David Galbraith, Kelly Ogden et Andrew Skinner
1996
Pour les juifs, les chrétiens et les
musulmans, le mont du Temple, ou haram esh-Sharif, a toujours été
vénéré comme un lieu de sainteté. Ce ne sont pas seulement les
magnifiques bâtiments qui ornent le site, ni les murs qui témoignent
d'une si grande antiquité, mais plutôt l'esprit du lieu qui attire les
religieux et les non-religieux et suscite un sentiment de solennité et
de respect. Dans ce lieu, les anciens ont communié avec les cieux, et
un sentiment de révérence enveloppe les visiteurs et ceux qui viennent rendre un culte.
Le Troisième Temple dans la pensée juive
Depuis la destruction romaine en 70 après J.-C., les Juifs ont prié
pour le jour où ils pourraient revenir et reconstruire Jérusalem et le
temple. Ce rêve de près de deux millénaires s'est partiellement réalisé
avec la restauration du site du saint temple sous la juridiction d'un
État juif souverain à la suite de la guerre des Six Jours en 1967. Une
fois de plus, la question s'est posée : quand le Troisième Temple
sera-t-il construit ?
Outre ses ramifications juridiques et politiques, la question d’un
Troisième Temple doit être examinée à la lumière des traditions juives
ainsi que de la Halakhah, ou loi religieuse. Avant tout, le mont
du Temple à Jérusalem est le site le plus sacré de la communauté juive.
Même si le Mur occidental, appelé aussi mur des Lamentations, a
longtemps été considéré comme peut-être le site le plus sacré au monde
pour le peuple juif, il n'était sacré qu'en raison de sa proximité avec
un site encore plus sacré – mais inaccessible – le mont du Temple
lui-même.
Le fait que le site du temple à Jérusalem ait été choisi par Dieu en
fait un lieu sacré. De nombreux sages juifs ont enseigné qu'une fois
que Salomon a construit son temple sur le mont Moriah à Jérusalem,
celui-ci est devenu le site permanent et le seul acceptable pour le
futur temple.
À son époque, le temple était le centre de toute activité spirituelle.
Deux fois par jour, les cohanim (prêtres) apportaient des sacrifices à
offrir sur l'autel du temple. Trois fois par an – lors des fêtes de
Pâque, de Pentecôte et des Tabernacles – il était demandé aux Juifs de
faire un pèlerinage au temple pour se régénérer spirituellement. Le
Sanhédrin siégeait en permanence à la cour du temple, interprétant la
loi pour tous les Israélites. Depuis l’enceinte du temple, de nombreux
prophètes bibliques et même le Sauveur du monde enseignaient au peuple,
leur parlant des bénédictions qui attendaient les obéissants et de la
destruction qui serait le sort des méchants s’ils ne se repentaient
pas. En effet, à certains moments, des dizaines de milliers de
personnes convergeaient vers le mont du Temple pour y prier. Tout cela
prit fin avec la destruction du Second Temple et la dispersion
ultérieure de la maison de Juda.
Néanmoins, les Juifs de la
diaspora n’ont jamais abandonné l’espoir d’un éventuel retour d’exil
pour participer à la reconstruction de Jérusalem et du temple. Cet
espoir est visible dans de nombreux aspects de la vie juive. À ce jour,
certaines prières des Juifs pratiquants sont formulées comme une
reconstitution spirituelle des sacrifices du temple. La formulation de
nombreuses prières établies reflète le désir de restaurer
le temple.
D'autres manifestations de ce désir d'avoir un temple sont visibles au mur des Lamentations, où de nombreux Juifs se rassemblent
pour pleurer et déplorer la destruction de leur temple et prier pour sa
reconstruction imminente. Les Juifs du monde entier prient face à
Jérusalem et au temple. Les parties de chaque synagogue sont désignées
par les noms des parties correspondantes du temple. Même certains
meubles d'une synagogue ressemblent à ceux utilisés dans le temple,
comme : l'arche sainte ou le réceptacle du rouleau de la Torah, le
paroket ou couverture décorative qui pend au-dessus de l'arche, le
ner tamid, ou lampe éternelle placée près de l'arche, et la
menorah, une réplique du chandelier à sept bras du temple.
Même de petites coutumes rappellent la destruction du temple, par
exemple laisser un petit coin de la maison non peint ou le fait qu'un
marié brise un verre lors d'un mariage en signe de deuil pour la perte
du temple.
