Les
plaques et annales du Livre de Mormon
Grant R. Hardy
Le Livre de Mormon est un
texte complexe avec une histoire compliquée. C'est
principalement l’abrégé de plusieurs documents
plus anciens fait par son rédacteur en chef et homonyme,
Mormon. Tous ces documents sont qualifiés de « plaques »
parce qu'ils ont été gravés sur de fines
feuilles de métal. Mormon s’est servi de divers
documents sources dans sa compilation, ce qui est à l’origine
de transitions brusques et de disjonctions chronologiques qui peuvent
perturber le lecteur. Cependant, quand on connaît bien
l'histoire du texte, elles sont cohérentes et ont du sens. Les
diverses plaques et annales mentionnées dans le Livre de
Mormon et utilisées pour le composer sont (1) les plaques
d’airain, (2) les annales de Léhi, (3) les grandes
plaques de Néphi 1, (4) les petites plaques de Néphi,
(5) les plaques de Mormon et (6) les vingt-quatre plaques d'or
d’Éther.
LES PLAQUES D'OR. Les
plaques d'or que le prophète Joseph Smith a reçues et
traduites sont les plaques de Mormon sur lesquels celui-ci et son
fils Moroni 2 avaient fait leur abrégé. Mormon, un
prophète et chef militaire qui a vécu à la fin
de l'ère néphite (v. 385 apr. J.-C.), était
l’avant-dernier gardien des annales des prophètes et
souverains néphites précédents. Il avait en
particulier les grandes plaques de Néphi, qui étaient
la chronique néphite officielle et qu’il reçut le
commandement de continuer (Mrm. 1:4). Il fit plus tard ses propres
plaques de Mormon, sur lesquelles il compila un abrégé
des grandes plaques de Néphi (Pa. 1:3-5 ; 3 Né.
5:9-10), qui couvrent 985 ans d'histoire néphite, depuis le
temps de Léhi jusqu’au sien. Les grandes plaques
puisaient dans des annales encore plus anciennes et dans les écrits
de divers prophètes et contenaient fréquemment diverses
sources telles que lettres, bénédictions, discours et
mémoires.
Après avoir fait
son abrégé jusqu’au règne du roi Benjamin
inclus (v. 130 av. J.-C.), Mormon découvrit les petites
plaques de Néphi, une histoire séparée de la
même période de temps focalisée sur les
événements spirituels de ces années et citant
considérablement les plaques d’airain. Poussé par
l’inspiration à ajouter les petites plaques de Néphi
à ses propres annales, Mormon inséra une brève
explication de ce double récit des débuts de l'histoire
néphite (Pa. 1:2-9).
Mormon continua son
abrégé, choisissant parmi les grandes plaques,
paraphrasant et ajoutant souvent ses propres commentaires,
poursuivant le récit jusqu’à son époque.
Prévoyant sa mort, il passa les plaques à son fils
Moroni. Pendant les quelques décennies suivantes, Moroni erra
en solitaire, faisant des ajouts aux annales de son père,
notamment deux chapitres maintenant inclus dans un livre précédemment
abrégé par son père (Mrm. 7-8) et l’histoire
des Jarédites qu'il avait abrégée des
vingt-quatre plaques d'or d’Éther. Il copia aussi une
grande vision des derniers jours qui avait été écrite
par l’un des premiers prophètes jarédites, le
frère de Jared, et qu’il avait été
commandé à Moroni de sceller (Ét. 4:4-5). Il
ajouta aussi de brèves notes sur des rituels de l’Église
(Mro. 1-6), un sermon et deux lettres de son père (Mro. 7-9),
et une exhortation aux futurs lecteurs (Mro. 10). Finalement, Moroni
prit cette collection quelque peu hétérogène
d’annales – les plaques de Mormon, les petites plaques de
Néphi, son abrégé des plaques d’Éther
et la partie scellée contenant la vision du frère de
Jared – et les enterra. Quelque 1.400 ans plus tard, en 1823,
Moroni, alors ressuscité, apparut au prophète Joseph
Smith et révéla l'endroit où se trouvaient ces
annales. Les plaques de Mormon, qui, à l’exception de la
partie scellée, ont été traduites par après
par Joseph Smith, sont appelées aujourd'hui les plaques d'or.
