QUESTION : Quel est l'âge de la terre ?


RÉPONSE de John A. Widtsoe (1872-1952), président de l'université d'Utah de 1916 à 1921 et membre du Collège des Douze de 1921 à 1952


Note de la Rédaction : La réponse de frère Widtsoe date de 1950 et tient compte de l'avancée des connaissances scientifiques de cette époque. Précisons qu'il ne répond pas à la question de l'âge de l'homme, mais de celui de la terre, ce qui est très différent.

Voilà une question depuis longtemps étudiée et discutée. Il y a au moins trois réponses qui ont cours parmi les saints des derniers jours, lecteurs fidèles et respectueux de la Bible.

Dans le premier groupe, on croit que la terre a été créée en six jours, chacun de vingt-quatre heures. C'est-à-dire que la terre avait six jours lorsqu'Adam y fit son apparition. Cette vue s'appuie sur l'acceptation littérale de l'histoire de la création d'après la Genèse.

Selon cette croyance, il y eut une suite d'événements créateurs soudains, catastrophiques, pendant ce court intervalle, qui eurent pour résultat la création de la terre. Les catastrophistes soutiennent que le Seigneur peut, grâce à sa puissance divine, s'il le désire, former la terre ou plusieurs terres en très peu de temps. Ils citent aussi les paroles de Moïse, révélées au prophète Joseph Smith, qui se rapprochent beaucoup du passage de la Bible (Moïse 2:1-31).

Dans le deuxième groupe, on croit que chaque journée de création fut en réalité mille ans, et que, par conséquent la terre avait mille ans à l'apparition d'Adam.

Ceux qui défendent ce point de vue citent à l'appui les paroles de l'apôtre Pierre : « Un jour est pour le Seigneur comme mille ans, et mille ans sont comme un jour ». On cite aussi à l'appui de cette affirmation les paroles d'Abraham : « Et le Seigneur me dit, par l'urim et le thummim, que Kolob était à la manière du Seigneur, selon ses temps et ses saisons dans ses révolutions ; qu'une révolution était un jour pour le Seigneur, selon sa manière de compter, alors qu'elle était de mille ans selon le temps désigné pour l'astre sur lequel tu te tiens. C'est là le calcul du temps du Seigneur, selon le calcul de Kolob. » (Abraham 3:4)

Dans le troisième groupe, on croit que la création de la terre a occupé d'immenses étendues de temps non encore correctement établies par la révélation ni par la science, et que par conséquent la terre est très vieille.

À l'appui de ce point de vue, on avance les arguments suivants :

1. Il est admis que le Seigneur a le pouvoir d'accomplir son œuvre à sa manière et dans son temps. « Mais la nature et l'Écriture nous apprennent l'un et l'autre qu'il a plu au Seigneur d'œuvrer graduellement. Son dessein était de peupler la terre d'un grand nombre d'habitants, et cependant il n'a créé qu'un seul couple... C'est sa volonté que la terre possède une pleine connaissance de lui ; et cependant la diffusion de cette connaissance a été laissée aux efforts des hommes sous la forme d'une prédication graduelle. Donc, dans la nature, les arbres, les animaux, et les hommes ont de modestes commencements, et il leur faut beaucoup de temps pour arriver à la perfection. » (A. McCaul, « La Création d'après Moïse », p. 213 d'Aides à la foi)

2. Le mot de la Bible qu'on traduit par « jour » signifie en réalité dans l'original une longue période de temps. C'est ainsi d'ailleurs qu'on le prend dans certaines traductions. De plus, les trois premiers « jours » mentionnés dans la Genèse ne pouvaient pas être des jours tels que nous les entendons, car le soleil et la lune n'étaient pas encore dans le firmament. Enfin, le mot « jour » est souvent employé dans la Bible dans un sens général, comme « le jour du Seigneur », « le jour de la vengeance », « la nuit est presque écoulée, le jour approche ».

3. L'Écriture révélée à l'époque moderne au prophète Joseph Smith indique que le mot « jour » doit être compris comme « période de temps » ; car, dans la description que fait Abraham de la création, chaque acte de création est suivi de l'énoncé « ce fut le commencement de ce qu'ils appelèrent jour et nuit », jusqu'à « et ils comptèrent le sixième temps » (Abraham 4). Puis « Et les Dieux finirent, au septième temps » (Abraham 5:3).

4. La Genèse s'ouvre par la phrase : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ». Il est admis par toutes les personnes compétentes que le mot « commencement » a un sens vague : il peut signifier le temps qui précédait ou même l'éternité qui précédait, comme dans l'évangile selon saint Jean : « Avant que le monde fût ». À rapprocher du passage d'Alma : « Tout est comme un seul jour pour Dieu ; le temps n'est mesuré que pour les hommes ». Cela indique que notre mesure du temps, avec ses journées et ses heures, ne date que de l'existence de l'homme.

