George A. Smith en Terre sainte
Compte-rendu de George A. Smith de son séjour en Terre sainte en 1873
George A. Smith, premier conseiller du président Brigham Young, était
accompagné de Lorenzo Snow et Albert Carrington, des Douze,
d'Eliza R. Snow, présidente générale de la Société de secours, et d'autres personnes.
George A. Smith ne doit pas être confondu avec son petit-fils, George
Albert Smith, qui deviendra président de l'Église au milieu du 20e
siècle.
George A. Smith (1817-1875)
Membre du Collège des Douze de 1839 à 1868
Premier conseiller du président Brigham Young de 1868 à 1875
Après avoir récupéré nos chevaux et nos selles, le lundi matin 24
février [1873, ndlr], nous sommes partis pour Jérusalem. Je n'ai pas pu me procurer
une selle syrienne assez grande pour que je puisse monter dessus, et
j'ai été obligé de monter sur une selle anglaise. Cela a fait une
grande différence dans mon confort. Si j'avais emporté une selle
espagnole de chez moi, j'aurais été beaucoup plus à l'aise pendant mon
voyage… Je suis assez lourd et je n'étais pas monté à cheval depuis
quinze ans.
Miss E. R. Snow et Miss Clara Little avaient une tente. Paul A.
Schettler et moi-même en occupions une autre. Lorenzo Snow,
Albert Carrington, Feramorz Little et Thos Jennings en occupait une
autre. Ma tente servait de salle à manger. Notre interprète et notre
cuisinier avaient chacun sa tente, et nous en avions une autre par
commodité. On nous a fourni de bons tabourets de camping ; nous avions
des sommiers en fer, avec de bons matelas et de belles couvertures et
draps propres. Ma seule difficulté était que mon lit était trop petit
pour moi…
Alors que nous arrivions et surplombions Jérusalem, un sentiment de
déception était évident sur les visages de chacun des membres du
groupe, ou bien j'étais déçu et eux ne l'étaient pas, l'un ou l'autre.
Mais tout cela s'est présenté à nous sous un jour différent de ce que
nous avions prévu, et j'ai alors compris pourquoi le Dr Burns, dans son
Guide, recommande aux gens de contourner Jérusalem par une autre
route, et d'y arriver par l'est pour bénéficier d'une première vue
depuis
l'est. C'est parce que la vue depuis le mont des Oliviers, du côté est,
est bien meilleure que lorsque l'on vient de l'ouest. On dit qu'il y a
beaucoup de choses dans les premières impressions.
Les Russes ont
construit quelques monastères dans et autour de Jérusalem, et les
Latins en ont construit quelques-uns, et au cours des dernières années,
un certain nombre de nouveaux bâtiments de bonne qualité ont été
construits. Sir Moses Montefiore a construit un quartier à l'extérieur
et non loin du mur. Le vénérable Abraham Askenasi, grand rabbin de
Jérusalem, avec la contribution de ses amis du monde entier, a érigé un
nombre considérable d'abris pour accueillir les veuves et les
orphelins.
À première vue, nous pouvions distinguer la mosquée d'Omar [dôme du Rocher, ndlr],
l'endroit où se trouvait le temple de Salomon. Nous pouvions également
voir l'église du Saint-Sépulcre, le lieu où le Sauveur a été crucifié.
Nous avons planté nos tentes dans la vallée de Hinnom, près de la
porte de Jaffa, la porte où se font la plupart des affaires à
Jérusalem. Pendant que nos tentes étaient montées, nous passâmes par la
porte et vîmes un bon nombre de mendiants, parmi eux des lépreux, et
aussi un bon nombre de femmes vêtues de blanc, dont quelques-unes, des
pleureuses professionnelles, se lamentaient…
Il n’est pas facile de décrire cette ville, ni
aucune des villes orientales que j'ai vues. Les rues, si on peut les appeler rues,
sont pour beaucoup d'entre elles très étroites et tellement bondées
de chameaux, d'ânes et de chevaux, qu'ils ne peuvent se croiser qu'à
certains endroits. Les maisons sont construites grossièrement, en une
sorte de béton, ou en pierre et mortier. Elles sont basses et petites
avec un toit plat, généralement recouvert de ciment. Il existe à
Jérusalem de nombreux édifices : des mosquées et des églises, avec
leurs minarets, leurs tours et leurs rotondes.
La principale rue
commerçante de Jérusalem est la rue chrétienne, large de quatre mètres
cinquante. Elle mène à la rue par laquelle nous entrons porte de Jaffa.
Une avenue mène à l'entrée de l'église du Saint-Sépulcre. Devant cette
église se trouve un petit espace ouvert rempli de mendiants et d'hommes
avec des objets à vendre : des perles, des photographies, des bijoux et
des reliques de toutes sortes. Nous pouvions y obtenir presque tout ce
que nous voulions en matière de reliques et être assurés qu'elles
étaient authentiques.
