La
géographie du
Livre de Mormon
John E. Clark
Bien que le Livre de
Mormon soit principalement un document religieux des Néphites,
des Lamanites et des Jarédites, on trouve assez de détails
géographiques dans le récit pour permettre la
reconstitution d’au moins une géographie rudimentaire
des pays du Livre de Mormon. Dans le sens technique du terme
« géographie » (par exemple, physique,
économique, culturelle ou politique), aucune géographie
du Livre de Mormon n'a encore été écrite. La
plupart des saints des derniers jours qui écrivent des
géographies ont à l'esprit l’une des deux
activités suivantes ou les deux : premièrement, la
reconstitution interne de la taille et de la configuration relatives
des pays du Livre de Mormon sur la base des affirmations ou des
allusions du texte ; deuxièmement, des tentatives de
faire correspondre la géographie interne à un endroit
d’Amérique du Nord ou du Sud. Nous traitons ici de trois
questions concernant la géographie du Livre de Mormon :
(1) Comment peut-on reconstituer une géographie du Livre de
Mormon ? (2) À quoi la géographie du Livre de
Mormon ressemble-t-elle ? (3) Quels endroits hypothétiques
a-t-on proposés pour les pays du Livre de Mormon ?
RECONSTITUTION DE LA
GÉOGRAPHIE INTERNE DU LIVRE DE MORMON
Bien que les dirigeants
de l’Église prennent officiellement et uniformément
leurs distances par rapport aux questions relatives à la
géographie du Livre de Mormon pour concentrer l'attention sur
le message spirituel du livre, les supputations privées et les
recherches spécialisées dans ce domaine ont été
abondantes. En se basant sur les indices fournis par le texte,
amateurs et savants ont formulé plus de soixante géographies
possibles. Les désaccords entre eux proviennent de différences
dans (1) l'interprétation des passages scripturaires et des
déclarations des Autorités générales ;
(2) de la manière de procéder pour harmoniser les
renseignements donnés par les Écritures ; (3) les
hypothèses de départ concernant le texte et
l'identification traditionnelle dans l’Église de
certains lieux mentionnés (particulièrement la colline Cumorah et « l’étroite bande de terre »
qui jouent un rôle important dans le texte) ; et (4) les
préférences personnelles et la formation
professionnelle.
Ceux qui croient que la
reconstitution d'une géographie du Livre de Mormon est
possible doivent d'abord régler les problèmes habituels
d'interprétation des textes historiques. Il faut attribuer un
poids différent à divers passages en fonction de la
quantité et de la précision des renseignements fournis.
Beaucoup de villes du Livre de Mormon ne peuvent pas être
situées parce que l’on ne dispose pas de renseignements
suffisants ; cela vaut particulièrement pour les villes
lamanites et jarédites. Le Livre de Mormon est essentiellement
un document néphite et la plupart des éléments
géographiques mentionnés sont en territoire néphite.
Sur la base des données
fournies par le texte, on peut localiser approximativement les unes
par rapport aux autres diverses caractéristiques naturelles et
certaines villes. Les distances dans le Livre de Mormon sont données
en termes du temps requis pour voyager d'un endroit à l'autre.
Les meilleurs renseignements pour reconstituer la géographie
interne viennent des récits des guerres entre Néphites
et Lamanites pendant le premier siècle av. J.-C., avec des
données plus limitées provenant des voyages
missionnaires néphites. Les distances parcourues peuvent être
évaluées dans une certaine mesure en tenant compte, là
où c’est possible, de la nature du terrain (par exemple,
montagnes plutôt que plaines) et de la vitesse relative (par
exemple, la marche d'une armée par rapport à un
déplacement avec des enfants ou des animaux). La géographie
interne élémentaire présentée ci-dessous
est basée sur une interprétation des distances évaluées
de cette façon et de directions basées sur le texte.
GÉOGRAPHIE INTERNE
DU LIVRE DE MORMON
De nombreuses tentatives ont été
faites pour créer des plans représentant les
géographies physiques et politiques décrites dans le
texte, mais ceci exige beaucoup d’hypothèses
supplémentaires et est difficile à faire sans donner
l’impression que les localisations sont précises alors
qu’elles sont en réalité approximatives
(Sorenson, 1991). La description présentée ci-dessous
de la taille et de la configuration des pays du Livre de Mormon et de
l’emplacement des concentrations de population résume
les données les moins ambiguës.
Les pays du Livre de
Mormon étaient plus longs du nord au sud que d'est en ouest.
Ils se composaient de deux entités territoriales reliées
par un isthme (« une étroite bande de terre »)
flanqué d'une « mer de l’est » et
d'une « mer de l’ouest » (Al. 22:27, 32).
