L'engagement
de Virgilio Simarrón
Les
racines de l'Église à Guayacana, en Équateur
par
Néstor Curbelo, le 23 juillet 2015
Les
saints des derniers jours qui se sont déplacés en
convois vers les montagnes Rocheuses, au milieu du dix-neuvième
siècle, ont donné tout ce que le Seigneur exigeait
d’eux pour établir l’Église. Leurs
sacrifices ont laissé un patrimoine impérissable à
l’Église entière. Ce même esprit pionnier
s’est répandu dans le monde parmi les gens qui acceptent
l’Évangile rétabli de Jésus-Christ. En
découvrant aujourd’hui leurs histoires, nous nous
rapprochons les uns des autres dans la société moderne
et multiculturelle de l’Église.
Une
de ces histoires est celle de Virgilio Simarrón Salazar [1].
Pendant de nombreuses années, Virgilio a été un
dirigeant de la communauté Chachi du Nord de l’Équateur.
Quatre cents ans auparavant, les Chachis avaient quitté leurs
foyers en amont du fleuve et trouvé refuge dans la jungle de
Guayacana où ils pouvaient rester en communauté et
garder leur valeurs. Jusqu’à aujourd’hui, ils ont
conservé leur mode de vie et leur propre système
juridique composé d’un conseil communal, de gouverneurs
et de juges. Ces rôles de dirigeant sont habituellement des
postes honorifiques que les familles détiennent pendant des
générations et qui reposent sur une fondation profonde
de respect et d’estime de la communauté [2]. Pour Virgilio
Simarrón, ce respect était une confiance à
entretenir et à transmettre à la génération
suivante.
Mais
les projets de Virgilio ont changé en 1996, quand son fils
Wilson est rentré de ses études à Quinindé
avec des exemplaires du Livre de Mormon et un témoignage ferme
de sa nouvelle religion. Rempli de la foi et de l’enthousiasme
de quelqu’un qui a trouvé la vérité,
Wilson a fait connaître le message de l’Évangile à
sa famille qui s’est bientôt faite baptiser dans les eaux
de la rivière Canandé. [3]
Cependant,
tandis que les Simarróns continuaient de transmettre
l’Évangile à leurs voisins et amis Chachis, un
grave conflit s’est produit. Certains Chachis avaient le
sentiment que les croyances de Virgilio Simarrón faisaient de
lui un hérétique et envisageaient même d’user
de violence envers lui. D’autres pensaient qu’en tant que
gouverneur, il ne devait pas s’engager dans une nouvelle
religion qui risquait de diviser le peuple. Avec ces préoccupations
à l’esprit, ils l’ont emmené pour être
jugé par le conseil communal. Cela a été l’une
des expériences les plus difficiles de la vie de Virgilio. Son
fils Wilson en a fait le récit suivant :
Le
conseil réuni au complet a dit à mon père : «
Tu resteras notre gouverneur si tu renonces à l’Église
de Jésus-Christ ; tu dois te rétracter. » Mon
père a répondu : « J’ai pris un engagement
envers Dieu et quand un homme s’engage envers Dieu, il ne peut
se rétracter. Je ne peux pas renoncer à l’Église.
Si vous pensez que je suis un gouverneur qui divise le peuple Chachi,
alors, oh gens de mon peuple, choisissez-en aujourd’hui un
autre à ma place. » Puis j’ai vu mon père
pleurer. Le conseil est resté dans un silence total pendant
plus de cinq minutes, personne n’a rien dit. Puis quelqu’un
a déclaré : « Alors gouverneur, pars. » Mon
père s’est levé lentement, ainsi que moi-même,
ma mère et ma sœur et nous avons quitté le
conseil. [4]
Une
fois Virgilio destitué de son poste, des jours difficiles ont
suivi pour la famille. Sentant les critiques et le mépris de
beaucoup de gens qui les avaient autrefois respectés, ils se
sont tournés vers la religion qu’ils avaient embrassée
et ont prêché l’Évangile avec une grande
ferveur. Omar Intriago Cesar, qui était alors président
du pieu d’Esmeraldas, déclare : « La branche de
Guayacana a commencé avec Virgilio Simarrón et son fils
Wilson. L’Église a été établie
grâce à sa foi, sa force et son témoignage. Ils
ont commencé à prêcher l’Évangile de
maison en maison à chaque famille de cette communauté.
