Comment expliquer la doctrine de
l’autorité de la prêtrise de Melchisédek à
partir de la Bible ?
James A. Carver
Les
gens qui critiquent notre doctrine sur l'autorité de la
prêtrise citent parfois deux Écritures, l'une dans
Matthieu, l'autre dans Hébreux. II est intéressant de
noter que les saints des derniers jours citent aussi ces deux
Écritures à l'appui de la doctrine. Heureusement,
cependant, nous avons l'apport de la révélation et nous
ne dépendons pas que de la Bible pour recevoir une
compréhension complète de cette doctrine-ci et
d'autres.
Le
premier passage, Matthieu 16:13-19, les catholiques l’ont cité
à l'appui de leur position qu'il y a une chaîne continue
d'autorité depuis l'apôtre Pierre jusqu'au pape actuel :
«
Jésus, arrivé sur le territoire de Césarée
de Philippe, posa cette question à ses disciples : Au dire des
gens, qui suis-je, moi, le Fils de l'homme ?… Simon Pierre
répondit : Tu es le Christ, le Fils de Dieu vivant. Jésus
reprit la parole et lui dit : Tu es heureux, Simon, fils de Jonas ;
car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé
cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis
que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon
Église, et que les portes du séjour des morts ne
prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du
royaume des cieux : Ce que tu lieras sur la terre sera lié
dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié
dans les cieux. »
Joseph
Smith a expliqué que la pierre sur laquelle l’Église
est bâtie est la révélation (voir Enseignements
du Prophète Joseph Smith, 1981, p. 221). Oui, la question
c'est celle de la révélation. Pierre savait, par la
révélation, que Jésus est le Christ : « Ce
ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé
cela, mais mon Père qui est dans les cieux. »
La
Bible aussi corrobore cette interprétation. Une analyse
textuelle de ce passage montre que si Simon Pierre détenait
les clefs du royaume, l’Église n'était pas pour
autant bâtie sur lui. Elle était bâtie plutôt
sur le Christ, la « pierre » de la révélation.
Le
texte grec montre bien que le mot « pierre » au verset 18
n'indique pas le nom Pierre. Le mot grec pour Pierre est petros, un
substantif masculin voulant dire une petite roche, un petit roc ou
rocher. Le mot grec pour pierre (de « sur cette pierre »)
est petra, un substantif féminin voulant dire roche de fond.
Ainsi, le texte grec dit : « Tu es Pierre [petros, petite
roche], et sur cette pierre [petra, roche de fond ou rocher] je
bâtirai mon Église. »
Qui
est donc cette petra, cette roche de fond ou ce rocher ? La réponse
est donnée dans 1 Corinthiens 10:1-4 : « Nos pères
ont tous été sous la nuée, ils ont tous passé
au travers de la mer, ils ont tous été baptisés
en Moïse dans la nuée et dans la mer, ils ont tous mangé
du même aliment spirituel, et ils ont tous bu le même
breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui
les suivait, et ce rocher était le Christ. »
Le
mot grec pour rocher dans le passage ci-dessus, comme dans le passage
de Matthieu, c'est petra (roche ou rocher de fond). II n 'y a aucun
doute que le Christ est le « rocher » sur lequel l’Église
devait être bâtie, plutôt que Pierre. D'ailleurs,
Paul a dit aux Corinthiens que « personne ne peut poser un
autre fondement que celui qui a été posé, à
savoir Jésus-Christ » (1 Corinthiens 3:11).
Mais
quelle est l’importance du rapport entre la roche de fond (le
rocher ou « fondement ») et la pierre que représente
le nom Pierre ? Et quel est le rôle de la révélation
dans ce rapport ?
Quand
Simon Pierre a été présenté à
Jésus, le Seigneur a changé son nom en « Céphas
– ce qui se traduit : Pierre » (Jean 1:42). Dans la
traduction de Joseph Smith, le prophète donne une
clarification en ajoutant un mot : « Céphas – ce
qui se traduit : un voyant, ou une pierre ».
La
raison pour laquelle Simon reçoit un nouveau nom n'est pas
évidente avant l'épisode qui a lieu sur le territoire
de Césarée de Philippe, citée plus haut. Bruce
R. McConkie explique : « En lui promettant les clefs du
royaume, notre Seigneur dit a Pierre que les portes du séjour
des morts ne prévaudront jamais contre le rocher de la
révélation, ou contre le principe de la révélation
donnée au voyant (Matthieu 16:18). Les voyants sont des
prophètes sélectionnés qui sont autorisés
à employer l'urim et le tummim et qui ont le pouvoir de
connaître le passé, le présent, et I'avenir. Nul
homme ne peut avoir de don plus grand (voir Mosiah 8:13-18) ».
(Doctrinal New Testament Commentary, 3 volumes. Salt Lake City,
Bookcraft, 1965-73, 1:33)
L’expérience
du mont de la Transfiguration est capitale pour le rôle que
Pierre allait jouer. Tout comme le mont était un rocher de
révélation, c'est par la révélation que
Pierre a su que Jésus était « le Christ, le Fils
de Dieu vivant ». Pierre, la petite pierre, allait devenir un «
voyant » qui recevrait la révélation de
Jésus-Christ, le grand rocher – le Rocher de la
révélation. II allait détenir les clefs du
royaume et représenter le Seigneur sur la terre. II allait
prendre soin des agneaux du Seigneur (voir Jean 21:15-17).
Jésus
n'a pas dit qu'il y aura toujours un voyant sur la terre pour détenir
les clefs du royaume, mais il a dit à Pierre que « les
portes du séjour des morts » ne prévaudraient pas
contre cette pierre (petra, la roche de fond, c'est-à-dire le
Rocher de la révélation). Bruce R. McConkie a écrit
: « Ici, Jésus dit à Pierre que les portes du
séjour des morts ne prévaudront jamais contre le rocher
de la révélation ; c'est-à-dire qu'aussi
longtemps que les saints vivent dans la justice de telle sorte qu'ils
peuvent recevoir la révélation des cieux, ils éviteront
de se trouver aux portes du séjour des morts, et l’Église
restera pure, sans tache, et à l’abri de tout mal. Mais
si la révélation cesse à cause de l’iniquité,
alors les portes de l’enfer prévaudront contre le peuple
» (Commentary, 1:389).
Les
catholiques n'acceptent pas le principe de la révélation
de nos jours. Ils ne considèrent pas les papes comme des «
voyants » qui reçoivent la révélation du
Rocher. Les protestants concluent que l’Église n'était
pas fondée sur Pierre, mais ils ne reconnaissent pas
l’importance du rôle que joue petros, le voyant qui
détient les clefs du royaume. Nous, les saints des derniers
jours, sommes bénis de pouvoir comprendre la signification
entière de cet événement biblique important. Le
président de l’Église est ce voyant dont nous
avons besoin de nos jours – un prophète, voyant et
révélateur.
Maintenant
passons au deuxième passage d'Écriture en question : le
septième chapitre des Hébreux. II est utilisé
par les protestants pour contester le besoin de la prêtrise
dans l’Église. Jésus seul, disent-ils, avait la
prêtrise de Melchisédek.
Quand
Martin Luther s'est rebellé contre le sacerdoce catholique, il
a développé la notion d'une « prêtrise des
croyants » et a enseigné que « nul homme n'a
besoin d'un prêtre pour servir de médiateur entre lui et
Dieu, excepté du Christ qui est le prêtre parfait pour
tous les hommes » (voir A Layman's Guide to Protestant
Theology, par William Hordern, New York, MacMillan Co., 1955, p.
29-30). L'essentiel de cette notion, selon Luther, est que seul le
Christ a le pouvoir d'exercer les fonctions du sacerdoce, les
fonctions de la prêtrise. Un chrétien, dit-il, n'a ni
besoin de prêtrise, ni de détenteur de prêtrise
pour être sauvé.