Le président
Carrington est resté à Jérusalem pendant que nous nous rendions à la
mer Morte. Il voulait faire des affaires liées au bureau de Liverpool ;
et il n'aime pas beaucoup l'équitation. Comme vous le savez, il
souffrait considérablement de rhumatismes, c'est pourquoi il est resté
à l'hôtel Méditerranée pendant que nous allions à la mer Morte et au
Jourdain. Cela lui a donné plus de temps pour circuler et traverser
Jérusalem qu’à aucun d’entre nous. Il disposait de plusieurs jours et
il déclara qu'il ne parviendrait jamais à se décider sur ce qui avait
poussé le roi David à y installer sa capitale.
Le grand rabbin m'a dit
qu'autrefois Jérusalem était bien approvisionnée en eau, mais à l'heure
actuelle il n’y a vraiment pas d’eau vive là-bas. Le bassin d'Ézéchias
et d'autres bassins étaient pleins pendant la saison des pluies, mais
un mois après notre arrivée, une bouteille d'un litre d'eau coûte un
sou et est parfois assez difficile à obtenir. Si les aqueducs des
bassins de Salomon étaient réparés, ils n'apporteraient pas assez d'eau
pour approvisionner la ville, mais aux jours de la prospérité d'Israël,
il y avait de l'eau en abondance, et nous pensions qu'il en serait de
même.
J'avais une lettre d'introduction, obtenue par M. James Linforth, du
rabbin de la congrégation juive de San Francisco, pour le rabbin
Askenasi. C'est un homme d'apparence très vénérable, de grande taille,
corpulent et doté d'une bonne barbe. Il parut très satisfait de ma
visite,
me traita avec courtoisie, me montra leur synagogue et le bâtiment
qu'ils étaient en train d'ériger, et me rendit visite, accompagné de
plusieurs anciens juifs, sous ma tente, où nous avons eu un entretien
très agréable... Ce monsieur m'a dit qu'aucun Juif n'avait pénétré dans
l'enceinte de la mosquée d'Omar [dôme du Rocher, ndlr], bien qu'il croit qu'elle se trouve sur
le site du temple de Salomon, mais pas au centre de celui-ci.
En regardant
Jérusalem et ses alentours, je ne l’ai pas eu le même sentiment que le
président Carrington. Les royaumes, à l'époque [de David], étaient
petits et densément peuplés, et pour un dirigeant, il était nécessaire de placer la
capitale de manière à pouvoir la défendre facilement ; et jusqu'à
l'invention des armes modernes, Jérusalem pouvait être facilement
défendue. Son siège et sa prise par les Romains prouvèrent qu'elle
était une ville très difficile à prendre, car elle était entourée de
plusieurs murs, fortifiée de fortes tours et naturellement défendue par
son environnement montagneux et les ravins qui l'entourent. Chacun de
ces murs était occupé par des partis rivaux. Les lecteurs du récit de
la destruction de Jérusalem se souviendront qu'il y avait trois chefs
distincts, et que lorsque les Juifs ne combattaient pas les Romains,
ils se battaient les uns contre les autres. Il existe même un doute à
ce jour sur la capacité des Romains à prendre Jérusalem si Jean ou
Simon avaient eu le commandement absolu dans leur ville et la confiance
du peuple.
Un vieux proverbe dit que ceux que les dieux veulent
détruire, ils les rendent d'abord fous. Il en était de même pour ces
Juifs. Ils avaient tué le Sauveur, ils avaient violé les commandements
de Dieu et ils avaient attiré sur leur tête les malédictions prononcées
sur eux dans de nombreuses Écritures, dont le chapitre 27 du
Deutéronome, s'ils ne respectaient pas la loi du Seigneur. Malgré leur
ville forte et leur nombre, ils étaient si divisés entre eux qu'ils ne
pouvaient pas se défendre efficacement. L'évocation de cette
destruction de Jérusalem me ramène à Rome et à l'Arc de Titus, élevé
pour commémorer ses victoires, et sur lequel est gravée la
représentation des chandeliers à sept branches, et une grande variété
de trésors apportés par lui de Jérusalem.
Le roi David avait appris la force de Jérusalem par la difficulté qu'il
avait rencontrée à la prendre aux Jébuséens ; et il est plus que
probable que Dieu lui ordonna d'y situer la ville.
Le rabbin Askenasi
a déclaré à propos des dix tribus qu'il n'avait aucune idée de
l'endroit où elles se trouvaient, mais il croyait qu'elles étaient
préservées et que leur postérité reviendrait et que le temps viendrait
où Dieu bénirait Israël et où l'eau serait abondante dans Jérusalem. On
lit au 47e chapitre d'Ézéchiel, que des eaux vives devaient sortir de
Jérusalem et couler vers l'est ; et que le prophète a vu un homme avec
un ruban à mesurer à la main. Il mesura cinq cents mètres, et l'eau lui
arrivait jusqu'aux chevilles ; il en mesura cinq cents autres, et l'eau
lui arrivait jusqu'aux genoux ; cinq cents autres, et elle arrivait
jusqu'à sa poitrine ; cinq cents autres, et c’était une rivière avec
des eaux pour nager, qui ne pouvait être traversée. Il continue et
décrit cela comme quelque chose qui devrait avoir lieu à Jérusalem.
