Les enseignements de Brigham Young



Hugh W. Nibley

 


Article tiré de l'Encyclopédie du mormonisme
(Macmillan Publishing Company, 1992)
Traduction : Marcel Kahne
Source : www.idumea.org
avec autorisation


 
En dirigeant les saints des derniers jours pendant plus de trente ans, Brigham Young n’a écrit que relativement peu, à l’exception de ses lettres, mais il a parlé fréquemment et sur de nombreux sujets. Il était constamment obligé de parler ex cathedra sur beaucoup de sujets relatifs à la vie dans ce monde et dans l’autre. Ses discours étaient vigoureux et directs, remplis d’un réalisme franc et de bon sens et beaucoup de ses discours étaient enregistrés en sténographie par des secrétaires. Outre ses réalisations pratiques et ses qualifications mécaniques, c’était un des hommes les plus discursifs et les plus lucides qui soient. C’était un homme qui avait subi l’épreuve du feu (par exemple, il fut littéralement chassé cinq fois de chez lui) et qui avait connu toutes les épreuves de la vie, depuis les allées du pouvoir jusqu’aux avant-postes les plus rudes de la civilisation. Il lui arrivait de dire des choses qui étonnaient ou même choquaient ceux qui avaient tendance à prendre pour doctrine tout ce qu’il disait, mais avec cette passion d’enseigner et d’apprendre des gens de la Nouvelle-Angleterre, il fonçait tête baissée.

Tous les commentateurs concèdent que Brigham Young a été l’un des dirigeants les plus capables et les plus dynamiques de l’histoire américaine. Il était l’un des hommes les plus pratiques de son époque, un réaliste, un homme qui avait la tête sur les épaules, qui était équilibré et plein de bon sens qui veillait à ce que les choses se fassent. Mais, pour lui, tout cela était secondaire. Ce qui était important, c’était que les gens sachent ce qu’ils faisaient et pourquoi. Ses ordres et ses recommandations s’accompagnaient d’explications complètes et convaincantes.

Ses enseignements commencent par la foi en Jésus-Christ : « Ma foi est placée dans le Seigneur Jésus-Christ, et ma connaissance, je l’ai reçue de lui » (JD 3:155). « Jésus est notre capitaine et notre dirigeant ; Jésus, le Sauveur du monde – le Christ en qui nous croyons » (JD 14:118). « Notre foi est placée dans le Fils de Dieu et par lui dans le Père, et le Saint-Esprit est leur ministre pour ramener des vérités à notre souvenir » (JD 6:98).

Brigham Young acquit une grande partie de sa connaissance de Jésus-Christ grâce à sa fréquentation constante du prophète Joseph Smith : « Ce que j’ai reçu du Seigneur, je l’ai reçu par Joseph Smith » (JD 6:279). Jusqu’à la fin de sa vie, Young témoigna que la mission de Joseph Smith avait été de rendre la connaissance du Christ à la terre. « J’aime sa doctrine, disait-il. J’ai envie de crier alléluia tout le temps quand je pense que j’ai un jour connu Joseph Smith, le prophète que le Seigneur a suscité et ordonné » (JD 13:216 ; 3:51). Ses derniers mots furent : « Joseph, Joseph, Joseph. »

Sur cette base, Brigham Young enseigna avec force la loi de la progression éternelle. Cette vie est une partie de l’éternité. La connaissance et la gloire éternelles doivent être obtenues et favorisées sur cette terre. L’amélioration, l’instruction, la formation, l’édification et l’épanouissement sont la joie de la vie : « Nous ne comptons pas cesser d’apprendre tandis que nous vivons sur terre ; et quand nous aurons traversé le voile, nous comptons continuer à apprendre » (JD 6:286). Et la progression éternelle mène à l’état divin : « Les fidèles deviendront des dieux, oui, les fils de Dieu » (JD 6:275).

Brigham Young était conscient de ce que beaucoup de gens n’étaient pas prêts à comprendre les mystères de Dieu et de l’état divin. « Je pourrais vous en dire beaucoup plus à ce sujet », dit-il en parlant du rôle d’Adam, mais il se ravisa en se rendant compte que le monde se méprendrait probablement sur son enseignement (JD 1:51).

Tous les descendants d’Adam (hommes, femmes et enfants) doivent travailler. « Quel est ce travail ? » demande Brigham. « L’amélioration de la condition humaine. Ce travail doit continuer jusqu’à ce que les gens qui vivent sur cette terre soient préparés à recevoir notre Seigneur à son arrivée » (JD 19:46).

Pour Brigham, l’amélioration signifiait « édifier dans la force et la stabilité, embellir, orner, réjouir et embaumer la Maison du Seigneur avec de beaux instruments de musique et de la belle mélodie » (MS 10:86). Plus spécifiquement, la manière par excellence dont l’homme peut laisser sa marque sur la face de la nature sans causer de dommages, c’est de planter. Le président Young conseillait constamment à son peuple de faire ce qui avait été commandé à Adam de faire dans le jardin d’Éden quand il cultivait le jardin et en prenait soin : Notre travail est « d’embellir la face de la terre jusqu’à ce qu’elle devienne comme le jardin d’Éden » (JD 1:345).

En prenant soin du monde, « Toutes les réalisations, toutes les grâces raffinées, toutes les réa¬lisations utiles dans les mathématiques, la musique et dans toutes les sciences et tous les arts appartiennent aux saints, et ils doivent pro¬fiter aussi vite que possible des trésors de connaissances que les sciences offrent à tous les étudiants diligents et persévérants, et c’est là notre devoir…. C’est le devoir des saints des derniers jours, selon la révélation, de donner à leurs enfants la meilleure éducation possible, tant dans les livres du monde que dans les révélations du Seigneur » (JD 10:224). « Si un Ancien nous fait un discours sur l'astronomie, la chimie ou la géologie, notre religion embrasse tout cela. Peu importe le sujet, du moment qu'il tend à améliorer l'esprit, à élever les sentiments et à agrandir les capacités. La vérité qui se trouve dans tous les arts et toutes les sciences fait partie de notre religion » (JD 2:93 - 94).

La fascination du président Young pour les choses de l’esprit allait jusqu’aux expériences de la vie de tous les jours. Le plaisir des sens est, disait-il, l’une de nos grandes bénédictions sur la terre et une source merveilleuse de plaisir.

Le destin de Brigham Young le conduisit dans l’aridité du désert de l’Ouest, mais il sentait une beauté spirituelle dans ce pays. « Vous débutez ici à nouveau, dit-il au peuple. Le sol, l’air, l’eau sont purs et sains. Ne permettez pas qu’ils soient souillés par la méchanceté. Efforcez-vous d’empêcher que les éléments soient contaminés par la conduite mauvaise et impure de ceux qui pervertissent l’intelligence que Dieu a accordée au genre humain » (JD 8:79). Pour Brigham, la propreté et la souillure morales et physiques sont aussi inséparables que l’esprit et le corps : « Faites en sorte que votre vallée reste pure, gardez nos villes aussi pures que vous le pouvez, gardez le cœur pur et travaillez régulièrement autant que vous le pouvez, mais pas au point de vous faire du mal. » (JD 8:80).

Brigham Young avait également une passion de Yankee pour l’économie, mais elle reposait sur le respect généreux de la valeur des choses matérielles, pas sur le désir mesquin de simplement les posséder. Quand il disait : « Autant que je sache, pendant ces trente dernières années, il ne m’est jamais arrivé de porter un manteau, un chapeau ou un vêtement quelconque, ou de posséder un cheval, un chariot, etc, sans demander au Seigneur si je l’ai mérité ou non – Est-ce que je vais porter ceci ? Est-ce que je peux l’utiliser ou pas ? » (JD 8:343), il exprimait le plus haut degré sollicitude et de responsabilité humaines.