Quatre jours de commémoration du temple sont célébrés chaque année, le
plus important étant Tisha beav. Ce jour-là, des milliers de Juifs
convergent vers le Mur occidental pour pleurer la destruction du temple
et les ravages de l'exil. C'est un jour de jeûne au cours duquel les
grandes foules vêtues de leur habits de sabbat s'approchent au plus près du mur. Les
plus pratiquants portent des chaussures en caoutchouc, en plastique ou
en bois au lieu de cuir, en signe de deuil. Les dévots se tiennent près
du mur, pleurant ou priant silencieusement, insérant, dans les
crevasses des blocs de pierre de l'époque d'Hérode qui forment le mur, de petits morceaux
de papier plié avec des prières adressées à leur Créateur.
Chacune de ces occasions illustre l'attachement du peuple juif pour le temple.
Dans ce contexte, on peut imaginer l’émotion, voire l’euphorie, qui
s’est emparée de nombreux Juifs, en 1967, lorsqu'ils apprirent que le mont du
Temple était à nouveau entre les mains des Juifs. La liesse fut
cependant bientôt atténuée par l'annonce du grand rabbinat selon
laquelle le mont était interdit. Cette action a été prise par
vénération extrême pour le site et par crainte que l'on puisse marcher
par inadvertance sur le site même du Saint des saints. Jusqu'à ce que
le grand rabbinat reconsidère sa décision, il y a peu
d'espoir parmi les Juifs pour la reconstruction du temple et la reprise des sacrifices d'animaux.
Écoles de pensée concernant un futur temple
Au fil des siècles, les Juifs ont beaucoup réfléchi à la question du
temple. Bien qu’il existe de nombreuses opinions et enseignements sur
le sujet, six écoles de pensée représentent les concepts les plus
connus.
La première école de pensée, issue d'une notion populaire parmi les
juifs religieux et les adeptes du sage juif Rachi, soutient que Dieu
enverra du ciel un « temple du feu » parfait. Ce concept est né de la
croyance selon laquelle les Premier et Second Temples ont été détruits
parce qu'ils étaient construits par l'homme et donc non éternels. Cette
école soutient que le Troisième Temple sera construit par Dieu lui-même
et durera pour toujours.
Une deuxième approche soutient que le Messie construira miraculeusement
le temple à sa venue. La question du Troisième Temple est hors des
mains des mortels, et l’humanité ne peut rien pour hâter ou
retarder l’initiative divine. Selon la Halakhah, le temple sera
construit lorsque le Messie sera venu. Il est donc inconcevable que
l’humanité fasse des plans pour la reconstruction du Temple.
Une troisième école de pensée se tourne également vers un messie pour
construire le temple, mais dans ce cas, il ne s'agira pas d'un
événement miraculeux. Maïmonide, le grand rabbin juif du XIIe siècle, a décrit le Messie comme un homme qui
fera ses preuves par sa compétence dans la Loi et son dévouement à son
égard. Maïmonide n'a rien vu de miraculeux dans la construction du
temple mais a souligné le caractère inévitable de sa construction par
le Messie à un moment où les « dispersés d'Israël » sont rassemblés
chez eux.
La quatrième école de pensée
soutient qu’un prophète de Dieu construira le temple. Ses partisans
soutiennent que la loi juive ne permet pas la reconstruction du temple
ou la reprise des sacrifices à moins que des demandes prophétiques
explicites ne soient émises et respectées. Quant à la construction
proprement dite du Troisième Temple tant attendu, des plans d'étage et
des dimensions de construction adéquats pour celui-ci, ses autels et
autres contenus se trouvent dans les Écritures et le Talmud. Mais pour
creuser la première pelletée de terre pour le bâtiment, il faut attendre
l’approbation d’un véritable prophète. L'ancien grand rabbin Kook
était d'avis que les dispositions relatives à la construction du temple
et de l'autel dépendaient de la prophétie et de l'inspiration divine.
La cinquième école de pensée, représentée par une minorité distincte, prône la
reconstruction du temple et la reprise des sacrifices dans un avenir
proche, avant la venue du Messie. Cet enseignement est basé, en partie,
sur le rabbin Acha du Talmud de Jérusalem, qui a prouvé à partir de la
Mishna que le temple sera construit avant le rétablissement du
royaume de David. Les adeptes de cette école croient que l’étude des matériaux halakhiques et historiques révélera
comment réaliser cette entreprise monumentale. Leur appel à reprendre
les sacrifices d'animaux est basé sur la déclaration de la Halakhah selon
laquelle ils peuvent offrir des sacrifices même s'il n'y a pas de
temple. Bien que l’étude du sacrifice soit en cours à la yeshiva
Tarat Hacohanim, par exemple, aucun sacrifice d’animal n’a encore été
pratiqué.
