Juda doit revenir

 

 

Eldin Ricks

 

Professeur au département des Écritures anciennes

de l'Université Brigham Young

 

 

  

Le cadre : la salle à manger d'un hôtel de Jérusalem. Comme j'étais étranger au milieu d'un groupe de clients juifs de l'hôtel, l'un d'eux me demanda ce qui m'avait amené en Israël. J'expliquai que j'étudiais l'hébreu. On parut s'intéresser considérablement au fait que j'étais venu des États-Unis pour étudier leur langue et au cours de la conversation, je fis cette réflexion : « Je crois que vous serez heureux de savoir que l'Église à laquelle j'appartiens, l'Église ‘mormone’, s'intéresse depuis longtemps au rassemblement des Juifs ».

 

« C'est vrai ? demanda un des convives. Parlez-nous un peu de cet intérêt ».

 

« Au début du dix-neuvième siècle, commençai-je, Joseph Smith, le prophète fondateur de cette Église mormone, prédit qu'à notre époque les Juifs retourneraient à Jérusalem. En fait, en 1841, Orson Hyde, un de ses collaborateurs dans le gouvernement de l'Église, fit un voyage à Jérusalem. Quand il arriva ici, il monta sur le mont des Oliviers et fit une prière, que nous considérons comme une prière de consécration, en faveur des Juifs, afin qu'ils soient poussés par l'esprit de retour ; en faveur du climat et du sol, afin qu'ils soient favorables à l'entretien d'une vaste population, et en faveur des gouvernements politiques du monde afin qu'ils coopèrent pour permettre l'installation des Juifs ».

 

Mon intention n'avait pas été de faire un discours, mais le groupe tout entier avait cessé de manger et écoutait attentivement. Par conséquent je continuai.

 

« En outre, je crois que cela vous intéressera de savoir que Joseph Smith non seulement prophétisa le rassemblement des Juifs, mais aussi qu'un temple serait construit ici même à Jérusalem avant la venue du Messie ».

 

Je parlais de la prédiction de Joseph Smith que « Juda doit retourner, Jérusalem doit être bâtie, ainsi que le temple, et l'eau jaillira de dessous le temple... et tout cela doit se passer avant que le Fils de l'homme fasse son apparition » (Enseignements du Prophète Joseph Smith, p. 399).

 

Mon allusion au temple futur suscita une réaction surprenante chez un des hommes qui était, comme je l'appris plus tard, un rabbin. Avec une hostilité manifeste, il déclara : « Mais même le rêveur juif le plus ambitieux n'ose imaginer la perspective de nous voir construire un jour un temple ! »

 

Juste à ce moment-là, le téléphone sonna, et quelqu'un dit au rabbin qu'on désirait lui parler. Ce ne fut que quand il fut sorti qu'il me vint à l'esprit de dire ceci :


« À propos, n'y a-t-il pas dans votre livre de prières une prière que vous utilisez tous les vendredis soirs depuis des siècles en faveur du retour des Juifs à Jérusalem et de la restauration de votre ancien temple ? »

 

La salle à manger fut soudain très silencieuse. Finalement, quelqu'un prit la parole et dit : « Oui, c'est vrai ».

 

« Alors permettez-moi d'ajouter ma foi à vos prières, répondis-je, que le temps viendra où les prophéties de Joseph Smith et vos prières s'accompliront, et où un temple se dressera ici à Jérusalem avant le retour du Messie ».

 

Une femme dit : « Il me semble parfois que la Providence a dirigé le rassemblement des Juifs ». Je dis au groupe que j'étais tout à fait certain que c'était vrai.

 

Plus tard, je me dis que c'était bien bizarre qu'un étranger venu d'un pays lointain dût leur dire que Dieu les aidait, alors qu'en quelque sorte c'étaient eux qui auraient dû me le dire.

 

Je quittai Israël au début d'octobre 1956, trois semaines environ avant le début des hostilités qui suivirent la nationalisation du canal de Suez par les Égyptiens. Je revins à mes études au Dropsie College for Hebrew and Cognate Learning à Philadelphie et j'eus l'occasion un jour de répéter à un auditoire tout à fait différent ce que j'avais dit lors du repas à Jérusalem. C'était à la fin d'un cours d'anthropologie. Le professeur, le Dr Raphaël Patai, célèbre pour ses livres et ses articles sur les peuples et les coutumes du Moyen Orient, parlait.

