Brigham
Young
Leonard
J. Arrington
Article
tiré de l'Encyclopédie
du mormonisme
(Macmillan
Publishing Company, 1992)
Traduction : Marcel
Kahne
Source :
www.idumea.org
avec
autorisation
Colonisateur,
gouverneur territorial et président de l’Église
de Jésus-Christ des saints des derniers jours, Brigham Young
(1801-1877) naquit le 1er juin 1801 à Whitingham (Vermont). Il
était le neuvième des onze enfants de John Young et
Abigail (Nabby) Howe. Après son service dans l’armée
révolutionnaire de George Washington, John Young s’installa
dans une ferme à Hopkinton (Massachusetts). Après avoir
passé seize ans à Hopkinton, John et Nabby partirent
pour le sud du Vermont, où Brigham naquit. Quand il eut trois
ans, la famille partit pour le centre de l’État de New
York et, quand il eut dix ans, pour Sherburne (au sud du centre de
l’État de New York). Brigham aida à défricher
des terres à cultiver, prit au piège des animaux à
fourrure, pêcha, construisit des hangars et creusa des caves et
aida aux semailles, à la culture et aux récoltes. Il
soigna également sa mère, qui était gravement
atteinte de la tuberculose.
Elle
décéda en 1815, quand il avait quatorze ans. Peu de
temps après, à la recherche de quelqu’un pour
s’occuper de ses enfants en bas âge, John Young épousa
une veuve, Hannah Brown, qui introduisit ses propres enfants dans la
famille. Brigham décida de partir de chez lui. Vivant un
certain temps chez une sœur, il devint apprenti menuisier,
peintre et vitrier à Auburn, une localité voisine. Au
cours des cinq années qui suivirent, il aida à créer
à Auburn le premier marché, la prison, le séminaire
de théologie et la maison du « Squire »
William Brown (plus tard occupée par William H. Seward, qui
fut gouverneur de l’État de New York et Secrétaire
d’État de Lincoln). Devenu maître menuisier,
Brigham construisit des garnitures de porte et des vasistas à
claire-voie et sculpta des manteaux de cheminée ornementés
pour beaucoup de maisons. Aujourd’hui encore, beaucoup de
vieilles maisons de la région ont des chaises, des bureaux,
des escaliers, des portes et des manteaux de cheminée faits
par Brigham Young.
Brigham
quitta Auburn au printemps de 1823 pour travailler à Port
Byron (New York), où il répara des meubles et peignit
des péniches. Il inventa un système pour mélanger
les peintures et fabriqua beaucoup de chaises, de tables, de canapés,
d’armoires et de portes. Il aida aussi à organiser la
société d’art oratoire locale. Le 5 octobre 1824,
à l’âge de vingt-trois ans, Brigham épousa
Miriam Works. Ils s’installèrent dans la commune
d’Aurelius où ils entrèrent dans l’Église
méthodiste. Dans l’année qui suivit, leur premier
enfant, Elizabeth, naquit.
Après
quatre ans à Port Byron, Brigham et Miriam partirent pour
Oswego, un port sur le lac Ontario, où il ajouta à sa
réputation de bon artisan, d’homme honnête et
industrieux. Il rejoignit un petit groupe de chercheurs religieux qui
faisaient des prières ferventes et chantaient des cantiques
entraînants. Une de ses connaissances d’Oswego témoigna
que sa conduite était exemplaire, humble et contrite.
Vers
la fin de 1828, Brigham emmena sa famille à Mendon (New York),
à soixante-cinq kilomètres de Port Byron, près
de son père et d’autres parents. À Mendon, Miriam
donna le jour à une deuxième fille, Vilate, mais
contracta une tuberculose chronique et devint à moitié
invalide. Brigham faisait les repas, habillait les enfants, nettoyait
la maison et, le matin, portait Miriam jusqu’à un
fauteuil à bascule devant la cheminée et la remettait
au lit le soir. A Mendon, il construisit un atelier et un moulin,
fabriqua et répara des meubles et installa des vitres, des
embrasures de portes, des escaliers et des manteaux de cheminée.
Au
printemps de 1830, Samuel Smith, frère de Joseph Smith, passa
par Mendon lors d’un voyage pour distribuer le Livre de Mormon.
Il en laissa un exemplaire à Phineas, frère aîné
de Brigham, un prédicateur ambulant. Phineas fut favorablement
impressionné par le livre et le prêta à son père,
puis à sa sœur Fanny, qui le donna à Brigham.
Bien qu’impressionné, Brigham recommanda néanmoins
la prudence : « Attendez un peu … je [veux]
voir s’il y a du bon sens là-dedans » (JD
3:91 ; cf. 8:38). Après près de deux ans de
recherche, Brigham, touché par le témoignage d’un
missionnaire mormon, fut baptisé au printemps de 1832. Toute
la famille immédiate de Brigham fut également baptisée
et tous restèrent saints des derniers jours fidèles
leur vie durant. Miriam, qui devint également membre, ne vécut
que jusqu’en septembre 1832.
Une
semaine après son baptême, Brigham fit son premier
sermon. Il déclara : « [Après mon
baptême] je voulais tonner et rugir l’Évangile aux
nations. Cela me brûlait dans les os comme un feu mal contenu,
alors j’ai commencé à prêcher… Rien
d’autre ne pouvait me satisfaire que crier partout dans le
monde ce que le Seigneur était en train de faire dans les
derniers jours » (JD 1:313). Brigham se sentait à
ce point poussé à « crier partout »
qu’il enrôla l’aide de Vilate et de Heber C.
Kimball pour s’occuper de ses filles et abandonna son commerce
pour se consacrer de tout cœur à l’édification
du « royaume de Dieu ». Cet automne-là,
après la mort de Miriam, Heber Kimball, lui et plusieurs
parents se rendirent à Kirtland, où il rencontra pour
la première fois le prophète Joseph Smith, qui avait
alors vingt-six ans. Invité à la prière du soir
chez les Smith, Brigham fut poussé par l’Esprit et parla
en langues, la première fois que le Prophète voyait
quelqu’un le faire.
Les
voyages missionnaires suivants de Brigham le conduisirent vers le
nord, l’est, l’ouest et le sud de Mendon. Avec son frère
Joseph Young, il fit plusieurs voyages de prédication dans la
campagne de New York et d’Ontario (Canada). Pendant l’été
de 1833, il se rendit avec plusieurs de ses convertis canadiens à
Kirtland où il entendit Joseph Smith parler du rassemblement,
soulignant que l’édification du royaume de Dieu exigeait
plus que simplement la prédication. Ainsi instruit, Brigham
retourna à New York et, avec les Kimball, déménagea
son ménage à Kirtland pour pouvoir participer à
l’édification d’une nouvelle société.
Parmi
ceux que Brigham rencontra à Kirtland il y avait Mary Ann
Angell, originaire de Seneca (comté d’Ontario, New
York), qui avait travaillé dans une usine à Providence
(Rhode Island) jusqu’à sa conversion à l’Église
et son déménagement à Kirtland. Brigham l’épousa
le 18 février 1834. Elle prit soin des deux filles que Brigham
avait eues de Miriam et eut plus tard six enfants à elle.
En
1834, Brigham et son frère Joseph participèrent au camp
de Sion, une petite armée qui fit à pied le trajet
d’Ohio au Missouri pendant l’été de 1834
pour aider ceux qui avaient été chassés de chez
eux par des émeutiers hostiles. Brigham trouva que cette
expédition difficile, dirigée par Joseph Smith, avait
été une éducation superbe et dit plus tard que
« ce fut là que je commençai à savoir
comment diriger Israël » (Arrington, p. 45-46).
Ce
furent le dévouement et le potentiel, plus que les
réalisations, qui qualifièrent Brigham Young pour être
choisi en février 1835 comme membre du Collège des
douze apôtres originel de l’Église. Les Douze
étaient « un grand conseil voyageur »
chargé porter l’Évangile « à
toutes nations, familles, langues et peuples ». Ils
présidaient non pas « au pays » mais « à
l’étranger » où aucun pieu local
n’était établi. Ce groupe devint plus tard le
collège dirigeant dans l’Église après la
Première Présidence.
Chaque
été Brigham entreprenait des missions de prosélytisme
dans l’Est ; chaque hiver il s’occupait de sa
famille et aidait à l’édification de Kirtland. Il
aida à la construction du temple de Kirtland, assista à
l’école des prophètes, participa au déversement
de Pentecôte qui accompagna la consécration du temple de
Kirtland au printemps de 1836 et se lança dans les activités
économiques liées à l’Église dont
Joseph Smith le chargeait. Quand la communauté de Kirtland se
divisa à propos de la façon dont Joseph Smith
dirigeait, la défense vigoureuse du prophète assurée
par Brigham Young exaspéra tellement les critiques que Brigham
dut fuir Kirtland pour sa propre sécurité.
Quand
arriva l’été de 1838, la plupart des fidèles
de Kirtland, dont Brigham et sa famille, étaient allés
s’installer au comté de Caldwell, dans le nord du
Missouri. L’arrivée d’un nombre de plus en plus
important de saints des derniers jours ralluma les antagonismes avec
les vieux colons et des violences éclatèrent. Désarmés,
violés et dépouillés de la plupart de leurs
possessions, les saints des derniers jours furent chassés de
l’état. Joseph Smith, son frère Hyrum, Sidney
Rigdon et d’autres dirigeants de l’Église ayant
été jetés en prison, Brigham Young, doyen du
Collège des Douze, dirigea l’évacuation des
saints vers Quincy et d’autres localités de l’Illinois.
Pour garantir que les membres sans attelages ni chariots ne fussent
pas abandonnés, il rédigea l’Alliance du
Missouri. Tous ceux qui la signèrent acceptaient de mettre
leurs ressources à disposition pour déménager
tout le monde en lieu sûr.
Au
printemps de 1839, Joseph Smith désigna Commerce (renommé
Nauvoo) (Illinois), comme nouveau lieu central de rassemblement des
saints. La famille de Brigham était à peine installée
dans la région que lui et d’autres membres des Douze
partaient faire une mission en Grande-Bretagne. En dépit de la
pauvreté et de la mauvaise santé ambiantes, Brigham
quitta sa femme et ses enfants en septembre, bien décidé
à aller coûte que coûte en Angleterre. Ses
compagnons et lui arrivèrent finalement à Liverpool en
avril 1840.
Comme
président de collège, Brigham dirigea le travail de son
collège en Grande-Bretagne pendant une année étonnante
au cours de laquelle ils baptisèrent entre 7.000 et 8.000
convertis, imprimèrent et distribuèrent 5.000
exemplaires du Livre de Mormon, 3.000 livres de cantiques, 1.500
exemplaires du Millennial Star et 50.000 brochures, créèrent
une agence de navigation et aidèrent près de 1.000
personnes à émigrer à Nauvoo. Brigham se rendit
dans les villes principales d’Angleterre et prit le temps de
visiter le palais de Buckingham, la cathédrale Saint-Paul,
l’abbaye de Westminster, le Lake District, des villes
industrielles, les Potteries, des musées, des galeries d’art
et, naturellement, les convertis, riches et pauvres. Plus tard, il
devait souvent commenter sur ce qu’il avait vu et appris en
Angleterre.
Un
succès aussi saisissant, la première expérience
de ce genre pour un collège uni, prépara les Douze à
des responsabilités supplémentaires. De retour à
Nauvoo, Brigham reçut la tâche de diriger les Douze dans
leur supervision de l’œuvre missionnaire, de l’achat
de terres et de l’installation des immigrés, ainsi que
de divers projets de construction. Avec d’autres, le principe
du mariage plural lui fut enseigné ; il l’accepta
après avoir beaucoup hésité, réfléchi
et prié. Avec le consentement de Mary Ann, il épousa
Lucy Ann Decker Seeley en juin 1842 et eut plus tard d’autres
épouses plurales. Il fut parmi les premiers à recevoir
la dotation complète du temple en 1842 et, plus tard, avec
Mary Ann, participa avec d’autres qui avaient reçu les
ordonnances du temple à des sessions au cours desquelles
Joseph Smith donna des instructions supplémentaires sur les
principes de l’Évangile.
Étant
maintenant président du collège qui venait directement
en second après la Première Présidence en
autorité et en responsabilité, Brigham Young était
quelqu’un de très éminent et influent à
Nauvoo. Néanmoins, tout en contribuant à tout diriger,
depuis la construction du temple de Nauvoo jusqu’à
l’œuvre missionnaire à l’étranger, il
conserva l’habitude qu’il avait prise à Kirtland
d’entreprendre personnellement des missions de prédication
chaque été. En février, Joseph Smith donna
d’autres instructions à Brigham Young et à
d’autres de son collège sur un déplacement futur
vers les montagnes Rocheuses. En mars 1844, Brigham participa à
la création du conseil des cinquante, une organisation qui
annonçait le modèle de gouvernement d’une future
société théocratique et qui fut le dernier
modèle d’organisation de ce genre laissé par
Joseph Smith. Peu après, comme s’il pressentait sa mort
imminente, Joseph Smith donna à Brigham et aux autres membres
des Douze la mission solennelle de « emporter ce
royaume », leur disant qu’ils avaient maintenant
toutes les clefs et toutes les instructions nécessaires pour
le faire avec succès (CR, avr. 1898, p. 89 ; MS. 5, mars
1845, p. 151).
En
mai 1844, Brigham et d’autres apôtres partirent pour des
missions d’été. Pendant leur absence, les
événements se dégradèrent à
Nauvoo. Joseph Smith fut arrêté et, le 27 juin, tué
avec son frère Hyrum quand des émeutiers donnèrent
l’assaut à la prison où ils étaient
détenus. Brigham était dans la région de Boston
et n’apprit l’assassinat avec certitude que le 16
juillet. Ses compagnons et lui revinrent précipitamment à
Nauvoo, où ils arrivèrent le 6 août. Après
un affrontement spectaculaire avec Sidney Rigdon le 8 août,
Brigham et les Douze furent soutenus pour diriger l’Église.
Brigham resta le dirigeant jusqu’à sa mort en 1877.
Bien
que décidés, en privé, à quitter Nauvoo,
Brigham et ses collaborateurs étaient déterminés
à finir le temple pour que les saints puissent recevoir leurs
ordonnances. Alors même qu’ils travaillaient pour se
défendre et pour finir le temple, ils tinrent des réunions
pour décider quand et où partir plus vers l’ouest.
Peu après que des violences eurent éclaté en
septembre 1845, ils annoncèrent publiquement leur intention de
partir le printemps suivant. En décembre, le temple fut prêt
pour les ordonnances et dès février, près de
6.000 membres avaient reçu les bénédictions du
temple. Les saints avaient également passé l’automne
et l’hiver à se préparer pour l’exode. Des
comités furent nommés et une Alliance de Nauvoo fut
signée pour garantir que ceux qui avaient des biens aident
ceux qui n’en avaient pas.
En
partie par crainte d’une intervention gouvernementale, Brigham
Young entreprit l’émigration dans le froid et la neige
de février 1846 plutôt que d’attendre le
printemps. Par centaines, puis par milliers, les gens, les animaux et
les chariots traversèrent le fleuve Mississippi et pataugèrent
dans la boue de l’Iowa jusqu’à des Quartiers
d’Hiver (Winter Quarters, maintenant Florence, dans le
Nebraska) sur le fleuve Missouri. À la fin du printemps, près
de 16.000 saints étaient sur la route.
Brigham
dirigea personnellement cette odyssée massive, qui nécessitait
l’attribution de produits alimentaires, de chariots, de bœufs
et de biens de l’Église aux convois organisés qui
se mettaient en route sur la piste. La préparation et la
traversée de l’Iowa prirent si longtemps qu’aucun
des convois ne put atteindre les montagnes Rocheuses cette année-là,
comme on l’avait espéré. Cette expérience
exigeante de l’Iowa donna à Brigham Young des leçons
précieuses sur les hommes et l’organisation, leçons
dont il se servit tout au long de ses années de direction. Il
apprit aussi à nouveau que quand les ressources humaines se
révèlent insuffisantes, on doit se tourner avec foi
vers Dieu. Cet hiver-là, Brigham annonça la « parole
et [la] volonté du Seigneur » (D&A 136) pour
aider à organiser les saints et à les préparer
pour le voyage vers l’Ouest.