Le pays situé au nord de l‘étroite bande de terre
était appelé « le pays situé du côté
du nord » et celui du sud « le pays situé
du côté du sud » (Al. 22:32). Le récit
jarédite se situe entièrement dans le pays situé
du côté du nord (Om. 1:22 ; Ét. 10:21), mais
nous n’avons pas suffisamment de détails pour situer
leurs villes les unes par rapport aux autres. D’autre part, la
majeure partie du récit néphite s’est déroulée
dans le pays situé du côté du sud. Les récits
de voyage dans le pays situé du côté du sud
indiquent que les Néphites et les Lamanites occupaient une
région qu’il était possible de parcourir du nord
au sud lors d’un voyage normal en une trentaine de jours.
Le pays situé du
côté du sud était divisé par « une
bande étroite de désert » qui allait de la
« mer de l’est » à la « mer
de l’ouest » (Al. 22:27). Les Néphites
occupaient le territoire au nord de ce désert et les
Lamanites, celui du sud. Sidon, le seul cours d’eau dont le nom
soit donné, coulait vers le nord entre les déserts de
l’est et de l’ouest et prenait sa source dans la bande
étroite de désert (Al. 22:29). Le Sidon se déversait
probablement dans la mer de l'est si l’on se base sur la
description du désert de l’est comme étant une
zone côtière plutôt large, mais son embouchure
n’est indiquée nulle part.
On peut déduire du
texte l’emplacement de quelques villes néphites
importantes. Zarahemla était la capitale néphite au
premier siècle av. J.-C. La partie du pays situé du
côté du sud occupée par les Néphites était
appelée « le pays de Zarahemla » (Hél.
1:18). La ville de Néphi, la colonie néphite
originelle, avait entre-temps été occupée par
les Lamanites et était parfois l’une de leurs capitales
pour le pays situé au sud de l’étroit désert
qui servait de séparation (Al. 47:20). Si l’on se base
sur le récit de migration d'Alma 1, la distance entre les
villes de Zarahemla et de Néphi peut être estimée
à environ vingt-deux jours de voyage pour un groupe comprenant
des enfants et des troupeaux, la plupart du temps par terrain
montagneux (cf. Mos. 23:3 ; 24:20, 25).
La distance de Zarahemla
à la bande étroite était probablement inférieure
à celle séparant Zarahemla et Néphi. La
concentration de population principale près de l’étroite
bande de terre était la ville d’Abondance, située
près de la mer de l’est (Al. 52:17-23). Cette ville
située dans les terres basses était le verrou qui
commandait l'accès au pays situé du côté
du nord en venant du côté de la mer de l’est.
L'emplacement relatif de
la colline Cumorah est très ténu du fait que le temps
de voyage d’Abondance, ou de l’étroite bande de
terre, jusqu’à Cumorah n’est indiqué nulle
part. Cumorah était près de la mer de l’est dans
le pays situé du côté du nord et les indications
limitées dont nous disposons donnent à penser qu’elle
n’était probablement pas à beaucoup de jours de
voyage de l’étroite bande de terre (Mos. 8:8 ; Ét.
9:3). Il est également probable que la partie du pays situé
du côté du nord occupée par les Jarédites
était plus petite que le pays néphite-lamanite au sud.
Les pays du Livre de
Mormon comportaient des déserts montagneux, des plaines
côtières, des vallées, un grand fleuve, un lac de
montagne et des marécages dans les terres basses. La région
connaissait apparemment aussi des éruptions volcaniques et des
tremblements de terre occasionnels (3 Né. 8:5-18).
Culturellement, le Livre de Mormon décrit un peuple urbanisé
et agricole connaissant la métallurgie (Hél. 6:11),
l’écriture (1 Né. 1:1-3), des calendriers,
lunaires et solaires (2 Né. 5:28 ; Om. 1:21), des
animaux domestiques (2 Né. 5:11), divers grains (1 Né.
8:1), l’or, l’argent, les perles et « des
vêtements somptueux » (Al. 1:29 ; 4 Né.
1:24). Sur la base de ces critères, beaucoup de savants
considèrent actuellement le nord de l'Amérique Centrale
et le sud du Mexique (la Mésoamérique) comme l’endroit
le plus susceptible d’être les pays du Livre de Mormon.
Cependant, ce point de vue est privé et ne représente
pas la position officielle de l'Église.
LOCALISATION PRÉSUMÉE DES PAYS DU LIVRE
DE MORMON
Deux questions valent d’être étudiées en ce qui concerne les correspondances
externes possibles de la géographie du Livre de Mormon. Quelle est la position
officielle de l'Église et que pensent généralement ses membres ?
Au début de
l'histoire de l’Église, l'opinion la plus courante parmi
les membres et les dirigeants de l’Église était
que les pays du Livre de Mormon englobaient toute l’Amérique
du Nord et du Sud, bien que certains aient entretenu pendant un
certain temps une autre conception plus limitée. La position
officielle de l'Église est que les événements
relatés dans le Livre de Mormon se sont produits quelque part
en Amérique, mais que l'endroit spécifique n'a pas été
révélé. Cette position s'applique aux
géographies internes et aux correspondances externes. Aucune
géographie interne n'a encore été proposée
ou approuvée par l'Église et aucune des géographies
internes ou externes proposées par différents membres
(y compris celle proposée ci-dessus) n'a reçu
l'approbation. Les efforts faits par les membres dans cette direction
ne sont ni encouragés ni découragés. Pour
employer les termes de John A. Widtsoe, un apôtre :
« Toutes les études de ce genre sont légitimes,
mais les conclusions qui en sont tirées, bien qu'elles
puissent être correctes, doivent être considérées
tout au plus comme des conjectures intelligentes » (vol.
