Bref
historique des
publications antimormones
William O. Nelson
Article
tiré de l'Encyclopédie
du mormonisme
(Macmillan
Publishing Company, 1992)
Traduction : Marcel
Kahne
Source :
www.idumea.org
avec
autorisation
Introduction
1829-1846 : Premières critiques
1847-1896 : Caricature des mormons et croisade contre la polygamie
1897-1945 : La recherche d'une explication psychologique
1946-1990 : Regain des vieilles théories et allégations
Bibliographie
INTRODUCTION
L’antimormonisme
comprend toute opposition hostile ou polémique au mormonisme
ou aux saints des derniers jours, comme la diffamation du prophète
fondateur, ses successeurs ou les points de doctrine ou les pratiques
de l’Église. Bien que parfois bien intentionnées,
les publications antimormones prennent souvent la forme d’injures,
de mensonges, de caricatures dégradantes, de préjugés
et de harcèlement juridique, donnant lieu à des assauts
verbaux et physiques. Dès ses débuts, l’Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours et ses membres
ont été les cibles de publications antimormones. Mis à
part le fait qu’elle les a rassemblées à des fins
historiques et ce, en réponse aux directives divines, l’Église
a essentiellement ignoré cette littérature, parce que
la plupart des membres y voient de fausses déclarations
irresponsables.
Peu d’autres
groupes religieux aux États-Unis ont été l’objet
de critiques et d’une hostilité aussi constantes et
aussi rabiques. Depuis l’organisation de l’Église
en 1830 jusqu’en 1989, au moins 1.931 livres, romans,
brochures, tracts et feuillets volants antimormons ont été
publiés en anglais. De nombreux autres bulletins, articles et
lettres ont été distribués. Depuis 1960, ces
publications ont augmenté considérablement.
Une raison importante
d’hostilité à l’égard de l’Église
a été sa croyance en la révélation
extrabiblique. Les fondements théologiques de l’Église
reposent sur l’affirmation du prophète Joseph Smith que
Dieu le Père, Jésus-Christ et des anges lui sont
apparus et lui ont commandé de rétablir une
dispensation de l’Évangile.
Le scepticisme auquel le
témoignage de Joseph Smith s’est heurté au début
était compréhensible parce que d’autres avaient
émis des prétentions semblables à la réception
de révélations de Dieu. De plus, Joseph Smith avait
fait paraître le Livre de Mormon, ce qui constituait une preuve
tangible de ses prétentions à la révélation,
et ceci demandait à être vérifié. Son
témoignage que le livre provenait d’un document antique
gravé sur des plaques en métal qu’il avait
traduit par le don et le pouvoir de Dieu était considéré
comme absurde par les incroyants. Les écrits antimormons
hostiles et les autres abus ont découlé en grande
partie de la nécessité de trouver une autre explication
à l’origine du Livre de Mormon. Les premiers détracteurs
se sont tout d’abord ingéniés à
discréditer la famille Smith, en particulier Joseph Smith,
fils, et ont essayé de prouver que le Livre de Mormon était
entièrement du XIXe siècle. Les détracteurs
ultérieurs se sont davantage concentrés sur des points
de doctrine, différents dirigeants et le fonctionnement de
l’Église.
PREMIÈRES
CRITIQUES (1829-1846)
L’affirmation de Joseph Smith que des
messagers célestes lui avaient rendu visite fut accueillie
avec dérision, en particulier par certains ecclésiastiques
locaux. Quand les efforts de le dissuader eurent échoué,
il devint l’objet de railleries. À partir de l’époque
de la Première Vision (1820) jusqu’à la première
visite de l’ange Moroni (1823), Joseph « subit
toutes sortes d’opposition et de persécutions de la part
des différents ordres de religieux » (Lucy Mack
Smith, History of Joseph Smith, p. 74).
La première
tentative sérieuse de discréditer Joseph Smith et le
Livre de Mormon fut celle d’Abner Cole, rédacteur du
Reflector, un journal local de Palmyra. Écrivant sous le
pseudonyme d’Obadiah Dogberry, Cole publia dans son journal des
extraits de deux chapitres piratés de l’édition
de 1830 du Livre de Mormon, mais fut obligé de renoncer parce
qu’il violait la loi du copyright. Cole recourut à la
satire. Il essaya de diffamer Joseph Smith en l’associant à
la recherche de trésors et il prétendit que Joseph
était influencé par un magicien appelé Walters.
