Inez
Knight, ambassadrice des saintes des derniers jours
par
Elizabeth Maki, le 2 juillet 2012
À
la fin du dix-neuvième siècle, l’Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours était
fermement établie dans les vallées retirées de
l’Utah, et des rumeurs circulaient dans d’autres parties
du monde sur la situation des saints des derniers jours. Les rapports
sur les femmes opprimées en Utah étaient
particulièrement courants. Ces récits se répandirent
parmi les populations qui voyaient parfois des hommes mormons prêcher
en leur qualité de missionnaires mais qui osaient à
peine imaginer ce à quoi les femmes mormones ressemblaient.
[1]
Un
samedi soir, en 1898, à Oldham, en Angleterre, tout cela a
commencé à changer. Lors d’un rassemblement sur
la voie publique, un membre de la présidence de la mission
d’Inez Knight a annoncé que des « femmes mormones
en chair et en os » [2] prendraient la parole pendant les
réunions de l’Église le lendemain.
Inez
Knight et son amie, Jennie Brimhall, les premières sœurs
missionnaires célibataires au monde à avoir été
appelées par l’Église, venaient d’arriver
en Angleterre. Leur présence en Angleterre avait, entre
autres, pour objectif de faire exactement ce qui avait été
annoncé ce soir-là à Oldham : présenter
au monde une « femme mormone en chair et en os ».
Cette
initiative était d’une importance vitale pour l’Église
à ce moment-là. Huit ans seulement s’étaient
écoulés depuis le manifeste de 1890 qui avait marqué
le début de la fin de la pratique du mariage plural dans
l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers
jours, une pratique qui avait conduit à une représentation
populaire des femmes mormones comme opprimées et réduites
en esclavage. En avril 1898, George Q. Cannon a raconté
l’expérience d’un couple membre de l'Église
en visite dans l’est des États-Unis qui a rapporté
« des remarques fréquentes parmi les gens qui n’étaient
pas membres de l’Église, qui disaient en substance : ‘Eh
bien, nous avons vu les missionnaires mormons, mais nous n’avons
pas vu les femmes mormones. Nous aimerions voir des femmes mormones
et voir le genre de personnes qu’elles sont.’ » [3]
L’Église
espérait briser les mythes en envoyant des femmes exemplaires
dans le champ de la mission, et Inez devait savoir que sa présence
au coin de cette rue était importante. C'est pourquoi elle
ressentait un « malaise » [4] quand on lui rappelait
publiquement tout ce qu’elle allait représenter en
ouvrant la bouche en tant que missionnaire de l’Église.
Inez
a pris la parole le lendemain soir. Elle écrivit qu'elle était
saisie de crainte et de tremblements, mais qu'elle s'était
étonnée elle-même. Deux jours plus tard, elle
écrit qu’elle a parlé dans un lieu beaucoup moins
public au cours d’un petit service religieux et ne mentionne
aucune angoisse. Mais plus tard au cours de cette semaine, on lui a à
nouveau demandé de prendre la parole pendant un rassemblement
sur la voie publique, et le trac est revenu. Inez raconte : «
La foule écoutait attentivement mais je n’ai pas parlé
longtemps. » [5]
Pendant
les premiers mois de sa mission, elle a souvent ressenti une grande
angoisse en accomplissant ses devoirs et elle s’est confiée
sur son désarroi dans son journal : « Ai assisté
à un rassemblement sur la voie publique et y ai pris la
parole. Petit service religieux ordinaire chez des gens auquel nous
avons participé. Pourtant, il m’a semblé que
j’étais plus effrayée chaque fois qu’on me
demandait de prendre la parole. Je n’oublierai jamais ces
sentiments de peur et ces tremblements, si toutefois j’arrive
un jour à m’en débarrasser. » [6]
Dans
une lettre adressée au Young Woman’s Journal, imprimé
en avril 1899, elle souligne l’objectif et la foi qui l’ont
aidée à surmonter son anxiété dans son
rôle d’ambassadrice des saintes des derniers jours. Elle
écrit : « Une chose est constante chez moi, c'est la
crainte et le tremblement qui accompagnent notre travail. Le Seigneur
nous bénit abondamment dans nos travaux, et bien que tout ne
soit pas toujours facile... nous nous réjouissons de l’œuvre
». [7]
Inez
a montré à plusieurs reprises qu’elle était
disposée à agir malgré ses craintes, restant
focalisée sur les choses importantes qu’on l’avait
envoyée accomplir. Lors d’un rassemblement sur la voie
publique en automne 1898, elle a remarqué que la foule ne
tenait quasiment pas compte des paroles de ses collègues
masculins. Ce soir-là, elle écrivit dans son journal :
« Nous avons donc chanté à nouveau. Et l'annonce
que nous étions saints des derniers jours, ou mormons, et
qu’une sœur prendrait la parole, a attiré du monde
et j’ai parlé pendant une quinzaine de minutes devant
une foule très attentive. Une foule qui désirait
obtenir des brochures. » [8]
Inez
semble avoir surmonté sa nervosité avec le temps. Au
cours de sa mission, elle a continué à noter dans son
journal personnel ses prises de parole, mais sa nervosité
n’était pas mentionnée aussi souvent. Elle
attribuait sa confiance grandissante, outre à l'expérience,
à la foi de ses collègues missionnaires. Elle écrit
: « Je me suis adressée, dans la soirée à
une foule nombreuse, mais j’ai été bénie
grâce aux prières des autres missionnaires. » [9]
Et sa confiance grandissante a touché son auditoire.
En
septembre 1898, elle a noté quelque chose dans son journal à
propos d'un rassemblement sur la voie publique à Bedminster,
près de Bristol. On lui avait demandé de prendre la
parole devant une « foule assez nombreuse » qui
s’était déjà rassemblée. Elle écrit
: « Avec l’aide du Seigneur, j’ai parlé
pendant vingt minutes. À la fin, un inconnu m’a dit :
Que Dieu bénisse votre mission. » [10]
NOTES
[1]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 17.
[2]
Kelly Lelegren, « Real, live Mormon women » :
Understanding the role of early twentieth-century LDS Lady
Missionaries, thèse, Université d’État de
l’Utah, 2009, p. 17.
[3]
George Q. Cannon, Address, Official Report of the Sixty-Eighth Annual
Conference of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, April
6, 7, 8 and 10, 1898 (Salt Lake City: The Church of Jesus Christ of
Latter-day Saints, 1898), 6-8.
[4]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 17.
[5]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 18.
[6]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 19.
[7]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 22.
[8]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 75.
[9]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 20.
[10]
Inez Knight Allen, diary of Inez Knight Allen, 1898-1899, Collections
numériques de la bibliothèque Harold B. Lee de
l’université Brigham Young, p. 73.