Cependant, le Livre de
Mormon anglais actuel n'est pas simplement la traduction de toutes
ces plaques d'or. Joseph Smith et Martin Harris commencèrent
par traduire les plaques de Mormon et quand ils furent parvenus au
règne du roi Benjamin, ils avaient 116 pages de traduction.
Harris emprunta ces pages pour les montrer à sa femme, puis
les perdit, et on ne les retrouva jamais (voir Manuscrit, 116 pages
perdues). Il fut commandé à Joseph de ne pas retraduire
ces pages (D&A 10:30-46), mais de leur substituer la traduction
des petites plaques parallèles de Néphi comprenant les
livres de 1 Néphi, 2 Néphi, Jacob, Énos,
Jarom et Omni. Le Livre de Mormon actuel ne contient donc que le
deuxième récit du début de l'histoire néphite.
Vient ensuite la
traduction du reste des plaques de Mormon, abrégé des
grandes plaques de Néphi, qui comporte les livres de Mosiah,
d'Alma, d’Hélaman, de 3 Néphi, de 4 Néphi
et de Mormon (dont les deux derniers chapitres ont été
écrits par Moroni). Ils sont suivis de l’abrégé
de l'histoire jarédite (le livre d’Éther) par
Moroni et de ses notes de clôture (le livre de Moroni). Joseph
Smith reçut le commandement de ne pas traduire la vision
scellée du frère de Jared, qui constituait apparemment
une partie substantielle des plaques d'or (Ludlow, p. 320). Bien que
Joseph Smith n’ait traduit que les plaques d'or, lui et ses
associés ont vu beaucoup d'autres annales (JD 19:38 ;
Millennial Star 40, 1878, p. 771-772).
LES PLAQUES D’AIRAIN.
On sait maintenant que beaucoup d'anciens du monde méditerranéen
écrivaient sur des plaques en métal. « Quand
le document était d’importance majeure, on se servait de
plaques de cuivre, de bronze ou même de métaux précieux
au lieu des tablettes habituelles de bois, de plomb ou d'argile »
(CWHN 5:119 ; voir aussi H.C. Wright, dans Journal of Library
History 16, 1981, p. 48-70). L’un de ces documents sur métal
était dans la possession d'un certain Laban, un dirigeant de
Jérusalem en 600 av. J.-C. On ne sait pas d’où
Laban tenait ces plaques ni comment il les avait obtenues à
l'origine. Plusieurs théories ont été avancées,
notamment la possibilité que les plaques d’airain
provenaient du temps de Joseph d'Égypte (Ludlow, p. 56). Le
Livre de Mormon dit que Laban et son père avaient hérité
des annales et les conservaient parce qu'ils étaient
descendants de ce Joseph (1 Né. 5:16).
Ce que le Livre de Mormon
dit, c’est comment le prophète Léhi a obtenu la
possession des plaques d’airain. Après avoir fui
Jérusalem, Léhi reçut de Dieu le commandement de
renvoyer ses fils à la ville pour se procurer les plaques
auprès de Laban. Quand il les reçut, il constata
qu'elles contenaient les cinq livres de Moïse, les annales des
juifs depuis le commencement jusqu’au règne de Sédécias,
les prophéties des saints prophètes au cours de cette
même période (y compris certaines des prophéties
de Jérémie) et la généalogie des pères
de Léhi (1 Né. 3-5).
Néphi et les chefs
spirituels successifs tenaient les plaques d’airain en haute
estime. Elles furent transmises par les prophètes principaux
depuis Néphi jusqu’à Mormon et comme elles
étaient écrites sous une forme adaptée de
l'égyptien (voir Livre de Mormon – Langue), ceux qui les
tenaient apprenaient à lire cette langue (Mos. 1:2-4). Les
plaques d’airain furent les écritures de base de la
nation néphite et pendant des siècles leurs prophètes
les lurent, les citèrent dans leurs sermons et en utilisèrent
des extraits pour enrichir leurs propres écrits. Par exemple,
quand le prophète Abinadi cite les dix commandements dans une
controverse avec les prêtres de Noé, sa connaissance des
dix commandements est due, au moins indirectement, aux plaques
d’airain (Mos. 12-13). Comme Mosiah 2 le dit : « Car
il n’aurait pas été possible à notre père,
Léhi, de se souvenir de toutes ces choses, pour les enseigner
à ses enfants, s’il n’y avait pas eu l’aide
de ces plaques » (Mos. 1:4).