La sixième école de pensée est une curieuse combinaison qui appelle à
la construction d'un temple par les mortels afin que le Tout-Puissant
puisse l'entourer d'un temple céleste de feu. Cette approche semble
être une tentative de concilier les deux divergences d’opinions de
longue date entre les grands sages juifs Rambam et Rachi. Rambam
croyait que le Troisième Temple serait construit par des mains
humaines, tandis que Rachi pensait qu'il serait fait de feu et
descendrait miraculeusement du ciel. Les deux opinions peuvent être
justifiées sur la base de sources talmudiques et midrashiques.
Activités liées à un futur temple
Une yeshiva (école) à Jérusalem appelée Ateret Cohanim se concentre
sur
les études relatives au service et aux rituels du temple pour permettre
à leurs étudiants d'intervenir au moment où un temple sera
érigé. Le doyen de la yeshiva, Matityahu Hacohen, a affirmé qu'ils sont
prêts à commencer la construction du temple dès qu'ils auront le feu
vert du grand rabbinat et du gouvernement israélien.
Son enthousiasme a été tempéré par l'ancien grand rabbin Shlomo Goren,
l'un des plus grands experts du pays sur le temple et sa signification
religieuse pour les Juifs. Goren a averti que l'un des plus grands
Juifs qui aient jamais vécu, le roi David, a perdu le privilège de
construire le Premier Temple simplement parce qu'il n'a pas bénéficié
des conseils appropriés d'un prophète. Selon Goren, le mont du
Temple conserve encore aujourd'hui sa sainteté parce qu'il a été
sanctifié pour l'éternité. Ainsi, selon lui, lorsque le Troisième
Temple sera
construit, il devra se trouver dans la Vieille Ville
de Jérusalem, juste au-delà du Mur occidental et nulle part ailleurs.
Non seulement les yeshivot mais aussi des individus se préparent pour
le temple. L'un d'entre eux est Menahem Bar-Shalom. Il vend un pamphlet de vingt-huit pages écrit en hébreu qui décrit
dans les moindres détails les sacrements du temple accomplis par le
grand prêtre. Un autre est David Elbaum, qui, depuis
quelques années, tisse à ses frais le lin pur qui sera nécessaire pour
habiller les prêtres du temple une fois celui-ci construit. Selon les
Écritures, les vêtements du temple peuvent être confectionnés
uniquement à partir de lin filé à la main en fils à six brins. Le petit
atelier d'Elbaum est l'un de ceux des nombreux artisans religieux de Jérusalem
qui fabriquent des objets pour le temple en suivant strictement les
instructions qu'ils ont interprétées à partir des Écritures et de
sources traditionnelles telles que la Mishna et le Talmud.
Les chercheurs sont également actifs. Des groupes juifs ont retracé les lignées familiales pour
identifier les prêtres susceptibles d'officier dans le temple, et le
rabbin Shlomo Goren pense avoir localisé l'emplacement exact du Saint
des saints. C’est important pour de nombreux Juifs car cela leur
permettrait de visiter le mont du Temple sans profaner le temple en
marchant par inadvertance sur l'emplacement du Saint
des saints.
Une organisation appelée Temple Institute a reconstitué trente-huit
instruments rituels nécessaires au service du temple. L'Institut espère
terminer les soixante-cinq articles restants dès que les fonds seront
disponibles. De petits magasins, comme Beged Ivri, créent des
vêtements. Les harpes Harrari fabriquent des instruments de musique.
Le porte-parole de l'Institut, Zev Golan, a déclaré : « Si nous ne
préparons pas et ne montrons pas à Dieu que nous voulons un temple,
alors Dieu ne nous le donnera pas » (Jerusalem Post, 5 novembre 1989, p. 19). L'Institut utilise un
ordinateur pour élaborer les plans de reconstruction du temple.
L’objectif de ceux qui se préparent physiquement pour un futur temple
est d’être prêts le moment venu. Sans exception, ceux qui sont
préoccupés par l’étude ou la préparation du temple admettent qu’ils ne
savent pas quand il aura lieu, mais ils partagent tous un objectif
commun : être prêts le moment venu.