Alexander Campbell,
fondateur des Disciples du Christ, écrivit la première
brochure antimormone publiée. Le texte parut d’abord
sous forme d’articles dans son propre journal, le Millennial
Harbinger (1831), et puis dans une brochure intitulée
Delusions [tromperies] (1832). Campbell conclut : « Je
ne doute pas un seul instant que [Joseph Smith] soit l’unique
auteur et propriétaire [du Livre de Mormon]. » Deux
ans plus tard, il revint sur cette conclusion et accepta une nouvelle
théorie de l’origine du Livre de Mormon, à savoir
que Joseph Smith avait d’une certaine façon collaboré
avec Sidney Rigdon pour produire le Livre de Mormon à partir
du manuscrit de Spaulding.
L’ouvrage
antimormon le plus notable de cette période, Mormonism
Unvailed (sic), fut publié par Eber D. Howe en 1834. Howe
collabora avec l’apostat Philastus Hurlbut, excommunié
de l’Église à deux reprises pour immoralité.
Hurlbut fut engagé par un comité d’antimormons
pour trouver des gens qui certifieraient la malhonnêteté
de Smith. Il « rassembla » des déclarations
sous serment de soixante-douze contemporains qui professaient
connaître Joseph Smith et étaient disposés à
parler contre lui. Mormonism Unvailed essaya de discréditer
Joseph Smith et sa famille en assemblant ces déclarations sous
serment et neuf lettres écrites par Ezra Booth, également
apostat qui avait quitté l’Église. Ces documents
prétendent que les Smith étaient des chercheurs de
trésors et des irresponsables. Howe avança la théorie
que Sidney Rigdon s’était procuré un manuscrit
écrit par Solomon Spaulding, le réécrivit dans
le Livre de Mormon et convainquit ensuite Joseph Smith de dire au
public qu’il avait traduit le livre à partir de plaques
reçues d’un ange. Cette théorie servit
d’alternative au récit de Joseph Smith jusqu’à
ce que le manuscrit de Spaulding soit découvert en 1884 et se
révèle n’avoir rien à voir avec le Livre
de Mormon.
Le recueil Hurlbut-Howe
et Delusions de Campbell furent les sources principales de presque
tous les autres écrits antimormons du XIXe siècle et
quelques-uns du XXe siècle, notamment les ouvrages d’Henry
Caswall, John C. Bennett, Pomeroy Tucker, Thomas Gregg, William Linn
et George Arbaugh. La plupart de ces auteurs puisèrent de
manière routinière dans le même groupe de
légendes antimormones (voir H. Nibley, « How to
Write an Anti-Mormon Book » Brigham Young University
Extension Publications, 17 fév. 1962, p. 30).
La manifestation la plus
infâme de l’antimormonisme se produisit lors du conflit
du Missouri, pendant lequel Lilburn W. Boggs, gouverneur de l’État,
lança un ordre d’extermination. « Les
mormons, écrivit-il, doivent être traités comme
des ennemis et être exterminés ou chassés de
l’état, si c’est nécessaire, pour le bien
public » (HC 3:175). Cet ordre fut à l’origine
de l’expulsion des mormons hors du Missouri et de leur
réinstallation en Illinois.
Tandis qu’il était
incarcéré à la prison de Liberty en 1839, Joseph
Smith écrivit aux saints et leur dit de ne pas répondre
par une polémique mais de « réunir les
publications diffamatoires qui sont en circulation, et toutes celles
qui se trouvent dans les magazines et dans les encyclopédies
et toutes les histoires diffamatoires qui sont publiées, qui
sont écrites, et par qui » de manière à
mettre en lumière tous les rapports trompeurs et faux au sujet
de l’Église (D&A 123:4-5, 12-13). Ce procédé
a été appliqué par les saints des derniers jours
au cours des années.
Après
l’installation des saints à Nauvoo (Illinois), leur
principal antagoniste fut Thomas C. Sharp, rédacteur du Warsaw
Signal. Alarmé par le pouvoir civil de l’Église,
il utilisa son journal pour s’y opposer. En 1841, il publia
Mormonism Portrayed, de William Harris.
