai tous ces royaumes et leurs habitants, chaque royaume en son heure, en son temps et en sa saison, conformément au décret que le Seigneur a lancé. »

Quand j’eus fini de lire cette parabole, j’ai su sans l’ombre d’un doute que Joseph Smith recevait personnellement, face à face avec le Seigneur ou par le pouvoir du Saint-Esprit, la parole du Seigneur. Je savais que cette parabole des royaumes ou paraboles des mondes n’était pas de l’homme, mais du Seigneur lui-même. Je savais, sans l’ombre d’un doute, que l’Auteur de cette parabole est le même que Celui des merveilleuses paraboles du Nouveau Testament.

Alors, je ressentis, comme pour le livre de Mormon, cette merveilleuse chaleur me parcourir de la tête aux pieds et me faire pleurer de reconnaissance : cette joie unique que seul Dieu peut donner à ses enfants. Je n’avais plus simplement un témoignage intellectuel de Joseph, mais enfin un témoignage spirituel de lui et de sa mission.

Chaque fois que j’ai reçu un témoignage spirituel d’une Vérité de l’Évangile, c’est toujours de cette manière que je l’ai reçu. Ces merveilleuses expériences, malheureusement, ne furent pas quotidiennes, loin de là. Elles ont été plutôt rares et si je compte bien, elles ne dépassent pas les doigts de mes deux mains au cours des 45 dernières années.
Pourtant, je peux dire, au nom du Seigneur Jésus-Christ, qu’un jour je sais, que je serai devant mon Rédempteur, que je pourrais baiser ses pieds de reconnaissance et d’amour ; les mouiller de mes larmes, car je me tiendrai en sa présence et je pourrais enfin contempler sa gloire. Pourtant, même en cet instant béni, je ne saurais pas plus qu’en ce moment :

— Qu’il est le Christ, mon Sauveur, mon Rédempteur,
— Que Joseph Smith est son prophète et que si Jésus nous a sauvés de nos péchés, il a envoyé Joseph nous sauver de notre ignorance.
— Que le Livre de Mormon a été traduit par le don et le pouvoir de Dieu afin de rétablir la vraie doctrine ; confondre les fausses, compléter la Bible, dans tout ce qui a été perdu, retranché, mal retranscrit ou perverti à dessein ou par ignorance, être avec elle, un témoin vivant du Christ.
— Que Joseph Smith, sous la direction du Sauveur, a rétabli l’Église de Jésus Christ et la plénitude de son Evangile Eternel.

Le goût du sel

Tel est mon témoignage et ce témoignage. C’est comme la foi, comme croire en Dieu, c’est impossible à prouver. Pourtant quand on sait, on sait tout simplement, et c’est tout ce que nous pouvons dire. Prenons un exemple. Essayez d’expliquer par des mots le goût du sel à une personne qui ne l’a jamais goûté. Vous constatez qu’il n’y a pas de mots pour faire connaître comme vous connaissez le goût du sel à cette personne. Et pourtant, d’une manière certaine, vous connaissez le goût du sel.

Pour connaître le goût du sel, il faut tout simplement, le goûter n’est-ce pas ? Il en est des choses spirituelles, comme du goût du sel, pour le connaître, il faut personnellement le goûter. Alors, quand on y a goûté, on le connaît, et on le reconnaît à jamais, parmi une infinité d’autres goûts.

Religiosité à la carte

L’homme d’aujourd’hui, à la recherche de spiritualité, devant tant de connaissances, de moyens de communication, de choix, se trouve dans le cas de l’acheteur dans un supermarché et quelqu’un a dit :

« C’est pourquoi on assiste au développement d’une nouvelle religiosité à la carte : chacun prend un chariot et fait librement son choix dans un supermarché du religieux devenu planétaire. »

Comme si ce n’était pas suffisant, un sage de l’Inde « exprimait une idée foncièrement hindoue lorsque, questionné sur la possibilité d’une religion universelle, il répondit, au grand étonnement de ses auditeurs, que l’idéal n’était pas une religion uniforme à laquelle tous les hommes devraient se soumettre, mais autant de religions que d’individus. Autant d’hommes, autant de dieux. Les hindous ont reconnu là une vérité découlant des limitations de l’humanité, de son caractère non infini, de l’étroitesse de ses points de vue ».