Brigham Young parlait souvent de Sion et d’édifier le royaume de Dieu. Il utilisait le nom Sion pour décrire la situation idéale et avait constamment Sion à l’esprit : « Il ne manque pas une seule chose dans toutes les œuvres des mains de Dieu pour créer une Sion sur la terre lorsque le peuple décidera de la faire » (JD 9:283). Il se rendait bien compte que l’idéal de Sion allait à l’encontre des valeurs économiques contemporaines : « Beaucoup pensent que la possession d’or et d’argent leur donnera le bonheur… en cela ils se trompent » (JD 11:15). « Si, par des habitudes industrieuses et des transactions honora¬bles, vous obtenez des milliers ou des millions, peu ou beaucoup, vous avez le devoir d'utiliser, aussi judicieusement que vous le pouvez, tout ce qui est mis entre vos mains pour l'édification du royaume de Dieu sur la terre » (JD 4:29).

Sion devait être établie sur la base de la coopération : « La doctrine qui veut que nous nous unissions dans nos travaux temporels et œuvrions tous pour le bien de tous existe depuis le commencement, de toute éternité, et elle existera pour toujours et à jamais » (JD 17:117). En cela il n’y avait aucune place pour la discussion ou la controverse, encore moins pour la rancœur : « Chassez toute aigreur de votre cœur – toute colère, fureur, différends, convoitise et concupiscence et sanctifiez le Seigneur Dieu dans votre cœur, afin de jouir du Saint-Esprit » (JD 8:33).

Le contraste entre la lumière et les ténèbres était vif chez le président Young : « D’où vient le mal ? Il vient quand nous faisons du bien un mal. À propos des éléments de la création de Dieu, leur nature est aussi pure que les cieux, et nous la détruisons. Je voudrais que vous compreniez que le péché n’est pas un attribut de la nature de l’homme, mais une inversion des attributs que Dieu a placés en lui » (JD 10:251). Il reconnaît un agent conscient et actif dans la propagation du mal : « Satan n’a jamais possédé la terre ; il n’en a jamais fait la moindre particule ; son travail n’est pas de créer, mais de détruire » (JD 10:320).


La vraie stature de Brigham Young apparaît si l’on cherche à créer une liste de ses pairs. Il a emmené une bande de loqueteux appauvris, dépouillés de pratiquement tous leurs biens terrestres, dans un territoire inconnu. Ses critiques et ses biographes notent que l’homme était unique parmi les dirigeants de l’histoire moderne, car à lui tout seul, sans aucun soutien politique ni financier, il a créé de rien dans le désert une société ordonnée et travailleuse, n’ayant d’autre autorité que la prêtrise et la force spirituelle avec lesquelles il dispensait ses enseignements. Par des exhortations et des instructions constantes, il a uni son peuple et l’a inspiré à s’acquitter du mandat divin d’édifier le royaume de Dieu sur la terre.


Bibliographie



Le Journal of Discourses contient plus de 350 discours de Brigham Young. On trouvera un choix de passages organisés par sujet dans John A. Widtsoe, comp., Discours de Brigham Young, Salt Lake City, 1954.


Melville J. Keith. « The Reflections of Brigham Young on the Nature of Man and the State » BYU Studies 4, 1962, p. 255-267.


Melville J. Keith. “Brigham Young’s Ideal Society : The Kingdom of God” BYU Studies 5, 1962, p. 3-18.


Nibley, Hugh W. “Educating the Saints – A Brigham Young Mosaic” BYU Studies 11, automne 1970, p. 61-87.


Nibley, Hugh W. “Brigham Young on, the Environment” Dans To the Glory of God, dir. de publ. T. Madsen et C. Tate, p. 3-29. Salt Lake City, 1972.


Walker, Ronald W. “Brigham Young on the Social Order”, BYU Studies 28, été 1988, p. 37-52.