QUESTION : Quelle est la
vision évangélique des arts ?
RÉPONSE de Spencer W.
Kimball, président de l’Église de 1973 à
1985 :
Dans le monde d’aujourd’hui
se sont levées des étoiles éclatantes dans le
théâtre, la musique, la littérature, la
sculpture, la peinture, les sciences et tous les domaines où
les hommes peuvent exceller. Pendant de longues années j’ai
imaginé les membres de l’Église accroissant
considérablement leur position déjà forte dans
le domaine de l’excellence jusqu’à ce que les yeux
du monde entier soient sur nous. Le président John Taylor a
fait cette prophétie en soulignant ses paroles par ces
directives :
« Notez bien ce que je
dis et écrivez-le et vous verrez si cela ne se réalise
pas. Vous verrez le jour où Sion sera loin en avant sur le
monde extérieur dans tout ce qui a trait à l’érudition
dans tous ses aspects tout comme nous le sommes aujourd’hui en
ce qui concerne les questions religieuses. Dieu attend de Sion
qu’elle devienne un sujet de louanges et de gloire pour toute
la terre de sorte que les rois entendant parler d'elle viendront
contempler sa gloire… » (discours prononcé le 20
septembre 1857 ; voir The Messenger, juillet 1953).
En ce qui concerne les
maîtres, il doit certainement y avoir dans l'Église
beaucoup de Wagner (Richard Wagner, 1813-1883) approchant de lui ou
encore à venir, des jeunes ayant l'amour des arts, un talent
excellent et le vif désir de créer. J'espère que
nous pourrons produire des hommes plus grands que ce compositeur
allemand, Wagner, mais moins excentriques, plus spirituels.
Qui d'entre nous na pas été
fasciné par Aïda, le Trouvère ou d'autres
chef-d’œuvres de Verdi (1813-1900) ? N'y aurait-il plus
jamais d'autre Verdi ni personne de supérieur à lui ?
Ne pourrions-nous pas trouver et former un Bach (1685-1750) à
qui la musique et en particulier la musique d’orgue et la
musique chorale doivent presque autant qu’une religion a son
fondateur, disent certains musiciens.
Nous prenons conscience de
tout notre potentiel si nous avons des rêves et des visions
d'avenir. Notre époque, notre temps, notre peuple, notre
génération doivent produire des artistes de ce genre.
Brigham Young a dit : «
Tout accomplissement, tout talent raffiné, toute réalisation
utile dans les mathématiques, la musique et toutes les
sciences et les arts appartiennent aux saints ». En parcourant
l’Église, j'ai été bien des fois ravi
d'entendre de merveilleuses voix. Je crois que tout au fond de la
gorge des saints fidèles d'aujourd'hui et de demain se
trouvent des qualités supérieures qui, si elles sont
admirablement formées, peuvent égaler ou surpasser ces
grands chanteurs d'aujourd'hui.
Les membres de l'Église
doivent être égaux ou supérieurs à
n'importe qui d'autre en capacités naturelles, en formation
étendue, ayant en plus le Saint-Esprit qui leur apporterait la
lumière et la vérité. Avec des centaines d' «
hommes de Dieu » et leurs associés ainsi bénis,
nous avons la base d'un groupe de gens talentueux de plus en plus
efficaces et dignes.
On a demandé à
un grand artiste laquelle de ses représentations avait été
la plus grande. Sa réponse : « La prochaine ». Si
nous recherchons la perfection - ce qu'il y a de mieux et de plus
grand - et ne nous contentons jamais de la médiocrité,
nous pouvons exceller. Dans le domaine de la composition et de
l'interprétation, pourquoi quelqu'un ne pourrait-il pas écrire
un oratorio plus grand que le Messie, de Haendel ? On na encore ni
composé ni représenté ce qu'il y avait de mieux.