Je
pensais, en me tenant sur le mont des Oliviers, au dernier chapitre de
Zacharie, où, à propos de la venue du Sauveur, il est dit que ses pieds
se poseront sur le mont des Oliviers, qui est devant Jérusalem, à
l'est, et que la montagne s'ouvrira en son milieu, une moitié vers le
nord et une moitié vers le sud. Une très grande vallée se formera et le
pays sera transformé en plaine depuis Guéba jusqu'à Rimmon, au sud de
Jérusalem, et sera élevé, et des hommes y habiteront. Le même prophète
nous dit que des eaux vives sortiront de Jérusalem, moitié vers
l'ancienne mer, moitié vers la mer arrière…
J'ai fait deux
visites minutieuses, l'une à l'église du Saint-Sépulcre, l'autre à la mosquée
d'Omar [dôme du Rocher, ndlr], ainsi qu'aux terrains adjacents. J'ai également visité de
nombreux autres lieux d'intérêt à Jérusalem, mais en vous faisant un
récit détaillé de ce que nous avons vu et traversé, d'une manière aussi
dispersée, je ne peux décrire les impressions que j'ai ressenties à ce
moment-là. Je n'avais aucun doute sur le fait que j'avais parcouru les
lieux où le Sauveur et ses apôtres, ainsi que les prophètes, les rois
et les nobles d'Israël avaient vécu, même si je ne croyais pas beaucoup
aux endroits indiqués par les moines. Mais j'étais satisfait d'être
à proximité des sites où se sont déroulés les grands événements rapportés
dans les Écritures.
Aujourd'hui, il ne reste plus grand-chose qui
puisse être identifié au-delà de la période de l'occupation des croisés
ou des Romains. Assurément, nous avons vu le sommet du mont Moriah, sur
lequel se dresse la mosquée d'Omar [dôme du Rocher, ndlr]. Il y a des rochers naturels et des
grottes naturelles à l'intérieur. La vallée de Josaphat est là. Des
archéologues ont creusé profondément sous Jérusalem à la recherche de
preuves permettant de déterminer son site d'origine, mais les moines
ont alarmé sur les dégâts que pourrait causer le fait d'annoncer que
certaines localités n'étaient pas où elles sont actuellement
représentées, et le gouvernement turc en a été ému. C'est pourquoi les
sites des fouilles ont été fermées et nous n'avons pas été autorisés à
y entrer.
La correspondance
du président Lorenzo Snow au Deseret News, la correspondance de Paul A.
Schettler au Salt Lake Herald et les communications et poèmes de Miss
E. R. Snow au Woman's Exponent, ainsi que d'autres lettres publiées,
toutes rédigées dans des circonstances laborieuses et fatigantes,
donnent une idée très correcte de notre visite à Jérusalem et de notre
voyage en général. Paul A. Schettler parle six langues et, pour
s'occuper des affaires financières du groupe, il devait changer de
l'argent et était obligé de tenir des comptes dans la monnaie d'une
douzaine de pays différents, et même parmi les Arabes, il pouvait
généralement trouver quelqu'un qui parlait l'une des langues qu'il
connaissait.
Dieu m'a protégé. Notre groupe de huit personnes a fait le voyage sans
accident. Nous n'avons pas été blessés. Nous n'avons été victimes
d'aucune maladie, sauf peut-être, de
temps à autre, d'un petit rhume ou d'un léger rhumatisme
d'un jour ou deux. Nos esprits étaient clairs et ouverts, et nous avons vu
plus, je crois, en huit mois, que les voyageurs ordinaires n’en voient
en deux ans…
Sur le mont des Oliviers, face à Jérusalem, nous avons
élevé nos prières vers Dieu pour qu'il vous préserve et confonde vos
ennemis. Nous sentions dans notre cœur que Sion était en marche, et
qu'aucune puissance ne pouvait arrêter sa progression ; que le jour
n'était pas loin où Israël se rassemblerait, et que ce pays
commencerait à regorger d'un peuple qui adorerait Dieu et garderait ses
commandements ; que l'abondance et les bénédictions de l'éternité
seraient déversées généreusement sur ce pays désert, et que toutes les
prophéties concernant la restauration de la maison d'Israël
s'accompliraient. Dieu ayant commencé son œuvre en révélant l’Évangile
éternel aux saints des derniers jours, puissions-nous tous être
fidèles et accomplir notre part. Telle est ma prière au nom de Jésus.
Amen.
(Journal of Discourses, volume 16, p. 93-102)