Décisions juridiques et politiques liées au mont du Temple
Depuis la guerre des Six Jours en 1967, lorsque les Israéliens ont
étendu leur souveraineté à Jérusalem-Est et à la Vieille Ville, et
donc sur le mont du Temple, est apparu une impulsion messianique, incitant les divers mouvements juifs et
chrétiens à construire un Troisième Temple. Ce mouvement prend de l'ampleur. Quel que soit cet élan, il a été
freiné par plusieurs instances : le refus des gouvernements israéliens successifs
d'autoriser les Juifs à prier sur le mont du Temple, une réticence de
la part des tribunaux à intervenir dans ce qu'ils considèrent comme une
décision politique, un Waqf (conseil) musulman déterminé à préserver
le site en tant que lieu saint musulman, et l'édit du grand rabbinat
interdisant aux Juifs d'entrer sur le mont du Temple.
Le 21 mars 1976, la Haute Cour israélienne a confirmé une décision de
1968 réitérée en 1970, dans laquelle une requête demandant aux Juifs
d'être autorisés à prier sur le mont du Temple avait été rejetée. Le
tribunal a décidé à la majorité que l'affaire n'était pas justiciable
parce qu'un ordre du Conseil palestinien qui prévoyait que toute
question relative aux lieux saints serait tranchée par un tribunal était
toujours en vigueur. Les tribunaux ont également distingué entre le
droit d'accès aux lieux saints, qui est garanti par la protection des
lois sur les lieux saints de 1967, et le droit d'y adorer. Ce dernier droit
relève de la compétence du gouvernement et non des tribunaux.
En septembre 1970, un collège de cinq juges de la Haute Cour a statué que, même si les Juifs avaient le droit inhérent de prier sur le mont
du Temple, le gouvernement pouvait refuser de permettre de telles
prières si elles risquaient de perturber l'ordre public. Le caractère
sacré du mont du Temple pour le peuple juif et le droit des Juifs de
prier sur le mont n'ont jamais été contestés par les tribunaux.
Néanmoins, les plus grands juristes du pays se sont penchés sur la
question à quatre reprises depuis 1967. Ils ont été unanimes dans leur
décision selon laquelle le chemin vers la mise en œuvre des droits des
Juifs concernant le mont du Temple est long et semé d'embûches et qu'en
raison des circonstances, la question du droit des Juifs à prier sur
le mont du Temple doit être laissée au pouvoir exécutif de l’État et
non aux tribunaux. Le gouvernement israélien considère que le mont du
Temple est sacré pour les Juifs, mais bien qu’il autorise quiconque à
le visiter, il refuse aux Juifs d’y prier, principalement pour des
raisons politiques.
Le
30 janvier 1976, la juge Ruth Or a
statué que les Juifs avaient le droit de prier sur le mont du Temple.
Elle a fait valoir que le gouvernement israélien n'avait aucune
autorité pour refuser aux Juifs leur droit inhérent de prier sur le
site le plus sacré du judaïsme. La juge a demandé au ministre des
Affaires religieuses de fixer une heure et un lieu pour que les Juifs
puissent prier sur le mont. Cette décision a provoqué une fureur
politique parmi les musulmans, dont certains se sont révoltés et ont
manifesté contre le gouvernement israélien et ses politiques dans les territoires occupés. De nombreux Israéliens ont
également été alarmés par cette décision. Le maire de Jérusalem, Teddy
Kollek, a été très critique envers le gouvernement israélien pour ne
pas avoir réagi rapidement à la décision du tribunal d'instance. Le
maire Kollek a réitéré sa conviction qu'il n'y avait aucun doute sur la
souveraineté juive sur le mont du Temple,
mais ce qu'il fallait, a-t-il dit, « c'était de renforcer cette
souveraineté avec une importante population juive qui savait se
comporter avec tolérance et générosité et non par des actions
irresponsables. » (Jerusalem Post, 19 mars 1976)
Le tribunal du district de Jérusalem a annulé la décision du magistrat
Or. Notant que « les Juifs ont un droit historique et légal
incontestable » de prier sur le mont du Temple, la Cour a déterminé que
ces droits ne pourraient pas être exercés s'ils conduisaient à une
rupture de la paix. « L'ordre public prime sur le droit de prier » (Jerusalem Post, 30 septembre1983, p. 8).
