Joseph Smith et l’archéologie américaine

 



Thomas S. Ferguson

 

Coauteur de L’Amérique ancienne et le Livre de Mormon,

article que l’auteur a été invité à lire au congrès annuel de l’Association des archéologues américains, le 3 mai 1952, à Colombus, Ohio

 

 




Je  vais vous exposer des vues toutes personnelles.

 

Joseph Smith, le prophète mormon, mérite qu’on s’occupe de lui ici parce qu’il a fait connaître au monde le Livre de Mormon, et que le Livre de Mormon, qui constitue le fondement même de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, se présente comme une histoire authentique des premiers temps du continent américain, gravée sur des plaques d’or au Ve siècle ap. J.-C. On y trouve tantôt citées tout au long, tantôt résumées les annales, écrites par un témoin oculaire, relatant les faits qui se rapportent aux premiers temps du continent américain.

 

Le Livre de Mormon rapporte des migrations anciennes à travers l’océan et la première histoire dans le Nouveau Monde d’immigrants colonisateurs, hautement cultivés, venus de Mésopotamie et de Palestine. Les premiers furent un peuple ayant la culture et les antécédents des Sumériens aux environs de l’an 3000 av. J.-C. Les derniers arrivés, au VIe siècle av. J.-C., appartenaient au monde judéo-arabo-égyptien. Le Livre de Mormon ne traite ni des dix tribus détachées d’Israël, ni des Mongoloïdes venus de l’Asie orientale, ni des événements survenus dans le Nouveau Monde, en dehors de l’histoire d’Amérique aux environs de 400 ap. J.-C.

 

Joseph Smith naquit dans le Vermont en décembre 1805. Il passa son enfance dans l’ouest de l’état de New-York. En 1829, à l’âge de 24 ans, sans avoir beaucoup étudié et sans avoir du tout voyagé, il rédigea le manuscrit du Livre de Mormon, qu’il fit imprimer dans la ville de Palmyra (New-York). Après avoir fondé des cités et construit des temples en Ohio, le Missouri et dans l’Illinois, il fut assassiné par la populace en 1844, à l’âge de 39 ans.

 

Le Livre de Mormon fut mis en vente en 1830. Le journal The Daily Advertiser de Rochester (New-York) jugea le livre en ces termes : « Blasphème — Le « Livre de Mormon », alias la Bible d’or, nous est parvenu. On n’a jamais vu supercherie plus éhontée. C’est très évidemment une fabrication, un blasphème, un abus tablant sur la crédulité des lecteurs. Les chrétiens et les défenseurs de la morale ne peuvent que s’en indigner. »

 

Fait remarquable, au milieu du XXe siècle, cent vingt ans après la publication de cette critique hostile, il se vend des milliers d’exemplaires du Livre de Mormon chaque année, et il y a plus d’un million de membres de l’Église mormone qui le considèrent comme authentique. Plus de deux millions d’exemplaires du livre ont été vendus, ce qui dépasse le nombre de ventes de presque tous les livres connus. C’est étonnant. C’est une des grandes énigmes de l’histoire.

 

C’est un fait étrange et troublant parce que plus de la moitié du livre est consacrée à décrire l’arrière-plan de l’Ancien Monde et les langues, la religion, les lois et les gouvernements, le calendrier, l’économie, les armes, les guerres et les opérations militaires, l’agriculture, les migrations et la mythologie, la géographie et la topographie du Nouveau Monde, en particulier de l’ancien Mexique, de l’Amérique Centrale, alors que ces pays n’étaient pas encore colonisés par les Mayas. Ces choses, qui remplissent la plus grande partie des 500 pages du livre, étaient complètement inconnues des professeurs d’université et des savants du temps de Joseph Smith.

 

La science de l’archéologie, qui a récemment jeté la lumière sur les civilisations de l’ancienne Mésopotamie, de la Palestine, de l’Arabie et de l’Égypte, aussi bien que sur celles du Mexique et de l’Amérique Centrale, n’existait pas quand parut le Livre de Mormon en 1830. C’est seulement entre 1840 et 1870 que s’est développée l’archéologie du Proche-Orient et du Nouveau Monde.