Six livres antimormons
notables furent édités en 1842. Le premier fut History
of the Saints, or An Exposé of Joe Smith and Mormonism, par
John C. Bennett, qui avait été conseiller de Joseph
Smith dans la Première Présidence et avait aussi été
le premier maire de Nauvoo. Après son excommunication de
l’Église pour immoralité, il se tourna contre les
mormons et publia une série de lettres dans un journal de
Springfield (Missouri). Il accusa Joseph Smith d’être
« l’un des imposteurs les plus vils et les plus
infâmes qui soient jamais apparus sur la face de la terre ».
L’histoire de Bennett empruntait fortement à Mormonism
Portrayed.
Cette même année,
Joshua V. Himes publia Mormon Delusions and Monstrosities, qui
reprenait une grande partie de Delusions d’Alexander Campbell.
Le Révérend John A. Clark publia Gleanings by the Way
et Jonathan B. Turner, Mormonism in All Ages. Ces deux livres se
basaient fortement sur Howe et Mormonism Unvailed de Hurlbut.
Mormonism and the mormons, de Daniel P. Kidder, amplifia la théorie
Spaulding des origines du Livre de Mormon en y incluant Oliver
Cowdery en plus de Joseph Smith et de Sidney Rigdon.
Appelé l’
« Antimormon Extraordinaire », le Révérend
Henry Caswall publia The City of the mormons, or Three Days at
Nauvoo. Il prétendit avoir donné à Joseph Smith
une copie d’un manuscrit grec des psaumes et que Smith
l’identifia comme étant un dictionnaire d’hiéroglyphes
égyptiens. Caswall inventa un dialogue entre lui et Smith pour
dépeindre Joseph Smith comme ignorant, grossier et fourbe. En
1843, Caswall publia « The Prophet of the Nineteenth
Century » à Londres, empruntant la majeure partie
de sa matière à Clark et à Turner.
En 1844 Joseph Smith dut
affronter de graves dissensions au sein de l’Église.
Plusieurs de ses plus proches collaborateurs étaient en
désaccord avec lui concernant la révélation du
mariage plural et d’autres points de doctrine. Parmi les
principaux dissidents il y avait William et Wilson Law, Austin
Cowles, Charles Foster, Francis et Chauncey Higbee, Charles Ivins et
Robert Foster. Ils s’allièrent avec les éléments
antimormons locaux et éditèrent un numéro d’un
journal, le Nauvoo Expositor. Ils y accusaient Joseph Smith d’être
un prophète déchu, coupable de fornication et
malhonnête en matière financière.
Le conseil municipal de
Nauvoo et le maire Joseph Smith déclarèrent le journal
« nuisance » illégale et commandèrent
au marshal de la ville de détruire la presse. Cette
destruction mit en rage les antimormons hostiles autour de Nauvoo. Le
12 juin 1844, le Warsaw Signal, le journal de Thomas Sharp, exigea
l’extermination des saints des derniers jours : « La
guerre et l’extermination sont inévitables !
Citoyens, levez-vous tous ! ! ! Pouvez-vous rester là
et laisser ces démons infernaux ! dépouiller des
hommes de leurs biens et de leurs droits sans les venger… Que
[votre commentaire] se fasse avec la poudre et les balles ! ! ! »
Quinze jours plus tard, Joseph Smith et son frère Hyrum
étaient assassinés à la prison de Carthage
tandis qu’ils attendaient d’être jugés sur
accusation de trahison.
Sharp justifia la tuerie
sous prétexte que « les citoyens les plus
respectables » l’avaient réclamée. Lui
et quatre autres furent par la suite jugés pour les meurtres,
mais furent acquittés faute de preuves.
Beaucoup pensaient que
l’Église périrait avec ses fondateurs. Quand les
membres s’unirent sous la direction des douze apôtres,
les attaques antimormones reprirent de plus belle. Sharp réclama
de nouveau l’expulsion des mormons de l’Illinois. En
septembre 1845, plus de 200 maisons de membres de l’Église
avaient été brûlées dans les régions
environnant Nauvoo. En février 1846, les saints traversèrent
le Mississippi et commencèrent l’exode vers l’Ouest.
Il est possible que le
mobile de certains antimormons, particulièrement des apostats,
ait été la vengeance. Philastus Hurlbut, Simonds Ryder,
Ezra Booth et John C. Bennett voulaient se venger parce que l’Église
les avait disciplinés. Alexander Campbell était furieux
parce qu’il avait perdu beaucoup de ses disciples campbellites
quand ils s’étaient joints aux saints des derniers
jours. Mark Aldrich avait investi dans un développement
immobilier qui fit faillite parce que les immigrés mormons ne
l’avaient pas soutenu et Thomas Sharp avait perdu beaucoup de
ses perspectives dans les affaires.
CARICATURE DES MORMONS ET CROISADE CONTRE LA POLYGAMIE
(1847-1896)
L’installation dans l’Ouest permit un isolement
bienvenu pour l’Église, mais la révélation publique de la pratique de la
polygamie en 1852 suscita un nouveau barrage de moqueries et un affrontement
avec le gouvernement fédéral.
Les années de 1850
à 1890 furent turbulentes pour l’Église parce que
les réformateurs, les ecclésiastiques et la presse
attaquèrent ouvertement la pratique de la polygamie. Les
opposants fondèrent des sociétés antipolygames
et le Congrès publia une législation antipolygame. Les
mormons furent caricaturés comme étant des gens qui
défiaient la loi et étaient immoraux. Le but clair de
la croisade juridique et politique contre les mormons était de
détruire l’Église. Seul le manifeste de 1890, une
déclaration de Wilford Woodruff, président de l’Église,
qui abolissait officiellement la polygamie, apaisa le gouvernement,
permettant la restitution à l’Église de ses biens
confisqués. Les écrits, conférences et dessins
satiriques antimormons volumineux de l’époque
caricaturèrent l’Église comme une théocratie
qui défiait les lois de la société
conventionnelle ; beaucoup décrivaient ses membres comme
bercés d’illusions et fanatiques ; et ils
prétendaient que la polygamie, les rituels secrets et
l’expiation par le sang constituaient les fondements
théologiques de l’Église. Les motifs principaux
étaient de discréditer les croyances des saints, de
réformer moralement ce qui était perçu comme un
mal ou d’exploiter la polémique à des fins
financières et politiques. La tactique diffamatoire utilisée
consistait en attaques verbales contre les dirigeants de l’Église,
en caricatures dans les périodiques, les magazines et les
conférences, en inventions dans les romans et en mensonges
purs et simples.
L’ouvrage
antimormon le plus influent au cours de cette période fut
probablement Origin, Rise, and Progress of Mormonism, de Pomeroy
Tucker (1867). Imprimeur employé par E.B. Grandin, éditeur
du Wayne Sentinel et imprimeur de la première édition
du Livre de Mormon, Tucker affirma avoir été en
relations étroites avec Joseph Smith. Il soutint l’accusation
de Hurlbut-Howe que les Smith étaient malhonnêtes et
prétendit qu’ils volaient leurs voisins. Il
reconnaissait cependant que ses insinuations n’étaient
pas « confirmées par une enquête
judiciaire ».
The Golden Bible or the
Book of Mormon : Is It from God ? (1887) du Révérend
M. T. Lamb se moquait du Livre de Mormon qu’il qualifiait de
« verbeux, maladroit, stupide… improbable…
impossible… [et] une conjecture idiote. » Pour lui
le livre était inutile et de loin inférieur à la
Bible et il disait de ceux qui croyaient au Livre de Mormon qu’ils
étaient mal informés.
Sur les cinquante-six
romans antimormons publiés au cours du XIXe siècle,
quatre devinrent le modèle de tous les autres. Ces quatre
romans étaient des romans à sensation érotiques
se focalisant sur le soi-disant triste sort des femmes dans l’Église.
Boadicea, the Mormon Wife, d’Alfreda Eva Bell (1855), faisait
des membres de l’Église « des meurtriers, des
faussaires, des escrocs, des joueurs, des voleurs et des
adultères ! » Dans Mormonism Unveiled,
d’Orvilla S. Belisle (1855), l’héroïne était
prise au piège dans un harem mormon sans espoir d’en
sortir. Mormon Wives, de Metta Victoria Fuller Victor (1856) fait des
mormons des gens affreux et aveuglés. Maria Ward (un
pseudonyme) dépeint les tortures infligées par les
mormons aux femmes dans Female Life Among the mormons (1855). Les
auteurs écrivaient des passages choquants dans le but de
vendre les publications. Des membres excommuniés essayèrent
de profiter de leur ancienne appartenance à l’Église
pour vendre leurs histoires. Tell It All, de Fanny Stenhouse (1874),
Wife No. 19 d’Ann Eliza Young (1876) étaient des
histoires à sensation sur le thème de la polygamie.
William Hickman vendit son histoire à John H. Beadle, qui
exagéra le mythe danite dans Brigham’s Destroying Angel
(1872) pour présenter les mormons comme des gens violents.
Les dirigeants de
l’Église ne répondirent à ces attaques et
à cette publicité défavorable que par des
sermons et des exhortations. Ils défendirent la doctrine
fondamentale de l’Église qu’étaient la
révélation et l’autorité venant de Dieu.
Pendant la période des poursuites fédérales, la
Première Présidence condamna les actes contre l’Église
de la part du Congrès des États-Unis et de la Cour
Suprême comme violations de la Constitution des États-Unis.
LA RECHERCHE D’UNE
EXPLICATION PSYCHOLOGIQUE (1897-1945)
Après que l’Église
eut officiellement mis fin à la polygamie en 1890, l’image
publique du mormonisme s’améliora et devint modérément
favorable. Cependant, en 1898, l’Utah élut au Congrès
des États-Unis B.H. Roberts, qui avait contracté des
mariages pluraux avant le Manifeste. Son élection ranima les
accusations de polygamie et de nouvelles dénonciations par les
reporters à scandale des magazines et le Congrès refusa
de le valider. Pendant le débat au Congrès, l’Order
of Presbytery d’Utah publia une brochure, Ten Reasons Why
Christians Cannot Fellowship the Mormon Church [Dix raisons pour
lesquelles les chrétiens ne peuvent pas recevoir l’Église
mormone dans leur communion], s’opposant principalement à
la doctrine de la révélation moderne.
L’élection
de Reed Smoot au Sénat des États-Unis (le 20 janvier
1903) causa une polémique de plus. Bien que n’ayant pas
été polygame, Smoot était membre du Collège
des douze apôtres. Dix mois après qu’il eut été
assermenté en tant que sénateur, son cas fut passé
en revue par le Senate Committee on Privileges and Elections. Les
auditions pour l’affaire Smoot durèrent de janvier 1904
à février 1907. Finalement, en 1907, le sénat
vota de lui permettre de prendre son siège. La Première
Présidence publia alors An Address to the World (une
déclaration au monde), expliquant la doctrine de l’Église
et répondant aux accusations. La Salt Lake Ministerial
Association (l’association des pasteurs de Salt Lake City)
réfuta, le 4 juin 1907, cette déclaration dans le Salt
Lake Tribune.
Pendant 1910 et 1911, les
magazines Pearson's, Collier's, Cosmopolitan, McClure's et
Everybody's publièrent des articles antimormons rabiques.
McClure accusa les mormons de toujours pratiquer la polygamie.
Cosmopolitan compara le mormonisme à une vipère
essayant de saisir, avec des tentacules, la richesse et le pouvoir.
Les rédacteurs qualifièrent l’Église d’
« institution méprisable » dont
« l’emprise gluante » avait servi le
pouvoir politique et économique dans une douzaine d’États
de l’Ouest. Les historiens de l’Église appellent
ces articles « la croisade des magazines ».
L’arrivée du
cinéma donna lieu à une répétition du
stéréotype antimormon. De 1905 à 1936, on sortit
au moins vingt et un films antimormons. Les plus sordides furent A
Mormon Maid (1917) et Trapped by the mormons (1922). Les films
montraient des dirigeants polygames cherchant des converties pour
satisfaire leurs convoitises et les mormons assassinant des voyageurs
innocents dans des rites secrets. Certains des écrits
antimormons les plus virulents de l’époque venaient de
Grande-Bretagne. Winifred Graham (Mme Theodore Cory), romancière
antimormone professionnelle, accusa les missionnaires mormons de
profiter de la Première Guerre mondiale pour faire du
prosélytisme auprès des femmes dont les maris étaient
partis faire la guerre. Le film Trapped by the mormons était
basé sur l’un de ses romans.
Quand la théorie
Spaulding sur l’origine du Livre de Mormon fut discréditée,
les partisans antimormons se tournèrent vers la psychologie
pour expliquer les visions et les révélations de Joseph
Smith. Walter F. Prince et Theodore Schroeder proposèrent des
explications aux noms du Livre de Mormon en ayant recours à
des associations psychologiques ingénieuses mais ténues.
I. Woodbridge Riley prétendit dans The Founder of Mormonism
(New York, 1903) que « Joseph Smith, fils, était
épileptique ». Il fut le premier à suggérer
que View of the Hebrews, d’Ethan Smith (1823) et The Wonders of
Nature and Providence, Displayed, de Josiah Priest (1825) étaient
les sources du Livre de Mormon.
Lorsque l’Église
commémora son centenaire en 1930, l’historien américain
Bernard De Voto affirma dans l’American Mercury : « Il
est incontestable que Joseph Smith était paranoïaque. »
Il reconnut plus tard que l’article du Mercury était
« une attaque malhonnête » (IE 49, mars
1946, p. 154).
Harry M. Beardsley, dans
Joseph Smith and His Mormon Empire (1931), avança la théorie
que les visions de Joseph Smith, ses révélations et le
Livre de Mormon étaient des sous-produits de son subconscient.
Vardis Fisher, un romancier populaire ayant des racines mormones en
Idaho, publia Children of God : An American Epic (1939).
L’ouvrage a une certaine sympathie pour l’héritage
mormon, tout en proposant une origine naturaliste à la
pratique mormone de la polygamie et décrit Joseph Smith en
termes d’ « impulsions névrotiques ».
En 1945, Fawn Brodie
publia No Man Knows My History, une histoire psychobiographique de
Joseph Smith. Elle le décrivit comme un « faiseur
de mythes prodigieux » qui avait puisé ses idées
théologiques dans son environnement de New York. Le livre
rejetait la théorie de Rigdon-Spaulding, en revenait à
la thèse d’Alexander Campbell que seul Joseph Smith
était l’auteur du livre et postulait que View of the
Hebrews (suivant Riley, 1903) avait fourni la matière de base
comme source du Livre de Mormon. Les interprétations de Brodie
ont été suivies par plusieurs autres auteurs.
Les savants de l’Église
ont critiqué pour plusieurs raisons les méthodes de
Brodie. Tout d’abord, elle ignore des documents manuscrits
précieux qui lui étaient accessibles dans les archives
de l’Église. En second lieu, ses sources étaient
principalement des documents antimormons tendancieux rassemblés
surtout à la bibliothèque publique de New York, à
la bibliothèque de Yale et à la bibliothèque
historique de Chicago. Troisièmement, elle commençait
par une conclusion prédéterminée qui façonna
son ouvrage : « J’étais convaincue,
écrit-elle, avant même de commencer à écrire
que Joseph Smith n’était pas un vrai prophète »
et se sentit obligée de fournir une autre explication à
ses œuvres (cité dans Newell G. Bringhurst, « Applause,
Attack, and Ambivalence-Varied Responses to Fawn M. Brodie's No Man
Knows My History » Utah Historical Quarterly 57, hiver
1989, p. 47-48). Quatrièmement, en utilisant une approche
psychobiographique, elle imputait des pensées et des motifs à
Joseph Smith. Même Vardis Fisher critiqua son livre en écrivant
que c’était « presque plus un roman qu’une
biographie parce qu’elle hésite rarement à dire
ce qui se passe dans l’esprit d’une personne ou à
expliquer des motifs que l’on ne peut tout au plus que
conjecturer » (p. 57).
REGAIN DES VIEILLES
THÉORIES ET ALLÉGATIONS (1946-1990)
Les auteurs antimormons ont surtout été prolifiques pendant
l’après-Brodie. En dépit d’une presse
généralement favorable envers l’Église
pendant beaucoup de ces années, de tous les livres, romans,
brochures, tracts et feuillets publiés en anglais avant 1990,
plus de la moitié l’ont été entre 1960 et
1990 et le tiers d’entre eux entre 1970 et 1990.
Des réseaux
d’organisations antimormones fonctionnent aux États-Unis.
L’annuaire 1987 des organismes de recherche sur les cultes
contient plus de cent listes antimormones. Ces réseaux
distribuent de la littérature antimormone, font des
conférences qui attaquent publiquement l’Église
et font du prosélytisme auprès des mormons. La Pacific
Publishing House en Californie donne une liste de plus de cent
publications antimormones.
Un large éventail
d’auteurs antimormons a produit la littérature
d’invectives de cette période. Les évangeliques
et certains mormons apostats affirment que les saints des derniers
jours ne sont pas chrétiens. La base principale de ce jugement
est le fait que la croyance mormone en la Divinité chrétienne
est différente de la doctrine chrétienne traditionnelle
de la Trinité. Ils prétendent que les saints des
derniers jours adorent « un autre Jésus »
et que leurs Écritures sont contraires à la Bible. Une
autre tactique courante est d’essayer de montrer qu’il y
a des contradictions entre les déclarations des dirigeants de
l’Église du passé et celles des dirigeants
actuels sur des points tels qu’Adam-Dieu, l’expiation par
le sang et le mariage plural.
Un exemple actuel de
moquerie et de déformation des croyances des saints des
derniers jours vient d’Edward Decker, mormon excommunié
et cofondateur d’Ex-mormons for Jesus, maintenant connus sous
le nom de Saints Alive in Jesus (saints vivants en Jésus).
Prétendant aimer les saints, Decker s’est attaqué
à leurs croyances. Les saints des derniers jours considèrent
son film et son livre, tous deux intitulés The Godmakers,
comme une distorsion grossière de leurs croyances,
particulièrement des ordonnances du temple. Un directeur
régional de la ligue anti-diffamation de B’nai B’rith
et le conseil régional de l’Arizona de la conférence
nationale des chrétiens et des Juifs sont parmi ceux qui ont
condamné le film.
Bien que les critiques,
les distorsions et les mensonges antimormons soient blessants pour
les membres de l’Église, la Première Présidence
leur a conseillé de ne pas réagir et de ne pas engager
de débats avec ceux qui les commanditent et les a invités
à donner leurs réponses « sous forme
d’explications positives des points de doctrine et des
pratiques de l’Église » (Church News, 18 déc.
1983, p. 2).
Jerald et Sandra Tanner
sont deux chercheurs antimormons prolifiques. Ils ont commencé
à écrire début 1959 et proposent maintenant plus
de 200 publications. Leur approche principale est de démontrer
des contradictions, dont beaucoup sont considérées par
les saints des derniers jours comme artificielles ou insignifiantes,
entre les enseignements actuels et passés de l’Église.
Ils agissent et éditent sous le nom de Utah Lighthouse
Ministry, Inc. Leur ouvrage le plus notable, Mormonism – Shadow
or Reality ? (1964, révisé 1972, 1987), contient
l’essentiel de leurs affirmations contre l’Église.
Pendant les années
1950, 1960 et le début des années 1970, l’Église
a eu une image publique généralement favorable et cela
s’est reflété dans les médias
d’information. Cette image est devenue plus négative
dans les années 1970 qui ont suivi et le début des
années 1980. L’opposition de l’Église à
l’amendement sur l’égalité des droits et
l’excommunication de Sonia Johnson pour apostasie, la position
de l’Église en ce qui concerne la prêtrise et les
noirs (changée en 1978), une déclaration de la Première
Présidence s’opposant au missile MX, l’épisode
de John Singer avec l’attentat à la bombe contre un
bâtiment de l’Église, les tensions entre certains
historiens et les dirigeants de l’Église, la lettre à
la « Salamandre » (un faux) et les autres faux
et meurtres de Mark Hofmann ont apporté de l’eau au
moulin de la presse et de la télévision pour leurs
commentaires négatifs. L’influence politique de l’Église
et ses avoirs financiers ont également fait l’objet
d’articles ayant une forte orientation négative.
Un livre antimormon
largement diffusé, The Mormon Murders, par Steven Naifeh et
Gregory White Smith (1988), utilise plusieurs stratégies
rappelant l’antisémitisme d’autrefois. Les auteurs
utilisent les contrefaçons et les meurtres de Hofmann comme
tremplin et suivent les thèmes et les méthodes
antimormons traditionnels que l’on trouve dans les ouvrages
plus anciens. Ils expliquent le mormonisme en termes de richesse, de
pouvoir, de tromperie et de crainte du passé.
Les dirigeants de
l’Église ont constamment fait appel à
l’impartialité des lecteurs et les ont invités à
examiner eux-mêmes le Livre de Mormon et les autres Écritures
et documents modernes plutôt que de porter un jugement tout
fait sur l’Église sur la base de publications
antimormones. En 1972, l’Église a créé le
Département de la Communication, avec siège à
Salt Lake City, pour diffuser des informations publiques sur
l’Église.
BIBLIOGRAPHIE
Il
n’existe pas d’histoire définitive des activités antimormones.
Voici un échantillon de sources de l’Église sur
l’antimormonisme :
Allen,
James B., et Leonard J. Arrington. "Mormon Origins in New York :
An Introductory Analysis." BYU Studies 9 (1969) :241-74.
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