Le 15 septembre 1981, la Haute Cour israélienne a statué que le droit
des Juifs de prier sur le mont du Temple est une question politique et
non juridique, et qu'il incombe au gouvernement de décider.
Admission au mont du Temple
Immédiatement après la guerre des Six Jours et l'interdiction par le
conseil rabbinique à quiconque d'entrer sur le mont du Temple, le
grand rabbin séfarade d'Israël Mordecai Eliahu a déclaré qu'en ce qui
le concernait, il était interdit à toute personne, juive ou non, de
marcher sur le mont du Temple. Son homologue ashkénaze, le grand rabbin Avraham
Shapiro, convient que jusqu'à l'arrivée du Messie, l'ascension de la
sainte Montagne est interdite. Leur position reflète une attitude
datant de Maïmonide. Il soutenait
qu'en raison de l'incertitude quant à l'emplacement du Saint des
saints, dont l'entrée était réservée au grand prêtre à Yom Kippour, les
Juifs devaient rester hors du mont.
L’interdiction a été
fermement défendue au cours des dernières générations par les rabbins
de Jérusalem et constitue de loin l’attitude dominante aujourd’hui,
mais elle a été contestée de temps à autre au fil des siècles,
récemment par l’ancien grand rabbin Shlomo Goren. Il soutient qu'il y a sur le mont du Temple des
endroits en dehors de la zone occupée par le temple et donc ouverts
aux Juifs et à la prière juive. D’autres rabbins ont soutenu que, selon
la Halakhah, personne n’est autorisé à délimiter l’emplacement du
temple sur le mont Moriah ou à encourager les Juifs à se déplacer
n’importe où dans la région jusqu’à l’arrivée du Messie. L'un d'entre
eux dit : « Aucun Juif ne peut pénétrer dans le lieu saint ; la
punition est le karet ou le retranchement d'un Juif de son peuple.
» (Jerusalem Post, 13 octobre 1977)
Pour les Juifs orthodoxes, l’accès au mont du Temple peut attendre,
mais en principe, pour eux, la nation juive est incomplète sans le
temple. Selon le rabbin Shabtai Rappoport, chef de la yeshiva Shvut
Yisrael, « c'est le fondement même de l'existence du peuple juif en
Eretz Yisrael [la terre d'Israël]. C'est l'épine dorsale même de notre
histoire » (Kohn, Speedily in Our Time? p. 13). Chaim Richman, du Temple Institute, a noté que « en termes
de notre mission en tant que peuple, nous ne pouvons en aucun cas
atteindre notre statut spirituel sans le temple. » (Ice and Price, Ready to Rebuild, p. 85)
Investigations archéologiques
Le 28 août 1981, une tempête archéologique frappa Jérusalem
lorsqu'on
découvrit que des ouvriers du ministère des Affaires religieuses
avaient pénétré sous le mont du Temple. Les autorités musulmanes
avaient fortement mis en garde contre toute tentative des archéologues
de creuser dans le mont, et les autorités israéliennes avaient
restreint ces travaux. Que les responsables en aient conscience ou pas,
les travaux se déroulaient dans la clandestinité, de façon secrète.
Sur une période de dix ans, un tunnel avait été creusé pour tenter d'exposer
toute la longueur du mur occidental du mont. À un moment donné, de la
terre et des pierres ont été éloignées du mur pour accéder à une ancienne
porte comblée. À proximité de la porte, on a soudainement remarqué que
de l'eau s'échappait du mur depuis l'intérieur du mont. Le ministre des Affaires religieuses, Aharon Abuhatzeira, a alors donné
l'autorisation de franchir la porte scellée pour résoudre le problème.
Une grande citerne a été découverte de l'autre côté.
Le grand rabbin Goren s'est dépêché d'inspecter le site et a ordonné
que la porte soit à nouveau scellée en raison de la sensibilité de la
zone. Dans une émission de la télévision israélienne du 3 septembre
1981, Goren a déclaré : « La citerne était un tunnel de la période du
Second Temple qui pouvait mener aux trésors du temple, y compris
l'arche sainte ». La tradition veut que l'arche de l'alliance ait été
enterrée dans une chambre sous la cour des Femmes.