 

Bien que la fameuse pierre de Rosette, portant des inscriptions en grec, en égyptien démotique et en hiéroglyphes, ait été découverte par un soldat de Napoléon en 1799, on a encore peu étudié l’écriture égyptienne dans laquelle a été écrit le Livre de Mormon – écriture qui avait été très modifiée dans le Nouveau Monde. Joseph Smith annonça qu’il était entré en possession des plaques d’or et les avait traduites grâce à l’aide du Seigneur – qui, disait-il, est un personnage vivant s’intéressant beaucoup à l’humanité d’aujourd’hui.

 

Au Mexique et dans l’Amérique Centrale le pionnier de l’archéologie fut le jeune contemporain de Joseph Smith, John Lloyd Stephens, qui était riche, instruit et avait beaucoup voyagé. Mais Stephens, né la même année que Joseph Smith, qui était pauvre, sans grande instruction et n’avait jamais voyagé, ne commença ses explorations dans le sud du Mexique qu’en 1839, neuf ans après la publication du Livre de Mormon. En 1841 et en 1843, Stephens publia ses deux livres de voyages et d’explorations dans l’Amérique Centrale. Le spécialiste distingué de la civilisation Maya, Sylvanus G. Morley, a écrit sur Stephens :

 

« Ce sont les écrits de Stephens qui ont surtout éveillé l’attention du monde savant sur les monuments de la civilisation Maya. Avant la publication de ces livres, l’existence même de cités et de monuments Mayas était inconnue en dehors du Yucatan et des provinces septentrionales de l’Amérique Centrale. C’est Stephens aussi qui a inauguré l’exploration de cette région. »

 

Il est donc démontré que le Livre de Mormon, qui contient tant de matériaux du genre de ceux qu’a découverts l’érudition moderne, a paru avant qu’il n’existât aucune littérature sur ces sujets, qui pût fournir aucune aide à Joseph Smith. Le livre n’est donc pas un livre d’érudition. Ou bien c’est une supercherie, ou bien c’est une histoire authentique du monde américain des Mayas au IVe siècle, traduite avec l’aide divine. En raison du contenu historique et technique du Livre de Mormon, bien qu’il n’existât en 1830 aucun ouvrage pouvant révéler ces faits historiques et techniques, la question : le Livre de Mormon est-il une supercherie ou un ouvrage d’origine divine, appelle la comparaison entre le contenu du Livre et les apports de l’archéologie de 1841 à nos jours.

 

Donnons un aperçu des résultats d’une telle recherche.

 

1. Y eut-il un peuple très ancien qui, parti de Mésopotamie, aurait traversé les mers jusqu’à l’Amérique centrale, aux environs de l’an 3000 av. J.-C., apportant la connaissance de l’agriculture, de l’écriture, du tissage et de la céramique ?

 

Les archéologues ont récemment trouvé près de la ville de Mexico, dans la région indiquée par Sahagun et le Livre de Mormon, des objets en céramique fabriqués par un peuple dont la culture était aussi avancée que celle des anciens Sumériens dans l’Ancien Monde. Georges C. Vaillant a découvert des poteries près de Mexico, qui datent d’au moins 1600 av. J.-C., dans la région désignée par le Livre de Mormon. On est arrivé à dater la culture Cepilco-Zacatenco du Mexique Central grâce à l’analyse au radiocarbone. Les excavations établissent que ce peuple ancien connaissait l’agriculture et pouvait produire le maïs et le coton. Il pratiquait le tissage, car certaines des figurines représentent des personnages portant des turbans et des vêtements très différents de ceux que portent les peuplades primitives vivant de la chasse. On n’a pas trouvé d’inscriptions se rattachant à cette période. Cependant on peut établir que ce peuple savait lire et écrire par le fait qu’un document assez détaillé sur leur histoire, avec des dates précises, était, au XVIe siècle, en possession de l’historien mexicain, Ixtlilxochitl.

 

Ixtlilxochitl a écrit son grand ouvrage aux environs de 1600 ; mais il n’a été publié en espagnol qu’en 1838, huit ans après la publication du Livre de Mormon. Ce savant historien mexicain déclare que les premiers colonisateurs cultivés du Mexique vinrent de la tour de Babel, et qu’ils traversèrent l’océan, se rendant à ce qui est aujourd’hui le Mexique aux environs de 3000 av. J.-C. Cela correspond aux données du Livre de Mormon.

 

Bernardino de Sahagun (1499-1590), dont l’importante histoire du Mexique ancien fut perdue et resta ignorée pendant trois cents ans, rapporte que ces premiers colonisateurs arrivèrent dans le Golfe du Mexique, venant de Floride, dans sept radeaux. Le Livre de Mormon indique huit radeaux.