Les annales du Livre de
Mormon, en particulier les petites plaques de Néphi, citent de
temps en temps en long et en large les plaques d’airain et ces
citations contiennent vingt et un chapitres complets d'Ésaïe.
Bien que la traduction de ces citations suive généralement
la formulation de la King James Version de la Bible, il y a beaucoup
de différences importantes, qui peuvent indiquer l'existence
de sources textuelles plus anciennes (Tvedtnes, p. 165-177). Il
ressort également des citations scripturaires du Livre de
Mormon que les plaques d’airain contenaient davantage des
écrits des prophètes hébreux que l’Ancien
Testament actuel. Par exemple, le Livre de Mormon mentionne des
prophéties de Joseph d'Égypte qui ne se trouvent pas
dans la Bible, ainsi que des écrits de Zénos, de
Zénock, de Néum et d'Ézias, des prophètes
qui ne sont pas mentionnés dans l’Ancien Testament.
LES ANNALES DE LÉHI.
Malheureusement, l’abrégé fait par Mormon des
annales de Léhi est le texte traduit dans les 116 pages de
manuscrit qui ont été perdues et par conséquent
il n'est pas disponible dans le Livre de Mormon actuel. Léhi a
écrit un récit de sa vie et de ses expériences
spirituelles qui fut inclus dans les grandes plaques de Néphi
(1 Né. 19:1). Mormon a abrégé ces annales
dans ses plaques et Joseph Smith les a traduites, mais comme elles
ont été perdues par Martin Harris, on n’en sait
quasiment rien maintenant excepté ce que l’on peut
déduire des allusions faites dans d'autres textes (Brown, p.
25-32 ; voir aussi la préface de la première
édition [1830] du Livre de Mormon). Quand ils citent les
paroles de Léhi, Néphi et Jacob semblent citer ce texte
aujourd’hui perdu et les huit premiers chapitres de 1 Néphi
(une partie des petites plaques) au moins semblent être basés
sur les annales de Léhi. D'autres passages des petites plaques
pourraient aussi provenir de ces annales.
LES GRANDES PLAQUES DE
NÉPHI. Néphi commença les grandes plaques peu
après son arrivée dans le Nouveau Monde. Elles furent
la chronique continue officielle des Néphites depuis le moment
où ils quittèrent Jérusalem (v. 600 av. J.-C.)
jusqu'à leur destruction (385 apr. J.-C.). Apparemment les
grandes plaques étaient divisées en livres, chacun
portant le nom de son auteur principal. Ces plaques « contenaient
‘le récit complet de l'histoire [du people de Néphi]’
(1 Né. 9:2, 4 ; 2 Né. 4:14 ; Jcb.
1:2-3), la généalogie de Léhi (1 Né.
19:2) et ‘la plus grande partie’ des enseignements de
Jésus-Christ ressuscité à la nation néphite
(3 Né. 26:7) » (Ludlow, p. 57). Commencées
comme histoire fondamentalement profane, elles devinrent plus tard un
document mixte, mélangeant mille ans d'histoire et
d'expériences religieuses néphites.
Les grandes plaques
mettent l’accent sur les alliances faites avec la maison
d'Israël et citent des prophéties messianiques des
prophètes du Vieux Monde que l’on ne trouve pas dans
l’Ancien Testament. Cette information a été
extraite des plaques d’airain apportées par la colonie
de Léhi de Jérusalem. Elles rapportent aussi des
guerres et des querelles et contiennent de la correspondance entre
chefs militaires et des informations sur divers voyages
missionnaires. Les interventions et la puissance miraculeuse de Dieu
imprègnent cette histoire. Les sermons enregistrés du
roi Benjamin, d’Abinadi, et d’Alma 2 sont une indication
de la compréhension profonde que ces hommes avaient de
l'Évangile de Jésus-Christ et de leur foi en son
avènement prédit. Ces plaques contiennent un récit
du ministère du Christ et des enseignements qu’il a
donnés après sa résurrection aux habitants du
monde américain (3 Né. 11-28).