» [5]
Baptêmes
à Guayacana le 30 mai 1999
En
seulement quelques années, les efforts de la famille Simarrón
ont donné beaucoup de fruits. Le 30 mai 1999, est devenu un
jour de célébration à Guayacana quand un grand
service de baptême a eu lieu. Le président Intriago a
raconté : « Nous sommes arrivés avec Roberto
Garcia, le président de mission, et nous avons tous deux
participé à cette journée glorieuse où,
sur le rivage de la rivière Canandé, deux missionnaires
ont baptisé soixante personnes. Puis, le président
Garcia d’un côté et moi de l’autre, nous
avons confirmé membres de l’Église toutes les
personnes qui s’étaient faites baptiser. Cela a été
un honneur qui ne s’effacera jamais de ma vie. » [6]
Virgilio
avait renoncé à son poste de gouverneur pour rester
fidèle à son témoignage. Mais il a réussi
à transmettre un autre patrimoine à la génération
suivante : celui de servir les gens en établissant l’Évangile
parmi eux. Il a vu son fils Wilson faire une mission à plein
temps et ensuite revenir à Guayacana épouser Ruth, sa
femme, et avoir des enfants. Quelques années plus tard,
Virgilio est mort fidèle à l’Église. En
2013, sa femme, Maria Juana Apa, a assisté à l’appel
de leur fils comme président de la branche de Guayacana.
Wilson
est très conscient de l’héritage que son père
a toujours voulu lui donner. Il dit : « Mes ancêtres
ont toujours été des gouverneurs, des chefs de soldats,
des guerriers forts pour la lignée de mon père. Je
ressens que toutes ces racines ancestrales se manifestent toujours en
moi. Mais maintenant que je suis membre de l’Église,
toute cette force est là pour me permettre de devenir un bon
soldat de Jésus-Christ. » [7]
NOTES
[1]
Cette histoire a été recueillie par l’auteur en
mai 2012, lors d’un voyage à Rama Guayacana, dans lequel
il était accompagné de dirigeants du pieu d’Esmeraldas
auquel appartient la branche de Guayacana. Ces dirigeants étaient
Jorge Orlando Carl Garcia, président, son deuxième
conseiller, Washington Poroso Preciado et le précédent
président de pieu, César Omar Intriago Argandoña
[2]
Entretien le 17 mai 2008 de l’auteur avec César Omar
Intriago Argandoña, à Esmeraldas (Équateur), qui
était le président du pieu d’Esmeraldas lorsque
l’œuvre a commencé à Guayacana.
Transcription classée dans BYU Special Collections.
[3]
Entretien de l’auteur avec Wilson Simarrón Anapa, à
Guayacana, le 12 mai 2012. Vidéo en possession de l’auteur.
[4]
Entretien de l’auteur avec Wilson Simarrón Anapa, à
Guayacana, le 12 mai 2012. Vidéo en possession de l’auteur.
[5]
Entretien avec César Omar Intriago Argandoña.
[6]
Entretien avec César Omar Intriago Argandoña.
[7]
Entretien avec Wilson Simarrón.
À
PROPOS DE L'AUTEUR
Néstor
Curbelo est le consultant d’histoire de l’Église
de l’interrégion du sud de l’Amérique du
Sud et un expert en histoire de l’Église à
travers l’Amérique du Sud et l’Amérique
centrale. Il a publié des livres et réalisé des
documentaires sur des sujets de l’histoire de l’Église,
notamment Historia de los Santos de los Ultimos Dias in Uruguay,
Historia de los Mormones en Argentina et le documentaire Librados del
Cautivereo.