Les plaques et annales du Livre de Mormon



Grant R. Hardy



 
Le Livre de Mormon est un texte complexe avec une histoire compliquée. C'est principalement l’abrégé de plusieurs documents plus anciens fait par son rédacteur en chef et homonyme, Mormon. Tous ces documents sont qualifiés de « plaques » parce qu'ils ont été gravés sur de fines feuilles de métal. Mormon s’est servi de divers documents sources dans sa compilation, ce qui est à l’origine de transitions brusques et de disjonctions chronologiques qui peuvent perturber le lecteur. Cependant, quand on connaît bien l'histoire du texte, elles sont cohérentes et ont du sens. Les diverses plaques et annales mentionnées dans le Livre de Mormon et utilisées pour le composer sont (1) les plaques d’airain, (2) les annales de Léhi, (3) les grandes plaques de Néphi 1, (4) les petites plaques de Néphi, (5) les plaques de Mormon et (6) les vingt-quatre plaques d'or d’Éther.
 
LES PLAQUES D'OR. Les plaques d'or que le prophète Joseph Smith a reçues et traduites sont les plaques de Mormon sur lesquels celui-ci et son fils Moroni 2 avaient fait leur abrégé. Mormon, un prophète et chef militaire qui a vécu à la fin de l'ère néphite (v. 385 apr. J.-C.), était l’avant-dernier gardien des annales des prophètes et souverains néphites précédents. Il avait en particulier les grandes plaques de Néphi, qui étaient la chronique néphite officielle et qu’il reçut le commandement de continuer (Mrm. 1:4). Il fit plus tard ses propres plaques de Mormon, sur lesquelles il compila un abrégé des grandes plaques de Néphi (Pa. 1:3-5 ; 3 Né. 5:9-10), qui couvrent 985 ans d'histoire néphite, depuis le temps de Léhi jusqu’au sien. Les grandes plaques puisaient dans des annales encore plus anciennes et dans les écrits de divers prophètes et contenaient fréquemment diverses sources telles que lettres, bénédictions, discours et mémoires.
 
Après avoir fait son abrégé jusqu’au règne du roi Benjamin inclus (v. 130 av. J.-C.), Mormon découvrit les petites plaques de Néphi, une histoire séparée de la même période de temps focalisée sur les événements spirituels de ces années et citant considérablement les plaques d’airain. Poussé par l’inspiration à ajouter les petites plaques de Néphi à ses propres annales, Mormon inséra une brève explication de ce double récit des débuts de l'histoire néphite (Pa. 1:2-9).
 
Mormon continua son abrégé, choisissant parmi les grandes plaques, paraphrasant et ajoutant souvent ses propres commentaires, poursuivant le récit jusqu’à son époque. Prévoyant sa mort, il passa les plaques à son fils Moroni. Pendant les quelques décennies suivantes, Moroni erra en solitaire, faisant des ajouts aux annales de son père, notamment deux chapitres maintenant inclus dans un livre précédemment abrégé par son père (Mrm. 7-8) et l’histoire des Jarédites qu'il avait abrégée des vingt-quatre plaques d'or d’Éther. Il copia aussi une grande vision des derniers jours qui avait été écrite par l’un des premiers prophètes jarédites, le frère de Jared, et qu’il avait été commandé à Moroni de sceller (Ét. 4:4-5). Il ajouta aussi de brèves notes sur des rituels de l’Église (Mro. 1-6), un sermon et deux lettres de son père (Mro. 7-9), et une exhortation aux futurs lecteurs (Mro. 10). Finalement, Moroni prit cette collection quelque peu hétérogène d’annales – les plaques de Mormon, les petites plaques de Néphi, son abrégé des plaques d’Éther et la partie scellée contenant la vision du frère de Jared – et les enterra. Quelque 1.400 ans plus tard, en 1823, Moroni, alors ressuscité, apparut au prophète Joseph Smith et révéla l'endroit où se trouvaient ces annales. Les plaques de Mormon, qui, à l’exception de la partie scellée, ont été traduites par après par Joseph Smith, sont appelées aujourd'hui les plaques d'or.
 
