Comment
les parents peuvent-ils améliorer la communication avec leurs
adolescents ?
William
G. Dyer
1.
Ouvrir les canaux de communication
Premièrement,
les parents doivent se souvenir qu’il est rare que les enfants
lancent la discussion sur des sujets qui les préoccupent puis
demandent conseil à leurs parents. J’ai demandé
aux parents d'adolescents de ma paroisse combien d’entre eux,
quand ils étaient adolescents, étaient allés
trouver leurs parents pour discuter de problèmes. La plupart
d’entre eux ne l’avaient pas fait. J’ai demandé
pourquoi. J’ai obtenu les réponses suivantes : «
J’avais peur que ça me gêne et que ça gêne
mes parents. » « Je ne croyais pas qu’ils
comprendraient. » « Ils m’auraient dit que je
m’inquiétais trop, ou que tout allait finir par
s’arranger. »
Un
père de famille m’a dit qu’il avait demandé
à son fils adolescent : « Pourquoi est-ce que tu ne
viens jamais me parler de tes problèmes ? » Son fils lui
avait répondu : « Est-ce que tu discutais de tes
problèmes avec ton père ? » L’homme avait
répondu : « Non ». Son fils lui avait dit : «
Les choses n’ont pas tellement changé depuis. »
Si
les adolescents ne viennent pas discuter des choses sérieuses
avec leurs parents, qu’est-ce que peuvent faire ces derniers ?
Une
stratégie répandue consiste à faire «
s'ouvrir » les jeunes. Cela aboutit généralement
à des questions que les jeunes interprètent comme de
l’inquisition. « Pourquoi es-tu de mauvaise humeur
aujourd’hui ? » « Qu’est-ce qui s’est
passé à l’école aujourd’hui ? »
« Pourquoi est-ce que tu as eu une aussi mauvaise note à
ton contrôle ? »
Il
vaut mieux chercher l’occasion de faire part de vos expériences
avec votre fils ou votre fille. Même si les jeunes n’aiment
pas parler, généralement ils écoutent avec
intérêt si vous leur dites ce que vous éprouviez
quand vous ratiez un examen, que vous n’aviez personne avec qui
sortir, que vous n’aimiez pas votre prof de maths ou qu’on
ne vous invitait pas à une soirée. Racontez et échangez
; donnez-leur la possibilité de vous connaître et
d’apprendre ce qu’ils voudront de vos expériences.
Deux
mères de famille de ma paroisse ont essayé, avec des
résultats quelque peu différents.
L’une
d’elles savait que son fils était très déçu
parce qu’il n’avait pas aussi bien réussi qu’il
le voulait un devoir scolaire et dans un spectacle musical où
il devait jouer d’un instrument de musique. Elle a trouvé
une occasion de lui raconter comme elle était malheureuse
quand elle avait une mauvaise note, et comme elle s’apitoyait
sur son sort ; mais elle avait fini par accepter le fait qu’elle
ne pouvait pas toujours être parfaite. Elle lui a dit qu’elle
savait qu’il avait probablement hérité d’une
partie de son perfectionnisme, et qu’elle espérait qu’il
réussirait mieux à assumer ses erreurs qu’elle
n’avait su le faire. Son fils l’a écoutée
avec intérêt et lui a dit plus tard : « Merci,
maman. Ça m’a beaucoup aidé. »
L’autre
mère a raconté qu'elle avait essayé de parler
avec son fils de quelques-unes de ses expériences
d’adolescente et de lui dire qu’il lui était
parfois arrivé de penser que ses parents et ses professeurs ne
comprenaient pas ce qu’elle traversait. Quand elle a eu fini,
son fils lui a demandé : « C’est tout ? »
Elle a répondu : « Oui », et il est parti sans
ajouter un mot. Elle a interprété sa réaction
comme un rejet et a eu l’impression que ce qu’elle lui
avait dit n’avait pas eu le moindre effet. Je pense, quant à
moi, qu’il a peut-être été plus touché
qu’elle ne s’en est rend u compte ; en tout cas, il a
écouté jusqu’à la fin et n’a pas
pris une attitude défensive, comme cela se produisait souvent
quand elle lui posait des questions ou le sermonnait.
L’écoute
est le deuxième volet de l’échange. La
communication implique toujours qu’une personne parle et que
l’autre écoute en essayant de comprendre. Les parents
ont souvent entendu parler d’essayer de saisir «
l’occasion d’instruire », ce moment fugace où
l’adolescent veut vraiment parler et veut être écouté
et compris. Quand ce moment se présente, il faut que les
parents se taisent et écoutent.
Il
n’est pas nécessaire d’être d’accord
pour comprendre. Les parents n'ont pas à être d’accord
avec un enfant qui déteste l’école, qui n’a
« jamais » d’amis ou qui ne peut supporter un frère
cadet. Il est possible d’écouter et de dire : « je
sais comme ça peut être énervant ». Quand
on se sent compris, il y a plus de chances pour qu'on s'ouvre à
d’autres façons de voir le monde, ou qu’on
envisage des solutions différentes face aux problèmes.
2.
Repousser les limites de la confiance
Au
cours de leurs contacts avec leurs parents au fil des années,
les adolescents établissent des limites de confiance, le degré
de confiance qu’ils ont que leurs parents pourront traiter
correctement des sujets présentés à la
discussion.