 

Ordonez y Aguiar, prêtre catholique à Chiapas au XVIIIe siècle, en possession d’un ancien manuscrit maya, écrivit que les anciens colonisateurs étaient venus de Chaldée, c’est-à-dire de la région de Babylone.

 

On voit que ces informations concordent.

 

2. Y eut-il une migration du peuple d’Israël (un peuple de race blanche ou caucasique, avec des traits de civilisation arabe ou égyptienne) dans des embarcations, venant du Proche-Orient et traversant les mers aux environs de 600 ans av. J.-C., apportant l’agriculture, l’écriture, le tissage, la céramique, la métallurgie, l’année de 365 jours, la religion et les symboles du Proche-Orient ?

 

Récemment, les archéologues ont trouvé au Mexique et au Guatemala des figures d’hommes barbus au nez aquilin – nez et barbes qui caractérisent des blancs. Ces figures, sur des vases ou sur des pierres, ont conduit les savants modernes à abandonner la théorie généralement admise qu’il n’y avait pas de blancs dans le Nouveau Monde avant Colomb. Plusieurs archéologues sont aujourd’hui convaincus, après la découverte de ces peintures et gravures, qu’il y avait des blancs autrefois dans l’Amérique Centrale et au Pérou. Ces savants se trouvent d’accord, sans le savoir, avec le fait exposé dans le Livre de Mormon, que les colonisateurs pré-maya de l’Amérique Centrale étaient des Caucasiens. Harold Gladwin, dans son livre Ceux qui sont venus par mer, publié en 1947, soutient cette vue. Il dit que les colonisateurs blancs arrivèrent au Mexique par mer aux environs de 500 av. J.-C., venant du Proche-Orient. Cela est d’accord, pour la date, les lieux et les races avec le livre composé par Joseph Smith lorsqu’il avait 24 ans.

 

Thor Heyerdal, auteur de Kon-Tiki, nous a écrit récemment : « Nous avons un but commun, qui est d’accumuler des preuves pour montrer que des éléments caucasiques ont été actifs pour produire la remarquable culture de l’Amérique Centrale, longtemps avant que les Espagnols aient mis le pied sur ces rivages... Je publierai bientôt de nombreuses preuves, tirées en partie de l’ancien Mexique, auquel vous vous intéressez. Ce sont des bas-reliefs en pierre ou des poteries représentant des hommes barbus et avec d’autres traits caucasiques, de l’époque précolombienne. Ma liste de référence indique plus de 900 livres ou articles, et ma description du travail des Indiens d Amérique sur les côtes du Pacifique comporte 300.000 mots. »

 

Un autre écrivain récent déclare : « La sculpture maya, qui montre des hommes barbus dans l’attitude de conquérants, a conduit le Dr Georges Vaillant à suggérer qu’une race d’hommes barbus avait occupé ces régions avant la domination maya. »

 

Si nous nous reportons aux écrits, datant du XVIe siècle, d’historiens indigènes du Mexique et du pays Maya, nous les voyons affirmer expressément que leurs ancêtres, colonisateurs du pays avant les Mayas, étaient d’Israël. Le document le plus frappant est celui qu’on a trouvé dans la petite ville de Totonicapan, dans les montagnes du Guatemala, daté et authentifié par les chefs mayas de la ville, le 28 septembre 1554. On y lit : « Les sages, les Nahaules (est-ce les Néphites ?), et d’autres appelés « les anciens » qui se joignirent à eux, vinrent de pays situés de l’autre côté de l’océan, d’où vient le soleil. Leurs grands chefs étaient au nombre de quatre... Puis, il y eut les trois nations Quiche, descendants d ’Israël. C’étaient les fils d’Abraham et de Jacob. Nos ancêtres... sont venus de pays d’au-delà de l’océan, de Civan-Tulan aux confins de la Babylonie. »

 

Ce document maya n’est pas le seul qui donne ces renseignements. Il est confirmé par les écrits du XVIe siècle d’Ixtlolxochitl, de Lando, de Torquemada, de Sahagun, et par l’Écriture des anciens Quiche-Mayas du Guatemala, le livre sacré intitulé PopolVuh.