Cependant, le Livre de Mormon anglais actuel n'est pas simplement la traduction de toutes ces plaques d'or. Joseph Smith et Martin Harris commencèrent par traduire les plaques de Mormon et quand ils furent parvenus au règne du roi Benjamin, ils avaient 116 pages de traduction. Harris emprunta ces pages pour les montrer à sa femme, puis les perdit, et on ne les retrouva jamais (voir Manuscrit, 116 pages perdues). Il fut commandé à Joseph de ne pas retraduire ces pages (D&A 10:30-46), mais de leur substituer la traduction des petites plaques parallèles de Néphi comprenant les livres de 1 Néphi, 2 Néphi, Jacob, Énos, Jarom et Omni. Le Livre de Mormon actuel ne contient donc que le deuxième récit du début de l'histoire néphite.
 
Vient ensuite la traduction du reste des plaques de Mormon, abrégé des grandes plaques de Néphi, qui comporte les livres de Mosiah, d'Alma, d’Hélaman, de 3 Néphi, de 4 Néphi et de Mormon (dont les deux derniers chapitres ont été écrits par Moroni). Ils sont suivis de l’abrégé de l'histoire jarédite (le livre d’Éther) par Moroni et de ses notes de clôture (le livre de Moroni). Joseph Smith reçut le commandement de ne pas traduire la vision scellée du frère de Jared, qui constituait apparemment une partie substantielle des plaques d'or (Ludlow, p. 320). Bien que Joseph Smith n’ait traduit que les plaques d'or, lui et ses associés ont vu beaucoup d'autres annales (JD 19:38 ; Millennial Star 40, 1878, p. 771-772).
 
LES PLAQUES D’AIRAIN. On sait maintenant que beaucoup d'anciens du monde méditerranéen écrivaient sur des plaques en métal. « Quand le document était d’importance majeure, on se servait de plaques de cuivre, de bronze ou même de métaux précieux au lieu des tablettes habituelles de bois, de plomb ou d'argile » (CWHN 5:119 ; voir aussi H.C. Wright, dans Journal of Library History 16, 1981, p. 48-70). L’un de ces documents sur métal était dans la possession d'un certain Laban, un dirigeant de Jérusalem en 600 av. J.-C. On ne sait pas d’où Laban tenait ces plaques ni comment il les avait obtenues à l'origine. Plusieurs théories ont été avancées, notamment la possibilité que les plaques d’airain provenaient du temps de Joseph d'Égypte (Ludlow, p. 56). Le Livre de Mormon dit que Laban et son père avaient hérité des annales et les conservaient parce qu'ils étaient descendants de ce Joseph (1 Né. 5:16).
 
Ce que le Livre de Mormon dit, c’est comment le prophète Léhi a obtenu la possession des plaques d’airain. Après avoir fui Jérusalem, Léhi reçut de Dieu le commandement de renvoyer ses fils à la ville pour se procurer les plaques auprès de Laban. Quand il les reçut, il constata qu'elles contenaient les cinq livres de Moïse, les annales des juifs depuis le commencement jusqu’au règne de Sédécias, les prophéties des saints prophètes au cours de cette même période (y compris certaines des prophéties de Jérémie) et la généalogie des pères de Léhi (1 Né. 3-5).
 
Néphi et les chefs spirituels successifs tenaient les plaques d’airain en haute estime. Elles furent transmises par les prophètes principaux depuis Néphi jusqu’à Mormon et comme elles étaient écrites sous une forme adaptée de l'égyptien (voir Livre de Mormon – Langue), ceux qui les tenaient apprenaient à lire cette langue (Mos. 1:2-4). Les plaques d’airain furent les écritures de base de la nation néphite et pendant des siècles leurs prophètes les lurent, les citèrent dans leurs sermons et en utilisèrent des extraits pour enrichir leurs propres écrits. Par exemple, quand le prophète Abinadi cite les dix commandements dans une controverse avec les prêtres de Noé, sa connaissance des dix commandements est due, au moins indirectement, aux plaques d’airain (Mos. 12-13). Comme Mosiah 2 le dit : « Car il n’aurait pas été possible à notre père, Léhi, de se souvenir de toutes ces choses, pour les enseigner à ses enfants, s’il n’y avait pas eu l’aide de ces plaques » (Mos. 1:4).
 