Dans
son épître aux Hébreux, Paul mentionne la
prêtrise de Melchisédek en sachant que ses lecteurs en
connaissent déjà la fonction. Le but de son épître
est de démontrer la supériorité de la loi de
l'Évangile et l'infériorité de la loi mosaïque.
Au chapitre sept, il nous montre que la prêtrise de
Melchisédek, qui administre la loi supérieure, est par
là supérieure à la Prêtrise d'Aaron ou
prêtrise lévitique, qui administre la loi inférieure.
II
y a beaucoup de concepts intéressants sur la prêtrise
dans ce chapitre, tels que : la perfection vient par la prêtrise
de Melchisédek (versets 11-12) ; la prêtrise de
Melchisédek n'est pas limitée à une seule lignée
familiale (v. 13-15) ; la prêtrise est éternelle (v.
16-17) ; la prêtrise est reçue par serment et alliance
(v. 20-21) ; et la prêtrise du Christ est en usage
éternellement (v. 27-28).
Ce
chapitre pourrait passer pour une typologie, avec Melchisédek,
le grand-prêtre, comme un « type » du Christ –
et l'ordre de la prêtrise détenue par Melchisédek
et son peuple comme typique de l'ordre de la prêtrise détenue
par Jésus-Christ et ses disciples.
Le
verset 24 est peut-être le verset le plus mal compris, et à
cause de cela il est celui qui a causé le plus de débats.
La confusion réside dans la traduction du mot grec aparabaton
qu'on a rendu par non transmissible : « Mais lui [Jésus],
parce qu'il demeure éternellement, possède le sacerdoce
non transmissible. » Cela correspond à la thèse
de Luther qui maintient que l'administration de ce sacerdoce ou de
cette prêtrise n'appartient qu'au Christ, que sa prêtrise
n'a pas été transmise à d'autres, et qu'elle
n'est donc pas nécessaire dans l'Église. Pourtant, bien
qu'il n'y ait rien dans l'usage de l'ancien grec ou dans le contexte
du chapitre pour justifier une telle interprétation, bon
nombre de commentaires et de lexiques bibliques ont été
donnés pour essayer de démontrer l'exactitude de cette
traduction.
Non
transmissible est donc passé pour la traduction du grec
aparabaton. On a étudié l'usage de ce mot en grec
ancien pendant des années et aucun érudit que je
connaisse n'est jamais parvenu à trouver un exemple valable
d'usage de ce mot voulant dire « non transmissible ». En
revanche, il y a de nombreuses traductions où le mot
aparabaton est rendu par « immuable ». Et d’après
l'usage du mot en grec ancien, c’est la traduction la plus
correcte [en français, seuls Ostervald, Segond et Darby
traduisent ce terme par « intransmissible », tous les
autres le traduisent différemment, notamment par «
immuable », « permanent », « perpétuel
», « éternel » ou encore « inaliénable
», ndlr]
Le
Theological Dictionary of the New Testatment, de Kittel dit : «
Il faut garder la traduction ‘immuable’ d'autant plus que
le sens actif ‘non transmissible’ ne se trouve nulle part
attesté. » (Grand Rapids, Michigan, Wm. B. Eerdmans
Publishing Company, 1967, p. 743)
Dans
The Vocabulary of the Greek Testament, de Moulton et Milligan, un
lexique d'usage attesté, on lit : « L'emploi technique,
comparé au littéraire récent, donne poids à
l'argument contre la traduction ’non transmissible’. »
(Grand Rapids, Michigan, Wm. B. Eerdmans Publishing Company, 1982, p.
53)
Le
contexte du chapitre dans Hébreux admet facilement la
traduction « immuable », mais n'admet pas du tout l'idée
de « non transmissible ». L'auteur commence le chapitre
sept en soulignant la nature éternelle de la prêtrise.