On peut utiliser l'apparition du Christ aux Néphites comme
sujet d’un chef-d'œuvre plus grand. Nos artistes de
demain pourront écrire et chanter le retour spectaculaire du
Christ avec puissance et grande gloire sur la terre américaine
et l'installation du royaume de Dieu sur la terre dans notre
dispensation.
Aucun Haendel ni aucun autre
compositeur du passé, du présent ou de l’avenir
ne pourra jamais représenter suffisamment ce grand événement.
Comment pourrait-on jamais décrire par la parole et la musique
les gloires de la venue du Père et du Fils et du
rétablissement des doctrines, de la prêtrise et des
clefs s'il n'est un saint des derniers jours inspiré, instruit
de l'histoire, des doctrines et des révélations et
ayant une capacité et une formation musicales riches ?
George Bernard Shaw, le
dramaturge et critique irlandais (1856-1950), a donné une
approche de la vie en ces termes : « Certains voient les choses
et disent : ‘Pourquoi ?’ En ce qui me concerne, je rêve
de choses qui n'existent pas et je dis : ‘Pourquoi pas ?‘
Notre monde a tant besoin de gens qui rêvent de choses qui
n'existent pas et qui demandent : ‘Pourquoi pas ?‘ »
Et Niccolo Paganini, le
violoniste italien (1782-1840) ! Pourquoi ne pouvons-nous pas
découvrir, former et présenter beaucoup de Paganini et
d'autres artistes aussi grands ? Et ne présenterons-nous pas
au monde musical un pianiste capable d’exceller la puissance
étonnante d'exécution, la noblesse de sentiment du
célèbre pianiste et compositeur hongrois Liszt
(1811-1886) ? Nous avons déjà eu des artistes de talent
au piano, mais j'ai l'espoir secret de vivre assez longtemps pour
entendre et voir au piano un plus grand artiste que Paderewski, homme
d'État, compositeur et pianiste polonais (1860-1941).
Assurément, tous les Paderewski ne sont pas nés en
Pologne au siècle dernier ; tous les gens de talent ayant une
originalité créatrice aussi éminente, ayant une
puissance nerveuse aussi grande et un aspect aussi romantique ne se
sont pas limités à un seul corps et à deux mains
! Il est certain que ce célèbre pianiste, à la
carrière ardue et brillante, n'a pas été le
dernier de ce genre d'homme à naître !
Mais alors nous demandons :
« Pourra-t-il jamais y avoir un second Michel-Ange ? »
Son David à Florence et son Moïse à Rome suscitent
l'admiration la plus fervente. Tous ces talents furent-ils épuisés
en ce siècle lointain ? Ne pourrions-nous pas trouver un
talent vivant comme celui-ci, mais avec une âme dépourvue
d'immoralité, de sensualité et d'intolérance ?
On a dit que beaucoup de
grands artistes étaient des pervertis ou des gens immoraux et
dégénérés. En dépit de leur
immoralité, ils sont devenus des artistes grands et célèbres.
Quel serait le résultat si on découvrait un même
talent chez des hommes purs et exempts de vices et ayant ainsi droit
aux révélations ?
Puis il y a Shakespeare
(1564-1616). Tout le monde cite Shakespeare. Ce poète et
dramaturge anglais a été prodigieux dans ses
productions. Son Hamlet, son Othello, son Roi Lear, son Macbeth ne
sont que des préludes à la profusion de ses
productions. Y a-t-il qui que ce soit d'autre qui ait eu des talents
aussi variés, qui ait eu autant de talent, ait été
aussi remarquable dans son art ? Et cependant le monde n'a-t-il
produit qu'un seul Shakespeare ?