Les annales du Livre de Mormon, en particulier les petites plaques de Néphi, citent de temps en temps en long et en large les plaques d’airain et ces citations contiennent vingt et un chapitres complets d'Ésaïe. Bien que la traduction de ces citations suive généralement la formulation de la King James Version de la Bible, il y a beaucoup de différences importantes, qui peuvent indiquer l'existence de sources textuelles plus anciennes (Tvedtnes, p. 165-177). Il ressort également des citations scripturaires du Livre de Mormon que les plaques d’airain contenaient davantage des écrits des prophètes hébreux que l’Ancien Testament actuel. Par exemple, le Livre de Mormon mentionne des prophéties de Joseph d'Égypte qui ne se trouvent pas dans la Bible, ainsi que des écrits de Zénos, de Zénock, de Néum et d'Ézias, des prophètes qui ne sont pas mentionnés dans l’Ancien Testament.
 
LES ANNALES DE LÉHI. Malheureusement, l’abrégé fait par Mormon des annales de Léhi est le texte traduit dans les 116 pages de manuscrit qui ont été perdues et par conséquent il n'est pas disponible dans le Livre de Mormon actuel. Léhi a écrit un récit de sa vie et de ses expériences spirituelles qui fut inclus dans les grandes plaques de Néphi (1 Né. 19:1). Mormon a abrégé ces annales dans ses plaques et Joseph Smith les a traduites, mais comme elles ont été perdues par Martin Harris, on n’en sait quasiment rien maintenant excepté ce que l’on peut déduire des allusions faites dans d'autres textes (Brown, p. 25-32 ; voir aussi la préface de la première édition [1830] du Livre de Mormon). Quand ils citent les paroles de Léhi, Néphi et Jacob semblent citer ce texte aujourd’hui perdu et les huit premiers chapitres de 1 Néphi (une partie des petites plaques) au moins semblent être basés sur les annales de Léhi. D'autres passages des petites plaques pourraient aussi provenir de ces annales.

LES GRANDES PLAQUES DE NÉPHI. Néphi commença les grandes plaques peu après son arrivée dans le Nouveau Monde. Elles furent la chronique continue officielle des Néphites depuis le moment où ils quittèrent Jérusalem (v. 600 av. J.-C.) jusqu'à leur destruction (385 apr. J.-C.). Apparemment les grandes plaques étaient divisées en livres, chacun portant le nom de son auteur principal. Ces plaques « contenaient ‘le récit complet de l'histoire [du people de Néphi]’ (1 Né. 9:2, 4 ; 2 Né. 4:14 ; Jcb. 1:2-3), la généalogie de Léhi (1 Né. 19:2) et ‘la plus grande partie’ des enseignements de Jésus-Christ ressuscité à la nation néphite (3 Né. 26:7) » (Ludlow, p. 57). Commencées comme histoire fondamentalement profane, elles devinrent plus tard un document mixte, mélangeant mille ans d'histoire et d'expériences religieuses néphites.
 
Les grandes plaques mettent l’accent sur les alliances faites avec la maison d'Israël et citent des prophéties messianiques des prophètes du Vieux Monde que l’on ne trouve pas dans l’Ancien Testament. Cette information a été extraite des plaques d’airain apportées par la colonie de Léhi de Jérusalem. Elles rapportent aussi des guerres et des querelles et contiennent de la correspondance entre chefs militaires et des informations sur divers voyages missionnaires. Les interventions et la puissance miraculeuse de Dieu imprègnent cette histoire. Les sermons enregistrés du roi Benjamin, d’Abinadi, et d’Alma 2 sont une indication de la compréhension profonde que ces hommes avaient de l'Évangile de Jésus-Christ et de leur foi en son avènement prédit. Ces plaques contiennent un récit du ministère du Christ et des enseignements qu’il a donnés après sa résurrection aux habitants du monde américain (3 Né. 11-28).
 
Les grandes plaques de Néphi furent transmises de roi en roi jusqu'à ce qu'elles parviennent à Mosiah 2. Il y ajouta des annales telles que celles de Zénif et d'Alma 1, puis il les donna à Alma 2. Les plaques passèrent ensuite par une lignée de prophètes jusqu'à l’époque d'Ammaron au début du quatrième siècle apr. J.-C. Ammaron choisit Mormon, qui était encore enfant, pour continuer les annales quand il serait mûr. Mormon écrivit les événements de son temps sur les grandes plaques puis les utilisa comme source pour son abrégé, lequel fut plus tard enterré dans la colline Cumorah. Joseph Smith ne reçut pas les grandes plaques, mais le Livre de Mormon laisse entendre qu’elles pourraient un jour être publiées au monde (3 Né. 26:6-10).
 
LES PETITES PLAQUES DE NÉPHI. Une vingtaine d’années après avoir commencé les grandes plaques, Néphi reçut le commandement de faire un autre jeu. Ce deuxième jeu devait être réservé au récit du ministère de son peuple (1 Né. 9 ; 2 Né. 5:28-33). Elles devaient contenir les choses considérées comme étant les plus précieuses : « une prédication qui était sacrée, ou une révélation qui était grande, ou de la prophétie » (Jcb. 1:2-4).
 
Les petites plaques ont été tenues pendant plus de quatre siècles, un peu moins que la     moitié du temps couvert par les grandes plaques, par neuf auteurs : Néphi, Jacob, Énos, Jarom, Omni, Amaron, Chémish, Abinadom, et Amaléki. Tous ces auteurs étaient les fils ou les frères de leurs prédécesseurs. Bien que ces plaques contiennent les écrits de plusieurs personnes sur une longue période de temps, 80 pour cent du texte ont été écrits par Néphi, le premier auteur, et les 12 pour cent restants par son frère Jacob.
 
Mormon annexa les petites plaques à ses annales quand il remit les plaques de Mormon à son fils Moroni parce que leur témoignage du Christ lui plaisait et parce qu'il était poussé par l'Esprit du Seigneur à les inclure « dans un but sage » (Pa. 1:3-7). Cependant, étant donné que les petites plaques couvraient la période historique déjà gravée dans son abrégé des annales de Léhi (à savoir, de Léhi au règne du roi Benjamin) et que le livre de Mosiah commençait par la fin du règne du roi Benjamin, Mormon estima nécessaire d'écrire une brève explication pour montrer comment les petites plaques de Néphi se rattachaient au livre de Mosiah. Il intitula cette explication « Paroles de Mormon ».
 
Bien que conscients de la nécessité de fournir un récit historique, les auteurs des petites plaques avaient pour but principal de parler du Christ, de prêcher le Christ, et de prophétiser sur le Christ (2 Né. 25:26). Préoccupé d’enseigner à son peuple les alliances et les promesses faites à l’Israël antique, Néphi tira ces enseignements de prophètes plus anciens dont les textes se trouvaient sur les plaques d’airain. Il cita copieusement le prophète Ésaïe (2 Né. 12-24 ; cf. És. 2-14) puis en fit un commentaire, prédisant l’avenir des juifs, des Lamanites et des Gentils et prophétisant sur beaucoup de choses qui se produiraient dans les derniers jours (2 Né. 25-30).
 
Jacob poursuivit la méthode de son frère en enregistrant ses propres sermons et une longue citation d'une prophétie de Zénos et son explication. Les écrits des auteurs ultérieurs des petites plaques sont beaucoup plus brefs et moins préoccupés de questions spirituelles.
 
Amaléki note dans ses écrits que les petites plaques étaient pleines et il les confia au roi Benjamin (Om. 1:25, 30), qui posséda ainsi les grandes et les petites plaques de Néphi aussi bien que les plaques d’airain. Tous ces jeux de plaques furent transmis de génération en génération jusqu'à ce qu'ils fussent confiés à Mormon.
 
LES PLAQUES DE MORMON. Après avoir reçu les plaques, Mormon fit un nouveau jeu sur lequel il grava son abrégé des grandes plaques de Néphi (3 Né. 5:10-11). C'est cet abrégé, avec quelques ajouts de Moroni, fils de Mormon, qui constitue les plaques d'or données à Joseph Smith. Il les décrit comme suit : Ces annales étaient gravées sur des plaques qui avaient l'apparence de l'or, chaque plaque avait quinze centimètres de large et vingt centimètres de long et n’était pas tout à fait aussi épaisse que du fer blanc ordinaire. Elles étaient remplies d’inscriptions gravées, en caractères égyptiens et reliées en un volume, comme les feuilles d'un livre, trois anneaux traversant le tout. Le volume avait quelque chose comme quinze centimètres d'épaisseur à peu près, dont une partie était scellée. Les caractères de la partie non scellée étaient petits et admirablement gravés [Jessee, p. 214].
 
Les descriptions rapportées par d'autres témoins ajoutent des détails qui donnent à penser que les plaques étaient constituées d’un alliage d'or (probablement du tumbaga) et qu'elles pesaient environ vingt-deux kilos (Putnam, p. 788-789, 829-831). Chaque plaque était aussi épaisse que du parchemin ou du papier épais.
 
La majeure partie du temps, Mormon tirait ses renseignements des grandes plaques de Néphi. Une grande partie du récit historique du Livre de Mormon semble être une paraphrase de sa part d’annales plus anciennes, mais de temps en temps des documents à la première personne sont insérés dans le texte. Par exemple, dans Mos. 9 et 10, le récit contient subitement une histoire à la première personne de Zénif (apparemment un document plus ancien que Mormon a simplement copié) et puis, au chapitre 11, la paraphrase de Mormon reprend. En outre, beaucoup de sermons, de bénédictions et de lettres semblent avoir été reproduits tels quels.
 
Néanmoins, certains passages peuvent être attribués à coup sûr à Mormon : l’abrégé de ses contributions aux grandes plaques (Mrm. 1-7), son sermon et ses lettres enregistrés par Moroni (Mro. 7-9) et les commentaires explicatifs qu'il insère dans son récit. Il s’identifie dans certaines de ces interpolations (Pa. ; 3 Né. 5:8-26 ; 26:6-12 ; 28:24 ; 4 Né. 1:23), mais il semble probable que les fréquents commentaires introduits par « et ainsi nous voyons » sont aussi de Mormon essayant de mettre l’accent sur les sujets ayant une importance spirituelle particulière pour ses lecteurs (par exemple, Al. 24:19, 27 ; 50:19-23 ; Hél. 3:27-30 ;12:1-2).
 
LES VINGT-QUATRE PLAQUES D'OR D'ÉTHER. Ces vingt-quatre plaques d'or étaient des annales des anciens Jarédites, habitants de l’Amérique avant les Néphites. Ce peuple en particulier avait quitté la tour de Babel au moment de la confusion des langues. Leurs dirigeants prophètes furent conduits jusqu’à l'océan où ils construisirent huit barques étranges. Celles-ci furent poussées par le vent à travers les eaux jusqu’en Amérique, où les Jarédites devinrent une grande et puissante nation. Après de nombreux siècles, la méchanceté et les guerres débouchèrent sur une guerre d’extermination finale. Pendant cette guerre finale, Éther, un prophète de Dieu, écrivit leur histoire et leurs expériences spirituelles sur vingt-quatre plaques d'or, peut-être en se basant sur des annales jarédites plus anciennes (voir J. Welch, « Preliminary Comments on the Sources behind the Book of Éther », dans F.A.R.M.S. Manuscript Collection, p. 3-7. Provo, Utah, 1986).
 
Après avoir été témoin de la destruction de son peuple, Éther cacha les vingt-quatre plaques d'or. De nombreuses années plus tard, (v. 121 av. J.-C.), elles furent découvertes par une petite expédition d’exploration néphite et données à Mosiah 2, roi prophète, qui les traduisit en langue néphite à l’aide de pierres de voyant (Mos. 8:8-9 ; 28:11-16). Beaucoup plus tard (v. 400 apr. J.-C.), Moroni abrégea cette histoire des Jarédites comme son père Mormon en avait eu l’intention, se concentrant sur les questions spirituelles et ajoutant des commentaires inspirés. Moroni inclut cet abrégé, maintenant connu sous le nom de livre d'Éther, à ce que son père et lui avaient déjà écrit (les vingt-quatre plaques d'or d’Éther n'étaient pas parmi les plaques reçues par Joseph Smith).
 
