Comment
lire un discours en public
Marcel
Kahne
Combien
de membres de l'Église ne lisent-ils pas leurs discours ?
Qu'observez-vous quand c'est le cas ? N'est-il pas vrai que l'on ne
fait guère attention à ce qu'ils disent ? Pourquoi cela
? Parce qu’il n'y a pas de contact visuel. Parce que le ton est
automatiquement « mort ». Il y a, dans le contact visuel,
un pouvoir extraordinaire. Que n'a-t-on pas déjà dit
sur le regard ! Que de puissance ne lui a-t-on pas déjà
attribuée !
Ne
fascine-t-on pas avec le regard ? N'a-t-on pas parlé du «
mauvais œil » ? Le regard de quelqu'un ne vous
fouille-t-il pas jusqu'au tréfonds de votre âme ? Ne
symbolise-t-il pas le remords (Victor Hugo : « L’œil
regardait Caïn ») ? Le regard n'est-il pas le «
miroir de l'âme » ? Ne parle-t-on pas d'un regard
inquiétant ? Les yeux ne sont-ils pas tristes, rieurs ? Le
regard n'est-il pas méprisant, admiratif ? Il y a donc dans le
regard une espèce de pouvoir (réel ou imaginaire, peu
importe).
Cessez
de regarder quelqu'un, et le contact avec cette personne est rompu.
Regardez une personne dans les yeux tout en parlant, elle n'osera pas
ne pas faire attention à ce que vous dites. Regardez votre
auditoire. Cette règle s'accompagne d'un corollaire : Évitez
de lire, ou du moins de lire mal.
Imaginez
cette scène : Vous n’avez pas préparé
votre lecture. Vous bégayez, vous ne respectez pas la
ponctuation, vous recommencez. Comme vous avez le nez dans le texte,
le son qui sort de votre bouche va d'abord frapper les pages du texte
puis fait ricochet sur le plafond et les murs avant d'atteindre les
oreilles de l'auditoire. Il est donc indistinct. Et lorsqu'il
parvient aux oreilles des gens, il n'atteint pas leur cerveau, car
ils sont occupés à penser à autre chose.
Il
est donc très difficile de lire. C'est tout un art. Car il est
essentiel que le contact visuel ne soit pas interrompu. Si donc vous
ne pouvez pas respecter les règles qui suivent, laissez
purement et simplement tomber les citations, ou bien racontez-les.
1.
Sachez votre texte à moitié par cœur.
2.
Lisez-le avec « naturel », c'est-à-dire avec
sentiment, avec vie, en soulignant de la voix les mots importants.
3.
Lisez rapidement des yeux toute une phrase, de manière à
pouvoir la dire par cœur en regardant l'auditoire.
4.
Vous devez être assez habile pour ne pas devoir chercher
l'endroit où vous vous êtes arrêté. Il ne
doit pas y avoir de silence.
Telles
sont donc les qualités requises pour lire un discours en
public.
L'Étoile,
août 1965, p. 255