Comme notre monde a besoin
d'hommes d'État ! Et nous demandons de nouveau avec George
Bernard Shaw : « Pourquoi pas ? » Nous avons la matière
première, nous avons les facilités, nous pouvons
exceller dans la formation. Nous avons le climat spirituel. Nous
devons former des hommes d'État et pas des démagogues,
des hommes intègres et non pas des faibles qui vendent leur
droit d'aînesse pour un plat de lentilles. Nous devons
développer ces précieux jeunes que sont les nôtres
pour qu'ils connaissent l'art d'être des hommes d'État,
connaissent les gens et les conditions, connaissent les situations et
les problèmes, mais aussi des hommes qui seront formés
d'une manière si approfondie dans l'art de leur œuvre
future et dans les principes fondamentaux de l'intégrité,
de l'honnêteté et de la spiritualité, qu'il n'y
aura aucun compromis dans les principes.
Il y a des années que
j'attends que quelqu'un représente valablement dans la
musique, l'histoire, la peinture et la sculpture l'histoire du
rétablissement du royaume de Dieu sur la terre, les luttes et
les contrariétés, les apostasies, les révolutions
et les contre-révolutions intérieures de ces premières
décades, l'exode, les contre-réactions, les
transitions, l'époque des persécutions, ce miracle
vivant qu'était Joseph Smith et à propos de qui nous
chantons « Il vit Élohim lui-même, à sa
droite Jésus-Christ » (Cantiques, n° 14) et le géant
qu'était Brigham Young, colonisateur et bâtisseur.
Nous sommes fiers de
l'héritage artistique que l'Église nous a donné
depuis son début même, mais l'histoire complète
du mormonisme n’a encore jamais été ni écrite,
ni peinte, ni sculptée, ni dite. Il faut encore que des cœurs
inspirés et des doigts talentueux se révèlent.
Il faut que ce soient des membres fidèles, inspirés et
engagés de l’Église qui donnent de la vie, du
sentiment et une vraie perspective à un sujet aussi important.
Ces chef-d'œuvres devraient passer pendant des mois dans chaque
cinéma, couvrir toutes les parties du globe dans la langue des
spectateurs, être écrits par de grands artistes,
purifiés par les meilleurs critiques.
Avec l’inspiration du
ciel, nos écrivains, nos spécialistes du cinéma,
devraient pouvoir produire demain un chef-d'œuvre qui vivra
éternellement. Notre propre talent rempli du dynamisme d'une
cause pourrait introduire dans une telle histoire la vie, les
battements de cœur, les émotions, l’amour, le
drame, la souffrance, la peur, le courage ; et ils pourraient y
mettre le grand chef, le grand Moïse moderne qui conduisit un
peuple plus loin que de l'Égypte à Jéricho, qui
connut des miracles aussi grands que le rocher d'Horeb, la manne dans
le désert, les raisins géants, la pluie quand elle
était nécessaire, les batailles remportées
malgré l'infériorité des forces.
Prenez un Nicodème et
mettez en lui l’esprit de Joseph Smith, qu’est-ce que
vous avez ? Prenez un de Vinci ou un Michel-Ange ou un Shakespeare et
donnez-lui une connaissance totale du plan du salut de Dieu et des
révélations personnelles et purifiez-le et ensuite
jetez un coup d'œil sur les statues qu'il gravera et les
peintures murales qu'il peindra et les chef-d'œuvres qu'il
produira. Prenez un Haendel avec son effort concerté, son
talent superbe, son désir fervent de dépeindre
convenablement l'histoire et donnez-lui la vision intérieure
de toute l’histoire véridique et de toute la révélation
: quel maître vous aurez !
Nous devons nous rendre
compte que l’excellence et la qualité sont le reflet de
ce que nous ressentons à propos de nous-mêmes, de la vie
et de Dieu. Si nous ne nous préoccupons pas beaucoup de ces
choses fondamentales, cette insouciance se transmet dans le travail
que nous accomplissons et notre travail devient pauvre et mal fait.
Le véritable
artisanat, quel que soit le talent utilisé, est le reflet d'un
engagement réel, et l’engagement réel reflète
notre attitude vis-à-vis de nous-mêmes, de nos
semblables et de la vie.
(Tambuli, février
1978, p. 1 ; L’Étoile, mars 1978, p. 1)