John Lloyd Stephens et les Mayas
James S. Packer
Article abrégé par Norbert et Brenda Bensch
John Lloyd Stephens, un homme de loi de New-York, et Joseph Smith ne se rencontrèrent jamais, et rien non plus ne permet de croire que Stephens ait lu le Livre de Mormon. Et cependant la réalisation la plus importante de Stephens dans la vie allait être plus tard le témoignage matériel de ce livre spirituel traduit par son concitoyen new-yorkais, Joseph Smith.
Cet
exploit commença dans la jungle du Honduras par un jour de
novembre étouffant et humide de 1839, lorsque John Stephens et
ses deux aides indigènes déterrèrent une statue
du sol de la forêt. « Francisco découvrit les
pieds et les jambes, et Bruno une partie du corps, écrivit
Stephens, et l'effet fut galvanisant. » Victor W. Von
Hagen écrivit qu'à cette date-là « un
nouveau monde, une nouvelle science - l'archéologie américaine
- était née ». John Lloys Stephens en avait
été le fondateur.
Stephens,
qui avait déjà longuement voyagé et s'était
acquis une certaine célébrité, avait déjà
parcouru l'Europe, le Proche-Orient, l'Égypte, l'Arabie et la
Terre sainte et avait écrit des ouvrages à leur sujet.
Mais la terre lui brûlait toujours aux pieds, il avait des
visions du passé et il ne s'était pas encore réellement
attaqué à sa destinée.
Lors d'une visite à Londres, Stephens rencontra pour la première fois son avenir sous la forme de « descriptions d'une Ville antique » par un certain Capitan Del Rio, qui avait visité au Mexique une ville étrange en ruines appelée Palenque. Plus tard, il apprit l'existence d'une deuxième ville mexicaine oubliée, Uxmal. En 1835, il se plongea avidement dans une revue spécialisée décrivant une ville en ruines au Honduras, Copan.
Palenque,
Copan, Uxmal. Son esprit était maintenant agité par des
visions de civilisations nébuleuses qui avaient existé
en Amérique centrale. Chose stupéfiante, il était
apparemment le seul que cela intéressait. « Au lieu
de galvaniser le public, écirivit-il, on ne fit guère
attention (à l'article sur Copan). » Il n'en
annonça pas moins son intention de partir à la
recherche de ces villes perdues.
« Sottises ! »
s'écrièrent les savants et le public. Les indiens
n'avaient jamais dépassé l'état sauvage. Les
Américains de l'époque pouvaient croire à
n'importe quoi, mais pas à une civilisation « indienne »,
et ce, en dépit de ce qui était apparu lors de la
conquête. Ces preuves étaient soit ignorées, soit
rabaissées au niveau de vantardises de la part des Espagnols
dans l'intérêt de leurs relations publiques. Savants et
historiens s'en tenaient à leurs croyances démodées
et méprisaient les efforts de Stephens.
Il
n'y avait, il faut bien le dire, guère de preuves
documentaires pour démontrer le contraire. Les ennemis de
Joseph Smith l'accusaient de plagiat, par exemple, alors qu'il n'y
avait rien à plagier. Même en 1839, cet homme très
instruit - et riche - qu'était M. Stephens eut
beaucoup de mal à réunir des preuves réelles
quelconques de l'existence d'une culture américaine antique.
Ses maigres références étaient avares de
détails. Et du temps de Joseph Smith, les documents étaient
encore plus maigres... ou inexistants.
Cette
pénurie de renseignements rendit l'enthousiaste Stephens
lui-même quelque peu sceptique, mais il avait de grandes
espérances. En compagnie d'un homme de son genre
- et un artiste accompli en plus - Frederic Catherwood, il
prit le bateau pour l'Amérique centrale.
Leur
première destination, Copan, était un village misérable
aux huttes de boue séchée. Mais la découverte
était proche. Un guide indigène leur fit traverser la
jungle jusqu'à la rive d'un cours d'eau. En face se dressait
une muraille de pierre de trente mètres de haut : la
limite de l'antique Copan et d'une ère nouvelle dans
l'histoire. Ayant promptement
traversé le cours d'eau et escaladé la muraille, ils se
trouvèrent parmi les reliques déchues d'une
civilisation oubliée.