 

La probabilité que les colonisateurs pré-Mayas venaient du Proche-Orient est confirmée par les découvertes des archéologues. Alfred V. Kidder a dit des pré-Mayas, ou de la culture maya préclassique de Miraflores, étudiée d’après des matériaux trouvés près de la cité de Guatemala et datant de la période indiquée dans le Livre de Mormon : « Cette culture est semblable – et égale – à celle de nos ancêtres culturels de l’ancien Proche-Orient, c’est-à-dire de la Palestine. »

 

L’archéologue mexicain, Covarrubias, décrit les personnages barbus pré-mayas, trouvés dans les fouilles d’Olmec (Mexique du Sud), comme ayant « des traits sémites extrêmement prononcés. »

 

Des preuves que ce peuple connaissait la roue, comme il est dit dans le Livre de Mormon, ont été trouvées dans les fouilles d’Olmec. Cette culture d’Olmec appartient aussi à la date et aux régions géographiques désignées dans le Livre de Mormon.

 

La région centrale du pays Chiapas avait pour nom « La Terre d’Abondance », ce qu’on trouve à la fois dans le Livre de Mormon et dans les sources mexicaines et mayas du XVIe siècle. Ce peuple pratiquait avec habileté l’agriculture, l’écriture, le tissage, la céramique, la métallurgie. Ils avaient l’année de 365 jours, possédaient les éléments de la religion judéo-chrétienne, et avaient des symboles qui y correspondaient, comme le prouvent les découvertes archéologiques. La tablette maya de « la Croix » et la tablette de « la Croix Foliée » sont des symboles qui se trouvaient dans le pays de la Bible, très semblables à l’Arbre de Vie. Ce symbole arbitraire et technique est mentionné plusieurs fois dans le Livre de Mormon. Plusieurs des noms de personnes dans le Livre de Mormon, étranges pour nous, ont été reconnus récemment comme analogues à des noms arabes, égyptiens ou hébreux.

 

Ainsi, sur le second point comme sur le premier, le Livre de Mormon est confirmé par des documents et par des découvertes archéologiques.

 

Comment pourrait-on donc dire que le Livre de Mormon est une supercherie ou une invention ? Les documents les plus anciens concernant le Nouveau Monde confirment en détail les traits essentiels de l’histoire pré-maya telle qu’elle est tracée dans le Livre de Mormon. Les objets fabriqués correspondant aux indications du Livre de Mormon, quant aux lieux et à l’époque, sont peu nombreux, mais les fouilles ne font que commencer. Ainsi on n’a encore pas creusé le sol dans une région indiquée dans le Livre de Mormon, qui d’après le Livre, aurait été occupée pendant 550 ans, de 200 av. J.-C. à 350 ap. J.-C.

 

L’archéologie n’a pas encore dit son dernier mot. Mais les accusations de « supercherie » et de « blasphème », lancées à l’époque où vivait le Prophète, et qu’on a aveuglément répétées depuis, s’écroulent d’elles-mêmes. On allait répétant autrefois que le Livre était l’œuvre de Joseph Smith lui-même (mais comment cet écolier du Vermont aurait-il pu l’écrire ?) ou qu’il s’était approprié un écrit d’un ministre presbytérien. Le professeur Marcus Bach, écrivain non mormon, qui enseigne l’histoire des religions à l’Université de l’État d’Iowa, a écrit récemment (1951) au sujet du Livre de Mormon :

 

« Ce n’est pas le genre de livre qu’on lit pour se distraire, ou qu’un auteur a pu composer pour en tirer profit. C’est un livre austère et solennel, aussi pesant que les plaques d’où il a été tiré. Ce n’est pas un écolier du Vermont qui a écrit cela ; et ce n’est pas un ministre presbytérien qui a inventé ces pages... »

 

Si on découvre au Mexique ou au Guatemala des inscriptions ou des manuscrits en écritures du Proche-Orient, soit cunéiforme, soit hébraïque, soit égyptienne, soit arabe, l’archéologie aura fourni la dernière preuve irréfutable qui déchargera le prophète Joseph Smith des accusations portées contre lui. Il y en a sans doute parmi vous qui pensez qu’on ne fera jamais de pareilles découvertes. Moi, je crois qu’on les fera.

 

Ne craignez rien des découvertes possibles. Ce sera peut-être le grand jour de l’archéologie, car elles constitueront la preuve tangible de ce dont témoignent les peuples du Livre de Mormon : la résurrection, en chair et en os, de Jésus, qui est la figure centrale du Livre de Mormon, et par là même la preuve de l’immortalité de tous les hommes.

 

Aucune autre science ne possède de pareilles possibilités.

 

 

Source : L’Étoile, septembre 1952, p. 199-200, 210-212