Un autre sage développait cette idée :

« Y aura-t-il dans l’avenir une religion universelle ? Nous pourrions aussi demander : Y aura-t-il jamais un manteau qui soit à la taille de tout le monde ? »

Ainsi aujourd’hui, non seulement, il y a le choix d’une infinité de religions, mais surtout sous l’influence des religions orientales, celui qui est en quête de religiosité est convaincu que la Vérité se trouve éparpillée, un peu dans chaque religion. Alors il se crée son propre cocktail en prenant un peu ici, un peu là, et il se forge sa croyance en fonction de ses besoins. Ainsi le souhait de ces sages de l’Inde se trouve en partie réalisé. Pourtant les lois physiques, comme celle de la gravitation, nous démontre exactement le contraire. Cette loi ne s’adapte pas en fonction des races, des pays et des besoins individuels. La loi de la gravitation est la même pour tout le monde. Il en est ainsi de toute loi physique. Pourquoi en serait-il différent des lois spirituelles qui par principe sont supérieures aux lois physiques ?

Ces maîtres d’Orient préconisent autant de religions que d’individus. Pourtant, Celui qu’ils considèrent, souvent, comme un des plus grands maîtres, sinon le plus grand, Celui qui de plus, est un Dieu d’amour, un Sauveur, un Dieu qui s’est fait homme, a dit : « Entrez par la porte étroite. Car large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par-là. Mais étroite est la porte, resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui les trouvent. Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. »

Le Sacrifice expiatoire du Christ

La naissance du Christ devait être virginale !

Pourquoi est-il si difficile de croire que la naissance du Christ longtemps annoncée par les prophètes devait être virginale ? Pour dire vrai, il ne pouvait pas en être autrement. Pourquoi ? Pour mener à bien sa mission, Jésus devait combiner dans sa nature à la fois la mortalité pour mourir comme tout homme et l’immortalité pour donner sa vie volontairement pour ensuite la reprendre par le pouvoir de la résurrection qui était en lui. Il devait souffrir comme tout homme, mais aussi devait pouvoir supporter la souffrance comme un Dieu. C’est pour cela qu’il put prendre sur lui littéralement tous les péchés, toutes les souffrances, toutes les maladies physiques et spirituelles de tous les hommes depuis Adam jusqu’au dernier qui naîtra afin de réaliser l’immortalité et la vie éternelle de l’homme.

Joseph Smith, le prophète, nous révèle la Parole du Christ sur ce sujet si important :

« Et ces souffrances m'ont fait trembler de douleur, moi, Dieu, le plus grand de tous, et elles m'ont fait saigner à chaque pore et m'ont fait souffrir de corps et d'esprit — et j'ai voulu ne pas devoir boire la coupe amère, mais je n'ai pas non plus voulu me dérober — néanmoins, gloire soit au Père, j'ai bu et j'ai terminé tout ce que j'avais préparé pour les enfants des hommes. » (Doctrine et Alliances 19:18-19)

« Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre ». (Luc 22:44)

Ces grumeaux de sang, coulant par chaque pore, n’étaient pas une image ; mais une réalité à la fois terrible, merveilleuse et miséricordieuse.

« Cet Enfant qui devait naître de Marie fut engendré par Élohim, le Père éternel, non pas en violation des lois naturelles, mais conformément à une manifestation supérieure de celles-ci ; et le fruit de cette union suprêmement sainte, de cette parenté céleste, pur en dépit de sa mère mortelle, avait le droit d’être appelé le « Fils du Très-Haut ». (James Talmage, Jésus le Christ)

Au sujet du sacrifice expiatoire de Jésus à Gethsémané et à sa mort au Golgotha, j’aime beaucoup cette pensée : 4 « Certains critiques prétendent que le christianisme est une religion basée sur le sacrifice humain. On pourrait éventuellement le dire si Jésus-Christ n’était pas Dieu, s’il n’était qu’un être humain parmi d’autres. Après tout, si l’Expiation se résumait à une exigence de Dieu réclamant le sang d’une victime afin d’être réconcilié avec l’humanité pour nous pardonner, en quoi serait-ce tellement différent dans le principe que d’attraper une pauvre vierge et de la précipiter dans un volcan pour épargner le village, ou de brûler des enfants sur un autel dédié à Moloch pour gagner ses faveurs ? La différence capitale se trouve dans le fait que dans ces cas-là, ce sont des êtres humains qui souffrent pour réconcilier Dieu avec l’humanité, alors que, dans le christianisme, c’est Dieu lui-même, Jésus-Christ, qui souffre et meurt pour réconcilier l’humanité avec lui-même et son Père. Nous n’essayons pas d’atteindre Dieu pour toucher son cœur par nos sacrifices, mais c’est Dieu qui essaie de nous atteindre pour toucher notre cœur par son sacrifice infini. »