 

« M. Ricks, pour vous qui avez étudié la genèse du mouvement sioniste, qui, à votre avis, a été le premier sioniste chrétien antérieur à l'époque de Herzl ? »

 

Étant donné que Theodor Herzl fut le fondateur du mouvement sioniste en 1897, il demandait qui, à mon avis, était le premier partisan chrétien du retour des Juifs avant 1897. Je lui dis que j'en avais trouvé un dès 1830.

 

– 1830 ! répondit-il avec surprise. Mais c'était plus de cinquante ans avant que le mouvement sioniste ne commence !

 

Oui, répondis-je, je sais. Je le sais très bien.

 

Qui donc cela pouvait-il bien être ?

 

Joseph Smith, le fondateur de mon Église, répondis-je.

 

Vous voulez dire que, dès 1830, votre Joseph Smith était partisan du retour des Juifs ?

 

Oui, monsieur. En outre, je pense que cela vous intéressera de savoir - et ici je répétais essentiellement ce que j'avais dit aux autres convives lors du repas quelques semaines plus tôt à Jérusalem - qu'en 1841, il chargea un de ses collaborateurs dans le gouvernement de l'Église d'aller à Jérusalem pour la consacrer au retour des Juifs.

 

Et il y est allé ? demanda-t-il.

 

Oui, il y est allé effectivement.

 

Et qu'a-t-il bien pu faire quand il est arrivé là-bas ?

 

Il est allé au sommet du mont des Oliviers et a fait une prière que nous considérons comme une prière de consécration en faveur du climat et du sol pour qu'ils entretiennent une vaste population ; en faveur des gouvernements politiques pour qu'ils coopèrent, et en faveur des Juifs eux-mêmes afin qu'ils soient poussés par l'esprit du retour.

 

Stupéfait, il se tourna vers un rabbin de notre groupe et s'exclama : « Qui sait ! Peut-être cela a-t-il aidé ! » 

 

Je lui dis que j'étais tout à fait certain que cela avait aidé.

 

Le Dr Patai quitta le collège au printemps suivant et devint directeur de recherches à plein temps de la Fondation Herzl à New York. En sa nouvelle qualité, il m'écrivit, me demandant de venir à New York et de présenter à son organisation une conférence intitulée « Le sionisme et l'Église mormone ». Je fus également invité à amener deux assistants bien préparés qui pourraient aider à répondre aux questions et à confirmer mes dires. En réponse à l'invitation, le Dr Ellis Rasmussen et le Dr Paul Andrus se joignirent à moi dans cette entreprise. La conférence fut bien reçue et publiée ultérieurement par la Fondation Herzl dans un chapitre de ses annales (Herzl Yearbook Essays in Zionist History and Thought, vol. 5, pp. 147-74).

 

Suite à cet exposé, un monsieur juif nous accosta tous les trois et dit : « Ce que vous nous avez dit aujourd'hui est quelque chose de stupéfiant et de neuf. Je me demande pourquoi vous n'en parlez pas au monde entier ».

 

Nous lui dîmes que notre Église essayait depuis des dizaines d'années de donner ce message au monde, mais que le monde n'avait pas été trop empressé à l'écouter.

 

– Ce que je veux dire, dit-il, c'est : Pourquoi ne publiez-vous pas une petite brochure ou quelque chose de ce genre et en distribuer des millions d'exemplaires dans le monde entier. Depuis la crise de Suez l'année dernière, les Arabes menacent de nouveau de repousser les Juifs d'Israël à la mer ; peut-être que votre Église pourrait faire diffuser son message, que Dieu a voulu le retour des Juifs, suffisamment loin et vite pour faire pencher la balance de l'opinion mondiale en cet instant crucial.

 

Nous le remerciâmes de sa suggestion, quoique sachant que le genre de salut que l'Église rétablie du Christ avait à offrir aux Juifs n'était pas politique mais spirituel.

 

Ces expériences et d'autres encore ont laissé à l'auteur l'impression que le rôle prophétique de Joseph Smith à l'égard du rassemblement des Juifs, dont cet article ne fournit qu'un indice, est un témoin puissant de son inspiration prophétique. Et étant donné que le retour des Juifs fait partie de la préparation prophétisée en vue du second avènement de Jésus-Christ, ce phénomène moderne suggère que l'avènement du Seigneur n'est peut-être pas bien loin. 

 

(L’Étoile, février 1973, p. 61-63)