La
limite de confiance est influencée par les réponses de
l’adolescent à des questions telles que : Est-ce que je
peux être sûr que mes parents comprendront ? Est-ce que
je peux être sûr qu’ils ne prendront pas la chose
trop à cœur – qu’ils ne se mettront pas en
colère ni qu’ils se mettront à pleurer – ou
qu’ils ne refuseront pas de me répondre ? Est-ce que je
peux être sûr qu’ils ne tireront pas des
conclusions hâtives et ne prendront des mesures qui
m’embarrasseraient ? Est-ce que je peux être sûr
qu’ils seront disponibles quand j’aurai besoin d’eux,
et non quand ils voudront parler ?
Il
est important d’être conscient de tout ce que la
confiance apporte à l’amour. La plupart des parents et
des adolescents s’aiment. L’amour est donné à
l’autre personne (inconditionnellement, nous l’espérons)
du fait de ce qu’est l’autre personne, parent ou enfant.
Mais la confiance de l’enfant pour son père ou sa mère
grandit au fil d’années de contacts, à mesure que
l’enfant apprend que son père ou sa mère ne fera
rien pour manipuler ou humilier. Une communication ouverte a plus de
chances de s’instaurer quand l’amour est élargi
par la confiance.
Vous
parent, comment pouvez-vous repousser la limite de la confiance ? La
confiance a tendance à susciter la confiance. Quand un jeune
mérite qu’on lui fasse confiance, et que ses parents le
lui font savoir, il s’établit un lien entre eux.
Un
ami m’a raconté une expérience qu’il avait
eue avec son père plus de quarante ans auparavant, quand il
était adolescent. Mon ami faisait partie de l’équipe
de basket-ball du lycée d’une petite ville du Wyoming à
majorité sainte des derniers jours. Un soir, quelques-uns des
autres joueurs ont fait des bêtises. Plus tard, le père
de mon ami lui a dit : « C’est triste que ce soit arrivé.
Je sais que si tu avais été là, tu n’aurais
jamais permis que ça se produise. » Cette marque de
confiance a repoussé la limite de confiance de ce garçon
à l’égard de son père plus que toute autre
chose. Soudain il lui a été plus facile de parler avec
son père de sujets qui nécessitaient de la confiance.
Parfois,
les jeunes testent la limite de confiance avec leurs parents. Ils
peuvent par exemple faire part d'un souci réel ou hypothétique
pour voir comment leurs parents réagiront. Par exemple un fils
pourra dire : « Je connais un garçon d'une autre
paroisse qui envisage de ne pas aller en mission. Qu'est-ce que que
vous pensez que ses parents vont faire ? » La réaction
des parents du jeune qui pose la question conditionne ce que
deviendra la limite de confiance, si elle sera repoussée, si
elle restera la même ou si elle est rapprochée.
3.
Adopter une attitude de résolution de problèmes
C’est
une bonne idée d’adopter une attitude de résolution
de problème quand un adolescent teste la limite de confiance.
Si un adolescent dit : « Je ne crois pas que je vais suivre le
séminaire l’année prochaine », les parents
ont le choix entre plusieurs réactions. Ils peuvent dire de
manière autoritaire : « Si. Tu vas le faire ! »
Ils peuvent avoir une réaction émotive. Ils peuvent
argumenter. Ou bien ils peuvent essayer de résoudre le
problème, en disant : « Je sais que c’est une
décision difficile à prendre. Pourquoi est-ce que tu
veux arrêter le séminaire ? » Par cette attitude,
on essaie de rester équilibré émotionnellement,
de se concentrer sur la nature du problème, de voir quelles
sont les possibilités et laquelle d’entre elles est la
plus logique. L’adolescent peut ainsi apprendre à faire
confiance à ses parents pour résoudre un problème,
au lieu de craindre qu’ils n’en créent de plus
grands.
Dans
l’idéal, les parents instaureront une bonne
communication quand les enfants sont très jeunes. Les parents
peuvent commencer en racontant des histoires que les enfants aiment
entendre : comment papa et maman se sont connus et sont tombés
amoureux et ce qu’ils ont ressenti à la naissance de
chaque enfant ; les points forts et les réalisations de chaque
enfant ; les expériences missionnaires et les difficultés
de la famille. Ainsi, les parents prennent l’habitude de
raconter des expériences véridiques à leurs
enfants. Une fois cette habitude prise, cela ne semblera pas étrange
que les parents racontent leurs expériences quand les enfants
seront arrivés à l’adolescence.
Mais
à tout moment, et quelle qu’ait été la
relation jusque là, les parents peuvent commencer à
ouvrir les lignes de communication. Ils peuvent exprimer de la
confiance, quand la confiance a été méritée.
Ils peuvent raconter des expériences, sans interroger ni avoir
une attitude inquisitrice. Ils peuvent résoudre les problèmes
en compagnie de leurs enfants. Cela peut prendre du temps de réparer
des lignes de communication qui se sont rompues au cours des années,
mais si les parents sont disposés à essayer, disposés
à échanger et disposés à faire confiance,
il en découlera de grandes bénédictions.
(L'Étoile,
novembre 1995)