Daniel Rops et le catéchisme de l’Église catholique

Avant de poursuivre, voyons ce que le monde chrétien et l’Église catholique appellent la « Passion » du Christ, à Gethsémané. Dans le Catéchisme de l’Église Catholique, nous pouvons lire : « La coupe de la Nouvelle Alliance que Jésus a anticipée à la Cène en s’offrant Lui-même, Il l’accepte ensuite des mains du Père dans son agonie à Gethsémani en se faisant « obéissant jusqu’à la mort ». Jésus prie : « Mon Père, s’il est possible que cette coupe passe loin de moi… » Il exprime ainsi l’horreur que représente la mort pour sa nature humaine. En effet, celle-ci, comme la nôtre, est destinée à la vie éternelle ; en plus, à la différence de la nôtre, elle est parfaitement exempte du péché qui cause la mort ; mais surtout, elle est assumée par la personne divine du « Prince de la Vie », du « Vivant ». En acceptant dans sa volonté humaine que la volonté du Père soit faite, il accepte sa mort en tant que rédemptrice pour « porter Lui-même nos fautes dans son corps sur le bois ».

Daniel-Rops, d’une manière plus touchante et moins « technique », écrit :

« Retourné à sa solitude, il répète sa supplication confiante : « Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté s’accomplisse ! Et il était en agonie, au comble de l’angoisse. Sa prière se faisait de plus en plus pressante : une sueur lui perlait, comme des gouttes de sang, qui ruisselait jusqu’à terre. Un ange alors vint du ciel, lui apparut et le fortifia. La sueur de sang, que seul rapporte le médecin Luc, signale, en pleine lumière, le côté humain du Christ dans cette heure de déréliction. Le phénomène physiologique de l’hématidrose a été observé parfois dans des cas d’extrême angoisse où la nature arrache à ses profondeurs les manifestations les plus singulières, tel que le blanchiment instantané des cheveux. Et c’est bien l’humanité de Jésus qui, en cette circonstance, nous touche d’abord au cœur. Cet homme que la mort cerne, qui la respire avec l’odeur de la nuit, qui l’écoute dans le grondement du torrent, il ne peut faire que sa chair ne se trouble, ne se révolte : il a trente ans et il doit mourir !

Dans tout l’Évangile, pas même la scène de la Tentation, n’atteint à cette profondeur dans la vérité psychologique : ce cœur troublé, cette conscience si livrée au vertige qu’elle en vient à implorer de Dieu un miracle qui démentirait toute son action, nous ne les reconnaissons que trop bien. Si Jésus n’avait pas existé, si toute son histoire n’était que le résultat d’un travail hagiographique, les narrateurs eussent-ils inventé cet épisode où il apparaît si misérable ?… Le vrai sens de la scène, le plus profond, ce n’est pas d’être un témoignage de détresse, c’est d’être l’affirmation d’un consentement décisif. Torturé d’angoisse, prostré devant la mort, Jésus n’en répète pas moins, dans une sorte de bégaiement sublime ! « Pas ce que je veux, Père, mais ce que tu veux. » L’union du Fils et du Père est ici parfaitement visible. Une seule volonté, un seul plan. Quand Celse, le polémiste anti-chrétien du second siècle, ricanera que c’est un Dieu bien étrange que celui qui gémit et se lamente au lieu de manifester sa force par un miracle sur ces ennemis, il avoue tout bonnement qu’il n’a rien compris au christianisme… » (Daniel Rops, Jésus en son temps, p 405)

Quand Daniel-Rops écrit que « Jésus apparaît si misérable ! », cela me révolte ! Au contraire, c’est là qu’Il est le plus divin et s’apprête à devenir véritablement le Christ. À part ces quelques phrases que j’ai soulignées, tout ce qui est dit par l’Église catholique et par Daniel-Rops est vrai dans une mesure, si négligeable qu’il faut aller bien plus loin, jusqu’à l’infini pour comprendre Gethsémané et le sacrifice expiatoire de Jésus dans ce Jardin qui fut la réponse à celui d’Éden. Dans le premier, Ève et Adam accomplirent la chute afin que l’homme fût et le libre arbitre s’exprimât ; permettant aux hommes de connaître le bien et le mal afin de devenir semblables aux dieux. Cependant, comme nous avons tous péché, nous étions tous condamnés à être exclus de la présence du Père. Dans le second, Jésus accomplit la Rédemption de tous les hommes et souffrit pour tous nos péchés afin de nous permettre de retourner au Père ; car rien d’impur ne peut demeurer en sa présence. Oui, Jésus dans sa nature humaine et divine souffrit les affres de la mort qui approchait à grands pas ! Oui, lui, le seul homme sans péché, s’offrait en victime volontaire pour les péchés de tous les hommes ! Mais combien d’hommes à travers le monde ont senti l’odeur de la mort rôder autour d’eux avant qu’elle les saisisse et les emporte dans d’horribles souffrances ? Combien, coupables de crimes, l’ont respirée, pendant de longs mois, voire des années dans les fameux et terribles couloirs de la mort, avant d’être emportées ? Combien ont vécu ce moment terrible où l’on met la tête du condamné sous le gibet ; le nœud coulant autour de son cou, les arcs d’airain autour des poignets et des chevilles alors que tout leur être gémit de peur et de désespoir ? Des innocents condamnés à tort ont connu ces terribles moments. Parce que malheureusement les hommes peuvent être tellement raffinés dans la cruauté, beaucoup connurent, depuis Adam jusqu’à nos jours, des tortures encore plus odieuses que des clous enfoncés dans les mains et les pieds pour être ensuite mis en croix.