3, p. 93).
Trois déclarations
parfois attribuées au prophète Joseph Smith sont
souvent citées comme preuve d'une position officielle de
l’Église. Une déclaration de 1836 affirme que
« Léhi et son groupe… ont débarqué
sur le continent de l'Amérique du Sud, au Chili, à
trente degrés de latitude sud » (Richards, Little,
p. 272). Ce point de vue était accepté par Orson Pratt
et a été imprimé dans les notes de bas de page
de l'édition de 1879 du Livre de Mormon, mais il n’y a
pas de preuves suffisantes pour l'attribuer formellement à
Joseph Smith (« Did Lehi Land in Chili ? » ;
cf. Roberts, vol. 3, p. 501-503, et Widtsoe, vol. 3, p. 93-98).
En 1842, un éditorial
dans le journal de l’Église affirmait que « Léhi…
a débarqué un peu au sud de l'isthme de Darien
[Panama] » (T&S 3 [15 septembre 1842], p. 921-922).
Ceci déplacerait l'emplacement du débarquement de Léhi
d’environ 5.000 kilomètres au nord de celui proposé
au Chili. À ce moment-là, c’était Joseph
Smith qui avait la responsabilité de la rédaction du
périodique, mais on ne sait pas si c’est lui qui est à
l’origine de cette déclaration ni même si elle
représente son opinion. Deux semaines plus tard, un autre
éditorial paraissait dans le Times and Seasons, qui
constituait en fait une critique du livre Incidents of Travel in
Central America, Chiapas and Yucatan, de John Lloyd Stephens. C'était
le premier livre accessible en anglais contenant des descriptions et
des dessins détaillés des ruines maya antiques. Des
extraits en furent reproduits dans le Times and Seasons avec le
commentaire que « ce ne serait pas une mauvaise idée
de comparer les villes ruinées de M. Stephens à celles
du Livre de Mormon : la lumière s’attache à
la lumière et les faits sont étayés par les
faits. La vérité ne nuit à personne »
(T&S 3 [1er oct. 1842], p. 927).
Dans les déclarations
faites depuis lors, les dirigeants de l’Église ont
généralement refusé de donner un avis quelconque
sur les questions de géographie du Livre de Mormon. Quand on
lui a demandé d’examiner une carte montrant le lieu de
débarquement supposé du groupe de Léhi, le
président Joseph F. Smith a déclaré que le
« Seigneur ne l'avait pas encore révélé »
(Cannon, p. 160 n.). En 1929, Anthony W. Ivins, conseiller dans la
Première Présidence, a ajouté : « On
n’a encore jamais rien proposé qui règle de
manière définitive cette question [de la géographie
du Livre de Mormon]… Nous attendons simplement de découvrir
la vérité » (CR, avr. 1929, p. 16). Bien que
l’Église n'ait pas pris de position officielle en ce qui
concerne la localisation des lieux géographiques, les
autorités ne découragent pas les efforts privés
de traiter le sujet (Cannon).
L'éditorialiste
non identifié du Times and Seasons semble avoir favorisé
l'Amérique Centrale moderne comme cadre des événements
du Livre de Mormon. Comme nous l’avons dit, les géographies
récentes de certains membres de l’Église sont en
faveur de cette identification, mais d'autres considèrent que
c’est le nord de l’État de New York ou l'Amérique
du Sud qui sont le cadre correct. La diversité des avis reste
considérable parmi des membres de l’Église
concernant la géographie du Livre de Mormon ; cependant,
la plupart de ceux qui ont étudié le problème
conviennent que les centaines de références
géographiques du Livre de Mormon sont remarquablement
cohérentes, même si les spécialistes ne peuvent
pas toujours se mettre d’accord sur des endroits précis.
Parmi les nombreuses
géographies externes proposées pour le Livre de Mormon,
aucune n'a été confirmée positivement et sans
équivoque par l’archéologie. Chose plus
fondamentale, il n'y a aucun accord sur le point de savoir si
pareille identification incontestable est possible ou, si c’était
le cas, quelle forme une « preuve » devrait
revêtir ; ce qui n’est pas clair non plus, c’est
ce qui constituerait une « falsification » ou
une « réfutation » de diverses
géographies proposées. Tant que ces problèmes de
méthodologie n’auront pas été résolus,
toutes les géographies internes et externes, y compris leurs
tests archéologiques supposés, ne pourraient être
considérés tout au plus que comme des conjectures
intelligentes.
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Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation