Qu'est-ce que la perfection ? Est-elle de ce monde ?
Russell M. Nelson
Nous pourrions mieux comprendre la perfection si nous la classions en deux catégories. La première ne se rapporterait qu’à cette vie : la perfection terrestre. La seconde catégorie pourrait se rapporter uniquement à l’au-delà : la perfection immortelle ou éternelle.
LA PERFECTION TERRESTRE
Dans cette vie, certains actes peuvent être améliorés. Un lanceur de base-ball peut envoyer une balle qui n’est pas rattrapée par le batteur et pour laquelle il n’y a pas de course. Un chirurgien peut effectuer une opération sans aucune erreur. Un musicien peut interpréter un morceau de musique sans faute. On peut également atteindre la perfection dans la ponctualité, dans le paiement de la dîme, dans l’observance de la Parole de sagesse, etc. L’effort énorme qui est requis pour atteindre cette maîtrise de soi est récompensé par un profond sentiment de satisfaction. Plus important, les accomplissements spirituels de la vie terrestre nous accompagnent dans l’éternité (voir D&A 130:18-19).
Jacques a donné un critère pratique pour mesurer la perfection terrestre. Il a dit : « Si quelqu’un ne bronche point en paroles, c’est un homme parfait » (Jacques 3:2). Les Écritures décrivent Noé, Seth et Job comme des hommes parfaits (voir Genèse 6:9 ; D&A 107:43 ; Job 1:1). Il ne fait aucun doute que l’on pourrait en dire autant d’un grand nombre de disciples fidèles de diverses dispensations. Alma a dit : « Il y en avait un nombre considérable, un nombre extrêmement considérable qui étaient purifiés » (Alma 13:12).
Cela ne signifie pas que ces gens n’avaient jamais commis d’erreur ou n’avaient jamais besoin d’être corrigés. Le processus de la perfection comprend des épreuves à surmonter et des phases de repentir qui peuvent s’avérer très pénibles (voir Hébreux 5:8). Le châtiment a sa place dans le processus de façonnage de la personnalité, car nous savons que « le Seigneur châtie celui qu’il aime » (Hébreux 12:6).
La perfection terrestre peut s’atteindre quand nous essayons d’accomplir chaque devoir, de suivre chaque loi et nous efforçons d’être aussi parfait dans notre domaine que notre Père céleste l’est dans le sien. Si nous faisons de notre mieux, le Seigneur nous bénira en fonction de nos actes et des désirs de notre cœur (voir D&A 137:9).
LA PERFECTION ÉTERNELLE
Cependant Jésus a demandé plus que la perfection terrestre. Quand il a dit : « Comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5:48), il a élevé notre vision au-dessus des limites de la vie terrestre. La perfection de notre Père céleste est éternelle. Ce fait mérite d’être considéré dans une optique beaucoup plus large.
Récemment, j’ai étudié les éditions anglaise et grecque du Nouveau Testament en me concentrant sur chaque utilisation du terme parfait et de ses dérivés. L’étude comparée des deux langues s’est avérée très intéressante puisque le grec était la langue originelle du Nouveau Testament. Dans Matthieu 5:48, le terme parfait a été traduit du grec teleios, qui signifie « complet ». Teleios est un adjectif dérivé du nom telos, qui signifie « fin ». La forme infinitive du verbe est teleiono, qui signifie « atteindre une fin éloignée, être complètement développé, consommer et finir ».
Notez bien que le mot ne sous-entend pas « liberté de l’erreur » ; il implique « atteindre un objectif éloigné ». En fait, quand les auteurs du Nouveau Testament en grec souhaitaient décrire la perfection du comportement, la précision ou l’excellence de l’effort humain, ils n’employaient pas une forme de teleios ; ils choisissaient des termes différents. Teleios ne nous est pas tout à fait étranger. De cette racine vient le préfixe télé- que nous utilisons tous les jours. Le téléphone signifie littéralement « parler à distance ». La télévision signifie « voir à distance ». Téléphoto signifie « lumière à distance », etc.
Avec cela à l’esprit, voyons une autre déclaration très importante du Seigneur, juste avant sa crucifixion, il a dit : « Le troisième jour, je serai rendu parfait » (Luc 13:32, version du roi Jacques). Imaginez un peu ! Le Seigneur sans péché, sans faute et déjà parfait selon nos critères mortels a proclamé que son propre état de perfection était encore à venir. Sa perfection éternelle devait suivre sa résurrection et sa réception de « tout pouvoir… donné dans le ciel et sur la terre » (Matthieu 28:18 ; voir aussi D&A 93:2-22).
La perfection que le Seigneur voit pour nous consiste en bien plus que des accomplissements sans erreur. C’est l’espérance éternelle telle qu’elle est exprimée par le Seigneur dans sa magnifique prière d’intercession à son Père : que nous puissions être rendus parfaits et capables de demeurer avec eux dans les éternités à venir (voir Jean 17:23-24).
L’œuvre et la gloire entières du Seigneur concernent l’immortalité et la vie éternelle de chaque être humain (voir Moïse 1:39). Il est venu ici-bas pour faire la volonté de son Père qui l’a envoyé (voir 3 Néphi 27:13). Sa responsabilité sacrée a été prévue avant la création (voir Moïse 4:1-2 ; 7:62 ; Abraham 3:22-28) et prédite par tous ses saints prophètes depuis que le début du monde (voir Actes 3:19-21). Le sacrifice expiatoire du Christ a accompli l’objectif tant attendu pour lequel il est venu ici-bas. Ses dernières paroles sur la croix du Calvaire faisaient allusion au parachèvement de sa tâche : l’expiation pour tout le genre humain. Puis il a dit : « Tout est accompli » (Jean 19:30 ; voir aussi D&A 19:19). Il n’est pas surprenant que le mot grec d’où est traduit « fini » soit teleios.
Le fait que Jésus ait atteint la perfection éternelle après sa résurrection est confirmé dans le Livre de Mormon. On y rapporte la visite du Seigneur ressuscité au peuple de l’Ancienne Amérique. Là il a répété l’injonction capitale citée précédemment mais en ajoutant quelque chose de très important. Il a dit : « Je voudrais que vous soyez parfaits, même comme moi, ou comme votre Père céleste est parfait » (3 Néphi 12:48). Cette fois, il s’est mentionné lui-même avec son Père comme personne rendue parfaite. Auparavant, il ne l’avait pas fait (voir Matthieu 5:48).
La résurrection est requise pour atteindre la perfection éternelle. Grâce au sacrifice expiatoire de Jésus-Christ, notre corps corruptible dans la condition mortelle, deviendra incorruptible. Notre forme physique, actuellement sujette à la maladie, à la mort et à la corruption, revêtira la gloire immortelle (voir Alma 11:45 ; D&A 76:64-70). Soutenu actuellement par le sang qui donne la vie (voir Lévitique 17:11) et subissant toujours l’effet du vieillissement, notre corps sera soutenu par l’esprit et deviendra immuable et dépassera les liens de la mort.
La perfection éternelle est réservée à ceux qui ont surmonté toutes choses et qui héritent de la plénitude du Père dans ses demeures célestes. La perfection consiste à acquérir la vie éternelle, le genre de vie que connaît Dieu.
ORDONNANCES ET ALLIANCES DU TEMPLE
Les Écritures indiquent d’autres conditions préalables importantes à la perfection éternelle. Elles mentionnent les ordonnances et les alliances du temple. Aucune personne responsable ne peut recevoir l’exaltation dans le royaume céleste sans les ordonnances du temple. Les dotations et les scellements sont pour notre perfection personnelle et sont assurées par notre fidélité. Cela est aussi exigé de nos ancêtres. Paul a enseigné que sans nous, ils ne peuvent être rendus parfaits (voir Hébreux 11:40). Dans ce verset encore, le terme grec traduit par parfait est teleios.
Dans la révélation des derniers jours, le Seigneur a été encore plus explicite. Son prophète a écrit : « Mes frères et sœurs tendrement aimés, laissez-moi vous assurer que ce sont là des principes à propos des morts et des vivants sur lesquels on ne peut pas passer à la légère, car ils ont trait à notre salut. Car leur salut est nécessaire et essentiel à notre salut… Sans nous ils ne peuvent être rendus parfaits et nous ne pourrons pas non plus être rendus parfaits sans nos morts. » (D&A 128:15)
ENCOURAGEMENT VENANT DE L'EXEMPLE DU SAUVEUR
Dans notre ascension vers la perfection, nous sommes aidés par les encouragements des Écritures. Elles renferment la promesse que nous deviendrons comme la Divinité. Jean, l’apôtre bien-aimé, a écrit : « [Nous devons être] appelés enfants de Dieu ! Lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est. Quiconque a cette espérance en lui se purifie, comme lui-même est pur » (1 Jean 3:1-3).
Nous sommes continuellement encouragés si nous suivons l’exemple de Jésus qui a enseigné : « Vous serez saints, car je suis saint » (Pierre 1:16 ; voir aussi Lévitique 11:44-45 ; 19:2 ; 20:26). Son espérance à notre sujet est claire comme de l’eau de roche ! Il a déclaré : « Quelle espèce d’hommes devez-vous être ? En vérité, je vous le dis, vous devez être tels que je le suis moi-même » (3 Néphi 27:27). Nous exprimons donc mieux notre manière d’adorer Jésus en suivant son exemple.
Si les gens n’arrivent pas à suivre Jésus, ce n’est jamais à cause du flou ou de la médiocrité de ses principes. Bien au contraire. Certains ont rejeté ses principes parce qu’ils les considéraient comme trop précis ou exagérément élevés. Cependant, si on les suit avec sérieux, ces principes élevés produisent une grande paix intérieure et une joie incomparable.
Personne ne peut se comparer à Jésus-Christ, et il n’y a pas d’exhortation qui dépasse son expression sublime d’espoir : « Je voudrais que vous soyez parfaits, même comme moi, ou comme votre Père céleste est parfait » (3 Néphi 12:48). Cette exhortation divine est en accord avec le fait que, en tant qu’enfants de parents célestes, nous avons la capacité de devenir comme eux, tout comme des enfants mortels peuvent devenir comme leurs parents mortels.
Le Seigneur a rétabli son Église pour nous aider à nous préparer à la perfection. Paul a dit que le Sauveur à placé dans l’Église des apôtres, des prophètes, des évangélistes « pour le perfectionnement des saints en vue de… l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ » (Éphésiens 4:12-13). L’homme fait décrit dans cette citation est la personne achevée – teleios – l’âme glorifiée !
Moroni a enseigné comment atteindre cet objectif glorieux. Son instruction est valable, quelle que soit l’époque, comme antidote contre la dépression et comme médicament pour atteindre la joie. Je répète son exhortation : « Venez au Christ, et soyez rendus parfaits en lui, et refusez-vous toute impiété… aimez Dieu de toutes vos forces, de toute votre âme et de tout votre esprit… [alors] vous serez parfaits dans le Christ… saints et sans tache » (Moroni 10:32-33).
En attendant, mes frères et sœurs, faisons de notre mieux pour nous améliorer chaque jour. Quand nos imperfections apparaissent, nous pouvons continuer d’essayer de les corriger. Nous pouvons faire preuve de plus d’esprit de pardon pour nos défauts et ceux de nos êtres chers. Nous pouvons trouver du réconfort et être patients.
Le Seigneur a enseigné : « Vous n’êtes pas capables de supporter actuellement la présence de Dieu ni le ministère d’anges ; c’est pourquoi persévérez avec patience, jusqu’à ce que vous soyez rendus parfaits » (D&A 67:13). Nous ne devons pas nous laisser effrayer si nos efforts pour atteindre la perfection nous semblent maintenant par trop pénibles et sans fin. La perfection est à la clé. Elle ne peut être complète qu’après la résurrection et seulement par l’intermédiaire du Seigneur. Elle est pour tous ceux qui l’aiment et qui gardent ses commandements. Elle inclut des trônes, des royaumes, des principautés, des pouvoirs et des dominations (voir D&A 132:19). Elle est le but pour lequel nous devons endurer. C’est la perfection éternelle que Dieu a en réserve pour chacun d’entre nous.
(Source : L'Étoile, janvier 1996, p. 98-101)