Au Jardin de Gethsémané, le Père lui envoya des cieux un ange pour le fortifier. Combien d’hommes, de femmes, d’enfants ont agonisé sous d’atroces souffrances à cause d’autres hommes ! Le Père leur a-t- il envoyé un ange pour les fortifier ? Alors pourquoi Jésus et pas eux ? Jésus priait le Père que cette coupe, si c’était possible, lui soit retirée, alors que tant de chrétiens à Rome allaient en chantant se faire dévorer dans les arènes par des bêtes féroces sous les applaudissements et les vociférations d’un public dégénéré. Combien en temps de guerres, devant le peloton d’exécution, demandèrent héroïquement que le bandeau leur soit retiré afin de fixer la mort en face et tombaient, fauchés sous les balles en criant : Vive la liberté ! À bas la tyrannie ! Ces martyres étaient-ils plus courageux que Jésus qui priait avec angoisse que la mort lui soit épargnée, lui qui est la résurrection et la vie ? Peut-on imaginer, une seule seconde, une telle aberration ? Lors de l’ancienne émission télévisée d’« Apostrophe » qui réunissait des philosophes, des hommes d’Église, des écrivains, Bernard Pivot demanda (si ce n’est pas du mot-à-mot, c’est dans l’esprit) :

Pourquoi fait-on tellement cas de la mort et des souffrances du Christ sur la croix, alors que tant d’autres ont subi les mêmes souffrances et tellement d’autres des souffrances encore plus terribles ? Aucun invité ne put répondre clairement à sa question.

Un prêtre répondit évasivement que cela faisait partie « des mystères de la Passion ». La question est là. Elle mérite et exige une réponse précise ! Qu’est-ce qui fait que pour Jésus ce fut différent ? Oui, infiniment, éternellement différent ? Qu’est-ce qui fait que ses souffrances et sa mort sont uniques, particulièrement terribles avec des répercussions incalculables ?

Comment cet homme que l’on décrit être à la fois homme et Dieu en mourant sur la croix, insulté par un peuple, prit-il sur lui les péchés de tous les hommes pour devenir notre Sauveur et notre Rédempteur ? Que signifie vraiment prendre les péchés de tous les hommes ? Est-ce concevable ? Est-ce possible ? Est-ce nécessaire ? Que signifie devenir le Sauveur et le Rédempteur de l’humanité ? Dans quel but ?

On peut se poser tellement d’autres questions et on doit se les poser, pour comprendre le véritable sens de Gethsémané et son but pour l’humanité. Essayons d’approcher ce « mystère », qui est une Vérité que seuls le Père et le Fils par le pouvoir du Saint-Esprit peuvent nous révéler. Sachant ce qui s’est produit à Gethsémané, ne laissons pas comme les apôtres nos yeux s’appesantir de sommeil.

Veillons et prions pour que chaque fois que nous méditons Gethsémané, l’Esprit du Seigneur soit sur nous et nous aide à avoir chaque fois une plus grande compréhension du sacrifice expiatoire. Ce sacrifice éternel et infini qu’aucun mortel ne peut comprendre ; ne serait-ce dans ses balbutiements. Car seuls le Père et le Fils l’ayant subi chacun en leur temps peuvent en témoigner.

Talmage dans son livre « Jésus le Christ », nous fait comprendre clairement que Jésus à Gethsémané, ne se préoccupait pas de sa mort à venir ; ce qu’il s’apprêtait à subir fut tout autre chose et le monde chrétien, à part l’Église de Jésus Christ des saints des derniers jours, l’ignore :

« L’agonie que le Christ éprouva dans le jardin, l’esprit limité ne peut en sonder ni l’intensité ni la cause. La pensée qu’il ait souffert par crainte de la mort est insoutenable. Pour lui, la mort était préliminaire à la résurrection, au retour triomphal auprès du Père d’où il était venu et à un état de gloire qui transcendait même celui qu’il possédait précédemment ; en outre, il était dans son pouvoir de donner volontairement sa vie. » (Stephen E. Robinson, professeur de religion à l’université Brigham Young, Provo, Utah)

Mon témoignage du sacrifice expiatoire de Jésus-Christ

C’est en étudiant les Écritures, en priant, en méditant, en jeunant, en étant reconnaissant au Seigneur pour toutes ses bénédictions, ses tendres miséricordes pour moi et ceux que j’aime, et pour tous, en reconnaissant sa main en toutes choses que j’ai voulu écrire comment j’ai ressenti le sacrifice expiatoire de mon Sauveur et Rédempteur au Jardin de Gethsémané puis sur la croix au Golgotha. Voici :

Le soleil s’est couché depuis de nombreuses heures. Il est plus de minuit en ce vendredi 3 avril 33, ou selon les Juifs de l’époque : le 14 nisan, vers la dix-huitième heure. Après avoir reçu ces merveilleux enseignements dans la chambre haute, ils chantent des cantiques, puis partent pour le mont des Oliviers.

Ils franchissent la porte de la ville qui lors de la Pâque reste ouverte. Ils traversent le torrent du Cédron et arrivent dans une olivaie située sur le flanc du mont des Oliviers. Cet endroit s’appelle Gethsémané, ce nom signifie « pressoir à huile ». En ce lieu se trouve une machine faite d’une cuve où se déversent en leur saison les olives et d’une presse munie d’une longue barre de bois qu’un bourricot attelé fait tourner pendant la journée. Jésus rassemble autour de lui les onze dans un cercle. Posant ses mains sur l’épaule des deux immédiatement à sa droite et à sa gauche, il leur dit avec beaucoup de tristesse :

— Je serai pour vous tous, cette nuit, une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées.

Puis, il lève la tête vers le ciel, étend ses bras vers eux, comme pour les éteindre tous à la fois, et ajoute :

— Mais, après que je serais ressuscité, je vous précéderai en Galilée.

Il est tard et les apôtres épuisés ne disent mot. Comprenant à peine, ils n’osent plus le questionner. Jésus leur dit :

— Asseyez-vous ici, pendant que je m'éloignerai pour prier.

Il sent une grande solitude le surprendre. Il frémit dans tout son être. Il regarde Pierre, Jacques et Jean et désire qu’ils restent tout près de Lui pour le soutenir de leur foi, de leur amour et de leurs prières ; qu’ils deviennent également les témoins de ce qui va arriver, tout comme ils le furent lors de la visite d’Élie et de Moïse sur la montagne de la Transfiguration où le Père du haut des cieux témoigna de son Fils : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me complais !

Il prend avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, et il commence à éprouver de la tristesse et des angoisses. Il leur dit alors :

Mon âme est triste jusqu'à la mort ; restez ici, et veillez avec moi. Lui, le Fils de Dieu, le plus grand de tous ; lui qui a toujours tout donné sans jamais rien retenir pour lui, en ce moment crucial, demande simplement la compagnie amicale de ses trois principaux apôtres ; lui qui les enseignait si souvent à prier, il les supplie de prier pour lui et de veiller avec lui. Réconforté par leur présence, il s'éloigne d'eux d'une faible distance. Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jette sur sa face, et prie ainsi :

— Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.

Après cette prière, Jésus éprouve de nouveau le désir de puiser des ressources en la compagnie de ceux dont il a si souvent dit : « Vous êtes mes amis. » Il va vers eux et il les trouve endormis. Il les regarde avec une profonde tendresse mêlée de tristesse, sur son beau et noble visage se dessine un pâle sourire, et se tournant vers Pierre, ses lèvres murmurent dans un doux reproche : Pierre, Pierre ! Tu étais prêt à mourir pour moi, et tu n’as pu veiller ni prier avec moi une seule heure ! Oh ! Pierre, Pierre…

Alors se sentant très seul, ne résistant plus, il les réveille et leur dit :

— Vous n'avez donc pu veiller une heure avec moi ! Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas dans la tentation ; l'esprit est bien disposé, mais la chair est faible.

Les apôtres réveillés sont honteux d’être surpris dans leur sommeil alors qu’il leur avait demandé de veiller. Ils écarquillent les yeux en les frottant et s’efforcent de les garder grand ouverts, bien décidés, cette fois, à prier et à veiller avec le Maître. Il s'éloigne une seconde fois, et prie ainsi :

— Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite !

Jésus sait que la volonté du Père malgré toute la peine qu’il éprouve dans les cieux en voyant son Fils Bien-aimé souffrir est qu’il boive à la coupe amère préparée dès la fondation du monde, « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle ». Alors sachant que le moment est arrivé pour accomplir ce pour quoi il est venu au monde, il désire une dernière fois revoir ses amis et recevoir d’eux des forces et peut être le dernier coup de pouce. Il revient vers eux et les trouve encore endormis, car leurs yeux étaient appesantis. Jésus cette fois-ci ne les réveille pas. Leur esprit était bien disposé, mais leur chair est faible. Combien cette phrase réveille en nous des souvenirs que nous voudrions oublier à jamais et combien elle nous fait constater que ces paroles de Jésus sont vraies pour chacun de nous ! Notre esprit est fort, mais combien notre chair est faible, car nous faisons souvent ce que nous ne voulons pas et ne faisons pas ce que nous voulons. Il les quitte, et, s'éloignant, il prie pour la troisième fois en répétant les mêmes paroles :

— Si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ma volonté ne se fasse pas ; mais la tienne.


Près de Kolob, au centre de tous les univers, dans un Jardin, tout seul avec sa peine, le Père observe de là-haut, son Fils sur la terre, dans ce Jardin de Gethsémané. Il souffre avec lui et il se souvient de ce qui est écrit dans les Registres des cieux, alors qu’Adam n’était pas encore devenu une âme vivante ; il se souvient du dialogue qu’il eut avec son Fils alors dans sa condition prémortelle (texte attribué à Timothée, archevêque d’Alexandrie, décédé en 385 ; texte conservé à la bibliothèque du British Muséum) : « Il fit Adam à notre image et à notre ressemblance. Et il le laissa allongé pendant quarante jours et quarante nuits sans mettre en lui le souffle de vie. Et chaque jour, il poussait des soupirs en le regardant et disait :

— Si je mets le souffle de vie en cet homme, il devra beaucoup souffrir.

Et je dis à mon Père :

— Mets en lui le souffle de vie ; je serai son avocat.

Et mon Père me dit :

— Si je mets en lui le souffle de vie, mon Fils bien-aimé, tu seras obligé de descendre dans le monde et de souffrir beaucoup pour lui afin de le racheter et lui permettre de retrouver son premier état.

Et je dis à mon Père :

— Mets en lui le souffle de vie ; je serai son avocat, je descendrai dans le monde et j’accomplirai ce que tu commandes. »

Notre Père en ce temps conçut le Plan de Salut pour tous ses enfants. Un de ses fils se proposa et fut élu pour être le Sauveur. Mais c’était un plan, en ce temps-là Notre Père savait qu’en donnant le souffle de vie à Adam, il ne pourrait plus revenir en arrière et que ce plan allait devenir une réalité, qui inexorablement se mettrait en marche. Il savait que beaucoup de ses enfants souffriraient et que tous ne réussiraient pas à atteindre le but éternel, même s’ils seront sauvés dans des royaumes inférieurs. Il savait que son Fils unique devrait endurer les pires souffrances. Il savait combien ces souffrances sont intolérables, car de chaque pore de sa peau suinteront des grumeaux de sang. Il le savait mieux que personne, car il connut un jour de telles souffrances, en tant que Sauveur et Rédempteur dans une autre terre et un autre Jardin. Alors Lui Dieu, l’Être le plus grand qui soit, hésita et il hésita pendant 40 jours en poussant des soupirs de douleur.

Mais le Fils lui dit encore : Mets en lui le souffle de vie ; je serai son avocat, je descendrai dans le monde et j’accomplirai ce que tu commandes. Alors, le Père mit le souffle de vie en Adam et Adam devint une âme vivante : l’Ancien des jours.

Aujourd’hui, son Fils, arrivé au zénith de sa mission, souffre et le Père sait ce qu’il va souffrir encore. Élohim ressent l’angoisse de son Fils qui lui rappelle tellement cette angoisse connue jadis. Son Fils est seul et ses apôtres dorment. Il ne lui reste que le soutien de l’Esprit et celui de la prière. Il doit accomplir seul ce pour quoi il est venu au monde.

Alors, Dieu le Père, avant le terrible moment, lui envoie un dernier soutien en appelant un ange ; soutien que Jésus sur terre en ce moment crucial ne put trouver, même auprès de ses apôtres bien- aimés. Alors qu’ils dorment, ils ne se doutent pas que bientôt va s’accomplir le plus grand et merveilleux miracle de la Création ; la plus grande preuve d’amour et de miséricorde du Père et du Fils, et du Saint-Esprit.