CARACTÉRISTIQUES DE L'INTERVENTION RÉDACTIONNELLE DE MORMON. Le Livre de Mormon est fort compliqué. Le résumé ci-dessus des plaques et d'autres annales dont est tiré le livre provient d'un certain nombre de commentaires dispersés mais cohérents inclus dans le texte actuel. Le récit lui-même est souvent complexe. Par exemple, dans Mos. 1-25, Mormon relate l’histoire de trois groupes et sous-groupes distincts – principalement les peuples de Mosiah, de Limhi et d’Alma – avec leur histoire et leurs interactions respectives entre eux et avec les Lamanites. L'histoire aurait pu être tout à fait embrouillée, parce qu’elle saute d'un peuple à l'autre et fait des sauts dans les deux sens dans le temps, mais Mormon est resté remarquablement clair. Al. 17-26 est un long retour en arrière racontant l’histoire de plusieurs missionnaires à l'occasion de leurs retrouvailles avec de vieux amis et Al. 43-63 relate l'histoire d'une guerre avec les Lamanites sans s’embrouiller dans des événements qui se passent sur deux fronts.
 
Le récit de Mormon aurait pu être beaucoup plus complexe. Il souligne qu'il présente moins d'un centième de la documentation dont il dispose (par exemple, Pa. 1:5 ; 3 Né. 26:6-7). En outre, ses sources donnent l’histoire d’une seule lignée familiale, celle de Léhi et de ses descendants, et n'englobe pas tous les événements du monde américain antique (Sorenson, 1985, p. 50-56). Mormon simplifie encore ses annales en continuant la pratique de Jacob de fusionner des peuples divers en deux groupes principaux : « Or, ceux qui n'étaient pas Lamanites étaient Néphites ; néanmoins, ils étaient appelés Néphites, Jacobites, Joséphites, Zoramites, Lamanites, Lémuélites et Ismaélites. Mais moi, Jacob, je ne les distinguerai dorénavant plus par ces noms, mais j'appellerai Lamanites ceux qui cherchent à détruire le peuple de Néphi, et ceux qui sont amicaux envers Néphi, je les appellerai Néphites, ou peuple de Néphi, selon les règnes des rois. » [Jcb. 1:13-14 ; voir également Mrm. 1:8-9].
 
Le choix des textes à inclure dans le vaste projet rédactionnel qui a produit le Livre de Mormon devait reposer sur une politique bien précise. Mormon est tout à fait explicite quant au but de son abrégé. Comme Néphi, il écrit une histoire pour conduire les gens au Christ, et il écrit spécifiquement pour les hommes du futur (2 Né. 25:23 ; Mrm. 7). Les plaques de Mormon ont été créées pour paraître dans les derniers jours. Ce qui intéresse Mormon, c’est faire ressortir les principes qui seront les plus utiles à de telles personnes et son travail soigneux de rédaction et ses passages introduits par « ainsi » et « ainsi nous voyons que » visent tous à faciliter l’identification et la compréhension des leçons morales.

En conclusion, Mormon a pris très au sérieux son travail d’historien et d’abréviateur. Il reçut de Dieu le commandement de faire ses annales (page de titre du Livre de Mormon ; 3 Né. 26:12). Par ailleurs, la société néphite avait une tradition forte de l'importance des documents écrits et c'était l'un des critères par lesquels ils se distinguaient de la majorité mulékite (Om. 1:14-19). De plus, les diverses plaques semblent avoir été transmises d'un prophète ou roi à l'autre à titre de reliques sacrées et de symboles d'autorité (Mos. 28:20 ; 3 Né. 1:2). En outre, les Néphites procédaient à un échange cérémoniel de documents quand différentes branches de la famille étaient réunies (Mos. 8:1-5 ; 22:14). La chose la plus importante était que les Néphites savaient qu'ils seraient tenus pour responsables et jugés en fonction de ce qui était écrit dans les annales, comme le seront tous les hommes (2 Né. 25:21-22 ; 33:10-15 ; Mrm. 8:12).

Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation