Doctrine et Alliances


Contexte de la section 89



Jed Woodworth



Comme beaucoup d’autres révélations dans l’Église des premiers temps du Rétablissement, la section 89, appelée aujourd’hui la Parole de sagesse, est venue en réponse à un problème. À Kirtland, beaucoup des hommes de l’Église ont été chargés de prêcher dans différentes parties des États-Unis. Ils devaient appeler les gens au repentir et rassembler les élus du Seigneur. Pour préparer ces convertis récents à leurs travaux importants, Joseph Smith a ouvert une école de formation appelée l’École des prophètes, à Kirtland au second étage du magasin de Newel K. Whitney en janvier 1833. [1]

Chaque matin après le petit déjeuner, les hommes se réunissaient à l’école pour écouter les enseignements de Joseph Smith. La pièce était très petite et plus de vingt-cinq anciens l'occupaient [2]. Brigham Young a raconté que la première chose qu’ils faisaient, après s’être assis, était d'« allumer une pipe et de commencer à parler des grandes choses du royaume et de souffler leur fumée ». Les nuages de fumée étaient tellement épais que les hommes pouvaient à peine voir Joseph à travers. Une fois les pipes éteintes, ils "se mettaient [dans la bouche] une dose [de tabac à chiquer] d’un côté et peut-être des deux côtés et tout finissait sur le sol » [3]. Dans ce cadre sale, Joseph Smith a essayé d’enseigner aux hommes comment eux-mêmes et leurs convertis pouvaient devenir saints, « sans tache » et dignes de la présence de Dieu. [4]

Tabac

Cet épisode dans le magasin des Whitney s’est produit au milieu d’une transformation considérable dans la culture occidentale. En 1750, la propreté et l'hygiène personnelles étaient des pratiques rares et aléatoires, dont se souciaient surtout les riches et les aristocrates. En 1900, les bains réguliers étaient devenus l'habitude pour une grande partie de la population, en particulier la classe moyenne, qui avait fait des mœurs bourgeoises son idéal [5]. Cracher du tabac avait cessé d’être une pratique acceptable en public parmi la plupart des classes de la population pour être considérée comme une habitude grossière en-dessous de la dignité de la société polie. Au milieu de ce changement culturel, au moment même où les gens ordinaires commençaient à se préoccuper de leur propreté et de leur santé physique, la Parole de sagesse est arrivée pour éclairer le chemin.

La scène à l’École des prophètes aurait suffi à donner à n’importe quel non-consommateur de tabac, comme l'était Joseph Smith, un sujet de préoccupation [6]. Emma, la femme de Joseph, lui a dit que le cadre dans lequel il évoluait la préoccupait. Emma et lui vivaient dans le magasin des Whitney, et la tâche de frotter les crachats dans le bois retombait sur ses épaules fatiguées. Peut-être s'est-elle plainte qu'on lui demande d’accomplir cette tâche ingrate, mais il y avait aussi un enjeu plus pratique : « Elle ne pouvait pas donner au sol un aspect décent », a raconté Brigham Young [7]. Les taches étaient impossibles à enlever. La situation paraissait loin d'être idéale pour des personnes appelées de Dieu, comme l'étaient ces anciens, particulièrement quand on se souvient que cette pièce au sol crasseux était la « salle de traduction » de Joseph, l’endroit même où il recevait des révélations au nom de Dieu. Joseph commença à interroger le Seigneur pour savoir ce qui pouvait être fait et le 27 février, un mois à peine après l'inauguration de l'École, il reçut la révélation intégrée plus tard au canon des Écritures comme Doctrine et Alliances 89. La réponse était sans équivoque. « Le tabac n’est ni pour le corps, ni pour le ventre, et n’est pas bon pour l’homme. » (voir D&A 89:8) [8]

Boissons fortes

Le tabac était l'une des nombreuses substances ayant trait à la santé et à la propreté physique dont les mérites faisaient l’objet d'âpres débats des deux côtés de l’océan Atlantique à l'époque où la Parole de sagesse a été reçue. Les discussions étaient très fréquentes parce que les mauvais usages étaient très répandus. En 1832, Frances Trollope, l’écrivain britannique, a rapporté avec mépris que dans tous ses voyages récents aux États-Unis, elle n'avait jamais rencontré un homme qui ne fût pas ou un « mâcheur de tabac ou un buveur de whisky. » [9]

Pour l’alcool comme pour le tabac à chiquer, le désordre régnait. Pendant des siècles, presque tous les Américains avaient consommé de grandes quantités de boissons alcoolisées, tout comme leurs homologues européens. Les puritains appelaient l’alcool, la « bonne création de Dieu », une bénédiction des cieux à boire avec modération. L’alcool était consommé à presque tous les repas, en partie parce que l’eau non purifiée de l'époque était très malsaine. La bière brassée maison était d'un usage répandu et après 1700, les colons britanniques d’Amérique buvaient du jus de pêche fermenté, du cidre brut et du rhum importé des Antilles ou distillé à partir de mélasse de fabrication locale. En 1770, la consommation par habitant d'alcool distillé, sans parler de la bière ou du cidre, atteignait 14 litres par an. [10]

La guerre d’indépendance n’a fait qu'aggraver cette dépendance à l’alcool. Après la suppression des importations de mélasse, les américains ont cherché à remplacer le rhum par le whisky. Des producteurs de céréales de l’ouest de la Pennsylvanie et du Tennessee ont trouvé plus économique de fabriquer du whisky que d’expédier des céréales périssables pour les vendre. En conséquence, le nombre de distilleries a connu une croissance rapide après 1780, stimulée par la colonisation de la "corn belt" ["ceinture de maïs", expression désignant les vastes régions agricoles du Midwest, ou la culture du maïs était prépondérante, ndt], au Kentucky et en Ohio, et les grandes distances vers les marchés de l'Est. À l’étonnement des observateurs comme Trollope, les américains de partout, hommes, femmes et enfants, buvaient du whisky à longueur de journée. La consommation américaine d'alcool distillé a grimpé en flèche, passant de neuf litres et demi par personne en 1790 à vingt-six litres et demi en 1830, la plus grande quantité de toute l’histoire des États-Unis et un chiffre trois fois plus élevé que le taux actuel. [11]

Cette consommation élevée d’alcool a heurté les sensibilités religieuses. Dès 1784, les Quakers et les Méthodistes conseillaient à leurs membres de s’abstenir de toute boisson alcoolisée forte et d'éviter de participer à sa vente et à sa fabrication [12]. Un mouvement de tempérance plus agressif s'est emparé des Églises dans les premières décennies du dix-neuvième siècle. L’alcool a davantage été perçu comme un tentateur dangereux et moins comme un don de Dieu. En 1812, les Églises congrégationaliste et presbytérienne du Connecticut ont recommandé l'établissement de lois strictes limitant la distribution d’alcool. Lyman Beecher, dirigeant de ce mouvement de réforme, a plaidé en faveur de mesures encore plus extrêmes, prônant l'abstinence totale de boissons alcoolisées. L’idée est vite devenue un élément central de l’American Temperance Society (ATS), organisée à Boston en 1826. Les gens ont été invités à signer une promesse de tempérance, s'engageant non seulement à modérer leur consommation d’alcool, mais à s’abstenir complètement. Un « T » majuscule était écrit en regard des noms de ceux qui le faisaient, et c’est de là qu'est issu le mot « teetotaler » [désignant un « abstinent complet », ndt]. Dès le milieu des années 1830, l’ATS comptait bien plus d'un million de membres, beaucoup d’entre eux étant des abstinents complets. [13]

Encouragées par l’ATS, des sociétés de tempérance locales ont vu le jour par milliers dans toute la campagne américaine. Comme beaucoup de petites villes, Kirtland avait sa propre société de tempérance [14] Précisément parce que la réforme de l’alcool était très souvent discutée et débattue, chacun ayant son opinion, les Saints devaient avoir un moyen de décider qui avait raison. Outre le rejet de l’usage du tabac, la Parole de sagesse s'est aussi prononcée contre les boissons alcoolisées : « Lorsque quelqu’un parmi vous boit du vin ou des boissons fortes, voici, ce n’est pas bien ni convenable aux yeux de votre Père. » (voir D&A 89:5) [15]

Néanmoins, il fallait du temps pour éliminer des pratiques qui étaient si profondément enracinées dans les traditions familiales et la culture, surtout dans la mesure où les boissons fermentées de toutes sortes étaient fréquemment utilisées à des fins médicales. Le terme « boissons fortes » incluait certainement les alcools produits par distillation, comme le whisky, que d'une manière générale les saints des derniers jours ont rejetés à partir de là. Ils ont eu une approche plus modérée en ce qui concernait les boissons alcoolisées plus douces, comme la bière et le « vin pur des raisins de la vigne, fabriqué par vous-mêmes » (voir D&A 89:6). Pendant les deux générations suivantes, les dirigeants saints des derniers jours ont enseigné la Parole de sagesse comme un commandement de Dieu, mais ils ont toléré divers points de vue quant à la rigueur avec laquelle il devait être observé. Cette période d’incubation a donné aux saints le temps d’acquérir leur propre tradition d’abstinence des substances nocives. Au début du vingtième siècle, quand les remèdes scientifiques étaient plus largement disponibles et que le culte au temple était devenu un élément plus régulier du culte des saints des derniers jours, l’Église était prête à accepter une norme plus exigeante d'obéissance, qui permettrait d’éliminer les problèmes tels que l’alcoolisme parmi ceux qui obéissent. En 1921, le Seigneur a inspiré à Heber J. Grant, président de l'Église, de demander à tous les saints de vivre la Parole de sagesse à la lettre, en s'abstenant complètement de tout alcool, du café, du thé et du tabac. Aujourd’hui, les membres de l’Église sont censés vivre selon cette norme plus élevée. [16]

Boissons brûlantes

Dans les années 1830, les réformateurs américains de la tempérance ont remporté un succès non négligeable en trouvant un substitut à l’alcool : le café. Au dix-huitième siècle, le café était considéré comme un produit de luxe, auquel on préférait de loin le thé, de fabrication britannique. Après la guerre d'indépendance, la coutume de boire du thé a été perçue comme antipatriotique et est tombée en grande partie en disgrâce. La voie était ouverte pour l'émergence d'un stimulant rival. En 1830, les réformateurs ont persuadé le Congrès des États-Unis de supprimer la taxe sur l’importation de café. La stratégie a réussi. Le café est tombé à 10 cents la livre, ramenant le prix d'une tasse de café à celui d'une tasse de whisky, ce qui a sonné le déclin du whisky. En 1833, le café était entré « largement dans la consommation quotidienne de presque toutes les familles, riches et pauvres ». Le Baltimore American l'a décrit comme « faisant partie des choses nécessaires de la vie » [17]. Bien que le café ait emporté une large adhésion dès le milieu des années 1830, y compris au sein de la communauté médicale, quelques réformateurs radicaux comme Sylvester Graham et William A. Alcott ont prêché contre l’utilisation de tout stimulant quel qu'il soit, notamment le café et le thé. [18]

La Parole de sagesse rejetait l’idée d'un substitut à l’alcool. « Les boissons brûlantes », que les saints des derniers jours ont compris comme désignant le café et le thé [19], « ne sont ni pour le corps ni pour le ventre », expliquait la révélation (voir D&A 89:9) [20]. Au lieu de cela, elle encourageait la consommation d'aliments de base, de ceux qui avaient été essentiels à la vie depuis des millénaires. La révélation faisait l’éloge de « toutes les herbes salutaires ». « Tout grain est prévu pour l’usage de l’homme et des bêtes, pour être le soutien de la vie [...] de même que le fruit de la vigne ; ce qui donne des fruits, soit dans le sol, soit au-dessus du sol. » Conformément à une révélation antérieure approuvant la consommation de viande, la Parole de sagesse a rappelé aux saints que la chair des bêtes et des oiseaux a été donnée « pour l’usage de l’homme avec actions de grâces », mais elle a ajouté la mise en garde qu'il faut « en user avec économie » et pas à l’excès (voir D&A 89:10-12). [21]

« Je répandrai mon esprit sur toute chair »

Les saints des derniers jours qui découvrent les mouvements panaméricains de réforme de la santé des années 1820 et 1830 sont parfois perplexes lorsqu'ils en entendent parler. Quel lien y a-t-il entre ces mouvements et la Parole de sagesse ? Joseph Smith a-t-il simplement tiré parti d'idées existant déjà dans son environnement en les présentant comme révélation ?

Ces préoccupations sont injustifiées. Nous ne devons pas oublier que beaucoup des premiers saints des derniers jours qui ont pris part aux sociétés de tempérance considéraient la Parole de sagesse comme une recommandation inspirée, « adaptée à la capacité des faibles et des plus faibles de tous les saints, qui sont ou peuvent être appelés saints » [22]. En outre, la révélation n’a aucun analogue exact dans la littérature de son époque. Les réformateurs de la tempérance ont souvent tenté d'effrayer leurs auditeurs en associant la consommation d’alcool avec une foule de maladies horribles ou de maux sociaux [23]. La Parole de sagesse ne proposait aucun raisonnement de ce genre. Boire des boissons fortes, dit simplement la révélation, n'est « pas bien ». Tout aussi laconiques sont les explications données pour les injonctions contre le tabac et les boissons brûlantes [24]. La révélation peut être comprise davantage comme un arbitre que comme un participant dans le débat culturel.

Au lieu d'argumenter en se fondant sur la peur, la Parole de sagesse se fonde sur la confiance. La révélation invite les auditeurs à avoir confiance en un Dieu qui a le pouvoir de donner de grandes récompenses, spirituelles et physiques, en échange de l’obéissance à un commandement divin. Ceux qui observent la Parole de sagesse, dit la révélation, « recevront la santé en leur nombril et de la moelle pour leurs os, et ils trouveront de la sagesse et de grands trésors de connaissance, oui, des trésors cachés » [25]. Ces lignes établissent un lien entre le corps et l'esprit, élevant le soin du corps au rang de principe religieux. [26]

En fin de compte, le fait que la Parole de sagesse et le mouvement de réforme de la santé du dix-neuvième siècle se recoupent ne doit pas surprendre. C’était une époque de « rafraîchissement » (Actes 3:19), un moment de l’histoire où la lumière et la connaissance étaient déversées des cieux. La nuit où Joseph Smith a reçu la visite de l’ange Moroni pour la première fois, à l’automne 1823, l’ange a cité une phrase du livre de Joël et a dit qu'elle était sur le point de s’accomplir : « je répandrai mon esprit sur toute chair », disait le passage (Joël 2:28). Dans la mesure où la réforme de la tempérance a rendu les gens moins dépendants à des substances qui créent une accoutumance, incitant à l'humilité et aux bonnes actions, le mouvement était indéniablement inspiré par Dieu. « Ce qui est de Dieu invite et incite continuellement à faire ce qui est bien », déclare le Livre de Mormon (Moroni 7:13) [27]. Plutôt que de se préoccuper de chevauchement culturel, les saints des derniers jours peuvent songer avec joie à la façon dont l’esprit de Dieu a touché tant de personnes, si largement et avec une telle force.

Peu après avoir reçu la Parole de sagesse, Joseph Smith s'est présenté devant les anciens de l’École des prophètes et leur a lu la révélation. Les frères n’avaient pas besoin qu'on leur dise ce que voulaient dire les mots. Ils « ont immédiatement jeté leur pipe dans le feu », a raconté l'un des membres de l’École [28]. Depuis cette époque, l’origine inspirée de la Parole de sagesse a été rendue manifeste de nombreuses fois dans la vie des saints, sa puissance et la divinité se perpétuant au fil des années. À certains égards, le mouvement panaméricain de réforme de la santé a sombré dans l'oubli. La Parole de sagesse demeure, pour éclairer notre chemin.

NOTES

[1] Milton V. Backman, « School of the Prophets and School of the Elders », dans Joseph: Exploring the Life and Ministry of the Prophet, éd. Susan Easton Black et Andrew C. Skinner (Salt Lake City : Deseret Book, 2005), p. 165-175.

[2] Orson Hyde était l’instructeur principal au cours de cette première période, mais Joseph Smith semble avoir été régulièrement présent. Steven R. Sorensen, « School of the Prophets », Encyclopedia of Mormonism, 4 vols., éd. Daniel H. Ludlow (New York : Macmillan, 1992), vol. 3, p. 1269 ; Lyndon W. Cook, The Revelations of the Prophet Joseph Smith: A Historical and Biographical Commentary of the Doctrine and Covenants (Salt Lake City : Deseret Book, 1985), p. 191.

[3] Brigham Young, discours, 2 décembre 1867 ; 8 février 1868, documents de George D. Watt, sténographie transcrite par LaJean Purcell Carruth, bibliothèque d’histoire de l’Église. Le premier discours n'a pas été publié. Pour voir la version publiée du deuxième discours, voir Brigham Young, dans Journal of Discourses, 26 vols. (Liverpool : F. D. Richards, 1855-1886), vol. 12, p. 157-158.

[4] Révélation, 2 janvier 1831, Joseph Smith Papers. Voir D&A 38:31.

[5] Le processus de « civilisation » durait depuis des siècles mais s'est accéléré à tous les niveaux de la structure sociale au dix-neuvième siècle. Norbert Elias, The History of Manners, traduit par Edmunds Jephcott (New York, 1978) ; Georges Vigarello, Concepts of Cleanliness: Changing Attitudes in France since the Middle Ages, traduit par Jean Birrell (Cambridge et Paris : Cambridge University Press et Éditiions de la Maison des Sciences de l’homme, 1988) ; Richard L. Bushman et Claudia L. Bushman, « The Early History of Cleanliness in America », Journal of American History 74 (mars 1988) : 1213-1238 ; Richard L. Bushman, The Refinement of America: Persons, Houses, Cities (New York : Knopf, 1992) ; Dana C. Elder, « A Rhetoric of Etiquette for the ‘True Man’ of the Gilded Age », Rhetoric Review 21, n° 2 (2002), p. 155, 159.

[6] Sur la non-utilisation de tabac par Joseph Smith, voir Brigham Young, discours, 8 février 1868.

[7] Brigham Young, discours, 8 février 1868, documents de George D. Watt, transcrits par LaJean Purcell Carruth, BHE. La version publiée change la formulation pour refléter la plainte plus que la consternation : « les plaintes de sa femme d'avoir à nettoyer un sol aussi dégoûtant ». Brigham Young, dans Journal of Discourses, vol. 12, p. 158.

[8] Révélation, 27 février 1833, JSP.

[9] Frances Trollope, Domestic Manners of the Americans, 2 vols. (Boston, 1832), vol. 1, p. 101. Dès 1800, le tabac était connu pour guérir une longue liste de maux : douleurs abdominales, morsures de serpent, scorbut, hémorroïdes, « folie » et des dizaines d’autres maux. Mais la propagation du raffinement de la classe moyenne dans les premières décennies du dix-neuvième siècle a apporté une nouvelle série de critiques publiques. Le tabac en est venu à être qualifié d'« herbe sale », et des mots comme « dégoûtant » et « fâcheux » lui ont de plus en plus été associés. Lester Bush, fils, « The Word of Wisdom in Nineteenth-Century Perspective », Dialogue 14 (automne 1981), p. 56 ; « For the Evening Post », New York Evening Post, 27 juin 1829, [2].

[10] W. J. Rorabaugh, The Alcoholic Republic: An American Tradition (New York : Oxford University Press, 1979), p. 25-57 ; W. J. Rorabaugh, « Alcohol in America », OAH Magazine of History 6 (automne 1991), p. 17-19 ; Peter C. Mancall, « The Art of Getting Drunk’ in Colonial Massachusetts » Reviews in American History 24 (septembre 1996), p. 383.

[11] Gordon Wood, Empire of Liberty: A History of the Early Republic, 1789-1815 (New York : Oxford University Press, 2009), p. 339 ; Joseph F. Kett, « Temperance and Intemperance as Historical Problems », Journal of American History 67 (mars 1981), p. 881 ; Rorabaugh, « Alcohol in America », p. 17.

[12] Mark Edward Lender et James Kirby Martin, Drinking in America: A History, éd. rev. et aug. (New York : Free Press, 1987), p. 35.

[13] Ian R. Tyrrell, Sobering Up: From Temperance to Prohibition in Antebellum America, 1800-1860 (Westport, Connecticut : Greenwood Press, 1979) ; James R. Rohrer, « les origines du mouvement de la tempérance : une réinterprétation », Journal of American Studies 24 (août 1990) : 230-31 ; Lyman Beecher, Six Sermons sur la Nature, les Occasions, signes, maux et remède d’intempérance (1825 ; état de New York : Owasco American Society, 1827), 194 ; Daniel Walker Howe, ce que Dieu a accomplies : la Transformation de l’Amérique, 1815-1848 (état de New York : Oxford University Press2007), 167-68. L'American Temperance Society a adopté une promesse officielle d’abstinence de toute boisson alcoolisée en 1831. Robert H. Abzug, Cosmos Crumbling: American Reform and Religious Imagination (New York : Oxford University Press, 1994), p. 98.

[14] Christopher G. Crary, Pioneer and personal Reminiscences (Marshalltown, Iowa : Marshall Printing, 1893), p. 25. Je suis redevable à Andy Hedges, qui m'a indiqué cette source.

[15] Révélation, 27 février 1833, JSP. Le terme « boissons fortes » est une expression biblique qui s'applique au vin, mais les réformateurs de la tempérance donnaient souvent à ce terme une définition plus large, qui comprenait les alcools distillés. Addison Parker, Address Delivered before the Southbridge Temperance Society, on the Evening of Dec. 1, 1830 (Southbridge : Josiah Snow, 1830), p. 7-8 ; Fifth Report of the American Temperance Society, Presented at the Meeting in Boston, May, 1832 (Boston : Aaron Russell, 1832), p. 47, 95, 112.

[16] C'est davantage la modération que l’abstinence qui a été appliquée à presque tous les « interdits » de la Parole de sagesse, jusqu’au début du vingtième siècle. Sur le renforcement du respect de la parole de sagesse, voir Thomas G. Alexander, Mormonism in Transition: A History of the Latter-day Saints, 1890-1930 (Urbana : University of Illinois Press, 1986), p. 258-72 ; et Paul H. Peterson et Ronald W. Walker, « Brigham Young’s Word of Wisdom Legacy », BYU Studies 42, n°. 3-4 (2003), p. 29-64.

[17] Rorabaugh, Alcoholic Republic, p. 99-100.

[18] Bush, « The Word of Wisdom in Nineteenth-Century Perspective », p. 52.

[19] Paul H. Peterson, « An Historical Analysis of the Word of Wisdom » (thèse de maîtrise, Université Brigham Young, 1972), p. 32-33 ; « The Word of Wisdom », Times and Seasons 3 (1er juin 1842) : 800.

[20] Révélation, 27 février 1833, JSP ; « City Marshall’s Department », City Gazette and Commercial [Charleston, Caroline du Sud], 18 avril 1823, [3] ; « Gaming », Berks and Schuylkill Journal [Reading, Pennsylvanie.], 8 Janvier 1825, [3].

[21] Révélation, 7 mai 1831, JSP ; révélation, 27 février 1833, JSP.

[22] Révélation, 27 février 1833, JSP.

[23] Selon les paroles d’une autorité, l’alcool « stupéfie leurs sentiments, paralyse leur sensibilité morale, affaiblit les pouvoirs de digestion, et à terme provoque la dyspepsie, une des maladies les plus redoutables qui frappent la race humaine ». « On Drunkenness », Connecticut Herald, 21 février 1826, [1]. On trouve d’autres arguments similaires dans « Twenty Dollars Reward », Daily National Intelligencer, 23 septembre 1823, [4] ; « Rev. Isaac McCoy », New-Hampshire Repository 6 (3 mai 1824), p. 70 ; et « From the Times and Advertiser », Times and Hartford Advertiser, 3 janvier 1826, [4].

[24] Cela ne veut pas dire que toutes les propositions de l'époque concernant la santé s’appuyaient sur une argumentation solide. Voir, par exemple, les propositions de Samuel Underhill dans Mark Lyman Staker, Hearken, O Ye People: The Historical Setting for Joseph Smith’s Ohio Revelations (Salt Lake City : Greg Kofford Books, 2009), p. 110. Pour voir d’autres manières dont la Parole de sagesse peut avoir été en désaccord avec les idées reçues, voir Steven C. Harper, Making Sense of the Doctrine & Covenants: A Guided Tour through Modern Revelations (Salt Lake City : Deseret Book, 2008), p. 332-333. Au vingtième siècle, certains saints des derniers jours ont cherché à isoler les produits chimiques incriminés dans les substances interdites dans la Parole de sagesse, mais cette analyse n'a jamais été acceptée comme doctrine de l’Église et allait au-delà du raisonnement de la révélation elle-même. John A. Widtsoe et Leah D. Widtsoe, The Word of Wisdom: A Modern Interpretation (Salt Lake City : Deseret Book, 1937).

[25] Révélation, 27 février 1833, JSP.

[26] Harper, Making Sense of the Doctrine & Covenants, p. 328.

[27] Moroni 7:13. En 1840, la consommation par habitant en Amérique était tombée à environ onze litres et demi, la plus forte baisse sur dix ans de l’histoire américaine. Lender et Martin, Drinking in America, p. 71-72 ; Tyrrell, Sobering Up, p. 225-251.

[28] Souvenirs de Zebedee Coltrin, dans École des prophètes de Salt Lake, procès verbaux du 3 octobre 1883, bibliothèque d’histoire de l’Église.