Brigham
Young se mit en route, le 5 avril 1847, avec une avant-garde de 143
hommes, 3 femmes et 2 enfants. Retardé par maladie, il arriva
dans la vallée du lac Salé le 24 juillet, quelques
jours après le groupe d’exploration. Lorsqu’il eut
vu la vallée de ses propres yeux, il annonça que
c’était le bon endroit pour un nouveau siège de
l’Église et confirma que la région serait le
nouveau lieu de rassemblement. Il désigna aussi l’endroit
exact pour un temple. Il dirigea l’exploration de la région,
aida au levé et au lotissement des terrains pour les maisons,
les jardins et les fermes, appela la nouvelle colonie « Great
Salt Lake City, Grand Bassin, Amérique du Nord »,
tint des réunions où il nomma John Smith dirigeant
religieux de la nouvelle colonie et marqua son accord pour des règles
de base de travail et de partage coopératifs. Le 26 août,
Brigham rejoignit le groupe qui s’en retournait à Winter
Quarters.
À
Winter Quarters, en décembre 1847, Brigham et les autres
membres des Douze réorganisèrent la Première
Présidence de l’Église, avec Brigham comme
président. Le mois d’avril suivant, lui, sa famille et
quelque 3.500 autres saints se mirent en route pour la vallée
du lac Salé. Les activités de Brigham, qui devait
organiser les convois, construire des ponts, réparer
l’équipement et dresser les bœufs, développèrent
des capacités qui allaient se manifester tout le reste de sa
vie.
Brigham,
qui avait maintenant quarante-sept ans, dut affronter une série
de problèmes tandis qu’il s’installait
définitivement dans la vallée du lac Salé. Le
premier fut de loger sa famille. Sur un lot jouxtant City Creek dans
ce qui est maintenant le centre de Salt Lake City, il construisit,
pour ses femmes et ses enfants, une rangée de maisons de
rondins qui, collectivement, fut appelée Harmony House. Au sud
de ceci il construisit plus tard la Maison Blanche, une construction
d’adobes séchées au soleil couverte de plâtre
blanc. Plus tard encore, il construisit une grande maison d’adobes
avec étage dont la façade donnait sur ce qu’on
finit par appeler Brigham Street (maintenant South Temple Street). Ce
bâtiment, qui était muni d’une tour surmontée
d’une ruche dorée, fut appelé la Beehive House et
fut la résidence officielle de Brigham comme gouverneur et
président de l’Église. En 1856, Brigham ajouta un
édifice impressionnant d’adobes de deux étages
auquel on donna le nom de Lion House à cause de la statue d’un
lion couché sur le portique. Plusieurs de ses familles
vécurent dans ce bâtiment, juste à l’ouest
de la Beehive House. Il construisit plus tard des maisons dans le sud
de Salt Lake City, à Provo et à St-George. Les maisons
de Brigham étaient toutes bien construites et finement
meublées.
Le
plus grand problème public était de trouver des
endroits pour recevoir les saints qui arrivaient. Salt Lake City fut
divisée en pâtés de quatre hectares et chaque
chef de famille recevait un lot d’un demi-hectare sur un des
pâtés de la ville. Les gens y gardaient leur bétail,
leur potager et leurs autres accessoires « de maison »
(voir Urbanisme). Un pâté de quatre hectares situé
juste à l’ouest de Brigham fut désigné
comme Temple Block et on y installa la Bowery (tonnelle), un abri
provisoire fait de branches d’arbre, où les saints
tinrent d’abord leurs services religieux, le tabernacle et
divers ateliers utilisés pour la construction de bâtiments
publics. La construction du temple de Salt Lake City commença
en 1853.
À
l’extérieur de la ville, des lots de deux et de quatre
hectares furent distribués à ceux qui voulaient
cultiver. Sous la direction de Brigham Young, des équipes
coopératives furent chargées de creuser des fossés
et des canaux pour irriguer les cultures et pour fournir de l’eau
aux maisons. D’autres brigades clôturèrent les
zones résidentielles, construisirent des routes, coupèrent
du bois de construction et ouvrirent des ateliers. D’autres
groupes choisirent de nouveaux lieux à coloniser et aidèrent
à mettre les gens dans les meilleurs endroits. D’autres
encore furent appelés en mission aux États-Unis, en
Europe ou dans le Pacifique.
Au
printemps de 1849, Brigham Young organisa Salt Lake City en dix-neuf
paroisses, créa des paroisses dans d’autres colonies,
fonda l’État de Deseret avec lui-même comme
gouverneur et mit sur pied le Fonds perpétuel d’émigration
pour aider les saints de Grande-Bretagne, de Scandinavie et d’Europe
continentale à émigrer.
Avec
les milliers de saints qui arrivaient de l’Est des États-Unis
et d’Europe, la colonisation exigea l’attention de
Brigham Young. Sous sa direction, quatre sortes de colonies furent
créées : premièrement, les colonies prévues
comme lieux provisoires de rassemblement et de recrutement, tels que
Carson Valley au Nevada ; deuxièmement, les colonies
devant servir de centres de production, comme le fer à Cedar
City, le coton à St-George, le bétail à Cache
Valley et les moutons à Spanish Fork, tous en Utah ;
troisièmement, les colonies devant servir de centres pour
convertir et aider des Indiens, comme à Harmony, dans le sud
de l’Utah, Las Vegas, dans le sud du Nevada, Lemhi, dans le
nord de l’Idaho et ce qui est aujourd’hui Moab, dans
l’est de l’Utah ; quatrièmement, des colonies
permanentes en Utah et dans les États et territoires voisins
pour fournir des maisons et des fermes aux centaines de nouveaux
immigrés qui arrivaient chaque été. En dix ans,
près de 100 colonies avaient été implantées ;
en 1867, il y en avait plus de 200 et avant sa mort en 1877, il y en
avait près de 400. Il est clair qu’il fut l’un des
plus grands colonisateurs de l’Amérique.
Comme
président de l’Église, Brigham dirigeait
régulièrement l’office du dimanche à Salt
Lake City et rendait visite tous les ans au plus grand nombre de
communautés périphériques possible. Il nomma des
évêques pour chaque paroisse et colonie et invita chaque
paroisse à organiser pour ses membres des activités
culturelles telles que bals, théâtre, récitals de
musique et, surtout, des écoles. Il écoutait les
personnes qui avaient à se plaindre, répondait aux
innombrables questions sur des affaires personnelles et de famille
aussi bien que sur la religion et dicta des milliers de lettres
contenant des instructions, des recommandations, des conseils amicaux
et des réflexions occasionnelles sur les affaires de l’Église
et du pays. C’était un saint des derniers jours ferme et
un conseiller sage.
Brigham
prononça, dans l’Utah des pionniers, quelque 500 sermons
qui furent enregistrés mot à mot par un sténographe.
Ces sermons, tous prononcés sans texte préparé,
peuvent donner l’impression d’être décousus,
mais ils étaient bien pensés et révèlent
un pouvoir mental remarquable. Ils étaient bien adaptés
à ses auditoires. Ses discours étaient comme des
« causeries de veillée », une
conversation à bâtons rompus avec son auditoire.
Entremêlant des sujets aussi divers que la mode féminine,
l’expiation du Christ, des souvenirs de Joseph Smith et la
façon de faire du bon pain, Brigham maintenait son auditoire
suspendu à ses lèvres, fasciné, amusé et
en larmes, parfois pendant des heures. Il inspirait, motivait,
enseignait et encourageait.
Les
saints des derniers jours s’étaient installés
parmi diverses tribus d’Amérindiens. Tenant à les
aider, à les convertir et à éviter les effusions
de sang, Brigham créa des fermes indiennes, prit des Indiens
dans sa propre maison, préconisa une politique basée
sur le principe que « les nourrir coûte moins cher
que les combattre » et tint des réunions
périodiques avec les chefs. Ses politiques n’étaient
pas toujours couronnées de succès, mais il cherchait
systématiquement les solutions pacifiques et s’opposait
fermement à la pratique trop courante sur la « frontière »
de tuer les Indiens pour des vétilles.
En
1851, Brigham fut nommé gouverneur et surintendant des
affaires indiennes du Territoire d’Utah par Millard Fillmore,
président des États-Unis. Son problème principal
comme gouverneur fut de traiter avec les fonctionnaires fédéraux
« extérieurs », dont beaucoup étaient,
à tous points de vue, hostiles à l’Église
et d’une incompétence inexcusable. Il y eut des
problèmes pour les petites dépenses fédérales,
le fait que les saints n’avaient pas recours aux juges fédéraux
dans les cas de conflits civils, le manque de tact des fonctionnaires
nommés par le fédéral quand ils parlaient de
l’Église, leur opposition à l’union de
l’Église et de l’État et leur idée
toute faite que les saints des derniers jours étaient immoraux
parce qu’ils toléraient le mariage plural.
Cette
polémique incessante finit par amener James Buchanan,
président des États-Unis, à prendre la décision,
en 1857, de remplacer Brigham Young par un gouverneur « extérieur »,
Alfred Cumming, de Géorgie. En même temps, le président
Buchanan, qui avait été informé (incorrectement)
que les mormons étaient « dans un état de
rébellion substantielle contre les lois et l’autorité
des États-Unis » envoya une grande partie de
l’armée américaine en Utah pour installer le
nouveau gouverneur et garantir l’exécution des lois des
États-Unis. Le gouverneur Young ne fut pas avisé de
cette action, mais on repéra des forces armées
secrètement en route pour l’Utah. Craignant une
répétition de la « voyoucratie »
du Missouri et de l’Illinois, il rappela les personnes vivant
dans les colonies périphériques et mobilisa les saints
pour défendre leurs foyers. Finalement, avec l’aide de
Thomas L. Kane, il négocia un règlement pacifique en
vertu duquel l’armée occupa Camp Floyd, un poste situé
à une soixantaine de kilomètres de Salt Lake City.
L’armée américaine fut une source d’irritation,
mais pas un obstacle, à la poursuite de l’expansion et
du développement de l’Église. Le président
Young resta, comme s’en vantait son entourage, gouverneur du
peuple, tandis que ses remplaçants ne faisaient que gouverner
le territoire. L’armée quitta l’Utah en 1861 avec
le début de la guerre de Sécession.
Convaincu
qu’il fallait adapter la technologie la plus récente au
profit de la société des saints, Brigham Young signa un
contrat en 1861 pour construire le télégraphe
transcontinental du Nebraska à la Californie, puis il se mit à
construire les deux mille kilomètres du Deseret Telegraph de
Franklin (Idaho) jusqu’au nord de l’Arizona. Celui-ci
relia presque tous les villages mormons à Salt Lake City et,
par ce raccordement, au monde. Tandis que le chemin de fer
transcontinental était en construction, il négocia des
contrats avec la Union Pacific et la Central Pacific pour que des
entreprises mormones construisent les assiettes de la route à
l’est de Salt Lake City jusque dans la région du Wyoming
et à l’ouest jusque bien loin au Nevada. Il organisa
ensuite les lignes de chemin de fer du Utah Central, Utah Southern et
Utah Northern Railroad pour prolonger la ligne au sud d’Ogden
jusqu’à Frisco dans le sud de l’Utah et vers le
nord jusqu’à Franklin (Idaho) et par la suite jusqu’au
Montana.
Conscient
du fait que l’achèvement du chemin de fer mettrait en
danger l’économie sociale indépendante de son
peuple, le président Young inaugura un mouvement protecteur
qui cherchait à préserver, autant que possible, le mode
de vie qui lui était propre. Il organisa des coopératives
pour gérer la vente et la fabrication locales, lança
plusieurs nouvelles entreprises pour développer les ressources
locales, promut des sociétés de secours dans chaque
paroisse pour créer des occasions d’épanouissement,
de socialisation et de services compatissants pour les femmes, ouvrit
les portes de l’université de Deseret (plus tard
l’université d’Utah) aussi bien aux jeunes filles
qu’aux jeunes gens, encouragea les femmes à se former
professionnellement, particulièrement en médecine et
donna le vote aux femmes. En 1875, il fonda l’Académie
Brigham Young (plus tard l’université Brigham Young), en
1877 le Brigham Young College (Logan, Utah) et le Latter-day Saints
College. En 1874, il promut aussi le mouvement de l’Ordre Uni
pour encourager la coopération, la production et la
consommation locales (voir Histoire économique de l’Église).
Brigham
Young resta vigoureux jusqu’à sa mort en août
1877. Juste avant sa mort, il consacra le temple de St-George et y
lança la totalité des ordonnances du temple, quelque
chose qu’il se réjouissait de faire depuis Nauvoo, et il
révisa l’organisation de l’Église à
tous les niveaux, mettant pour la première fois en forme des
pratiques qui allaient caractériser l’Église
pendant près d’un siècle.
Brigham
était un homme bien bâti et trapu (les dernières
années corpulent) d’un mètre soixante-quinze,
légèrement plus grand que la moyenne pour son temps. Il
y avait très peu de gris dans ses cheveux brun clair. Les
visiteurs remarquaient ses yeux bleu-gris perçants bordés
de sourcils minces. S’il finit par porter la barbe, Brigham
resta glabre jusque dans les années 1850, quand il commença
à porter des favoris jusqu’au menton. Sa bouche et son
menton étaient fermes, annonçant, pensaient les
visiteurs, sa volonté de fer. Il était généralement
posé et calme, mais il pouvait tonner du haut de la chaire.
Parfois appelé le « Lion du Seigneur »,
il pouvait également rugir quand on l’irritait.
Les
manières de Brigham Young étaient plaisantes et
courtoises. Ses habits, généralement soignés et
simples, étaient souvent de fabrication domestique. Il
combinait une énergie et une assurance vibrantes avec de la
déférence pour les sentiments des autres et avec une
absence complète de prétention. Lorsqu’il mourut,
il avait épousé vingt femmes, dont seize lui avaient
donné cinquante-sept enfants. Il mourut le 29 août 1877
d’une péritonite consécutive à une rupture
d’appendice.
Les
réalisations les plus manifestes de Brigham furent le produit
du talent qu’il eut toute sa vie de prendre des décisions
pratiques. Il institua des méthodes de gouvernement de
l’Église qui persistent à ce jour. Quand il fit
traverser l’Iowa aux saints, il publia des instructions
détaillées qui furent suivies par les centaines de
convois qui traversèrent les plaines jusqu’à la
vallée du lac Salé au cours des années qui
suivirent. Dans le Grand Bassin, il dirigea l’organisation de
plusieurs centaines de colonies de saints, fonda plusieurs centaines
d’entreprises coopératives de vente au détail, de
vente en gros et de production et lança la construction
d’églises, de tabernacles et de temples. Tout en faisant
tout cela, il mena un combat ininterrompu avec le gouvernement des
États-Unis pour préserver le mode de vie propre aux
saints.
Mais
pour Brigham Young c’étaient là des moyens, pas
la fin. Sa priorité absolue était de bâtir sur la
base posée par Joseph Smith pour établir un empire dans
le désert où son peuple pourrait pratiquer l’Évangile
de Jésus-Christ dans la paix, améliorant de ce fait ses
perspectives dans cette vie et dans la prochaine. Il aimait le Grand
Bassin parce que sa rigueur et son isolement en faisaient l’endroit
idéal pour « faire des saints ».
Bibliographie
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Leonard J. Brigham Young : American Moses. New York,
1985.
Bringhurst, Newell G. Brigham Young and the Expanding
American Frontier. Boston, 1986.
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Richard F. et Karl D. Butler, Brigham Young : The New York
Years. Provo, Utah, 1982.
Walker,
Ronald W. et Ronald K. Esplin. « Brigham Himself : An
Autobiographical Recollection ». Journal of Mormon History
4, 1977, p. 19-34.