L’ange se présente à Jésus et lui dit :

— Ô, Seigneur ! Souviens-toi qu’avant la fondation des mondes tu fus préordonné pour être le Sauveur et Rédempteur. Ô, Seigneur ! C’est pour cela que tu es dans ce Jardin, dont le nom signifie « pressoir à huile ». C’est dans ce pressoir, là tout près de toi, que les hommes jettent les olives pour être pressées par la charge écrasante des lourdes meules qui les broient afin que l’huile puisse en être exprimée. Tu sais, que ce jardin avec son pressoir à huile est une similitude de ce que tu dois subir ; toi aussi tu dois être « pressé », sous la charge des péchés des hommes, de leurs souffrances tant spirituelles que physiques au point que ton sang sera exprimé et coulera par chaque pore de ta peau. Ô, Seigneur ! Tu es au Jardin de Gethsémané, véritable réponse au Jardin d’Éden.

Dans le magnifique Jardin d’Éden, l’homme tomba et s’exclut de la présence de Dieu ; dans ce Jardin triste et désolé, tu peux le relever par la Rédemption et lui permettre de retourner en sa présence.

Tu as ton libre arbitre et tu peux, à cette heure cruelle, refuser ce à quoi tu as été ordonné dans les cieux et si magnifiquement accompli jusqu’ici. Mais Ô, mon Seigneur ! Songe, je t’en supplie, à tous les mondes que tu créas, sous la direction du Père ; mondes aussi innombrables que le sable de la mer ; songe à tous les habitants qui les peuplent et que tu peux sauver comme ceux de cette terre par ton sacrifice expiatoire. Songe que si tu ne le fais pas, tous ces mondes retourneront au chaos originel d’où tu les tiras ; que tous les habitants ne pouvant ressusciter seront assujettis, au Diable qui régnera éternellement sur eux !

Jésus se redressa, leva la main droite vers le ciel et dit :

— C’est assez ! Oui, je vais boire à la coupe amère afin que tout soit accompli !

L’ange remonta au ciel. Jésus resta seul à nouveau. Seul ! Le Cédron, sec toute l’année, charrie au printemps en abondance durant quelques semaines des eaux terreuses qui lui valurent ce nom qui signifie « noir » ou « sale ». Après le départ de l’ange, seul le grondement des eaux tumultueuses du torrent se fait entendre dans le silence de cette terrible et grandiose nuit.

Au Jardin d’Éden, beau et transfiguré, nos premiers parents ont transgressé ; au petit Jardin de Gethsémané, triste et désolé, Jésus s’apprête à nous sauver.

Il s’appuie sur le tronc du vieil olivier, aux branches tordues et torturées par les siècles. Puis il se met à prier de toutes ses forces, comme jamais il n’a prié. Il jette son regard sur la terre et il la voit toute sans qu’une seule particule lui échappe ; pas même un seul atome.

Il lève les yeux au ciel et il le contemple dans son immensité infinie, le décelant entièrement dans ses moindres éléments. Il voit toutes les âmes qui furent, sont, et seront. Il nous voit tous un par un, il se saisit de tous nos péchés, toutes nos souffrances, toutes nos maladies, toutes nos infirmités physiques et spirituelles. Il voit toute chose et il souffre toute chose ; tant spirituellement que physiquement dans son corps meurtri et son esprit torturé. Son sang sous l’effet d’une douleur incommensurable et indescriptible, comme les eaux du Cédron bouillonnent et grondent dans ses veines ; ses vaisseaux éclatent et de chaque pore de sa peau coulent des grumeaux de sang !

Alors que le monde dort, les forces des ténèbres se déchaînent dans l’ombre de la nuit. Le petit Jardin de Gethsémané triste et désolé devient soudainement le centre de toutes les Créations : Le témoin de l’acte le plus inconcevable, le plus miraculeux, le plus miséricordieux ; le plus grand signe de contradiction accompli pour l’homme depuis le Commencement.

Au petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, son sol tremble jusqu’aux entrailles de la Terre ; la terre gémit comme la femme qui enfante. Arbres, herbe des champs, pierres et rochers, horrifiés, désemparés, crient leur peine et leur désespoir.

Au petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, le vent se lève, la tempête rugit, les arbres craquent sinistrement et leurs branches se tordent convulsivement, s’écrasant sur le sol. Les feuilles dans des tourbillons volent tout autour de Jésus et le touchent comme pour le caresser et manifester leur soutien. Les rochers se fendent par leur milieu, les eaux du Cédron se font plus rugissantes.

Au petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, les oiseaux du ciel se cachent dans les cavités des rochers et voilent leur face. Les animaux des champs se terrent dans leurs antres et se taisent remplis de stupeur.

Au petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, les étoiles tombent des cieux, comme les larmes coulent sur les joues d’une mère parce que son enfant souffre. L’azur hurle sa peine par les tonnerres et les éclairs, comme le père, dans l’incapacité de sauver son enfant, crie son désespoir.