Les grandes plaques de
Néphi furent transmises de roi en roi jusqu'à ce
qu'elles parviennent à Mosiah 2. Il y ajouta des annales
telles que celles de Zénif et d'Alma 1, puis il les donna à
Alma 2. Les plaques passèrent ensuite par une lignée de
prophètes jusqu'à l’époque d'Ammaron au
début du quatrième siècle apr. J.-C. Ammaron
choisit Mormon, qui était encore enfant, pour continuer les
annales quand il serait mûr. Mormon écrivit les
événements de son temps sur les grandes plaques puis
les utilisa comme source pour son abrégé, lequel fut
plus tard enterré dans la colline Cumorah. Joseph Smith ne
reçut pas les grandes plaques, mais le Livre de Mormon laisse
entendre qu’elles pourraient un jour être publiées
au monde (3 Né. 26:6-10).
LES PETITES PLAQUES DE
NÉPHI. Une vingtaine d’années après avoir
commencé les grandes plaques, Néphi reçut le
commandement de faire un autre jeu. Ce deuxième jeu devait
être réservé au récit du ministère
de son peuple (1 Né. 9 ; 2 Né. 5:28-33).
Elles devaient contenir les choses considérées comme
étant les plus précieuses : « une
prédication qui était sacrée, ou une révélation
qui était grande, ou de la prophétie » (Jcb.
1:2-4).
Les petites plaques ont
été tenues pendant plus de quatre siècles, un
peu moins que la moitié du temps
couvert par les grandes plaques, par neuf auteurs : Néphi,
Jacob, Énos, Jarom, Omni, Amaron, Chémish, Abinadom, et
Amaléki. Tous ces auteurs étaient les fils ou les
frères de leurs prédécesseurs. Bien que ces
plaques contiennent les écrits de plusieurs personnes sur une
longue période de temps, 80 pour cent du texte ont été
écrits par Néphi, le premier auteur, et les 12 pour
cent restants par son frère Jacob.
Mormon annexa les petites
plaques à ses annales quand il remit les plaques de Mormon à
son fils Moroni parce que leur témoignage du Christ lui
plaisait et parce qu'il était poussé par l'Esprit du
Seigneur à les inclure « dans un but sage »
(Pa. 1:3-7). Cependant, étant donné que les petites
plaques couvraient la période historique déjà
gravée dans son abrégé des annales de Léhi
(à savoir, de Léhi au règne du roi Benjamin) et
que le livre de Mosiah commençait par la fin du règne
du roi Benjamin, Mormon estima nécessaire d'écrire une
brève explication pour montrer comment les petites plaques de
Néphi se rattachaient au livre de Mosiah. Il intitula cette
explication « Paroles de Mormon ».
Bien que conscients de la
nécessité de fournir un récit historique, les
auteurs des petites plaques avaient pour but principal de parler du
Christ, de prêcher le Christ, et de prophétiser sur le
Christ (2 Né. 25:26). Préoccupé d’enseigner
à son peuple les alliances et les promesses faites à
l’Israël antique, Néphi tira ces enseignements de
prophètes plus anciens dont les textes se trouvaient sur les
plaques d’airain. Il cita copieusement le prophète Ésaïe
(2 Né. 12-24 ; cf. És. 2-14) puis en fit un
commentaire, prédisant l’avenir des juifs, des Lamanites
et des Gentils et prophétisant sur beaucoup de choses qui se
produiraient dans les derniers jours (2 Né. 25-30).
Jacob poursuivit la
méthode de son frère en enregistrant ses propres
sermons et une longue citation d'une prophétie de Zénos
et son explication. Les écrits des auteurs ultérieurs
des petites plaques sont beaucoup plus brefs et moins préoccupés
de questions spirituelles.
Amaléki note dans
ses écrits que les petites plaques étaient pleines et
il les confia au roi Benjamin (Om. 1:25, 30), qui posséda
ainsi les grandes et les petites plaques de Néphi aussi bien
que les plaques d’airain. Tous ces jeux de plaques furent
transmis de génération en génération
jusqu'à ce qu'ils fussent confiés à Mormon.
LES PLAQUES DE MORMON.
Après avoir reçu les plaques, Mormon fit un nouveau jeu
sur lequel il grava son abrégé des grandes plaques de
Néphi (3 Né. 5:10-11). C'est cet abrégé,
avec quelques ajouts de Moroni, fils de Mormon, qui constitue les
plaques d'or données à Joseph Smith. Il les décrit
comme suit : Ces annales étaient gravées sur des
plaques qui avaient l'apparence de l'or, chaque plaque avait quinze
centimètres de large et vingt centimètres de long et
n’était pas tout à fait aussi épaisse que
du fer blanc ordinaire. Elles étaient remplies d’inscriptions
gravées, en caractères égyptiens et reliées
en un volume, comme les feuilles d'un livre, trois anneaux traversant
le tout. Le volume avait quelque chose comme quinze centimètres
d'épaisseur à peu près, dont une partie était
scellée. Les caractères de la partie non scellée
étaient petits et admirablement gravés [Jessee, p.
214].
Les descriptions
rapportées par d'autres témoins ajoutent des détails
qui donnent à penser que les plaques étaient
constituées d’un alliage d'or (probablement du tumbaga)
et qu'elles pesaient environ vingt-deux kilos (Putnam, p. 788-789,
829-831). Chaque plaque était aussi épaisse que du
parchemin ou du papier épais.
La majeure partie du
temps, Mormon tirait ses renseignements des grandes plaques de Néphi.
Une grande partie du récit historique du Livre de Mormon
semble être une paraphrase de sa part d’annales plus
anciennes, mais de temps en temps des documents à la première
personne sont insérés dans le texte. Par exemple, dans
Mos. 9 et 10, le récit contient subitement une histoire à
la première personne de Zénif (apparemment un document
plus ancien que Mormon a simplement copié) et puis, au
chapitre 11, la paraphrase de Mormon reprend. En outre, beaucoup de
sermons, de bénédictions et de lettres semblent avoir
été reproduits tels quels.
Néanmoins,
certains passages peuvent être attribués à coup
sûr à Mormon : l’abrégé de ses
contributions aux grandes plaques (Mrm. 1-7), son sermon et ses
lettres enregistrés par Moroni (Mro. 7-9) et les commentaires
explicatifs qu'il insère dans son récit. Il s’identifie
dans certaines de ces interpolations (Pa. ; 3 Né.
5:8-26 ; 26:6-12 ; 28:24 ; 4 Né. 1:23),
mais il semble probable que les fréquents commentaires
introduits par « et ainsi nous voyons » sont
aussi de Mormon essayant de mettre l’accent sur les sujets
ayant une importance spirituelle particulière pour ses
lecteurs (par exemple, Al. 24:19, 27 ; 50:19-23 ; Hél.
3:27-30 ;12:1-2).
LES VINGT-QUATRE PLAQUES
D'OR D'ÉTHER. Ces vingt-quatre plaques d'or étaient des
annales des anciens Jarédites, habitants de l’Amérique
avant les Néphites. Ce peuple en particulier avait quitté
la tour de Babel au moment de la confusion des langues. Leurs
dirigeants prophètes furent conduits jusqu’à
l'océan où ils construisirent huit barques étranges.
Celles-ci furent poussées par le vent à travers les
eaux jusqu’en Amérique, où les Jarédites
devinrent une grande et puissante nation. Après de nombreux
siècles, la méchanceté et les guerres
débouchèrent sur une guerre d’extermination
finale. Pendant cette guerre finale, Éther, un prophète
de Dieu, écrivit leur histoire et leurs expériences
spirituelles sur vingt-quatre plaques d'or, peut-être en se
basant sur des annales jarédites plus anciennes (voir J.
Welch, « Preliminary Comments on the Sources behind the
Book of Éther », dans F.A.R.M.S. Manuscript
Collection, p. 3-7. Provo, Utah, 1986).
Après avoir été
témoin de la destruction de son peuple, Éther cacha les
vingt-quatre plaques d'or. De nombreuses années plus tard, (v.
121 av. J.-C.), elles furent découvertes par une petite
expédition d’exploration néphite et données
à Mosiah 2, roi prophète, qui les traduisit en langue
néphite à l’aide de pierres de voyant (Mos.
8:8-9 ; 28:11-16). Beaucoup plus tard (v. 400 apr. J.-C.),
Moroni abrégea cette histoire des Jarédites comme son
père Mormon en avait eu l’intention, se concentrant sur
les questions spirituelles et ajoutant des commentaires inspirés.
Moroni inclut cet abrégé, maintenant connu sous le nom
de livre d'Éther, à ce que son père et lui
avaient déjà écrit (les vingt-quatre plaques
d'or d’Éther n'étaient pas parmi les plaques
reçues par Joseph Smith).
CARACTÉRISTIQUES
DE L'INTERVENTION RÉDACTIONNELLE DE MORMON. Le Livre de Mormon
est fort compliqué. Le résumé ci-dessus des
plaques et d'autres annales dont est tiré le livre provient
d'un certain nombre de commentaires dispersés mais cohérents
inclus dans le texte actuel. Le récit lui-même est
souvent complexe. Par exemple, dans Mos. 1-25, Mormon relate
l’histoire de trois groupes et sous-groupes distincts –
principalement les peuples de Mosiah, de Limhi et d’Alma –
avec leur histoire et leurs interactions respectives entre eux et
avec les Lamanites. L'histoire aurait pu être tout à
fait embrouillée, parce qu’elle saute d'un peuple à
l'autre et fait des sauts dans les deux sens dans le temps, mais
Mormon est resté remarquablement clair. Al. 17-26 est un long
retour en arrière racontant l’histoire de plusieurs
missionnaires à l'occasion de leurs retrouvailles avec de
vieux amis et Al. 43-63 relate l'histoire d'une guerre avec les
Lamanites sans s’embrouiller dans des événements
qui se passent sur deux fronts.
Le récit de Mormon
aurait pu être beaucoup plus complexe. Il souligne qu'il
présente moins d'un centième de la documentation dont
il dispose (par exemple, Pa. 1:5 ; 3 Né. 26:6-7). En
outre, ses sources donnent l’histoire d’une seule lignée
familiale, celle de Léhi et de ses descendants, et n'englobe
pas tous les événements du monde américain
antique (Sorenson, 1985, p. 50-56). Mormon simplifie encore ses
annales en continuant la pratique de Jacob de fusionner des peuples
divers en deux groupes principaux : « Or, ceux qui
n'étaient pas Lamanites étaient Néphites ;
néanmoins, ils étaient appelés Néphites,
Jacobites, Joséphites, Zoramites, Lamanites, Lémuélites
et Ismaélites. Mais moi, Jacob, je ne les distinguerai
dorénavant plus par ces noms, mais j'appellerai Lamanites ceux
qui cherchent à détruire le peuple de Néphi, et
ceux qui sont amicaux envers Néphi, je les appellerai
Néphites, ou peuple de Néphi, selon les règnes
des rois. » [Jcb. 1:13-14 ; voir également
Mrm. 1:8-9].
Le choix des textes à
inclure dans le vaste projet rédactionnel qui a produit le
Livre de Mormon devait reposer sur une politique bien précise.
Mormon est tout à fait explicite quant au but de son abrégé.
Comme Néphi, il écrit une histoire pour conduire les
gens au Christ, et il écrit spécifiquement pour les
hommes du futur (2 Né. 25:23 ; Mrm. 7). Les plaques
de Mormon ont été créées pour paraître
dans les derniers jours. Ce qui intéresse Mormon, c’est
faire ressortir les principes qui seront les plus utiles à de
telles personnes et son travail soigneux de rédaction et ses
passages introduits par « ainsi » et « ainsi
nous voyons que » visent tous à faciliter
l’identification et la compréhension des leçons
morales.
En conclusion, Mormon a
pris très au sérieux son travail d’historien et
d’abréviateur. Il reçut de Dieu le commandement
de faire ses annales (page de titre du Livre de Mormon ; 3 Né.
26:12). Par ailleurs, la société néphite avait
une tradition forte de l'importance des documents écrits et
c'était l'un des critères par lesquels ils se
distinguaient de la majorité mulékite (Om. 1:14-19). De
plus, les diverses plaques semblent avoir été
transmises d'un prophète ou roi à l'autre à
titre de reliques sacrées et de symboles d'autorité
(Mos. 28:20 ; 3 Né. 1:2). En outre, les Néphites
procédaient à un échange cérémoniel
de documents quand différentes branches de la famille étaient
réunies (Mos. 8:1-5 ; 22:14). La chose la plus importante
était que les Néphites savaient qu'ils seraient tenus
pour responsables et jugés en fonction de ce qui était
écrit dans les annales, comme le seront tous les hommes (2 Né.
25:21-22 ; 33:10-15 ; Mrm. 8:12).
Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme, Macmillan Publishing Company, 1992, traduction Marcel Kahne, source www.idumea.org, avec autorisation