« Nous
frayant un passage dans les bois épais, écrivit
Stephens, nous tombâmes sur une colonne de pierre carrée
haute de près de quatre mètres vingt... sculptée
sur les quatre côtés... en un très fort relief...
C'étaient des œuvres d'art... Certaines valaient les
plus beaux monuments des Égyptiens. L'Amérique
(disaient les historiens des années 1830) était peuplée
de sauvages ; mais ce ne furent jamais des sauvages qui
élevèrent ces édifices, ce ne furent jamais des
sauvages qui sculptèrent ces pierres. Quand nous demandions à
ces Indiens s'ils savaient qui les avait construits, ils répétaient
chaque fois la même chose : « Quien sabe ? »
(Qui sait ?)
Les
savants et les historiens du monde occidental n'auraient pu mieux
répondre. Copan - et les Mayas - accédèrent
au niveau sublime de leur art et de leur culture alors que
l'Europe s'enfonçait dans les ténèbres du
Moyen-âge. Ils conquirent les jungles et ajoutèrent
ville après ville dans tout le Youcatan comme on enfile des
gemmes étincelantes sur un collier de bijoux. Mais pour
l'Ancien monde leurs exploits et leur histoire furent aussi
silencieux que la jungle où ils vivaient.
Cependant,
peu avant 900 ap. J.-C., les Mayas quittèrent brusquement et
mystérieusement la scène de l'histoire. Pendant mille
ans Copan demeura enterrée sous l'épaisse jungle du
Honduras jusqu'à ce que Stephens et Catherwood vinssent la
réveiller.
Ils
ne la vit pas en entier : la jungle était trop dense. Ils
se concentrèrent sur les « idoles » non
enterrées, les stèles. C'étaient d'immenses
monolithes de trente tonnes où étaient gravés
des personnages, des fleurs et d'animaux en quantité
incroyable. Érigées à des dates fixes pour commémorer
des événements qui nous sont inconnus, elles
représentaient l'apogée du génie maya.
Au
cours d'une odyssée qui dura deux ans, Stephens et Catherwood
découvrirent et redécouvrirent Copan, Palenque, Uxmal,
Chichen Itza et quarante autres sites mayas en ruines.
Le
mystère s'épaississait et Stephens jubilait. À
Palenque il dit :
« Il
y avait là les restes d'un peuple cultivé, raffiné
et étrange, qui était passé par toutes les
étapes caractéristiques de la naissance et de la chute
des nations, avait atteint son âge d'or et avait péri
totalement inconnu. Les liens qui le rattachaient à la famille
humaine furent coupés et perdus et il n'y avait plus ici que
le souvenir de son passage sur la terre... Rien dans l'épopée
de l'histoire du monde ne m'impressionna d'une manière plus
frappante que le spectacle de cette ville jadis grande et belle,
retournée, vide et perdue, découverte par accident,
couverte, sur des kilomètres à la ronde, par des
arbres, et ne portant même pas un nom pour la distinguer. »
La
passion qui anima les deux explorateurs pour découvrir ces
mystères déconcerte l'esprit moderne. À une
époque où les hommes de bonne éducation
restaient chez eux, ces deux-là souffrirent la faim, la
malaria, une quantité incroyable d'attaques par les insectes,
un inconfort physique extrême et, à plusieurs reprises,
échappèrent de peu à la mort. Pour réaliser
quoi ?
L'histoire
classe Stephens parmi les grands hommes. Ses apports sont considérés
comme égaux à ceux de Champollion1 et sa
pierre de Rosette, ou à ceux de Schliemann2 et sa
Troie.
À notre point de vue l'oeuvre de Stephens est d'une importance capitale : John Lloyd Stephens et Joseph Smith ne se rencontrèrent jamais, mais la voix du Livre de Mormon qui criait dans le désert fut renforcée lorsque le témoignage matériel de Stephens concernant le peuple de Léhi déferla sur le monde.
1. Jean François Champollion (1790-1832); égyptologue français qui découvrit une pierre dont le texte était écrit en trois langues. Elle lui permit de déchiffrer l'écriture égyptienne antique.
2.
Heinrich Schliemann (1822-1870), archéologue allemand qui
découvrit Troie, en Anatolie, démontrant que la ville
grecque légendaire avait réellement existé.
Source : L'Étoile, juin 1977