Melchisédek « demeure sacrificateur à perpétuité
» (v. 3) ; il est toujours « vivant » (v. 8) ; un
autre sacrificateur « l'est devenu par la puissance d'une vie
impérissable » (v. 16) ; « Tu es sacrificateur
pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédek »
(v. 17, 21) ; « mais lui [Jésus], parce qu'il demeure
éternellement, possède le sacerdoce immuable »
(v. 24).
II
n 'y a rien dans le contexte qui suggère que le sacerdoce, la
prêtrise est « non transmissible ». Le contexte
indique que la prêtrise est éternelle, c'est-à-dire
qu'elle ne peut pas être enlevée, sauf s'il y a
transgression. Dans un sens, on ne peut donner la prêtrise que
l’on possède à quelqu'un d'autre ; elle est a
soi, immuable ou éternelle. Mais cela ne veut pas dire qu'on
ne peut la conférer à quelqu'un d'autre si on a
l'autorisation de le faire.
La
prêtrise est apparemment organisée selon un «
ordre ». Le Christ est un sacrificateur « selon l'ordre
de Melchisédek » (v. 21). Le fait que Melchisédek
faisait partie de cet « ordre » indique que le Christ
n'était pas le seul qui détenait la prêtrise. Car
si le Christ était le seul, pourquoi y aurait-il un «
ordre » ?
Les
Pères de l’Église de la période précédant
le concile de Nicée corroborent ces conclusions. Ignace,
évêque d'Antioche, mort en 135 après
Jésus-Christ, a déclaré que « la prêtrise
est le plus haut point de tout ce qu'il peut y avoir de bon chez
l'homme ; l'homme qui serait assez insensé pour vouloir lutter
contre cette prêtrise déshonore non pas l'homme, mais
Dieu, et le Christ Jésus, le Premier-né, et le seul
Grand-prêtre du Père par nature » (voir The
Ante-Nicene Fathers, par Alexander Robers et James Donaldson,
editeurs, en 10 volumes, Grand Rapids, Michigan, Wm. B. Eerdmans
Publishing Company, 1979, vol. 1, p. 90).
Ignace
dit bien que le Christ est le seul grand-prêtre du Père.
Mais il ne dit rien de ceux qui ont reçu la prêtrise de
Melchisedek – « la sainte prêtrise selon l'ordre du
Fils de Dieu » (D&A 107:3) – et qui sont ordonnés
grands-prêtres du Fils. II distingue aussi entre le droit
naturel (par nature) à la prêtrise, qui est le droit du
Christ, et l'ordination à la prêtrise, qui est la
manière de la recevoir réservée à
l'homme. Pour le Christ, c'est une prêtrise naturelle, mais
pour l'homme c'est « le plus haut point de tout ce qu'il y a de
bon chez l'homme » qu'il lui est possible d'atteindre.
Théophile,
un autre évêque d'Antioche (vers 168 av. J-C), dit en
parlant de Melchisedek : « Il y avait à ce temps-là
un roi digne qui s'appelait Melchisédek, à Salem, qui
est à présent Jérusalem. C'était le
premier de tous les prêtres du Dieu Très Haut… Et
depuis ce temps-là, il y a eu des prêtres sur toute la
terre » (voir The Ante-Nicene Fathers, vol. 2, p. 107).
Assurément, dans l'esprit de Théophile il y avait un «
ordre » de Melchisédek.
Dans
la Bible, on a perdu la connaissance d'un ordre de la prêtrise
de Melchisédek. Mais la révélation récente
a rétabli maintes vérités simples et précieuses
sur la prêtrise qui sont essentielles pour le salut et la vie
éternelle. La prêtrise est nécessaire. C'est la
puissance de Dieu qui mène à la perfection.
Notez
que nous n’avons pas mentionné tous les passages
bibliques qui se rapportent à la prêtrise, seulement
ceux qui sont généralement mal interprétés.
Source
: L’Étoile, octobre 1986, p. 24-25, 43