L'archéologue israélien Yigael Yadin a protesté auprès du gouvernement
contre les « activités quasi archéologiques du ministère des Affaires
religieuses ». Yadin a souligné les dangers politiques liés aux
enquêtes menées par le ministère sous le mont du Temple. Il s'est
également opposé à ce que des activités archéologiques soient
entreprises par des personnes non qualifiées. Les observations
politiques de Yadin furent bientôt confirmées, puisque Juifs et Arabes
s'affrontèrent à coups de pierres et de poings dans la zone des
fouilles. Le Conseil suprême musulman a appelé à une grève de tous les
magasins et écoles arabes pour protester contre les fouilles menées
sous le haram esh-Sharif. Le waqf musulman a scellé son côté du mur au
niveau de la citerne souterraine pour empêcher l'accès aux Juifs. Seule l'intervention de la police a permis d'éviter des
incidents plus graves.
Tentatives de préparation d'un temple
Depuis 1967, la pression exercée sur les gouvernements successifs
pour créer une présence juive sur le mont du Temple a été incessante,
mais jusqu'à récemment, elle a été relativement infructueuse. En 1981,
lorsque le programme de colonisation du gouvernement israélien commença
à s'accélérer, certains groupes nationalistes juifs commencèrent à
concentrer leur énergie sur le mont du Temple. Selon le Jerusalem
Post, ces dernières années, un lobby soutenu par un large éventail de
membres les plus conservateurs de la Knesset a été mis en place pour
faire pression en faveur de l'accès des Juifs au mont du Temple. Les
partisans du lobby du mont du Temple ont deux obstacles extrêmement
difficiles à surmonter : la ferme décision du gouvernement de ne pas
modifier le statu quo sur le mont du Temple et l'interdiction du
mouvement orthodoxe
d'entrer sur le mont du Temple.
Les autorités laïques ont largement ignoré l’édit religieux interdisant
l’accès au mont du Temple. Le ministre de la Défense Moshe Dayan a
ordonné en 1967 aux forces de sécurité de prendre le contrôle de la
porte Mograbi, une entrée sud-ouest du mont, pour garantir le libre
accès aux visiteurs, juifs et non juifs. La seule restriction était que
ces visites n'aient pas lieu à des heures susceptibles d'interférer
avec les prières musulmanes ou les jours saints. Néanmoins, ces mêmes
autorités ont toujours refusé de permettre aux Juifs de prier sur le
mont, de peur que cela ne provoque les musulmans.
La décision de la Haute Cour israélienne du 11 mai 1983 d'autoriser les
fidèles du mont du Temple à prier à la porte de Mograbi indique que les militants du mont du Temple étaient peut-être
en train d'atteindre certains de leurs objectifs. L'autorisation a
ensuite été accordée aux Juifs de prier à la porte lors des fêtes
juives de Tisha beav et de Yom Kippour.
Certains militants juifs ont démontré leur capacité de prendre le mont du
Temple par la force quand ils en avaient l’occasion. En 1984, une tentative
de faire sauter le Dôme du Rocher a été déjouée à la dernière minute
lorsqu'un garde arabe a découvert des hommes, qui se dirigeaient vers le Dôme, munis de quarante livres d'explosifs, après avoir
escaladé le mur extérieur du mont du Temple avec
grappins. Leur objectif était « de purifier le mont du Temple de toute
possession musulmane afin de réaliser la rédemption d’Israël et
l’établissement du Royaume promis d’Israël. » (Jerusalem Post, 5 juin 1984)
En 1989, des militants des Fidèles du
mont du Temple ont annoncé leur intention de poser une « pierre
angulaire du Troisième Temple » (Jerusalem Post, 11 octobre 1989) de trois tonnes près du Mur occidental.
Cette proposition a été considérée par les musulmans comme un acte
agressif destiné à priver l'Islam de l'un de ses sites les plus sacrés.
Les autorités israéliennes sont intervenues à temps pour empêcher qu’un
grave conflit n’éclate.