5. La manière lente d'opérer de la nature, telle que nous la révèle la science, a dû s'exercer pendant longtemps pour soulever les montagnes du fond des lacs et des mers, et pour creuser les vallées. Tout ce que nous savons par expérience montre qu'il a fallu des périodes beaucoup plus longues que six mille ans pour faire la terre telle que nous la voyons maintenant, ou telle qu'elle semble avoir été au cours de l'histoire.

6. Les découvertes récentes dans le champs de la radioactivité, nous fournissent une « horloge du temps », qui nous amène à considérer que la terre est plus vieille qu'on ne le croyait.

Ceux qui, pour les raisons que nous venons d'exposer, et d'autres, considérant que la terre est très vieille, ont essayé de calculer son âge. La méthode s'appuie toujours sur le même principe.

On examine, aussi exactement que possible, le temps qu'il faut pour des changements dont nous pouvons suivre le développement (au cours de plusieurs années). En comparant les modifications moyennes opérées sous nos yeux avec les effets produits au cours des siècles, on estime le temps qu'il a fallu pour ceux-ci depuis le commencement.

Une méthode déjà ancienne d'estimer le temps géologique consistait à considérer l'épaisseur maximum des stratifications sur la croûte terrestre et de déterminer la quantité de sédiment entraînée chaque année dans l'océan.

Les études géologiques indiquent que l'épaisseur des formations par stratification à la surface de la terre est d'au moins 120 000 mètres. Étant donné ce qu'est annuellement le dépôt de sédiment dans l'océan, il aurait fallu des millions d'années pour la formation des stratifications en question.

On admet qu'on ne peut indiquer par cette méthode que d'immenses périodes de temps, et non pas des nombres d'années.

Une méthode un peu plus précise s'attache à la proportion de sel dans l'océan. On admet qu'à l'origine les océans étaient de l'eau douce. Le chlorure de sodium (ou sel) que l'océan contient aujourd'hui était contenu dans les sédiments que les fleuves entraînent dans la mer. L'eau s'évapore sans cesse, puis se condense en pluie (l'opération se renouvelant continuellement) mais le sel, qui n'est pas volatile, reste pour accroître la salure de l'océan. On a fait l'estimation de la décharge annuelle des fleuves dans l'océan, du poids de matériaux qu'elle représente, et de la teneur en sel des sédiments. On a de même fait l'estimation de la quantité totale du sel des océans par le déversement annuel de sel par les fleuves, l'accumulation saline d'aujourd'hui. Par cette méthode (dont la précision, certes, laisse encore à désirer) il aurait fallu 330 millions d'années pour l'accumulation actuelle de sel dans les mers du globe. Selon ces données, la terre devrait avoir au moins cet âge.

La découverte de la radioactivité et du radium a fourni, d'une façon inattendue, un nouveau moyen de calculer les âges géologiques et l'âge de la terre.

L'élément appelé uranium est radioactif ; il émet spontanément, continuellement, et d'une façon uniforme des radiations. Au cours de ces émissions, il se transforme, passant par plusieurs phases, dont l'une est le radium, jusqu'à ce qu'il devienne plomb.

En d'autres termes, il y a des limites à l'existence de l'uranium, du radium et de divers autres corps. On a trouvé le moyen de mesurer le rythme d'usure de ces corps. La quantité de plomb ou de radium par rapport à l'uranium indiquera le temps qui s'est écoulé depuis la formation de l'uranium.

On s'est aperçu que l'âge de l'uranium, déterminé par la méthode ci-dessus, est moindre dans les roches récentes que dans les roches plus anciennes. C'est là une confirmation des études géologiques faites sur l'ancienneté relative des différentes roches. L'âge des roches les plus anciennes serait, d'après cette méthode, de 2000 millions d'années. Selon ces données, la terre devrait avoir au moins cet âge.

Il est curieux que les études faites par les méthodes modernes sur l'âge du système solaire donnent des résultats similaires, c'est-à-dire environ 2000 millions d'années. C'est un des chapitres les plus passionnants de la recherche moderne. Ceux qui admettent le grand âge de la terre, d'après les données scientifiques placent l'époque de la création à environ 2000 millions d'années avant notre siècle.

Chacun doit décider pour lui-même, à l'aide des données qu'il a en main, ce qui lui semble la solution la plus raisonnable pour l'âge de la terre : la création en six jours, la création en six mille ans, ou la formation et l'évolution de la terre en 2000 millions d'années.

Il importe ni à notre tranquillité d'esprit ni à notre salut celles de ces vues que nous choisissons. Nous avons présenté le problème et l'état de la question parce que ce que les saints des derniers jours doivent rechercher, avant tout, c'est la vérité.

(L'Étoile, septembre 1950, p. 2-4, 11)