Au petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, la nature gémit à cause de son Dieu, qui l’avait jadis organisée et commandée. Étant en agonie, il priait plus instamment, et sa sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient à terre. (Luc 22 : 44)

Alors, dans une colonne, qui s’étend à l’infini, nous défilons tous devant lui : les morts, les vivants, et nous qui étions encore dans les cieux. À chacun, il nous appelle par notre nom et Il nous dit :

— Cette goutte de sang, que tu vois tomber maintenant, c’est pour tes péchés, pour que tu n’aies pas à les souffrir ; souviens-toi !

Alors qu’Il s’adresse à chacun de nous, ses mains agrippent le tronc ; de douleur, ses ongles en arrachent l’écorce. L’olivier alors se tord de souffrance, depuis ses racines les plus profondes jusqu’à l’extrémité de chaque feuille. C’est douloureux pour ce vieil arbre et en même temps doux et bienfaisant comme le chien qui reçoit sur le dos la caresse de son maître qui le rend si heureux.

C’est aussi comme l’homme qui tient dans les siennes, la main de sa femme qui enfante et de douleur, lui enfonce ses ongles dans les paumes ; il a mal et il se réjouit de souffrir en partageant un peu de sa souffrance.

Enfin, le dernier d’entre nous passe devant Jésus qui petit à petit récupère ses forces. Le Jardin reprend son aspect quotidien et le Cédron s’est calmé…

Combien de temps dura l’accomplissement du sacrifice ? Une éternité ? Une partie de la nuit ? Les deux certainement !

Dans le petit Jardin de Gethsémané, triste et désolé, avant que le monde fut créé, s’accomplit dans le plus grand secret, ce qui était préparé pour nous sauver.

Dans le petit, Jardin de Gethsémané triste et désolé, le Fils bien-aimé du Père nous a tous sauvés.

Puis il alla vers ses disciples, et leur dit : Vous dormez maintenant, et vous vous reposez ! Voici, l'heure est proche, et le Fils de l'homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous, allons ; voici, celui qui me livre s'approche. Dans le petit Jardin de Gethsémané triste et désolé, notre Dieu va bientôt se livrer !

Je vous raconte le sacrifice expiatoire de Jésus, comme je le ressens, selon mon témoignage que je dois aux évangélistes et surtout à Luc, mais avant tout grâce à une révélation que le Seigneur donna à son prophète Joseph  en mars 1830. Cette révélation ouvrit mon entendement, fit trembler tout mon être de la tête aux pieds, confondit mon cœur d’amour et de reconnaissance pour mon Sauveur, car je compris dans une mesure infime le sacrifice expiatoire :

« Car voici, moi, Dieu, j’ai souffert ces choses pour tous afin qu’ils ne souffrent pas s’ils se repentent. Et ces souffrances m'ont fait trembler de douleur, moi, Dieu, le plus grand de tous, et elles m'ont fait saigner à chaque pore, et m'ont fait souffrir de corps et d'esprit – et j’ai voulu ne pas devoir boire la coupe amère, mais je n’ai pas non plus voulu me dérober – néanmoins, gloire soit au Père, j'ai bu et j'ai terminé tout ce que j'avais préparé pour les enfants des hommes. » (DetA 19:16, 18-19)


Par ses propres mérites, l’homme ne pourra atteindre que le niveau le plus élevé de la condition humaine. Il en est de même pour toute bonne philosophie ; croyance ; religion ou organisation qui n’élèveront l’homme qu’au niveau le plus élevé de ses enseignements humains.

Seul Jésus peut élever l’homme à la divinité par son sacrifice expiatoire et sa mort sur la croix. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’autre nom sur la terre et dans les cieux par lequel l’homme puisse être sauvé.

L’apôtre Paul nous dit : Et presque tout, d’après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang, il n’y a pas de pardon.

C’est difficile de comprendre la portée et l’intensité des souffrances subies par notre Sauveur pour chacun de nous, pris nommément un par un. Cela dépasse notre entendement, mais chaque jour, nous pouvons mieux comprendre son sacrifice, en méditant les Écritures qui témoignent de lui. Cependant, c’est surtout en L’aimant que nous le comprendrons le plus ; si nous L’aimons vraiment nous ne nous laisserons pas « appesantir » par nos faiblesses, nous veillerons ; en L’aimant, nous suivrons ses commandements et en suivant ses commandements nous serons avec lui et avec son Père et Notre Père. C’est ce qu’ils veulent tous les deux. Je prie pour que chaque jour, je comprenne un peu plus Gethsémané.