La plupart des juifs laïcs sont peu
intéressés par un Troisième Temple. Ils estiment que le judaïsme a
dépassé le besoin d'un tel édifice et, dans de nombreux cas, ils ne
voient pas en quoi il serait différent d'une synagogue. Pour eux, la construction d’un temple sur le
site des temples précédents perturberait le délicat statu quo et
susciterait, ce faisant, la colère d’un milliard de musulmans. Le rabbin Pesach Schindler, professeur à l'Université hébraïque,
a fait remarquer : « Nous respectons le passé, mais cela n'a aucune
signification opérationnelle. Avec la création de l'État d'Israël, nous
avons tous nos centres spirituels en nous. C'est là que les temples
devraient être construits. » (Ostling, Time for a New Temple? p. 65)
Le point de vue musulman
Les musulmans croient qu'une tentative des Juifs de prier sur le
mont
représenterait le début d'une prise de contrôle juive des sanctuaires
sacrés musulmans. Le chef du Conseil suprême musulman de Jérusalem,
Cheikh Sa'ad e-Din el-Alami, aurait déclaré : « Les musulmans ne
permettront jamais à aucun Juif de prier au haram al-Sharif ni
d'établir une synagogue à l'entour. Les musulmans sont prêts à mourir
pour cela. » (Shalev, Rabbis to Press for Prayers on Mount, p. 1)
Les musulmans sont particulièrement agacés par les militants,
qu’ils soient juifs ou chrétiens, qui parlent ouvertement d’un
Troisième Temple. Aux yeux des musulmans, il n'y a pas de place pour un
temple à côté des mosquées, ce qui a incité Adnan Husseini, responsable
du waqf Semor à Jérusalem, à déclarer : « Les mosquées sur le mont du
Temple ont été construites sur ordre de Dieu… Notre souveraineté n'est sujette à aucun compromis. » (Ice and Price, Ready to Rebuild, p. 85)
Le point de vue chrétien
L’intérêt pour un Troisième Temple semble également croître parmi les
chrétiens. Les Fidèles du mont du Temple ont créé une organisation de
collecte de fonds appelée Temple Foundation pour travailler avec les
fondamentalistes chrétiens, principalement en Amérique, qui voient en
Israël l'accomplissement des prophéties. Beaucoup de ces groupes
chrétiens estiment qu’Israël se dirige vers une période critique de son
histoire et veulent aider les Juifs à accomplir la prophétie et à
accélérer la seconde venue du Messie. Ces chrétiens aspirent à voir le
temple reconstruit. Une organisation a été créée pour récolter
leurs fonds. Les
éléments pro-temple au sein du judaïsme et du christianisme, malgré une nette divergence théologique, ont trouvé
un objectif commun et coopèrent volontiers, voire avec enthousiasme.
Les objectifs nationalistes israéliens se mêlent aux
aspirations religieuses juives ainsi qu’au soutien politique,
financier et moral des chrétiens. À cela s’ajoute la réticence des Arabes
musulmans à accepter le moindre changement dans le statu quo en ce qui
concerne le mont du Temple. Tout cela semble démontrer que la question du mont du Temple et d'un éventuel Troisième
Temple sera le cœur et la substance
d'un conflit à venir.
Résumé
Une minorité petite mais identifiable parmi les éléments les
plus religieux de la société juive se prépare
activement à un Troisième Temple à Jérusalem. Il existe également des
mouvements nationalistes et non religieux qui cherchent à redonner au
peuple juif la possession et le contrôle du mont du Temple. Les
objectifs des mouvements nationalistes à l’égard d’un Troisième
Temple sont difficiles à déterminer. Peut-être parce que leurs
objectifs immédiats sont plus politiques que religieux et parce qu’ils
représentent un large échantillon de la société israélienne, ils n’ont
pas encore formulé de position claire sur la question d'un futur temple.
Les mouvements religieux et nationalistes qui s'intéressent à la
question du mont du Temple souhaitent y rétablir une présence juive.
Certains se contentent simplement de revendiquer le droit des Juifs de
prier sur le mont. D'autres font pression pour la construction
d'une synagogue sur le mont, dans un coin non controversé où ils sont
certains de ne pas violer le caractère sacré du site. Aucun groupe
sérieux ne réclame publiquement la construction d'un temple à la place
de l'actuel Dôme du Rocher.
Même s’il existe un intérêt croissant pour un futur
temple à Jérusalem, il serait exagéré de suggérer qu’il s’agit d’un
mouvement politiquement puissant ou pertinent au niveau national. La
plupart des Israéliens ne sont tout simplement pas religieux et n’ont
aucune opinion sur la question. Ce n’est que sous la pression que les laïcs expriment une opinion en faveur d’un futur
temple, mais même ce sentiment réservé repose sur la condition que le
délicat statu quo du mont du Temple reste intact.
(David Galbraith, Kelly Ogden et Andrew Skinner, Jerusalem, the eternal city, 1996, Deseret Book Company, p. 474-487)